Van Groningen Theognis Livre I

466

Click here to load reader

description

TheognisGreek lyric poetryElegy

Transcript of Van Groningen Theognis Livre I

  • VERHANDELINGEN DER KONINKLIJKE NEDERLANDSE AKADEMIE VAN WETENSCHAPPEN, AFD. LETTERKUNDE NIEUWE REEKS - DEEL LXXII - No. 1

    THEOGNIS LE PREMIER LIVRE

    dit avec un commentaire

    B. A. VAN GRONINGEN

    N. V. NOORD-HOLLANDSCHE UITGEVERS MAATSCHAPPIJ AMSTERDAM -1966

  • AANGEBODEN IN DE VERGADERING VAN 12 FEBRUARI 1966

  • Viro clarissimo C. W. VOLLGRAFF nonagenario, magistro, collegae, amico, dedicatum 5-6-1966

  • TABLE DES MATIERES

    AVANT-PROPOS _

    A VERTISSEMENTS PRATIQUES_

    COMMENTAIRE

    ApPENDICES

    L Les citations de Stobe

    II. Le problme du sceau .

    lIl. L'lgie 261-266

    IV. Les dieux et la. religion

    V. Mla.nchthon et Thognis.

    3-5

    6-7

    9-442

    443-445

    446-449

    450-453

    454-459

    460-462

  • AVANT-PROPOS

    L'essentiel de cet ouvrage est Ie commentaire. Il ne se rapporte qu'au premier livre, et je n'ai pas l'intention d'en crire un du second. Pour deux raisons, l'inspiration potique est foncirement diffrente, et - motif plus personnel - je ne parviens pas m'intresser ces fades pigrammes pdrotiques. Ceci n'empche que, partout ou cela pouvait tre ncessaire ou utile, j'ai fait usage des donnes qu'elles prsentaient.

    Le texte n'a pas t tudi dans les manuscrits; les ditions rcentes offrent dans leurs apparats critiques tout Ie ncessaire. Le texte a t l'objet, depuis l'dition de Bekker, d'un nombre incalculable de conjec-tures, dont la grosse majorit ne mrite pas qu'on les rappelIe. Aujourd'hui on est, en gnral, plus respectueux envers la tradition manuscrite. Le premier devoir du commentateur est d'essayer de comprendre cette tra-dition. La conjecture n'est permise que si Ie texte transmis prsente de graves inconvnients et si, d'autre part, la conjecture s'explique et convainc. J'ai honntement essay d'appliquer ces principes, quitte marquer de la croix certains passages qui me semblent dsesprs.

    A l'ampleur de ce travail on voit que j'ai voulu crire un commentaire complet. Thognis mritait qu'on ft cet effort. Pour ce qui est de la langue, j'ai compar, en particulier, avec la langue pique, Ie grand modle de celle de l'lgie. Pour ce qui est des ides, je me suis efforc d'expliquer ce que l'auteur a voulu dire, en m'inspirant volontiers de l'adage simplex veri sigillum. Il va de soi que je dois beaucoup mes savants prdcesseurs. Je mentionne en premier lieu les commentaires de Hudson-Williams et de Garzya, ensuite les ditions de Dieis, reprise par Young, de Carrire, d'Edmonds et d'Adrados, enfin des tudes im-portantes dont la liste est cite plus loin. La littrature concernant Thognis est immense. Je n'ai pas pu tout lire ni mme tout consuIter; je crois pourtant n'avoir omis rien d'essentiel. Le commentaire est avant tout d'ordre explicatif; la critique du texte n'intervient que pour autant que l'exgse I'exige. II comprend d'abord les notes de dtail; ensuite ehaque morceau est envisag, plus ou moins longuement suivant Ie cas, dans son ensemble et dans ses rapports avec l'entourage immdiat. Le cas chant, j'ai essay de prciser pourquoi tel ou tel morceau a t insr l'ensemble.

    L'ampleur du commentaire ne doit pas faire croire que j'aie tenu vouloir expliquer tout. On s'est efforc, trop souvent, de prciser ce qui, par dfaut de donnes, ne peut que nous chapper. Les hypothses gra-tuites, les fantaisies foncirement alatoires, ne mnent rien. Un com-mentaire ne doit pas tre crit pour prouver l'ingniosit du commentateur, mais pour expliquer l'explicable et pour confesser, partout ou ce]a est invitable, une ignorance due l'tat de la tradition ou la pnurie et }'incertitude de donnes matrielles.

  • 4 A V ANT-PROPOS

    L'tude de la collection a videmment des consquences pour l'opinion qu'on s'en fait; inversement, cette opinion influe sur la faon de juger les lments constitutifs. Mon point de vue ne peut tre que Ie suivant: il y a, dans Ie recueil, du Thognis authentique; cela va de soi. Mais il m'est impossible de croire l'authenticit de tout ce qu'on y lit, et encore moins l'unit compositionnelle de l'ensemble. Les essais qu'on a tents dans ce sens ne parviennent aucunement me convaincre; ils semblent rsulter plutt d'une opinion prconue que d'une tude objective et non prvenue des donnes du texte. Ce n'est que trs occasionnellement, et trs prudemment, que j'ai os faire une remarque relative l'authenticit thognidenne. D'autre part, dans un recueil, rien n'est strictement in-authentique; nulle part je n'ai eu recours une athtse. Dans un recueil, mme les rptitions sont authentiques.

    Aussi bien, les problmes de la constitution, de la chronologie, et de l'histoire du recueil ne sont pas expressment envisags. Si cet ouvrage contribuait, sa manire, la solution de quelques aspects de ces problmes, ce ne serait que par hasard et indirectement. D'ailleurs j'en doute. Je ne voudrais faire qu'une remarque. Ce qui nous est conserv de la posie prclassique et classique ne constitue qu'une petite partie de ce qui a t compos au sein d'une socit qui, dans sa vie, faisait une si large part la pov(]t"~ sous toutes ses formes. Des ressemblances avec des motifs, des expressions, des mots, que nous ne trouvons que dans des textes plus rcents, ne permettent presque jamais une conclusion d'ordre chronologique. Personnellement je crois - sans devoir fournir ici des arguments - que les morceaux postrieurs 450 sont rarissimes, pour ne pas dire non existants.

    A tout moment se pose la question s'il faut, oui ou non, tablir une connexion troite entre deux passages contigus. En ralit, Ie problme se prsente sous deux aspects diffrents: il y a l'unit eompositionnelle voulue par Ie pote original, et il y a celle des rapprochements raliss par Ie formateur du recueil l ). En d'autres termes, deux passages peuvent, ds leur origine, avoir t conus comme un ensemble; ou bien c'est dans Ie recueil qu'ils ont t rapprochs pour la premire fois, soit par pur hasard, soit en vertu d'une ressemblance d'ides ou d'expression, voire mme en vertu d'une contradiction. La premire alternative implique une troite relation de fond et de forme; dans la seconde ee rapport peut tre beaucoup plus vague, si indcis qu'il est trs souvent difficile prouver. Nous touchons ici au problme excessivement ardu de la composition du recueil, que nous n'avons pas envisager ici; mais nous avons choisir entre les deux alternatives. La prudence oblige prfrer la premire. Je n'ai donc accoupl que les morceaux dont il est vraisemblable qu'ils se sont toujours succds immdiatement et sont ds au mme auteur.

    1) Pour simplifier, je parle du formateur au singulier, sans exclure la possibilit d'un plus grand nombre de collectionneurs succesaifs.

  • A V ANT-PROPOS 5

    A eet gard, les passages rpts posent un petit problme spcial. Toute solution reste incertaine. Il peut y avoir pure ngligence de la part d'un compilateur. Le passage peut tre rpt pour tre accoupl un autre 1). Considrant Ie fait que la presque totalit des rptitions prsente des variantes, je suis assez dispos croire qu'elles sont Ie fait d'un modeste yeaflflan'Je6, qui s'intressait la forme du texte. Son intervention ex-pliquerait galement p.ex. la reprise aux vers 1238ab du livre II des vers 1151-1152 du livre I; cette fois-ci non pour des raisons de forme, mais d'interprtation: Ie distique se prtait une explication de morale gnrale, mais galement de mOl'ale pdrotique.

    On comprendra que je m'abstiens d'tablir des connexions qui se basent sur des associations d'ides peu apparentes. Il convient de faire valoir ces associations non pas quand eUes sont possibles ( force d'in-gniosit de la part de l'interprte, eUes Ie sont assez souvent), mais quand elI es s'imposent (ce qui est beaucoup moins frquent). Il ne faut pas vouloir lire trop entre les lignes et tre plus malin que les vieux potes. D'ailleurs, mme les associations d'ides les plus videntes ne suffisent pas prouver l'identit d'auteur ou la connex ion originale ; elles peuvent tout aussi bien avoir guid Ie formateur du recueil. Et certainement les associations subtiles ne s'opposent en rien l'indpendance composition-nelle de morceaux contigus.

    Quelques appendices traite nt de matires spciales dont l'expos entraverait la marche du commentaire.

    1) C'est apparemment l'opinion de M. Young.

  • A VERTISSEMENTS PRATIQUES

    Sigles et abrviations: 1. les manuscrits importants:

    A, Parisinus suppl. gr. 380 [dbut du Xe s.]. 0, Vaticanus gr. 915 [dbut du XIVe s .]. X, Londinensis Mus. Brit. Add. 16409 [dbut du XIVe s.]. J, Venetus Marcianus 774 [ 1450]. Ur, Vaticanus Urbinas gr. 95 [ 1430].

    2. les principaux diteurs: Adr:

    Bgk: Bk: BP :

    Ca: D: Edm: Ga: Ha: HCr: HW: Lav:

    Yo:

    F. R. Adrados, Liric08 Grieg08, Elegiacos y Yamb6grafos, vol. 11, Barcelona. 1959. Th. Bergk, Potae lyrici graeci, vol. lP, Leipzig 1915. I. Bekker, Theognidis Elegi, Leipzig 1815. E. BuchholzR. Peppmller, Anthologie aus den Lyrikern der Griechen, vol. 16, Leipzig 1911. J. Carrire, Thognis, Pomes lgiaques, Paris 1948 (rimpressions). E. Diehl, Anthologia Lyrica Graeca, fasc. 23, Leipzig 1950. J. M. Edmonds, Elegy and Jambus, vol. I, London 1931 (rimpressions) . A. Garzya, Teognide, Elegie, Firenze 1955. E. Harrison, Studies in Theognis, Cambridge 1905. E. HillerO. Crusius, Anthologia Lyricas, Leipzig 1911. T. Hudson-Williams, The Elegies of Theognis, London 1910. B. Lavagnini, Aglae, Nuova Antologia dei Frammenti della Lirica Grews, Torino 1947. D . Young, Theognis etc., reprise de D, Leipzig 1961.

    3. Ouvrages frquemment mentionns: Carrire, Et. : Chantraine : Denniston : Dornseifj : DSP:

    Humbert: Jac: KBl et KG :

    Kroll : LSJ:

    Peretti: Pohlenz: Schwyzer: vdValk:

    J. Carrire, Thognis de M gare, Etude 8ur le recueil lgiaque, Paris 1948. P . Chantraine, Grammaire homrique, Par is 1948-1953. J. D. Denniston, The Greek Particles, Oxford 1934. F . Dornseiff, Echtheit8fragen antik-griechischer Literatur, Berlin 1939. C. Daremberg, E. Saglio, E. Pottier, Dictionnaire des antiquits, Paris 1877-1919. J. Humbert, Syntaxe grecque, Paris 1945. F. Jacoby, Theognis, Sitzungsberichte Akademie Berlin, 1931, 88 ss. R. Khner, A usfhrliche Grammatik der griechischen Sprache .. premire partie revue par F. Blass, seconde par B. Gerth, Leipzig 1890-1904. J . KrolI, Theognis-Jnterpretationen, Leipzig 1936. H. G. Liddell-R. Scott-H. S. Jones, A Greek-English Lexicon, Oxford 1925-1940. A. Peretti, Teognide nella tradizione gnomologica, Pisa. 1953. M. Pohlenz, Compte.rendu de Jac, Gtt. Gel. Anzeigen 194, 1932, 410 ss. E. Schwyzer, Griechische Grammatik, Mnchen 1939-1953. M. H. A. L. H . van der Valk, Theognis, Humanitas N.S. 4-5, 1956.

    4. Notes diverses: Th. renvoie au texte; Thognis en toutes lettres dsigne Ie pote mgarien; les

    expressions ei-dessous, eidessus, et ei-aprs ont une signifieation trs preise: dans

  • 8 AVERTISSEMENTS PRATIQUES

    Ie eommentairc, ei-dessous renvoie aux notes gnrales relatives au moreeau mme; dans ees notes, ei-dessus renvoie au eommentaire du moreeau ; ei-aprs renvoie des notes gnrales relatives un moreeau qui suit;

    A-Q dsigne les ehants de l'Iliade, aow eeux de l'Odyssoo; La lettre n. aprs un numro de vers renvoie une note. Je n'ai pu rsister la tentation de eiter parfois une traduetion latine de mon

    elbre eompatriote Grotius.

  • 1-4.

    1-4

    TQ 'va, A17'wv vU, LlL -,:"o, OVnOTE ae'io ~aOf.laL eXf.lEVO oM)' nOnaVf.lEvo,

    ' ai neWTV TE "ai VaTaTOV lv TE f.laOLaLV etaw' av tJ f.lOL "iiOL "ai eaO (){tJov.

    1. Tt) 'va: mme expression H. Hom. Ap. 179 et 526. Dans Homre Ie vocatif 'va ne s'emploie que pour Zeus (p.ex. r 351), 'vae pour dieux et mortels.

    A17TO'V vU: cf. A 9 A17Toii "ai LlL v[, H. Hom. Ap. 545 LlL "ai A17Tov vU; Th. 1120 emploie A17TottJ17.

    LlL -,:"o: cf. (]J 229 eyveToeE, LlL T"o. Tt"TELv peut se dire du pre, ainsi E 875 av (Zeus) ye -,:"E '~eova "ov(!1]v.

    ovnoTE ae'io I ~aof.lat: clich des Hymnes homriques, p.ex. Dion. 58 s. ovtJ nn lan I ae'i yE 17{}f.lEVOV ... "oaf.lijaaL OLtJ~V. Grgoire Ie Thologien Ie connat encore, cf. Anth. Pal. 8, 2, 5 s. ovnoTE ae'io I ~a0f.laL.

    ae'io: Th. emploie trois formes piques, celle-ci, aEii (p.ex. 253), a{}Ev (1232), mais ni ao, ni TEoio; on lit trois fois la forme non pique aov (414, 969, 1239).

    2. eXf.lEVO ... nonavOf.lEvo: expression "polaire" quivalent 'toujours'. Trs probablement l'auteur songe, comme ceux des Hymnes homriques, aux rcitations qu'il place sous Ie patronage du dieu de la f.lOVaL"~. Cf. encore Hs. Thog. 48 eXf.lEVai TE , ~yovaat T' OLtJij, et fr. 192, 4 Rz. eXf.lEVOL tJ Atvov "ai ~yovTE "aovaLv.

    deXf.lEVO: avec hiatus et allongement de la dernire syllabe la fin de la premire moiti du pentamtre, comme encore en 329, 461, 1136, 1232.

    WtonaVf.lEVo;: emploi absolu comme en E 288 net v y' nonavaEa{}aL netv yE etc., (]J 372 ' ijTOL f.lv eyw nonavaof.laL.

    ovtJ' : en prose soigne on lirait sans doute OVTE ... OVTE. lci la formulation est plus libre; ovnoTE dtermine en premier lieu ~aw eXf.lEVO seul; ceci est conforme l'habitude d'invoquer la divinit dans Ie prome de la rcitation.

    3. aid: correspond ovnoTE (1). Pour l'orthographe cf. 755 n. neWTOV . .. vaTaTov ... f.laOLaLv: autre locution "polaire", complte par

    la mention de l'intermdiaire. Cf. Esch. Prom. 116 {}EavTo 1j {JeoTEio 1j "E"eaf.lv17; Eurip. El. 907 s. Tiv' eX?]v newT a' eElnw "a"wv; I notaL uevT; Ttva f.laov Tew yov; Thocr. 1, 2 s. llToEf.laio bi neWToLa Eya{}w I "ai nVf.laTo "ai f.laao. Pour la polarit simple cf. 1146 'EnttJL TE neWTn "ai nVf.lTrJ {}vhw; B 281 newTot TE "ai VaTaTOL; H. Hom. Ap. (21) 3 s. a tJ' dOLtJ . .. neWTV TE "ai VaTaTOV tv dtJEL; Hs. Th. 34

    a~ (les Musea) neWTV TE "ai VaTaTOV aiv dtJELV. On voit jusqu' quel point c'est un clich.

    ev tJ f.laOLaLv: cf. A 35 v tJ f.laOLaLv f?7V (o,u~a); Asios fr. 1, 3 s. D ev

  • 10 1-4; 5-10

    CJA p,aotatv I ifew eia'f1]xet. Th. crit l'adjectif sept fois avec un, trois fois avec deux sigmas.

    4. de{aw : pour la forme active cf. Hom. epigr. 15 delaw cL xeeap,ije, Sappho 160, 2 LP xaw delaw; pour I'a long, e 519 delCJn CJeCJaw (dbut du vers), Ilias parva I "Iwv de{CJw; pour la construction avec l'accusatif de la personne, H. Hom. Ap. (21) 3 af. CJ' dot&l . de{CJet. Le verbe a ici Ie sens norm al dans la posie pique, cf. A I .

    p,Ot: dpend de x?iilh (et de MCJov); cf. 13 evxop,vep p,ot x?iilh, Sol. 13, 2 D xfj{}{ p,ot evxop,vep, Hom. Epigr. 12, I xv{}{ p,Ot evxop,vep, et, avec moins de prcision, CJ 767 {}e CJ Ot lxvev deij, Crates Theb. I, 2 D xvd p,Ot evxop,vep.

    xVlh ... MCJov: l'aoriste se rapporte probablement une situation concrte, Ie prsent la vie du pote dans son ensemble. La situation concrte est celle d 'une rcitation, cf. 2 n. Vne diffrence comparable se remarque en y 55 ss. xv{}t IIoae{CJaov , .1 . . xVCJo naCe .1 .. net1:a MCJov: l'aoriste fait appel l'attention immdiate du dieu, les prsents deman-dent une bndiction plus durable.

    xa{: introduit la teneur de la prire, cf. CJ 13. a{}J. : Ie contexte ne spcifie pas la signification; celle-d est donc

    gnrale: 'prosprit, bonnes choses' ; cf. K 213 "aL ot Mat laaeT:at a{}~, Sol. 23, 2 D a'M .. . .. {}eov CJtCJVT:O; y 380 est beau coup plus spcial.

    Le quatrain est une brve invocation d'Apollon, qui, par la terminologie et la teneur, rappelIe les Hymnes homriques. Elle se placerait trs naturellement au dbut d'une rcitation faite un concours ou un banquet. Ha, 224, croit que Ie quatrain tait l'introduction au livre d'lgies de Th. Ca proteste en disant qu'Apollon rapparat peine dans Ie recueil et qu'un hymne revt la forme pique. Pourtant une invocation d'Apollon, protecteur de la p,ovatx~, s'explique fort bien au dbut de n'importe quel pome (cf. p.ex. Ie dbut des Argonautiques d'Apollonius de Rhodes, pope dans laquelle Ie rle du dieu est insignificant), et d'autre part un hymne (disons plutt : une brve invocation) en hexa-mtres piques s'accorderait fort mal avec une collection d'lgies. Ce qui me fait douter de la thorie de Ha c'est Ie caractre momentan de xv{}t et la grande ressemblance des hymnes dits homriques.

    Kroll, 2, est frapp de la froideur du quatrain, Pohlenz, 415, y voit une confession passionne. C'est Ie ton qui fait la musique. Probablement in medio veritas.

    5-10. WoifJe va;, 8-ce p,v ae ()e dxe nT:Vta 1]T:W, epo{VtXO aCJtvfi xeeaLv epmpap,V1],

    ()avT:wv XMta-cov, nL T:eOxoetCJt lp,vn, naaa p,f.V n~a()1] L1ij.A.O .neteea{1]

    oCJp,ij dp,fJeoa{1], ly.A.aaae CJf. raia ne.A.We1],

    5

    y~()1]aev CJf. fJa()v II VT:O .A. no.A.tij. 10

  • 5-10 11

    5. (/Joi{Je va~: repris en 773; formule pique, cf. p.ex. H. Hom. Apoll. 257 (/Joi{Je va~ b,eeye et A 36 'An,t~,wVt avaxTt.

    {JTe f-lv: sans ()i corrlatif; cf. 19,931,997,1249; Denniston s.v. III (5). nTVta A1JTW: pique, cf. H. Hom. A poll. 12, 49, etc. 6. rpolvtxo: I'arbre est cit H. Hom. A poll. 117 f-lrpi (j rpolvtxt {Je n~xee, et encore p.ex. Callim. Dl. 210 rpo{VtXO no neef-lvv. En C 163 Homre rappelIe l'existence Dlos d'un palmier, sans aucune implication religieuse ou mythique. On peut de nouveau voir un palmier Dlos, seul arbre dans l'le.

    a(jtvfi: la variante a(jtvij n'est, en soi, pas impossible, malgr la remarque assez nave de BP: "an dem schwanken Baum htte Leto keine Sttze gehabt": la comparaison de la gracieuse Nausicaa avec Ie rpo{Vtxo viov evo implique I'ide d'une lgante souplesse. Seulement c'est ici la desse, plus importante que I'arbre, qui sollicite une pithte. Cf. ensuite 1002 a(jwai xeea{v propos d'une jeune laconienne, Thocr. 17,37 a&v .. ,xeiea, Hs. Tho(J. 195 noaaiv vno a(jtvoiatv, Anacron 43, 2 Gent. a(jwov; ... f-l1Jeov, etc. Enfin a&vfi est lectio diflicilior.

    xeea{v: comme souvent non les mains, mais les bras; cf. p.ex. rp 223 f-lrp' 'O(jvaijt ... xeiee {JaVTe.

    rpatpaf-liv1J: cf. e 348 xeteeaatv rptpeat fJneleow; pour l'ide Schol. Ap. Rh. 1, 1131 UJo a Tai "vovaat nvv naeaxetf-livwv af-lf3veatJat.

    7. tJavTwv "taTe: cf. 1117 rnOVTe tJewv "taTe, Callim. Apoll. 36 ei xa. Apolloll est habituellement reprsent comme jeune et beau.

    TeOxOet(jit {f-lvn: Ie lac est encore mentionn par Esch. Eum. 9 mwv (j ).,{f-lv1Jv .d1J).,{av Te xote(ja, Eurip. Ion 167 ).,{f-lva nif3a Tij .d1Jt(jo, et ailleurs. L'pithte TeOXOet(j* est remarquable; les termes usuels pour 'rond' sont aTeoyyvo et "V"OTee~. Celui que Th. emploie semble avoir t presque technique (rituel et touristique) pour Ie lac dlien; toujours est-i! qu'Hrodote 2, 170, 2 crit ij 'II .d~cp ij TeOXOet&j xaeof-lv1J (savoir {f-lv1J). Callimaque crit TeOxeaaa (Dl. 261) et neet1Jy~ (Apoll. 59).

    8. neteea{1J: ne peut signifier, en soi, que 'illimit' au singulier (cf. Y 58 yaiav neteea{1Jv) et 'innombrables' au pluriel (cf. T 174 v(jee nooi neteiawt). lci on peut interprter d'au moins trois faons diffrentes: a. "illusion due ... la reprsentation picturale de l'le (cf. ei-dessous), dont les contours dpassent les limites de la toile" (c'est l'opinion de Ca); b. c'est un synonyme de xvxOTee~ (Edm, Ga et d'autres); on compare Esch. Ir. 379 N2 'II XCP ne{eOVt et Aristph. Ir. 379 (jaxTvwv ... rpiewv neteova; i! faut remarquer que, loin d'tre circulaire, Dlos a plutt la forme d'une ellipse trs allonge; c. Ia signification est religieuse; W. Schulze, Quaestiones epicae, 245, approuv par Pohlenz, 426, constate que Ie terme peut avoir la nuance d' 'indicibie' et, partant, de 'sacr' (cf. Adr); je dirais plutt: une nuance d' 'ternel'. Au point de vue religieux, tout endroit sacr n'est jamais exclusivement une localit topographique aux limites matriellement circonscrites; il reprsente en mme temps Ie monde

  • 12 5-10

    divin, Ie cosmos universel dans son immensit. Dlos se situe ici au mme plan que raia et IlVT:o.

    9. dJP1j: cf. H. Hom. Dm. 277 s. oJp~ J' tpeeeaaa {}v'YjvT:wV n nnAwv I a~lJvaT:o . et E. Lohmeyer, Vom gttlichen Wohlgeruch, S.B. Heid. 1919, 9.

    pPeoal'Yj: cf. H . Hom. Herm. 231 s. et Dion. (7) 36 s. WeVVT:O J' oJp~ I pPeoal'Yj.

    yAaaae: cf. T 362 yD..aaae Ji naa neei X{}wv , H. Hom. Apoll. 118 petJ'Yjae Ji yai' vn&ee{}-ev, et Esch. Promo 89 S. novr:twv re ~vpT:wV I vfJet{}-pov yAaapa.

    raia neAWe'Yj: cf. Hs. Thog. 173 yfJihjaev Ji . .. raia neAWe'Yj (dan Hs. huit fois en tout). Nos habitudes orthographiques no us obligent crire yaia (et nvr:o au vers suivant) avec ou sans majuscule. Le choix est dsagrable, parce qu'il est probable que la mentalit grecque ne se Ie posait gure: toute ralit matrielle possde en mme temps sa dimen-sion spirituelle, mtaphysique et religieuse. Si je prfre employer la majuscule c'est pour indiquer que la terre et la mer, sans tre personnifies au sens absolu du terme, ne sont pas conues uniquement dans leur essence matrielle. Cf. encore Kijea en 13 et 767.

    9-10. H. Hom. Dm. 13 S. offre un parallle frappant: ~WC' fjJtar:' oJpfJ, n J' oveav ev(!V vne(!{}-e I yai re na' yAaaae ~ai .pv(!v o lJpa {}-aAaa'Yj.

    10. IlVT:o A nOAtij: clich homrique, cf. IJl 59, repris par Th. 106; ici il est en parfait quilibre avec raia neAw(!'Yj et dsigne la mer dans son immensit.

    Le but essentiel de cette invocation d' ApolIon est de montrer combien la naissance de ce 'plus beau des immortels' rjouit Ie monde; non seule-ment Dlos, mais encore la terre et la mer dans leur ensemble. Rien ne suggre une occasion spciale. Elle peut avoir servi d'introduction un pome plus considrable, mais rien ne Ie prouve. Les ides qui s'y trouvent exprimes sont usuelles; il n'y a pas lieu d'admettre (p.ex. avec HW) que Ie sixain drive directement de I'Hymne homrique ApolIon.

    Le petit pome est de toute simplicit. Il ne faut pas lui faire dire des choses qu'il ne dit pas, et encore moins Ie dissquer. Kroll, 10, y voit une description, un tableau, rendu plus vif par une apostrophe; il constate de plus un dsaccord entre l'invocation et la description, et, en cons-quence, la confusion de deux styles, Ie "Du-Stil" et Ie "Er-Stil". Ces constatations ne contribuent aucunement la comprhension: ell es compliquent ce qui est ingnu et sans prtention. Ca, 94, compare entre autres l'pigramme attribue Anacron (204 Gent., Anth, Pal. 6, 134 Plan.) qui dcrit un tableau ou un bas-relief reprsentant trois Bacchantes, et explique Ie sixain de mme; i1 constate que la scne ne se droule pas, mais est "fige en une sorte de tableau". On peut prsenter plusieurs objections : grammaticalement, les aoristes lnAfJaihj, lyD..aaae, yfJihjae ne

  • 5-10; 11-14 13

    sont pas descriptifs, mais narratifs; il est trs peu probable qu'on ait reprsent la naissance d'Apollon ou Ie travail de Lto; ni Ie parfum, ni Ie rire de la terre, ni la joie de la mer ne se prtent une reprsentation picturale ou sculpturale.

    E. Wolff, Zum Theognis-Prooemium, Hermes 68, 1933, 128 s. constate qu'Apollon, Artmis et Lt sont volontiers invoqus la fois; cf. H. Hom. Apoll. 158 S., Bcol. Att. 1, etc. Le quatrain de Th. n'est done pas simplement un hymne ApolIon, mais un hommage sa mre. "Die Wunder der Geburt dieses Gottes" , dit-il, "loben die Mutter in dem Sohn. Ist doch die Geburt des 'Heilands' das einzige leyov der 'Mutter Gottes' ". Ceci ne peut valoir que si l'on considre 1-14 co mme une unit eompositionnelle destine honorer la "triade divine", ce qui, croyons-nous, est une illusion; voir ci-aprs.

    Faut-il raccorder Ie morceau celui qui prcde? Pohlenz, 146, croit que oui: 5-10 donnerait la suite "objective" de l'invocation "subjective" de 1-4, et Yo est du mme avis. Kroll, 11, proteste, avec raison, je crois; Ie seul point de contact entre les deux est qu'ils traitent l'un et l'autre du mme dieu; mais ils se comprennent parfaitement en soi et ne con-tribuent aucunement la comprhension mutuelle.

    11-14. "Aeupt (hJeocp6V'YJ, OVyaue LI t6, ~v ' Ayappvwv el(]aO', -r' l TeolTJv lnke V'YJval Oofj,

    evxopvep pOt xvOt, xax cl nd Kfjea ).a).xe aol pv -rov-ro, Oe, aptxe6v, lpol lJ pya.

    11. lhjeoq;6V'YJ: Hrodien (Etym. M. 502, 4) connat les deux formes lhjectp6va et lhjeeq;6va. Dans Aristph. Thesm. 320 lhjeoq;6ve na, leon des manuscrits, a t corrige par Hermann en lhjeoq;6vTJ. Eurip. Here. F. 378 crit lhjeoq;6vov {hv. Pour la forme fminine on peut comparer novq;6e{JTJ (Hs. Thog. 912), Taveon6a (Soph. Aj. 172), roeyoq;6va (Eurip. Ion 1478), 'Hvt6XTJ (Paus. 9, 35, 5). Paus 5, 3, 3 connat Ie nom feminin 8TJeatq;6V'YJ (Bekker, 8TJeeq;. les mss.).

    fJVyaue Llt6: cf. v 61 "Aeupt, n6-rva {}e, fJVya-ree Llt6. 12. elaa{}': c'est la leon de X; A et les autres crivent eaa{}'. Cette

    seconde leon, 'apprit eonnatre' (cf. Ga 95 n. 1), rappelIe Ie mythe rapport dans les Gypria (fr. 10 Bethe p. 153): Agamemnon s'tant vant Aulis de surpasser Artmis Ia ehasse, Ie saerifiee d'Iphignie, auquel elle l'obligea pour Ie punir, lui 'apprit eonnatre' Ia desse. L'autre leon est adopte, juste titre, par tous les diteurs reents. Elle signifie qu' Agamemnon 'fonda' un sanetuaire en l'honneur de la desse. Pour la construction elliptique cf. Callim. Dl. 308 s. ijv (K vnetv) nou 8TJaw I elaa-ro, et fr. 200 b Pf. (Iambes) -rijv ("A(!uptv) 'Dyappvwv, w pfj{}o, elaa-ro.1)

    1) Callimaque emploie la construct ion normale au vs. 1 de l'Epigr. 33: "A(]TEIS" Ti" T' ya),lSa CP'),7]!?a EiaaTo TfjE.

  • 14 11-14

    Pindare Py. 4, 204 emploie la forme laaavTo. La variante eiaa{}' est peu probable dans Ie contexte. Quand on prie une divinit de bien vouloir aider et protger, on n'empruntera pas de prfrence au cycle. mythique un pisode qui montre sa svrit vengeresse. Cf. encore ci-dessous.

    l: les deux formes l et el sont, dans Th., tout aussi frquentes; il n'en ressort aucune conclusion.

    n),ee: l'imparfait signifie soit 'tait occup naviguer', soit 's'apprtait naviguer'. La seconde traduction convient mieux au contexte.

    v1Jvai {}ofj: clich homrique, cf. p.ex. 1J 34 v1Jvai {}ofjatv ... nenoL{}TE. Le ms. A porte, de premire main, {}oai, corrig en {}o1J (={}ofj), leon des autres mss. Elle est plus conforme l'orthographe de V1Jva{.

    13. evxop,vcp flOL ;CV{}L: cf. 4 n. ;CV{}L ... a;ce: les aoristes impIiquent une situation dtermine. ;ca;c nd K iiea a;ce: cf. 767 T1JOV tJ ;ca;c nd K iiea flVvaL,

    (/J 548 {}avTow f3aeda Kiiea ),;COL, Hs. Thog. 527 ;ca;c~v tJ' nd vovaov (i),a;cev. Pour la majuscule cf. 9 n.

    14. aflL;CeV: il est pratiquement certain que la leon originale de A tait afll;CeV. On se demande pourquoi elle a t change en flL;Cev.1) Le scribe a-t-il lu tort {}e et biff Ie final? En tout cas c'est une correction, errone d'ailleurs, de ce scribe mme; la tradition est unanime. Th. crit avec a ici, 323, 580 et 1281; fll;Ce en 254, 607 et 1273, mais ces trois fois aflL;Ce serait tout aussi possible, d'autant plus qu'en 607 et 1273 Ie mot prcdent se termine par . Pour l'ide on peut comparer Soph. Aj. 825 alr~aoflaL {) a' ov fla;cedv yiea aXeiv, Callim. Epigr. 6,4 Keewrmcp, Zw cp{e, TOVTO fliya; et beau coup d'autres passages.

    Ce quatrain est une prire (non un hymne, co mme dit Kroll, 14) adresse Artmis dans une circonstance dtermine. Elle est invoque comme

    ),e~{;ca;co, comme dans Anth. Pal. 6, 240 [Philippe], et spcialement, ce semble, comme protectrice des navigateurs, puisque, au vs. 12, l'accent tombe plutt sur v1Jva{ que sur l Teo{1Jv. Cf. K. Hoenn, Artemis, 1946 p. 50 ss., L. R. Farnell, Cults ot the Greek States II p. 430 s. et 512 (ou il mentionne une Artmis Evnota); Callim. Art. 188 ('AedflLtJL) watJe . .. Lflve ... Eve{now; Ap. Rh. 570 s. v1Joaaov eVnadeetav I "AeTEflLV.

    La prire est complte: elle comprend successivement l'piclse avec une pithte, un lment artalogique, la prire proprement dite, un argument.

    Par qui est-elle prononce? Et dans quelles circonstances1 Ca, 94, songe un guerrier, qui prie la desse de Ie prserver d'une mort violente. Ne vaut-il pas mieux d'admettre que c'est un homme qui va affronter les dangers d'un voyage maritime? Agamemnon n'a pas d 8'assurer de la bienveillance de la desse pour pouvoir faire la guerre, mais pour tre mme de prendre Ie large.

    On a rapproch du quatrain un passage de Pausanias (1, 43, 1): ;cal 1) Ce n'est pa.;; une des correctioIlB apportes aprs la collation de Bk.

  • 11-14; 15-18 15

    'A(!rfuc5o [e(!ov 'Aya/-l/-lvWV bwtTJGev ( Mgare), ~vt'Ka ~).{)e KAxavTa Oly.oVvTa v Mey(!ot "nwv lnea{}at netawv, et une scholie Aristph. Oi8. 873 qui explique Ie nom d' Artmis KoAatvt en ces termes : c5t TO TOV 'Aya/-lwova {)fjaat aVTfj x TOV xat(!ov (var. X(!tov) xoMv. 'Enl c5 TaVTTJ KaAAt/-laxo Uyet (Iamb. fr. 200 b Pf.) T~V 'Qya/-lWwv, w /-lv{}o, e'laaTo, I Tfj xal ).tnov(!a xal /-l0v(ima {}veTat. Le texte de Pausanias n'est pas absolument clair: Agamemnon batit-il Ie temple Mgare, parce qu'il veut convaincre Calchas Ie suivre, ou parce qu'il y a russi 1 Le mythe n'est d'ailleurs mentionn qu'ici. Sans doute Mgare est la patrie de Thognis, mais quiconque lit Ie qua train sans ide prconue songe plutt aux vnements qui se sont drouls Aulis. Il s'ajoute Ie dtail que l'Artmis de Mgare tait qualifie d'Agrotra et partageait son temple avec Apollon Agraos (Paus. 1,41, 3). Kroll, 30 ss., estime donc que Th. ne songe nullement Mgare; Ie fragment de Callimaque situe Ie temple Amarynthos d'Eube, prs d'rtrie; Artmis Amarousia tait la principale desse eubenne (cf. p.ex. Paus. 1, 31, 5) et son culte rayonnait au loin. Ces arguments sont trs solides, d'autant plus que Callimaque attribue Agamemnon l'tablissement du culte de la de3se Amarynthos et emprunte littralement l'expression de Th. Les traditions mythique, pique et, plus tard, dramatique situent Aulis les principaux rapports entre Agamemnon et la desse; on comprend que les prtres d' Amarynthos aient tenu attribuer au grand roi la fondation de leur tempie.

    Aristote Etk. Eud. 7, 10, 1243 a 16 cite Ie vers 14 comme tant de Thognis. Il lisait donc Ie quatrain dans un livre qui portait son nom.

    Les allusions la navigation maritime sont rares dans Ie recueil. A part ce couplet-ei, il y a la mention du marin qui reoit l'hospitalit (511 s.), la longue mtaphore en 671 ss., Ie n(!one/-lnnxv 691 S., trois mtaphores ou comparaisons brves (248, 856, 970), et Ie passage obscur 1202.

    15-18. Movaat xal X(!tre xov(!at L1t, al nare KI5/-lov 15 y/-loV A()ovaat xa).ov etaaT' lno

    "Ont xa).v, c/>tAov aTt, TO 15' ov xaAov oU c/>tAov aTt TOfu' lno ()avTWv ~A()e c5t aT0/-lTWV.

    15. Movaat xal X(!tu: Kroll, 19 ss. , affirme, sur la foi d 'un raisonne-ment trop subtil, que le3 deux groupes de desses ne sont pas runis dans un mme chreur avant Ie Ve sicle. Mais Sappho fr. 103, 8 LP les combine dans un passage qui traite de chant, Pindare invite le3 Charites chanter (N . . 10, 1 s. X(!tu ... v/-lvEre) , ce qui, normalement, est l'apanage des Muses. D'ail1eurs la forte ressemblance entre les deux groupes ainsi que Ie rapport troit entre /-lovaa et X(!t, pris dans leur sens artistique, rend Ie point de vue extrmement improbable.1)

    1) Cf. R. M. Rosado Fernandez, Comentario a un pa880 de Twgnis (1 15-18), Euphrosyne 3, 1961, 81-90.

  • 16 15-18

    Au point de vue grammatical et stylistique, les noms peuvent tre des vocatifs ou des nominatifs. Si ce sont des vocatifs (dans son index verborum Yo les classe comme tels), ils ont la valeur syntactique d'une proposition complte; cf. KG, I 50 S., Schwyzer II 60; c'est une invocation sous sa forme la plus succincte. Si ce sont des nominatifs, on peut, la rigueur sous-entendre (aTl): 'vous, Muses et Charites, tes les filles de Zeus, qui etc.'; l'ide serait sans grand intert. On pensera plutt une es-pce de titre, p.ex. dans une pigramme relative une reprsentation des desses, qui seraient au nombre de douze ou de six.l) La fameuse pi-gramme rancuneuse d'Apollonius de Rhodes l'adresse de Callimaque (fr. 13 Powell): Katf-laxo' Ta xOaef-la, Ta natyvLOv, evtva vov etc., ressemble, a-toon dit, un article de dictionnaire, dans lequel Ie nominatif initial est Ie terme expliquer. On pourrait songer un jeu plus ou moins srieux lors d'un symposium. On invite un convive composer un petit pome propos d'un sujet impos. Apollonius fltrit un adversaire, Th. caractrise les desses en rappelant une ide importante qu'elles ont formule jadis. La seule diffrence formelle est que Th. emploie la deuxime, Apollonius la troisime personne. Le mouvement de la phrase peut se rendre librement par: 'Les Muses et les Graces: c'est vous les filles de Zeus qui etc.' 2)

    xoVeat Llt: l'appellation vaut pour les deux groupes; cf. B 598 Movaat . xoveat Llt, Sappho 53 LP XetTE . . Llto Xeat.

    nOTe: on ne trouve pas dans Th. les formes ioniennes XTE, xod et leurs drivs.

    15-16. KlJf-l0v .. yf-l0v: avec Harmonia, fille d'Aphrodite et d'Ars, cf. Hs. Thog. 937. Les dieux y ont assist et les Muses et les Graces taient leur place au mariage d'Harmonia. Diod. Sic. 5, 49 crit qu' cette occasion 'Anwva f-lv xtOaetaat, T lJ M ovaa avijaat.

    16. xaMv: peu original, vu l'emploi au vs. suivant; ici avec a long, selon l'emploi homrique; au vs. suivant avec a bref, cf. dj H. Hom. Aphr. 29 et Hs. Thog. 585. Dans Th. l'a est long 15 fois, bref 11 fois; toujours long in thesi, bref in ar8i.

    17. {Jnt xaav etc.: Platon Ly8. 216 C connat l'expression Ta xaav qJtov et l'appelle un vieux proverbe (exata naeotf-lta). Apostolius Provo 16, 87 dit qu'il s'emploie n;, nov Ta aVf-lqJ(!Ov aleovf-lvwv et K. Latte, P- W. Realenz. 10, 2, 1464 Y voit une expression d'gosme naif. Cela peut tre vrai pour Ie raisonnement de Platon, mais ne l'est pas pour Th. On peut encore citer Eurip. Ba. 881 et 901 lJ Tt xaav qJlov del, ce qui confirme Ie caractre proverbial. L'adjectif xa est susceptible de diff-rentes interprtations; pour Ie choix faire ici cf. ci-dessous.

    1) Les Muses sont parfos, mas rarement, au nombre de tros. 2) Pourrait-on considrer Ie vers 17, rr, xa,1.v etc., comme proposition prin.

    cipale? La paraphrase serait: '0 Muses, qui avez chant aux noces de Cadmos un si beau ca.ntique, (je vous prends tmoin>, c'est Ie beau qui nous charme. Cette a.ffirma.tion est due des divinits'.

  • 15-18; 1-18 17

    Ta 15' OV "aav etc.: la rptition de l'ide sous forme ngative insiste, mais Ie procd est peu original. C'est probablement un remplissage invitable aprs la mention du proverbe.

    18. lno: rpte Ie terme dj employ en 16; l'accent tombe sur -DavTwv; la valeur du proverbe s'accrot du fait que des desses en ont fait Ie thme d'un chant.

    t5t aTo/-lTwV: cf. Esch. Sept. 579 Uret lno t5t GT/-la, Aristph. Ois. 22088. t5t

  • 18 1-18; 19-38

    modeste et ce que nous pouvons souponner de Thognis mme engage Ie considrer comme fort peu religieux; cf. Appendice IV.

    A un moment donn Ie formateur (ou un des formateurs) du recueil a plac ces q uatre pomes au dbut, soit par scrupule religieux, soit par respect de traditions. Il existe uh cas absolument parallle: la collection de scolies anonymes conserve par Athne (15, 694 C ss.) commence gale-ment par quatre petits pomes el {hov. Les grands philologues hellnistes ont suivi la mme rgle: Aristophane de Byzance a class les odes religieuses dans les premiers livres de son Pindare, et les pinicies, loges, thrnes, etc. dans les suivants; les "reuvres compltes" d' Alce, de Sappho, d' Anacron commencent galement par des hymnes.

    19-38. Kv(!ve, aocptCopvq> piv lpol acp(!'Yjyl bweetaOw Toiab' lneatv, A~aet 15' oVno-re "AenT6peva, 20

    oVCJ n JJ.Met ""tOV Tova()Aov na(!e6VTo, wCJe bi no. n l(!ei "eeVyvtM lauv ln'Yj

    TOV Meya(!w, nvTa CJi "aT' vO(!J7tov ovopaaT". , AaToiatv CJ' ovnw n,Utv &iv CJVvapat.

    Ovbiv OavpaaTv, IloAvnatCJ'Yj oVCJi y{! Zev 25 ovO' ilwv nvuaa' v()vet oVT' vxwv.

    Eol CJ' lyw ev cp(!ovwv vnoO~aopat, ol ne(! aVT, Kv(!v', nd nvv yaOwv nai lT' lwv lpaOov.

    Ilnvvao, P'YjCJ' alax(!oiatv ln' l(!ypaat P'YjCJ' M"otat np P'YjCJ' (!eT li."eo P'YjCJ' l1CPevo. 30

    Tavm piv oVTW 'taOt' "a"oiat CJi p~ n(!oaoplkt VCJ(!atv, AA' alei TWV yaOwv lXeo .

    "al peT Toidtv nive "al laOte, "al peT Toiutv rCe, "al VCJave Toi, WV peyA'Yj CJVvapt.

    , EaOAwv piv y(! n' laOA paO~aeat' ~v CJi "a"oiut 35 uvpplaYrJ, noAei "al Tdv lvTa vov.

    Tavm paOwv yaOoiatv plAee, "al nou cp~aet ev avp{3ovAeveiv Toiat cp{Aotatv lp.

    19. Kv(!Ve: Ie nom ptopre est tudi par O. Hoffmann, die Makedonen, Gttingen 1906, p. 63 s. et F. Solmsen, Beitrge zur griechischen Wort-forschung, Strassburg 1909, 104.

    Cyrnos, fils de Polypaos (IloAvnatCJ'Yj 25 et aiIleurs; Ie nom Polypaos est nettement aristocratique), est Ie jeune nob Ie auquel Thognis adresse ses recommandations pratiques et morales et ses dolances. Nous ne savons de lui que ce que ces vers apprennent. Le passage commence en asyndte.

    aorptCopvq>: en gnral, Ie verbe signifie 'faire reuvre d'expert', aorptaT~ tant l'homme 'qui est au courant de quelque chose'. Le contexte dooide chaque fois du choix de la signification spciale. Ici on a interprt de

  • 19-38 19

    diverses manires (voir la bonne discussion chez Ga 144 s.) Les uns traduisent 'faire rouvre de pote'; d'autres y ajoutent l'ide de sage rflexion ou de conseil utile, mais cette ide n'entre en jeu qu' partir du vs. 27; Jac, 372 n. 69, propose: 'hre meinen Einfall'; Carrire (R.E.G. 77, '54, 42 s.) met Ie terme en rapport avec la mise du sceau (acperly{) et voudrait traduire 'appliquer un procd ingnieux'. L'interprtation la plus simple est, sans doute, la premire; Thognis ne pense encore qu' son rouvre de pote (cf. br:eat 20); donc: 'quand je fais ces vers'; la nature de ces vers n'importe pas encore.

    pi,,: oppose assez vaguement l'ide initiale un dveloppement qui suivra; s'il fallait prciser, on devrait dire: s'oppose 27 ss., qui com-men cent par t5(i). .

    /-,o{: la forme non enclitique du pronom insiste sur l'importance du sceau pour l'auteur en personne; Ie datif est celui de la persOIme principale-ment intresse.

    acperly{: quel est ce 'sceau' que Thognis niet sur ses vers? Onpourrait citer toute une littrature qui s'eft"orce de rpondre . cette question et la critique dtaille exigerait des pages. Il y a trois rponses principales: a. Ie sceau est Ie caractre spcial du style du pote, dont celui-ci est conscient et qui, croit-iI, doit tre vident tout Ie monde; il convient de noter que personne, jusqu' prsent, n'a russi Ie dterminer; s'il en tait ainsi, les problmes d'authenticit seraient rapidement rsoIus; b. c'est Ie vocatif Kve"e (parfois IIovnatt5'T]) qu'il faut considrer comme marque d'authenticit, et, en eft"et, ils reviennent plus de quatre-vingts fois dans Ie recueil; c. c'est la mention ici-mme du nom de I'auteur; l'appui de cette thorie on cite l'usage de la acpeay{ dans Ie nome terpan-drique, dans les Perses de Timothos, et la mention du nom de l'auteur au dbut des pomes d'Hsiode et d'Empdocle et des livres d'Hrodote et de Thucydide, au cours d'une ode d'AIcman (fr. 72, 1 s. Garzya ln'T] Tt5e xaL /-,io 'Ax/-,v I evee), ainsi que des indications indirectes (p.ex. Bacchylide 3, 97 K'T]{a 'T]t5vo). Tous les arguments ont t puiss et les adhrents de chaque thorie ne se laissent par convaincre. Tout ce qu'un commentateur peut faire est de formuler la sienne. Pour ma part, je crois l'exactitude de la troisime interprtation, non point parce que ce sceau serait d'une efficacit infaillible - aucun des trois ne peut l'tre -mais parce qu'il est Ie moins mystrieux des trois et se retrouve dans plusieurs autres auteurs. La mthode de Phocylide et de Dmodocos, qui commencent toujours par Kai Tt5e f/Jwxv{t5ew ou LJ'T]/-'ot5xov, ressemble une caricature de celle de Thognis. Voir encore l' Appendice Il.

    mxela{}w: au sens matriel Ie verbe s'entend de l'apposition d'un sceau un document; ici Ie sens est figur. Le parfait indique que la marque distinctive restera fixe sur l'objet qu'elle doit garantir.

    20. Toiat5' lneat,,: Ie sceau se trouve donc sur l'ouvrage potique mme; cf. encore ci-dessous~

    xenT/-'E'Va: c'est dire accapars ou attribus un autre; premire

  • 20 19-38

    forme de falsification; cf. Plat. Parm. 128 D vno vov nor; lp.ov lye'P"J "at Ttr; aVTo l,,).etpe yeag;v.

    21. )')'~et: avec l'accusatif de la chose mise la place d'un autre; cf. p.ex. Eurip. Ba. 53 e1c5or; D-vrjTOV ).)'~ar;. Ici il est question de l'attri-bution Thognis de vers infrieurs d'autrui; seconde forme de falsification. A moins qu'on ne prfre interprter avec Jac, 375, 'nul n'a plus besoin de lire des "ax, puisque mes laf))' sont sa disposition'. L'ide est digne de considration.

    ""tov: savoir Tt, ou T, emprunter l'article dans Tovaf)).ov. 22. l6e 6 nr; Ttr; lee: cf. L1 176 "at "i Ttr; l6' ieet; mais la phrase

    de Th. est beaucoup plus nergique. Pour nr; Ttr; cf. 621 nr; Ttr; n).ovawv .v6ea Ttet et Sol. 19,7 D nr; Ttr; lv lf360p.6t p.y' lletaTor;.

    eeVyvt60r;: notation orthographique de la synizse de - eo - ; cf. 776 n. Dans la citation de cette phrase chez Stobe (cf. Appendice I) on lit eeyvt60r;: dans ce morceau en prose l'orthographe usuelle se comprend.

    23. Meyaewr;: cette orthographe unanime des manuscrits est pro-bablement la banalisation d'un M eyaeor; original, que Bk a rtabli (cf. yevnvona 471). La graphie Meyaeevr;, qui est, en principe, possible (cf. eeVyvt60r; 22 n.), a d tre vite dans un texte non accentu pour viter la confusion avec Ie nominatif. Malgr l'affirmation de Platon, Lois 1, 630 A (eoyvtv, noUT'YJv nuv lv 1:t"eUg. Meyaewv), il semble que la patrie de Thognis ait t la Mgare de Grce (cf. Carrire, Et. 5 ss.).

    nvTar; 6 "aT' vf)ewnovr;: cf. 83 n. et K 212 s. p.ya "I:v Ot . "Uor; eL'YJ I nv-rar; in' vf)ewnovr;, et ailleurs.

    ovop.aaTr;: Homre emploie l'adjectif uniquement avec une ngation, p.ex. T 260 Ka"ot).wv ov" ovop.aaT~v; de mme Hsiode Thog. 148 8f3etp.ot ov" ovop.aaTot, et H. Hom. Aphr. 254 axdwv, ov" ovop.aaTv. Sans ngation p.ex. Pindare Py. 1, 38 a-vv wg;wVotr; f)aUatr; Ovop.aaTv et Eurip. Here. F. 5088. ovop.aaT neaawv. La question se pose si Ia phrase nv-rar; . .. ovop.aaTr; fait partie, oui ou non, de Ia dclaration d'authenticit et doit se placer entre guillements, Les avis sont partags. Si oui, il faut sous-entendre laTt et conclure que Ia rputation du pote tait dj solide au moment ou iI crivit Ie passage. Si non, il faut ponctuer fortement aprs Meyaeiwr;, sous-entendre elp.t (ou laop.at) , ou encore wv et rattacher la phrase suivante (Ha Ie fait et doit alors changer 6() en y(e) au vers 24). En soi, les deux opinions sont possibles. Rien n'empche de croire que Thognis ft dj clbre, ni qu'il proclamat avec force sa propre gloire. H. Fra.enkel (Diehtung und Philosophie des frllhen Grieehentums 1951,510) remarque que Ie pote aura prfr mettre ses louanges dans Ia bouche d'autrui, 8uivant en cela l'exemple de I'Aveugle de Chios dans I'Hymne homrique ApolIon. Mais Martial ne s'est pas gn d'crire (1, 1,2 s). totus notus in orbe Martialis I nugatis epigrammaton libellis. Pourtant je prfre relier I'expression celle qui prcde: on sous-entend plus facile-ment laTt qu'une premire per80nne ou, surtout, un participe; de plus, les distiques ont, en gnral, une tendance exprimer une ide complte

  • 19-38 21

    en soi. Les manuscrits XI Ur lisent ovop.acrrov qui s'accorde avec eeVyvt~O; la lectio diflicilior de AO est . prfrer.

    24. a-roiatv: prpar et prcis par M eyaew (23); Ie terme est assez frquent dans Th.; noh'Y/, qui n'en diffre gure pour Ie sens, ne se Iit que trois fois (219, 455, 795). A part 739 et 795 les deux substantifs ne se rencontrent que dans Ie premier tiers du recueil; les morceaux . tendance politique deviennent rares aprs Ie vs. 400.

    15() : oppose la phrase . celle de 23, deuxime partie ; la sympathie des concitoyens ne va pas de pair avec la renomme au-del. des frontires.

    ovnw: ou ov nw; signifie 'point du tout' ou 'pas encore'; combine ici les deux notions, comme en 706.

    natv: en 26 nv-reaat; l'alternance est conforme . l'usage pique (p. ex. A 5 olwvoia{ -re nat, E 246 yveat nv-reaat). Renner, Quaestiones de dialecto antiquioris Graecae poseos elegiacae et iambicae, 1868, 28s.,a dj. attir l'attention sur la frquence, chez Th., des datifs oliens en - eaat.

    !5ev: Ie terme est peu prcis; l'antithse avec Ie vers prcdent n'im-plique pas ncessairement que les Mgariens contestent Ie talent potique de l'auteur. Ce qui leur dplat peut tre Ie contenu de ses omvres, maximes morales ou convictions politiques. Pour l'ide cf. Solon 5, 11 D leyp.aatv v p.eyot natv !5ev xaenv, et Th. 368 ov-re yQ tV le!5wv v/5vw ov-re "a"w.

    !5vvap.at: Pohlenz, 419 s., met un point d'interrogation . la fin de la phrase qu'il considre comme protase hypothtique dont l'apodose se lit en 25 s. Le phnomne n'est pas inconnu, cf. KG 2, 234; ici pourtant l'antithse en 23 et 24 serait dtruite et la posie archaique affectionne les transitions soupies.

    25. ov!5v: adverbial; l'index de Y 0 Y voit un nominatif. {}avp.aa-rv: notons la paronomasie ovop.aa-r ... a-roiatv ... {}avp.aa-rv. Ilovnat!5'Y/: cf. 19 n. 25-26. ov!5 .. vxwv: cf. 801 ss., Soph. Ir. 481, 3 s. N2[Polyx.] ov!5'

    "eetaawv Zev p.ov . .. I ov-r' ~enop.{3ewv ov-r' navxp.~aa rp{o. Un ostra-con de Berlin, nO 12.319 (cf. U. von Wilamowitz. Moellendorff, S. B. Berlin 1918, 742 s.) donne Ie texte ov!5 ye oVv Zev ov!5' ... vxwv, dont les deux variantes ne se recommandent pas.

    26. nv-reaa(t): l'apostrophe immdiatement avant la csure du pentamtre se trouve 36 fois dans Th., .l'exclusion des cas ou l'on pourrait douter entre -ota(t), -ata(t) et -Ot, -at; cf. 34 n.

    Vxwv: savoir Tdv VETV, mas en pratique Ie verbe est intransitif; cf. Xn. Hell. 1, 6, 28 nei !5'veaXl- (il avait t question d'averses et d'orage).

    27. .ro~ 15' yw: la transition rappelIe celle d'Hsiode, Trav. 10 yw !5 "e Ilean T~-rvp.a p.vffrJaa{p.'Y/v; les deux fois yw s'oppose . Zev; pourtant la particule !5 correspond plutt . p.v du vs. 19. Cf. ci-dessous.

    ev rpeovwv: cf. A 73 v rpeovwv yo~aa-ro. vno~aop.at: cf. 1007 Evvov 15' v{}ewnot vno~aop.at, a 279 aoi 15' av-rqJ

  • 22 19-38

    nV"LVw vnoDrjaoflat, e 143 ol n(}q;(}wv vnoDrjaOflat. La phrase entire res-semble 1049 aoi 15' lyw ol -re natbi na-r~(} vnoDrjaoflat av-r et surtout Aristph. Ois. 1362 SS., qui peut s'tre inspir directement de Th., aol 15' W veavla,,' ov "a"w vnoDrjaoflat I .' olne(} av-ro lfla{}ov -re na 1}. Le verbe ne peut pas se rapporter uniquement, comme on l'a cru, aux conseiJs formuls en 29-38, mais tous ceux que Ie pote adressait Cyrnos. Il rsume Ie contenu de l'ensemble de son ouvrage, cel ui que Suidas s.v. eoyvt mentionne en ces termes : ly(}a'lpev ... n(}o K v(!Vov ... yvwflo.oytav bt' l.eyetwv. Pour Ie rapport de 27-38 avec 19-26 voir ei-dessous.

    28. K v(!V(e): la rptition du nom aprs 19 ne prouve point du tout qu'i1 faille (avec Kroll 89 n. 235) considrer les deux morceaux comme indpendants; dans un mme quatrain indissoluble 69-72 Ie nom se trouve rpt.

    ya{}wv: ni ici, ni en 32 il ne faut foreer Ie sens du terme; mieux vaut Ie prendre en un sens trs gnral qui combine noblesse de naissance, force physique et intellectuelle, et valeur morale ; cf. alax(}oaev l(}Yflaat (29), b'!5vaflt (34), vov (36); ya{} est l'adjectif correspondant au substantif (}eT:11

    na l-r' lwv: la mme expression en a 216; cf. encore Phocyl. 15 D x(}~ naW l-r' lv-ra I "a. btba"etv l(}ya et Thocr. 5, 36 s. v no,,' v-ra I nab' h' lywv 1Mbaa"ov.

    29. nnvvao: ailleurs, et normalement, avec v long. C'est pourquoi Bgk (suivi entre au tres par HW) crit nnvvo 1) et compare laavo Il 585, batvv(o) Q 63, t 447 laavo; mais dans nnvvo la longue devrait tre abrge devant la voyelle suivante, ce dont il n'y a pas de parallle exact dans la langue pique. Autant vaut conserver la leon unanime de la tradition et admettre une irrgularit dans la langue du pote. L'asyndte au dbut d'une srie de conseils, aprs la phrase ou les phrases introductrices, est normal, tout comme au dbut d'une numration ou d'une spcification.

    Wlb(): la fonction des quatre fl'YJM (= "ai fl~) n'est pas la mme; Ie premier "at est explicatif: il introduit la spcification de ce que nnvvao exprime en gnral; Ie deuxime relie M"otatv alax(}oiaLV, les troisime et quatrime (}e-r et dq;evo T:tfl.

    lnt: avec Ie datif dans Ie sens instrumental qui drive de l'ide de circonstance conscutive. Des passages comme K 303 bW(}qJ lni fley.qJ et Pind. Is. I, 47 flta{}o y(} d..ot dUo ln' l(}Yflaaev sont diffrents.

    leyflaae: cf. p.ex. Sol on I, 12 D M"ot l(}Yflaae net{}flevo; ce datif pluriel de forme dactylique est prfr par les lgiaques au sponde leyot qui alourdit Ie mtre et qui, en eet endroit du vers, en briserait la structure; cf. W. J. W. Koster, Trait de mtrique grecque IV 15, {J.

    M"otatv: prcise alax(}oiatv. 30. T:tfl: Ie pluriel marque la nuance concrte; l'auteur entend les

    1) Da.na Ie ms. A la. leon originale nnvvao a. t change en nnvvo, maid la. correction est postrieure la. colla.tion de Bk.

  • 19-38 23

    honneurs, les tmoignages matriels de respect. Une ngation corrlative aux deux IJ:r/tJi qui suivent manque devant n",, cf. p.ex. Eurip. Hc. 372 Uyovaa "'TJtJi tJ(!waa.

    (!ET: doit, entre n", et aq;evo, avoir galement un sens concret; il n'est pas question de vertus ni de qualits en soi, mais de preuves objectives, de manifestations visibles d'excellence qui poussent l'intress au premier plan au dtriment d'autrui; avantages de prestige et de prsance qu'on peut acqurir en pratiquant soit la justice, soit l'injustice. Au pluriel encore en 624.

    lA"EO: cf. Eurip.lr. 419 N2 [Ino] lA"ETE .. n",; Ie moyen est logique. aq;evo: cf. 129 s. ",~T' (!ET~V ei5xov ... Uoxo elvat I ",~T' aq;evo. 31. TaVTa ... ia{}t: formule employe pour passer un autre sujet,

    ce que ",iv confirme. Cf. [Pythag.] Vers d' or 9: TaVTa ",iv oilTw ia{}t. OVTW: 'comme je viens de Ie dire'. ia{}t: 'savoir, connatre' la rgle de conduite est la consquence des

    'conseils' (vno~ao",at 27). "a"oiat: cf. ya{}wv 28 n. tJi: correspond ",iv (OVTW); Ie rapport dea ides peut se paraphraser

    par: 'mais, pour y parvenir, il faudra etc.'. n(!Oao",tAu: encore en 215 s. nT(!TJ I Til n(!OaO",tA~aTJ (novAvnov); Ie

    simple ",tAV est plus frquent dans Th., cf. p.ex. 37 ya{}oiatv ",tAEE et 597 aAAOtatv ",tAEt.

    31-32. L'ide est un lieu commun; cf. p.ex. Eurip. Andr. 683 s. iJ tJ' ",tA{a I nvTwv {3(!oTOim ytyvETat tJttJa"aAo, Ir. 1024 [incert.] 1)

    {} I ~.C}." I {}' , 1 1 q; Et(!OVatv 'Iv'l X(!TJa O",tAtat "a"at. 32. eXEo: seul exemple dans Th. de l'intransitif moyen exea{}at;

    mais l'emploi est homrique: cf. au propre, E 429 Tij (nT(!?]) eXETo; ou figur, I 102 aio tJ' UETat BHt "EVa(!XTJ; cf. encore Soph. O. Col. 423s. ",XTJ . .. exovTat, Eurip. Ir. 409, 2 N2 [Ino] lh{tJo "EtJvij exov. D'aprs Ie Scolie attique 14 c'tait une maxime d'Admte, 'AtJ",~TOV Ayo.

    33-34. Toimv ... Toi: l'alternance des deux formes n'a rien de re-marquabie, mais je dois expliquer pourquoi j'cris Toi et non pas Toia(t), contrairement l'habitude de la grande majorit des diteurs. Cette habitude implique que les formes longues en -otm, -atm, -TJat sont normales dans la langue de Th. (et des autres lgiaques) et que les potes en taient plus ou moins conscients. J'ai examin eet effet Ie livre I de Th. en distinguant trois types et j'ai trouv les chiffres suivants:

    type I (formes certaines en -at): 122 type Il (formes certaines en -): 53 type III (formes douteuses suivies d'une voyelle): 45 (dont 17 devant

    la csure du pentamtre). J'ai examin de mme les morceaux lgiaques puhlis par Diehl-Beutler, Anthol. Lyr. Gr. vol. I et trouv les chiffres

    1) Selon d'autres, Ie vers est de l\Ina.ndre, fr. 187 KTh.; on sait qu'il est cit par St. Paul, I Cor. 15, 33.

  • 24 19-38

    suivants, dont les proportions ne diffrent pas des prcdentes: type I: 103; type 1I: 54; type lIl: 48 (dont 18 devant la csure du pentamtre).

    On sait (cf. Chantraine I 194 ss.) que dans la langue homrique Ie type I prdomine, mais qu'en plusieurs endroits Ie type II est certain. Il est, en outre, probable que Ie type II est ancien dans les pronoms (l'article inclus). Pour les pronoms et l'article les chiffres des emplois chez Th. sont: type I: 13, type 1I: 6, type lIl: 12. Puisque les types I et II s'y trouvent approximativement dans Ie mme rapport de 2 . 1 que tous les autres cas, on voit que les pronoms et l'article ne se trouvent plus dans une situation spciale.

    Les conclusions sont les suivantes: l'lgie, et Th., suivent naturelle-ment l'exemple de la langue pique dans leur prfrence pour Ie type I, qui s'accorde si bien avec Ie rythme dactylique; Ie type II est beaucoup plus frquent que dans Homre; la proximit des deux types, parfois dans Ie mme vers (p.ex. 239 Oo{vTJ ... el)..a.n{vTJat, 241 av)..{meotat )..tyvrpOy-YOt, etc., 10 vers en tout), prouve l'indiffrence des potes; c'est Ie mtre ou la formule qui dcide; c'est donc un parti-pris de vouloir interprter tous les cas du type III co mme appartenant au type I; ceci vaut spciale-ment pour les cas ou Ie type III se trouve devant la csure du pentamtre, et on pourrait mme hasarder l'hypothse que la frquence relative du type III cette place a favoris l'emploi du type II. La conclusion pratique pour la prsente dition sera que j'imprime tous les cas du type III comme appartenant au type 1I, parce que je m'imagine que les potes n'ont pas t conscients de l'apostrophe. En outre la mthode simplifie l'impression.

    34. lee: l'actif est remarquable; Stobe 4, 15 (neel yewey{a) 18 [Musonius] crit 'leeo, ce qui engage Friedlnder lire leED xl1.v~ave; mais cf. w 394 le' nl ~emvov.

    div fley)"'fJ MJVaflt: cf. 374 fley)"'fJv bVvafltV, 412 cp ~Vvaflt, et encore p.ex. Solon 5, 3 D oi ~' e1xov ~Vvafltv. Pour l'aristocrate Thognis, la puissance politique et Ie prestige social sont - doivent tre - l'apanage des nobles, qui possdent toutes les vertus.

    35. aO)" ... aO)..wv: cf. ayaOwv 28 n. Les Anecd. Paris. Cramer I 229 citent aO)" fliv n;' aO)..wv, et Homre E 382 laO)" fliv aO)..o llrvve (uvXea) est comparable.

    ye: troisime mot de la phrase, douze fois dans Th. aprs fltv: cf. 809 n., 905 n., 955 n.

    flafh7aeat: la variante ~t~Meat de traditions indirectes (Platon M n. 95 D, Xn. Mm. 1, 2, 20 et Symp. 2, 4, Schol. Aphthon. [Hermog.], Rhet. Gr. 2, 593 W.) est possible, mais au vs. 28 Th. emploie lflaOov. Malgr l'an-ciennet de la variante, il n'y a pas lieu de s'carter de la tradition directe.

    Ijv: cf. 379 n. 36. aVflfl{aYTJ: c'est la leon des mss. de Xnophon dans la citation

    Mm. 1, 2, 20; ceux de Platon, Mn. 95 D., de Xnophon, Symp. 2, 4, de Stobe 4, 15, 18 [Musonius], et d'autres crivent aVflfltyfj; Hermogne,

  • 19-38 25

    Rhet. Gr. 2, 593 W. erit avpp.tenr;. Les mss. de Th. varient de mme: A crit avp,p,tayfjr;, 0 avp,p,tyfjr;, XI Ur avp,p,tx{}fjr;. On voit que la leon de A est de bonne tradition : seul l'accent est incorrect; mais, en soi, avp,p,tx{}fjr; aussi est possible. Pourtant Ie prsent duratif est plus logique que l'aoriste, et au vs. 1165 on lit -roir; ya{}oir; avp,p,taye; cf. encore Aristph. Ecel. 516 ov~ep,tij. ye ~etvodeg. aov avp,p,eteaa' oMa. Au prsent, Th. emploie toujours p,layetv, jamais p,etyvvvat.

    lv-ra: quivait aot :n:aeev-ra ou lvov-ra. 37. -rav-ra p,a{}dw: repris en 753; cf. 31 n.; une conclusion, elle aussi,

    commence souvent en asyndte. ya{}oiatv p,O.ee: cf. a 383 :n:ae' ... OU" ya{}oiatv p,ter;. 37-38. Kat ... lp,: pour l'ide cf. 100 "at :n:od p,ov p,v~aeat leo:n:taw,

    et 7 56 alv~aetr; p,v{}cp awq;eOVt :n:et{}p,evor;. La trs grande majorit des diteurs 1) divisent Ie passage en deux

    morceaux: 19-26 et 27-38. Je suis de l'avis d'Edm et de Jac. qui y voient un ensemble suivi. Entre 19 et 68 on lit des morceaux dont l'tendue dpasse la longueur normale des pices du recueil; un pome de dix distiques n'est done pas impossible. Tout dpend d'ailleurs du cours des ides, spcialement la jointure 26-27, et de la fonction logique dans l'ensemble.

    Une remarque pralable est ncessaire. Kroll, 72 ss., estime que 19-26 ne pouvait se trouver qu' la fin de l'ouvrage, parce que 10 Ie nom d'un auteur ne se lit au dbut que d'ouvrages en prose, historiques; Hsiode n'a pas eu d'imitateurs; 20 Ie pote ne peut proclamer sa propre renomme au commencement de son reuvre. Tout ceci est faux. Nos connaissances de la littrature potique entre Hsiode et - dis ons - 500 avo J.-C. sont trs limites; rien ne no us permet de voir dans Hsiode une exception. Rien ne prouve que Thognis se proclame pote clbre en vertu des pomes du recueil mme; il fait plutt allusion des ouvrages antrieurs. L'lment laudatif est prsent dans Hsiode sous une forme encore plus impressionnante, puisque ce sont les Muses qui Ie sacrent pote. Un ouvrage de nature gnomologique est, par principe, extensible la fin. Et, mme s'il n'en tait pas ainsi, il faut se rappeIer que les pilogues sont rarissimes dans la littrature grecque prclassique. Le , sceau" est destin garantir l'authenticit d'un crit termin, mais Thognis, en Ie men-tionnant au dbut, s'est reprsent l'ouvrage arriv sa fin. Thucydide n'a pas crit la premire phrase de son livre quand celui-ci tait evyyeyeap,p,vov.

    Il faut encore y ajouter une autre remarque de principe. Kroll, 88 ss., s'est efforc de prouver qu'un morceau littraire indpendant peut com-mencer par la particule ~, et celle qui se lit au vers 27 serait ainsi un "M des A nfangs". Ceci est logiquement impossible: la particule relie

    1) Ca fait de mme, mas la p. 97 il constate que les deux pices se suivent naturellement.

  • 26 19-38; 39-42

    toujours, soit un expos qui prcde immdiatement dans l'ensemble mme, soit un expos auquel l'auteur pense et dont il suppose que Ie lecteur y pen se galement. Le morceau commenant par J est donc, tout au plus, relativement indpendant et ne l'est pas du tout, quand la partie, laquelle elle se relie, est conserve. Cette remarque signifie donc que Ie passage 27-38 n'a jamais t conu comme absolument ind-pendant, mais elle ne prouve pas encore qu'il forme la continuation formelle de 19-26.

    Ceci est dmontr, je crois, par Ie mouvement des ides et la fonction du morceau complet. Voici Ie raisonnement du pote: "j'appose mes vers une marque distinctive afin que tout Ie monde sache qu'ils sont de moi, pote connu de tous. Cette renomme ne signifie malheureusement pas que je plaise mes concitoyens ; que veut-on 1 mme Zeus encourt les reproches des mortels. Mais toi, Cyrnos, je donnerai Jes conseils que des hom mes de grand mrite m'ont donn moi dans ma jeunesse : sois sage; ne cherche pas Ie succs par des actions iniques; vite Ie commerce des vilains et frquente les vertueux; ceux-ci t'apprendront Je bien, tandis que les mchants aviliront les bonnes dispositions que tu possdes de naissance". N'est-ce pas l un enchanement d'ides irrprochable 1 Et n'est-ce pas l une introduction tout aussi irrprochable un volume de conseils 1 L'auteur nomme son lve et se prsente lui-mme; il indique ensuite Ie but de son ouvrage et formule les exhortations essentielles, dont la spcification devra suivre.

    L'expos est assez brusque et va tout droit au but, sans ambages. L'auteur partage avec bon nombre de contemporains l'amour des transi-tions antithtiques: tout Ie monde m'apprcie, mes concitoyens Ie font moins; mes concitoyens ne m'coutent gure; toi, Cyrnos, prte l'oreille mes bons conseils. On peut mme rduire ces antithses trois mots: nvre.-- ar:ol, ar:ol.-- avo Et il Y en a d'autres secondaires: aol.-- yw, xax6v.-- a1J.6v, eeVyvt'-- Zev, a1JJ.ol,..., xaxol.

    Platon, M non 95 D interprte 33-36 comme preuve w JtJaxr:ov ova7J r:ij eer:ij. Ce n'est pas inexact, mais il faut se garder d'attribuer Thognis une mentalit de philosophe, de thoricien.

    Si nous avons raison de considrer Je passage co mme cohrent, c'est du Thognis authentique d'un bout I'autre.

    39-42. Kveve, XVEt n6J.t ijJe, JJotxa J /-L~ TXn avJea evOvvr:ijea xaxij iJfJeto TJ/-Ler:e7J. 40

    , Aar:ot /-Lv ye fO' oMe aa6cpeove, TJye/-L6ve J rer:ecpaTat noJ.J.~v l xax6r:7Jr:a neaEv.

    39. K v(!ve: Ie quatrain commence en asyndte, est donc conu co mme indpendant; mais, dans un ouvrage de nature gnomologique, I'indpen-dance n'est toujours que relative.

    XVEt: c'est I'accentuation des manuscrits. Homre ne connat que

  • 39-42 27

    "veiv (T 117 l"vEt, 'I' 266 "vovaav); les manuscrits d'Hrodote 5, 92 {3 3 crivent A{3c5a "Vet, mais 5, 41, 1 on lit l,,&Jae et 6, 68, 2 "vovaav. La prose attique crit p.ex. "vovatv chez Platon Symp. 209 A, mais "vovaa chez Xnophon Cyr. 5, 4, 35. Plus tard "vetv l'emporte. Apparemment la philologie antique a souvent dout. Je conserve sans conviction l'accent traditionnel. La mtaphore, applique un Etat, ne se trouve pas ailleurs, que je sache. D'autres emplois figurs ne sont pas rares, p ~ex. Platon l.l. lv -ra vmxa "vovGtv, et Xnophon l.l. ij vmx~ p.ov cl -rov-ro "vovaa.

    n6).t ijc5e ,' prouve que Ie pote et Cyrnos vivent l'un l'autre dans la mme ville, probablement Mgare.

    c5c5ot"a ,' Th. n'emploie jamais les formes homriques c5etc5ot"a et c5c5ta. p.~,' Edm songe p.~

  • 28 39-42; 43-52

    Kroll, 115 SS., choisit la seconde signification, parce que, dit-H, la premire s'accorde mal avec neav (mais cf. la n. suivante), et que la ressemblance avec Solon 3, 7 s. D (~~flOV ~' ~yeflvwv ~t"o Vo, olatv roiflov I iJ{J{]to l" fleyA1j Ayea noAA naDv) est en faveur de la seconde. Seulement la tendance gnrale des deux passages est diffrente. Th. oppose la retenue des gouverns l'insolence des gouvernants ; Sol on constate que les malheurs d'Athnes ne seront jamais dus aux dieux, mais l'injustice des habitants et la dmesure des autorits; il est donc logique qu'il parIe des misres qui menacent en particulier les gouvernants. Th. craint l'apparition d'un tyran qui plongera tout Ie monde dans Ie malheur. L'antithse entre a-ro{ et ~yeflve (41) trouve son prolongement dans celle entre aacpeove et "a"-r1j. Ce dernier substantif signifie donc 'dpravation'. Cf. 855 ~t' ~yeflvwv "a"-r1j-ra.

    neav: "infinitif libre valeur eonseutive, se rattaehant toute une proposition" (Humbert 211); cf. flivetv 467 n. Le verbe signifie ici plutt ,se jeter, se preipiter' que 'tomber'; diffre done p.ex. d'Eurip. El. 982 ei vav~e{av nm-retv.

    La situation qui explique Ie quatrain est claire : Ie pote, membre du groupe rgnant, constate que ce groupe se rend eoupable d'une funeste dmesure. Il est vrai que Ie gros de la population est encore rserv et rang; il obit eneore; mais la tranquillit n'est que de surface. En ralit, la situation politique est dangereuse; elle est favorable I'apparition d'un homme qui redressera nos torts et mettra tout en ordre, nos dpens; en d'autres termes, d'un tyran, qui, partout en Gree, a sonn Ie glas du rgime aristoeratique.

    Pour Ie rapport avee ce qui suit voir ei-aprs.

    43-52. Ov~efl{av 'JT,W, Kvev', yaOoi 'JT,Atv wAeaav v~ee' ).;.' -rav v{Je{CetV -roiat "a"oiatv ~n,

    Mjflv -re cpOe{eovat, M"a -r' M"otat ~t~ovatv 45 ol"e{wv "eeMwv eive"a "ai "e-reo,

    lheo fl~ ~1jev "elV'rjv nAtv -reeflleaOat, fl1j~' ei 'JIiiv "-rat no).).fj lv ~avx {n,

    ev-r' uv Toiat "a"oiat cp{A' v~eat -rav-ra yiV'r}-rat "ie~ea CJ1jflOalcP avv "a"0 leXfleva. 50

    , E" nvv ye a-rat -re "ai lflcpvAoL cpvOt v~ewv fl0VvUf!XO{ 0' . d nAet fl~no-re -rfj~e ~ot.

    43. Ov~efl{av: a encore, semble-t-il, Ie sens original de 'pas mme une seule', ov~ fl{av.

    yaDo{: s'oppose "a"oiatv (44). Quel sens leur donned Il y a Ie sens moral et Ie sens politico-soeial. Souvent, dans la terminologie aristoeratique, les deux concident. lei ce n'est pas Ie cas, puisque les "a"ot corrompent Ie Mjp.o (45); en outre ils dispensent la justiee sans quit, leur propre

  • 43-52 29

    avantage. C'est donc Ie sens moral qui prdomine. Les termes indiquent donc les 'bons' et les 'mchants' parmi les aristocrates qui gouvernent.

    w.eaav,' cet aoriste historique est tout proche du gnomique qui exprime la vrit gnrale prouve par l'exprience.

    45. (}fjJ-lov,' Ie bas peuple, cf. ya{)o{ 43 n. q;{)e[eovat . . bd30vatv,' c'est la Ieon de A; les autres mss. donnent

    q;{)e{ewat et btbwGtv, formes acceptes par plusieurs diteurs. Ces subjonctifs s'expliquent aisment: on a voulu se dbarrasser d'indicatifs irrguliers aprs orav. D'autre part on s'est efforc d'expliquer les indicatifs de plus d'une manire. On les considre p.ex. comme proposition principale faisant suite la subordonne avec orav; mais ceci gate Ie raisonnement: Ie vers 44 dit que jamais les 'bons' ne perdent une vilIe; Ie vers suivant, qui commence par .., doit exprimer l'ide contraire; or celle-ci commence avec l.Jteo (47); en outre, on ne voit pas pourquoi 47 devrait commencer en asyndte. On a encore considr 45-46 comme une parenthse expli-quant V{Je{CeLv. Mais les parenthses sont excessivement rares dans Ie style prclassique, qui aime Ie dveloppement souple et continu; on se demande, de plus, pourquoi Ie pote n'aurait pas prfr les subjonctifs. Pourrait-on y voir un passage explicatif not en marge et intro duit tort dans Ie texte? Certes non, parce que l'ide est trs utile dans l'expos. Ce ne sont donc pas des indicatifs, mais des participes s'accordant avec -co lat xaxoiatv; ils expriment deux manires dont la dmesure des 'mchants' se manifeste. Il faut se rappeIer que les constructions participiales sont trs frquentes dans la phrase grecque.

    q;{)e[eovat,' il ne s'agit pas d'oppression, mais de corruption ; la plbe est ameute, excite par des promesses illicites 1). Th. ne ressent pas de piti pour elle. Ce qui Ie choque c'est que l'insolence de certains aristocrates dpravs corrompt Ie peuple, l'inquite et lui fait perdre la aW({Jeoavv'Y} melltionne en 41; cf. encore 51.

    bbw ... btbovat,' n'a pas ici Ie sens de 'donner satisfaction, payer l'amende; tre puni', mais, dans la signification directe des mots, 'accorder Ie droit, la justice; donner raison; rendre des arrts judiciaires'; cf. Hs. Trav. 225 s. ol bi Mxa ~e[vOtaL xal. lvb~J-lotat btbovatv IWe[a. Pour la forme btbovat cf. 446 n.

    Mxotat,' datif de Ia personne l'avantage de qui l'action se fait. Pour des motifs gostes, les 'mauvais' ne prononcent pas en justice de cause, mais en faveur de la partie qui n'est pas dans son droit.

    46. olxe{wv,' pas dans Homre, mais frquent dans Hrodote, p.ex. 1, 45, 2 lwv Iv xaxep olx'Y}p.

    xeebiwv,' avec synizse, cf. 23 n.; mais en 50 xiebea est trisyllabique. xe-ceo,' aux deux autres passages (171 et 376) ou Th. emploie Ie terme,

    il se dit des dieux.

    1) Dans [Arist.] 'AD. Ilo),. 28, 3, Clon Jiarpfht(!E' TOV MjfJoV Tai (!fJai, 'par BeS emportements' .

  • 30 43-52

    47. lhw: Th. n'emploie pas lhtCetv, suivant en cela I'usage homrique. "etv1Jv: Ie choix du pronom s'explique psychologiquement; Ie pote pense,

    sans doute, sa propre ville, mais prfre s'exprimer en gnral propos d'une ville qu'il voit, pour ainsi dire, distance.

    Teep.a{}at: c'est peu prs la leon de tous les manuscrits. 'ATeep.v 'tre calme, tranquille' ne se trouve aiHeurs qu' I'actif. Bgk a propos Teep.teta{}at, comparant 303 ou xei} "txAtCew ya{}ov f3tov, ' Teep.tCetv, et rappelant que lhea{}at et lhtCetv sont normalement suivis d'un futur. Seulement ces verbes peuvent encore signifier 's'imaginer, se faire I'illusion' (cf. p.ex. Hrod. I 65, 3 "al p.fiov (}eov lhop.at, savoir a elvat) et se construisent alors avec Ie prsent. Schoemann a lu aTeep.' laea{}at, mais I'a final de l'adverbe ne s'lide pas. HW a conjectur aTeep.a "a{}at (cf. B 200 aTeep.a "ao, N 280 aTeefw "a{}at) et Yo, se tenant plus prs du texte transmis, Teip.e' "a{}at. On regrette I'absence d'un passage parallie. Le plus sage est, je crois, de ne rien changer (c'est I'avis de Ca, Ga, Adr) et d'accepter Ie fait que Th. emploie Ie moyen.

    48. "etTat : cf. 320 n. Epkema a propos de lire p.1JtJ' el vVv noUfj "Tat lv ijavxtrJ, ce qui amliore la structure du vers, mais corrige Ie pote.

    49. eVT' avetc.: reprend, en la variant, l'ide dj exprime en 44-46; des principales encadres entre deux subordonnes de porte identique se trouvent encore en 93 n. et 479 ss. La phrase a une structure "annulaire".

    TaVTa: ce qui a t expos en 44-46 et sera repris en 50; cf. note suivante. 50. "ietJea ... "a"0: apposition TaVTa; "ietJea correspond 46,

    "a"0 l'essentiel de 45, Pour fJ1JfLoatep "a"0 cf. Solon 3, 26 D fJ1JfL6awv "a"ov lexeTat ot"atJ' "aTep.

    51. l" rwv: plutt neutre reprenant TaVTa avec son explication en 50 et non vtJeat (49), parce que les malheurs sont la consquence des actes, non des personnes.

    aTate ... cp6vot: cf. Solon 3, 18 s. tJovoaVv1Jv I f} aTaw lfLCPVov . .. lneyeteet, Hrod. 3, 82, 3 l~ wv (lX{}iwv) aTate lyytvOVTat, et Y 214 cp6vot ... vtJewv.

    52. fLoVvaexot {}' IJ.: les leons des mss. fLoVvaeXOt tJi (AO) et fLoVvaeXo tJi (XI Ur) font difficult: celle de XI Ur est presque certainement une correction du pluriel ; ce pluriel n'est admissible qu'en admettant (avec Yo) un schema pindaricum; on ne voit pas d'ailleurs pourquoi les 'monar-ques', c'est dire les tyrans (au pluriel!) seraient considrs tout spciale-ment comme un malheur viter. La conjecture de Ahrens a t adopte par la plupart des diteurs.

    IJ.: rsume tous les malheurs que Ie pote vient d'numrer. TfjtJe: aprs l'expos de porte gnrale, Th. considre Ie cas spcial de

    sa patrie.

    Le pote, presque certainement Thognis, avertit Cyrnos des cons-quences funestes de la politique goste de certains aristocrates; appa-remment les nobles n'agissent plus de concert. Illui expose indirectement

  • 43-52; 53-68 31

    l'idal que la classe gouvernante doit observer: tenir les rnes en main, ne pas flatter la plbe, mais, en tout cas, pratiquer la justice.

    Les rapports entre 39-42 et 43-52 sont jugs de faons radicalement opposes. Malgr quelques points de ressemblance, Kroll, 124 S., conclut l'indpendance absolue; mme les auteurs, dit-il, sont diffrents. D'autres, par contre, p.ex. Ca, Ga, Yo, les combinent en un seul morceau. Il est vident que la situation politique qui se trouve l'arrire-plan est identique: elle est grosse de menaces, mais la tranquillit n'a pas encore t ouverte-ment drange. Le ton est plus violent et plus passionn en 43-52; Ie vers 43 commence en asyndte 1), et entame un aspect nouveau d'un thme identique. On peut peine douter que Thognis ait crit et runi en un ouvrage une srie de pomes traitant de la situation politique (cf. encore ci-aprs). En ce sens ils formaient un ensemble et se faisaient suite. D'autre part, pourtant, chaque pome exprimait une raction spciale du pote des circonstances ou des vnements dtermins, et partant, restait indpendant. Cette indpendance - relative - des lments constituants doit prvaloir sur l'unit - tout aussi relative - de l'ensemble constitu. C'est pourquoi je distingue 43 ss. de 39 ss.

    53-68. Kveve, n..t fliv e()' ije n..t, ..aol i 'fJ WOt. o nea()' ov-re Mxa fjbeaav oV-re VflOV,

    ....' flCPl nevea'iat oe alywv xa7:-r(!tfJov, 55 Uw 15' wa-r' e).aCPOt -rija' lvflOV-rO n..eo,

    xal vVv eia' ya()ot, IIo..vnatfn} . oL i nelv a()..ol vVv u..ot. Tt XEV -ravT' vxot-r' laoewv;

    , A)J.~..ov 15' na-rwatv ln' M~..Otat yE..wv-re, ov-re xaxwv yvwfla el-re ov-r' ya()wv. 60

    M'fJva Twve cp{..ov notev, IIo..vnatfn}, a-rwv lx ()vfloV, Xed'fJ ovvexa fl'fJbefltij .

    )J. xet fliv natv n y..waa'fJ cpt..o elvat, xeijfla i aVflfl{~n fl'fJelil fl'fJ' noVv

    anova'iov yvwan ye OtCVewv cpeva vewv, 65 w acp"v n' eeYOtatV n{an en' ovbefl{a,

    .... ov n-,;a -re nO..vn..oxta -r' lcp{..'fJaav oV-rw, w avee fl'fJxn aqJCfleVOt.

    53. :t..t: prendre au sens matriel: les difices, les rues, Ie territoire, etc.

    ije: cf. 39 n. et 52 n . ..ao{: la population entire; cf. n. suivante et 776 n. Cette signification

    s'accorde avec celle de n..t: la ville dans son ensemble correspond la totalit des habitants.

    1) Il et t facile au pote de rel ier ce qui prcde en crivant p.ex. ovnw 6' ov6EIllav au lieu de oV6E/Atav nw, KVev(E).

  • 32 53-68

    54. oZ: ce pronom relatif peut, en thorie, se construire de deux manires. Il peut avoir aot comme antcdent; dans ce cas ( moins d'admettre la supposition entirement gratuite que tous les nobles ont vacu la ville) aot devrait dsigner la plbe et "at (57) serait conjonction de coordination. Mais il peut galement avoir comme antcdent Ie sujet sous-entendu de elat (57); dans ce cas 54-58a donnent l'explication de 53b (ce qui se fait normalement par asyndte) et "at (57) renforce vVv (cf. Denniston s.v. "at C (3. Cette seconde interprtation est nettement prfrable.

    M"a ilt5eaav: cf. t 215 ovre M"a evelMra ovre {}if.ltar:a (les Cyclopes); Ie pluriel encore p.ex. II 542 Av"t7Jv EevTo M"nat re "aL a{}ive"i. Ces passages indiquent que par M"at il faut entendre les principe3, les rgles, et les sentences judiciaires sur lesquels se base la vie politique et sociale d'une communaut bien organise. La 'connaissance' de ces choses est indis-pensabie quiconque veut prendre une part active cette vie. Le prtrit ilt5eaav ne sert qu' dcrire la situation dans laquelle se trouvaient jadis les habitants de la campagne; il n'implique point qu' l'heure qu'il est ils puissent possder cette connaissance.

    Vf.lov: dsigne tout autant les coutumes que les lois ventuellement codifies. Il n'y a pas Ie moindre indice qu'il faille distinguer les Vf.lOt des M"at.

    55. nEveaiat: leur corps n'est que partiellement couvert. t5oe: tre vtu de peaux de bte caractrise Ie pauvre campagnard

    et l'esclave. Cf. Aristph. Ecel. 723 s. nae Toi t5ovOtat "otf.la{}at f.lvov, I "aTwv"n Tv xoieov WtOTenf.lva Anacron 82, 2 s. Gent. (lxwv) V'tv neeL I nevenat ( t5ieetov ) f3o, Mnandre Epitr. 12 M"a yovre neemareTe t5up{}iea lxovre. Les esclaves et les gens de la campagne s'appelaient dans la comdie t5up{)eetat ou t5tcp{}eett5e d'aprs Ie sexe (Pollux 4, 137 8.), les esclaves de Sicyone "aTwva"ocpeOt (Thop. fr. 176 Jac.) etc. etc.

    alywv: la chvre tait Ie plus vil menu htail et Ie chevrier Ie plus humbie des gardiens de btes.

    "aTTetf3ov: leur pauvret les oblige porter Ie vtement jusqu' totale usure.

    Uw: seul emploi dans Th.; avec Ie gnitif dj dans Homre p.ex. X 378 UW f3~T7JV f.leyeoto.

    56. waT(e) : quivalent w; homrique; originairement w Te comme Ie prouve la tmse frquente w . . re; cf. p.ex. C 122 ware /te "ovewv

    f.l~v{}e {};jv VT~. lacpot: animal timide qui fuit l'approche d'un tre humain; cf. L1 243 re~nre ~vre vef3eot, M 102 cpvCa"tvn Ucpotatv ot"eaav. On se rappellera la description que donne La Bruyre (Caractres, chapitre De l'homme) des habitants de la campagne: "L'on voit certains animaux farouches rpandus par la campagne .. . ils sont des hommes, etc.".

    Tijat5(e) ... neo: c'est la leon de A; celle de OXI T~vt5(e) .. ntv fausse Ie sens.

  • 53--68 33

    eveflovTo: intransitif co mme p.ex. B 499 ol T' Wp' "A efl , vflOVTO. lci Ie sens matriel de 'brouter' pourrait encore rsonner en sourdine.

    57. "ai vVv: cf. ol 54 n. D a propos la ponctuation suivante: un tiret avant Uw (56), un point en haut aprs n6Aeo, un point d'interrogation et Ie second tiret aprs "at vVv. Ceci l'oblige admettre une anacoluthe aprs 55 ou 56, ou considrer Aaot (53) comme antcdent de ol (54); probablement il fait la premire chose, vu Ie point en haut aprs a..ov (53). Le mme effet de surprise est ralis plus simplement par l'interprtation de "at signale 54 n. ol, d'autant plus si la rcitation fait une petite pause aprs vVv.

    ya{}ot . .. a{}Aot . .. tJetAol (58): tous valeur politico-sociale, non mo~ale; cf. 42 n.

    IloAvnatJ'YJ: Ie patronymique fait peut-tre appel aux sentiments aristocratiques de Cyrnos.

    58. vXOLT' aoewv: cf. n 277 au 15' eiaoe6wv vxea{}at; Th. 780 cpeadt'YJv aoewv, 977 TavT' aoewv, 1018 aoewv I1.V{}OI; p.'YJAt"t'YJ. Catulle 29, I Quis hoc potest videre?

    59. AA~Aov naTwatv: la tromperie rciproque est Ie premier phno-mne que Ie pote constate chez les nouveaux habitants de la ville. Leur basse extraction implique pour lui la malhonntet, mme envers leurs semblables. L'aristocrate, par contre, se distingue par sa bonne foi. C'est ce que Ie passage suggre par antithse et ce que Ie recueil constate plus d'une fois.

    in' AA~Aotat ye.wvu: Ie rire moqueur qui accompagne les fraudes insiste sur la bassesse de caractre; pour l'expression cf. B 270 in' aVTcp

    ~du y.aaaav, v 374 ini ~dvot ye.6wvu. 60. oVu ... ya{}wv: Ie terme yvwp.a et, par consquence, l'expression

    entire ont t compris de diverse3 manires. Laissons provisoirement la conjecture de H. Fraenkel, qui, rapprochant 1114, change yvwfla en

    p.v~fl'YJv; ceci rend l'explication du vers trs aise, mais ne peut entrer en ligne de compte que si yvwfla reste impossible. Voici quelques traductions proposes ou imaginables: a. 'ne connaissant pas les moyens de distinguer les mauvais et les bons' (yvwfl'YJ quivalent yvwetafla); c'est p.ex. l'opinion de HW; b. 'ne connaissant pas les moyens de distinguer Ie mal et Ie bien' (les gnitifs sont interprts comme neutres); c'est Ie point de vue de Ca; c. 'n'ayant pas l'ide du mal et du bien', dit Ga; d. 'ne possdant pas la YVWfl'YJ ya{}wv, c'est dire n'tant pas de vritables ya{}ot'; c'est l'ide de Kroll, mais comment fait-il entrer l'ide de "a"wv dans cette combi-naison? 1) e. 'ne connaissant pas les ides directives de la vie, consistant dans les catgories morales du mal et du bien' (les gnitifs tant explicatifs; la construction n'est pas facile); f. 'ne connassant pas les dispositions

    J) L'expression "a"wv . .. yaOwv est polaire; les deux lments sont importants. ou bien l'accent ne tombe que sur l'un des deux. et c'eat normalement Ie premier, Ie second ne rsultant que d'un automatisme de pense ou de formulation. 11 est plus que probable que Kroll fait fausse route.

  • 34 53-68

    d'ame des mchants et des bons' (cf. 65 yvwan . .. qJeva; v5ewv; yvWp,a; eMvaL exprimerait la mme ide qu'ils sont ignorants en ce qui concerne la nature de leurs semblables). Le vers prcdent dcrit la conduite immorale des nouveaux habitants; il est donc probable que "a"wv et yaDwv sont des neutres, puisque, dans cet ordre d'ides, la connaissance des yvwp,aL du vice et de la vertu est plus logique que celle qui concerne les hommes. Il est plus difficile de dterminer Ie sens exact de yvwp,aL et je continue hsiter entre Ie sens "objectif" de 'marques distinctives' et Ie sens "subjectif" de 'principes, ides directives'. Est-il certain que Ie pote s'est exprim avec prcision?

    61. M1JtJlva: si Ie pome continue ici (cf. ci-dessous), l'asyndte distingue avec force la conclusion qui ressort de I'expos prcdent, procd usuel.

    qJO.wv nOLev: cf. 113 p,~nor: TOL "a"v l1.vtJea qJO.ov no LeiaDaL iTaieov, et, pour la contraction "ionienne" 337 n.

    TwvtJe ... aTwv: 'ces habitants de la ville' a, dans Ie contexte, une nuance acerbe d'ironie.

    62. l" fJvp,ov: cf. I 342 s. iyw T~V li" fJvp,ov qJO.eov, I 486 i" fJvp,ov qJLUWV, Bion fr. 6, 2 i" fJvp,ov tJ qJL),eVVTL, et encore Hrod. 8, 97, 2 l" navT; v6ov.

    Xeel1J;: l'volution smasiologique va de 'emploi' par 'affaire' 'utilit, avantage', ce qui est Ie sens ici. Cf. Critias 1, 8 D Xa),,,; OTL; "oap,ei Mp,ov lv TLVL xeeLq.; Pind. Nm. 8, 12 xeeiaL tJ navToiaL qJL),WV vtJewv. La forme pique est xeo;, que Th. emploie en 205 et 1196 (la variante mtrique xeeio;).

    oVve"a: leon de A; les autres mss. ont eZve"a; cette forme-ci de la prposition se lit encore en 46, 730, 1202 et lve"a en 518. A prsente la lectio difficilior, qui a des chances d'tre authentique.

    p'1JtJep,Lij;: cf. 364 n. 63. l5o"ei ... elVat: s'oppose nOLeV (61) comme n y),waG1J; i"

    fJvp,ov (62). nmv: Ie contexte (64 s.) montre qu'il faut entendre "a"oi;; de mme

    en 64 p,1JtJevl = "a"ip. n y),waa1J;: en soi, ceci ne signifie rien d'autre que 'verbalement' ;

    p.ex. Hrod. 1, 123, 4 iVTELpevO n y),waa1J, Thuc. 7, 10 oaa TE n y),waa1J; eie1JTO. Mais Ie contexte ajoute souvent une nuance spciale: ici d'opposition i" fJvp,ov, dans Sophocle O. Col. 936 Tip vip tJ'p,OLW "n Tij; y),waa1J Uyw, d'antithse Tip vip; dans Eschyle Ag. 813 ov" n y),waa1J signifie 'en fait'. Cf. encore Th. 979 p,~ p,OL v~e ei1J y),waan qJl)'o; , )')' "at leyo/.

    64. xefjp,a ... anovtJaov: cf. H. Hom. Herm. 332 anovtJaiov xeijp,a (le petit Herms accoutr en hraut). Le sens est vague: 'chose, affaire', cf. 472 et ailleurs.

    avp,p,eL;n: ici transitif, cf. Hrod. 8, 58, 2 iDeLv ol "oLv6v TL neijyp,a avp,p,ei;at; en 36 intransitif.

  • 53--68 35

    65. ye: 'car, dans ce cas', cf. 660 et 925. OtCvewv: prdicatif: 'des hom mes dont tu verras que ce ne sont que

    des misrables', Cf. avec une nuance diffrente ('malheureux') N 569 OtCVeo'icJt f3e07:o'iCJt.

    66. w: peut s'interprter de deux manires: a.. il introduit la phrase compltive qui explique cpeva; Ie 'caractre' de ces misrables est indigne de confiance et trompeur ; b. il est conjonction de coordination d'ordre causal, expliquant otCvewv: 'ce sont des misrables parce que etc'. Cette seconde interprtation est prfrable parce qu'en 65 l'accent tombe plutt sur Ie terme violent OtCVewv que sur cpeva. Pour eet emploi usuel de w cf. p.ex. L1 155 s. l1vaTv vv Tot e"C lTaJlVov ... w a' if3aov Tewe, Soph. Phil. 914 Tl nou yet w d"vov, w ov f-lavl1vw.

    n' ... ln(t): cf. 85 n., 585 nCJtv "lvbvvo n' ieYf-laatv, 607 exfi int tpwbov, et p.ex. n 315 ovb' int cpubw.

    nlan: la. 'sret' et 'solidit' qui peut rendre les actes dignes de confiance; sens "objectif"; au sens "subjectif" de 'confiance' 831 n{aut Xe~f-laT' OAeaaa.

    67. MAOV: leon de la tradition directe; un manuscrit rcent de la tradition indirecte ajoute T', adopt par la plupart des diteurs. Cette correction, facile du point de vue palographique, rgularise l'numration, mais n'est pas indispensable; cf. Denniston s.v. I (1) (e) et p.ex. Hs. Thog. 339 ss. ETeVf-lova Ma{avbev u etc.

    nOAvnAo"la: hapax, mais nOAvnAo"o est frquent; p.ex. 215 nOVAV-nov ... nOAvnA"ov; en 226 on lit bOAonAO"lat (cf. Sappho 1, 2 LP boMnAo"e).

    cplArJGav: selon HW ingressif ('have acquired a taste for'), mais plutt gnomique.

    68. f-l"J"n: pour la ngation cf. Humbert 568: Ie participe sans article se construit avec f-l~, si un rapport de conscution gnrale est impliqu. ,,11 ne s'agit plus alors de constater Ie manque, mais de dfinir la nature de ce manque".

    aepCf-lEVOt: cause de t 430 awovu et (-) 363 awea"ov (contractions de aaovu et de aaea"ov d'aprs Chantraine I 365) Wackernagel a propos awf-levot et en 235 awof-lvotat (pour aepCof-lvotat) . Mais en 674 on lit acfJCeTat, e 490 donne acfJCwv, Hs. Trav . 376(v.1.) acfJCet. Le sens est plutt rflchi que passif.

    Le pote constate, avec profonde amertume, que la population de la ville a chang; cf. 1110 ss. La canaille 1'11. envahie au dpens de l'aristo-cratie. Mais la morale de ces intrus est dtestable. Cyrnos devra accom-moder sa conduite aux circonstances nouvelles et ne pas faire confiance . ces mchants; il peut se borner un semblant d'amiti. Le but essentiel du morceau est ce conseil. Le pote ne parle que des aspects sociaux, non des aspects politiques de la situation. 11 y a une petite difficult en 57-58 : faut-il voir dans ol bi netV al1Aot viJl' betAOl l'expression d'un fait l'el, les nobles tant dj relgus au second plan par la plbe? Ou bi en

  • 36 53-68; 69-72

    Ie pote se laisse-t-il emporter par son dpit et la phrase n'est-elle qu'une expression polaire de nature motionnelle 1 1) La seconde interprtation est plus probable. Le morceau entier frmit d'indignation; Ie vers 59 ne parle que des mchants et les nob les ne sont mentionns qu'incidem-ment; en suite , en rgle gnrale, une rvolution politique entranait au moins l'exil des membres du parti vaincu. On peut se demander pourquoi Ie pote conseiIle Cyrnos de hurler avec les loups et non de lutter. C'est qu'il considre la situation comme passagre: les dfauts de caractre des nouveaux habitants les condamnent un chec; les nobles n'ont qu' attendre. Le pome se termine sur la note optimiste p:rpdn acpCflevOt.

    HW (et Bgk jadis) coupent Ie morceau en deux entre les vers 60 et 61. C'est mconnatre l'identit de situation, de sentiment, d'intention.

    69-72. M ' K' -, fJ '1 " .s: , Tjnore, veve, xaxcp ntavvo OVJLeve avv avuet, evr' av anov

  • 69-72; 73-74 37

    faitement en rgle. Bovev est contraction "ionienne" de {Joveo (cf. 22 n.); pour Ie verbe cf. 145 n. II est vrai que {Jovof-lat (71) aprs {JoveVetv (69) est peu lgant, mais btTeUaat (72) aprs uUaat (70) ne l'est pas davantage.

    no f-loyijaat,' cf. 1492 (= e 223) "al n' f-lY'YJaa, et C 175 (= 1p 101) "a" no f-l0y~aa.

    noaatv,' prouve qu'il n'est pas question iei de la "mtaphore de la route" comme en 283, mais que l'expression doit se prendre la lettre.

    K veve " rpt trois vers de distance dans Ie mme morceau ; cf. encore 1171, 1176. La frquenee plus ou moins grande du nom ne signifie abso-lu ment rien pour l'tendue des morceaux; cf. 28 n.

    v bcuUaat,' cf. " 41 f-l~V v ,,-,;iaavu.

    Le quatrain ne se rapporte pas une situation spciale (cf. f-l~nou),' il y a toujours des 'bons' et des 'mauvais' , et partout. Le conseil n'a rien de remarquable ni d'original; cf. p.ex. [Isocr.] Ad Demon. 19 f-l~ "aT"Vet f-la"ev v noeevw{}at ne T01J ta"Btv Tt xe~atf-lov nayyeof-lvov. II n'y a aucune raison de croire (avec Gerhard, Phoinix von Kowphon 1909, 261) que Ie quatrain est influene par Ie cynisme.

    II y a, avec Ie morceau prcdent, une certaine ressemblance de termes, et donc de conceptions. II n'en forme pourtant pas la continuation. Tandis que 53-68 est trs motionnel, voire mme vhment, l'tat d'me du pote est ici plus cal me : il donne en toute tranquillit un conseil qu'il formule avec divers clichs homriques. Peut-on tirer de cette similitude formelle, d'une part, et de eette diffrence de ton, d'autre part, une conclusion relative l'auteur et l'reuvre? II est certain que les deux more eau x n'ont pas t ers en mme temps: l'tat d'esprit est trop diffrent. Mais mme Thognis n'a pas toujours t impatient et violent. Les deux pices peuvent tre du mme auteur. II est peu probable qu'ils se font suite par pur hasard. lIs ont plutt t rapproehs dessein par qU!'llqu'un que les ressemblances ont frapp. Est-ce I 'auteur ? Est-ce un anthologiste? Je ne aais.

    73-74. IIeij~tv f-l'YJ c/>totatv w va"otvio niiat naveot Tot nowv maTv lxovat vov.

    73. neij~tV,' 'entreprise' , cf. y 72 "aT neij~tV (de mme t 253, ou f-lalptMw s'y oppose). IIeij~t tant plus expressif et plus "actif" que neiiYf-la, n'a pas besoin d'une pithte telle que anovatov (70).

    w,' leon des mss. Selon D Ie mot dfinit niiatv 'nequaquam omnibus'. II renforce plutt la phrase dans son ensemble, puisque l'aecent prineipal ne tombe par sur niiatv. "Ow aeeompagn d'une ngation signifie souvent 'pas du tout', cf. LSJ s.v. 3. 11 n'est done pas neessaire de lire avec Brunck f-lw ni avee Jaeobs f-lW.

    va"otvio,' simplifieation de Xva"otvo, cf. 1331 aMio; Ie phnomne se constate galement dans la langue d'Hrodote, p.ex. I, 90, I aido.

  • 38 73-74; 75-76; 77-78

    Le verbe ne se lit qu'ici. Pindare emploie "otvv, p.ex. Py. 4, 115 VV"Tt "otvaavu Mv. La mme alternanee p.ex. dans oy"e", '" oy"oVv, tyev '" tyoVv. La forme usuelle est (va)"otvwvev. Dderlein avait propos de lire va"otve.

    74. TOt.' n'quivant pas ye, mais met naveot en relief; cf. 972. nowv.' renforce naVeot; mme parmi un grand nombre il ne s'en

    trouve que quelques-uns. man)v ixovat vov.' mme fin de vers en 698.

    Ide trs pessimiste: mme parmi les amis la fidlit est exceptionnelle; cf. 689. Elle est apparente celles des morceaux contigus. On notera l'allittration des labiales n et gJ, six fois en douze mots.

    75-76. IIaveotatv nlavvo fley' v!5eatv iey' mxel(!et, 75 fl~ noi' v~"eGTov, Kveve, )'fJn vl1Jv.

    75. f-teya.' spcifie ncessairement ieya comme anov!5aiov en 64 xeijfla; cf. neijtV 73 n.

    mxeleet.' la construction avec l'accusatif au lieu du datif est relative-ment rare, mais la construction avec Ie simple infinitif en est une variante. Cf. p.ex. Eurip. Hipp. 707 nexete~aa "a" et Platon Phil. 57 B miJD' fve"a TOVTWV m"exe1e1J"ev.

    76. v~"eaT'ov ... l.fJn vl1Jv.' cf. E 394 v~"eaTov fJev

  • 77-78; 79-82 39

    78. a~to: de x y-Tto, comprend tymologiquement aussi l'ide de pesage, mais Th. n'en tait gure conscient.

    {JtxoUTautn: quand Solon 3, 37 D dit leya {uxou-raut1J, il songe des discordes civiles ; Plutarque Frat. am. 2, 479 A Y oppose

  • 40 79-82; 83-86

    Nm. 10, 78 s. naV(!Ol {J'h nvqJ marol (J(!orwv I ;eaf-trov f-teraAaf-t{JvelV 1). Platon Lois 1, 630 C crit: lan {J, w cprjalv eoyvl, avr~ marr7J lv roi {JElvoi ijv n {Jl;eaWaVv7Jv av reUav oVOf-tcJ.aelev; mais il songe plutt un autre couplet non conserv.