Post on 14-Sep-2018
Rapport de stage -
Pol Grasland-Mongrain
Stage du 29 mai au 29 juin 2007
Sujet : Génération et contrôle d’émulsions multiples en microfluidique
Laboratoire de Microfluidique, MEMs et Nanostructures
ESPCI, 10 rue Vauquelin, 75005 Paris - UMR 7083 -
Maître de stage : Hervé Willaime, chargé de recherche (herve.willaime@espci.fr)
Remerciements particuliers :
Hervé Willaime, Nicolas Panacci, Yves Hennequin et Patrick Tabeling
RRAAPPPPOORRTT DDEE SSTTAAGGEE
I/ Présentation du laboratoire et de l’équipe d’accueil
Le laboratoire où s’effectue mon stage se nomme « Microfluidique, MEMS et
Nanostructures ».
Il s’agit d’un laboratoire installé depuis 5 ans à
l’ESPCI - auparavant, il se trouvait à l’ENS d’Ulm
depuis sa création en 2001. Il dispose de moyens
importants : matériel perfectionné, salle blanche de
40 m², personnel impliqué (1 directeur de
recherche, 1 chargé de recherche, 3 post-docs, 4
thésards, et divers stagiaires dont 1 provenant
d’Harvard).
Mon maître de stage, Hervé Willaime, n’a pas pu être très présent lors de mon stage,
et donc Nicolas Pannacci et Yves Hennequin, 2 post-docs, m’ont supervisé lorsqu’il
n’était pas là. Le directeur du laboratoire, Patrick Tabeling, s’est également montré
intéressé par mes recherches et m’a conseillé sur plusieurs points.
Le laboratoire de MMN s’intéresse principalement à la Microfluidique, et notamment
aux émulsions.
Un MEMS, ou microsystème électromécanique, est un microsystème comprenant un
ou plusieurs éléments mécaniques alimentés électriquement, qui possède une
fonction de capteur et/ou d'actionneur, la structure étant à l’échelle micrométrique.
Les Nanostructures étaient très étudiées à la création du labo, mais sont un peu
laissées de côté en ce moment.
L’un des axes de recherche principaux du
laboratoire est de parvenir à comprendre et
à réaliser le phénomène d’émulsion ; et
notamment réussir à faire des gouttelettes
d’eau dans des gouttes l’huile, le tout
s’écoulant dans de l’eau (c'est-à-dire faire
une encapsulation). Le laboratoire de
Microfluidique d’Harvard aux Etats-Unis
effectue également des recherches dans ce
domaine. Les travaux sont bien avancés, et
les résultats sont impressionnants (voir
photo 1).
Photo 1 : Exemples de double-encapsulations
de plusieurs fluides non miscibles
Ils utilisent une géométrie 3D pour mélanger les
fluides (voir schéma 1).
Cependant, si efficace soit-elle, cette technique
présente un inconvénient de taille : sa géométrie
relativement complexe empêche de changer d’échelle
et donc on ne peut pas passer à une application
industrielle.
Le labo MMN de l’ESPCI étudie actuellement une géométrie 2D qui permet ce
changement d’échelle, car on peut alors paralléliser dans une direction les circuits.
Ces recherches sont importantes, car la microfluidique est utilisée de façon croissante
dans un grand nombre de domaines, comme l’industrie alimentaire, la chimie, la
biotechnologie, l’industrie pétrolière… Ainsi, des entreprises comme Schlumberger
ou Unilever s’intéressent de près aux travaux du laboratoire. Dans ces domaines, on
a besoin de systèmes microfluidiques de complexité variable, et il faut pouvoir
répondre à la demande.
II/ Fonctionnement général
J’ai eu la chance d’être assez autonome dans ce laboratoire. Je disposais d’une table
de travail avec microscope et caméra reliés à un ordinateur.
Tout le long du stage j’ai tenu un cahier de laboratoire personnel (deux cahiers
remplis au total…) où j’ai précisé avec détail mes manipulations, conditions
expérimentales, résultats et observations – mes expériences étant généralement assez
délicates …
J’ai souvent travaillé en salle blanche dans la
deuxième période du stage, car la présence de
poussière dans mes circuits faussent facilement
les résultats, et je pouvais y travailler sous une
hotte à acide.
Afin de réaliser librement mes expériences, on m’a montré
quelques de manipulation de bases : comment fabriquer des
circuits de poly(diméthylsiloxane) (PDMS : voir formule
chimique) à partir de moules, comment injecter des fluides dans
les canaux… ; j’ai pu compléter plus tard avec des
manipulations plus sophistiquées lorsque j’en avais besoin. J’ai
alors fabriqué des circuits quasiment tous les jours.
D’autre part, j’ai fait un compte rendu régulier de mes travaux
auprès de ceux qui m’encadraient (Hervé, Nicolas, Yves ou
Patrick) ; j’ai d’ailleurs tenu deux grosses réunions avec eux. Enfin, j’ai présenté mon
travail la dernière semaine à l’ensemble du personnel du labo.
Schéma 1 : Géométrie permettant
des encapsulations
Photo 2 : Salle blanche du labo
Formule chimique
du PDMS
Je n’ai pas eu d’horaires imposés, ce qui est agréable, mais je me suis imposé de
toujours être au labo avant 9h30 et de repartir entre 18h et 19h (parfois plus, parfois
moins, selon mes expériences en cours et mes obligations personnelles).
III/ Déroulement du stage
Mon stage peut être séparé en 2 périodes.
Durant la première période, c'est-à-dire les deux premières semaines,
mon objectif était de réaliser une simple encapsulation de gaz – en
l’occurrence de l’air -, c'est-à-dire faire des bulles d’air dans des
gouttes d’huile s’écoulant dans de l’eau (voir photo 3)
Les circuits utilisés étaient du type « double flow-focusing » (voir
schéma 2 : les fluides circulent dans les canaux rectilignes, l’air comprimé
arrive en 1, l’huile en 2, et l’eau distillée en 3) ; ceux-ci se sont révélés
plus efficaces que de simples croisements en T.
Pour fabriquer ces circuits (voir schéma 3, étape
a, b, c non détaillées), j’ai mélangé du PDMS
avec un agent réticulant, pour les passer à la
centrifugeuse afin de supprimer la plupart
des bulles d’air. Je pouvais ensuite soit
spincoater le mélange, c’est-à-dire le couler
sur une lame de verre qui tournera à grande
vitesse pour avoir une surface plane, soit le
couler dans une boite de Pétri, soit le couler
sur un moule (d). Je mets ensuite ceci à
l’étuve à 75°C pendant une heure au
minimum pour qu’il puisse y avoir
réticulation (donc solidification). Je découpe
ensuite les circuits qui m’intéressent ainsi que
des rectangles de PDMS de même taille (e), je
fait les trous nécessaires à l’introduction de fluides (f) et je les colle entre eux par une
technique de plasma (g). Selon cette technique, il faut introduire les deux morceaux
de PDMS à coller dans un sas, qui sera saturé en oxygène. On doit alors activer un
plasma à l’intérieur, puis sortir les échantillons qui vont naturellement adhérer l’un à
l’autre grâce à des liaisons Si02 créées à la surface.
La première étape fut de réaliser une arrivée d’air
comprimé dans de l’huile (voir photo 4). Il est plus
difficile de travailler avec de l’air qu’avec des
liquides, du fait de la compressibilité des gaz.
J’ai testé plusieurs huiles, et j’ai pu déterminer que plus la viscosité est grande,
Schéma 3 : fabrication d’un circuit de PDMS
3 2 1 Photo 3 : Simple
encapsulation d’air
Photo 4 : une bulle d’air en formation
Schéma 2 : Circuit double flow-
focusing (2 jonctions en croix)
meilleure est la sphéricité des bulles ; j’ai alors
choisi le TPGDA (tripropylèneglycolediacétate),
qui était suffisamment visqueux et présente
l’avantage de devenir solide en présence d’un
agent réticulant, sous l’action d’UV. Ensuite, j’ai
injecté l’huile dans une arrivée d’eau (voir photo 5)
Le canal s’élargit à un endroit (la « chambre » ou la « citerne », voir schéma 2).
L’encapsulation était assez réussie à l’entrée de cette chambre, mais un problème est
apparu : les gouttes d’huile coalesçaient entre elles plus loin (voir enchaînement de 2
photos), et donc l’air emprisonné dans ces gouttes aussi.
Pour éviter cela, j’ai ajouté un tensioactif (du Tween20 à
0,01%) dans l’eau, ce qui a permis de stabiliser les
gouttes d’huile et empêcher la coalescence. Mais cela a
aussi provoqué l’apparition de « Janus » (bulle d’air et
goutte d’huile accolées) dans les zones à débit élevé
(voir photo 8).
En parallèle à ce problème, mes expériences étaient limitées dans le temps. En effet,
les effets de surface étant très importants en microfluidique, je devais avoir des
surfaces hydrophiles dans mon circuit, qui favorisent les gouttes d’huile dans l’eau,
et non pas hydrophobes, qui détruiraient mes encapsulations.
Le collage (lors de la
fabrication du circuit) est fait
grâce au traitement au plasma
qui rend les surfaces
hydrophiles, mais pour une
durée limitée (voir courbe 1).
Ainsi, au fur et à mesure du
temps, le circuit devenait de
plus en plus hydrophobe et
mes expériences fonctionnaient
de moins en moins bien.
J’ai alors appris par mon maître de stage qu’un traitement récent, que l’on a appelé
traitement de Fréchet, permettait de rendre le PDMS hydrophile pendant quelques
semaines. Cette manipulation n’était pas encore bien maîtrisée, et on m’a proposé
Courbe 1 : angle de mouillage en fonction du temps
après traitement plasma
Photo 8 : Janus Photos 6 et 7 : coalescence de 2 bulles d’air
Photo 5 : une grosse bulle d’air prise dans
un filet d’huile s’écoule dans de l’eau
d’étudier ce traitement qui intéressait plusieurs personnes au labo. Cela constitue la
2e période de mon stage, du 11 juin au 29 juin.
Un article [1] donnait une recette : mettre en
contact la partie à traiter et une solution de
Fréchet (solution facile à fabriquer, contenant de
l’eau, de l’alcool, de l’acide acrylique – polymère,
principal ingrédient actif -, du pluronic F-108 ou
F-68 – surfactant -, de la benzophénone -
photoinitiateur) ; exposer aux UV pendant un
certain temps ; rincer et éventuellement sécher (voir schéma 4 et photo 9)
Mais même en suivant ce
protocole scrupuleusement, ça
ne fonctionnait pas. J’ai alors
passé presque 1 semaine de
stage à déterminer la ou les
causes de l’échec (âge de mes
solutions, séchage ou non,
présence d’un couvercle etc) ;
cela m’a permis de déterminer
un problème d’éclairage –
l’article comportait d’ailleurs
une erreur à ce sujet.
J’ai alors étudié ce traitement,
compte tenu des délais dont je
disposais : influence de l’âge
de la solution de Fréchet, de la
puissance et de la durée
d’insolation (voir courbe 2), de
l’état de la surface du PDMS
(traité au plasma, à l’étuve…).
Pour voir la qualité de l’hydrophilie
j’ai mesuré des dizaines d’angles de
contact à l’aide d’un logiciel
d’acquisition d’image relié à un
microscope et à un programme Matlab
(voir photos 9 et 10)
Schéma 4 : Traitement de Fréchet
Photos 9 et 10 : mesure d’angles avec le microscope
Photo 9 : sous hotte à acide de salle blanche, 2 solutions de Fréchet, et une plaque de PDMS en cours de traitement
Courbe 2 : efficacité du traitement en fonction de la durée d’insolation
J’ai alors observé un phénomène surprenant, non mentionné dans les articles sur le
sujet : l’apparition d’une sorte de réseau lorsque j’insole longtemps, plus de 40 min
(voir photos 11, 12 et 13 et courbe 3). Photo 11 : Réseau (taille : 1 cm de diamètre)
Photo 12 : Zoom sur ce réseau (taille objet : 0,1 mm)
Photo 13 : Autre réseau, hexagonal
Courbe 3 : Profil du réseau hexagonal, sur une ligne
Je me suis alors aperçu que ce réseau n’apparaissait que
lorsque le PDMS était collé sur du verre ou sur le fond d‘une
boîte de Pétri ; lorsqu’il n’est pas collé, le PDMS se déforme,
se gondole (flambage). J’ai donc attribué ce réseau à des
contraintes mécaniques internes au PDMS. Ce réseau
mériterait une étude approfondie, étude que je n’ai pas pu
entreprendre pendant mon stage. Schéma 5 : flambage du PDMS
Les conditions expérimentales optimales pour le traitement de Fréchet étant
déterminées, je suis passé à l’étude in-situ (c’est-à-dire le traitement des canaux).
J’ai voulu savoir en particulier si le traitement de Fréchet était suffisamment efficace
pour avoir des gouttes d’huile dans l’eau et non pas l’inverse.
J’ai remarqué que la plupart du temps, il n’y a pas de gouttes d’un
fluide dans l’autre, ceux-ci s’écoulant plutôt sans se mélanger.
Cependant, lors de traitements avec une durée d’insolation assez
importante, j’ai pu avoir des gouttes d’huile stables dans l’eau (voir
photo 14). Mais l’augmentation des durées d’insolation a posé
plusieurs effets gênants : fuites plus nombreuses, réseau à la surface
du PDMS en cas de fuite, morceaux de PDMS bouchant les canaux,
canaux dégradés…
Il s’agit de la dernière manipulation de mon stage (jeudi 28 juin), ce
qui clôt mon étude de façon satisfaisante mais avec une petite sensation d’inachevé.
Mon maître de stage et Hervé vont cependant poursuivre les recherches dans ce
domaine, et notamment cette dégradation des canaux. J’ai aussi rédigé un petit
protocole sur le traitement de Fréchet à destination de l’équipe d’accueil.
IV/ Bilan Personnel
Lors de ce stage j’ai pu compléter mes quelques connaissances en matière molle avec
de nombreuses informations théoriques et pratiques. A court terme, cela va m’aider à
aborder l’UE Matière Molle de l’an prochain… Plus sérieusement, je pense avoir
trouvé un domaine qui m’intéresse vraiment en physique : l’hydrodynamique. J’ai
du mal à m’intéresser aux domaines moins « visuels » (physique subatomique, etc…)
Mais ce stage m’a donné avant toute chose un certain goût à la recherche.
Il faut savoir qu’à partir du 2e semestre, je me suis demandé si je devais continuer en
Phytem ou bien changer de département. J’ai pris rendez-vous avec ma directrice de
département, et sur ses conseils j’ai attendu ce stage avant de prendre ma décision.
Finalement, ce stage m’a redonné envie de faire de la physique et me fait continuer
en Phytem l’année prochaine. La vie en laboratoire est bien loin de ce que l’on voit en
cours ou en TP ! J’ai pu y mener des recherches de manière responsable et autonome,
visualiser des expériences concrètes, établir moi-même des protocoles...
Je crois vraiment qu’au-delà des connaissances, savoir-faire et méthodes de travail
acquis, cette expérience de la vie en laboratoire va être ce que je retiendrai le plus.
Bibliographie :
• TABELING Patrick, Introduction à la Microfluidique, éd. Belin, 2003
• Schéma 1, Photo 1 et 3 : Experimental Soft Condensed Matter Group, WEITZ David, Harvard
• [1] SEO Minseok, PAQUET Chantal, NIE Zhihong, XU Shenqing, KUMACHEVA Eugenia,
Microfluidic consecutive flow-focusing droplet generators, Soft Matter 2007
NB : Ce plan me paraît plus approprié que celui proposé. Je n’ai pas réalisé de document technique spécifique
pour l’équipe d’accueil, étant donné que j’ai laissé 2 cahiers de laboratoires détaillés, une notice sur le traitement
de Fréchet ainsi que l’ensemble de mes vidéos/photos/documents/circuits de PDMS utiles. J’ai réalisé tous les
schémas, courbes et photos, sauf les photos 1 et 3 et la courbe 1.
Photo 14 : Goutte
d’huile dans un
canal d’eau