E N T R E M Y T H E S , S T É R É O T Y P E S E T N … · 5 – Cité par Pierre-André...

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E N T R E M Y T H E S , S T É R É O T Y P E S E T N É GAT I O N N I S ME : LA N T I R O M I S M E Ce que tu m’as fait ? Dis-tu ! – Ah ! Ce que tu m’as fait Égyptienne ! Eh bien! Écoute. – J’avais un enfant, moi ! Vois-tu ? J’avais un enfant ! Un enfant te dis-je ! Une jolie petite fille ! [...] Eh bien ! Vois-tu, fille d’Égypte ? On m’a pris mon enfant, on m’a volé mon enfant, on m’a mangé mon enfant. Voilà ce que tu m’as fait. [...] Je te dis que ce sont les Égyptiennes qui me l’ont volée, entends-tu cela ? Et qui l’ont mangée avec leurs dents. Victor Hugo, Notre-Dame de Paris, 1831 La vision des sociétés environnantes et la représentation qu’elles ont des Roms sont aujourd’hui un autre champ d’études en construction. Par exemple, la branche espa- gnole de l’URI dresse chaque année un bilan de l’image des Gitans véhiculée par la presse espagnole. Nous pou- vons regretter cependant qu’aucun chercheur n’ait, à ce jour, synthétisé de manière exhaustive toutes les don- nées concernant les représentations, très souvent néga- tives, liées aux populations romanies. 1 25 1 – Voir le site de la section espagnole de l’URI : <http://www.unionromani.org>. Signalons par ailleurs les textes suivants : Alain Reyniers, «L’identité tsigane, stéréotypes et marginalité » in Stéréotypes nationaux et préjugés raciaux aux 19 e et 20 e siècles, éd. Jean-Pirotte, 1982 ; Jean-Pierre Liégeois, Les Tsiganes , Maspéro, 1983, chap. « Stéréotypes et préjugés » ; Donald Kenrick et Grattan Puxon, op. cit., chap. « Les sources du préjugé » ; Ian Hancock, We are the romani people , University of Hertfordshire press, 2002, chap. « Explaining antigypsyism ». « Enfant enlevée par des nomade s : un rapt d’une audace inouie a été commis à Pont-à-Mousson », Le petit Journal, 2 février 1902.

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E N T R E M Y T H E S, S T É R É O T Y P E S

E T N É GAT I O N N I S ME : L’A N T I R O M I S M E

Ce que tu m’as fait ? Dis-tu ! – Ah ! Ce que tu m’as fait Égyptienne !Eh bien ! Écoute. – J’avais un enfant, moi ! Vois-tu ?

J’avais un enfant ! Un enfant te dis-je ! Une jolie petite fille ! [...] Eh bien ! Vois-tu, fille d’Égypte ? On m’a pris mon enfant,

on m’a volé mon enfant, on m’a mangé mon enfant. Voilà ce que tu m’as fait. [...] Je te dis que ce sont les Égyptiennes qui me

l’ont volée, entends-tu cela ? Et qui l’ont mangée avec leurs dents.

Victor Hugo, Notre-Dame de Paris, 1831

La vision des sociétés environnantes et la re p r é s e n t a t i o nqu’elles ont des Roms sont aujourd’hui un autre champd’études en construction. Par exemple, la branche espa-gnole de l’URI dresse chaque année un bilan de l’imagedes Gitans véhiculée par la presse espagnole. Nous pou-vons re g retter cependant qu’aucun chercheur n’ait, à cej o u r, synthétisé de manière exhaustive toutes les don-nées concernant les représentations, très souvent néga-tives, liées aux populations ro m a n i e s. 1

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1 – Voir le site de la section espagnole de l’URI :<http://www.unionromani.org>. Signalons par ailleurs les textes suivants : Alain Reyniers, « L’identité tsigane, stéréotypes et marginalité» in Stéréotypes nationaux et préjugésraciaux aux 19 e et 20 e siècles, éd. Jean-Pirotte, 1982 ;Jean-Pierre Liégeois, Les Tsiganes, Maspéro, 1983, chap. «Stéréotypes et préjugés» ; Donald Kenrick et GrattanPuxon, op. cit., chap. «Les sources du préjugé» ; Ian Hancock, We are the romani people, University of Hertfordshire press,2002, chap. «Explaining antigypsyism».

«Enfant enlevée par des nomades : un rapt d’une audace inouie a été commis à Pont-à-Mousson», Le petit Journal, 2 février 1902.

scientifiques se sont attachés à démontrer l’absence defondement du concept même de « r a ce» qui ne corre s-pond à aucune réalité scientifique. Malheure u s e m e n tun discours raisonné n’est souvent pas suffisant face àdes croyances irrationnelles. Les théories raciales sontbien souvent restées profondément ancrées, par unemultitude de représentations mentales (« les Noirs cou-rent plus vite», « les Tu rcs sont plus forts » et « les Alle-mands plus ord o n n és ») s’appuyant parfois sur des faitsauthentiques (des Noirs américains remportent fré-quemment le 100 mètres aux jeux olympiques) qui ontpourtant des explications sociologiques ou culture l l e sn’ayant rien à voir avec une quelconque aptitude natu-relle (les équipements d’athlétisme ou de basket coû-tent moins cher dans les ghettos noirs américains queles green de golf ou les patinoires, beaucoup d’enfantsnoirs américains veulent re p ro d u i re l’exemple de leursaînés dans des domaines où ils ont excellé). Po u r t a n tces idées reçues peuvent être largement répandues par-fois même chez des personnes se déclarant ouverte-ment antiracistes.

Conscients de l’impasse de l’affirmation d’une supério-rité «par nature», les théoriciens d’une nouvelle formede distinction et de hiérarchisation des groupes hu-mains ont déplacé leurs argumentations vers « l ’ i d e n t i-t a r i s me», la «d i f f é renciation culture l le» et le «d é v e l o p-pement séparé». Ce fut le cas, par exemple, de la N o u-velle dro i t e française, et notamment du GRECE (Gro u -pement de re c h e rche et d’études pour la civilisation eu-ropéenne) autour de Alain de Benoist, dans les annéessoixante-dix et quatre-vingt. Dès lors, et comme l’a dé-montré Pi e r re-André Ta g u i e f f, le champ sémantiquechangea. Il distingue « t rois grands déplacements de

Les manifestations de haine, de rejet ou de mépris en-vers les Roms s’inscrivent dans des mécanismes parti-culiers que l’on peut re g ro u p e r, par souci de clarté, sousle terme d’«antiromisme» qui, tout comme l’antisémi-tisme, a des expressions pro p res dans lesquelles racis-me et xénophobie occupent une place importante maisoù d’autres facteurs entrent en compte.

l ’ a n t i ro m i s me : ex p ression d’un ethno- d i f f é rentialisme

De manière générale, le racisme, tel qu’il a été construitau 19e siècle, qui prône l’existence et la hiérarc h i s a t i o ndes races, en s’appuyant sur des critères physiolo-giques, et qui pose leur affrontement comme moteur del ’ h i s t o i re, est aujourd’hui en net recul dans les pays oc-cidentaux. Non pas qu’il n’existe plus à l’heure actuelled’individus ou de groupes prônant la supériorité deleurs «r a c es», les suprématistes américains ou les néo-nazis en sont l’illustration malheureusement bien vi-vante, mais ces formes-là de racisme tendent à devenirm a rginales. Rares sont aujourd’hui les personnes osantaffirmer la supériorité «par nature» 2 et hérédité d’ung roupe humain sur un autre. Depuis la fin de la secondeg u e r re mondiale et face à l’horreur suscitée par les poli-tiques racistes d’extermination, des institutions inter-nationales, notamment l’UNESCO 3, et de nombre u x

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2 – Sur les fondements naturalistes des mécanismes de dominationraciste, voir par exemple l’ouvrage de Colette Guillaumin,L’idéologie raciste. Genèse et langage actuel, Gallimard, coll. « Folio/essais», 2002 [1972].

3 – Le racisme devant la science , UNESCO/Gallimard, 1960.

leur pérénigration, la «p u reté originelle ». 7 Les Roms fu-rent donc déclarés asociaux puis « criminels irrécupé-r a b l es » par les lois sur « l ’ a ry a n i s a t i on » de Nure m b e rgen 1935.8 Les théories raciales eurent aussi, et nous lev e r rons plus loin, une influence forte en France. L’ e n c y-clopédie La rousse du 20e s i è c l e donnait en 1933 la défini-tion suivante du mot «B o h é m i en» : «une race nomade,qualifiée aussi de Romanichel ou Tsigane en Fr a n c e.»

De telles considérations n’ont plus cours aujourd ’ h u i ,du moins publiquement. Il serait d’ailleurs bien difficileaux tenants de l’idéologie racialiste de déterminer destraits physiologiques pro p res et communs à l’ensembledes personnes d’origine romanie. Ni la couleur des che-veux ni celle des yeux ne fourniraient d’éléments pro-bants car elles sont aussi diverses et variées que le teintde la peau. Par contre, les représentations mentales at-tachées aux Roms servent de base à un ethno- d i f f é re n-tialisme plus ou moins feutré et admis. C’est sur lecompte de cette «d i f f é re n ce» que sont mises de présu-mées dispositions à voler, à mentir ou à refuser lesnormes sociales. Les préjugés envers les Roms présen-tent souvent un aspect négatif (les Roms seraient desvoleurs de poules) mais parfois également un aspectplus positif (les Roms auraient la musique dans lapeau). Ces préjugés « p o s i t i fs » s’inscrivent dans unfolklorisme portant une vision romantique et poétique(« les Roms, fils du vent et filles du feu ») mais tro n q u é ede la réalité. Aussi n’est-il pas surprenant de lire dans lemême quotidien de virulentes attaques contre des«gens du voyage» aux pages «faits divers» et, plus loin,

concepts de base, d’arguments ou d’attitudes dominantesdans l’idéologie racisante depuis le début des annéess o i x a n t e - d ix : race – ethnie/culture ; inégalité – différence ; hétérophobie – hétérophilie.» 4

La hiérarchie des «races» a été remplacée, dans l’espritdes ethno-différentialistes, par celle des civilisations. Lemétissage et l’interculturalisme, tels furent les nou-veaux démons d’une partie de la droite et de l’extrêmed roite. En 1985, Jean-Yves le Gallou, un des re s p o n-sables du Club de l’horloge et du Front national, affir-mait : «L’immigration est la machine à tuer les peuples.» 5

Où que ce soit, quoi qu’ils fassent et quelle que soitl’époque à laquelle remonte leur présence, les Roms onttoujours été considérés comme des immigrés, immigrésdont la provenance reste généralement ignorée. Cetteméconnaissance volontairement entretenue cloisonneles Roms dans le rôle d’éternels étrangers : «Manouches,Gitans, Tsiganes, Yéniches, Rom... Ceux que l’on surnom-me volontiers Romanichels ou Bohémiens viennent dupays de nulle part et vont on ne sait où» écrivait récem-ment un journaliste du Figaro. 6

L’ a n t i romisme se nourrit aujourd’hui, et souvent de ma-n i è re non consciente, de ce différentialisme, après s’êtres e rvi des théories et des classifications raciales. Dansleur idéologie, les nazis reconnaissaient une originei n d o- e u ropéenne aux Roms dont ils auraient perdu, dans

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7 – Henriette Asséo, Les Tsiganes. Une destinée européenne, Gallimard,coll. «Découvertes», 1994, p.94.

8 – Claire Auzias, Samudaripen, op. cit., p. 25.

4 – Pierre-André Taguieff, La force du préjugé. Essai sur le racisme et ses doubles, La Découverte, 1988, p .14.

5 – Cité par Pierre-André Taguieff, op. cit., p. 579.

6 – «Tsiganes : une délinquance qui désarme l’État», Le Figaro, 10 septembre 2001.

De cet antiromisme institutionnel, il en sera questiontout au long de cet ouvrage en ce qui concerne les pou-voirs publics en France depuis le 19 e siècle. Cet antiro-misme-là, qui se nourrit des mécanismes et idées re-çues de l’antiromisme commun, n’est pas que le re f l e tdes conceptions racistes ou xénophobes, il est l’expre s-sion d’une volonté de contrôle absolu de la part despouvoirs publics de l’espace social et donc des déplace-ments et mouvements à l’intérieur de celui-ci. Cettevolonté de contrôle social est manifeste à travers le re n-f o rcement des mesures contre le nomadisme au fur et àm e s u re de l’affirmation de l’État et du re n f o rcement deses pouvoirs à l’Époque moderne. Citons, à titred’exemple, l’interdiction de séjour puni de banissementdécrété par Louis XII en 1504 ou encore l’envoi aux ga-l è res sous Louis XIV, pour le seul fait d’être « B o h é -m i en». 9

La représentation que se font les pouvoirs publics despopulations romanies et/ou itinérantes ne cadre pasavec cette volonté de contrôle socio-spatial. La méfian-ce que suscitent leurs déplacements est re n f o rcée parcette suspicion de n’appartenir à aucune patrie et doncde présenter une menace interne en cas de conflit. Ain-si, de nombreux Manouches alsaciens ont-ils été sé-dentarisés de force durant la pre m i è re guerre mondiale.Comme nous le verrons (p.65 et suiv.), l’une des pre-m i è res mesures du gouvernement Daladier face à l’im-minence de la guerre fut d’interd i re les déplacementsdes «n o m a d es» soupçonnés de pouvoir fournir des in-formations aux ennemis. Plus récemment, les Roms de

dans les pages «c u l t u re» du même journal, l’éloge de lavirtuosité des artistes « t s i g a n es». Négatifs ou «p o s i-t i fs», ces préjugés participent au même enfermementdes Roms dans un rôle social dont on ne souhaite pasles voir sortir.

La pratique du nomadisme, présente ou passée, réelleou supposée puisque, rappelons-le, 90% des Roms eu-ropéens sont sédentaires, et l’absence d’un pays «d er é f é re n ce» qui serait revendiqué, induisant chez les po-pulations environnantes l’idée que les Roms sont par-tout et toujours des i m m i g r é s, sont les points de départde toutes les élucubrations antiro m s .

Nous devons distinguer deux aspects, qui évidemmentse nourrissent l’un l’autre, de l’antiro m i s me : d’une partun a n t i romisme commun qui re g roupe un ensemble depréjugés et de stéréotypes largement répandus et,d ’ a u t re part, un a n t i romisme institutionnel p e rc e p t i b l edans la plupart des traitements légaux des populationsromanies. Aussi est-il difficile de discerner qui «de lapoule ou de l’œuf » est apparu le pre m i e r. La volonté decontrôle socio-spatial, justifiée par l’affirmation d’undanger social, celle d’assimilation à tout prix et les dis-positifs contre le nomadisme ont-ils nourri un senti-ment antirom dans la population ou, au contraire, parleur sentiment antirom, issu de cette prétendue fatalepeur de « l ’ a u t re», les populations environnantes ont-elles encouragé les pouvoirs publics à ces dispositifsc o e rc i t i fs ? Bien que penchant plus pour la pre m i è re hy-pothèse, l’utilisation de boucs émissaires et la créationde sentiments d’insécurité étant des moyens classiquesde conquête du pouvoir, il apparaît aujourd’hui que lec e rcle vicieux s’auto-alimente (en particulier via unepartie des médias) de ces deux moteurs.

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9 – Pour les mesures contre les «Bohémiens» du 16e au 19e siècles,voir le tableau dressé par Jean-Pierre Liégeois dans Tsiganes et voyageurs, op. cit., p.96-97.

cré aux «Tsiganes» dans la collection de référence Quesais-je ?, n’a pas hésité à qualifier les «Tsiganes» de pro-duit de « l ’ i m a g i n a i re occidental» n’étant en réalitéqu’un ensemble de «populations flottantes». Pour l’au-teure, les Roms ne seraient qu’un « isolat social [...] à lafrange de la plupart des sociétés dont ils sont les rejets »12.Une cour des miracles internationale en quelque sorte.Ses propos ne sont pas si éloignés de ceux cités justeavant à la différence près qu’ils ont été écrits quatresiècles plus tard.

Ne souhaitant pas qu’ils perdurent en temps que grou-pe, les pouvoirs publics ont souvent tenté d’en nierl’existence même, soit en interdisant tout ce qui s’yrapportait (langue, costumes, appellations) soit en lesignorant. En Espagne, en 1619, Philippe III ordonnait :

Que tous les Gitans, présentement dans le royaume ensortent dans un délai de six mois [ . . . ] que ceux quivoudraient se fixer le fassent dans des villes ou des lo-calités de plus de 1000 personnes et qu’ils ne puissentutiliser ni le costume, ni la langue des Gitans et desGitanes, et puisqu’ils n’en ont pas la nation que cenom et son usage disparaissent et soient oubliés.

En Espagne, dès le 17 e siècle, l’utilisation même du ter-me «Gitan» devient interdite et remplacée par celle de«nouveaux castillans» avant d’être elle-même proscriteau profit du mot vagos signifiant « feignant». Le glisse-ment lexical n’est jamais anodin et l’on peut s’interro-

Cossovie furent accusés par les Serbes comme par lesAlbanais de soutenir le camp adverse, ce qui eut pourconséquence l’instauration d’une véritable politique depurification ethnique contre les Ro m s.1 0

la négation de l’existence des Roms en tant que peuple

Très tôt, les pouvoirs publics ont voulu nier l’existencedes populations romanies en tant que peuple à part en-tière. Celles-ci ont souvent été présentées, en France etailleurs en Europe, comme un ramassis de marginaux,de hors-la-loi ou de brigands de toutes sortes sansautres liens que leur refus des règles sociales. Voici, au16e siècle, ce qu’en dit un docteur de l’université de To-lède dans une lettre au roi Philippe II :

Toujours les Gitans ont affligé le peuple de Dieu, maisle Roi Suprême l’en a libéré par de nombreux miraclesrapportés par les Saintes écritures, et sans aller jusquelà, le talent miraculeux que possède Vo t re Majestépour de semblables expulsions pourra libérer sonroyaume de ces gens. [...] Ce qui est certain c’est queceux qui vont en Espagne ne sont pas Gitans mais cesont des essaims de fainéants, d’hommes athées, sansloi, sans aucune religion, des Espagnols qui ont intro-duit cette vie ou secte du Gitanisme, et qui admettenten son sein chaque jour des oisifs et les réprouvés detoute l’Espagne.11

Plus récemment, Nicole Martinez, alors ethnologue àl’université de Montpellier III, dans son ouvrage consa-

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12 – Nicole Martinez, Les Tsiganes, PUF, coll. «Que sais-je ? », 1986, p. 6. Entre autres réactions publiées à la réédition de cet ouvrage : Patrick Williams, «Un “Que sais-je ?” surprenant», L’ethnologie française, n°1, 1988 ;Henriette Asséo, «Une entreprise révisionniste sur les Tsiganes», Études tsiganes, n°1, 1987.

10 – L’European Roma rights center (Budapest) a publié à ce sujetplusieurs rapports, disponibles sur son site <http://errc.org>.

11 – Cité par Jean-Pierre Liégeois, «Gitans et pouvoirs publics en Espagne», Ethno-psychologie, n°1,1980, p.70.

niées. D’ailleurs, en 1965, le général de Gaulle interd i tla Communauté rom mondiale – organisation basée enFrance, créée en 1959 – qui s’était montrée trop re v e n-dicatrice sur ce point. 13

un péché originel ?

La question des origines a longtemps été un mystère etl’est encore pour de nombreuses personnes non spé-cialistes. Les explications les plus farfelues et les plus h a s a rdeuses se sont succédées, et trouvent aujourd ’ h u ie n c o re un certain écho malgré les éléments fournis parles linguistes et les historiens, attestant l’origine in-dienne et l’arrivée en Europe entre le 11 e et le 14 e

siècle. Toujours dans cette définition du mot «B o h é-m i en» du La rousse de 1933, on pouvait lire: «on lesc o n s i d è re comme originaires de l’Inde », ce qui n’ e m p ê-chait pas les mélanges entre mythes et Histoire dans lemême paragraphe : «On leur attribue l’importation dub ronze en Europe à une époque préhistorique. » Par laconstruction de récits mythiques sur l’origine desRoms, les contemporains cherc h è rent de tout temps àfournir des explications sur la situation présente, avé-rée ou préjugée des populations ro m a n i es : l’importa-tion du bronze étant censée expliquer par exemple latradition de chaudronnerie de certains groupes d’Euro-pe orientale et balkanique. 14

La mythologie antirom repose parfois sur des référe n c e sbibliques évoquant un péché originel qui justifierait l’os-tracisme dont ils furent victimes. De la même manièreque les Africains, les Roms furent présentés comme les

ger sur les raisons de ces changements du vocabulairedes pouvoirs publics français pour désigner les popula-tions romanies. D’abord appelés «Bohémiens» (à traversune législation discriminante d’assimilation) ensuite«nomades» (à travers une volonté discriminante de sé-dentarisation) et enfin «gens du voyage» (à travers unelégislation discriminante de surveillance et de contrôle),les populations romanies se sont vues réduites à untrait ne caractérisant seulement qu’une partie d’entreelles : l’itinérance.

Les Roms sédentaires deviennent donc socialement in-visibles alors qu’ils re n c o n t rent des problèmes particu-liers liés au simple fait qu’ils soient Roms (discrimina-tions systématiques notamment à l’embauche, ségré-gation, problèmes de scolarisation). Non reconnus, cesderniers n’existent pas. Dans ces conditions, rares sontles moyens mis en œuvre pour tenter de résoudre desp roblèmes spécifiques, notamment dans la lutte contreles discriminations. Il est intéressant de souligner ceque rappelait en 1991 la commission «Tsiganes et Gensdu voyage» du MRAP:

En guise d’introduction, on se doit de réitérer une re-marque formulée dans notre contribution de l’an der-n i er : la place assez minime accordée aux quelques2 50000 Tsiganes et Gens du voyage dans la luttecontre la xénophobie.

L’invisibilisation sociale et publique conduit à l’igno-rance ou à la minoration des difficultés et souffrancesauxquelles sont confrontés de nombreux Roms. Pa rexemple, leur génocide pendant la seconde guerremondiale a longtemps été passé sous silence, malgréses 500000 victimes. Les réparations auxquelles ils au-raient légitimement droit leur ont longtemps été dé-

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13 – Ian Hancock, op. cit., p.119.

14 – Le nom de «Kaldérash», désignant un groupe de Roms d’Europeorientale, vient du mot roumain caldera, «chaudron».

● la pratique de la chiromancie, de la divination et leursinfluences sur une partie de la population et sur cer-tains gouvernants entraient en concurrence avec la reli-gion officielle qui ne pouvait le tolérer. 16

De la pratique de la bonne aventure à la magie noire etaux liens avec le diable, il n’y a qu’un pas qui fut sou-vent franchi. La croyance en la capacité des femmes àlancer le «mauvais œil» est encore aujourd’hui assez ré-pandu. Les liens particulièrement étroits entre l’Église etle pouvoir politique au Moyen Âge et à l’Époque moder-ne contribuèrent, sans doute, à ce que ces deux pou-voirs s’alimentent mutuellement dans leur hostilité en-vers ces groupes. Signalons toutefois que les Roms, etsurtout les Romnis qui pratiquaient la divination, ne fu-rent quasiment pas inquiétés par les tribunaux de l’In-quisition. L’historienne Helena Sanchez attribue cela,non pas à une mansuétude de la part du Saint office,mais à une indifférence méprisante des tribunaux enversdes groupes qu’ils ne jugeaient pas dignes d’intérêt. 17

de la défiance à la culpabilisation et à la criminalisation

Le trait commun à toutes les manifestations d’antiro-misme est la défiance envers tout ce que les Roms peu-vent dire ou faire. Leurs activités, leurs revenus, leursdéplacements, leurs croyances sont d’abord perçus àtravers le prisme d’un soupçon de mensonge. Leur ex-périence historique ne les a peut-être pas poussés à êtretrès loquaces avec des autorités le plus souvent hostilesmais avant tout, la méconnaissance des fonctionne-

descendants de Cham, le fils maudit de Noé auquel ce-lui-ci aurait déclaré : «Maudit soit Canaan, qu’il soit pourses frères le dernier des esclaves. » 15 Une autre légendefait des Roms les descendants des amours entre Adam etLilith, démon femelle de la tradition rabbinique considé-rée comme la pre m i è re femme d’Adam. Un autre mytheaccuse les Roms d’avoir refusé l’hospitalité à la Sainte fa-mille avant la naissance de Jésus. Ces trois mythes peu-vent être compris comme des démonstrations de la cul-pabilité intrinsèque des Roms, culpabilité justifiant unchâtiment multiséculaire. Le nomadisme fut ainsi long-temps considéré comme une errance punitive.

Le rôle des Églises chrétiennes dans la construction deces mythes et des préjugés qu’ils alimentèrent restent àdéterminer. Donald Kenrick et Grattan Puxon avancentau moins trois arguments permettant de supposerl’hostilité de l’Église catholique :● leur arrivée en Europe, entre le 11e et le 14 e siècle se-lon les chercheurs, se fit après une traversée des paysmusulmans à une époque où la lutte contre les « infi-dèles» étaient une priorité de l’Église.● même christianisés, leurs pratiques hétéro d oxes sus-citaient la suspicion et leurs conversions et leurs bap-têmes toujours soumis à caution. Là encore les soup-çons sur la réalité de leurs pratiques re s t è rent vivacescomme le démontre ce passage à nouveau tiré du La-ro u s s e de 1933 : « Il n’est guère possible de savoir s’ils ontune religion particulière ; ils se disent musulmans en Tu r-quie, grecs orthodoxes en Roumanie, catholiques en Es-p a g n e.» « Ils se disent » et non « ils sont », la différe n c erévèle le peu de confiance qu’accorde l’auteur à cequ’ils affirment.

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15 – Genèse 9-25.

16 – Donald Kenrick et Grattan Puxon, op. cit., p.23.

17 – Helena Sanchez, Los Gitanos espanoles : el periodo borbonico,Castello editor, 1977

tulée «Les Tsiganes aux Nations unies» diffusée surArte le 26 octobre 2001, le présentateur Jean-C h r i s-tophe Victor affirmait :

Alors cette forme de nomadisme permet quel type d’ac-t i v i té ? Les Tsiganes pratiquent des métiers tradition-nels, qui changent selon les besoins de la région où ilspassent. Ils sont excellents danseurs et musiciens. Ilstiennent souvent des manèges de fête foraine, lescirques tsiganes proposent des spectacles d’une grandepoésie. Ils sont très liés au monde équestre, ils ont long-temps été maréchaux-ferrants, forg e rons. Les femmesexercent souvent la voyance, et la mendicité aussi à la-quelle les enfants sont parfois associés. Ils pratiquentaussi, comme on dit, la maraude, c’est-à-dire le vol, oule trafic de drogue. [...] Est-ce le nomadisme quiconduit au vol, qui conduit au rejet ? Ou est-ce le no-madisme lui-même qui est trop loin de nos pratiquesde sédentaires qui provoque lui-même le rejet ? 19

Ni le vol, ni la mendicité, ni le trafic de drogue ne fontpartie des activités «t r a d i t i o n n e l l es» des populationsromanies ni d’ailleurs d’aucune autre minorité, nation,g roupe religieux ou social. La situation économique etsociale est le seul facteur déterminant. Pourtant, lesr a p p rochements avec des faits délictueux sont omni-présents dans tout discours sur les «gens du voyage»pris dans leur ensemble. Il est d’ailleurs intéressant denoter qu’il n’existe pas de singulier à «gens du voya-ge». Comme si l’ensemble des individus de ce gro u p ec o r respondaient tous aux mêmes caractéristiques etqu’un fait imputable à l’un d’entre eux pouvait être re-p roché à tous. Lorsque le préfet de Vaucluse déclare

ments économiques et sociaux des groupes a toujourspermis toutes les élucubrations.

La défiance qui s’exprime ainsi se transforme bien sou-vent en accusation. Et celles-ci ne manquent pas. Lec a n n i b a l i s me 18, la magie noire et par dessus tout, levol. Le vol sous toutes ses formes. Le vol d’enfants,dont Victor Hugo se fit l’écho à travers le destin d’Es-méralda, est une accusation récurrente maintes fois re-prise dans la littérature, depuis Cervantés dans son ro-man La Gitanilla en 1612. Du vol de poules à la crimi-nalité organisée, l’accusation a su s’adapter aux évolu-tions de la criminalité tout en gardant un caractère«f o l k l o r i q ue» pro p re. Ainsi au début des années 1990,une partie de la presse s’est empressée de publier deslistes de signes utilisés, selon elle, par des «G i t a ns »pour commettre des cambriolages. Parmi d’autres, lemagazine Réponse à tout y alla de son couplet en affir-m a nt : «Ce sont les Tziganes qui seraient à l’origine de ceprincipe de communication. Les “gens du voyage” utili-saient certains signes pour informer les caravanes em-pruntant le même itinéraire des conditions d’accueil ou devie en général. Mais la passion du dessin s’est très vite ré-pandue à toute la confrérie des voleurs et autres cas-s e u r s. » (novembre 1990)

Ces contributions à la pérennisation des stéréotypes nesont pas seulement le fait de revues que l’on pourraitdédaigneusement qualifier de «grand public ». Des sour-ces considérées comme plus sérieuses s’en font égale-ment l’écho. Dans l’émission Le dessous des cartes i n t i-

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18 – Donald Kenrick et Grattan Puxon rapportent plusieurs affaireset notamment le cas d’un groupe de Roms slovaques injuste-ment jugés pour cannibalisme en 1927, op. cit., p.37.

19 – Transcription de l’émission réalisée par le centrede documentation Études tsiganes.

de dire cela. Des siècles d’ostracisme, de discrimina-tions et de défiance de la part des sociétés enviro n-nantes, à quelques exceptions près, ont contribué à ladiscrétion et parfois au repli communautaire de nom-breuses communautés romanies facilitant ainsi les élu-cubrations sur leur mode de vie, leurs ressources et leurfonctionnement social.

Ce ne sont pas tant les modes de vie des Roms, qui sontdivers et variés, que la représentation fantasmée du no-madisme et de ses implications qui suscite des senti-ments hostiles. Le défilé des caravanes ou la vision d’uncamp voisin peuvent susciter des sentiments contradic-toires : parfois une représentation fantasmée de libertéet de voyage entraînant soit une interprétation roman-tique du mode de vie des Roms soit un sentiment d’ai-g reur face à ceux que l’on croit déliés de toutescontraintes. Les difficultés faites aux déplacements etaux installations mettent un sacré bémol à cette visionpoétique. Malgré tout, la croyance en une absenced’obligations et de contraintes peut intriguer puis aga-cer ceux que leur quotidien blase et qui croulent sous lepoids de leurs impératifs sociaux.

Le plus souvent cependant, c’est le mépris qui domine.Mépris envers un mode de vie méconnu mais que l’onjuge inadaptable aux exigences de notre société. La cri-tique de ce supposé mode de vie permet alors de se ras-s u rer sur la légitimité du sien. Dans ses R é f l exions sur laquestion juive, Jean-Paul Sartre écrivait : « l ’ a n t i s é m i t i s m en’est pas seulement la joie de haïr, il pro c u re des plaisirsp o s i t i fs : en traitant le Juif comme un être inférieur et per-nicieux, j’affirme du même coup que je suis une élite » 2 0.

lors d’une conférence de presse en 2002 : « ils vivent ànos crochets, de la rapine aussi, tout le monde le sait », ilne fait qu’exprimer un sentiment largement partagé.

Ce n’est pas d’«une partie» ou de «c e r t a i ns» des «g e n sdu voyage» dont il est question dans les deux exemplesque nous venons de citer mais de l’ensemble. De telsp ropos dans la bouche d’un présentateur-télé ou d’unreprésentant de l’État ne peuvent qu’alimenter les idéesreçues d’une partie de la population. Idées reçues déjàl a rgement répandues. Pour preuve, ce sondage réalisé parla commission consultative des droits de l’homme en1991 sur la question «des sentiments personnels à l’égarddes différents gro u p es» . Les «Tsiganes, Gitans et gens duv o y a ge» se classent à la deuxième place des gro u p e ssuscitant l’antipathie, avec 41% contre 49% pour lesMaghrébins. Par contre ils n’arrivent qu’en quatrièmeposition des groupes perçus comme victimes du racisme.

fascination, mépris et répulsion

Au-delà du rôle des institutions, au-delà également duphénomène d’auto-amplification entre a n t i ro m i s m ec o m m u n et a n t i romisme institutionnel permettant auxpréjugés de gagner en force de persuasion à chaque va-et-vient, pourquoi cette hostilité est-elle aussi larg e-ment répandue ? Rares sont les personnes qui connais-sent ou ont déjà eu affaire avec des Roms, pourtant toutle monde a sa propre idée, souvent négative, sur le su-jet. La responsabilité des médias serait à étudier de plusprès. Toutefois l’hostilité envers les Roms revêt certai-nement des caractères plus profonds.

L’ignorance est vectrice de toutes les peurs, de tous lespréjugés et de tous les fantasmes. C’est un truisme que

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20 – Jean-Paul Sartre, Réflexions sur la question juive ,Gallimard,1954, p.30.

la communication et de la sécurité» au maire de Ost-wald lorsqu’il adresse, le 30 août 2002, la lettre suivan-te à ses concitoyens :

Madame, Monsieur,Plusieurs des habitants des 15, 17 et 19 rue de XXX onteu le bon réflexe civique de me signaler lundi 23 août2002 au matin qu’un véhicule haut de gamme, type«gens du voyage» est venu repérer le champ en face devos immeubles.J’ai immédiatement fait benner de la terre au niveau del’accès possible à ce champ.Pour plus de protection, je vous suggère de garer vosvéhicules pendant quelques temps le long de la rue, cequi rendra l’accès quasi impossible au champ.Il faut, dans l’intérêt de tous, éviter à tout prix un cam-pement à cet endroit, car vous savez comme moi, quesi les gens du voyage viennent une première fois, ils re-viendront régulièrement.N’hésitez pas non plus à nous signaler des faits quevous pourriez observer, et dans cette attente, je vousadresse mes meilleures salutations.

Il n’est pas rare que les maires utilisent les pétitions oules manifestations d’habitants de leurs communes pourjustifier leurs décisions ou appuyer leurs demandesd’expulsion des «gens du voyage». Cela peut parfoisprendre des proportions inquiétantes. Une quarantainede maires lorrains ont ainsi menacé en août 2000 deboycotter le référendum sur le quinquennat si un ras-semblement évangéliste de 40000 «gens du voyage» àChambley devait être maintenu. 22

Cette re m a rque est valable pour « l ’ a n t i ro m i s te» àquelques nuances prés. Tout discours antirom impliqueune dépréciation, voire un mépris systématique, et parlà-même, un sentiment de supériorité de celui qui letient, mais, contrairement à l’antisémite, le but n’ e s tpas tant d’affirmer appartenir à une élite que de se sen-tir conforme à une norme sociale même si celle-ci n’estpas toujours très bien vécue. Le « Ils ne sont pas commen o us» implique une cohésion voire une solidarité du«nous» comme corps social. Parallèlement la saleté oule désordre imputés aux Roms rassurent sur ses propresconditions de vie. 21 La stigmatisation du plus pauvreou de celui considéré comme marginal réconforte quantà sa propre place dans l’échelle sociale.

L’hostilité envers les Roms est en ce sens un garant del’ordre social. On comprend aisément que les pouvoirspublics puissent s’appuyer dessus à l’occasion. L’antiro-misme a ceci de différent avec l’antisémitisme qu’il n’estpas, comme lui et comme l’écrivait Jean-Paul Sartre ,«une forme sournoise de ce que l’on nomme la lutte contreles pouvoirs ». Le pouvoir ne peut être suspect d’abriteren son sein des Gitans ou d’être influencé par eux (peude gens savent que Bill Clinton a des origines romanies),seulement peut-il parfois être accusé de laxisme. L’anti-romisme apparaît au contraire comme un moyen de co-hésion entre les administrés et les autorités locales oul’État qui, de tout temps, ont pris en charge la répres-sion des populations nomades. Un «ennemi commun »,rien de tel pour renforcer les liens entre un édile et sesadministrés. C’est ce qu’a compris l’adjoint «chargé de

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21 – Les qualificatifs de «noï » et de «caraque» utilisés dans le sudde la France pour désigner les Gitans le sont également pourparler des personnes mal habillées ou désordonnées.

22 – Katrin Tluczykont, «Malgré les protestations de maires de la région, les caravanes de Tsiganes convergent versChambley», Le Monde, 8 août 2000.

De telles prises de position de la part des autoritéscontribuent encore une fois à pérenniser les sentimentset les démonstrations antiroms, comme ce fut le cas enjuin 2002 dans la commune du Tre m b l a y- s u r- M a u l d relorsqu’une soixantaine de manifestants ont obligé unequarantaine de caravanes à quitter le stade de la com-mune, avant d’en bloquer l’accès par des tracteurs etdes voitures.

L’hostilité se nourrit aussi de la répétition de l’affirma-tion que les Roms ne travaillent pas, se payent desomptueuses voitures et ne payent aucune facture auxcollectivités. Rappelons tout de même que le stationne-ment dans les aires aménagées est payant, de manière àcouvrir les frais d’entretien et de fonctionnement dessites. Rappelons également qu’une berline et une cara-vane de luxe, que ne possèdent pas tous les «gens duvoyage», loin de là, avoisinent ensemble les 50 à 60000euros (entre 300 et 400000 francs), ce qui ne représen-te dans l’absolu qu’un très modeste appartement à Pa-ris. Il ne semble pas que l’on ait mobilisé les Groupesd’intervention régionaux pour vérifier les revenus et lesactivités de toutes les personnes ayant acquis un loge-ment de ce prix. Mais la présumée absence de con-traintes des «gens du voyage» les transforme aux yeuxde beaucoup en «parasites sociaux».

Ce rapide et non exhaustif, loin s’en faut, tour d’horizondes mécanismes et des manifestations de l’antiromismeest un préalable nécessaire à la compréhension de l’atti-tude des pouvoirs publics en France depuis le 19e siècle,que nous allons aborder maintenant.

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Détective, n° 384, 5 mars 1936.