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N o 799 Hebdomadaire • Lundi 12 février 2018 Sommaire Eléments Essentiels d’Information - Essential Elements of Information Yamina Ghomchi (Millidrop), Anne Dejean-Assémat (Institut Pasteur/Inserm), Nicolas Reymond (Intrasense), Shahin Gharakhanian (Boston Paris Biotechnology), Philippe Auvray (Neurallys), Étienne Mireau (Hôpital Foch), Karen Aiach (Lysogene), Philippe Mougin (IREOS) iodiscovery V pulvérise les attentes et les records. Avec une levée de 345 M€, le cinquième fonds sciences de la vie d’Edmond de Rothschild Investment Partners (Edrip) a fait bien mieux que prévu – l’objectif avait été fixé à 250 M€ après un closing intermédiaire à 170 M€ en 2016 – et se posi- tionne comme le plus gros véhicule de capital-risque dédié aux biotechs et medtechs en Europe. Cette annonce apporte un démenti cinglant à ceux qui craignaient que les investisseurs « classiques » ne s’éloignent du secteur, dans un contexte macro- économique difficile et après une série d’échecs cliniques, en France. En effet, si 60 % des souscripteurs à Biodiscovery V avaient déjà contribué à l’édition précédente, les nouveaux venus sont nombreux. « Nous avons convaincu des institutionnels français généralistes jusque-là réticents ; nous voyons aussi des assureurs, des fonds de pension et de prévoyance piocher un peu plus dans leur poche « private equity » pour des investissements venture », se réjouit Olivier Lipzka, directeur associé chez Edrip. Biodiscovery V internationalise aussi sa base de souscripteurs : « Nous avons fait entrer des acteurs asiatiques, mais aussi des structures comme le Fonds d’investissement européen, ou le KFW (pendant allemand de la BPI, NDLR). » Équilibre et continuité La recette Edrip pour séduire les prudents ? Une philo- sophie d’investissement dont le maitre mot est l’équi- libre. Entre biotechs et medtechs, entre early stage et late stage, entre zones géographiques mais aussi, et surtout, sur les modalités de sorties : « Nous faisons autant d’in- troductions en bourse que de cessions industrielles. C’est important car, si la bourse est soumise aux fluctuations, les acquisitions, elles, sont une constante dictée par le besoin des grands acteurs de regarnir leur portefeuille de projets. Il y a une quinzaine de cessions à plus de 100 M€ en Europe chaque année, nous en réalisons en moyenne une par an. Elles assurent une liquidité pour nos souscripteurs. » Enfin, Olivier Lipzka balaye les craintes de ceux qui pensent qu’Edrip ira surtout financer l’innova- tion des biotechs américaines. « Notre stratégie reste la même : 30 % aux États-Unis, 25 à 30 % en France et le reste, ailleurs en Europe. » Les opportunités sont belles outre-Atlantique, « mais ce n’est pas là-bas que nous faisons de l’amorçage et du soutien aux jeunes pousses ». Les avantages de l’Hexagone ? La qualité de la science, le soutien indéfectible de Bpifrance et la structuration progressive des marchés publics : « C’est un atout croissant, même si une IPO sur Euronext est encore rarement synonyme de sortie », reconnaît le directeur associé. De là à devenir un acteur de la vague cross-over qui se prépare, avec Sofimac, Sofinnova et Arbevel ? Olivier Lipzka ne va pas jusque là : « Nous sommes un fonds de capital-risque, c’est notre vocation et notre positionnement. » Mais il consent que « du fait de la taille de notre véhicule, nous serons probablement amenés à investir dans des situations de cross-over ». Comme avec Erytech, au capital de laquelle Biodiscovery V a mis au pot, en novembre dernier, à l’occasion de l’entrée sur le Nasdaq. l L’ESSENTIEL P. 2-3 LE BILLET BIO & L’AGENDA P. 8 LES TÉMOINS N O 799 LES GRANDS TITRES P. 4-7 Entreprises • Neurallys, pionnier français de la neurochirurgie connectée – Lysogene : réarmée et prête pour la phase III – Grand Angle • Parcours de santé : la nouvelle donne du market access La FDA de record en record Monde, Coté, Non coté – Les chiffres – La francophone de la semaine : Yamina Ghomchi – En vue : Anne Dejean-Assémat, Nicolas Reymond et Shahin Gharakhanian – Les deals de la semaine écoulée en Europe, au Québec et en Israël B EDRIP RÉOXYGÈNE LA BIOTECH EUROPÉENNE Pierre-Louis Germain Olivier Lipzka « Nous avons convaincu des institutionnels français généralistes jusque-là réticents. » 800 M€ C’est le total des sommes levées par Edrip depuis 17 ans, avec ses fonds Biodiscovery. Ils ont été investis dans 57 sociétés. 10 % C’est le montant total de l’encours du fonds qui peut être investi dans une seule et même société. Edrip prévoit d’investir dans 15 à 17 sociétés avec Biodiscovery V. +80% La levée de Biodiscovery V est supérieure de 80 % à celle de Biodiscovery IV, qui était lui-même 25 % plus gros que Biodiscovery III.

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Eléments Essentiels d’Information - Essential Elements of Information

Yamina Ghomchi (Millidrop), Anne Dejean-Assémat (Institut Pasteur/Inserm), Nicolas Reymond (Intrasense), Shahin Gharakhanian (Boston Paris Biotechnology), Philippe Auvray (Neurallys), Étienne Mireau (Hôpital Foch), Karen Aiach (Lysogene), Philippe Mougin (IREOS)

iodiscovery V pulvérise les attentes et les records. Avec une levée de 345 M€, le cinquième fonds sciences de la vie d’Edmond de Rothschild Investment Partners (Edrip)

a fait bien mieux que prévu – l’objectif avait été fixé à 250 M€ après un closing intermédiaire à 170 M€ en 2016 – et se posi-tionne comme le plus gros véhicule de capital-risque dédié aux biotechs et medtechs en Europe. Cette annonce apporte un démenti cinglant à ceux qui craignaient que les investisseurs « classiques » ne s’éloignent du secteur, dans un contexte macro-économique difficile et après une série d’échecs cliniques, en France. En effet, si 60 % des souscripteurs à Biodiscovery V avaient déjà contribué à l’édition précédente, les nouveaux venus sont nombreux. « Nous avons convaincu des institutionnels français généralistes jusque-là réticents ; nous voyons aussi des assureurs, des fonds de pension et de prévoyance piocher un peu plus dans leur poche « private equity » pour des investissements venture », se réjouit Olivier Lipzka, directeur associé chez Edrip. Biodiscovery V internationalise aussi sa base de souscripteurs : « Nous avons fait entrer des acteurs asiatiques, mais aussi des structures comme le Fonds d’investissement européen, ou le KFW (pendant allemand de la BPI, Ndlr). »

Équilibre et continuitéLa recette Edrip pour séduire les prudents ? Une philo-sophie d’investissement dont le maitre mot est l’équi-libre. Entre biotechs et medtechs, entre early stage et late

stage, entre zones géographiques mais aussi, et surtout, sur les modalités de sorties : « Nous faisons autant d’in-troductions en bourse que de cessions industrielles. C’est important car, si la bourse est soumise aux fluctuations,

les acquisitions, elles, sont une constante dictée par le besoin des grands acteurs de regarnir leur portefeuille de projets. Il y a une quinzaine de cessions à plus de 100 M€ en Europe chaque année, nous en réalisons en moyenne une par an. Elles assurent une liquidité pour nos souscripteurs. » Enfin, Olivier Lipzka balaye les craintes de ceux qui pensent qu’Edrip ira surtout financer l’innova-tion des biotechs américaines. « Notre stratégie reste la même : 30 % aux États-Unis, 25 à 30 % en France et le reste, ailleurs en Europe. » Les opportunités sont belles outre-Atlantique, « mais ce n’est pas là-bas que nous faisons de l’amorçage et du soutien aux jeunes pousses ». Les avantages de l’Hexagone ? La qualité de la science, le soutien indéfectible de Bpifrance et la structuration progressive des marchés publics : « C’est un atout croissant, même si une IPO sur Euronext est encore rarement synonyme de sortie », reconnaît le directeur associé. De là à devenir un acteur de la vague cross-over qui se prépare, avec Sofimac, Sofinnova et Arbevel ? Olivier Lipzka ne va pas jusque là : « Nous sommes

un fonds de capital-risque, c’est notre vocation et notre positionnement. » Mais il consent que « du fait de la taille de notre véhicule, nous serons probablement amenés à investir dans des situations de cross-over ». Comme avec Erytech, au capital de laquelle Biodiscovery V a mis au pot, en novembre dernier, à l’occasion de l’entrée sur le Nasdaq. l

L’ESSENTIEL P. 2-3 LE BILLET BIO & L’AGENDA P. 8

LES TÉMOINS NO 799

LES GRANDS TITRES P. 4-7Entreprises • Neurallys, pionnier français de la neurochirurgie connectée – Lysogene : réarmée et prête pour la phase III – Grand Angle • Parcours de santé : la nouvelle donne du market access

La FDA de record en recordMonde, Coté, Non coté – Les chiffres – La francophone de la semaine : Yamina Ghomchi – En vue : Anne Dejean-Assémat, Nicolas Reymond et Shahin Gharakhanian – Les deals de la semaine écoulée en Europe, au Québec et en Israël

B

EDRIP RÉOXYGÈNE LA BIOTECH EUROPÉENNE

Pierre-Louis Germain

Olivier Lipzka

« Nous avons convaincu des institutionnels

français généralistes jusque-là réticents. »

800 M€C’est le total des sommes levées

par Edrip depuis 17 ans, avec ses

fonds Biodiscovery. Ils ont été

investis dans 57 sociétés.

10 %C’est le montant total de l’encours

du fonds qui peut être investi

dans une seule et même société.

Edrip prévoit d’investir dans 15 à

17 sociétés avec Biodiscovery V.

+80%La levée de Biodiscovery V est

supérieure de 80 % à celle

de Biodiscovery IV, qui était

lui-même 25 % plus gros que

Biodiscovery III.

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2 BIOTECHFINANCES • Lundi 12 février 2018 • No 799

MONDEUCB et Novo Seeds annoncent la naissance de Syndesi. Cette nouvelle biotech, qui sera basée à Louvain la Neuve, en Belgique se voit confier une licence exclusive, de la part du groupe pharmaceutique belge, sur une série de nouveaux modulateurs procognitifs de la vésicule synaptique SV2A. Un syndicat d’inves-tisseurs, emmené par le VC danois lui apporte, pour sa part, un financement de série A de 17 M€. Objectif : mettre au point de nouveaux traitement dans le champ des troubles cognitifs (maladie d’Alzheimer, déficit cognitif associé à la schizophrénie, démence).

Novocure (NVCR) a annoncé avoir contracté un prêt à terme de 150 M$ auprès de BioPharma Credit PLC (LSE : BPCR), fonds d’investis-sement géré par Pharmakon Advisors. L’accord non dilutif améliore les prix et les conditions de facilité de crédit existante de Novocure avec BioPharma Secured Investments III Holdings Cayman et prolonge l’échéance de la dette de Novocure jusqu’en février 2023.

Sanofi lance officiellement son offre publique d’achat (OPA) sur Bioverativ. Le groupe français offre 105 $ pour chaque action de la biotech américaine. L’opération prendra fin le 7 mars à minuit et coûtera près de 11,5 Md$ à Sanofi. À l’occasion de la publication de ses résultats annuels, la société a également annoncé la fin du développement et la sortie du pipeline pour six produits, dont isatixumab et SAR428926, licencié à prix d’or l’an passé à la biotech Immunogen.

Allergan (AGN) acquiert Elastagen, une société de biotechnologie basée à Sydney, pour 95 M$. Elastagen développe des

dispositifs médicaux basés sur la tropoélastine recombinante qui, étant « identique à la peau humaine », a de nombreuses applications cliniques potentielles comme le traitement des vergetures et la réparation chirurgicale des plaies. Cette acquisition et le développement d’une nouvelle génération d’injectables basés sur la technologie d’Elastagen permettront à Allergan de proposer des produits de remplissage innovants pour les années à venir.

COTÉAdocia (ADOC) réclame plus de 200 M€ à son ancien partenaire Eli Lilly. Elle accuse ce dernier de détournement et d’utilisation abusive d’informations confidentielles et de découvertes lui appartenant. Adocia accuse aussi Lilly d’avoir violé plusieurs accords de collaboration et de confidentialité. Ces griefs font l’objet de demandes complémentaires déposées par Adocia dans le cadre d’une procédure arbitrale initiée en octobre dernier. À l’origine, Adocia ne demandait « que » 11 M€ en dédommagement des changements imposés par Lilly au plan de développement. Adocia espère une décision sur l’ensemble de ses demandes dès le second trimestre.

Gour Medical (MLGML), solutions vétéri-naires innovantes pour les animaux de compagnie seniors, annonce le lancement d’une augmentation de capital avec suppression du droit préférentiel de souscription, d’un montant maximum de 1,5 M€. Serge Goldner, président de l’entreprise, fait valoir une véritable accélération sur la mise au point et la finali-sation de la gamme de compléments alimen-taires de Gour Medical pour les animaux de

L’ESSENTIEL

5 secondesC’est le temps record de lecture de

glycémie à partir de sang total humain

réalisé par le capteur prototype de

surveillance glycémique (blood glucose

monitoring, BGM) à bande jetable avec

électrochimie non enzymatique mis au

point par Gluco-Chaser (US).

78,74 Md$C’est l’évaluation du marché mondial des

diagnostics in vitro en 2021 selon Markets

& Markets. Ce marché était de 60,22 Md$

en 2016.

200Le nombre de formations répertoriées par

l’association CapBioteck en sciences du

vivant au sein d’environ 60 établissements,

concernant tous les niveaux de diplômes.

CapBiotek est le centre d’innovation

technologique breton en biotechnologies et

chimie fine.

Les chiffres

emer pour récolter… très longtemps après. C’est le lot commun des chercheurs, celui aussi de beaucoup de dirigeants de biotechs. Yamina Ghomchi, 43 ans, en sait quelque chose. Fraîchement diplômée de l’école d’ingénieur Telecom Physique de Strasbourg, elle a travaillé, durant sa thèse de 1997 à 2001, sur

les spectro-imageurs qui ont équipé la sonde Rosetta. Celle-ci a voyagé dix ans dans l’espace avant d’atteindre la comète Tchouri en 2014, pour scruter son atmosphère… et donner à la physicienne la chance de voir le fruit de son labeur. Entre temps, Yamina Ghomchi a quitté l’astrophysique pour la biologie, sans perdre le goût des aventures early stage. Après 11 ans passés chez Genomic Vision, dont elle fut l’une des premiers salariés, elle rejoint Millidrop comme CEO, aux côtés du fondateur Laurent Boitard, CSO et président. La mission comporte une dimension exploratoire. Spécialiste de la micro-fluidique, Millidrop a mis au point un instrument d’analyse microbiologique à haut débit. La société en a déjà vendu cinq à des laboratoires académiques, mais « ce marché n’est pas prioritaire pour Millidrop », prévient Yamina Ghomchi. « Nous allons étudier des opportunités de par-tenariats industriels, dans plusieurs verticales comme les applications industrielles ou la R&D biotechnologique. Nous allons également affiner le business model et lever des fonds – au moins 2 M€ d’ici mi-2018 ». Fixer un cap, trouver du carburant et décoller… La physicienne, qui vient de décrocher un executive MBA de l’Insead, est aussi prête à piloter. « Je suis entrée chez Genomic Vision en tant que spécialiste des machines, en l’occurrence pour adapter les scanners à la technologie du peignage moléculaire. Je suis progressivement passée de la R&D au busi-ness development. Cette fois, je suis recrutée non pour mes compétences techniques, mais pour la coordination et le développement stratégique. » Rendez-vous dans dix ans ?

La francophone de la semaine : Yamina Ghomchi

Yamina Ghomchi, CEO de Millidrop

S

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BIOTECHFINANCES • Lundi 12 février 2018 • No 799 3

L’ESSENTIEL

Anne Dejean-Assémat Directrice de l’unité Organisation nucléaire

et oncogénèse à l’Institut Pasteur et à l’Inserm, elle

vient de recevoir le Prix Sjöberg 2018 avec les professeurs Hugues de Thé (Collège de France) et Zhu Chen (Université de Jiao Tong à Shanghai). Ce Prix Sjöberg, placé sous l’égide de l’Académie royale suédoise, est accompagné d’une dotation de 1 M$

Nicolas Reymond36 ans, a été nommé directeur général

d’Intrasense. Jusqu’à présent directeur du

business development et des partenariats de la société, il apporte son expérience diversifiée de l’industrie des logiciels médicaux. Ingénieur de formation (INP ENSEEIHT), il a passé 10 ans au sein de la branche médicale de Philips, occupant différentes fonctions et respon-sabilités en R&D, opérations, marketing et business development, tant en France qu’à l’international.

Shahin Gharak-hanian Après un premier sommet Boston Paris

Biotechnology très réussi en 2017, Shahin

Gharakhanian, entouré au sein du comité d’organisation de Soheila Garakhanian, Frédérick Pierce et Youssef Bennani, lance le second sommet le 3 juin prochain à Boston, qui réunira nombre d’entreprises françaises, la veille de Bio 2018.

En vue compagnie seniors et un lancement commercial au quatrième trimestre 2018.

Theranexus (ALTHX) profite du soutien de Portzamparc. Les analystes financiers du broker nantais initient la couverture du titre, dans une note publiée ce matin, avec un objectif de cours à 25,6 €, soit un potentiel de hausse de 57 %. Outre l’originalité de l’approche scienti-fique, le modèle de développement « dérisqué » ou encore le positionnement best-in-class, l’analyste Christophe Dombu cite, à l’appui de sa recommandation, un riche newsflow pour les 24 mois à venir. Il rappelle que des résultats de phase II sont attendus au deuxième trimestre dans la narcolepsie avec TNH102, et que trois nouveaux programmes cliniques doivent être lancés cette année. Selon lui, un accord de licence est possible sur TNH102 dès l’an prochain, en cas de résultats positifs.

NON COTÉ

Neurolixis (Castres) reçoit un financement de 1 M$ de la fondation britannique Parkinson’s UK. Ce financement permettra d’avancer le programme de développement du NLX-112, un composé en phase d’essais cliniques qui démontre un profil prometteur dans des modèles expérimentaux de la maladie de Parkinson.

Balmes Transplantation, spécialisée dans le développement rapide de combinaisons de médicaments repositionnés contre les lésions d’ischémie/reperfusion, annonce une levée d’amorçage de 700 K€ par son équipe de direction, composée de Patrick Berna (fondateur et CEO) et Guillaume Demarne (CBDO), rejointe par un groupe de business angels. Ce tour, s’ajoutant aux 900 K€ levés depuis la création de la société, permet de tester in vivo le concept des premières combinaisons de molécules de la société dans deux indications au mécanisme physiopathologique semblable : l’insuffisance rénale aiguë (IRA) consécutive à une chirurgie cardiovasculaire et le retard de reprise de fonction du greffon en transplan-tation rénale.

Écouter également l’interview audio de Patrick Berna sur www.eei-biotechfinances.com

GamaMabs Pharma annonce que son produit GM102 a reçu la désignation de médicament orphelin par la Food and drug administration (FDA) américaine. GM102 est un anticorps monoclonal first-in-class ciblant les tumeurs exprimant AMHR2. Il exerce une activité anti-tumorale par l’activation des macrophages, qui entraîne une phagocytose de la tumeur. Le premier essai clinique de phase Ia/Ib portant sur GM102 est en cours dans des cancers gynécolo-giques. Les premiers résultats sont attendus au premier semestre de cette année.

Medicen Paris Région annonce l’adhésion de la Société française de radiologie (SFR), la première société savante à rejoindre le pôle. De ce rapprochement doivent émerger des projets innovants en imagerie, sur la base des besoins exprimés par les radiologues de la SFR, et rassemblant les membres de Medicen et d’autres acteurs de l’écosystème francilien en innovation. Entre le vieillissement de la population et le développement des maladies chroniques, le nombre d’actes d’imagerie médicale en France, 80 millions aujourd’hui, augmente chaque année d’environ 4 %. D’après le cabinet d’études Xerfi, la poursuite de la croissance de ce secteur est attendue jusqu’en 2020, poussée notamment par la dynamique des acteurs français. Le marché global de l’imagerie médicale a été estimé à 35,1 Md€ en 2015 par le cabinet Evaluate. En France, il a été évalué par la Cour des comptes à 900 M€ en 2014.

Medsenic (Strasbourg) boucle une levée de fonds de 2 M€, auprès de ses investis-seurs historiques (Cap Innov’ Est, Fa Dièse et Ouest Angels). Un premier financement de 2,2 M€, avec les mêmes acteurs ainsi que Fist, la filiale de valorisation du CNRS. Medsenic développe une molécule, arscimed, dans les maladies auto-immunes (lupus, réaction du greffon contre l’hôte – ou GvHD), basée sur une technologie derivée de l’arsenic, mise au point par des chercheurs du CNRS.

Acticor Biotech (Paris) annonce la fin de son étude clinique de phase I avec son candidat-médicament ACT017. Cet essai a permis de valider la sécurité et la tolérance de ce produit, sur 48 volontaires sains. ACT017 est anti-thrombo-tique en cours de développement dans différentes indications liées aux phases aigue des maladies thrombotiques (AVC, embolie pulmonaire).

Les deals de la semaine écoulée en Europe, au Québec et en Israël – source : Bureau van Dijk – BvDinfo*

* Bureau van Dijk (BvDinfo) édite une gamme d’outils d’informations sur les entreprises associant des données de qualité à de puissants logiciels de restitution. La société est considérée comme l’un des leaders du marché du marketing informationnel et financier.

NOM DE L’ACQUÉREUR PAYS NOM DE LA CIBLE PAYS NATURE DU DEAL STATUT DU DEAL VALEUR DEAL K€

BRIDGEWATER ASSOCIATES US SANOFI FR Participation minoritaire 0.5 % Finalisé 441,781.00*

ALLERGAN IE ELASTAGEN PTY AU Acquisition 100 % En attente d’approbation règlementaire 76,751.15*

CARL BENNET SE GETINGE SE Augmentation de participation minoritaire de 19.49 % à 20 % Finalisé 15,003.04*

A1M PHARMA SE Augmentation de capital 66.67 % Annoncée 8,432.82*

WORLDQUANT US GALAPAGOS BE Participation minoritaire 0.11 % Finalisé 5,389.00*

ERGOMED GB Augmentation de capital 4.54 % Finalisé 4 353,37

PRIVATE INVESTORS LIG BIOWISE GB Participation minoritaire % inconnu Finalisé 2 040,93

LION NEST ES DEVICARE ES Participation minoritaire % inconnu Finalisé n.a.

EUROFINS SCIENTIFIC LU LABO VAN POUCKE BE Acquisition 100 % Finalisé n.a.

Pierre Barel
Texte surligné
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4 BIOTECHFINANCES • Lundi 12 février 2018 • No 799

ENTREPRISE

NEURALLYS, PIONNIER FRANÇAIS DE LA NEUROCHIRURGIE CONNECTÉE

a medtech parisienne passe à la vitesse supérieure. Créée début 2016, elle mène actuellement une levée de fonds qui devrait être bouclée

au premier semestre 2018. « Nous espérons récolter plusieurs centaines de milliers d’euros auprès de fonds d’investissement et de business angels », confie le Pdg Philippe Auvray. De quoi financer du matériel de laboratoire et réaliser les premiers prototypes industriels. Hébergée au sein de l’incubateur de l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (IPEPS) à Paris, Neurallys développe un dispositif mini-invasif connecté pour l’amélioration du diagnostic et du suivi des patients souffrant d’hydrocéphalie. Cette pathologie se manifeste par un dérèglement du système d’écoulement du liquide céphalo-rachidien, qui provoque une hypertension intracrânienne. Elle peut être congénitale ou induite par différentes maladies comme une tumeur, un AVC, un traumatisme crânien ou encore une méningite. Le seul moyen de la traiter est la pose d’une valve implantable. Mais les dysfonctionne-ments sur ces valves sont fréquents. Dans 40 % des cas, ils apparaissent dans les deux ans suivant l’implantation. Ce taux monte à 98 % dans les 10 ans. Or, lorsque le système dysfonc-tionne, la pression intracrânienne se déstabilise et les symptômes (maux de tête, vomisse-ments, etc.) réapparaissent rapidement. Mais ces symptômes sont également très courants dans d’autres maladies, rendant difficile le diagnostic. Résultats : des patients peuvent séjourner plusieurs jours à l’hôpital, réaliser une batterie d’examens ou même subir une nouvelle chirurgie alors que la valve ne dysfonc-tionne pas.

Objectif : entrer en clinique en 2020

Visant cette indication spécifique, Neurallys a mis au point un capteur qui, une fois implanté, en même temps que la valve ou à l’occasion d’une révision de celle-ci, se connecte via une application mobile et permet au patient de contrôler sa pression intracrânienne à domicile, depuis son smartphone. « Le but est de replacer le patient au centre de sa pathologie et d’éviter de recourir aux urgences au moindre

symptôme. Grâce à l’historique des mesures, le neurochirurgien pourra également affiner son diagnostic et savoir rapidement s’il y a un dysfonctionnement de la valve ou non », explique Philippe Auvray. Cela doit permettre d’améliorer le confort de vie des patients comme de réduire considérablement les cas d’hospitalisation et de chirurgie, entraînant des gains substantiels pour l’hôpital. Des preuves de concept ont déjà été réalisées et les essais

sur l’animal sont en cours. Neurallys espère démarrer des essais cliniques à l’horizon 2020, qui lui permettront, s’ils sont concluants, de décrocher un marquage CE. La société convoite également le marché américain et conduira des essais en parallèle pour obtenir une homologation de la FDA. Neurallys s’est d’ailleurs distinguée Outre-Atlantique en remportant le Paris Boston Medtech Award en novembre dernier, aux côtés d’une autre start-up parisienne, Damae Medical. l

450 000C’est le nombre de patients hydrocéphaliques ayant eu une implantation de valve aux États-Unis.

1,7 Md$Le marché annuel global des traitements liés à l’hydrocéphalie est évalué à 1,7 Md$.

250 M$Le dispositif développé par Neurallys adresserait un marché potentiel de 250 M$.

Philippe Auvray

« Replacer le patient au centre de sa pathologie et éviter de recourir aux urgences au moindre symptôme. »

L

Audrey Fréel

Opinion d’Étienne Mireau, neurochirurgien à l’hôpital Foch à Suresnes

Le dispositif développé par Neurallys permettra d’éviter les mauvais diagnostics quant à un éventuel dysfonctionnement de la valve. Cela pourrait ainsi limiter les hospitalisations

et les opérations inutiles, notamment pour les cas pédiatriques puisque cette pathologie touche aussi bien les adultes que les enfants. En outre, en cas de dysfonctionnement de la valve, le capteur permettra une prise en charge plus rapide du patient. C’est un avantage pour la santé et la sécurité des patients, mais également pour l’hôpital sur le plan économique. Aujourd’hui, les alternatives à ce capteur

connecté sont assez inconfortables et coûteuses. L’augmentation de la pression intracrânienne n’est pas toujours visible avec un scanner. Quant aux systèmes de mesure de la pression intracrânienne

branchés à un monitoring, ils nécessitent de garder le patient en réanimation plusieurs jours.

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BIOTECHFINANCES • Lundi 12 février 2018 • No 799 5

LYSOGENE : RÉARMÉE ET PRÊTE POUR LA PHASE III

inq ans après le lancement de sa première étude clinique, la biotech parisienne va pouvoir passer à l’étape suivante. Elle vient

de recevoir, de l’Agence européenne du médicament, la validation du « plan d’inves-tigation pédiatrique » pour LYS-SAF 302. Elle n’attend plus que le feu vert des autorités françaises et l’IND des autorités américaines pour démarrer l’essai pivot. Fondée par Karen Aiach et le docteur Olivier Danos, Lysogene s’attaque, avec LYS-SAF 302, son programme le plus avancé, à la mucopoly-saccharidose de type IIIA (syndrome de Sanfilippo A ou MPS IIIA). Cette maladie rare est causée par un déficit de production de l’enzyme SGSH, dû à une mutation génétique. Ce déficit provoque une surcharge de glycosa-minoglycane (GAG) que l’enzyme SGSH est normalement chargée d’éliminer. L’accumu-lation de GAG dans les cellules neuronales entraîne alors une dégradation progressive des fonctions cognitives des enfants. L’approche de Lysogene combine une thérapie génique – un vecteur viral codant l’enzyme SGSH – et un mode d’administration complexe, par voie intracérébrale, directement dans la matière blanche du cerveau, afin de contourner la barrière hémato-encéphalique.

Une avance à conserverLes premiers résultats obtenus sur quatre patients étaient encourageants mais insuffi-sants. La société a donc revu sa copie. « Nous avons amélioré le produit depuis le premier essai : le vecteur viral est plus puissant, le dosage est plus élevé, le système d’injection modifié », explique la CEO. « Nous avons également mené une étude observation-nelle destinée à compléter les connaissances sur l’histoire naturelle de la MPS IIIA. Grâce à ces données, ajoutées à celles d’une précédente étude (menée par Elsa Shapiro, financée par Shire et publiée en 2016), nous disposons aujourd’hui d’un outil pertinent de mesure de la fonction cognitive, qui fait consensus dans la communauté médicale et permet d’établir les critères principaux des futurs essais cliniques dans cette indication ». Cinq ans de maturation n’ont pas fait perdre à Lysogene son avance. Mais la suite de l’histoire pourrait bien être une course de vitesse, en

particulier avec Abeona (lire tableau). Pour Lysogene, la priorité est donc le financement. Une quatrième levée de fonds est envisagée, mais un accord de licence industriel n’est pas exclu. « Une commercialisation directe est accessible : les acteurs de la MPS IIIA –centres de référence et leaders d’opinion – sont en nombre restreint et nous les connaissons. Dans le même temps, un partenariat nous permettrait de concentrer nos ressources sur le développement du reste du pipeline. » L’hypothèse industrielle est sans doute à prendre au sérieux. Lysogene est à la jonction

de deux segments très dynamiques : celui des maladies lysosomales, bien occupé par de gros acteurs (Sanofi-Genzyme, Shire, Biomarin) et celui de la thérapie génique, qui suscite un intérêt croissant. Le choix sera opportuniste, car Karen Aiach n’a qu’une priorité : avancer en clinique le plus vite possible. l

1000 à 2000C’est le nombre de patients qui vivraient avec la MPS IIIA en Europe et Amérique du Nord. Elle touche une naissance sur 100 000.

20C’est le nombre de patients qui seront recrutés pour l’essai de phase III.

42 M€La société a levé 42 M€ depuis sa création en 2009, dont 22,6 M€ lors de son entrée en bourse en février 2017.

Karen Aiach

« Une commercia-lisation directe est accessible mais aucun scénario n’est exclu. »

C

ENTREPRISE

Pierre-Louis Germain

Les programmes en développement dans la MPSIIIASociétés Type de thérapie Mode d’administration Stade de développement

Abeona(États-Unis) Thérapie génique (vecteur viral AAV9) Intraveineux Phase I/II en cours

Laboratorios Esteves (Espagne) Thérapie génique (vecteur viral AAV9) Intracérébral (dans le liquide céphalo-

rachidien Début de la phase I/II prévu au 1er trimestre 2018

Lysogene(France) Thérapie génique (vecteur viral AAVrh10) Intracérébral (dans la substance

blanche) Phase I/II terminée, phase III en préparation

Shire(Royaume-Uni) Enzymothérapie de remplacement Intrathécal (au niveau lombaire) Abandonné en phase II (2016)

Sobi(Suède) Enzymothérapie de remplacement intraveineux Début de la phase I/II prévu mi-2018

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6 BIOTECHFINANCES • Lundi 12 février 2018 • No 799

GRAND ANGLE

Fondateur de l’Institut de recherche et d’études en organisation de la santé (IREOS), Philippe Mougin s’intéresse, en pionnier, aux zones de rupture dans l’organisation du parcours des patients. Son message : les biotechs et medtechs qui sauront proposer des solutions « anti-ruptures » dans les modalités de diffusion et d’utilisation de leurs innovations pourront prétendre à des valorisations plus conséquentes.

BIOTECH FINANCES : Les concepts de parcours de soin, de santé et de vie viennent percuter les organisations des systèmes de santé et de ses acteurs. Pouvez-vous clarifier ces différentes notions ? Philippe Mougin : Le parcours de soins intègre tout ce qui est soins hospitaliers, soins de ville et soins de suite et de rééducation (SSR). Si on parle du parcours de santé, s’ajoutent, en amont, la prévention et, en aval, le retour à domicile avec l’intégration des acteurs du médico-social. Enfin, dans la notion de parcours de vie, on ajoute toutes les dimensions juridico-assurantielles, professionnelles et sociales.

BF : D’où vient la réflexion sur les différents parcours ? Philippe Mougin : Elle n’est pas récente. Il y a plus d’un siècle aux Etats-Unis, cette logique de parcours pour l’efficience d’un système de santé était déjà débattue. En France, nous sommes entrés dans le vif du sujet avec la loi Hôpital, patients, santé et territoire (HPST) dite loi Bachelot de juillet 2009 et la mise en place des Agences régionales de santé (ARS) à partir de 2010. L’idée est celle d’une vision plus systémique de la santé. Les soins ne sont pas qu’une succession protocolisée d’actes. Pour en mesurer l’efficience, il faut apprécier également la chronologie et la coordination des acteurs ou des structures qui prennent en charge le patient. Les logiques de protocole de soins évoluent en direction de celles des soins coordonnés, et finalement vers celles plus systémiques du parcours de santé. Outre la loi HPST, la nouvelle loi de moder-nisation du système de santé (LMSS), dite loi Touraine de janvier 2016, a renforcé ce concept du parcours de santé. Sur les trois livres que contient la LMSS, le deuxième lui est totalement consacré. Il ouvre notamment sur un questionnement médico-économique de la logique de parcours de manière à mieux l’évaluer, à identifier les zones de rupture, à apporter des améliorations.

BF : Comment mesurer l’impact du concept de parcours sur les biotechs, les medtechs et les sociétés de e-santé ? Philippe Mougin : Toutes les sociétés d’inno-vation ont intérêt à avoir une approche parcours en early-access. Il leur faut ainsi analyser correc-tement le parcours de santé des patients qui sont visés par leurs produits. Il s’agit d’identifier des zones de ruptures futures liées aux modalités de prescription, de distribution ou d’adminis-tration de leurs innovations. Si un dispositif, un test, un nouveau médicament nécessitent une

éducation thérapeutique adaptée, cela doit avoir été anticipé. Il faut par exemple des équipes capables de former les patients, ce qui suppose des structures de formation qui ne dépendront pas essentiellement de l’industriel, mais aussi de validations de l’ARS ou de l’ANSM. Il faut anticiper la réalité de la prise en charge des patients, et adapter le parcours de santé à l’inno-vation qu’on s’apprête à lancer sur un marché. C’est le premier axe.

BF : Faut-il établir de nouvelles stratégies de prix à l’aune du parcours ? Philippe Mougin : Le prix est un raisonne-ment qui a atteint ses limites. Il faut continuer en tant qu’industriel à défendre la notion de prix. En revanche, quand on discute avec les autorités ou avec les professionnels de santé, il faut réfléchir à un cadre plus systémique qui est celui du « coût de prise en charge d’un patient ». Et pour bien connaître ce coût, il convient d’analyser effectivement le parcours du patient. Et considérer que l’innovation, avec son prix, est un élément qui entre dans une chaîne de valeurs. Alors, une analyse médico-économique plus systémique s’impose, qui doit démontrer à l’autorité que telle innovation peut impacter tels et tels éléments au sein du parcours et générer ainsi une économie. C’est avec ces économies, issues de l’amé-lioration du parcours patient, que la société pourra justifier un premium de prix pour son innovation. Ce n’est pas facile, ce sont des discussions tendues, mais possibles. Aujourd’hui, même au sein du comité économique des produits de santé ou auprès des autorités, une majorité de gens vous diront que la logique de prix n’a plus de sens. Pour 2018, l’objectif national de dépenses de l’assurance maladie (ONDAM), donc la croissance des dépenses de l’assurance maladie est fixée à 2,3 % alors qu’on sait très bien que notre PIB va lui peut-être croître de 1,5 % à 1,7 % l’année prochaine, dans les meilleures hypothèses. Cela signifie que l’on accepte que les dépenses de santé croissent une fois et demie par rapport à la croissance du PIB. Cela veut dire que l’État soutient la prise en charge de santé de sa population, mais ces 2,3 % ne couvrent toutefois pas la croissance naturelle des dépenses de santé, qui se situe plus autour des +4 % annuels. Il y a un vrai effort qui est fait, mais on sait que cet effort n’est pas suffisant pour couvrir le besoin réel. Dans l’absolu cela veut dire que quel que soit le degré d’innovation que l’on met sur le marché, on ne peut pas systématiquement prétendre à un prix élevé, si l’on ne fait pas l’effort de comprendre ce qu’est le système lui-même. Je pense que toute société innovante en santé doit appréhender cette logique de parcours. Toutes doivent se demander comment elles peuvent accompagner en tant qu’entreprise, la réflexion à la fois des professionnels de santé et des autorités publiques en matière d’optimisa-tion ou d’efficience des coûts de santé. Elles ne peuvent plus faire l’impasse et tenir les mêmes discours qu’il y quelques années en disant : « Si vous n’êtes pas prêt à financer mon innovation, je m’en vais », parce qu’aujourd’hui les autorités épondront : « Eh bien partez ! ».

PARCOURS DE SANTÉ : LA NOUVELLE DONNE DU MARKET ACCESS

Philippe Mougin

« Identifier les zones de rupture futures liées aux

modalités de prescription, de distribution ou

d’administration des innovations. »

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BIOTECHFINANCES • Lundi 12 février 2018 • No 799 7

BF : Quel impact peut avoir une telle analyse en termes de coût et de valorisation ? Philippe Mougin : Une société a en main un outil de valorisation, extrêmement important si elle accomplit ce travail sur le parcours patient, et si elle peut démontrer, données à l’appui, que le potentiel économique de son innovation, une fois lissées les zones de rupture, est de plus 20, 30, ou 40 %. En termes de coût, il faut compter 60 à 100 k€ pour une évaluation de parcours correctement menée avec cinq ou six centres en France. Cela permet une bonne illustration des principales zones de rupture identifiées, et une première approche d’amélioration. Après coup, si la pharma souhaite mettre en œuvre quelques pilotes pour l’amélioration, les coûts seront un peu plus élevés, de 0,5 M€ à 1 M€. In fine vous disposez d’arguments suffisam-ment solides pour aller approcher des autorités en disant : si nous mettons cela en œuvre, voilà comment nous pourrons modifier à la fois le parcours, optimiser son efficience et récupérer pour la valorisation du prix du médicament une partie de cette efficience.

BF : Est-ce qu’il y a des grandes familles de rupture des parcours de santé ? Quelles sont-elles ? Philippe Mougin : Pour chaque grandes étapes du parcours de santé et pour chaque pathologies, il existe des zones de rupture. Cela implique beaucoup de questions à chaque étape du parcours patient. Sur la partie dépistage, il faut se demander si l’on a suffisam-ment de professionnels formés au diagnostic ? Si l’on a les bons outils pour diagnostiquer les patients ? Les bons tests compagnons ? Si l’on est capable de segmenter les populations en fonction des profils génétiques ? En médecine de ville et de coordination clinique de proximité, les zones de rupture peuvent être flagrantes. Quelles sont les relations entre un médecin généraliste et un spécialiste de ville ? Quel est le rôle du pharmacien, de l’infirmière ? Comment se fait l’entrée à l’hôpital ? Par les urgences ou de façon programmée ? Quel est le lien entre les médecins hospitaliers et les médecins de ville ? Comment s’organise la sortie de l’hôpital ? Une grande zone de rupture se loge dans ce qu’on appelle la réconciliation phar-maceutique : comment les prescriptions mises en œuvre à l’hôpital sont-elles reproduites en ville ? Comment organise-t-on le retour à la maison des patients, la prise en charge de leur rééducation, leur suivi à domicile ? Quand on a, par exemple, cinq acteurs qui visitent chaque semaine un patient, il arrive parfois qu’ils passent tous la même demi-journée. Le patient ne voit alors plus personne pendant le reste de la semaine, ce qui est une vraie faille dans le système. Et ensuite, après, il y a toutes les logiques juridico-assurancielles. Il y a donc des zones de rupture qui sont quasiment communes à l’ensemble des parcours, nous en avons identifié 19, mais l’amélioration de chacune d’entre-elles va dépendre en fait des acteurs et des parcours qui sont concernés. Ce n’est pas aussi simple que ça dans l’absolu quand on travaille sur les parcours et quand on imagine des mécanismes d’amélioration.

BF : Au-delà de l’effet organisationnel, peut-on penser que le parcours de santé pourrait aider à la dé-balkanisation des systèmes de santé européens pour aboutir finalement à un vrai marché commun européen de la santé ? Philippe Mougin : Ce n’est pas forcément si lointain que cela. Dès que l’on réfléchit, on compare – et la France a cette habitude, et les pays européens aussi. On va donc faire une comparaison des pratiques. Il y a des pays qui se ressemblent plus ou moins aujourd’hui : si je prends le Top Five européen plus le Canada, tout cela se ressemble relativement. Certains pays de l’Est nous ressemblent aussi. Les pays nordiques, comme les Canadiens, sont un peu plus innovants que l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, l’Angleterre et la France sur les logiques de parcours. Les États-Unis pourraient l’être, mais ils ont une modalité d’organisa-tion et de remboursement qui est un peu plus complexe. Pour pouvoir adapter les schémas, il faut sortir des logiques de professionnels et entrer dans des logiques de compétences. Quand on améliore les parcours, en fait, on optimise des modalités de coopération, de coor-dination et on réfléchit également à des logiques de transfert de tâches et de nouveaux modes de rémunération – nouveaux modes de rémunéra-tion non plus à l’acte, mais à la coordination – et du transfert de tâches entre certains praticiens. Quand on a un modèle innovant qui fait ses preuves, et c’est un peu l’objectif de structures comme l’Institut de recherche et d’études en organisation de la santé (IREOS) que j’ai fondé,

l’objectif serait de proposer à certains pays émergents de l’adapter d’emblée. Ce n’est pas la peine de passer par toutes les phases historiques par lesquelles nos systèmes sont passés. Autant profiter de l’intelligence collective. Ce qui freine les réflexions ceux sont les corpo-ratismes. Raisonner parcours par corporation de métier constitue un vrai handicap. À un moment donné, il faut mettre à plat des compétences et déterminer là où elles sont les plus utiles, qui les exerce ? À quel moment ? Et comment ? Dans une coopération ou une coordination nouvelle ? Si on fait ce pas là, je pense qu’on peut très vite arriver à des schémas optimisés qu’on peut adapter, quelles que soient les structures, les mentalités, les cultures.

BF : Compte tenu de nos structurations en réseau, en corporations, ce parcours de santé ne risque-t-il finalement pas de nous amener pas vers une dictature de la santé ? Philippe Mougin : Je dirai que si on raisonne – la question est très bien posée – parcours en termes de réseau, on va effectivement vers une dictature. Si on raisonne parcours avec une logique qui est celle du parcours dans son sens premier avec le patient placé au centre du parcours et une organisation qui se coordonne autour de la prise en charge du patient, la fameuse logique de Patient Centered Care, là, on ne risque plus la dictature. L’objectif doit consister à structurer l’ensemble des actes et des acteurs autour de la prise en charge d’un patient.

BF : la simplicité ou le confort, c’est tout de même le « réseau » donc le risque est grand…Philippe Mougin : Oui la simplicité, c’est le réseau, sauf que c’est ce qui nous a amenés aujourd’hui à la rupture de notre système. C’est-à-dire que quand on actionne les réseaux, on fige en fait des corporations et des métiers dans un système. On donne un rôle à chacun et on ne réinterroge plus le rôle de chacun. J’ai eu un patron de business unit qui me disait : si vous me demandez un chef de produit en plus, vous allez vouloir plus de budget parce qu’on ne peut pas mettre un individu en plus dans une organisation sans qu’il dépense de l’argent. La logique de réseau, c’est ça. C’est quand vous identifiez une organisation où vous placez des individus dans une organisation structurée, chaque fois que vous placez des individus, vous savez que cela va vous coûter plus d’argent. De là vient tout le raisonnement des numerus clausus à la baisse, etc. « Si j’évite que de nouveaux médecins s’installent, je limite les coûts supplé-mentaires. » Sauf qu’on voit bien où tout cela nous a amenés : vers une crise économique et de vraies inégalités d’accès aux soins. Quand on a un AVC à Lille ou au centre de la Corrèze, ce n’est pas du tout la même égalité. Donc, cette organisation réseau signe pour moi l’échec de la situation actuelle. L’objectif, doit être de modéliser ce qu’il se passe autour du patient et de lui fournir un parcours adapté en temps réel à sa situation. Une sorte de parcours person-nalisé. Hier c’était tout à fait impossible, mais désormais les technologies et en particulier tout ce qui tourne autour de l’e-santé ouvrent grand cette opportunité. l

GRAND ANGLE

Philippe Mougin

« 60 à 100 k€ pour une évaluation

de parcours correctement menée

avec cinq ou six centres en France »

Propos recueillis par Jacques-Bernard Taste

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LE BILLET BIO DE H. ELLA

lors que l’année prend son envol et que déjà se profile l’enregistrement de Lutathera de Novartis (acquis avec le rachat d’Advanced Accelerator

Applications), la FDA vient, avec 46 molécules enregistrées, d’inscrire 2017 comme une année exceptionnelle dans son propre « Hall of Fame » rejoignant 1999, l’année de tous les records, avec 59 enregistrements. Faut-il y voir un effet Scott Gottlieb, le nouveau commissaire de l’institution depuis mai 2017 ? Pour certains, non, car le pourcentage d’approbation est demeuré constant à 80 %, mais il y aurait eu plus de demandes en 2017. D’autres rappellent que Scott Gottlieb avait souhaité, lors de sa nomination, accélérer le processus d’instruction et d’enregistrement des nouvelles molécules. Au-delà de la simple arithmétique, 2017 est historique à plus d’un titre, puisque cette année le CEBR, l’agence qui s’occupe de l’enregistrement des molécules biologiques, a enregistré sa première thérapie génique (le Luxturna de Spark Therapeutics), suivant ainsi la voie ouverte par l’EMA. Par ailleurs, la FDA a fait figure de pionnière sur les traitements à base de récepteurs d’antigènes

chimériques de cellules T ou CAR-T cells avec deux enregistrements : le tisagenleleucel de Novartis et l’axicabtagene ciloleucel de Gilead Sciences/Kite Pharma, tous deux ciblant les CD19 des lymphocytes B et indiqués dans plusieurs cancers sanguins. Mais la situation globale paraît un peu moins innovante qu’il y a quelques années. Est-ce que cela a à voir avec ces fruits facilement accessibles ou « low hanging fruits » ? Toujours est-il qu’avec 15 molécules dans de nouvelles classes thérapeutiques, soit seulement 32 % du total, l’innovation semble un peu mise à mal. Peut-être que l’accent a été mis sur les génériques puisque le commissaire de la FDA avait aussi évoqué sa volonté de réduire le coût de médicaments. Et son unique levier d’action est très certainement sa capacité et sa volonté d’enregistrer plus de génériques ; dont acte, puisque 2017 a établi un nouveau record avec près d’un millier de molécules génériquées et approuvées, soit 112 de plus qu’en 2016, qui était déjà une année record par rapport à 2015 et à 2014. Scott Gottlieb

poursuit en cela une tendance déjà établie par son prédécesseur et qui devrait perdurer, s’il l’on en croit ses dernières déclarations. l

La FDA de record en record

A

Biotech finances est une lettre hebdomadaire imprimée et en ligne publiée par les Éditions Européennes de l’Innovation.• Éditeur, directeur de la publication : Jacques-Bernard Taste – [email protected] • Rédacteur en chef : Pierre-Louis Germain – [email protected] • Rédaction : H. Ella, Viviane de Laveleye – [email protected], Audrey Fréel - [email protected], Marie-Françoise Villard – [email protected]• Maquette : Laure Pascal – www.lp-infographie.eu• Service abonnements : Bénédicte Pociello – 04 81 91 60 88 – [email protected]

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• Québec : EEI Eléments Essentiels d’Information – Biotechfinances c/o Lette & Associés 630, boulevard René-Lévesque Ouest – bureau 2800 – Montréal QC H3B 1S6 Canada.• Tél : 00 (1) 438 800 28 29

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15 FÉVRIERParis, FranceLes équipes d’ODDO BHF

organisent le premier Medtech Investor Showroom, destiné aux investisseurs et journalistes. Dix medtechs seront présentes : Allu-rion, Amplitude Surgical, Carmat, Cellnovo, EOS imaging, Mauna Kea Technologies, Pixium Vision, Spine-guard et Supersonic Imagine.

1-2 MAIBoston, USA Neurotech Investing &

Partnering Conference 2018La conférence des investisseurs et des business développeurs dans le domaine des neurosciences.

1ER MARSÉvry, FranceShaker et Booster 2018

Date limite de dépôt des candida-tures pour Shaker et Booster 2018 de Genopole. Informations :https://join-the-biocluster.genopole.fr

15 MARSParis, FranceLe pôle de compétitivité

Medicen Paris Region, la Région Île-de-France et Sanofi organisent la première édition du sommet international de la santé du futur, MedXperience. Des conférences, workshop et débats seront organisés autour de nombreux thèmes (diagnostics, e-santé, imagerie médi-cale, bioproduction, culture start-up, systèmes de santé, etc.)

21-22 MARSRotterdam, Pays-Bas5th Microbiome R&D and

Business Collaboration ForumUne rencontre entre chercheurs, industriels sur le thème du micro-biome et le déploiement de nouvelles thérapies.

22 FÉVRIERDate limite de dépôt des dossiers pour participer

à Start West dont ce sera la 18e édition. Cet événement majeur de l’amorçage et du capital innova-tion répond aux besoins de finance-ment des jeunes entreprises inno-vantes. Adresse pour candidater : www.start-west.com

26-27 FÉVRIERLondres, UKGlobal Nash Congress.

Plus de 40 conférenciers intervien-dront sur l’hétérogénéité moléculaire des NAFLDs (non alcoholic fatty liver diseases), sur l’autotaxine en tant que cible potentielle pour la NASH. En outre, la FDA et l’Agence européenne des médicaments interviendront sur des points réglementaires.

24 AVRILBarcelone, CatalogneEU-Startup Summit

750 entrepreneurs, investisseurs, professionnels des médias de toute l’Europe participeront à la mise en réseau et à la démonstration d’expérience des entrepreneurs européens les plus performants de notre temps.