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LE MAGAZINE DE LA MARINE NATIONALE N°3057 — AVRIL 2017 www.colsbleus.fr RENCONTRE GÉNÉRAL IRASTORZA, DEVOIR DE MÉMOIRE ENVERS NOS MARINS PAGE 28 RH EN DIRECT DU CHEMIN DES DAMES PAGE 36 IMMERSION PLONGÉE SUR LE DANTON PAGE 42 La victoire vient de la mer 1917

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LE MAGAZINE DE LA MARINE NATIONALE N°3057 — AVRIL 2017

www.colsbleus.frRENCONTREGÉNÉRAL IRASTORZA, DEVOIR DE MÉMOIRE ENVERS NOS MARINS PAGE 28

RHEN DIRECT DU CHEMIN DES DAMES PAGE 36

IMMERSIONPLONGÉE SUR LE DANTON PAGE 42

La victoire vient de la mer

1917La victoire vient de la mer

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Comme l’a rappelé M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, à l’occasion du lancement o�ciel de la saison de commémorations de l’entrée des États-Unis dans la Grande Guerre, « la Défense ne va pas sans une conscience

profonde de l’histoire ». Dans ce discours, le ministre a marqué sa volonté de faire de cette année 2017 « une année de commémoration plus particulièrement maritime, ouverte sur le large ». Mais pourquoi un numéro spécial de Cols Bleus, consacré à une histoire qu’on pourrait croire lointaine, alors que la Marine poursuit ses opérations dans une actualité plus brûlante que jamais ?Tout d’abord parce que les enjeux de 1917 sont ceux de 2017 : combat de haute intensité, guerre sous-marine, déplacement du centre de gravité des con�its vers la mer, mondialisation, innovation technologique avec l’apparition de nouvelles armes, tactiques et doctrines, ennemi insaisissable qui oblige une adaptation permanente, interopérabilité… Notre marine est l’héritière directe de celle de 1917. Une grande part de ce qui la constitue aujourd’hui a été inventée à ce

moment de son histoire : « liaison des armes » chère à l’amiral Castex, forces sous-marines, aéronavale (dont la patrouille maritime qui fête cette année son centenaire), porte-avions…En�n, il fallait, en ces années commémoratives, se souvenir des marins de la Grande Guerre, dont l’action décisive est trop souvent oubliée. En 1917, l’avenir du monde, une fois de plus, se joue en mer. L’équation est simple et comprise de tous les belligérants : celui qui gagne la guerre navale remporte ce con�it mondial. À l’exception de ceux qui ont combattu au front, tels nos fusiliers et nos canonniers, les 11 500 marins morts pour la France entre 1914 et 1918 n’ont pas de sépulture commune pour matérialiser leur souvenir. Ils sont nombreux, ces marins, d’État, de commerce ou pêcheurs, engagés sous le même pavillon pour défendre la patrie, qui reposent à jamais au fond des océans. Quant à ceux qui ont conduit la guerre sur mer et qui ont survécu et vaincu, ils n’ont pas eu l’honneur de dé�ler le 14 juillet 1919 sur les Champs Élysées avec leurs camarades de Dixmude ou de l’Yser.Ce Cols Bleus veut donc rendre hommage, avec une légitime �erté, à leur action, discrète mais fondamentale, au service de la victoire.

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Éditorial

Les marins au service de la victoire

Rédaction : Ministère de la Défense, SIRPA Marine Balard parcelle Est Tour F, 60 bd du Général Martial Valin CS 21623 – 75509 Paris cedex 15 Téléphone : 09 88 68 57 17 Contact internet : redaction.sirpa@ marine.defense.gouv.fr Site : www.colsbleus.fr Directeur de publication : CV Bertrand Dumoulin, directeur de la communication de la Marine Adjoint du directeur de la publi-cation : CF Benjamin Chauvet Directeur de la rédaction : LV François Séchet Rédacteur en chef : LV François Séchet Rédacteur en chef adjoint : SACN Philippe Brichaut Secré-taire : SM Christophe Tandt Rédacteurs : ASP Marie Morel, ASP Élisa Philippot, ASP Mathieu Gay Infographie : EV1 Paul Sénard Conception-réalisation : IDIX, 33 rue de Chazelles 75017 Paris Direction artistique : Gilles Romiguière Secrétaire de rédaction : Céline Le Coq Rédacteurs graphiques : Bruno Bernardet, Nathalie Pilant Photogravure : Média Grafik Couverture : SHD/AI_6_FI_B84_2508_0001_2 4e de couverture : André Lambert, Pages d’histoire navale, Éditions du Gerfaut 2004. Imprimerie : Direction de l’information légale et administrative (DILA), 26 rue Desaix, 75015 Paris Abon-nements : 01 49 60 52 44 Publicité, petites annonces : ECPAD, pôle commercial – 2 à 8 route du Fort 94205 Ivry-sur-Seine Cedex – Christelle Touzet – Tél : 01 49 60 58 56 Email : [email protected] –Les manuscrits ne sont pas rendus, les photos sont retournées sur demande. Pour la reproduction des articles, quel que soit le support, consulter la rédaction. Commission paritaire : n° 0211 B 05692/28/02/2011 ISBN : 00 10 18 34 Dépôt légal : à parution

LE MAGAZINE DE LA MARINE NATIONALE

Capitaine de frégate Benjamin Chauvet, adjoint du directeur de la publication

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RemerciementsL’équipage de Cols Bleus a été renforcé pour ce numéro : par le département marine du Service historique de la défense, particulièrement impliqué et réactif ; par l’ECPAD, dont la médiathèque recèle de trésors iconographiques - les reporters d’images de la Marine de l’époque n’ont rien à envier à leurs talentueux successeurs et ce Cols Bleus leur rend justement hommage ; enfin par les nombreux contributeurs qui témoignent de l’intérêt jamais démenti pour l’histoire navale et qui rappellent la vigueur de cette riche discipline.

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rencontre 28Devoir de mémoire envers nos marins, Général Elrick Irastorza

Le SHD, la caution historique : le professeur Hervé Drévillon

focus 26Guerre navale en 1917 - L’exemple de la Manche

passion marine 16La victoire vient de la mer – 1917, année charnière

32 vie des unitésOpérations, missions, entraînements quotidiens. Les unités de la Marine en action

40 portraitContre-amiral Lucien Lacaze, ministre de la Marine 1915-1917

36 RH - En direct du Chemin des Dames- Les premiers pilotes de la Marine- Les renforts du ciel

42 immersionPlongée sur le Danton

46 histoireEntrée en guerre des États-Unis – le port de Brest au cœur de la projection de forces

48 loisirsCharles Fouqueray �, la guerre vue par un peintre officiel de la Marine

Planète mer 30La pensée maritime à l’épreuve de la guerre

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COMBAT NAVAL AU LARGE DE NIEUPORT (BELGIQUE) Dans la nuit du 19 au 20 mai 1917, les torpilleurs d’escadre Capitaine Mehl, Enseigne Roux (en photo), Magon et Bouclier, en patrouille en ligne de file, interceptent une force de destroyers allemands en route pour une mission de bombardement sur Dunkerque. Après une heure de combat de haute intensité, ils mettent en fuite l’ennemi. Le Capitaine Mehl et le Bouclier ont subi des avaries. Le Bouclier a notamment perdu 8 hommes et son commandant le LV Albert Arthur Bijot.

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instantané

ARRIVÉE DES TROUPES AMÉRICAINES Le 13 juin 1917, le navire britannique Invicta accoste à Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais). À son bord, le général John Joseph Pershing, commandant en chef des troupes américaines. Il est accompagné de 53 offi ciers et 146 soldats qui constituent le tout premier détachement des troupes américaines en France. Le général Pershing et ses hommes sont accueillis sur le sol national par M. René Besnard, sous-secrétaire d’État à la Guerre. Le vice-amiral Ronarc’h, commandant des forces navales dans la zone des armées du Nord, était également présent.

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OCÉAN PACIFIQUE

Antilles

Guyane

Dakar

Casablanca

Rochefort

Dunkerque

Alger Bizerte

Corfou

Polynésie française

Algérie

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France

Côte FRdes Somalis

OCÉAN ATLANTIQUE

OCÉAN ARCTIQUE

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Amers et azimutInstantané de l’actualité des bâtiments déployés

Points d’appui Arsenaux Territoires français

1OCÉAN ATLANTIQUE

AU PORT Croiseur cuirassé Amiral Aube, Desaix, Gloire, Marseillaise • Torpilleur d’escadre Aventurier, Intrepide, Janissaire •Contre-torpilleur Glaive • Croiseur Descartes • Aviso Marne • Sous-marin Newton • Transport Seine

OPÉRATIONS, PATROUILLE ET ESCORTE DE CONVOISCroiseur cuirassé Conde, Kleber, Montcalm • Transport Loiret • Torpilleur d’escadre Téméraire • Contre-torpilleur Stylet • Aviso transport Vaucluse DÉFENSE MARITIME DU TERRITOIRE Canonnière contre sous-marin Alerte, Ardent • Torpilleur d’escadre Enseigne Roux • Contre-torpilleur Claymore, Fanion, Gabion • Croiseur de 3e classe Cosmao • Croiseur cuirassé Dupleix, Gueydon, Jeanne d’Arc • Croiseur Friant, Surcouf • Sous-marin Germinal • Canonnière contre sous-marin Inconstant • Patrouilleur Michel et Renée

LUTTE ANTI-SOUS-MARINE, CHASSE AUX MINES, BOMBARDEMENT NAVAL Centre d’aviation maritime (CAM) équipé principale-ment d’hydravions de marque FBA (Franco-British-Avia-tion) de type B, C ou H, d’hydravions DD (Donnet-Den-haut) de 160 ou 200 ch : Camaret, Lorient, Tréguier, La Palice, Bayonne • Centre de dirigeables et ballons captifs : Brest-Guipavas, Paimboeuf, Brest-Laninon, Royan, Saint-Nazaire, Rochefort, Groix, Ouessant

MANCHE – MER DU NORD

AU PORT Sous-marin Amiral Bourgeois, Brumaire, Cornelie, Montgolfi er • Torpilleur d’escadre Bouclier, Capi-taine Mehl, Francis Garnier, Opiniatre • Contre-torpilleur Dunois, Durandal, Francisque, Javeline, Tromblon

DÉFENSE MARITIME DU TERRITOIRE Torpilleur d’escadre Magon • Contre torpilleur Carquois, Escopette, Étandard, Fleuret, Harpon, Obusier, Orifl amme, Pertuisane • Sous-marin Frimaire, Fructidor, Nivôse

LUTTE ANTI SOUS-MARINE, CHASSE AUX MINES, BOMBARDEMENT NAVAL – SUPÉRIORITÉ AÉRIENNE Centre d’aviation maritime (CAM) équipé princi-palement d’hydravions FBA ou DD et de chasseurs SPAD VI : Dunkerque, Saint-Pol, Boulogne, Le Havre, Cherbourg, Guernesey • Centre de diri-geables et ballons captifs : Le Havre, Montebourg

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OCÉAN PACIFIQUE

AU PORT Aviso transport Manche

DÉFENSE MARITIME DU TERRITOIRE Canonnière fl uviale Vigilante

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OCÉAN PACIFIQUE

Nouvelle-Calédonie

Nouvelles-Hébrides

Wallis et Futuna

Saint-Paul

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Corfou

La Réunion

Madagascar

Diégo-Suarez

Saigon

IndochinefrançaiseCôte FR

des Somalis

OCÉAN INDIEN

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Amers et azimutInstantané de l’actualité des bâtiments déployés

MISSIONS

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BÂTIMENTS

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Blocus

Guerre des mines et anti-sous-marine

Escorte

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MER MÉDITERRANÉE

AU PORT Aviso de 1re classe Algol, Antares • Sous-marin Arago, Le Verrier • Torpilleur d’escadre Casque, Commandant Rivière, Mécanicien Principal Lestin • Navire hôpital Duguay-Trouin • Croiseur cuirassé Ernest Renan, Latouche-Tréville • Cuirassé Justice, Mirabeau, Saint-Louis • Contre-torpilleur Niki, Fronde, Hache, Hussard, Rapière, Voltigeur, Tramontane OPÉRATIONS, PATROUILLE ET ESCORTE DE CONVOIS EN MEDOC Croiseur Cassard, Du Chayla, Guichen, Lavoisier • Aviso mouilleur de mines Cerbère • Pétrolier Tzar Nicolas II • Contre-torpilleur La Hire, Bélier, Massue, Sagaie, Sarbacane

OPÉRATIONS, PATROUILLE ET ESCORTE DE CONVOIS EN MEDOR Contre-torpilleur Arbalète, Aspirant Herber, Hallebarde, Lansquenet, Pierrier, Sape, Spahi • Croiseur Chateaure-nault • Cuirassé Condorcet, Jaureguiberry • Aviso auxiliaire El Hadj • Aviso Laborieux • Transport pétrolier Prometheus • Garde-côtes cuirassé Requin • Transport hôpital Vinh-Long

BLOCUS DE L’ADRIATIQUE Sous-marin Archimède, Arethuse, Bernouilli, Circe, Coulomb, Gorgone • Torpilleur d’escadre Bisson, Boutefeu, Cimeterre, Commandant Bory, Commandant Lucas, Dehor-ter, Faulx, Mangini, Protet • Contre-torpilleur Bombarde • Torpilleur auxiliaire Léon • Cui-

rassé d’escadre Bretagne, Paris • Cuirassé Courbet, Diderot, France, Jean Bart, Lorraine, Provence, Vergniaud, Voltaire • Croiseur cuirassé Edgar Quinet, Jules Ferry, Waldeck-Rousseau • Croiseur Jurien de la Gravière • Transport pétrolier Rhône • Bâtiment base de sous-marins Tourville

BLOCUS DES DÉTROITS EN MER ÉGÉE Torpilleur d’escadre Nea Genea • Contre-torpilleur Arc, Cavalier, Chasseur, Cognée, Coutelas, Enseigne Henry, Fanfare, Fauconneau, Flamberge, Poignard, Sabre, Sabretache, Trident • Croiseur cuirassé Bruix, Victor Hugo • Cuirassé Charlemagne, Démocratie, République, Vérité • Croiseur Foudre • Canonnière Gracieuse • Garde-côtes cuirassé Henry IV • Cuirassé d’escadre Patrie

DÉFENSE MARITIME DU TERRITOIRE Torpilleur d’escadre catapulte Siroco • Torpilleur de haute mer Cyclone • Torpilleur Forban • Garde-pêche Golo • Croiseur cuirassé Jules Michelet

LUTTE ANTI-SOUS-MARINE, CHASSE AUX MINES, BOMBARDEMENT NAVAL Centre d’aviation maritime (CAM) équipé principalement d’hydravions FBA ou DD : Saint-Mandrier, Perpignan, Casablanca, Alger, Bône, Oran, Bizerte,Sousse, Corfou, Platéali, Salonique, Marsala • Centre de dirigeables et ballons captifs : Corfou, Oran, Alger Sidi-Ahmed, Toulon, Patras

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OCÉAN INDIEN

DÉFENSE MARITIME DU TERRITOIRE Croiseur d’Entrecasteaux • Croiseur de 3e classe d’Estrées • Croiseur cuirassé Pothuau

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DIRIGEABLES37BALLONS CAPTIFS200

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1 1917REGAIN D’ACTIVITÉ POUR LE CAM DE CORFOU (GRÈCE) Bénéficiant de condi-tions météorologiques plus clémentes qu’en début d’année, le centre d’aviation maritime (CAM) de Corfou a pu reprendre une activité opérationnelle com-plète depuis le mois d’avril et ce malgré son éloignement de la mé-tropole et les difficultés d’approvisionnement que cela implique. En mai, 250 traversées de l’Adriatique sont effec-tuées par ses hydravions. En août, le CAM récep-tionne des hydravions de chasse qui lui permettent d’assurer des missions de supériorité aérienne. Sur l’ensemble de l’année, ce déta-chement projeté en déploiement permanent aura assuré la mission de surveillance maritime du barrage d’Otrante et effectué une quinzaine de bombardements anti-sous-marins.

2 01/07/1917INAUGURATION DU CAM DE BREST- CAMARET Afin d’intensifier la sur-veillance maritime des approches bretonnes et la lutte anti-sous-marine sur le secteur, un CAM a été implanté dans le port de Camaret. Il est commandé par le LV Jules Pouyer. Sept mois avant son inaugu-ration officielle, le QM pilote Malgorn a effectué la première action de combat de l’unité à bord de son hydravion en repérant et bombardant un U-Boot.

3 26/04/1917VICTOIRE EN PLEIN CIELÀ bord de son hydra-vion de chasse Sopwith Baby l’enseigne de vaisseau de 1re classe Georges Guierre a, au-dessus de Dixmude,

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attaqué seul une escadrille de 6 avions ennemis. Après en avoir abattu un, il a réussi à regagner le CAM de Dunkerque.

4 1ER AU 9/11/1917PARTICIPATION DU REQUIN À LA PRISE DE GAZA (PALESTINE) À Gaza, puis devant le Wadi el Besi (nord de Gaza), le garde-côte cuirassé Requin, déjà cité pour son action lors de la défense du canal de Suez en 1915, a brillamment participé, avec la division navale anglaise, aux attaques des armées alliées contre les positions turques, en dépit d’un feu violent qui a causé des avaries et a mis hors de combat 27 hommes d’équipage.

5 21/07/1917 CHERBOURG : LANCEMENT DU SOUS-MARIN JOESSELLe sous-marin Joessel a été mis à l’eau. De 74 m de long et 6 m de large, il dispose, sur l’avant, de 2 tubes d’étrave intérieurs et 4 tubes extérieurs de 450 mm et, sur l’arrière, de 2 tubes extérieurs de 450 mm. Son arme-ment est complété par 2 canons de 75 mm et 1 mitrailleuse. Il peut atteindre 16,5 nœuds en surface et 11 nœuds en plongée.

6 1917INTENSIFICATION DE LA GUERRE DES MINES EN MANCHEPour répondre aux incursions toujours plus nombreuses des sous-marins ennemis, il a été décidé d’inten-sifier les actions de mouillage des mines dans le secteur de la Manche et notamment dans le Pas-de-Calais. La production de mines à orin a été intensifiée (en photo l’un des magasins des mines et torpilles de l’arsenal de Cherbourg).

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L E SOUS-MARIN ALLEMAND UC38 A ÉTÉ COULÉ JUSTE APRÈS AVOIR TORPILLÉ LE CROISEUR RAPIDE CHÂTEAURENAULT. À la tête d’un convoi de transport de troupes de l’armée d’Orient à des-tination d’Itea (Grèce), le croiseur rapide est touché par une torpille sur

tribord arrière, tuant 11 hommes et détruisant ses chau�eries 3 et 4. Voyant le bâtiment sans propulsion s’enfoncer par l’arrière, le capitaine de frégate Jeanson décide de rappeler au poste d’évacuation. La plupart des hommes sont recueillis par les torpilleurs du convoi : Lansquenet et Mameluck. Les 984 soldats ont pu être évacués. Alors que les chalutiers Verveine, Balsamine et Shamrock II rallient les lieux et se préparent à remorquer le croiseur, une nouvelle torpille le touche sur l’avant. Le navire s’enfonce (photo). L’équipe de manœuvre restée à bord a néanmoins pu être embarquée à bord de la Balsamine. Le Lansquenet et le Mameluck font route sur le point d’origine de la torpille et e�ectuent un grenadage, soutenus par un bombardement des hydravions S11 et S10 du centre d’aviation maritime de Platéali (Grèce). Forcé de remonter à la surface, l’UC-38 est coulé au canon et les survivants abandonnent le submersible. Au bilan, 25 marins allemands sur 34 sont récupérés par les torpilleurs et les 984 soldats et 436 membres de l’équipage du Châteaurenault ont été évacués.

31 octobre 1917 Lancement de l’aviso Scarpe

PREMIER D’UNE SÉRIE DE TROIS BÂTIMENTS DU MÊME TYPE, le Scarpe déplace 604 tonnes, développe 5 000 CV et dispose d’une autonomie de 4 000 nautiques à 11 nœuds. Il est armé de 4 affûts de 100 mm et d’un autre de 65 mm. Il peut larguer des charges anti-sous-marines. L’armement est dissimulé par des panneaux escamotables qui lui donnent l’allure d’un navire marchand, a�n de tromper les équipages de sous-marins ennemis.

Torpillages en Méditerranée

Le Châteaurenault immédiatement vengé

dixit

le chiffre

860 000Tonnage commercial coulé par l’ennemi au mois d’avril 1917.

« La maîtrise des mers est restée aux Alliés, et c’est cette maîtrise qui nous a permis de gagner la guerre. » Amiral Schwerer, le 9 mai 1929, lors d’une conférence donnée aux élèves des Grandes écoles françaises.

« Ce qui nous touche particulièrement, c’est que les États-Unis nous aient gardé l’amitié qui a été scellée au-trefois de notre sang. (...) Le drapeau étoilé va flotter à côté du drapeau tricolore... » Alexandre Ribot, Président du conseil. Discours sur l’entrée en guerre des États-Unis prononcé le 5 avril 1917 à la chambre des députés.

« La Fayette we are here ! » (La Fayette nous voilà !) Lieutenant-colonel américain Charles E. Stanton sur la tombe du marquis de La Fayette, au cimetière de Picpus à Paris, le 4 juillet 1917 lors d’une cérémonie organisée le jour de la fête nationale des États-Unis, pour marquer la reconnais-sance des Américains envers celui qui les avait soutenus lors de la guerre d’indépen-dance.

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LA DIRECTION GÉNÉRALE DE LA GUERRE SOUS-MA-RINE (DGGSM) est créée par décret ministériel. Ce texte fondateur dé�nit la structure et les missions de cette nouvelle direction qui devra intensi�er et diriger l’action de la Marine dans ce domaine.

18 juin 1917 Création de la DGGSM

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7 SEPTEMBRE 1917 COMBAT ENTRE LE TROIS-MÂTS GOÉLETTE KLÉBER ET LE SOUS-MARIN ENNEMI UC-71 Le voilier Kléber, trans-portant un chargement de charbon du pays de Galle vers La Rochelle a été attaqué par l’UC-71 dans l’ouest-nord-ouest de Groix. Simulant l’évacuation du navire, l’équipage a laissé le sous-marin s’approcher à 500 m et l’a alors engagé avec son canon de 47 en poupe. L’ennemi a ainsi pu être mis en fuite et la goélette atteindre l’île de Groix. Au cours de cet affrontement le commandant et le second du Kléber ont perdu la vie.

4 MARS 1917CINÉMA Projection du film Les Marins de France, au profit des marins et de leurs familles, salle du Trocadéro à Paris.

L E 6 AOÛT 1917, AU NORD DU GOLFE DE GASCOGNE, LE PATROUILLEUR FRANÇAIS JEANNE ET GENEVIÈVE ENDOMMAGE GRAVEMENT LE SOUS-MARIN ALLEMAND

U-61. Répondant à l’appel de détresse lancé par le vapeur américain Campana, le commandant du patrouilleur décide de lui porter secours et met cap à l’Est. En arrivant sur place, le vapeur a déjà sombré. Des canots de sauvetage sont visibles à l’horizon. Seuls le capitaine et le chef mécanicien du Campana sont retenus prisonniers à bord du sous-marin qui, en plongée périscopique, guette l’arrivée du bâtiment français et se prépare à l’attaquer.À 5 h15, le sous-marin engage le patrouilleur avec son canon. Le premier tir blesse plusieurs marins et tue le maître d’équipage. Une seconde salve atteint grièvement le maître canonnier. De justesse, un nouveau tir ennemi est évité : cette fois il s’agit d’une torpille qui passe sur l’arrière du bâtiment. Les armements du patrouilleur sont endommagés. Malgré les dégâts, le commandant, qui a attendu d’être à portée de tir du sous-marin, donne l’ordre d’armer les canons jusqu’alors dissimulés et de tirer sur l’ennemi. L’U-61 est touché à plusieurs reprises et rompt le combat. Victime d’avaries trop importantes, il rentre en Allemagne.

Jeanne et Geneviève

Un sous-marin allemand neutralisé par un patrouilleur dissimulé français

16 AVRIL 1917 NAUFRAGE DU SONTAY À une centaine de milles au sud-est de Malte, le convoyeur français Sontay est torpillé par le sous-ma-rin allemand U-33 et coule en cinq minutes. Sur les 425 personnes présentes à bord, 381 sont sauvées par deux bâtiments d’escorte, les avisos la Moqueuse (photo) et la Capricieuse.

17 NOVEMBRE 1917M. GEORGES LEYGUES EST NOMMÉ MINISTRE DE LA MARINE À la suite de la chute du gouvernement de M. Paul Painlevé, M. Raymond Poin-caré, président de la République, a appelé M. Georges Clémenceau à former un nouveau gouver-nement. Le Président du conseil a nommé M. Georges Leygues au ministère de la Marine.

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LE PAQUEBOT DE LA COM-PAGNIE DE NAVIGATION MIXTE, chargé d’e�ectuer le transport de troupes d’Oran (Algérie) à Port-Vendres (Pyré-nées-Orientales) a été touché par une torpille du sous-marin U-34 au large des côtes espagnoles (cap de Tortosa). Le paquebot s’est brisé en deux très rapide-ment. Au total, 185 rescapés (sur les 457 passagers et 80 hommes d’équipage) ont pu être repêchés par le cargo anglais Batten Hall.

11 mai 1917 Torpillage du paquebot Medjerdah

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LE 24 MAI, EN PATROUILLE LE LONG DES CÔTES AU-TRICHIENNES, le sous-marin Circé, commandé par le LV de Cambourg, détecte à l’aube un sous-marin ennemi escorté par un torpilleur et un hydra-vion. Évitant ces derniers, il s’approche par le travers avant jusqu’à 300 m du sous-marin et tire deux torpilles à 11 h 21. Le sous-marin U-88 sombre instantanément. Le Circé bom-bardé par l’hydravion ennemi n’est pas touché et s’échappe de la zone en plongée et à vitesse réduite.

24 mai 1917Le sous-marin Circé coule le sous-marin austro-hongrois U-88

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La victoire vient de la mer

1917, année charnière

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Année de la bascule stratégique et de l’entrée en guerre des États-Unis, 1917 constitue le tournant de la Première Guerre mondiale. C’est de la mer que viendra la solution à l’enlisement du confl it à terre. Engagée dans la guerre sous-marine à outrance, la Marine s’adapte à la fois au plan stratégique et tactique (mise en place des convois, création de l’aviation de patrouille maritime…). Elle innove également en inventant l’hydrophone et de nouveaux armements anti-sous-marins, et en développant l’usage de la télégraphie sans fi l. Elle se réorganise enfi n profondément et durablement. Retour sur cette année décisive pour la victoire. DOSSIER COORDONNÉ PAR LA RÉDACTION DE COLS BLEUS, AVEC LES CONTRIBUTIONS DE

M. FRÉDÉRIC SAFFROY, AVOCAT À LA COUR ET CHERCHEUR ASSOCIÉ À L’IRHIS – GIS D’HISTOIRE ET SCIENCES DE LA MER, M. FRANÇOIS SCHWERER, M. JEAN-YVES BESSELIÈVRE, ADMINISTRATEUR DU MUSÉE NATIONAL DE LA MARINE À BREST, M. ROBERT FEUILLOY, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE L’ARDHAN (ASSOCIATION POUR LA RECHERCHE DE DOCUMENTATION SUR L’HISTOIRE DE L’AÉRONAUTIQUE NAVALE), DU CV PIERRE VANDIER ET DU CR1 THIBAULT PERRIN.

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Vers la guerre sous-marine à outrance

Les Alliés au bord de l’asphyxie

E n 1917, le con�it à terre s’en-lise et rien ne semble avancer. Les tentatives de percées de 1915 ont été vaines, il en va de même des o�ensives de masse, de la bataille de Ver-dun ou encore de la Somme. L’Allemagne semble aux yeux des Alliés infatigable. Et, après Verdun, l’état-major

allemand et l’amirauté comprennent vite que la percée décisive ne pourra pas avoir lieu sur le front de l’ouest. Le 9 janvier 1917, le Kaiser Guillaume II ordonne de « commencer le 1er février la guerre sous-marine sans restric-tion avec la plus grande énergie ». L’Europe entre en état de blocus maritime. FORCER LA VICTOIRE Pour les Alliés, la mer est vitale. Elle permet par exemple le ravitaillement de la France (et a fortiori de la Marine) en charbon. Ses régions minières lui sont inaccessibles depuis 1914, en raison de l’occupation allemande. De son côté, le Kaiser le sait, son pays ne pourra pas tenir très longtemps. Il lui faut mener une guerre courte sans quoi l’Allemagne risquerait de s’épuiser. Le calcul est simple : elle va devoir couler assez de bâtiments pour que les Britan-niques, faute de ravitaillement, soient obligés de demander un armistice. Et cela doit être fait avant que l’entrée en guerre inévitable des États-Unis, dont les bâtiments seront pris pour cible, ne fasse sentir ses e�ets sur le continent.Ce n’est pas la première fois que le pays se lance dans une campagne de guerre sous-ma-rine. En 1915 déjà, ce type d’o�ensive est alors perçu comme l’unique solution pour desserrer l’étau du blocus franco-britannique. Cepen-dant, cette campagne est rapidement inter-rompue dès lors que les neutres, États-Unis au premier rang, s’indignent, notamment à la suite des torpillages du Lusitania (le 7 mai) et de l’Arabic (le 19 août). En 1917, le théâtre de la guerre sous-marine change, passant de la Méditerranée à l’Atlantique pour y faire des ravages.

UNE ADAPTATION SALVATRICEBeaucoup de choses ont changé depuis 1915. La �otte sous-marine allemande compte à présent 128 sous-marins disséminés au fond

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orientale est scindée en deux commande-ments autonomes : la division des patrouilles de Provence, au nord, et celle d’Algérie-Tunisie, au sud. Le pic des pertes causées par les U-boote atteint son paroxysme en avril 1917, avec plus de 250 000 tonneaux de jauge brute coulés en Méditerranée. Le système des routes patrouillées montre alors ses limites, et ces dernières sont pointées du doigt, notamment par le capitaine de corvette Castex et de nombreux o�ciers aussi bien Français que Britanniques. La Conférence interalliée de Corfou (28 avril au 1er mai 1917) signe la �n dé�nitive de l’utilisation des pa-trouilles en Méditerranée, qui seront rempla-cées par la formation de convois.

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de toutes les mers européennes. Ses U-boote sont de véritables monstres, entre 850 et 1 000 tonneaux, une vitesse de 16 nœuds en surface et 8 en plongée, et une autonomie de 7 000 milles nautiques. Tout se passe sous la mer, de la défense côtière à l’attaque de na-vires, en passant par le mouillage des mines. L’objectif est d’arriver à couler 600 000 tonnes par mois, en attaquant sans préavis, au mépris des lois internationales. Le spectre de la première campagne hante encore les marines de l’Entente, qui identi�ent rapidement la me-nace et s’organisent en conséquence. La France béné�cie à présent, grâce au contre-amiral Lacaze, d’une réorganisation de son dispositif de lutte anti-sous-marine. La Méditerranée

FocusÀ l’école de navigation sous-marine Début 1916, la guerre sous-marine à outrance se précise et le nombre de sous-marins allemands ne cesse de croître. Pour contrer la menace et permettre aux équipages sous-mariniers des relèves par des marins déjà formés, l’École d’application sous-marine est créée en septembre de la même année. Implantée à Toulon, elle dispense une formation essentiellement pratique : à bord de sous-marins dé-diés à l’enseignement mais aussi de bâtiments de surface. Les marins de toutes spécialités y reçoivent une instruction d’ensemble sur la connaissance du sous-marin, de ses installations et de la manœuvre en plongée. D’une durée de 50 jours, la formation doit permettre à chaque élève de prendre part aux opérations et d’assurer la relève d’équipages fortement mis à contribution en ce début d’année 1917.La création de l’École d’application sous-marine marque une prise de conscience liée à la nécessité d’intervenir face à la guerre sous-marine menée par les Allemands. Aujourd’hui encore, la formation dispensée à l’école s’appuie sur les principes suivants : connaissance des installations, maîtrise de la sécurité plongée et mise en œuvre du système de combat.

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Lusitania : le torpillage de trop« AVIS – Aux voyageurs qui ont l’intention de traverser l’Atlantique, il est rappelé que l’état de guerre existe entre l’Allemagne et ses alliés, d’une part, la Grande-Bretagne et les siens, de l’autre, que la zone de guerre englobe les eaux entourant les îles britanniques, que, conformément à l’avertissement donné par le gouvernement impérial allemand, les navires battant pavillon de la Grande-Bretagne ou de ses alliés s’exposent à être détruits dans ces eaux, donc que les voyageurs qui empruntent ces navires le font à leurs risques et périls. Ambassade impériale allemande. Washington, 22 avril 1915. » Trois ans seulement après le Titanic, la Grande-Bretagne voit disparaître un nouveau paquebot géant, le Lusitania. De 32 000 tonneaux, 240 mètres de long, pouvant transporter jusqu’à 3 000 personnes, le navire mis en service en 1907 brille par sa rapidité sur la ligne Liverpool – New York. Un simple navire rempli de passagers civils, les Allemands n’oseraient tout de même pas ? Tout partait pourtant bien le 1er mai 1915, alors que le Lusitania quitte New York avec à son bord 1 959 personnes dont de nombreux Américains et plusieurs personnalités. Si la menace de l’avis publié par l’ambassade impériale allemande hante encore les passagers, elle est vite oubliée. Le Lusitania se rapproche de l’Irlande le 6 mai. À l’approche des côtes, le commandant William Thomas Turner prend des mesures de sécurité : un message radio indique la présence de sous-marins allemands. Mais le 7 mai, tout bascule. Aux abords de la côte irlandaise, l’U-20 termine de se recharger en surface et se prépare à rentrer en Allemagne après une campagne de torpillage réussie. Scrutant la surface au périscope, le LV Walter Schwieger aperçoit soudain le gros paquebot qui fait route dans sa direction. La torpille part et frappe les chaufferies 1 et 2, provoquant une terrible explosion. Le Lusitania s’incline sur tribord mais poursuit son avancée, un SOS est lancé, mais il est déjà trop tard. Vingt minutes après avoir été torpillé, le navire pique du nez et sombre. Seuls 761 survivants ont pu être recueillis. Ce drame provoquera un déferlement de haine dans la presse. Les Allemands se défendront en affirmant que le Lusitania était en fait un navire de guerre déguisé (il convoyait des munitions en contrebande). Les États-Unis, profondément indignés, ne tarderont pas à entrer en guerre et à rejoindre les Alliés.

1 Le sous-marin allemand UC-61 échoué devant Wissant (Pas-de- Calais), le 4 août 1917.

2 L’équipage du Silure au large de Cherbourg.

3 Calais, le Cornélie rentre au port.

4 Sous-marin allemand sabordé.

5 Le sous-marin Ventôse au large de Cherbourg.

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A près le torpillage du Lusitania le 7 mai 1915, une campagne de la presse britannique provoque une importante vague d’indignation aux États-Unis. Un autre torpillage,

celui du Sussex le 24 mars 1916, pousse le Président Wilson à envisager de faire entrer les États-Unis dans la guerre. Mais la décision n’est véritablement prise que le 2 avril 1917 lorsqu’il demande au Congrès l’autorisation de déclarer la guerre à l’Allemagne à la suite de l’a�aire du télégramme(1). Il l’obtient le 6 et entre e�ectivement en guerre le 11 avril. À cette date, l’armée américaine ne compte que 200 000 hommes en armes. C’est pour-quoi, le 8 mai suivant, le Congrès vote une nouvelle loi créant un service militaire obli-gatoire. Le Président Wilson promet alors que dès le mois de juin une division américaine sera prête pour arriver sur le sol français.Tous les ports de la Manche étant réservés aux relations entre la France et la Grande- Bretagne, il apparaît logique de faire arriver les troupes américaines dans l’un des ports de l’Atlantique et de créer, pour les acheminer

Les États-Unis en guerre

Un défi logistique et opérationnel

jusqu’au front, tout un réseau de communica-tions qui n’existe pas. Le 21 juin, Saint-Nazaire est choisi par le géné-ral Pershing pour devenir le quartier général de la base américaine n°1 en France. Mais, si les ports de Basse-Loire s’avèrent parfaitement adaptés pour la réception du matériel améri-cain, il n’en est pas de même pour accueillir les transports de troupes, au fort tirant d’eau. À partir du 12 novembre 1917, 800 000 soldats américains débarquent directement à Brest et 1 000 000 transitent par Liverpool avant de toucher le sol français.

PARFAITE COORDINATION À leur entrée en guerre, les États-Unis con�ent leur �otte à l’amiral W. B. Fletcher et dépêchent à Londres, en tant que commandant des forces navales en Europe, l’amiral W. S. Sims. Puis lorsque les premiers convois commencent à traverser l’Atlantique, l’amiral H. B. Wilson leur est adjoint pour commander en France. Celui-ci doit alors collaborer avec l’amiral Moreau, préfet maritime à Brest et directeur général de la 2e région maritime, et l’amiral Schwerer, commandant supérieur des patrouilles de l’Atlantique et de la Manche. Pour que la coordination entre eux soit la plus étroite possible, les trois amiraux installent leurs états-majors respectifs dans un même immeuble à Brest. La parfaite coordination entre les responsables de l’acheminement des soldats américains permet de suppléer le manque cruel de moyens auxquels ils doivent faire face. Car dans les faits, ils n’ont pas plus de deux petits escorteurs (chalutiers compris) pour chaque convoi qu’ils doivent protéger. Ils réussissent malgré cela à faire échec aux sous-marins ennemis pourtant nombreux.Le principe de l’arrivée des troupes amé-

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Pleine interopérabilité franco-américaine Le contre-amiral français commandant supérieur des patrouilles de l’océan et de la Manche a la responsabilité de l’utilisation générale des forces de patrouilles opérant dans la zone placée sous son commandement.Auprès de lui, le contre-amiral commandant les patrouilles américaines a la charge et la responsabilité particulière de la protection des convois de transports de troupes américaines arrivant sur les côtes de France et des convois de transports américains partant de Saint-Nazaire ou de toute autre base américaine établie sur la côte ouest de la France.Chaque fois que l’amiral américain commandant les patrouilles américaines le juge possible, les bâtiments disponibles prêtent leur concours à toutes missions exigeant des bâtiments rapides et bien armés. Les patrouilleurs américains non rapides sont employés conjointement avec les patrouilleurs français à la protection des convois côtiers et aux dragages. Si le nombre des bâtiments américains disponibles est suffisant pour en détacher en patrouilles sur les côtes ou au large, le commandant américain en informe le commandant français et s’entend avec lui pour fixer les zones à patrouiller.

1 Le pavillon américain flotte sur la rade de Brest.

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1917-1919 : Brest à l’heure américaineÀ l’entrée en guerre des États-Unis, le port de Brest se révèle impropre à recevoir l’importante logistique nécessaire aux millions de soldats américains dont l’engagement en Europe est programmé, faute d’installations portuaires suffisantes.La rade de Brest offre cependant un plan d’eau propice aux opérations de transports de troupes, le débarquement depuis des unités de fort tonnage se faisant au moyen de petites embarcations. Elle bénéfice de conditions très favorables : grande profondeur, accès quelles que soient les marées, protection des vents dominants. Dès lors, la base section No. 5 de l’American Expeditionary Force devient la principale porte d’entrée des troupes américaines en Europe. Entre mai et décembre 1918, elle accueille ainsi huit escales du Leviathan, plus grand paquebot au monde reconverti pour le transport de 14 000 hommes ! À lui seul, il achemine 110 591 soldats US sur un total de près de 800 000. Pour héberger ces hommes, les États-Unis créent un camp capable d’accueillir 80 000 soldats. La paix venue, l’activité perdure avec le rapatriement de plus d’un million de soldats. À côté de cette activité, les Américains implantent des unités opérationnelles : destroyers assurant la protection des convois, hydravions et ballons luttant contre la menace sous-marine. La présence d’une telle quantité de soldats US n’est pas sans conséquence pour la ville. Des centaines de Français vivent ainsi de l’activité économique liée à leur présence, puis de la revente de matériels après la guerre. Le 27 décembre 1917, l’USS Pocahontas voit débarquer James Reese Europe, chef d’orchestre réputé outre-Atlantique, à la tête d’une formation de musiciens noirs. Résonnent alors les premiers airs de jazz en Europe. La population, notamment les enfants, découvre aussi le basket ou le base-ball. Dans les années 30, l’American Battle Monuments Commission choisit Brest pour y ériger un mémorial commémorant l’engagement des États-Unis sur mer lors de la guerre. Détruit pendant la Seconde Guerre mondiale, il sera reconstruit à l’identique après-guerre et demeure aujourd’hui le témoin de la Brest « américaine ».

2 Arrivée des troupes américaines en France.

3 Saint-Nazaire, arrivée d’un croiseur cuirassé américain.

4 Personnel de l’aviation maritime américaine.

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ricaines en France est synthétisé dans une note du 12 novembre 1917 : l’escorte à travers l’Atlantique « est assurée par des destroyers américains ou anglais ne faisant pas partie des forces navales basées sur Brest. Notre rôle doit (…) consister à protéger ces convois par un « patrouillage » intensif de nos avions et de nos dirigeables allant croiser au large au-devant de ces convois. Ce genre de protection étant efficace, il y a intérêt à ce que les convois n’arrivent pas avant le jour dans la zone côtière. Nous savons en effet que les torpillages de nuit sont fréquents et faciles ; et pendant la nuit nous ne pouvons exercer aucune protection ».

(1) Le 16 janvier 1917, le secrétaire d’État allemand aux A�aires étrangères adresse un télégramme secret à son homologue mexicain lui faisant part de l’intention de son pays de reprendre la guerre sous-marine dans le con�it qui l’oppose à la France et au Royaume-Uni. Il propose une alliance au Mexique avec, à la clé, en cas de victoire, l’annexion du Sud des États-Unis. Le télégramme est intercepté par la Marine britannique et transmis au Président américain qui le fait publier dans la presse le 1er mars. Le scandale pousse l’opinion américaine, jusque-là neutraliste, dans la guerre aux côtés des Alliés.

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Science et marine

L’innovation au service de la victoire

A oût 1914, les premiers coups de canon de la Grande Guerre sont échangés entre les défenses côtières de Bône et le croiseur allemand Goeben : la Première Guerre mondiale s’ouvre par une opération

maritime. À cette date, la Marine française est la cinquième du monde. Bien qu’en retard dans la constitution d’une �otte de cuirassés modernes ou dreadnoughts, elle reste pionnière dans la troisième dimension. Son premier sous-marin, le Gymnote, est lancé en 1887 et elle aligne en 1914 une �otte de 50 sous-marins contre 24 pour l’Allemagne. L’aviation maritime, apparue en 1910, est placée en 1912 sous le commande-ment du CF Louis Fatou.Les années 1915 et 1916 sont marquées par des opérations navales à l’issue incertaine : l’échec du débarquement des Dardanelles et le choc indécis de la bataille du Jutland, qui paralyse la �otte allemande dans ses bases. Soumise au blocus allié, elle lance en 1917 la guerre sous-marine à outrance. Confrontée à la destruction croissante des navires qui assurent son ravitaillement, l’Entente doit s’adapter. Sous la pression du Parlement, la Marine crée en juin 1917 la Direction générale de la guerre sous-marine (DGGSM), qui met en œuvre des stratégies aussi novatrices – l’aviation contre les sous-marins – qu’archaïques, mais tout aussi e�caces, comme l’adoption des convois utilisés au XVIIIe siècle lors de la guerre des Antilles.Les politiques, au premier rang desquels Paul Painlevé, encouragent l’innovation avec l’aide de scienti�ques de renom. Paul Langevin crée à Toulon le Laboratoire de la guerre sous-ma-rine (LGSM). Jean Perrin (prix Nobel de phy-sique en 1926) et le CV Walser y développent la détection par hydrophones, tandis que Langevin invente, avec l’ingénieur Florisson, la détection par ultrasons, ancêtre de l’Asdic. La DGGSM et les commissions d’études pratiques (CEP) de la Marine mettent en place de nouveaux moyens de lutte, tels les grenades anti-sous-marines Guiraud, l’armement militaire des bâtiments de commerce ou le ca-mou�age des navires sous l’égide du peintre de la Marine Pierre Gatier.

LA COURSE À L’INNOVATION Après la guerre, conscient de l’importance de la recherche scienti�que pour conserver l’avance technologique qui a permis la victoire, l’état-major crée la Direction de la recherche scienti�que (EMGRS) et le Centre d’études de Toulon (CET), successeur du LGSM, pérenni-sant ainsi la coopération entre Marine, science et industrie au service de l’innovation. Le CET coordonne les CEP et poursuit les recherches sur le sondage et la détection sous-marine, la télécommande des torpilles, avions et navires (ancêtres des drones actuels), les télécommu-nications (contre le brouillage), l’automatisa-tion de la conduite du tir (ancêtre de l’ordina-teur), l’optique (périscopes et projecteurs) ou les gyrocompas et traceurs de route. Ce centre d’innovation civilo-militaire vit son apogée sous le cabinet Painlevé, lorsque le mathéma-ticien Émile Borel est nommé ministre de la Marine en 1925. À la �n des années 20, les di-rections de l’artillerie navale et des construc-tions navales, inquiètes des réussites du CET, tentent en e�et de le marginaliser. La présence des scienti�ques civils est remise en cause sous le prétexte d’une incompréhension des besoins militaires et de prétendus risques sur le secret de la Défense nationale. Les moyens �nanciers et humains du CET sont diminués et l’EMGRS disparaît au début des années 30. Les CEP reprennent leur autonomie et le CET se réduit à un laboratoire de soutien, a�ai-blissant la recherche française par rapport à ses homologues allemande, britannique et américaine.La reprise en main des militaires est achevée en 1940 lorsque le CET disparaît et que son

laboratoire, dirigé depuis 1920 par l’acousti-cien François Canac, est rattaché au nouveau CNRS, sous le nom de Laboratoire de méca-nique et d’acoustique de Marseille (LMA), toujours actif. En 1971, les CEP sont fusion-nées dans le Centre d’études pratiques du matériel naval (CEPMAN), dissout en 1992.

Un commissaire « As » dans la première guerre du cielEncore élève à l’École du commissariat de la Marine en 1914, Fernand Hederer est mobilisé dès le début du conflit dans l’artillerie. Devenu observateur aérien, puis pilote de chasse en septembre 1917, Hederer prend en février 1918 le commandement de l’escadrille de chasse SPAD 285, nomination exceptionnelle pour un jeune commissaire de 3e classe.La guerre lui permet de côtoyer des « As » de l’aviation, notamment Coli, Guynemer, Fonck et Navarre. Hederer reçoit plusieurs citations, la Croix de guerre avec trois palmes et trois étoiles, ainsi que la Légion d’honneur en 1917. Toutes les citations obtenues mettent en relief les qualités de l’homme, son courage, son énergie, son mépris du danger et ses qualités de chef. Hederer a également rapporté de la guerre un éclat d’obus dans l’avant-bras droit, un pied à moitié gelé lors d’un vol où il n’avait échappé aux avions ennemis qu’en montant le plus haut possible. Mais il est une blessure qui ne s’est pas cicatrisée : la mort au combat en moins d’un an des vingt pilotes de son escadrille. Résistant pendant la Seconde Guerre mondiale, Fernand Hederer fera par la suite une brillante carrière au service de l’État, puis de l’industrie aéronautique. Il donnera son nom à la promotion 2008 de l’École des officiers du commissariat de la Marine.

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Retrouvez l’intégralité de l’histoire d’Yves Le Prieur sur colsbleus.fr

Contrer les zeppelinsNé à Lorient en 1885, Yves Le Prieur réfléchit au cours de la Grande Guerre à un système d’arme permettant de contrer les incursions de Zeppelin qui jusqu’alors bombardaient les lignes sans riposte efficace. Il invente ainsi des fusées sur avions. Longues de 50 cm et munies d’une baguette de 2 m, les fusées incendiaires (amorcées électriquement) sont placées dans

des tubes fixés aux mâts de l’avion. Après une démonstration réussie du pilote Joseph-Henri Guinet en présence du Président Raymond Poincaré, en 1916, les avions Farman et Caudron seront les premiers à être équipés de ce système.

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1 Chantiers de Bretagne, à Nantes. Montage de turbines de torpilleurs.

2 La Provence, la Lorraine et la Bretagne en convoi.

3 Arsenal de Cherbourg : atelier de montage de grenades Guiraud contre les sous-marins.

4 Fusées incendiaires contre les zeppelins.

Témoignage du CV Pierre Vandier« Lorsque les Allemands se lancent dans la guerre sous-marine à outrance contre le trafic commer-cial à destination de l’Europe, leur offensive met rapidement à mal le concept britannique de « route patrouillée ». Ces derniers considéraient qu’il suffisait d’égrener des patrouilleurs le long des routes commerciales pour empêcher les sous-marins d’agir. Or en 1917, les chiffres des pertes causées par les sous-marins allemands sont très inquiétants. La France, fortement dépendante des approvisionne-ments venus d’outre-Atlantique, s’active à Londres pour convaincre les Britanniques de mettre en place la tactique du convoi. Le CV Pierre Vandier (mon arrière grand-oncle) a servi dans la Marine durant la Première Guerre mondiale. Le sloop Rigel qu’il commandait a été coulé en 1916 par un U-boot. Il s’est alors penché sur la façon la plus efficace de priver les sous-marins allemands de solutions de tir. Ses calculs l’ont conduit à comprendre que la solution des routes en zig-zag était la plus simple. La naviga-tion en convoi, expérimentée lors du soutien des Serbes en 1915 permet en outre de bien protéger un groupe de navires au lieu de disséminer les escorteurs sur des espaces maritimes importants ».

Camille Tissot, pionnier des transmissions modernesCamille Tissot (1868-1917) est un des premiers à se livrer à l’étude de la télégraphie sans fil (TSF) et établit en 1898 un contact radio entre l’île d’Ouessant et le continent, créant ainsi la première station TSF installée en France. Il démontre la possibilité d’utiliser la TSF pour la transmission d’un signal horaire, dans le but de régler les chronomètres des bâtiments en mer. En 1908, il saisit le bureau des longitudes d’une proposition de création d’un service journalier de diffusion d’horaires radiotélégraphiques depuis la tour Eiffel. Un service qui fonctionne régulièrement depuis 1910.

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J usqu’à la veille de la déclaration de guerre d’août 1914, l’aviation maritime créée en 1910 est de taille encore très modeste, comptant 26 pilotes et 14 hydra-vions. L’aéronautique maritime se développe considérablement dans

le cadre de la lutte anti-sous-marine, à partir de 1917. Les sous-marins allemands rôdent et représentent pour la France et ses alliés une menace de taille. En juin, la Direction générale de la guerre sous-marine (DGGSM) est créée. Tous les moyens navals et aériens concourant à la lutte contre les sous-marins ennemis y sont subordonnés. Au même moment, le tra�c maritime mar-chand s’organise en convois, facilitant ainsi la protection rapprochée des navires par hydra-vions et dirigeables. Pour que ce système soit e�cace, de nombreux centres d’hydravions, de dirigeables et de ballons captifs sont ins-tallés le long des côtes en France, en Afrique du Nord, en Grèce et même au Portugal. Outre le Campinas, plusieurs bâtiments sont temporairement utilisés comme porte-avions, notamment le Nord, le Pas-de-Calais et le Rouen, qui opèrent en Manche et mer du Nord en 1916. Puis en 1917

Patrouille maritime

La guerre vue du ciel

la Normandie, à partir de Bizerte, et la Dorade depuis Casablanca.L’entrée en guerre des États-Unis aux côtés des Alliés permet un renforcement de ce dispositif. Le premier détachement aéronaval américain, « 1st Aero Detachment », traverse l’Atlantique en deux groupes qui débarquent respective-ment à Pauillac (7 juin 1917) et Saint-Nazaire (8 juin 1917). Le but est de créer au deuxième semestre quatre centres d’hydravions sur les côtes françaises à Dunkerque, au Croisic, à Saint-Trojan (île d’Oléron) et à Moutchic, sur l’étang de Lacanau. Ils seront chargés de proté-ger les convois américains arrivant à Saint-Na-zaire et doteront ainsi les Alliés, avant mai 1918, d’une douzaine de centre d’hydravions sur la côte atlantique, deux centres de dirigeables et plusieurs centres de ballons captifs. En attendant la fabrication aux États-Unis des hydravions Curtiss, la France accepte de fournir des hydravions et des dirigeables. Ainsi, 143 hydravions et 7 dirigeables ont été cédés. Le premier contingent de pilotes et d’élèves- pilotes est d’abord envoyé à l’École de l’armée à Tours, puis est dirigé sur Hourtin et en�n Saint-Raphaël pour le cours sur hydravion.

UNE MÉCANIQUE PRÉCISE Du matin au soir, plusieurs sections de deux hydravions mènent des patrouilles pour localiser les éventuels sous-marins de leur zone. Pendant ce temps, un service d’alerte de deux ou trois aéronefs, à terre depuis le CAM (Centre d’aviation maritime), se tient prêt à partir en cas de réception d’une alerte au sous-marin par TSF ou téléphone. Dès juin, les pilotes débutent l’escorte des convois. Le jour J, une section se rend à un point de rendez-vous dé�ni à l’avance. Une fois le

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Principales bases de l’aviation maritime en 1917L’aviation maritime en 1917

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passion marine

1 Hydravion de chasse Sopwith Baby 130 ch Biplan au CAM Dunkerque. L’aviation maritime en met en œuvre 16 exemplaires.

2 Pilotes de l’aviation maritime arborant le nouvel insigne métallique.

3 Hydravion à proximité du CAM de Sousse (Tunisie).

4 Dirigeables au CAM du Havre.

5 Largage de bombe anti-sous-marine par un hydravion.

Ballons dirigeablesAu 1er janvier 1917, la Marine dispose de 6 dirigeables, quatre vedettes et deux escorteurs, destinés à remplir deux catégories de missions durant la Grande Guerre. Les vedettes, plus petites (2 000 à 4 000 m3) partent à la recherche des champs de mines, patrouillent dans les chenaux d’accès, surveillent les barrages et arraisonnent. Leur mobilité et leur facilité d’emploi sont essentielles puisqu’elles rendent plus aisée l’observation des sous-marins et la liaison avec les navires de surface équipés de bombes anti-sous-marines. Pour les escorteurs (4 000 à 15 000 m3), la priorité est l’accompagnement et la protection des convois contre les sous-marins allemands. Avec une altitude toujours inférieure à 500 mètres, les escorteurs doivent voler autour du convoi pour ne pas que ce dernier soit repéré par l’ennemi. Muni de bombes contre sous-marins, l’attaque doit se faire au plus court et en liaison avec les navires de surface munis d’appareils d’écoute, le but étant d’empêcher le submersible de faire tête.

convoi en vue, une mécanique bien précise se lance, envoyant les hydravions en avant pour ouvrir la route tout en gardant les bâti-ments à l’œil. S’en suit un va-et-vient entre la formation de navires et l’avant pour garder un contact constant en cas de détection d’un sous-marin a�n de pouvoir lancer le « allô », une alerte générale appelant en renfort toutes les forces à disposition aussi bien depuis la mer que les airs. En cas d’attaque, un hydra-vion désarmé reste tout de même une arme puisqu’il permet de suivre un submersible, indiquant ainsi aux bâtiments du convoi sa position, leur permettant de faire feu.À la �n de la guerre, l’aéronautique mari-time aligne près de 700 hydravions de types FBA, Donnet-Denhaut ou encore Tellier, sans compter plusieurs centaines d’autres en ré-serve. Au total, l’aviation maritime aura reçu près de 3 000 appareils de 1910 à 1918, répar-tis dans 36 centres comportant des postes de combat annexes.

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COLS BLEUS : Mon général, quel est le rôle de la Mission du centenaire de la Première Guerre mondiale dont vous présidez le conseil d’admi-nistration ? GÉNÉRAL ELRICK IRASTORZA : La Mission du Centenaire a été créée pour préparer et mettre en œuvre le programme commémoratif du centenaire de la Grande Guerre. Placée sous l’autorité du secrétaire d’État auprès du ministre de la Défense, chargé des Anciens Combattants et de la Mémoire, elle s’appuie sur un conseil scienti� que, un comité des mécènes et un comi-té des maires du Centenaire.Elle a une triple � nalité :• organiser, de 2014 à 2018, les temps forts du programme commémoratif décidés par le Gouvernement ;• coordonner et accompagner le « Centenaire des Français », c’est-à-dire l’ensemble des pro-jets publics et privés mis en œuvre en France ou par la France à l’étranger, en leur délivrant un « label Centenaire » et en di� usant le programme o� ciel des principales manifes-tations ;• informer le grand public sur la préparation

Créé en avril 2012, le groupement d’intérêt public Mission du centenaire de la Première Guerre mondiale a été placé sous la direction du général d’armée (2S) Elrick Irastorza. À l’occasion de ce numéro consacré à l’année 1917, Cols Bleus l’a rencontré.

« Devoir de mémoire envers nos marins » Elrick Irastorza,Général d’armée (2S), président du conseil d’administration de la mission du centenaire de la Première Guerre mondiale

et le calendrier de ces manifestations et assurer la di� usion des connaissances sur la Grande Guerre, en s’appuyant sur les médias et son site : centenaire.org.

C. B. : 1917 est une année charnière dans la Grande Guerre, notamment avec l’entrée en guerre de nos alliés américains. Quels sont les événements prévus pour commémorer cet engagement décisif ? G E. I. : Vous avez raison. S’il est désormais bien admis que la Grande Guerre a consti-tué une rupture majeure dans l’histoire de l’humanité et une épreuve sans équivalent à ce jour en France, l’année 1917 a été, pour le moins, emblématique de l’une et de l’autre.La rupture d’abord. Dès la � n de l’hiver, une révolution plonge la Russie dans le chaos, va chambouler le rapport de force et raviver, en Europe, les aspirations paci� stes. Vient en-suite le bouleversement stratégique durable de l’entrée en guerre des États-Unis, quasi-ment sans armée, mais avec toute l’énergie de la déjà toute première puissance écono-mique du monde et une détermination que ©

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Le SHD, la caution scientifique3 questions au professeur Hervé Drévillon, directeur de la recherche du Service historique de la Défense CB : Quel est le rôle du SHD ?Professeur Drévillon : Il collecte et conserve les archives des armées et du ministère qui en a la charge, depuis le XVIIe siècle. L’ensemble représente plus de 430 km de fonds, localisés à Vincennes et dans neuf autres centres. Le SHD, c’est aussi l’une des plus grandes bibliothèques d’Europe dans son domaine avec près d’un million d’ouvrages ! Enfin, le SHD assure la « perma-nence opérationnelle » du ministère en histoire de la défense et pour les questions de symbolique.

CB : Quels sont les liens du SHD avec la Marine ?Pr D. : Forts ! Le SHD est implanté dans chacun des cinq ports traditionnels. Par ailleurs, les chercheurs « marine » du SHD constituent la seule équipe travaillant en France sur l’histoire de la Marine depuis 1870. Ils interviennent régu-lièrement à l’École navale, à l’École de guerre et au CESM.

CB : Quelle est l’implication du SHD dans les événements commémoratifs ?Pr D. : Le SHD peut aussi bien mettre à disposi-tion ses fonds et collections, qu’apporter son expertise historique ou organiser lui-même cer-taines manifestations scientifiques, culturelles et mémorielles.

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ni l’Atlantique ni les sous-marins allemands n’arrêteront. 1917 voit ainsi le centre de gra-vité du con�it glisser de la terre vers la mer, car sans la sécurisation, en Atlantique comme en Méditerranée, des espaces maritimes indispensables au ravitaillement des Alliés et à l’étou�ement des puissances centrales, la victoire n’était pas concevable.L’épreuve ensuite. Dans notre mémoire collective, 1917 a été l’année de l’o�ensive avortée de trop, pas la plus dure qu’aient eu à supporter la France et ses alliés depuis l’été 14, mais la plus éprouvante pour avoir suscité trop d’espoirs rapidement engloutis dans l’Arrageois, sur les pentes de Vimy, celles du Chemin des Dames et des Monts de Champagne. En dépit des controverses et des incertitudes, cette o�ensive libératrice tant attendue sera maintenue par le gouver-nement et l’état-major réunis à Compiègne le 6 avril 1917, jour de l’entrée en guerre des Américains.Déclenchée le 9 avril en secteur britannique et le 16 en secteur français, elle vient s’a�aler, dès les toutes premières heures, sur la ligne Hinden-burg et sur les positions allemandes forti�ées du Chemin des Dames. Excès de con�ance initial, obstination ou volonté d’en �nir une bonne fois pour toutes, la désillusion n’en sera que plus forte, la lassitude tout aussi profonde et les rancœurs durablement tenaces. Cet échec de trop ne fera que �ssurer un peu plus une Union sacrée déjà bien malmenée et entraî-nera des troubles qui menaceront directement la cohésion d’un pays et d’une armée qui ont perdu, en 41 mois l’équivalent de 5 classes d’âges (1 475 000 tués, disparus ou prisonniers), quasiment 1 200 jeunes français chaque jour !Pourtant le pays tiendra, puis saura se ressaisir, sous l’impulsion de Clemenceau, en �n d’année. C’est de tout cela dont il conviendra de se souvenir en 2017.Nous le ferons à Arras et Vimy le 9 avril, à Craonne et Cerny-en-Laonnois le 16, à Berry-

au-Bac le 20 mai, à la caverne du Dragon le 25 juin et à la Malmaison le 22 octobre. Et bien évidemment nous commémorerons l’entrée en guerre des USA, le 6 avril à Kansas city, le 13 juin à Boulogne, puis �n juin en mettant à l’honneur la Marine et les grands ports de la fa-çade atlantique, Brest bien sûr et Saint-Nazaire, point de départ de la belle opération �e Bridge.

C. B. : Comment faire partager aux Français le souvenir des combats navals et la mémoire des marins morts en mer ? G E. I. : D’abord en reconnaissant que les marines alliées et la Marine française, pour l’essentiel en Méditerranée, ont pris une part déterminante à la victoire. Relisons le contre-amiral Daveluy : « Ce sont bien les armées alliées qui ont remporté la victoire et nul ne conteste la gloire qui les immortalise-ra ; mais il est non moins incontestable que c’est la suprématie maritime qui leur a fourni les moyens de vaincre... Quelle est donc la cause impérieuse qui a forcé l’orgueilleux empire allemand à tomber à genoux... sans avoir épuisé tous ses moyens de défense ? C’est le blocus maritime. » Maîtrise des espaces maritimes et escorte des convois marchands permettant d’assurer nos approvisionnements en hommes et che-vaux, matières premières, sources d’énergie, équipements militaires et industriels, blocus maritime permettant l’asphyxie des empires centraux, 86 000 marins alliés, des �ottes militaires et de commerce, et leurs passagers périrent dans plus de 5 000 naufrages. La France perdit en mer 4 cuirassés, 5 croiseurs, 16 destroyers, 16 sous-marins, quelques navires auxiliaires et 11 500 marins, dont les fusiliers marins tués sur la ligne de front, de Dixmude au Moulin de La�aux.Ne pas les honorer comme il se doit serait tout simplement ignorer leur contribution décisive à la victoire �nale.

PROPOS RECUEILLIS PAR MME SOPHIE DE VILLIERS

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planète mer

Et si, finalement, la Grande Guerre n’avait pu être gagnée qu’en résistant sur les mers et en domptant nos préjugés ?

Début 1917, les Alliés sont en mauvaise posture. À terre, la guerre s’enlise et les approvi-sionnements deviennent cri-tiques. La mer devient la carte maîtresse : sans elle, la guerre

est perdue. L’Allemagne joue la première en lançant la guerre sous-marine à outrance. Elle pense prendre de vitesse son adversaire en étranglant son commerce. La tension internationale est à son comble. En avril, les États-Unis rentrent en guerre et constatent

Car la théorie de l’amiral Mahan, soulignant l’importance du contrôle des mers et l’in�uence de la bataille décisive, fait alors o�ce de référence quasi absolue et dénigre, en creux, la guerre de course. En dépit de voix discordantes ou plus nuancées (dont Corbett et la Jeune école emmenée par l’amiral Hyacinthe Aube), cette vision plébiscitant une escadre forte prédomine.D’ailleurs, la victoire japonaise sur les Russes lors de la bataille de Tsushima en 1905, faisant écho à la bataille de Trafalgar en 1805, a

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l’ampleur des dégâts depuis les coulisses. L’amiral britannique Jellicoe, premier lord de l’Amirauté, leur con�e alors : « Les U-boote sont en train de gagner la guerre. » À ce rythme, l’Amirauté prévoit une défaite des Alliés dès novembre 1917.

DOMPTER LES ESPRITSImmense, la mer doit donc résister et vaincre. Or des verrous psychologiques entravent la pensée : le visage de la guerre sur mer est �gé à l’ère du mahanisme.

Bâtiment de ligne : croiseur cuirassé Gueydon mis à l’eau le 20 septembre 1899 (ici en photo après sa transformation en navire-école dans les années 20).

La pensée maritime à l’épreuve de la guerre

1917

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planète mer

pour continuer votre commerce, à former des convois et à les escorter. Nous vous y avons for-cés deux fois dans l’histoire par nos corsaires. Vous y serez obligé encore. Cette organisation du charbon français que je vous demande sera pour vous une expérience. »Le « French Coal Trade » démarre ainsi dès février. Ce sera un succès, entraînant un changement tactique radical : la généralisa-tion des convois à partir d’avril. Moins absor-bés par l’espace, les Alliés vont ainsi gagner du temps et résister jusqu’à l’entrée en guerre des Américains.

ET APRÈS…Le convoi n’est pas la seule réponse. D’abord paralysés par des dogmes inapplicables et un ennemi innovant, les Alliés réagissent ensuite tous azimuts. Les débuts sont un peu brouillons. Sans vision, sans préparation, la lutte tâtonne mais les techniques et tactiques foisonnent. Dans ce jeu maritime complexe, les Alliés ne s’interdisent �nalement plus l’audace. Français et Anglais, ennemis d’hier, sont condamnés à l’Entente et les États-Unis entrent en guerre. Les marines marchandes et militaires luttent ensemble. Certaines exigences se concrétisent : l’invisible devient visible (détection par hydrophone/aéronefs),

conforté la vision mahanienne. Ainsi ces deux batailles décisives, hautement symboliques, sont érigées en norme, alors qu’elles restent des exceptions. La bataille du Jutland de 1916 n’est pas décisive, certes. Qu’à cela ne tienne ! Les partisans mahaniens reprochent alors aux marins de ne pas avoir mené le combat à son terme.Hors de la guerre d’escadre, point de salut. Le sous-marin, dérivé moderne du corsaire, est donc largement écarté de la ré�exion des états-majors car il ne correspond pas à une image à la fois o�ensive et chevaleresque de la guerre navale. Il dérange en soi les esprits avant même de compromettre la victoire �nale. Qui plus est, utilisant la troisième dimension, il semble invisible et insaisissable. Il contraint à adopter des modes d’action qui sont considérés comme manquant de noblesse. In fine, le sous-marin s’échine à donner tort à d’éminents stra-tégistes, à commencer par Mahan, et nie à l’escadre sa raison d’être. Intolérable !En voulant faire primer le format capacitaire sur le besoin opérationnel ou en refusant de considérer certains modes d’action de l’enne-mi, les états-majors ne se sont pas préparés à la guerre sous toutes ses formes. Par ailleurs, la nouveauté technologique les déstabilise comme l’explique Castex(1) : « Le contraste était si violent, la forme extérieure si complètement trompeuse, que l’on comprend parfaitement que beaucoup d’intelligences, même profes-sionnelles, aient vacillé sous le choc […]. On retrouve dans cette occasion, comme dans tant d’autres, le malheur constant de la doctrine navale, qui est d’être périodiquement perturbée par la dure épreuve de l’avènement des engins nouveaux. L’armée [de Terre] ne connaît pas, ou connaît moins, de telles crises intellectuelles. »Le salut des Alliés viendra de leur capacité d’adaptation.

LE PRAGMATISME « À LA FRANÇAISE »Ayant perdu de sa superbe, la Marine fran-çaise est aussi devenue moins dogmatique que la Grande-Bretagne. En revanche, elle est confrontée à une dure réalité : dès la �n 1916, elle subit une forme de blocus, car les Anglais arrêtent la navigation en cas de présence avé-rée de sous-marin. La France souhaite donc organiser des convois. Or, focaliser son attention sur les points à protéger (les navires) et non l’immensité de la mer est une idée chère à Corbett mais à contre-courant de la pensée mahanienne dominante chez les Anglais. Les Français parviennent à les convaincre, par l’inter-vention décisive du CF Vandier en janvier 1917(2) : « Il s’agit pour nous d’une question de vie ou de mort ; nous ne pouvons vivre, ni nous battre sans charbon. Aujourd’hui nous souffrons d’un demi-blocus ; demain le blocus sera effectif. Vous-mêmes vous serez amenés,

l’insaisissable devient saisissable (attaque à la grenade sous-marine). La défense et l’attaque œuvrent de concert. Des composantes en-tières se créent avec des écoles (sous-marines, aéronautiques…), des experts, des tactiques, parfois même une armée (l’armée de l’Air en Angleterre). Les esprits sont sens dessus-des-sous. Le vent tourne, les esprits s’échau�ent, les politiques et les médias ampli�ent les tendances. Les Allemands con�ants et eupho-riques, perdent �nalement leurs illusions �n 1917 et se mutinent même lorsque les Alliés, encore hésitants, commencent à s’organiser dans un ensemble cohérent. Cette e�erves-cence créatrice, née des chocs et contre-chocs, s’intègre progressivement dans une pensée compréhensible, active et e�cace. La mer se remet en cause, résiste et com-bat héroïquement. La France y joue un rôle majeur. Pourtant, comme souvent, les actions maritimes sont peu connues, peut-être inavouables ou enfouies dans un inconscient. Parfois, les marins eux-mêmes ont oublié.

CF CHRISTINE RIBBE

(1) Castex, Raoul (capitaine de frégate), Synthèse de la guerre sous-marine : de Pontchartrain à nos jours, Paris, Challamel, 1920, chap. IV. (2) Extrait du compte rendu du CF Vandier du 3 janvier 1917 – SHD - carton SS Ea 42bis.

Sous-marin de haute mer Dupuy de Lôme entré en service le 22 juillet 1916.

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Souvenirs Les aventures extraordinaires du mousse Gabriel BichonMarins des montagnes Les �ottilles des lacs d’Albanie

Né en 1901, �ls de marin du commerce, Gabriel Bichon embarque, en janvier 1917,

alors qu’il vient de fêter ses 15 ans, comme mousse à bord de la goélette de Granville La Victoire. Le 21 jan-vier, après avoir appareillé de Verdon, avec 400 tonnes de poteaux de mines pour le pays de Galles, un sous-ma-rin allemand les contraint à piéger la goélette qui ne coule cependant pas

après les explosions. Remorqué jusqu’au Verdon (avec une bombe coincée dans un �lin !), le navire est sauvé malgré de graves dommages. Le sous-marin impliqué était le U52, qui avait coulé en mars 1916 le cuirassé Suffren, et dont le commandant, de mère française, se �t connaître pour sa bienveillance à l’égard des équipages français. Pour l’anecdote, le Kapitänleutnant Hans Walther était un homme énergique, au regard vif et ne portant pas de galons. Son second, l’enseigne de vaisseau Otto Cilliax, se distinguait par sa grande sil-houette élancée et son caractère joyeux et volubile, lui-même francophone car �ls d’une Suissesse romande. Il eut un brillant destin dans la Kriegsmarine : devenu amiral, il fut le maître d’œuvre de l’opération Cerberus qui ex�ltra les Scharnhorst, Gneisenau et Prinz Eugen de Brest vers l’Allemagne en 1941, échappant à la vigilance des Britan-niques. La conduite exemplaire des

Souvenirs

Les aventures extraordinaires du mousse Gabriel Bichon

neuf hommes d’équipage de La Victoire leur valut des récompenses du ministère de la Marine. Gabriel Bichon reçut avec six de ses camarades un témoignage de satisfaction.

LE SANG-FROID DEVANT LE DANGEREn août 1917, notre mousse embarque sur la Marthe Marguerite à Saint- Nazaire. Il témoignera par écrit de cette nouvelle expérience au combat :« Nous quittons Saint-Nazaire cet après-midi ayant à l’avant le remor-queur qui nous dirige en rade des Char-pentiers arrivés à très proche distance on commence à régler le tir des deux pièces de 57 se trouvant à l’extrémité arrière de la dunette avant que l’on prenne la mer. Dès que le tir fut achevé nous mouillons quelques instants puis voyant que le vent était favorable nous repartons sans délai continuant ainsi à nous éloigner de la côte le navire plongé dans une pro-fonde obscurité car la moindre lumière aurait pu dévoiler notre présence. (…) Ce n’est que le (…) 19 date à laquelle (sic) je garderai un souvenir. La matinée venait de se passer dans le calme le plus complet lorsque soudain vers 2 heures et demi de l’après-midi nous apercevons à l’horizon d’un bleu une forme sombre paraissant être celle d’un sous-marin. Tout à coup l’on crie fort haut au poste de combat chacun son poste rapidement nous courons à l’arrière près des canons en regardant dans la même direction que la précédente. Je ne puis dire précisément la distance mais je l’évalue à plus de dix milles sans exagérer. On aperçoit un nuage de fumée, d’après le son c’était bien un coup de canon tiré à blanc par le pirate. Nous voyant dans l’impossi-bilité de riposter vu que nos pièces ne portaient qu’à cinq milles, nous avons pris immédiatement la décision de l’abandonner le plus vite possible car les coups se succédaient sans relâche et passaient à très faible distance du

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Le trois-mats Marthe Marguerite.

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Cargo Amiral Troudé.

navire. À peine avions nous débarqué du bord qu’un obus venait de fracasser le rouf où logeait l’équipage évacué depuis quelques secondes, projetant des débris à une assez grande hauteur. Continuant son ravage il pénètre dans les flancs de tribord produisant un trou assez béant environ à 1 mètre de la ligne de flottaison et pouvant atteindre 1,30 m de diamètre. Il était grand temps que nous poussions du bord. Un retard de quelques minutes nous aurait certaine-ment coûté la vie à tous (…). Les obus continuaient à pleuvoir dru comme grêle sur le malheureux navire abandonné de-puis quelques instants mais néanmoins résistait aux coups. Nous autres restions impassibles devant le danger et nagions force de rame de manière à nous dérober aux obus qui auraient pu nous atteindre avant que le bateau sombre nous vîmes l’extrémité du grand mat ainsi que les huniers s’abattre sur le pont comme une masse (…). Dès que la nuit vint nous avions tous les idées moroses de nous voir à plus de deux cent cinquante milles au large, en outre dans une embarcation surchargée par 21 hommes qui composaient l’effectif de l’équipage et dans des parages peu fréquentés. Il fallait vider l’eau conti-nuellement et peu de place à se mouvoir (…). La nuit nous parut très longue car le froid était intense, nous nous aidions mutuellement de notre mieux (…) ce n’est que le soir du lendemain 22 tous les vivres venaient d’être distribués et ceci nous inquiétait de plus en plus, nous étions à mi-jambe dans l’eau, on la vidait au fur et à mesure qu’elle em-barquait. Vers 5 heures et demi le temps devenait sombre, tout à coup une éclair-

cie se fit, nous distinguons nettement la forme d’un vapeur qui se dessinait à une grande distance. Dès sa vue les visages deviennent radieux le capitaine nous donne l’ordre de hisser le pavillon français immédia-tement il se dirige vers nous et ne tarde pas à nous rejoindre (…). »

L'INTRÉPIDE MARINLes naufragés sont recueillis à bord de l’Amiral Troudé mais ne sont pas pour autant tirés d’a�aire. En e�et, l’U-54, qui avait coulé la Marthe Marguerite prend pour nouvelle cible l’Amiral Troudé le 23 septembre. Le capitaine, Charles Néron, écrit ainsi dans son rapport : « C'est grâce à l'esprit de décision dont a fait preuve l'officier de quart, Monsieur Le Corre, que nous avons échappé à la torpille. Cet officier s'était muni de lorgnons noirs et a pu voir le départ et le sillage de la torpille dans le soleil. Il a aussitôt lancé le si-gnal d'appel aux postes de combat. (…) Monsieur Le Corre est venu à deux reprises sur tribord. Le sous-marin a alors pensé que nous l'avions aperçu et a lancé sa torpille. La rapidité de la réaction lui a fait manquer son but. » Et Gabriel Bichon de conclure son ré-cit : « Finalement nous lui avons brulé la politesse. Les jours suivants pas de changement ».Déjà attaqué trois fois par les U-Boote et naufragé deux fois en deux mois, Gabriel Bichon est le symbole de l’union et de la fraternité d’armes de tous les marins, réunis à l’époque sous la tutelle du même ministre. Il fut à ce titre l’un des plus jeunes combattants de la Grande Guerre. Il poursuivra ses embarquements sur

d’autres voiliers marchands pendant de longues années. À 18 ans, il aura déjà doublé les trois caps, dont, évi-demment, le Horn. De 1921 à 1924, il e�ectue son service militaire dans la Marine, notamment à bord du cuiras-sé Courbet, autre vétéran de guerre. En 1940, il participe aux convois de l’Atlantique et à la campagne de Norvège. À cette occasion, son navire, l’Enseigne Maurice Préchac, est cité à l’ordre de l’armée de mer et de la Royal Navy. Gabriel Bichon reçoit un diplôme du roi Haakon II : « A, au cours de la campagne de Norvège de 1940, participé à la défense de la patrie d’avril à juin 1940. La Norvège vous remercie pour vos efforts dans la lutte pour la liberté ». Il est alors parmi les premiers à rejoindre les forces navales françaises libres. Le gé-néral de Gaulle lui écrira cette lettre manuscrite le 1er septembre 1945 : « Répondant à l’appel de la France en péril de mort, vous avez rallié les Forces françaises libres. Vous avez été de l’équipe volontaire des bons com-pagnons qui ont maintenu notre pays dans la guerre et dans l’honneur. Vous avez été de ceux qui, au premier rang, lui ont permis de remporter la Victoire ! Au moment où le but est atteint, je tiens à vous remercier amicalement, simplement, au nom de la France. »Gabriel Bichon continuera de navi-guer jusqu’en 1955. Il choisit sa mort comme il avait choisi sa vie. En 1971, veuf et se sentant devenir aveugle, il décida de mettre �n à ses jours. Il avait annoncé à ses proches : « Quand je ne pourrai plus ouvrir mon couteau, je mettrai ma cravate de chanvre. » Sa tombe à Pornic est entretenue par le Souvenir Français.Ainsi vivent et meurent les grands marins.

CAPITAINE DE FRÉGATE BENJAMIN CHAUVET

Source : Forum 14/18 - Page d’histoire marine.

Témoignage de satisfaction du ministre de la Marine.

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vie des unités

En février 1917, sur la demande du commandant en chef de l’armée d’Orient, deux �ottilles furent

formées sur deux lacs albanais, pour faciliter le ravitaillement des troupes alliées opérant dans le voisinage. Ces marins combattirent vaillamment sous le feu et dans des conditions particuliè-rement di�ciles.

RAVITAILLEMENT PÉRILLEUXLe lac Presba est bordé par trois pays – Albanie, Grèce, Serbie – et situé à700 mètres d’altitude environ ; il étaitcoupé en deux par la ligne du front del’armée d’Orient après l’avance surMonastir. Un détachement d’une tren-taine d’o�ciers mariniers et de marins,sous le commandement de l’enseignede vaisseau Winckler, fut envoyé parla division navale de Salonique pourarmer sur le lac douze bateaux plats,dont quelques-uns étaient munis demotogodilles. Cette �ottille rendit defort bons services, souvent sous le feude l’ennemi.Une autre �ottille fut créée pour unservice analogue sur le lac Ochrida, enAlbanie, à 900 mètres d’altitude. Maisles deux �ottilles périclitèrent, faute depersonnel ; à l’automne de 1917 il n’yrestait plus qu’un maître de manœuvreet deux hommes, minés de paludisme.En novembre 1917, la Marine désignel’enseigne de vaisseau Madelin pourremplacer l’enseigne Winckler, mort

Marins des montagnes

Les flottilles des lacs d’Albanie

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au combat. On reforme à Salonique un détachement de vingt hommes, qui peu à peu sera renforcé et porté à cin-quante. La �ottille, abritée par un port militarisé, est devenue plus puissante et comprend notamment deux grands canots à vapeur armés. Le matériel est acheminé dans des conditions péril-leuses à travers la montagne.

PASSAGE DE TROUPESLa mission principale de la �ottille est toujours le ravitaillement, qui, avec les gros canots à vapeur, peut aller jusqu’à 40 tonnes par jour ; elle est souvent contrariée, soit par le mauvais temps qui agite les eaux du lac, soit par les glaces qui les recouvrent en hiver. Mais les marins débarquent aussi des comitadjis(1) serbes dans le nord

Barges sur le lac Presba.

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du lac Presba, derrière les lignes, ou e�ectuent des patrouilles de recon-naissance, délicates la nuit sur une côte marécageuse inconnue.La �ottille recevra la visite du prince Alexandre de Serbie et des généraux Franchet d’Esperey et Henrys qui passent une petite revue navale sur le lac. L’amiral Merveilleux du Vignaux, commandant la division navale de Salonique, qui a été le restaurateur de la �ottille, la suit avec une attention toute particulière.Avant l’o�ensive de septembre 1918, les canots débarqueront de nuit, derrière les lignes bulgares, une soixantaine de comitadjis serbes qui coupent les lignes de communication de l’ennemi et gênent sa retraite.L’o�ensive ayant dégagé la région des lacs, la présence des �ottilles y devient sans objet. La �ottille, transformée en caravane pittoresque atteindra la rive bulgare du Danube à Vidin au moment de l’Armistice. Ils se rendront ensuite à Belgrade où, en liaison avec les détachements anglais commandés par l’amiral Troubridge, ils coopèreront à l’organisation des transports �uviaux qui assurent le passage des troupes et leur ravitaille-ment en Hongrie.

(1) Insurgés nationalistes.

Sources : • La Marine française dans la Grande Guerre.Tome V : Les marins à terre.• À l’armée d’Orient, les flottilles des lacs d’Albanie.CV A. �omazi, Payot, 1933.L'équipage de la flottille du lac Ochrida.

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Interview du LV Alexandre de Fourcauld - 15 avril 1917

En direct du Chemin des Dames Nous sommes allés au plus près du front, la veille de l’offensive sur le Chemin Dames, à la rencontre du LV de Fourcauld qui commande les canonniers-marins de la VIe armée. INTERVIEW RÉALISÉE À PARTIR D’UN TÉMOIGNAGE D’ÉPOQUE PAR LE CF VINCENT VACQUÉ (EMM/BPROG SOUM)

Cols Bleus : Capitaine, que fait un of-ficier de marine sur le front de l’Aisne à des centaines de kilomètres de la mer ? Pouvez-vous vous présenter ? LV Alexandre de Fourcauld : Je suis issu de la promotion 96 [1896] de l’École navale. Officier canonnier, j’ai servi principalement sur des cuirassés comme le Brennus et des croiseurs cuirassés comme le Pothuau, au sein de l’escadre du Nord ou de l’escadre de la Méditerranée. J’ai en particulier servi sur l’Amiral Charner qui a été torpillé l’an dernier au large du Liban(1).Lorsque les Allemands nous ont déclaré la guerre, j’étais affecté à Paris au ser-vice hydrographique.

C. B. : Comment avez-vous rejoint lesbatteries de canonniers-marins ?LV A. de F. : À la demande du ministèrede la Guerre, le ministre de la Marinedécide dès le déclenchement duconflit de fournir des pièces de bord.Nos camarades artilleurs manquaienten effet de pièces lourdes à longueportée leur permettant d’effectuer destirs de contre-batterie sur les piècesde l’ennemi. Je me suis donc retrouvécomme 2 000 autres marins du régimentde canonniers-marins, au sein du camp

retranché de Paris, fin août 1914. Passée la menace allemande sur Paris, nous avons été répartis sur tout le front afin de renforcer les différentes armées, de l’Alsace aux Flandres belges.

C. B. : Vous êtes sur le front depuis le début de la guerre, où avez-vous servi ?LV A. de F. : J’ai commandé la batterie de Coubron au nord de Paris jusquefin 1914, puis j’ai rallié Toul et le front de la Meuse. En 1916, j’ai servi sur le front d’Alsace près du Vieil Armand (Hart-mannswillerkopf).Le 20 mars dernier, j’ai pris le comman-dement des canonniers-marins de la VIe armée en vue de l’offensive au Chemin des Dames. J’ai sous mes ordres une batterie mobile de 16 à 2 pièces, une pièce fixe de 16 à Brenelle et une pièce de 14 à l’ouest de Soissons et tout récemment une batterie de canon-nières fluviales sur l’Aisne, au nord-ouest de Soissons.

C. B. : Capitaine, de quelles spécialités sont vos marins ?LV A. de F. : Mes marins sont detoute spécialité : fusilier, charpentier, manœuvrier, électricien, artilleur bien sûr, voire sans spécialité pour les jeunes matelots de 3e classe. Ils sont avant

Sources : Historique des batteries de canonniers-marins et des canon-nières fluviales, Contre-Amiral Jehenne, SHD, Paris, 1938, 319 p.

Les Marins à terre - La Marine française dans la Grande Guerre, Thomazi A., Payot, Paris, 1933, 232 p.

Rouxel Jean- Christophe, http://ecole.nav.traditions.free.fr

Info tout des canonniers fiers de servir leurs pièces de Marine. Les spécialistes se font cependant de plus en plus rares car avec la guerre sous-marine que livrent les Allemands, la Marine a besoin de ses marins et limite donc les détachements.

C. B. : Revenons aux canons, votrecanon tracté ressemble à une pièce decuirassé ?LV A. de F. : Effectivement, il s’agit ici d’uncanon de 16 [164 mm], le même que ceux des cuirassés de la classe Répu-blique. Nous les avons d’abord montés sur affut fixe puis depuis un an sur affut mo-bile grâce à des tracteurs Latil. Sinon nous avons également des pièces de 14, cellesqui équipent les nouveaux cuirassés de la classe Courbet ; elles sont montées sur affut fixe ou sur des péniches.

C. B. : Qui vous commande, la Marine,l’armée de Terre ?LV A. de F. : Les deux ! Comme tous lesmarins servant au front, nous sommesdétachés auprès du ministre de laGuerre auprès de nos camarades del’armée de Terre. La plupart des canon-niers-marins, c’est-à-dire ceux armantles batteries mobiles et les canonnièresfluviales dépendent de la 3e division dela réserve générale d’artillerie lourde(RGAL), sous les ordres du contre-amiralJéhenne. La RGAL est commandéequant à elle par le général Buat, etregroupe toutes les pièces lourdes denotre armée. Les marins armant lescanons sur voie ferrée dépendent euxde la 1re division de la RGAL. En pratique,nous sommes mis pour emploi au seindes différentes armées tout au long dufront. Je commande ainsi les canonniersmarins de la VIe armée.Administrativement nous sommes gérés par le dépôt de Paris… Et c’est parfois un peu compliqué je vous l’accorde : nos fusils sont dépassés, nos uniformes anciens et pour tout vous dire, la solde et les médailles, ce n’est pas toujours ça. L’ordinaire ça va et notre commis sait par-faitement l’améliorer, comme en escale.

C. B. : L’offensive se prépare… Capi-taine, quels sont vos objectifs ? Êtes-vous confiant ?LV A. de F. : L’offensive débutera de-main à 06h. Mon objectif principal est lenœud ferré au nord de Laon par là oùles renforts ennemis pourraient arriver.En mes canonniers assurément ! Le moral est excellent malgré les bombardements et les pièces tirent 6 coups par minutes tant et si bien que l’ennemi entend les obus siffler et éclater au même moment. Sur la bataille... disons que la météo ne nous est pas favorable, pour l’offensive

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comme pour les tirs, les ballons d’obser-vation sont cloués au sol. De plus, les Alle-mands ont reculé, détruisant les écluses derrière eux, si bien que les péniches sont bloquées sur l’Aisne ne pouvant plus bombarder la première ligne ennemie.

C. B. : Les canonniers-marins sont-ils les seuls marins sur le front ?LV A. de F. : Non, assurément non. En plus de nos glorieux camarades du bataillon de fusiliers marins qui sont dans les Flandres, des marins servent égale-ment dans le service météorologique du groupe d’armées centre, d’autres en-core dans des unités d’automitrailleuses. J’ai même entendu dire que certains de mes camarades de l’École navale servaient dans l’artillerie d’assaut, dans ces machines que les Anglais appellent des tanks(2). Enfin le bohut [l’aumonier] des fusiliers, le Père Pouchard, passe nous voir régulièrement.

C. B. : Merci Capitaine, nous serons de tout cœur avec vous dans les pro-chains jours.

(1) Le croiseur cuirassé Amiral Charner est torpillé par un sous-marin allemand le 8 février 1916. Au total, 50 hommes sur les 426 échappèrent au naufrage, mais un seul naufragé devait survivre.(2) À cette époque, le LV Bargonne vient de terminer sa formation de chef de char. Il sera cité en octobre 1917 lors de la bataille de la Malmaison. Écrivain, sous le pseudonyme de Claude Farrère, il obtint le prix Goncourt en 1905 et fut élu à l’Académie française en 1935.

Alexandre de FourcauldAlexandre de Fourcauld quitte les canonniers marins en 1919 après l’Armistice. Promu capitaine de corvette, il re-trouve le service hydrographique. Capitaine de frégate en 1920, il quitte la Marine un an plus tard.Dès lors, il s’in-

vestit dans les associations de secours et d’entraide au profit des anciens marins surtout à partir de 1932 où il a la douleur de perdre son fils unique, commandant en second du Promé-thée, lorsque ce sous-marin sombre au large du cap Levi. Il fut en particulier le président fondateur de la FAMMAC et son président fédéral jusqu’à sa mort en 1959.

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1959

L’offensive du Chemin des DamesConçue et dirigée par le général Nivelle, l’offensive du printemps 1917 dite du « Chemin des Dames » fut un désastre. Les Allemands qui s’attendaient à l’attaque ne reculèrent quasiment pas. Près de 200 000 Français mou-rurent entre avril et mai pour quelques kilomètres de front près de villages au nom devenus emblématiques comme Craonne. Cette offensive eut pour conséquence des mutineries et le remplacement de Nivelle par Pétain à la tête des armées françaises. Ce dernier stoppa l’offensive générale sur le front de l’Aisne mais réalisa avec succès des attaques ciblées comme le Fort de la Malmaison en octobre 1917 où la batterie de 14 de l’EV1 Lameignère se distingua.

Canon de 164,7 mm des canonniers-marins, position de Virginy, 23 novembre 1916.

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Les spécialités des marins de l’Aéronautique maritime en 1914-1918

Les premiers pilotes de la Marine L’apparition de l’aviation sur les théâtres d’opérations dévoile un nouveau métier : celui de pilote. Déjà sanctionné avant-guerre par un brevet de pilote-aviateur délivré par l’aéro-club de France (1909) et un brevet d’aviateur (1911) délivré par le ministère de la Guerre, le brevet de pilote d’hydravion a été créé en avril 1917 par le ministère de la Marine. La formation des pilotes d’avions et d’hydravions de la Marine a évolué au fil des années et de l’expérience acquise. Retour sur la montée en puissance de cette spécialité. ROBERT FEUILLOY

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En 1915, les pilotes suivaient un cursus classique : école de pilotage militaire, puis stage sur hydravion à Saint-Raphaël. En

1916, avec l’accroissement du nombre de centres d’hydravions, les centres militaires formaient environ 150 marins pilotes à Ambérieu, Avord, Buc, Chartres, Le Crotoy, Pau et Tours. Soit plus du triple de l’année précédente. Cela ne suffisant pas, la Marine obtient quelques pilotes de la « Guerre » qu’elle transforme sur hydravion.Le personnel officier, formant un tiers de l’effectif, est issu de l’active et de la réserve. S’y ajoutent des officiers auxi-liaires venant de la marine marchande.Les officiers mariniers et l’équipage sont issus de nombreuses spécialités : torpil-leur, électricien, mécanicien, timonier, fusilier, canonnier, manœuvrier, chauf-

feur et fourrier. (Ndlr : La spécialité de pilote n’existe pas : elle ne sera créée que vingt ans plus tard, en 1936). À l’automne 1916, commence l’envoi de certains pilotes au cours de chasse à Avord et à Pau. Cette spécialisation est nécessaire aux deux escadrilles de chasse de Dunkerque. Simultanément, l’école de tir aérien de Cazaux et son annexe de Biscarrosse ouvrent leurs portes aux marins.

LA MONTÉE EN PUISSANCE DES CENTRES DE FORMATION La création de brevets et certificats pour le personnel volant sur hydravion a été concrétisée par une circulaire du ministre de la Marine du 18 avril 1917 qui traite de la description des insignes spéciaux, de leur port et de leur délivrance.

En avril 1917, on recense environ 150 pilotes, dont six seulement sont brevetés militaires d’avant-guerre.De nouvelles écoles de l’armée accueillent désormais les marins : Châteauroux, Juvisy, Dijon, Étampes, Istres et même Vendôme, où est implantée une école purement britannique.En mars 1917, Hourtin devient une annexe de l’école de Saint-Raphaël. L’école commence à fonctionner en juin 1917 et doit être en mesure de recevoir simultanément 75 élèves. Le commandant de Saint-Raphaël prend alors le titre de commandant supé-rieur des écoles de l’Aviation mari-time. En novembre 1917, on spécialise Hourtin en école de début et Saint-Ra-phaël en école de perfectionnement.L’entrée en guerre des États-Unis en avril 1917 a pour conséquence l’implantation, le long des côtes françaises, de plusieurs centres de l’US Navy. Dans un premier temps, une cinquantaine de candidatspilotes américains est dirigée vers Hourtin et Saint-Raphaël, de juillet à octobre 1917. C’est le centre-école américain de Lacanau qui prend ensuite en charge leur formation.

UN LARGE PANEL DE SPÉCIALITÉSEn 1917, l’Aviation maritime délivre plus de 250 brevets sur hydravion. Cet effort se poursuivra et s’amplifiera en 1918. L’éventail des spécialités du personnel non-officier de la Marine s’étend : maîtres d’hôtel, boulangers, cuisiniers, commis, infirmiers. Du 3 août 1914 au 11 novembre 1918, la Marine a formé 748 pilotes d’hydravions . On peut estimer à 580 le nombre total de pilotes « en ligne » à la fin de la guerre.

Pilotes et observateurs d’hydravions à Calais.

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Dirigeables, ballons captifs

Les renforts du ciel

La Première Guerre mondiale voit l’arrivée, sur le théâtre des opéra-tions aéromaritimes, de nouveaux outils que sont les dirigeables et les ballons captifs. Les premiers servent principalement à la protection anti-sous-marine des convois. Les seconds, associés à leur bâtiment tracteur, sont utilisés tant pour la lutte anti-sous-marine que pour la guerre des mines. ROBERT FEUILLOY

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LE PERSONNEL DES DIRIGEABLES Si, en 1914, quatre officiers de marine sont titulaires du brevet de pilote de diri-geable, à partir de la fin de l’année 1915 le service va connaître une croissance forte qui va culminer à l’Armistice à 2 657 hommes répartis entre treize centres et comprenant plus de 300 volants pour armer une trentaine de dirigeables.

Les débuts des équipages de diri-geables dans la Marine (1915-1917)Comme la Royal Navy avait démarré un programme de petits dirigeables au dé-but de 1915, c’est vers elle que se tourne la Marine pour former quatre officiers qui se rendent sur la base de Polegate (GB) en octobre 1915 et obtiennent leur brevet en fin d’année. En 1916, neuf officiers de marine suivent un entraînement sur le tas, c’est-à-dire dans les centres de Polegate, Sidi-Ahmed (Tunisie), Marquise (62) ou Saint-Cyr (78). En 1917, la formation des pi-lotes est assurée principalement à Saint-Cyr, avec Sidi-Ahmed en complément. Le personnel volant est formé dans la plupart des cas sur le tas et il n’est pas rare que des hommes non spéciali-sés soient membres d’équipage. La Marine agit dans l’urgence et doit improviser. En juillet 1916, la Marine

possède cinq dirigeables servis par 394 hommes. En août 1916, elle crée à Sidi-Ahmed un cours pour mécani-ciens de dirigeables et un autre pour les mécaniciens d’atelier mais, dès octobre 1916, c’est principalement à Saint-Cyr que les mécaniciens sont for-més. Il faut attendre le printemps 1917 pour que soit mis en place un système officiel de brevets et certificats pour le personnel volant de la Marine.

Création des brevets de pilote de dirigeable et certificats de person-nel volant de dirigeableLe 19 juin 1917, les spécialités de l’Aéros-tation maritime sont ainsi répertoriées :

- Pilotes de dirigeable, qui sont tous officiers et titulaires d’un brevet.- Puis, pour les officiers mariniers, quar-tiers-maîtres et marins, titulaires d’un cer-tificat : pilote de direction de dirigeable, mécanicien de dirigeable, radiotélé-graphiste de dirigeable, mitrailleur-ca-nonnier de dirigeable, arrimeur de dirigeable, observateur de ballon captif, arrimeur de ballon captif, mécanicien d’ateliers d’aérostation, tailleurs d’ateliers d’aérostation.Le 18 novembre 1917, le ministre de la Marine décide la création à Saint-Cyr d’une école d’aérostation. En revanche, les radiotélégraphistes (ou TSF) sont formés à Rochefort (17) qui abrite aussi l’école des ballons libres.L’instruction du 18 février 1918 régit l’orga-nisation des écoles d’aérostations de la Marine, toutes placées sous l’autorité du commandant du centre d’aérostation de Saint-Cyr. Ces écoles sont celles de Saint-Cyr, l’école annexe de captifs de Brest, l’école annexe de ballons libres de Rochefort et l’école annexe de TSF de dirigeables de Rochefort.Le 31 juillet 1918, l’école de Saint-Cyr est transférée à Rochefort.À l’Armistice, le service des dirigeables englobe 2 657 hommes, ce qui repré-sente un quart de l’Aéronautique mari-time (Aviation et Aérostation).Ces hommes sont ainsi répartis :- personnel volant : 102 officiers et 217 of-ficiers mariniers et hommes d’équipage ;- personnel spécialisé au sol : 362 ;- personnel non spécialisé : 1 975.

LE PERSONNEL DES BALLONS CAPTIFS Le service des ballons captifs est créé tardivement, en mars 1917. L’école est à Brest. L’ensemble du personnel met-tant en œuvre les ballons captifs en novembre 1918, dans 18 centres, est de 1 901 hommes, dont 239 observa-teurs. Chaque centre possède en prin-cipe une douzaine de ballons captifs, dont 3 sont gonflés en permanence.

Décollage d’un dirigeable.

Manœuvre de lancement d’un ballon captif.

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Contre-amiral Lucien LacazeMinistre de la Marine 1915-1917

Son parcours1877 : Entrée à l’École navale.1884 : Commandant de la compagnie de débarquement du Beautemps-Beaupré à Madagascar.1901 : Commandant du croiseur Chasseloup-Laubat.1904-1905 : Commandant du Du Chayla et du Châteaurenault.1905 : Attaché naval à Rome.1911 : Il devient contre-amiral. 1915 : Il est nommé ministre de la Marine.1917 : Il devient préfet maritime de Toulon.1936 : Membre de l’Académie française.

Meilleurs souvenirsLe succès de sa lutte anti-sous-marineEn 1917, les Allemands prennent du terrain, notamment grâce aux efforts mis dans la guerre sous- marine. Les chiffres sont éloquents quant à leur domination : les pertes dues à ces attaques s’élèvent à 830 000 tonnes. Lors de sa prise de fonction de ministre de la Marine, l’amiral Lacaze fait de la lutte ASM une priorité. Les résultats sont là : à partir de l’automne 1917, les pertes chutent à 300 000 tonnes en moyenne, entraînant ainsi une réduction du nombre de morts français et alliés. L’Allemagne est contrainte de relâcher l’étreinte. Ce revirement de situation permettra aux Alliés de dominer ensuite sur terre.

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Croiseur Chasseloup-Laubat.

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L ’amiral Lacaze est ministre de la Marine de 1915 à 1917. Pendant cette période,

il prend la responsabilité des attaques allemandes, essuyant ainsi de nombreuses critiques malgré une pensée stratégique forte et élaborée, dont découlera une Direction générale de la lutte anti-sous-marine.Sa stratégie réside en plusieurs points : l’implication des chalutiers pour multiplier les petites unités anti-submersibles, l’armement de navires marchands, le dévelop-pement du rôle de l’aviation et

l’organisation de convois dans le cadre d’une coopération interalliée organisée. Cette der-nière concernera notamment la collaboration des flottes franco- anglaises. Il fait également de la rénovation du matériel et des navires une priorité en insistant sur la reprise des constructions neuves, à l’arrêt depuis 1914. Afin de faire connaître son combat et celui de tous les marins à une époque où l’attention de l’opinion est focalisée sur les batailles terrestres, il crée en 1915 le Service cinématographique de la Marine.

Ministre de la Marine

Marie Lucien Lacaze est né en 1860 dans l’Oise, mais vécut à La Réunion durant

toute son enfance. De retour en métropole à l’âge de 12 ans, il entre à l’École navale, alors em-barquée à bord du Borda (ex-Valmy), en 1877. En 1879, il devient enseigne de vaisseau de 2e classe. Son dévouement est alors déjà manifeste : il sauve l’un de ces camarades de la noyade lors d’un exercice en mer et obtient pour cela une médaille, la première d’une longue série. Dès sa sortie de l’école, il prend part à plusieurs campagnes en Tunisie, au Sénégal, à Mada-gascar et au Tonkin, participant ainsi activement à l’expansion coloniale de la IIIe République. Promu capitaine de frégate en 1899, puis capitaine de vaisseau en 1906, il commande plusieurs fois à la mer. Il servira également au sein d’états-majors et comme attaché naval à Rome. En 1911, il est nommé contre-amiral. Si la lucidité de l’amiral Lacaze durant la Grande Guerre est aujourd’hui reconnue notamment pour son implication active dans la lutte anti-sous-marine et les stratégies qu’il y a développées,

ce ne fut pas toujours le cas. Controversé par l’opposition en raison du manque de résultats immédiats et pour faire partie de gouvernements faibles, il essuya de nombreuses critiques. Il donna sa démission du poste de ministre de la Marine en août 1917, lassé des critiques et refusant de subir une commission d’enquête sur la marine de guerre.Homme de lettres, il est nommé en 1935 à l’Académie des Beaux-Arts et, un an plus tard, à l’unanimité, à l’Académie française. Grand-Croix de la Légion d’honneur, décoré de la Médaille militaire, officier des Palmes académiques, président du Conservatoire natio-nal des Arts et Métiers jusqu’à sa mort, membre de l’Académie de Marine, des Sciences coloniales, il fut également ministre de la Guerre. Lucien Lacaze fait partie de ces hommes qui ont non seu-lement marqué l’année 1917, mais plus encore la France.

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L’amiral Lacaze et l’amiral de Bon (chef d’état-major de la Marine) au ministère des Affaires étrangères.

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Plongée sur le Danton

1 Lancé en janvier 2012 au chantier H2X de La Ciotat, l’André Malraux, navire du DRASSM (ministère de la Culture), peut aussi bien mettre en œuvre des plongeurs travaillant à l’air ou au mélange que des submersibles habités, des ROV (Remotely operated vehicule – véhicule téléguidé) et AUV (Autonomous underwater vehicule – robot sous-marin autonome) ou des systèmes de détection électronique.

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Alors qu’il transitait de Toulon à Corfou d’où il devait participer au blocus de l’Adriatique, le Danton a été frappé par deux torpilles. Il a sombré voici tout juste un siècle au sud de la Sardaigne emportant dans l’abîme 296 marins. Tombée dans l’oubli, son histoire a refait surface en 2008 lorsque la société Galsi a localisé son épave par plus de 1 000 m de fond. Emblématique d’une guerre navale 14-18 largement méconnue, ce cuirassé est aujourd’hui au cœur d’un vaste projet d’étude piloté par les archéologues sous-marins du Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (DRASSM). MICHEL L’HOUR

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2 Premier d’une classe de six cuirassés dont il est l’éponyme, le Danton a été mis en chantier en 1906 à l’arsenal de Brest. Admis au service en 1911, il est long de 146 m pour une largeur de 26 m au maître-couple. Dé-plaçant 19 000 tonnes, il était servi par un équipage de 700 à 950 hommes.

3 Le Danton était armé, à la proue et à la poupe, de 2 tourelles doubles de 305 pla-cées dans l’axe et de six tourelles doubles de 240 (photo) symétri-quement disposées à tribord et à bâbord. Au total, 16 pièces de 75, 10 de 47 et 2 tubes lance-torpilles complé-taient cet armement.

4 Posé par 1 025 m de profondeur, sur un sol de sable et de vase volatile, le Danton est pour partie bien conservé. Le tiers avant du cuirassé, de l’étrave au blockhaus de commandement, est la zone la mieux préservée. Les ancres sont à poste et des chaînes courent sur le pont.

5 En avant du blockhaus de com-mandement, deux barbettes accueil-laient à tribord et à bâbord deux canons de 75. Les postes de tir étaient protégés par des mantelets et l’on pouvait accéder à la plateforme par des échelles aujourd’hui encore en place.

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1 À l’avant tribord, la tourelle double est encore tournée vers le large d’où le danger sous-marin peut sur-gir. C’est cependant à bâbord que les deux torpilles du U-64, Commandant Robert Morhat, ont frappé le 19 décembre 1917 à 14h15. Le Danton a chaviré et coulé par l’avant à 14h45.

2 Par 30 nautiques au sud de la Sardaigne, l’équipage technique et scientifique de l’André Malraux se prépare à mettre le ROV Perseo à l’eau. L’ensemble des équi-pements d’éclairage et de prise de vue em-barqués sur le Perseo sont des prototypes conçus par le DRASSM et ses partenaires.

3 Équipé d’une caméra HD, d’un appareil photo et de deux rampes d’éclairage d’une puissance unitaire de 300 000 lumens, le ROV Perseo a tourné 20 heures de films et pris 42 000 photos du Danton en 2015 et 2016. Ces documents permettront bientôt de visiter virtuellement l’épave.

4 Il semble que les tourelles doubles de 305 reposaient simplement par gravité sur leurs sellettes. Elles ont donc probablement basculé vers l’abysse lorsque le Danton a chaviré. Des points d’impact localisés à quelque distance de l’épave matérialisent peut-être leur localisation.

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5 On note sur les flancs du cuirassé la pré-sence des bossoirs qui portaient les embar-cations destinées au sauvetage. La bande prise par le Danton immédiatement après l’impact et la panne d’électricité qui a suivi l’envahissement de la chaufferie n’ont pas permis de les mettre à l’eau.

6 Sur le flanc bâbord, les canons de 75 demeurent à poste, figés par la corrosion qui lentement dévore le navire. Simultané-ment attaqué par les bactéries mangeuses de métal, le Danton est inéluctablement condamné à dispa-raître. D’ici un siècle ou deux, son sort sera sans doute scellé.

7 Détail des effets de la corrosion sur le métal de la coque.

8 Surgissant telle la proue d’un vaisseau fantôme de l’obscurité, l’étrave du Danton laisse un instant à l’observateur le sen-timent que le temps s’est arrêté. Dans la nuit des abysses, le vieux cuirassé donne encore l’impression de naviguer.

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La DRASSM réalise un documentaire portant sur ses recherches archéologiques subaquatiques sur le Danton.

Info

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Entrée en guerre des États-Unis

Le port de Brest au cœur de la projection de forces

Lorsque les États-Unis expédient le gros de leurs troupes en Europe à partir du printemps 1918, la menace sous-marine a fortement diminué. Il leur reste pourtant à surmonter un dé� de taille : celui de l’accueil de leurs forces dans les ports français et de leur acheminement dans les zones d’entraînement et d’opérations. Profondément rénové par les Américains, le port de Brest joua alors un rôle de premier plan : 40 % des hommes débarqués en Europe transitèrent par ses quais, que rien ne destinait initialement à accueillir un tel tra�c.

Un peu plus de deux mois après l’entrée en guerre des États-Unis, le premier convoi de troupes entre dans le port de Saint-Nazaire le 26 juin 1917. Pourtant, il faut

attendre environ un an pour que le rythme du débarquement des troupes s’accélère vérita-blement. La guerre sous-marine, à son apogée en avril 1917, fait peser une réelle menace sur les échanges transatlantiques. Cependant, elle n’explique pas à elle seule les délais nécessaires à l’acheminement des troupes, d’autant que l’e�cacité des attaques de sous-marins décroît fortement à partir du début de l’été 1917.

Un temps de préparation fut certes néces-saire pour l’armée américaine, mais c’est dans le domaine de la logistique qu’un e�ort important dut être consenti. Le succès de l’opération se joua sur mer et dans les ports, où furent développées rapidement les infrastructures nécessaires au succès d’une projection de forces exceptionnelles.

BREST : PORT D’ACCUEILBrest joua alors un rôle essentiel, puisque plus de 800 000 hommes y débarquèrent, tandis que plus d’un million en repartirent après l’Armistice. Si l’on s’en tient au tra�c

de passagers, les capacités du port étaient pour le moins modestes, puisque le tra�c n’était dans l’année qui précède la guerre que de 188 000 personnes. Lorsqu’une mission d’évaluation se rend à Brest dans les premiers jours de novembre 1917, les infrastructures du port ne sont donc nulle-ment adaptées à la mission que les Améri-cains s’apprêtent à lui con�er.Ce sont les qualités naturelles exception-nelles du site qui retiennent l’attention. La rade-abri du port militaire, protégée depuis 1905 par une grande digue au sud, et par-tiellement protégée à l’ouest par une digue inachevée, o�re un mouillage sûr. Le port militaire dispose quant à lui de deux grandes formes, achevées en 1916, qui viennent s’ajouter à celle du port de commerce. Elles permirent notamment la réparation de navires torpillés ou endommagés lors de collisions. La rade o�re quant à elle un espace immense où peuvent venir mouiller les transports de troupes dans l’attente du débarquement des soldats. Protégée des intempéries et d’hypothétiques attaques, elle permet surtout d’accueillir les navires à fort tirant d’eau, qui ne peuvent accoster dans le port de commerce.

UNE LOGISTIQUE SANS PRÉCÉDENTBon nombre de navires qui forment l’os-sature de la Cruiser and Transport Force, force mixte faite de bâtiments de guerre et de navires civils, sont d’anciens paquebots allemands, saisis dans les ports américains. Conçus pour faire escale dans les grands ports transatlantiques, ils ne peuvent accoster à Brest, où le tirant d’eau du port de commerce est limité à 7,50 m, quand le Leviathan, le plus grand de ces navires, ca-pable de transporter plus de 10 000 hommes de troupe, part de New York avec un tirant d’eau de 12,50 m. Lorsque les convois arrivent sur rade, c’est une véritable opération de débarquement qui s’organise entre les navires et les quais du port de commerce. Une noria de barges se met en place pour débarquer au plus vite hommes et matériels, mais aussi pour ravitailler les navires

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en charbon ou en eau douce. Des grues, des hangars, des faisceaux de voies ferrées, des routes sont construits pour faciliter les opéra-tions. Vingt-quatre heures su�sent ainsi aux Américains pour débarquer les 42 152 hommes arrivés dans le convoi du 23 mai 1918.Dans tous les domaines, l’armée américaine démontre la puissance de sa logistique. Pas assez d’eau douce pour assurer le ravitaille-ment des navires et des hommes ? Les unités du génie entrent en action et construisent les barrages, réservoirs, pompes, adductions d’eau nécessaires. Les capacités de transport ferroviaire ne permettent pas d’évacuer assez rapidement les hommes débarqués. Un camp de transit est construit à Pontanézen, au nord de la ville. Sa capacité fut portée à 50 000 hommes dans des baraques préfabri-quées et 30 000 environ sous tentes.Dans l’arsenal, les machines-outils sont jugées obsolètes pour assurer l’entretien des navires américains, soutenus dès le début des opéra-tions par des navires-ateliers. De nouvelles

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1 La base d’hydra-vions de Laninon. 2 Le Leviathan (ex-Vaterland) au mouillage à Brest en mai 1918. Il transporta à lui seul plus de 100 000 hommes en Europe.

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machines sont donc livrées à l’automne 1918. Quant aux hydravions, nécessaires à la lutte anti-sous-marine, c’est en pièces détachées qu’ils arrivent à Brest où ils sont montés dans la base construite à Laninon, au pied de l’actuel Lycée naval, là où se dresse l’ancienne base sous-marine allemande.En quelques mois, les Américains parviennent ainsi à créer les conditions nécessaires au

succès de l’envoi de leurs troupes en France. Choisi pour ses qualités naturelles, le port de Brest fut ainsi profondément rénové par nos alliés, qui en utilisèrent à nouveau les infrastructures pour rapatrier plus d’un million d’hommes après l’Armistice.

JEAN-MARIE KOWALSKI MAÎTRE DE CONFÉRENCES, ÉCOLE NAVALE -

PARIS-SORBONNE

3 Vue du camp de Pontanézen, au nord de Brest.

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loisirsCHARLES FOUQUERAY �, UN PEINTRE DE LA MARINE AU CŒUR DE LA GUERRE

1 10 mars 1917, UNE MINE ENGAGÉE, SUIVI DE EXPLOSION DE LA MINEL’année 1917 marque une mutation de la guerre navale. En effet, le 31 janvier 1917, l’Allemagne dé-clare la guerre sous-marine totale. Désormais les sous-marins allemands attaquent les bâtiments civils sans sommation. Le rôle des mines, déjà majeur depuis le début du confl it, n’en est que renforcé. Avec son style incisif, Fouqueray rend compte ici des opérations de mise à l’eau d’une mine et de l’explosion produite par celle-ci.

Le rôle des artistes au cœur de la Première Guerre mondiale est assez méconnu même si des recherches récentes ont montré combien ils ont contribué à la documentation d’une guerre moderne et di� cilement saisissable. Charles Fouqueray � (1859-1956), peintre o� ciel de la Marine, symbolise le rôle joué par ce corps ancien. En 1917, il participe pour la Marine nationale aux missions artistiques organisées dans les zones de con� its depuis le début de la guerre. De ces missions, il ramène de nombreux croquis très expressifs, réalisés au jour le jour au contact des combattants. Publiées en 1918, dans un album de luxe à tirage limité intitulé Le front de mer dont un exemplaire est conservé à la bibliothèque du Musée national de la Marine, ces esquisses lui serviront à réaliser des œuvres plus abouties durant toute la durée du con� it et témoignent de la réalité d’une guerre qui fut aussi une guerre navale. THOMAS DESHAYES, MUSÉE NATIONAL DE LA MARINE. ILLUSTRATIONS : MUSÉE NATIONAL DE LA MARINE/A. FUX

Le front de mer1

2 Mars 1917, LA CISAILLEFouqueray croque ici un marin tenant une ci-saille, arme nécessaire pour le dragage. Celle-ci sert à couper l’orin, le câble qui unit la mine à son ancrage et lui permet de rester en fl ottaison.

3 20 mars 1917, LE FRONT DE MER DE CALAISLe rôle stratégique de Calais est renforcé par l’aboutisse-ment de la ligne de front à la mer dès 1914. Permettant une liaison étroite avec les forces de terre, la ville verrouille également la zone de la Manche dans le cadre du blocus naval de l’Allemagne. Fouqueray représente ici le dispositif de sécurité côtier. Un mois plus tard, le 21 avril 1917, la Marine allemande organise un raid contre ces positions.

4 Avril 1917, PRISONNIERS DE GUERRE TRAVAILLANT DANS LE PORT DE LA PALLICELa France durant la durée du confl it emploie les prisonniers de guerre comme main-d’œuvre dans ses ports pour des travaux exclusivement non militaires. Fouqueray nous montre ces pri-sonniers, gardés par des soldats, remplaçant les dockers partis au front, dans le port de la Pallice (La Rochelle). Ainsi l’important trafi c commercial et le ravitaillement du pays sont maintenus tant bien que mal.

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loisirs

5 19 avril 1917, MONITORS ANGLAIS BOMBARDANT LA CÔTE BELGELa guerre sous-marine totale fait des côtes de la Belgique, occupée par l’Allemagne, un front stratégique en raison de la présence des ports d’Ostende et surtout de Zeebrugge, base des sous-marins allemands (U-boote). Fouqueray dé-peint un des raids de la fl otte britannique contre ces positions depuis le contre-torpilleur français Magon.

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6 Mai 1917, L’AVIATION ALLEMANDE BOMBARDE LE PORT DE DUNKERQUEÀ la fois port de ravitaillement des forces navales alliées et base arrière pour le front terrestre, Dun-kerque est une ville clé pour le déroulement de la guerre. Elle est donc largement bombardée dès 1914 et jusqu’à la fi n du confl it, à la fois depuis la mer, les airs et la terre. Fouqueray représente ici un auto-canon disposé au cœur des docks de Dunkerque afi n d’assurer la lutte antiaérienne.

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7 Mai 1917, EN PATROUILLE À BORD DU SUZANNE-ET-MARIEPour faire face aux pertes induites par la guerre sous-marine, la France se résout progressivement à réquisitionner et armer des navires de la marine marchande. C’est ainsi que le modeste chalutier Su-zanne-et-Marie, sur lequel patrouille Fouqueray, devient un dragueur de mines dans l’escadrille de Calais.

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8 25 mai 1917, LA MARINE ITALIENNE SALUE L’ÉQUIPAGE DU SOUS-MARIN CIRCÉLa guerre navale se déploie également en Méditerranée et notamment dans l’Adriatique, pour bloquer la route de l’Empire austro-hongrois. Dans cette zone, plus qu’à de grandes batailles, on assiste à une guérilla constante. Après avoir coulé un sous-marin ennemi au large des Bouches-du-Cattaro, le LV de Cambourg reçoit les salutations de la Marine italienne alliée, sur le pont du sous-marin Circé qu’il commande.

9 26 juin 1917, ARRIVÉE DES TRANSPORTS DE TROUPES AMÉRICAINES À SAINT-NAZAIREL’entrée en guerre des États-Unis votée par le congrès américain le 6 avril 1917 en réponse à la guerre sous-marine à outrance de l’Allemagne, marque un tournant dans le confl it. Elle se concrétise le 26 juin avec le débar-quement à Saint-Nazaire des premières troupes américaines, environ 15 000 hommes. En tout, c’est plus 2 millions de combattants que les États-Unis enverront en Europe.

10 27 juin 1917, L’ARRIVÉE DES AMÉRICAINS À SAINT-NAZAIREFouqueray saisit sur le vif un épisode du débar-quement des troupes américaines à Saint-Na-zaire. Les notes qui accompagnent systé-matiquement ses croquis mentionnent la présence du général Pershing, commandant les forces expéditionnaires améri-caines, derrière l’offi cier en uniforme caractéris-tique du premier plan.

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En images Concours d’identification à vue 1917 !

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