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La revue BCH | FPS Formation professionnelle suisse N o 04/2014 SwissSkills Berne 2014 Comment les candidates, les candidats, les experts et la direction du projet se préparent pour ce grand événement Ce que peut apporter une victoire aux Championnats des métiers

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La revue BCH | FPSFormation professionnelle suisseNo 04/2014

SwissSkills Berne 2014 ● Comment les candidates, les candidats, les experts et la direction du projet se préparent pour ce grand événement

● Ce que peut apporter une victoire aux Championnats des métiers

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Championnats des métiers – Installer une « culture de la perfor-mance » à l’école La tâche la plus importante des enseignants des écoles professionnelle n’est pas unique-ment de transmettre des connaissances et des compétences professionnelles. Il est tout aussi déterminant et exigeant de motiver les jeunes en formation et de les enthousiasmer pour les thèmes en lien avec le métier qu’ils ont choisi. Texte Christoph Thomann

L a motivation à fournir un effort et la volonté de réaliser de bonnes per-formances sont deux conditions

essentielles pour l’efficacité, la durabilité et la réussite d’un apprentissage. Auprès de certains jeunes, voire de classes entières, la disponibilité pour un tel enga-gement est absente et leur enseignant a le sentiment de se battre seul et sans résul-tats tangibles contre des moulins à vent. Dans un tel contexte, les apprentis très doués, auxquels tout réussi, qui s’ennuient et qui montrent qu’ils n’ont pas besoin d’apprendre, représentent un danger pour leurs camarades. S’ils occupent de plus une position de « meneurs » qui influencent toute la classe, le refus de fournir de réels efforts évolue rapidement en une « culture de la classe ». Cette situation permet certes aux plus doués de tirer leur épingle du jeu, alors que les apprentis plus faibles, qui auraient un urgent besoin d’apprendre en s’orientant sur de bonnes performances, en pâtissent et risquent de ne pas obtenir leur CFC. Et que dire de l’économie, qui perd ainsi des professionnels qualifiés ?

Réussir – un élément central Souvent, la raison de rechigner à tout effort est plus profonde. La motivation est

étroitement liée aux expériences de suc-cès, au savoir qu’un engagement peut aussi apporter un gain (personnel). Là où ces succès manquent, où n’existe même plus l’espoir qu’un effort soit récompensé, la motivation disparaît rapidement. Sou-vent, la scolarité de beaucoup de jeunes n’a pas été un parcours particulièrement semé de succès. A l’exception des mots d’encouragement des leurs parents et de notes acceptables, ils ne voient plus vrai-ment le bien-fondé (direct) des efforts d’apprentissage qu’ils ont fournis pendant de longues années.

Cette situation, frustrante au demeu-rant, se trouve encore renforcée dans notre société saturée de perfection (appa-rente). Quelles sont les prestations ou les performances que nos jeunes peuvent accomplir qui ne soient pas déjà appor-tées, mieux réalisées et/ou qui peuvent être achetées à moindre coût ? Il semble que tout puisse être atteint sans efforts et l’ensemble de la publicité – elle aussi – prône une vie d’aisance et de confort. Dans le passé, de longues heures de travail méticuleux étaient consacrées à la construction de modèles d’avions ou de bateaux, au tricot, à la couture. Aujourd’hui, tout peut être acheté à bon marché … et

même de meilleure qualité ! Alors pour-quoi s’échiner à faire des efforts ?

Un regard vers les pays où règne une véritable pauvreté nous montre une réa-lité bien différente. Dans ces pays, le fait de suivre une formation professionnelle est souvent la seule chance qui s’offre pour échapper à cette pauvreté sans nom et pour atteindre une vie meilleure. Dans ces écoles, la question de la motivation de leurs apprentis ne se pose pas aux ensei-gnants. Chacun porte en lui l’espoir de réussir, d’avoir du succès et se bat pour acquérir de bonnes connaissances et com-pétences professionnelles.

La valeur du travail Dans le cadre de la formation duale, dans celui de la production au sein de l’entre-prise formatrice, les jeunes découvrent souvent pour la première fois que leur tra-vail a un sens et qu’il a aussi une valeur (pécuniaire). Ils y rencontrent pour la pre-mière fois de l’estime pour leur travail productif et découvrent la fierté d’avoir atteint un bon résultat grâce à leur effort. C’est là que réside la force de la formation professionnelle et la motivation s’installe alors d’elle-même. Mais la volonté d’ac-complir un effort pour être performant

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Christoph Thomann, vice-président FPS

n’est malheureusement pas toujours pré-sente dans le quotidien de l’école, notam-ment lorsque la relation entre la théorie et la pratique n’est pas évidente. C’est en particulier dans ce domaine que les ensei-gnants sont confrontés à un défi.

Les championnats des métiers peuvent fournir un soutien dans cette optique. J’ai toujours à l’esprit une classe qui n’avait au départ que des mots dépré-ciatifs pour un championnat régional en informatique : « A quoi bon un tel effort … et de plus un samedi ? ». Lorsque j’ai pré-senté les résultats du championnat à la classe et annoncé que Pierre, comme je vais le nommer ici, avait eu d’excellents résultats et qu’il était invité à participer au Championnat suisse, l’ambiance dans la classe a immédiatement changé. Pierre est devenu leur héros et s’efforcer à réaliser de bonnes performances est devenu un sujet d’actualité pour ses camarades.

Une culture de la performance Utilisons les championnats régionaux et suisses pour (ré)installer une culture de la performance à l’école. Inscrivons la participation aux championnats régio-naux dans la tradition de l’école, comme une vitrine interne pour que les jeunes en formation puissent montrer le niveau des compétences professionnelles qu’ils ont acquises. Dans un esprit de saine concurrence, ils doivent faire l’expé-rience que l’effort consenti pour réaliser une bonne performance est positif est satisfaisant. Il est essentiel que les tâches qui leur sont demandées soient orientées sur la pratique et répondent aux exi-gences de base du métier. Il est alors chaque fois surprenant de constater de quelles performances les jeunes en for-mation sont véritablement capables lorsqu’ils se laissent enthousiasmer pour quelque chose. n

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Karin Bischoff : l’ancienne championne suisse et du monde de création de vêtements est aujourd’hui à la tête de sa propre entreprise

Une médaille – plus que de l’or ! En quoi le fait d’être bien placé lors d’un championnat des métiers peut-il par la suite être utile pour la vie professionnelle ? L’exemple de Karin Bischoff le montre : une victoire peut tout changer. Pour cette créatrice de vêtements, ses premières places au Championnat suisse et à l’Olympiade des métiers il y a bientôt vingt ans ont été déterminantes pour la création de son entreprise. Texte Lucia Theiler

K arin Bischoff a réussi ! Son entre-prise, l’atelier de couture « Die Manufaktur GmbH », qu’elle dirige

avec sa partenaire Kathrin Baumberger, est une des premières adresses à Saint-Gall et à Zurich pour des vêtements de haute couture. Elle emploie deux collabo-ratrices, forme deux apprenties, est appe-lée comme experte aux Olympiades des métiers (WorldSkills) et elle siégera cette année dans le jury du Championnat mon-dial à Taiwan. Pour faire une telle carrière, il faut bien sûr du talent, mais cela ne suf-fit pas. Ce succès est aussi le résultat de beaucoup de travail et de ténacité. Et sans aucun doute de la première place de Karin Bischoff aux SwissSkills de 1996 et aux WorldSkills de 1997 à Saint-Gall. « Sans ma médaille d’or en 1997, je n’aurai pro-bablement pas osé me mettre à mon

compte », nous dit-elle. Cette victoire lui a donné confiance en elle et confirmé qu’elle était sur la bonne voie.

Il lui a quand même fallu près de dix ans dix ans avant de créer sa propre entre-prise. Après sa formation comme créatrice de vêtements et avoir acquis une expé-rience professionnelle à Genève et à Zurich, Karin Bischoff a suivi le cursus de l’Ecole supérieure du textile à Wattwil. « J’en avais un peu assez de la couture et envie d’apprendre de nouvelles choses », nous confie-t-elle. A la fin de ses études de logistique textile, elle a rejoint l’entreprise familiale, Bischoff Textil SA, une des manufactures de dentelles les plus renom-mées sur le plan international. Pendant ses années dans l’entreprise, Karin Bischoff a fait un stage aux Etats-Unis avant de se voir confier des responsabili-

tés dans divers secteurs de la maison-mère à Saint-Gall et dans les succursales en Thaïlande.

Le temps était venu A la suite de changements au sein de l’entreprise familiale, le temps était venu pour Karin Bischoff de créer son propre atelier. « De très nombreuses personnes se souvenaient encore de moi et du Mon-dial des métiers. Pour Saint-Gall, les WorldSkills 97 ont été un grand événe-ment, qui a attiré beaucoup de public ». Les médias se sont aussi très largement intéressés à ce championnat et à la vic-toire de Karin Bischoff. « Aujourd’hui, on prépare les participants à « affronter » les médias alors qu’à l’époque, je me suis re-trouvée face à une caméra de télévision et à devoir donner des interviews sans y être

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préparée ! ». La médaille d’or gagnée par Karin en 1997 a aussi contribué à la pub-licité (gratuite) que lui a fait la presse lors de l’ouverture de son atelier : une an-cienne lauréate de l’Olympiade des métiers qui créé son entreprise a été le sujet de nombreux articles dans la presse.

Au début, Karin Bischoff travaillait à la maison, puis s’est installée dans un centre pour jeunes entrepreneurs. Grâce à un carnet de commande bien rempli, elle a pu, après une année, engager une colla-boratrice à temps partiel, puis une appren-tie. Avec d’autres professionnels du design, des textiles et de la création de vêtements, elle a ensuite créé la Manufaktur GmbH. En plus de vêtements de haute couture et de confection sur mesure, l’atelier réalise sa propre collection, dessine et produit aussi des vêtements pour des entreprises et des groupes (Corporate Fashion).

La spécialité de Karin Bischoff est de créer des vêtements pour dames, indivi-duels et sur mesure en fonction des sou-haits de ses clientes. Depuis quelques années, la Manufaktur a aussi une clien-tèle masculine. « Les hommes sont des ‹récidivistes› : une fois découverts les cos-tumes sur mesure, ils y reviennent tou-jours ! », nous dit Karin Bischoff, qui parle d’expérience.

Une des passions de la Manufaktur, ce sont les costumes de théâtre, même si ce secteur d’activité n’est pas toujours ren-table. « Il faut trouver un équilibre. Il y a des choses que nous pouvons faire par plaisir, d’autres qui doivent être plus lucratives … », nous dit-elle.

Experte et coachDévelopper une stratégie et une tactique – ces deux éléments sont aussi importants pour réussir les épreuves d’un champion-nat des métiers. « En 1997, l’épreuve con-sistait à réaliser une robe et une veste avec un patron remis le jour même », se souvient Karin Bischoff. Elle estime ne pas avoir

seulement gagné grâce à ses excellentes compétences de couturière, mais aussi à la bonne planification de son travail et son exécution selon les critères fixés. « Un championnat, c’est très différent de ce qui se passe dans le travail au quotidien. Avant de se lancer dans l’épreuve, il faut bien étu-dier les critères d’évaluation et accorder un soin particulier à tout ce qui peut apporter des points ». Les jeunes professionnelles coachés par Karin avant les championnats apprennent cette tactique. « De plus, il faut aimer la compétition. Il faut savoir gérer la pression que cela représente », ajoute Karin Bischoff.

Son coaching des deux candidates qu’elle a accompagné jusqu’à présent a fait ses preuves : elles ont obtenu de l’or aux WorldSkills de Londres et du bronze à ceux de Leipzig. Sa collaboratrice, Nadja Hum-bel, championne du monde à Londres, par-ticipera cette année aux EuroSkills. « C’est la première fois que nous y prendrons part. Ce championnat européen est plutôt axé sur un travail d’équipe, sur la fabrication industrielle et la création d’une collection. Pour nous, le premier objectif est de déter-miner où nous en sommes dans ces domaines … et non de viser la meilleur place ! », indique Karin Bischoff.

En plus de sa fonction de coach, elle est aussi appelée comme experte. Pour les SwissSkills à Berne, elle a participé à l’éla-boration des épreuves et elle y assistera les membres du jury. n

Nadja Humbel (à droite): la collaboratrice de Karin Bischoff a été championne du monde à Londres et participe cette année aux EuroSkills

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« Le projet SwissSkills Berne 2014 a pris de l’ampleur »Michael Stocker est le chef du projet SwissSkills 2014 à Berne. Près de vingt personnes travaillent avec lui pour organiser ce premier Championnat suisse des métiers en septembre prochain. Pour son déroulement, des volontaires et des sponsors sont toujours les bienvenus ! Interview Renate Bühler

Comment devient-on chef de projet d’un événement tel que les SwissSkills Berne 2014 ? Avez-vous des liens avec la formation professionnelle ? « En fait, je le suis devenu un peu par hasard … un heureux hasard ! Avant, je m’occupais de manifestations organisées par BERNEXPO. En 2010, le canton de Berne nous a demandé si nous voulions préparer pour lui un dossier de candidature pour les SwissSkills 2014. Nous l’avons établi en commun avec le canton et des PME bernoises. Puis nous avons eu la chance de présenter notre projet au Conseil d’administration … et il a été accepté ! Cela signifie que depuis 2010, je m’engage totalement pour les SwissSkills Berne 2014, un projet qui me tient beaucoup à cœur. Oui, je connais la formation professionnelle duale, puisque j’ai moi-même fait un apprentissage. A la fin de ma sco-larité, je ne savais pas très bien quel métier choisir. J’ai fait plusieurs stages en entreprises, un comme cuisinier, un

autre comme mécanicien-outilleur, pour finalement me décider à faire un apprentissage de commerce dans le sec-teur des moulins. Ensuite, j’ai suivi diverses formations continues. »

Quels étaient vos concurrents pour l’organisation des SwissSkills 2014 ? « Un appel a été lancé dans toute la Suisse ; les cantons du Tessin, de Berne et de Bâle ont pu présenter leurs projets au Conseil d’administration. »

Combien de temps va durer votre engagement comme chef de projet ? Et qu’allez-vous faire une fois ce cham-pionnat terminé ? Pour l’instant, nous allons déjà le vivre (il rit). Ensuite, il faudra un peu de temps pour mettre un point final au pro-jet, probablement jusqu’en mars 2015. Il ne sera véritable-ment terminé qu’une fois tout remis en état, le rapport final approuvé par le SEFRI et tout réglé avec les sponsors. Je fais partie du personnel de BERNEXPO et je pars du principe d’y garder ma place et de pouvoir collaborer bientôt à d’autres projets intéressants. Mais une manifes-tation d’aussi grande envergure que SwissSkills Berne 2014, ça ne se voit pas tous les jours ! ».

On parle pourtant déjà d’une nouvelle édition des Swiss-Skills – peut-être en 2018. Ces plans sont-ils concrets ? « Nous serions bien sûr très heureux de pouvoir établir la marque « SwissSkills Berne », poursuivre et développer cet événement créé pour la première fois cette année sous cette forme. Une nouvelle édition dépendra de plusieurs facteurs : des visiteurs, du financement, de la satisfaction des associations professionnelles – qui font preuve d’un énorme engagement pour le championnat de cette année. Organiser un tel championnat toutes les années ou tous Michael Stocker, chef du projet SwissSkills Berne 2014

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les deux ans n’est pas possible au vu de l’effort que cela représente pour les associations professionnelles. Tous les trois ou quatre ans serait plus réaliste. En définitive, ce sont les bailleurs de fonds qui en décideront, c’est-à-dire principalement la Confédération et le SEFRI. »

Parlons d’argent. Le financement est-il assuré ? En mai, il vous manquait encore une somme assez considérable. « Ce projet doit être vu en fonction de son évolution : en 2010, on ne savait pas encore si les associations profes-sionnelles allaient vraiment nous suivre et nous sommes partis d’un budget de 13,3 millions. Ensuite, nous avons effectué une « étude de marché » et constaté que les asso-ciations étaient très intéressées à y participer. Puis nous leur avons envoyé notre documentation avec les formu-laires d’inscription. Aujourd’hui, nous avons pleinement atteint notre objectif : nous visions 60 associations profes-sionnelles, 63 ont répondu présentes, nous comptions avec 700 candidats, ils sont plus de 1000 et 134 métiers seront représentés, alors qu’à l’époque, nous en espérions 100. Cela signifie que ce projet de championnat a pris de l’am-pleur. Il nous faut donc plus de place : d’une surface de 60 000 m2 à l’origine, il est passé à 80 000 m2. C’est une très bonne nouvelle – mais demande aussi plus d’argent. La direction du projet dispose maintenant d’un budget de plus de 15 millions, montant qui se réparti comme suit : 60 % provient de la Confédération et du canton de Berne, 20 % des milieux de l’économie. Si l’on y ajoute l’effort réa-lisé par les associations professionnelles, on arrive à un montant oscillant entre 50 et 60 millions. « Nos » 15 mil-lions ne sont donc qu’une petite partie de la somme totale dépensée pour cet événement. Et oui, nous sommes tou-jours à la recherche de sponsors. Mais le financement de SwissKills 2014 est assuré. »

De combien d’argent avez-vous encore besoin ?« Pour l’instant, il nous manque encore 500 000 francs environ. Ce qui est important est que nous puissions d’ores et déjà dire que ce championnat aura lieu, et qu’il sera de bonne qualité. Les milieux de l’économie doivent encore trouver un peu plus de quatre millions auprès de sponsors, une somme extrêmement importante par les temps qui courent. 3,5 millions ont déjà été récoltés, ce qui montre bien que le système dual de formation profession-nelle est un thème de grande importance pour l’économie, un système qui pourrait encore être développé. D’ailleurs, les WorldSkills permettent régulièrement de mesurer les performances dont nos jeunes sont capables – puisqu’ils s’y retrouvent toujours parmi les premiers. Il n’empêche que nous devons continuer à nous développer pour ne pas être en perte de vitesse par rapport à d’autres pays tels que la Corée du Sud ou le Brésil, qui sont très forts. »

Parlons maintenant de l’organisation des SwissSkills Berne 2014 : combien de personnes travaillent avec vous pendant la phase de planification et de mise en place de cette manifestation de grande envergure ? Et comment gérer un projet d’une telle dimension ? « Nous avons élaboré et mis sur pied une structure de pro-jet divisée en domaines très précis. Le nombre des colla-

borateurs varie en fonction de l’avancée du projet. En ce moment, environ 20 personnes travaillent avec moi, dont 12 à temps complet. Le reste des travaux est assuré par des personnes à temps partiel et des spécialistes de l’extérieur. Les domaines créés concernent le marketing, l’accueil du public et l’organisation de visites guidées, la technique, la signalisation etc., bref, tout ce qu’il faut pour la réussite d’un tel événement. Et n’oublions pas la gastronomie, domaine qui doit obligatoirement être confié à des per-sonnes qui ont de l’expérience et qui savent gérer cet élé-ment très important. Nous n’avons qu’une seule chance de réussir, nous savons que d’éventuelles erreurs ne pourront plus être corrigées pendant les quatre jours du championnat. Il faut que tout marche bien dès le début. »

Sur votre site Internet, vous cherchez des volontaires prêts à s’engager pendant le championnat. Seront-ils rémunérés ? Et en avez-vous déjà trouvé suffisamment ? « Pour le bon déroulement du championnat, nous avons bien entendu besoin d’une grande équipe : soit de 250 à 300 volontaires, qui peuvent s’inscrire via notre site Inter-net. Toutes les personnes de plus de 18 ans sont les bien-venues – cet âge minimum est imposé par le droit du tra-vail. A ce jour, nous avons déjà reçu l’inscription de 220 volontaires prêts à nous aider et nous en attendons d’autres avec plaisir. Leur engagement ne sera pas rému-néré, mais nous leur fourniront gratuitement des vête-ments pour l’occasion ainsi que les repas. De plus, ils pourront faire de précieuses expériences en prenant part à un événement exceptionnel. »

Ces volontaires sont-ils surtout des étudiants ?« Non, ils viennent de tous les horizons : des enseignants, des retraités, des jeunes – l’éventail est très large. »

Vous attendez près de 200 000 visiteurs aux Swiss-Skills Berne 2014. Sur quelle base avez-vous calculé ce nombre ? « Lorsque nous avons préparé notre dossier de candida-ture en 2010 et que nous avons dû estimer le nombre potentiel de visiteurs, nous nous sommes basés sur l’expé-rience des WorldSkills 2003 à Saint-Gall. Pour une mani-festation nationale, 200 000 visiteurs devraient être pos-sibles. Ce chiffre est certes ambitieux, mais nous sommes convaincus de pouvoir y parvenir. »

A quels types de visiteurs vous attendez-vous ? Surtout des élèves du secondaire, à la découverte du monde pro-fessionnel ?« Pas seulement ! Nous avons divers publics cibles : d’une part, bien entendu, les élèves en fin de scolarité (de la 7e à la 9e année) et, d’autre part, les écoles professionnelles et, très important aussi, un large public, tous ceux qui s’intéressent aux métiers des artisans. Nous écrivons aux enseignants pour qu’ils viennent avec leurs classes, et nous invitons aussi les parents, dont le soutien est déter-minant pour la réussite de l’apprentissage de leurs enfants ! L’entrée au championnat, s’ils achètent leur billet avant le 31 août 2014, est gratuite. »

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Avez-vous aussi prévu un programme-cadre ? Que pro-posez-vous aux visiteurs en plus des compétitions pro-fessionnelles ? « La cérémonie d’ouverture du championnat aura lieu le 17 septembre 2014 à la Post Finance Arena. Nous y atten-dons de 6000 à 7000 personnes. Puis la partie la plus importante, les compétitions, commenceront le 18 sep-tembre. Pendant cette période, une « Maison SwissSkills » sera installée par la fondation SwissSkills sur la Place fédérale pour attirer l’attention sur ce championnat et informer le public sur cette manifestation – avec des retransmissions en direct à partir du site des compétitions. On veut ainsi éveiller l’intérêt du public pour cet événe-ment. Les associations professionnelles pourront louer cette maison pour y organiser des apéritifs ou d’autres rencontres. Mais l’idée principale est d’y fournir au public des informations sur la fondation SwissSkills et sur les associations professionnelles. Nous allons aussi installer sur le Waisenhausplatz une vingtaine de sculptures qui symbolisent chacune un métier. Le 21 septembre, c’est à la Post Finance Arena qu’aura lieu la grande fête de clôture avec la remise des médailles aux lauréats. Nous partons du principe que 230 médailles seront remises ! ».Pendant la manifestation, nous mettons sur pied deux expositions spéciales : sur près de 1000 m2, nous construi-sons une cité modèle de la formation professionnelle supérieure, qui montrera la perméabilité de notre système dual de formation. Elle comportera neuf champs profes-sionnels avec 18 étapes de carrières. Les biographies de six personnes fictives y seront présentées. Les visiteurs pourront suivre le parcours de ces artisans, s’informer et découvrir la diversité des possibilités de formation profes-sionnelle supérieur et de formation continue dans ces métiers, se rendre compte à quel point ces parcours sont variés et individuels. Une visite à ne pas manquer ! La deuxième exposition spéciale est consacrée aux « petits métiers ». Près de 20 associations professionnelles y seront présente, par exemple celle des maréchaux-ferrants, des employés des remontées mécaniques et des vanniers créateurs. Il y aura aussi un point de rencontre pour les enseignants, auquel participe FPS avec d’autres associa-tions. »

Quel est, de votre point de vue, le plus grand défi des SwissSkills Berne 2014 ? « Nous allons installer 1000 postes de travail pour les can-didats, et chaque métier a ses propres besoins : l’horticul-teur paysagiste travaille avec du gravier, de la terre, des

pierres, avec du bois et de l’eau – et cela n’est qu’un exemple parmi plus de 60 métiers ! Réussir à répondre à toutes leurs demandes spécifiques est un immense défi logistique ! L’organisation de la restauration pour près de 200 000 visiteurs demande aussi beaucoup d’efforts, tout comme la gestion de leur accueil. »

Quelques semaines avant la manifestation, y a-t-il en-core des domaines qui vous font souci ?« Non, pas vraiment. Toute la planification est achevée. Il y a bien sûr quelques points qui doivent encore être réglées : nous n’avons pas encore définitivement mis sur pied la restauration et l’hébergement, mais – dans ces domaines aussi – nous avançons comme prévu et tout sera en place dans les délais. Tout est en bonne voie, et je ne me fais pas de souci. »

Certaines de vos offres sont-elles déjà disponibles ? « Oui. Dans le cadre du marketing, nous proposons par exemple des « billets supporters » qui peuvent déjà être commandés. Dès qu’une association professionnelle ins-crit une candidate ou un candidat, nous ajoutons son nom à la liste publiée sur notre site web et chaque personne à la possibilité de commander un billet supporter pour sou-tenir sa favorite ou son favori. Cette possibilité est bien utilisée. De plus, les candidates et les candidats peuvent ainsi se faire de la publicité et celui ou celle qui aura réuni le plus grand nombre de supporters recevra un beau prix. »

Aimez-vous organiser ce championnat – ou cette tâche est-elle plutôt stressante ? « J’aime ce travail, il est passionnant ! Souvenez-vous que nous mettons sur pied le plus grand événement mondial lié à la formation professionnelle duale par rapport au nombre de métiers représentés ! On l’oublie parfois … Pour l’instant, nous finissons de rassembler toutes les pièces du puzzle. Au début, ces pièces étaient éparpillées, aujourd’hui, elles sont réunies et forment un ensemble, un « produit fini ». Nous avons pu suivre et voir comment un projet pour lequel nous avons travaillé pendant trois ans avec des représentants de la politique, de l’économie et de la formation professionnelle a pris forme. C’est une expé-rience très intéressante et enrichissante ! » n

www.swissskillsbern2014.ch

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La formation professionnelle pour les adultesLa HEP de Zurich propose actuellement une série de manifestations sur le thème de la formation professionnelle pour les adultes. Ce thème revêt une importance toujours plus marquée dans le cadre de la politique en matière de formation et pourrait même bien occu-per davantage les écoles professionnelles à l’avenir. Texte Markus Maurer*

Lors de la Conférence sur les places d’ap-prentissage de 2012, il a été décidé d’en-courager la formation de rattrapage pour les adultes. Depuis, cette thématique est plus présente dans le paysage suisse de la formation. Un rapport récent élaboré par la Confédération met en lumière les prin-cipaux défis. À l’heure actuelle, plus de 600 000 personnes entre 25 et 64 ans ne sont pas titulaires d’un diplôme profes-sionnel du degré secondaire II. Ces per-sonnes, comparativement aux personnes plus qualifiées, sont plus fréquemment touchées par le chômage et la pauvreté. Dans le contexte de la pénurie de person-nel qualifié qui règne dans de nombreuses branches, les personnes non titulaires d’un diplôme professionnel ont donc une chance à saisir. C’est pourquoi les parte-naires de la formation professionnelle sou-haiteraient, ces prochaines années, leur faciliter l’accès à des diplômes de forma-tion professionnelle sous une forme qui soit adaptée aux adultes.

Offres adaptées aux adultesLa haute école pédagogique de Zurich (PH Zürich) est convaincue qu’à l’avenir, ce thème concernera inévitablement les enseignants. Pourtant, les écoles profes-sionnelles abordent en partie ce thème de manière critique, craignant qu’en encou-rageant l’accès des adultes aux diplômes professionnels, il en découle un abaisse-ment du niveau d’exigences actuel et que par conséquent, les diplômes profession-nels perdent de leur valeur intrinsèque. Il est vrai que lorsque des adultes disposent d’une expérience de la vie et du monde du travail étendue, ils suscitent auprès des enseignants des interrogations contradic-toires sur le plan pédagogique et didac-tique, notamment en ce qui concerne la

forme à donner à l’enseignement ou le développement de formes d’examens adaptées aux adultes. À titre d’exemple: faut-il mettre moins l’accent dans des pro-cédures de qualification pour adultes sur les connaissances factuelles, un élément pourtant central des examens profession-nels ? Ou s’agit-il de libérer les adultes de l’enseignement de la culture générale, en partant du principe qu’ils ont déjà acquis la plupart des compétences définies dans le plan d’études cadre d’une manière dif-férente ?

Pour améliorer globalement l’accès des adultes à la formation professionnelle, il conviendrait non pas de considérer de manière isolée les aspects pédagogiques et didactiques, mais plutôt de concevoir des offres de formation professionnelle intrin-sèquement plus adaptées aux besoins des adultes. En l’occurrence, il s’agirait en par-ticulier de réfléchir aux questions telles que la flexibilisation du temps consacré à la formation, l’accompagnement des adul-

tes, le financement, mais aussi la recon-naissance des compétences déjà acquises. Donner des réponses à ces questions n’est pas une sinécure, pas tant parce que l’argent fait défaut, mais parce qu’il reste à franchir de nombreux obstacles organisa-tionnels, dont la création de classes d’adultes et la coordination des offres de conseil.

Série de manifestations mises sur pied par la HEP de ZurichAfin de faire avancer le débat dans ce domaine, la HEP de Zurich a décidé de mettre sur pied une série de manifesta-tions centrées sur les thèmes de la post-qualification professionnelle des adultes. Elle bénéficie du soutien d’Emil Wettstein, un spécialiste de longue date de cette thé-matique1. Le cœur de cette série de mani-festations sera constitué par des exposés qui décrivent aussi bien les expériences faites dans diverses branches (construc-tion, santé, industrie des machines, de l’électricité et de la construction métal-lique) sous l’angle sociopolitique que le rapport tout récent de la Confédération sur les diplômes professionnels et le change-ment de profession des adultes. Alors qu’on prend toujours davantage conscience de l’ampleur des défis dans ce secteur et de l’importance de susciter une volonté politique concrétisée par des changements tangibles, des exemples tirés de la vie pra-tique montrent tout ce qu’il est malgré tout déjà possible de réaliser dans le cadre légal actuel. n

Lien vers la série de manifestations :

www.phzh.ch/Berufliche-Nachqualifizierung/

*Markus Maurer est professeur de pédagogie profes-sionnelle à la Pädagogische Hochschule Zürich (PH Zürich). 1 Cf. www.bbprojekte.ch/ZweiteChance

Dans le domaine des soins médicaux, de nombreuses femmes acquièrent leur diplôme en suivant des cours de formation pour adultes (photo: Alex Kobel)

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Près de 80 personnes ont suivi les exposés des spécialistes à la conférence d’été du Forum suisse pour la formation professionnelle et la coopération internationale

« La formation duale, un produit phare à l’exportation resté sans réel débouché ? » Le système dual de formation professionnelle passe pour être exemplaire. Alors pourquoi arrive-t-il que des projets déployés dans des pays en voie de développement échouent ? Et quel est le rôle effectif de l’économie privée ? Ce ne sont là que quelques-uns des thèmes abordés à la conférence d’été du Forum suisse pour la formation professionnelle et la coopé-ration internationale. Texte Sarah Forrer

« Notre engagement se fonde essen-tiellement sur des considérations axées sur l’économie d’entreprise »,

précise d’emblée Julian Fässler. Malgré le fait que sa présentation PowerPoint soit projetée sur le grand écran de la salle de conférence, l’orateur ne la consulte que rarement. Notre conférencier autrichien aux cheveux courts porte un veston et des jeans et recherche principalement le contact avec le parterre des auditeurs. Julian Fässler fait partie de la génération montante des cadres façonnés selon les principes de l’économie privée. À 28 ans seulement, il fait plutôt figure d’original à la conférence d’été du Forum suisse pour la formation professionnelle et la coopé-ration internationale (voir encadré) qui s’est récemment tenue à Lucerne. Pour-tant et peut-être justement pour cela, les quelque 80 participants étaient tout ouïe. Julian Fässler est originaire du Vor-alberg et travaille chez Alpla, une entreprise familiale autrichienne qui fabrique notamment des bouteilles en plastique

pour des clients de premier plan tels que Coca-Cola, Unilever, Procter&Gamble, Colgate ou L’Oréal.

Fait notable, le groupe Alpla est l’une des seules entreprises à s’intéresser au système dual de formation profession-nelle dans les pays émergents. Ces trois dernières années, Alpla a développé ex nihilo au Mexique et en Chine un pro-gramme d’apprentissage destiné aux techniciens du plastique et des métaux. Sa motivation est limpide : cette entreprise souffre de la pénurie de main-d’œuvre qualifiée dans ses principaux marchés à forte croissance. « Nous voulions donc exporter le système de formation profes-sionnelle qui fonctionne à pleine satisfac-tion en Autriche », confesse Julian Fässler.

Gymnastique matinale et éthique professionnelleLes débuts ont été laborieux et il a fallu faire preuve de beaucoup de patience. Rien que la recherche d’un bâtiment sco-laire approprié, la négociation des pro-

grammes de cours et la clarification des bases légales ont pris passablement de temps. « Les pays en voie de développe-ment et les pays émergents ne connaissent pas du tout le système dual. Il faut donc passer beaucoup de temps à convaincre », selon Julian Fässler. Il est déterminant de trouver des partenaires, tels que les chambres de commerce, lesquelles sou-tiennent les entreprises spécialisées dans la production d’emballages.

Actuellement, des apprentis sont for-més dans ces deux pays et les diplômes délivrés sont aussi reconnus en Autriche. Ils passent 80 % de leur temps d’appren-tissage en entreprise et 20 % à l’école. Tant en Chine qu’au Mexique, les autorités ont été très conciliantes et se sont montrées coopératives par rapport au nouveau plan d’études. Quoique, sur ce dernier sujet, l’État chinois a imposé ses souhaits et fait reconnaître ses besoins. « C’est ainsi que l’éthique professionnelle, le sport militaire et la gymnastique matinale sont au pro-gramme », ajoute Julian Fässler en sou-

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Une priorité : assurer la relèveC’est là un des thèmes centraux de ce conférencier. Car la formation profession-nelle duale présuppose que les entre-prises fassent preuve de beaucoup de patience. « La longueur de la mise en place d’un tel projet de même que le pan insti-tutionnel découragent plus d’une entre-prise occidentale de se lancer dans un projet de formation dans les pays en voie de développement et les pays émergents », signale le prof. Dieter Euler, qui sait de quoi il parle, puisqu’il enseigne à l’Univer-sité de St-Gall, écrit des chroniques dans la revue FOLIO et est un spécialiste reconnu dans le monde de la formation. Second orateur principal à s’exprimer à la conférence d’été, Dieter Euler soulève un autre point important : « La plupart du temps, il existe suffisamment de person-nel qualifié sur place en provenance des hautes écoles ou du marché du travail. » Si bien que bon nombre d’entreprises n’ont pas vraiment besoin d’apprentis. Toute-fois, à son avis, l’économie privée retirerait plusieurs avantages si elle investissait dans la formation professionnelle duale des pays émergents. Comme dans le cas d’Alpla, il est primordial, sur les marchés les plus exigeants, de pouvoir assurer la relève. « Le travail sur place devient de plus en plus complexe. On doit pouvoir compter sur des collaborateurs disposant de connaissances pointues », selon lui. Et les entreprises qui réussissent à inculquer leur philosophie conservent à long terme un personnel loyal et motivé.

Des études décapantesPour Dieter Euler, une question se pose, d’ordre non économique : dans quelle mesure est-il possible d’exporter un sys-

tème de formation ? « S’agit-il d’un pro-duit phare à l’exportation resté sans réel débouché ? », s’interroge-t-il en introduc-tion à son exposé. Certes, les systèmes de formation suisse et allemand sont souvent cités comme des modèles à suivre, mais ils n’arrivent malgré tout pas à s’imposer dans d’autres pays. Les études traitant de cette question arrivent à la conclusion que le bénéfice retiré de projets de mise en place de programmes de formation est très fréquemment minime (Stockmann & Silvestrini 2013).

« De toute évidence, le transfert de la formation professionnelle telle qu’elle est conçue chez nous s’avère plus complexe qu’on ne le pensait initialement », avoue Dieter Euler qui s’appuie sur un exemple tiré de la dernière étude PISA pour illustre son propos. Les nations dans le peloton de tête sont incontestablement la Corée, Sin-gapour et Shanghai. En Asie du Sud-Est, les jeunes sont drillés et contraints à four-nir d’excellentes prestations, habituelle-ment au détriment de l’enfance. Du temps à consacrer au jeu, il n’en reste pas aux élèves, tant le sport, les cours privés et la musique occupent sans partage le terrain. « En Occident, nous ne sommes pas non plus prêts à adopter un tel système pour-tant "couronné de succès" », souligne Die-ter Euler. Par conséquent, il ne fait pas grand sens de copier à l’échelle 1 :1 dans un pays étranger un système qui fonc-tionne pourtant à merveille chez nous », constate-t-il. Il est indispensable de bien réfléchir à ce qui est compatible entre notre système de formation et les cou-tumes, la culture et les traditions dans les

riant. Afin d’assurer une meilleure occu-pation des écoles, il a pris contact avec d’autres entreprises européennes. « L’in-térêt pour ce projet a été certes grand, mais certaines firmes ont été refroidies par l’investissement à long terme que cela suppose », reconnaît-il. Cela est tout spé-cialement vrai pour les entreprises cotées en bourse, obnubilées par le succès à court terme. Tout est bien différent dans les entreprises familiales où le long terme prime. « Nous comprenons le bénéfice qui peut être retiré par les investissements considérables consentis, bien conscients que les premiers fruits ne seront visibles que dans plusieurs années », précise Julian Fässler.

● FoBBIZ Le Forum suisse pour la formation professionnelle et la coopération internationale (FoBBIZ, Schwei-zer Forum für Berufsbildung und Internationale Zu-sammenarbeit), encourage les échanges entre ac-teurs de la formation professionnelle en Suisse et dont le monde. À ce titre, il organise régulièrement des manifestations, met sur pied des groupes de travail et publie des prises de position sur les as-pects de la formation professionnelle à l’internatio-nal. La manifestation de cette année, qui a eu lieu fin juin à l’école supérieure Richemont de Lucerne, était intitulée « La formation professionnelle et la coopération internationale – un rôle plus pertinent pour le secteur privé ? ! » La prochaine réunion an-nuelle aura lieu le 11 novembre 2014 dans la tour de la Foire d’échantillons à Bâle et sera consacrée à la « Reconnaissance internationale des qualifica-tions professionnelles ». Pour de plus amples ren-seignements, veuillez consulter le site internet du forum, www.fobbiz.ch.

Julian Fässler travaille dans l’entreprise autri-chienne Alpla

Les discussions animées se sont poursuivies autour d’un buffet richement garni…

Dieter Euler, directeur de l’Institut de pédagogie économioque de l’Université de Saint-Gall

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pays étrangers concernés. Si un pays pri-vilégie l’éducation universitaire, il y a peu de chance d’implanter avec succès le sys-tème dual de formation.

Matière à discussion en suffisance C’est précisément sur ce genre de réflexions que cogitent les responsables du projet, qui ont eu l’occasion de présen-ter à la fin des principaux exposés leur projet de formation duale dans des pays émergents tels que le Gabon, le Népal, la Colombie et le Kosovo. À pays différents, solutions différentes : ici on se focalise sur des places d’apprentissage pratique, là

sur une formation spécialisée dans l’éco-nomie forestière. Certains pays se trouvent encore dans les starting-blocks, alors que d’autres ont déjà franchi la ligne d’arrivée (comme dans le cas du Kosovo : cf. FOLIO 3/2014). Une constatation res-sort généralement, très bien résumée par Ignaz Rieser : « Tout prend davantage de temps que ce que nous avions imaginé au départ ! »

Cet adage s’est aussi vérifié lors de la conférence d’été : l’après-midi a passé d’une seule traite. Le temps réservé aux discussions en plénum s’est avéré trop chichement compté. Néanmoins, il a été

possible de continuer à discuter à bâton rompu lors de l’apéro riche … comme l’aime le Forum suisse pour la formation professionnelle et la coopération interna-tionale, qui a à cœur de susciter le débat sur les questions du moment, d’encoura-ger les échanges et d’accroître les réseaux des uns et des autres. Rien d’étonnant donc que Hanspeter Tanner, membre du comité, tire un bilan positif de cette jour-née : « De notre point de vue, la conférence a été un succès. Nous avons pu débattre du thème de la formation professionnelle à l’étranger à un niveau qualitatif et quanti-tatif élevé, ce qui est très réjouissant. » n

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« Nous avons pris beaucoup de retard en matière d’éducation numérique »FPS-Communication a conclu avec Samsung Suisse un partenariat de platine. Daniel Péris-set, à la tête d’Entreprise Business Team, explique les raisons qui l’ont poussé à franchir ce pas et quel est l’avenir de la numérisation de la formation en Suisse.

Quel intérêt Samsung Suisse trouve-t-il dans ce partenariat avec FPS-Communi-cation ?« La formation constitue l’un des princi-paux atouts de la Suisse. Notre système de formation professionnelle est bien connu de par le monde. Alors, nous aimerions offrir à tous les apprentis, quelle que soit la branche qu’ils ont choisie, un appren-tissage moderne afin de leur faciliter l’entrée dans la vie professionnelle réelle. Nos produits, qu’il s’agisse de tablettes tactiles, d’imprimantes ou de tableaux interactifs (eBoard), sont des solutions adéquates dans ce contexte. »

Quelle importance revêt le secteur de la formation en Suisse pour une multi- nationale telle que la vôtre ?« Les entreprises doivent pouvoir compter sur du personnel bien formé. Le système suisse de formation constitue par consé-quent une ressource incontournable pour l’économie de notre pays. Bien que nous soyons une entreprise active aux quatre coins du monde, Samsung Suisse est souci-eux de répondre aux différents besoins de ce pays et souhaite favoriser la communi-cation avec des organisations telles que FPS. Pour sa part, l’association FPS peut aider des entreprises comme la nôtre dans la recherche de jeunes talents correspon-dant à leur attente. »

La Suisse a de nouveau brillé durant les championnats des métiers organisés à divers niveaux sur le plan international. Compte-t-elle parmi les nations les plus avancées en matière de déploiement nu-mérique dans l’enseignement ? « Certes, en termes de qualité de la forma-tion, la Suisse se situe toujours aux meil-

leures places en comparaison internatio-nale ; il reste toutefois encore beaucoup à faire pour rattraper le retard pris dans la mise en application des formes d’enseig-nement. Le monde professionnel connaît une tendance à la généralisation de l’informatique, ce qui présuppose toujours davantage l’acquisition de connaissances spécifiques auprès des employés. En ce sens, l’objectif de Samsung Suisse est d’aider les écoles à mettre les bouchées doubles dans ce domaine. Ce faisant, nous contribuons à faire en sorte que notre pays conserve sa position dans le peloton de tête des nations industrielles. »

À brûle-pourpoint: dans quelle mesure les enseignants suisses maîtrisent-ils ef-fectivement l’informatique ? « On ne saurait généraliser, mais globale-ment, le besoin de rattrapage est considé-

rable dans le domaine de l’enseignement numérique. Aussi, en collaboration avec diverses organisations pédagogiques, nous mettons sur pied des cours de formation et de formation continue à l’attention du corps enseignant. En outre, nous dévelop-pons avec nos écoles partenaires des modèles de bonnes pratiques et nous nous engageons en faveur de la mutation numérique appliquée au matériel didac-tique. »

Constate-t-on des différences ville-campagne dans la numérisation de l’enseignement ?« Non, nous n’avons pas constaté de ré-elles différences. Partout, il existe des écoles en milieu urbain ou rural qui ont intégré de manière exemplaire la dimen-sion numérique de l’enseignement. Le succès dépend cependant de l’intérêt des

● Samsung Electronics Suisse

Le terme « Samsung » vient du coréen et signifie « Trois étoiles ». Il est ici fait référence explicitement aux trois fils de Lee Byung-chull, le fondateur du Samsung Group. Cette entreprise occupe 370 000 employés dans le monde, ce qui en fait le plus grand complexe industriel de la Corée du

Sud. Le navire amiral de ce trust est Samsung Electronic, dont le siège est à Séoul. Samsung possède 197 firmes dans pas moins de 72 pays et est le plus grand groupe électronique sur le plan mondial. L’entreprise Samsung Electronics Suisse SARL a son siège à Zurich.

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formation professionelle suisse

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enseignants et des cadres pour l’innovation. »

Existe-t-il un Röstigraben informatique ?« Rien de tel à signaler en ce qui nous con-cerne ! Mieux encore, les enseignants romands semblent faire preuve de davan-tage d’ouverture face aux formes d’enseig-nement numérique. »

Des entreprises comme Samsung n’ont pas pour seule ambition de mettre à la disposition des écoles des moyens infor-matiques adéquats. Avec quelles institu-tions de formation travaillez-vous main dans la main lorsqu’il s’agit de mettre en place des solutions intelligentes en ma-tière de contenus didactiques ?« Dans un système de formation de type fédéral, la coopération avec les groupes d’interlocuteurs les plus divers est essen-tielle. Dans ce contexte, nos partenaires ne sont pas seulement les organisations du domaine de la formation professionnelle, mais aussi les écoles publiques. »

Dans quelle mesure le Lehrplan 21 va-t-il influer sur la numérisation du monde de l’enseignement ?« Le thème de l’enseignement numérique a bien été pris en compte dans le Lehrplan 21, mais bien malin qui peut dire actuelle-ment de quoi sera fait l’avenir dans ce domaine. À notre avis, la préparation au monde du travail notamment par l’appren-tissage numérique est un facteur détermi-nant. En conséquence, les élèves du 21e siècle devraient avoir dès la plus tendre enfance la possibilité de se familiariser avec l’informatique. »

Et qu’en est-il de l’avenir ? En quoi l’enseignement en 2040 se démarque-ra-t-il de celui d’aujourd’hui ?« Le monde de la technologie évolue tou-jours plus vite grâce aux possibilités offer-tes aujourd’hui. Quant à son influence sur le monde de l’apprentissage numérique, nous pouvons difficilement l’estimer. En se fondant sur les tendances actuelles, il est à prévoir que les formes d’enseignement

coopératives prendront le relais de l’enseignement frontal. Je peux aussi bien m’imaginer que le transfert du savoir et son acquisition s’opéreront fréquemment avec des moyens informatiques. Malgré tout cela, il reviendra à des pédagogues bien formés d’assurer la qualité de l’enseignement, des enseignants qui auront trouvé le juste équilibre entre les différentes offres pédagogiques. » n

● Les partenaires de FPS-Communication

Le secteur de la communication de FPS a réussi ces derniers mois à s’entourer de partenaires re-nommés. « Les partenariats doivent avoir une composante de développement durable et partici-per à l’éclosion réciproque d’idées et de solutions innovantes », précise Andreja Torriani, le responsa-ble du secteur de la communication au sein du Comité central de FPS.Partenaires actuels de FPS :Partenaire de platine : Samsung Electronics SuissePartenaires d’or : hep Verlag, Orell Füssli AGPartenaires de bronze : Orinad Look AG, Power Jet AG

● Daniel PérissetDaniel Périsset travaille chez Samsung Suisse et dirige l’Enterprise Business Team. Il a débuté sa carrière informatique en 2000 chez Lexmark Suisse. Il a ensuite travaillé chez Océ et Ricoh, avant de passer en 2013 chez Samsung Electronics Suisse SARL. Grâce à son expérience étendue, il gère au sein d’Enterprise Business Team les mandats B2B chez Samsung Suisse. Durant ses loisirs, il pratique avec passion le golf et le tennis.

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