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Université de Rouen UFR de Psychologie, Sociologie, Sciences de l’éducation Département des sciences de l’éducation Master 2 ème année sciences de l’éducation Mention professionnelle métiers de la formation Ingénierie et Conseil en Formation (ICF) Christine TROILLET GIRSZYN Année 2009 2010 N° Etudiant : 20910168 MEMOIRE Réforme de la formation professionnelle tout au long de la vie et professionnalisation des prestataires de conseil et de formation autonomes Mémoire soutenu en septembre 2010 Sous la direction de Madame Françoise FORCIOLI BARTOLI

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Université de Rouen UFR de Psychologie, Sociologie, Sciences de l’éducation Département des sciences de l’éducation Master 2ème année sciences de l’éducation Mention professionnelle métiers de la formation Ingénierie et Conseil en Formation (ICF)

Christine TROILLET GIRSZYN Année 2009 – 2010 N° Etudiant : 20910168

MEMOIRE

Réforme de la formation professionnelle tout au long de la

vie et professionnalisation des prestataires de conseil et de

formation autonomes

Mémoire soutenu en septembre 2010

Sous la direction de Madame Françoise FORCIOLI – BARTOLI

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REMERCIEMENTS

Merci tout d’abord à ma directrice de mémoire, Madame Françoise Forcioli - Bartoli pour la confiance

qu’elle m’a témoignée tout au long de ce travail, pour son extrême disponibilité, ses recommandations

alliant à la fois la guidance et la tolérance ainsi que pour ses encouragements qui m’ont soutenue dans

les périodes de doute.

Merci aussi à mon maître de stage, Monsieur Jean Jacques Machuret pour m’avoir permis de réaliser

une mission aussi enrichissante et structurante tant au plan professionnel que personnel.

Merci à tous ceux qui ont répondu à mes sollicitations et ont accepté de prendre le temps de répondre

à mes questions, d’échanger avec moi et d’aller souvent bien au-delà de ce que j’aurai pu espérer.

Merci enfin à Nicolas, mon mari, pour sa patience, son soutien sans faille et la qualité de nos

discussions qui ont tant contribuées à ce travail.

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SOMMAIRE

Introduction : éclairage sur le chemin qui nous a mené à conduire ce travail de recherche.6

I. PRESENTATION ET ANALYSE DU CONTEXTE……………………………………………………………………8 1. Du concept de « life long learning » européen à celui de « formation professionnelle

tout au long » de la vie français…………………………………………………………………………………………9 1.1 De l’Europe à la France : cheminement et modification d’un concept ……………………………….9 1.2 Une « traduction » française ciblée sur l’emploi……………………………………………………………… 10 1.3 Brève approche des causes du lien formation tout au long de la vie – emploi en France… 11

1.3.1 Le système de financement de la formation professionnelle …………………….11 1.3.2 La dimension socio-économique et politique de la formation tout au long

de la vie……………………………………………………………………………………………………….11

2. Rappel historique et point d’actualité sur la législation de la formation

professionnelle……………………………………………………………………..…………………………………………….13 2.1 Les années 1970-2000 : naissance d’une nouvelle branche du droit et d’un système de

construction des lois spécifique…………………………………………………………………………………………13 2.2 Les années 2000 – 2010 : une réforme en profondeur du système de formation

professionnelle ……………………………………………………………………..………………………………………….15 2.2.1 L’ANI du 20 septembre 2003 et la loi du 4 mai 2004 : premier acte de la

réforme……………………………………………………………………………………………………….15 2.2.2 Les points de critique du système……………………………………………………………… 16 2.2.3 Vers une nouvelle remise à plat du dispositif : les rapports fondateurs ……. 17 2.2.4 L’ANI du 7 janvier 2009 et la loi du 24 novembre 2009 : deuxième acte de la

réforme……………………………………………………………………..……………………………… 19 2.3 Le budget de la formation professionnelle tout au long de la vie …………………………………… 21 2.4 Le marché de la formation professionnelle tout au long de la vie…………………………………… 22

3. Prestataires de la formation professionnelle tout au long de la vie………………………….. 26 3.1 Formateurs-consultants: un kaléidoscope professionnel ? ………………………………..……………. 26

3.1.1 Formateur : un mot pour « N » métiers ? …………………………………………………..26 3.1.2 Quelle définition du terme « consultant » ? …………………………………………….. 28 3.1.3 Formateurs-consultants autonomes : quelles spécificités ?......................... 29 3.1.4 Un recensement difficile…………………………………..………………………………………. 33

3.2 Quels sont leurs clients et leurs offres ? …………………………………..…………………………………….. 34 3.3 Formateurs-consultants autonomes : la question de l’identité professionnelle………………. 37 3.4 Etat des lieux de la reconnaissance de leur activité………………………………………………………….39

3.4.1 Quid de leur formation ? …………………………………..……………………………………… 40 3.4.2 Normes et dispositifs de labellisation ou de certification appliqués dans le

champ de la formation professionnelle…………………………………………………….. 41 3.5 Les prestataires de formation et la qualité de l’offre : les grands absents de la réforme ? 44

3.5.1 Au fil des rapports : constats et propositions d’amélioration ……………………. 44 3.5.2 L’encadrement de l’activité des organismes et prestataires individuels de

formation : que dit la loi ? …………………………………..……………………………………..46 3.6 Situation des formateurs consultants face aux grandes orientations nationales…………….. 50

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II. LE TERRAIN ………………………………..………………………………..………………………………..…………………. 52

1. La structure d’accueil : l’Institut de Certification des Professionnels de la Formation et Prestataires de Service Intellectuel : ICPF & PSI……………………… 52 1.1 Historique de l’ICPF & PSI………………………………..………………………………..……………… 52

1.2 Activité………………………………..………………………………..…………………………………………. 53

1.3 Actualité………………………………..………………………………..……………………………………….. 53

2. La mission………………………………..………………………………..…………………………………………. 53 2.1 Cadre général de la mission………………………………..………………………………..…………… 54 2.2 Les apports opérationnels………………………………..……………………………………………….. 56

2.2.1 Les apports en lien avec les travaux de l’AFNOR…………………………….. 56 2.2.2 Les apports en lien avec les certifications ICPF&PSI……………………….. 59 2.2.3 Les apports en lien avec le développement du cursus de formation

Commercialisation des Activités de Consulting………………………………. 64 2.3 Les apports transversaux d’une démarche introspective……………………………………. 69

III. PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES………………………………..………………………………………………. 71

1. Synthèse des constats et émergence de la problématique……………………………. 71

1.1 Les constats relatifs à la réforme de la formation professionnelle et à la place des

dispensateurs de formation………………………………..…………………………………………… 71

1.2 Les constats en lien avec l’offre proposée par les formateurs consultants

indépendants………………………………..………………………………..………………………………. 72

1.3 Les constats en lien avec la reconnaissance de ce groupe professionnel…………. 73

1.4 Les constats en lien avec les regards portés sur l’activité et l’identité des

formateurs consultants indépendants………………………………..…………………………… 73

2. Hypothèses et méthodologie……………………………………………………………………………….. 75 2.1 Les hypothèses……………………………………………………………………………………………….. 75 2.2 Cadre méthodologique…………………………………………………………………………………… 76

2.2.1 Contraintes rencontrées………………………………………………………………… 76 2.2.2 Des entretiens semi directifs sur la notion professionnalisation et un

premier entretien-clé centré sur la problématique………………………… 76 2.2.3 Les personnes rencontrées : mise en place de l’échantillon…………… 77 2.2.4 Méthode d’analyse………………………………………………………………………… 77

IV. CADRE CONCEPTUEL………………………………………………………………………………………………………… 78

1. La professionnalisation………………………………………………………………………………………. 78

1.1 cadre conceptuel général…………………………………………………………………………………. 79 1.2 les enjeux sociaux de la professionnalisation……………………………………………………. 80 1.3 brève approche historique de la professionnalisation des formateurs d’adultes 82

2. L’identité professionnelle…………………………………………………………………………………… 85 2.1 La question de l’identité professionnelle en sociologie…………………………. 86 2.2 Dynamiques identitaires……………………………………………………………………….. 87 2.3 Quid des travaux sur l’identité professionnelle des métiers de la formation ? ………………………………………………………………………………………………….89 2.4 Formateurs Consultants et identité professionnelle……………………………… 91

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V. VERIFICATION DES HYPOTHESES……………………………………………………………………………………. 95

1. Présentation de l’enquête par entretiens………………………………………………………… 95 1.1 Présentation de l’échantillon……………………………………………………………….. 95 1.2 Présentation des questions………………………………………………………………….. 96 1.3 Et si c’était à refaire ? ………………………………………………………………………….. 97

2. Analyse des résultats et vérification des hypothèses…………………………………….. 97 2.1 Première Hypothèse…………………………………………………………………………….. 97 2.2 Seconde Hypothèse……………………………………………………………………………… 100

2.2.1 Enjeux de la professionnalisation des Formateurs Consultants Indépendants pour les pouvoirs publics………………………………………… 100

2.2.2 Définition et investissement de la notion de professionnalisation………………………………………………………………………. 103

2.2.3 Enjeux croisés de la professionnalisation……………………………… 107

Conclusion……………………………………………………………………………………………………………………………………...117 Bibliographie et sitographie………………………………………………………………………………………………………. 120 Annexes………………………………………………………………………………………………………………………………………… 127

1- Introduction du rapport d’information du Sénat N° 365, sur le fonctionnement des dispositifs

de formation professionnelle par Monsieur Bernard SEILLIER Sénateur

2- Chronologie des lois sur la formation professionnelle tout au long de la vie

3- Propositions du rapport d’information de la mission sur la formation tout au long de la vie

présenté par MME FRANÇOISE GUÉGOT, Députée.

4- Les 10 propositions du rapport sur la qualité de l’offre et de l’achat de formation 5- Présentation de 5 profils de formateurs consultants autonomes

6- Articles 6311-1 et 6313-1 du code du travail

7- Tableau récapitulatif de la Formation des Enseignants et des Formateurs en France

8- Fiche récapitulative certification ICPF & PSI

9- Compte rendu réunion du groupe de réflexion programme de normalisation services de

formation AFNOR 12 mars 2010

10- Contribution de l'ICPF & PSI : Proposer un nouveau projet de norme sur la chaine de réalisation d'une action de formation

11- Programme premières assises des formateurs consultants indépendants FCF / SICFOR

12- Programme journée de formation gratuite ICPF & PSI – Pôle Universitaire Léonard de Vinci

13- Calendrier des activités 2010 de la CSFC IDF et le programme du parcours de

professionnalisation de la CSFC IDF

14- Charte déontologique et qualité professionnelle du formateur consultant

15- Discours d’introduction de Lionel Soubeyran président du SICFOR lors des premières assises

des Formateurs Consultant de juin 2010

16- Article Centre Inffo juin 2010 Quelle perception du Consultant-formateur indépendant par les

entreprises ?

17- Restitution du grand témoin lors des premières assises des formateurs consultants

indépendants Philippe Gravé

18- Plaquette de présentation cursus de formation Commercialisation des Activités de Consulting

Pôle Universitaire Léonard de Vinci

19- Entretiens formateurs consultants indépendants / clients / syndicats : tableau thématique

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Introduction : éclairage sur le chemin qui nous a mené à conduire ce travail de recherche.

Pourquoi s’intéresser à la formation professionnelle à travers la réforme de la formation

professionnelle tout au long de la vie ?

La formation professionnelle peut être abordée via de multiples entrées : historique, sociologique,

pédagogique, psychologique … Nous avons choisi de l’aborder via la réforme de la formation

professionnelle tout au long de la vie en France car cet angle d’approche permet d’embrasser

concrètement toutes les dimensions et grands thèmes de la formation. De la place des apprenants et

des formateurs dans le système de la formation professionnelle jusqu’à l’organisation des systèmes de

financement, c’est l’ensemble de la formation professionnelle qui est mis en mouvement par cette

réforme.

L’ évolution de la notion de formation professionnelle se lit à travers les modifications du langage qui

la qualifie. L’appellation « formation professionnelle continue » a laissé la place à celle de « formation

professionnelle tout au long de la vie » depuis de nombreuses années. Ces termes recouvrent des

changements bien plus importants et profonds qu’un glissement sémantique ou que l’adoption d’une

formule « à la mode ».

A travers les différents textes de lois, décrets et mesures qui la portent, la réforme de la formation

tout au long de la vie s’attache à redéfinir profondément la place de la formation professionnelle dans

notre société notamment via le concept de « life long learning » qui irrigue depuis une quinzaine

d’années le champ social et sociétal national et européen et, par là même, toutes les dimensions de la

formation. En dépit d’une traduction française fort restrictive de ce concept européen : « formation

professionnelle tout au long de la vie » alors qu’« apprentissage tout au long de la vie » eut été une

traduction plus fidèle tant dans les mots que dans l’esprit, il est indéniable que la France s’inscrit dans

le mouvement de construction d’une économie de la connaissance qui ne peut qu’avoir des

conséquences importantes pour l’ensemble des acteurs du système de formation professionnelle.

Au delà de l’importance évidente que revêt toute réforme touchant un champ professionnel pour les

personnes qui y travaillent, il nous a semblé qu’un des premiers attraits de l’étude de la réforme de la

formation professionnelle tout au long de la vie est l’évolution de la place, de la structure et des

enjeux de la formation professionnelle qui s’opère actuellement. Les angles d’approches possibles

sont extrêmement nombreux et vastes, il nous a donc fallu en choisir un dont l’exploration était

possible dans le cadre de ce travail de recherche et pertinente au regard de notre activité actuelle et

future.

Pourquoi aborder cette réforme via les enjeux individuels pour les prestataires de conseil et

formation autonomes ?

Compte tenu de notre appartenance à ce groupe professionnel, il était naturel que nous nous

penchions sur l’incidence de la réforme en cours sur nos conditions d’exercice – ne serait-ce qu’à titre

personnel.

L’abord de la réforme via les enjeux individuels pour les prestataires de conseil et de formation

autonomes est également en lien avec notre mission de stage au sein de l’ICPF PSI (Institut de

Certification des Professionnels de la Formation et des Prestataires de Service Intellectuel) dans le

cadre de laquelle nous fûmes chargée de contribuer à l’élaboration et à la mise en œuvre de parcours

de certification des formateurs consultants autonomes (certification sur dossier, parcours de

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formation certifiants, formations à la certification) et de contribuer au groupe de réflexion puis de

travail AFNOR sur la normalisation de la formation professionnelle.

L’esprit de cette réforme ainsi que celui des courants sociaux, politiques et économiques qui la

portent vont s’exercer doublement sur ces prestataires du fait même de leur double position : à la fois

dispensateurs et destinataires de formation. Cette double posture est confrontée à une réforme qui

modifie les fondements de notre activité.

La réforme de la formation professionnelle tout au long de la vie en France et ses enjeux pour les

formateurs consultants autonomes constituent donc le cadre général du travail de recherche ici

présenté.

Quels sont les aspects personnels, intellectuels et professionnels qui ont présidé au choix de l’angle

d’approche conceptuel ?

Ce cadre de travail fait émerger de nombreuses questions relatives à la population ciblée :

- Cette réforme va-t-elle infléchir les parcours individuels de ces prestataires dans la construction de leur professionnalité ?

- Qu’adviendra-t-il de ceux dont les compétences sont issues d’apprentissages biographiques et en situation professionnelle ?

- Les courants porteurs de cette réforme vont-ils influencer, réformer leurs pratiques pédagogiques ?

- Leurs offres correspondent-elles à ce qui est attendu –et accepté- dans le champ de la formation professionnelle en France ?

- Quels en sont les enjeux par rapport à la pérennité de leur activité ? - Leur mode d’exercice est-il compatible avec une reconnaissance de la part des pouvoirs

publics ? - Quid de leur statut : profession ? métier ? fonction ? Comment sont-ils identifiés et que

peuvent-ils revendiquer dans ce contexte de réforme ?

Ces questionnements peuvent ouvrir des pistes conceptuelles multiples entre lesquelles il nous fut

bien difficile de trancher tant elles nous semblaient intellectuellement toutes fort intéressantes à

explorer : les apprentissages biographiques, la construction des compétences par les apprentissages

expérientiels, la professionnalité, la démarche qualité appliquée à la formation professionnelle, la

professionnalisation d’une activité et des individus qui l’exercent...

Notre propre chemin de professionnalisation d’une activité menée depuis près de dix ans mais

récemment orientée vers un mode d’exercice libéral, la teneur de la mission qui nous a été confiée

dans le cadre du stage de ce Master et le fait que l’ensemble de ces questionnements et champs

conceptuels semblaient converger ou du moins recouper la question centrale – et controversée- de la

professionnalisation des agents de la formation professionnelle nous ont amené à diriger nos

investigations vers la professionnalisation des individus. Au cours du travail de recherche, un

deuxième concept nous est apparu comme indissociable de la professionnalisation dans ce contexte

d’une réforme susceptible de bouleverser le positionnement professionnel et personnel des

formateurs : la question de l’identité professionnelle. Ces deux concepts si intimement liés seront donc

explorés dans ce mémoire.

C’est ce cheminement qui nous a amené à mettre en perspective la réforme de la formation

professionnelle tout au long de la vie et la professionnalisation des formateurs consultants

autonomes dans le cadre de ce travail de recherche.

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I. PRESENTATION ET ANALYSE DU CONTEXTE Nous avons choisi de présenter le contexte en trois grands points imbriqués pouvant être ainsi schématisés :

1. Du concept de « life long learning » européen à celui de « formation professionnelle tout au long de la vie » français

Le concept de « Life long learning » apparaît dès 1995 suite au livre blanc « Enseigner et apprendre,

vers la société cognitive ». L’année 1996 est proclamée « année européenne de l’éducation et de la

formation tout au long de la vie » par Edith Cresson alors membre de la commission chargée de la

recherche, de l’éducation, de la formation et de la jeunesse.

Quatre objectifs sont alors fixés à ce projet :

- Aider à construire la citoyenneté européenne

- Renforcer la compétitivité européenne et préserver l’emploi

- Maintenir la cohésion sociale par l’éducation et la formation

- Utiliser pleinement les possibilités offertes par les technologies de l’information et permettre à

tous d’affronter au mieux la « société de la connaissance » qui est en train de se mettre en

place à cette époque. 1

Il nous semble intéressant de nous arrêter quelque peu sur le cheminement de ce concept dans le

temps et dans les différents pays de la Communauté Européenne qui l’a vu naître car l’acception et la

mise en œuvre de ce concept en France sont à mettre en parallèle avec le positionnement

professionnel de la population étudiée et des offres qu’elle propose. La question de leur

reconnaissance et de leur statut dans le cadre de la réforme se posera alors en termes d’adéquation,

de conformité –ou de non-conformité- avec les orientations et exigences nationales.

1 LAOT F. et LESCURE E., dir.Pour une histoire de la formation, l’Harmattan, 2008 2 Mémorandum sur l'éducation et la formation tout au long de la vie, Commission des Communautés Européennes, Bruxelles, 30.10.2000

La formation tout au long de la vie :

du concept européen à l’acception

française

Histoire et actualité de la

formation professionnelle tout au

long de la vie en France

Les acteurs de la formation

professionnelle tout au long de la

vie : regard sur les formateurs

consultants autonomes

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1.1 De l’Europe à la France : cheminement et modification d’un concept

Le postulat fondateur du « life long learning » posé dès 1995 était repris en mars 2000 dans les

conclusions du Conseil Européen de Lisbonne en ces termes : « l'évolution vers l'éducation et la

formation tout au long de la vie doit accompagner une transition réussie vers une économie et une

société fondées sur la connaissance.» 2

Les états membres étaient alors appelés à adapter les systèmes d'éducation et de formation afin de

définir des stratégies cohérentes et des mesures pratiques permettant de rendre l’éducation et la

formation tout au long de la vie accessibles à tous, un débat portant sur la stratégie globale à mettre

en œuvre à l'échelon européen était initié suite au mémorandum sur l'éducation et la formation tout

au long de la vie.

Dans cette mouvance, l'éducation et la formation tout au long de la vie est définie comme "toute

activité d'apprentissage entreprise à tout moment de la vie, dans le but d'améliorer les connaissances,

les qualifications et les compétences, dans une perspective personnelle, civique, sociale et/ou liée à

l'emploi ."3

Le concept d'éducation et de formation tout au long de la vie englobe donc tous les types et toutes les

phases d'apprentissage, du préscolaire à l'après-retraite et vise ainsi les quatre objectifs généraux

suivants : l'épanouissement personnel, la citoyenneté active, l'inclusion sociale, la capacité d'insertion

professionnelle/l'adaptabilité.

Ce concept et les prescriptions de la Commission Européenne irriguent le champ de la formation de

l’ensemble des états membres depuis maintenant plus de quinze ans mais il n’a pas été traduit ou mis

en œuvre de la même façon dans tous les pays.

Dans les pays du nord de l’Europe ou l’Allemagne, l’Autriche et le Luxembourg, l’offre de formation

tout au long de la vie intègre clairement une préoccupation de développement personnel, même si

l’objectif de lutte contre le chômage y est, comme dans tous les pays, une priorité.4

En France, s’il est certes mentionné dans le code du travail que “les actions d'acquisition, d'entretien

ou de perfectionnement des connaissances ont pour objet d'offrir aux travailleurs les moyens d'accéder

à la culture, de maintenir ou de parfaire leur qualification et leur niveau culturel ainsi que d'assumer

des responsabilités accrues dans la vie associative”5, les actions de formation qui entrent dans le

champ d'application des dispositions relatives à la formation professionnelle tout au long de la vie ne

mentionnent aucune formation de développement personnel ou culturel hormis la lutte contre

l’illettrisme et l'apprentissage de la langue française. Elles ne concernent ouvertement que les

travailleurs effectifs ou potentiels (demandeurs d’emploi), excluant ainsi du système mis en place les

non actifs.

La mise en œuvre française du concept de « life long learning » est donc clairement à distancer de

l’esprit originel européen.

2 Mémorandum sur l'éducation et la formation tout au long de la vie, Commission des Communautés Européennes, Bruxelles, 30.10.2000 3 Idem 2 4 LE DOUARON P., La formation tout au long de la vie. Promotion René Cassin, Revue française d’administration publique 2002/4, n°104 5 Code du travail - 6epartie La formation professionnelle tout au long de la vie Livre III (art. L) - La formation professionnelle continue Art. L. 6313-7.

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1.2 Une « traduction » française ciblée sur l’emploi

Que l’on se penche sur l’application française du concept européen « life long learning » à travers la

lecture des textes de loi, des déclarations des parlementaires ou des partenaires sociaux ou encore via

les rapports fondateurs de la réforme française, il est aisé de constater que les dispositifs et les efforts

de financement français sont centrés sur la notion de formation professionnelle et intimement liés à

l’emploi. Ce lien formation-emploi est clairement lisible dans la traduction proposée : « formation

professionnelle tout au long de la vie », il s’exprime également par le fait que les lois relatives à la

formation continue sont inscrites dans le code du travail.

Il s’agit donc bien d’une question qui est pensée principalement dans le cadre de la relation employeur

salarié et relative au marché du travail.6

En France, la formation tout au long de la vie est ainsi principalement centrée sur l'insertion ou la

réinsertion professionnelle, le maintien dans l'emploi, le développement des compétences et des

qualifications professionnelles. Bien que la contribution au développement économique et culturel et

à la promotion sociale des travailleurs soit évoquée dans l’article L. 6311-1 relatif aux objets de la

formation professionnelle continue, les treize catégories d’actions de formation entrant dans le champ

d’application des dispositions relatives à la formation professionnelle continues posent sans équivoque

l’orientation du dispositif :

1° Les actions de préformation et de préparation à la vie professionnelle ; 2° Les actions d'adaptation et de développement des compétences des salariés ; 3° Les actions de promotion professionnelle ; 4° Les actions de prévention ; 5° Les actions de conversion ; 6° Les actions d'acquisition, d'entretien ou de perfectionnement des connaissances ; 7° Les actions de formation continue relative à la radioprotection des personnes ; 8° Les actions de formation relatives à l’économie et à la gestion de l’entreprise ; 9° Les actions de formation relatives à l’intéressement, à la participation et aux dispositifs d’épargne salariale et d’actionnariat salarié ; 10° Les actions permettant de réaliser un bilan de compétences ; 11° Les actions permettant aux travailleurs de faire valider les acquis de leur expérience ; 12° Les actions d'accompagnement, d'information et de conseil dispensées aux créateurs ou repreneurs d'entreprises artisanales, commerciales ou libérales, exerçant ou non une activité ; 13° Les actions de lutte contre l'illettrisme et l'apprentissage de la langue française.7 La formation professionnelle tout au long de la vie telle qu’elle est mise en place en France est ainsi à

distancier de la notion de « life long learning » européenne qui englobait «toute activité

d'apprentissage entreprise à tout moment de la vie, dans le but d'améliorer les connaissances, les

qualifications et les compétences, dans une perspective personnelle, civique, sociale et/ou liée à

l'emploi 8 ». Les orientations choisies relèvent précisément des réserves émises par la commission

européenne « concernant l'accent trop important mis dans la définition sur l'emploi et le marché du

travail ». 9

6 CHATEL E., Cours Economie et formation Master 2 Pro ICF Université de ROUEN 2010 7 Code du travail - 6e partie- La formation professionnelle tout au long de la vie - Art. L. 6313-1. 8 Mémorandum sur l'éducation et la formation tout au long de la vie, Commission des Communautés Européennes, Bruxelles, 30.10.2000 9 Commission des communautés européennes Bruxelles, le 21.11.2001 COM(2001) 678 final Réaliser un espace européen de l'éducation et de formation tout au long de la vie p 10 -11

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1.3 Brève approche des causes du lien formation tout au long de la vie – emploi en France

Les fondements du lien qui unit le concept de formation tout au long de la vie à l’emploi dans notre

pays sont multiples et leur analyse ne sera pas développée ici. Cependant, il nous a paru utile de les

explorer, ne serait-ce que brièvement en tant qu’éléments de compréhension du contexte général.

1.3.1 Le système de financement de la formation professionnelle

En France, le financement de la formation professionnelle continue est fixé par la loi. Les principaux

financeurs en sont l’état et les régions (en budgets propres et via le Fonds Social Européen – FSE), et

les entreprises. Le financement par les entreprises repose sur une obligation légale.

Toute entreprise, quelle que soit sa taille, doit participer au financement de la formation

professionnelle des salariés (dans le cadre de l’alternance, du plan de formation, des contrats et

périodes de professionnalisation, du droit individuel à la formation et du congé individuel de

formation). Pour ce faire, elle doit verser une contribution à l’Organisme Paritaire Collecteur Agréé

(OPCA) dont elle dépend.

L’intérêt porté à l’employabilité des individus et à la compétitivité économique (à des échelles et pour

des raisons différentes) par ces trois acteurs est une des explications du lien formation tout au long de

la vie – emploi en France. Ce n’est cependant pas la seule cause.

1.3.2 La dimension socio-économique et politique de la formation

professionnelle tout au long de la vie

Le fait que la formation professionnelle tout au long de la vie est perçue comme un élément décisif de

compétitivité et de développement de l’emploi dans un contexte de crise économique constitue un

autre élément de réponse déterminant.

Cette vision du rôle de la formation tout au long de la vie se traduit dans les rapports et discours émis

à son sujet : « Pour atteindre le plein-emploi d’ici à 2012, il faut évidemment mener une politique

ambitieuse de stimulation de la croissance et de la création d’emplois. Mais parallèlement à cela, il est

indispensable de moderniser les outils de notre politique de l’emploi pour répondre aux nouveaux défis.

Composante essentielle de la modernisation du marché du travail engagée depuis un an, la réforme de

notre système de formation professionnelle est donc une priorité pour le Gouvernement. » 10

Le 3 mars 2009, Monsieur le Président de la République concluait ainsi son discours sur la formation

professionnelle : « Tous les acteurs de la formation professionnelle doivent monter au front. L'Etat, les

partenaires sociaux et les régions. Face à la crise, il y a deux comportements possibles : rester dans son

pré carré en espérant que cela passera tout seul ou, au contraire, travailler ensemble pour apporter des

solutions concrètes à nos concitoyens qui sont les plus touchés et réformer en profondeur pour en finir

avec nos handicaps. C'est cette voie que nous avons choisie. C'est la plus difficile. Celle qui heurte tous

les conservatismes. Mais c'est la seule qui nous fera progresser et donc la seule qui vaille la peine.» 11

10Document d’orientation réforme de la formation professionnelle du 24 07 2008 11 Discours de Monsieur le Président de la République sur la réforme de la formation professionnelle à Alixan (Drôme) - 3 mars 2009

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12

Il est intéressant de noter le ton de ce discours qui sonne littéralement comme un appel à la

mobilisation générale ainsi que le positionnement de la formation professionnelle en tant que réponse

à la situation sociale et économique.

L es objectifs de la formation professionnelle tout au long de la vie sont donc essentiellement

économiques et sociaux : l’insertion, la compétitivité, l’employabilité et l’adaptabilité des forces de

travail. L’investissement en formation professionnelle (perçu depuis déjà plusieurs années, comme un

impératif pour construire la compétitivité des nations ) est désormais énoncé comme une priorité

nationale et une urgence absolue dans le cadre d’une politique de développement de l’emploi.

Le concept de formation tout au long de la vie peut donc révéler des objectifs socio-économiques

centrés sur le développement de l’individu au travail, c’est le cas de son acception française, ou plus

historiquement humanistes et centrés sur le développement global de l’individu ainsi qu’on peut le

voir dans le concept du “life long learning” européen.

Ces différents objectifs traduisent des lectures distinctes du rôle de la formation tout au long de la vie

qui sont à garder en mémoire dans l’étude du positionnement professionnel des formateurs

consultants autonomes pour l’éclairage qu’elles apportent sur la vision qu’ont ces professionnels de

leur activité et l’opportunité d’en construire –ou non- la professionnalisation.

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13

2. Rappel historique et point d’actualité sur la législation de la formation professionnelle

Une réforme est « une correction, un changement profond, une transformation, par des moyens

conformes aux règles existantes, de quelque chose en vue de le réorganiser, d'améliorer son

fonctionnement, ses résultats ».12

On peut considérer que la réforme de la formation professionnelle

tout au long de la vie a été amorcée en France dès le début des années 2000, elle est depuis portée

par différentes lois, décrets et circulaires que nous ne détaillerons pas longuement ici mais dont nous

donnerons un aperçu afin de poser le contexte dans son cadre législatif.

2.1 Les années 1970-2000 : naissance d’une nouvelle branche du droit et d’un système de construction des lois spécifique

Les entretiens de Grenelle en 1968, l’Accord National Interprofessionnel (ANI) du 9 juillet 1970 et la loi

du 16 juillet 1971 instaurent les fondements de « la formation professionnelle permanente ». À partir

de cette date, la formation professionnelle continue constitue « une obligation nationale » faisant

partie des garanties sociales, comme l’assurance maladie ou la retraite complémentaire13. Elle est

décrite par des lois qui régissent les principes de la formation professionnelle.

C’est donc une branche du droit récente dont les textes sont fondés sur le dialogue entre les

partenaires sociaux et les acteurs politiques. Cette particularité française de construction des lois sur la

formation à travers la dialectique «accords –lois » souligne le consensus entre tous les acteurs et

partenaires du système législatif français autour du caractère prioritaire de l’orientation

professionnelle de la formation tout au long de la vie. Ce système peut être ainsi schématisé :

Projet de loi

Circuit législatif (assemblée nationale – sénat → navette parlementaire) +/- procédure d’urgence

Texte de loi

Parution au Journal Officiel - JO

Rapports – missions d’étude spécialistes et parlementaires

Accords Nationaux Interprofessionnels ANI

Décrets d’application

Application Parution au Journal Officiel - JO

14

12 Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales - portail de ressources linguistiques informatisées et d’outils de traitement de la langue du CNRS 13 Cours Master 2 Pro ICF Université de Rouen droit de la formation professionnelle Monsieur Pierre LE DOUARON 2010 14 Schéma : document de travail C.TROILLET GIRSZYN

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14

L’objectif des lois de la période 1970 – 2000 portait essentiellement sur la volonté de structurer le

système, de mettre en place des dispositifs de formation adaptés ainsi qu’un mode de financement

efficace.

Chronologie des lois sur la formation professionnelle en France 1970 – 2000 tableau 1 15

- Loi du 16 juillet 1971. Cette loi, reprenant en les élargissant les dispositions de l’accord national

interprofessionnel du 9 juillet 1970 sur la formation et le perfectionnement professionnel contient les principes de base sur lesquels le droit de la formation est fondé.

- Loi du 31 décembre 1975. Contrôle du financement des actions de formation professionnelle continue. - Loi du 17 juillet 1978. Cette loi introduit une distinction fondamentale entre les formations à l’initiative

du salarié dans le cadre du congé individuel de formation (CIF) et celles qui dépendent de l’employeur dans le cadre du plan de formation.

- Ordonnance du 26 mars 1982. Elle met en place le dispositif d’information et d’orientation des jeunes

de 16-18 ans. - Loi du 7 janvier 1983.Cette loi organise la répartition des compétences entre l’État et les régions en

matière de formation. - Loi du 24 janvier 1984. Elle réforme l’ensemble du dispositif dans l’esprit de la loi de 1971 en créant un

système de financement spécifique du CIF, en faisant de la formation un objet de négociation obligatoire au niveau des branches professionnelles. Création des contrats d’insertion en alternance.

- Loi du 4 juillet 1990. Crédit - formation, qualité et contrôle de la formation professionnelle continue.

Elle renforce le contrôle des organismes de formation. - Loi du 12 juillet 1990. Contrats précaires. Cette loi organise l’accès au CIF pour les personnes qui ont

été titulaires d’un contrat à durée déterminée. -Loi du 31 décembre 1991. Formation professionnelle et emploi. Elle étend l’obligation de financement

de la formation aux entreprises de moins de 10 salariés. Elle crée le bilan de compétences pour les salariés, et la mesure de co-investissement.

- Loi quinquennale du 20 décembre 1993. Restructuration des organismes collecteurs de l’argent des

entreprises, création du capital temps formation. - Loi du 19 janvier 2000 sur la réduction du temps de travail. Cette loi donne une nouvelle orientation au

co-investissement en l’assouplissant.

Une réflexion lancée dès 1998 établit un bilan négatif des lois de 1971, dénonçant, entre autres, la

faible lisibilité du système. Cette réflexion amènera à le repenser tant dans ses objectifs que dans sa

philosophie et aboutira à l’ANI du 20 septembre 2003 et à la loi du 4 mai 2004.

15 D’après TARBY A., Cours Master 2 Pro ICF Université de ROUEN Droit de la formation professionnelle continue

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15

2.2 Les années 2000 – 2010 : une réforme en profondeur du système de formation professionnelle

Les années 2000 marquent un tournant dans l’histoire de la formation professionnelle qui s’illustre par

la place, les missions et les objectifs qui lui sont dès lors dévolus et qui marquent le début de la

réforme encore en cours aujourd’hui.

Les termes de « formation professionnelle tout au long de la vie » commencent à remplacer

l’appellation « formation continue » ou « formation professionnelle » à compter des années 2000.

L’attention portée à l’individualisation de la formation se lit à travers des textes de loi, des dispositifs

et des mesures centrés sur l’individu et tendant à le responsabiliser dans la construction de son

parcours de formation professionnelle tout au long de la vie (cf. annexe 2)

On parle dès lors d’individu « acteur » de son parcours de formation (le mot « acteur » devant ici être

compris en terme d’individu « porteur de la mise en action » et non « jouant un rôle écrit par un

auteur »). L’idée que la compétence des individus est à construire tout au long de leur vie, par tous les

modes d’apprentissages possibles s’illustre par la création de la Validation des Acquis de l’Expérience

dans le cadre de la loi du 17 janvier 2002 mais plus encore par la loi du 4 mai 2004.

2.2.1 L’ANI du 20 septembre 2003 et la loi du 4 mai 2004 : premier

acte de la réforme

Les objectifs socio-économiques actuellement assignés à la formation professionnelle tout au long de

la vie sont présents dès l’ANI du 20 septembre 2003 : « Dans une économie de plus en plus ouverte sur

le monde, les entreprises sont confrontées en permanence à la nécessité d’une adaptation maîtrisée à

leur environnement. Le renouvellement accéléré des techniques de production et de distribution des

biens et des services sollicite toujours davantage l’initiative et la compétence de chacun des salariés ;

leurs aspirations à une meilleure maîtrise de leur évolution professionnelle nécessitent de renouveler

les objectifs et les moyens de la formation professionnelle continue. De plus, l’évolution démographique

de la France va se traduire, dans les vingt prochaines années, par le ralentissement du renouvellement

des générations et donc par un déficit global de qualifications et de compétences.

Pour ces raisons, il est essentiel que les partenaires sociaux, par un dialogue social renforcé, créent les

conditions d’une nouvelle mobilisation en faveur de la formation tout au long de la vie professionnelle

afin de permettre aux entreprises et aux salariés de faire face aux défis à venir. »16

La loi du 4 mai 2004 reprend les propositions de l’ANI du 20 septembre 2003 et apporte de

nombreuses innovations au système de formation professionnelle dont :

- La création du Droit individuel à la formation (DIF) : le salarié est acteur de sa formation : il est

à l’origine de la demande de formation qui doit s’inscrire dans une démarche de promotion,

d’acquisition de connaissances ou conduire à une certification ou un diplôme.

- La création du contrat et de la période de professionnalisation pour les jeunes de moins de 26

ans (en particulier sans qualification) et les demandeurs d’emploi adultes dans le but d’accéder

à une qualification validée. Une « période de professionnalisation » est également créée.

16 ANI du 20 septembre relatif à l’accès des salariés à la formation tout au long de la vie professionnelle p 1

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16

- La création du passeport formation : propriété du salarié, il lui permet de conserver en

mémoire les formations et les acquis professionnels engrangés tout au long de sa carrière.

- L’évolution du plan de formation (actions d’adaptation au temps de travail, formations liées à

l’évolution des emplois, formations liées au développement des compétences)

- L’évolution du financement de la formation via l’ajustement des contributions des entreprises

au financement de la formation 17

2.2.2 Les points de critique du système

Si elle apporte de grands changements dans l’organisation de la formation professionnelle, la loi du 4

mai 2004 est rapidement remise en cause : il faut aller plus loin dans la réforme du système si l’on veut

que la formation professionnelle atteigne ses objectifs socio-économiques.

- En 2006, P. Cahuc et A. Zylberberg qualifient le système d’« inéquitable » et d’« inefficace », et

soulignent qu’il« bénéficie aux salariés les mieux formés » et « offre peu de véritable

perspective de promotion sociale»18

- En 2007, le rapport Carle-Sellier au nom de la mission commune d’information sur le

fonctionnement des dispositifs de formation professionnelle (cf. annexe 1), dresse un tableau

pessimiste de ce système dont il dénonce trois maux : la complexité, les cloisonnements et les

corporatismes. Trois mots repères sont proposés en réponse : la personne, les partenariats, la

proximité. « La personne doit être désormais au centre de la politique de formation

professionnelle afin de donner un sens concret et un contenu effectif au concept fuyant de

formation tout au long de la vie » 19. Redonner à la formation professionnelle sa mission de

promotion professionnelle et sociale telle qu’en l’idée initiale de la loi Delors du 16 juillet 1971

est devenu un impératif face aux résultats de la politique de formation nationale et aux défis

économiques et sociaux actuels.

- En janvier 2008, la Commission Attali dénonce la complexité de la gouvernance d’un système

de formation professionnelle qui «bénéficie essentiellement aux salariés les mieux formés ».

- En février 2008, le Conseil national de la formation tout au long de la vie (CNFPTLV) relève

l’absence de définition des conditions d’existence du parcours professionnel, et insiste sur la

nécessité de mettre en place la sécurisation des parcours professionnels.

- En mars 2008, l’Inspection Générale des Affaires Sociales (Igas) constate que « l'accès à la

formation professionnelle reste très inégalitaire en fonction de divers facteurs dont la taille de

l'entreprise » et ce, en défaveur des petites et très petites entreprises et souligne l’inégalité

d’accès individuel à l’information sur la formation et le rôle que les OPCA peuvent être amenés

à remplir dans le cadre de la promotion de la qualité des formations. « les OPCA sont tout à

fait légitimes à aider les entreprises et à s’investir pour cela dans l’évaluation de la qualité des

formations dispensées par les organismes de formation. Il n’est pas anormal, bien au contraire,

que le « payeur » dispose des moyens de s’assurer de la bonne utilisation des fonds qu’il gère. A

cet égard, la pratique de l’évaluation revêt une dimension cruciale : elle devrait prendre en

compte l’ensemble des résultats obtenus au regard des objectifs de la formation (maîtrise de la

17 D’après le document de synthèse réforme de la formation professionnelle Centre de ressources documentaires – Carif-Oref des Pays de la Loire – novembre 2009 18 La formation professionnelle des adultes : un système à la dérive Pierre Cahuc et André Zylberberg 10 juillet 2006 - étude réalisée à la demande du Centre d’Observation Economique de la CCIP 19 Note de synthèse du rapport d’information du Sénat N° 365, sur le fonctionnement des dispositifs de formation professionnelle par Monsieur Bernard SEILLIER Sénateur

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17

technicité, certifications obtenues, évolution dans l’emploi, certification de l’organisme de

formation, niveau d’équipement, expérience professionnelle des formateurs…).» 20

Les rapports émis dans le cadre du bilan de la loi du 4 mai 2004 dénoncent à l’unisson un système

coûteux, peu performant, mal adapté et insuffisamment centré sur les personnes qui en ont le

plus besoin. Tous appellent la refonte rapide du système qui sera concrétisée par l’ANI de janvier

2009 et la loi du 24 novembre 2009.

2.2.3 Les rapports fondateurs

Le groupe de travail multipartite «rapport Ferracci »21 :

Le premier trimestre de l’année2008 constitue le départ effectif d'une nouvelle remise à plat du

dispositif. Ce « deuxième acte de la réforme » est inauguré par la constitution, en mars 2008, d’un

groupe de travail multipartite sur la formation professionnelle associant l’État, les partenaires

sociaux représentatifs (employeurs et salariés) et des représentants des Régions ; présidé par

Pierre Ferracci, ce groupe de travail avait pour objectif de :

- faire émerger un point de vue collectif sur « les principes qui doivent guider une réforme de la

formation professionnelle, les attentes de décisions qui lui sont nécessaires et les enjeux de

négociation assortis » en amont des enjeux de négociation et des clarifications des périmètres

d’intervention des acteurs.

- réaffirmer les objectifs de la formation professionnelle, examiner les conditions d’une bonne

gouvernance du système, tirer profit des résultats des derniers travaux disponibles (en

particulier les bilans récents de la mise en œuvre de l’ANI de 2003)

- établir des objectifs opérationnels et les critères d’évaluation correspondants, etc.

Huit axes principaux de réforme sont identifiés dans le rapport transmis au gouvernement :

1. la clarification des compétences entre acteurs

2. les conditions de réalisation d’un « droit à la formation différée »

3. la sécurisation des parcours professionnels

4. un vecteur de la sécurisation : l’évolution du CIF et du DIF

5. les modalités du financement de la formation professionnelle

6. l’évolution du métier des OPCA et de leur gouvernance

7. l’accroissement des capacités d’anticipation, de transparence et d’évaluation du système

8. l'amélioration de la qualité de l'offre de formation

20 IGAS Évaluation du service rendu par les organismes collecteurs agréés (OPCA, OPACIF et FAF) mars 2008 21 Groupe Multipartite sur la Formation Professionnelle présidé par Monsieur Pierre FERRACCI, Synthèse des travaux, 10 juillet 2008

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18

À partir de ce rapport, quatre axes sur lesquels la négociation interprofessionnelle pourra s’engager

sont proposés par le gouvernement aux partenaires sociaux le 23 juillet 2008 :

- Améliorer le lien entre formation et emploi.

- Construire un système plus juste permettant de réduire les inégalités d'accès à la formation au

profit des salariés des petites et moyennes entreprises, des salariés peu qualifiés et des jeunes

sortis sans qualification du système scolaire.

- Rendre le système de la formation professionnelle plus efficace par une amélioration de la qualité

des formations et une meilleure coordination des acteurs.

- Rendre l'individu acteur de son parcours professionnel.

Une lettre de cadrage est remise aux partenaires sociaux le 25 juillet 2008. Les négociations

interprofessionnelles débutent le 30 septembre 2008.

La mission d’information sur la formation tout au long de la vie de l’Assemblée Nationale « rapport Guegot» 22:

La commission des Affaires Culturelles Familiales et Sociales est également missionnée sur la

formation tout au long de la vie et remet un rapport présenté par Françoise Guegot le 4 décembre

2008 afin d’apporter une réflexion complémentaire dans la perspective d’une réforme. Ce groupe de

travail avait pour objectif d’explorer les principaux blocages du système français de formation et de

proposer des mesures en vue du débat parlementaire préalable à la loi.

Seize propositions concernant l’amélioration de la gouvernance, l’orientation à tous les niveaux du

parcours, l’offre de formation, l’efficacité de la formation professionnelle pour l’entreprise et

l’employé et le financement de la formation sont alors émises (cf. annexe 3). Compte tenu de notre

thème de recherche, nous citons ici – pour la souligner- la troisième proposition émise par ce groupe

de travail qui propose pour « Clarifier et sécuriser l’offre de formation » de :

- «Créer un observatoire national sur l’offre de formation. - Recenser toute l’offre de formation et la publier sur Internet au sein d’une base de données

accessible à tous. - Créer une procédure de labellisation des organismes de formation. »

Ces rapports fondateurs appelleront la création de plusieurs groupes de travail complémentaires (dont

un groupe chargé de la qualité de l'offre et de l'achat de formation – rapport « Duda ») et

déboucheront sur l’ANI du 7 janvier 2009 sur le développement de la formation professionnelle, la

professionnalisation et la sécurisation des parcours professionnels.

« En 2007, suite aux études commanditées par les diverses instances, ou bilans et travaux réalisés sur le sujet notamment par la COE, la DARES la DGEFP et le CEREQ, l’état convient de procéder à une refonte de la « FTLV », il s’agit donc de ce que l’on a communément appelé « l’acte II de la réforme ».23 L’ANI du 7 janvier 2009 ouvrira donc le deuxième acte de la refonte du système de formation ; acte dont « L’objectif n’est pas de faire une énième réforme de la formation professionnelle mais de s’inscrire dans un processus dynamique d’évolution sans tout remettre à plat à chaque fois ». 24

22 Rapport de la commission des Affaires Culturelles Familiales et Sociales - travaux de la mission sur la formation tout au long de la vie. Présenté par Mme Guégot décembre 2008. 23 Les évolutions de la formation professionnelle continue – J.M LUTTRINGER – Colloque DARES – Septembre 2004 – Ministère de l’emploi, du Travail et de la Cohésion Sociale 24 Groupe Multipartite sur la Formation Professionnelle présidé par Monsieur Pierre FERRACCI, Synthèse des travaux, 10 juillet 2008

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19

2.2.4 L’ANI du 7 janvier 2009 et la loi du 24 novembre 2009 : deuxième acte de la réforme

L’accord signé le 7 janvier 2009 comporte quatre grands volets 25 26:

- les actions de formation concourant à la compétitivité des entreprises et à la sécurisation des parcours professionnels des salariés,

- La qualification et la requalification des salariés et des demandeurs d’emploi,

- L’anticipation, la certification et le développement de la VAE,

- La gouvernance et les instances paritaires

Des dispositions importantes sont proposées : - seulement deux catégories d’actions inscrites au plan de formation, - élargissement du public éligible aux contrats de professionnalisation,

- reprise des dispositions sur les modalités de financement du DIF de l’ANI du 11 janvier 2008,

- transformation du Fond unique de péréquation (FUP) ainsi que ses missions,

- création d’un Conseil national d’évaluation de la formation professionnelle,

- redéfinition des rôles et les missions des Opca,

- réflexion sur l’optimisation du DIF et du CIF (constitution d’un groupe de travail).

La loi relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie du 24 novembre

2009 27 :

Cette loi a bénéficié d’une procédure accélérée: passé le 6 octobre en commission mixte paritaire, le

projet de loi a été adopté définitivement le 13 octobre par l'Assemblée nationale et le 14 par le Sénat.

Les objectifs de la formation professionnelle tout au long de la vie y sont ré-affirmés : «La formation

professionnelle, surtout en période de crise, est un outil de justice, d'équité et d'ascenseur social, elle a

aujourd'hui besoin d'être dépoussiérée et tournée vers un seul objectif : l'emploi ».28 « Justice, équité,

emploi et transparence » en sont les maîtres-mots. Cette loi comprend quatre grands axes :

- Un lien renforcé entre formation et emploi : la formation doit s'inscrire dans un parcours personnel

et professionnel d'accès à l'emploi, de maintien ou d'évolution dans l'emploi, de mobilité ou de retour

à l'emploi (sécurisation des parcours et des transitions professionnelles, création d'un Fonds paritaire).

- Un système plus juste qui réduit les inégalités d'accès à la formation au profit des salariés des PME,

des salariés peu qualifiés, des jeunes sortis sans qualification du système scolaire ou des seniors

- Un système centré sur les salariés et les demandeurs d'emplois

- Un système plus efficace de formation professionnelle : amélioration de la qualité des formations,

meilleure coordination des acteurs - État, régions, partenaires sociaux - et réforme du réseau des

OPCA (Organismes Paritaires Collecteurs Agréés)

La loi crée également un droit à l’information et à l’orientation et à la qualification professionnelle afin

de permettre à tout salarié de progresser d’au moins un niveau de qualification au cours de sa vie

25 Efigip Note "Autour des réformes" septembre 2009 26 Accord National Interprofessionnel du 7 janvier 2009 27 Loi relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 parue au JO n° 273 du 25 novembre 2009. 28 Déclaration de Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'Emploi, lors de l'ouverture, au Sénat, de l'examen du projet de loi.

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20

professionnelle. 29 30 Outre les grands axes de l’ANI, la loi du 24 novembre 2009 comprend de

nombreuses dispositions introduites par l’Assemblée nationale et le Sénat.

- Organisation de la formation

o Contractualisation État-Régions des Plans Régionaux De Formation (PRDF)

o Renforcement du rôle du Conseil National de Formation Professionnelle tout au long

de la vie (CNFPTLV)

- Financement de la formation, Organismes Paritaires Collecteurs Agréés (OPCA)

o Création du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) qui

remplace le Fonds unique de péréquation (FUP)

o Précision des missions des OPCA, signature d’une convention triennale d’objectif et de

moyens avec l’État, agrément sous condition du montant de la collecte annuelle

- Formation tout au long de la vie

o Création du passeport « orientation-formation »

o Portabilité du DIF

o Possibilité de suivre des formations durant les périodes de chômage partiel

- Accès à la formation des publics prioritaires

o Création de la Préparation opérationnelle à l’emploi (POE) (400 heures) proposée aux

o demandeurs d’emploi par Pôle emploi

o Contrat de professionnalisation de 24 mois pour les publics prioritaires

- Jeunes

o Expérimentation d’un livret de compétences pour les élèves des 1er et second degrés

o Possibilité, pour les apprentis sans contrat de débuter la formation durant 2 mois dans

les CFA volontaires (jusqu’au 31 octobre 2010)

o Possibilité, pour les CFA d’accueillir pendant maximum 1 an des élèves de plus de 15

ans, sous statut scolaire pour une formation en alternance

o Ouverture des écoles de la deuxième chance aux 16-25 ans (au lieu de 18-22 ans)

- Information sur la formation

Création d’un droit à l’orientation et d’un service public de l’orientation

- Afpa

Transfert des conseillers d’orientation de l’Afpa vers Pôle emploi avant avril 2010

Notons que si cette loi spécifie les modalités de gouvernance du système, la ré organisation de son

financement, l’amélioration des dispositifs et le recentrage sur les publics ciblés prioritairement, à

aucun moment elle ne se penche sur l’organisation de l’activité, la qualification des prestataires ou

l’amélioration de l’offre ; ce qui peut sembler paradoxal : l’ensemble du système est remis à plat et

amélioré mais la question de la qualité de ce qui est proposé en son sein et des acteurs qui dispensent

les prestations n’est pas abordée…

29 http://www.minefe.gouv.fr/themes/emploi/projet_loi/formation.htm 10 02 2010 30 Loi relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie n° 2009-1437 du 24 novembre 2009

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21

Différents rapports sur la formation professionnelle avaient pourtant émis de nombreuses

recommandations relatives à l’amélioration de l’offre et aux organismes de formation privés. Elles

furent reprises en synthèse dans le « rapport Guegot »31 (nous reviendrons par la suite sur ces

recommandations) :

- Sécuriser l’appareil de formation par :

o des garanties de la solidité financière des organismes sous la forme d'un dépôt obligatoire lors

de la déclaration (Sénat32) ;

o une procédure de labellisation garante des conditions de durée d’activité, des références des

formateurs et indépendante des prestataires de formation et des financeurs (COE) ou une

accréditation par les OPCA, dans la transparence et sur la base d’évaluations objectives et

rendues publiques (IGAS33) ;

o l’introduction d’une part variable de rémunération des organismes formateurs en fonction des

résultats obtenus (COE34).

- Regrouper l’offre existante au sein d’une base de données accessible à tous (COE) et recenser les

pratiques exemplaires (Sénat).

- Mutualiser les moyens de contrôle et d’évaluation de l’appareil de formation existants au sein d'une

autorité indépendante (Sénat).

- Renforcer, dans l'ensemble du système, l'ingénierie et la recherche sur la formation qui reposent trop

exclusivement sur les organismes publics. La capacité des organismes privés de formation à faire de la

recherche et à développer l'ingénierie de la formation pourrait ainsi être un des critères de leur

évaluation par l'autorité indépendante susmentionnée (Sénat).

- Consolider par un soutien à l’investissement et une saine concurrence le développement

d’opérateurs de formation de qualité et certifiés (IGAS).

2.3 Le budget de la formation professionnelle tout au long de la vie

Un éclairage budgétaire permet de situer l’importance actuellement accordée à la formation

professionnelle continue en France. « Avec un total de 25,9 milliards d’euros en 2005, soit l’équivalent

de 1,5 % du PIB, l’effort national de formation professionnelle fait de cette dernière une politique de

première grandeur. /…/ ces sommes ne concernent que la formation professionnelle continue et

l’apprentissage. De leur côté, les dépenses relatives aux lycées professionnels s’élèvent à 8,4 milliards

d’euros. Au total, la formation professionnelle tout au long de la vie, hors enseignement supérieur,

mobilise plus de 34 milliards d’euros, soit l’équivalent de 2 % du PIB. » 35

31 Rapport de la commission des Affaires Culturelles Familiales et Sociales - travaux de la mission sur la formation tout au long de la vie. Présenté par Mme Guégot décembre 2008. 32 « Formation professionnelle : le droit de savoir » – Rapport de M. Bernard Seillier (Sénat, n° 365 – juillet 2007) 33 « Évaluation du service rendu par les organismes collecteurs agréés (OPCA, OPACIF & FAF) » – Rapport de Mme D. Vilchien et de MM. P de Saintignon, P. Dole & J. GUEDJ (Inspection générale des affaires sociales, mars 2008), 34 Conseil d’orientation pour l’emploi sur la formation professionnelle – Travaux (avril 2008), 35 Rapport public sur la Formation Professionnelle Tout au Long de la Vie cour des comptes 2008

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22

Les entreprises sont le premier financeur de formation professionnelle dans notre pays (1/3 des

dépenses). L’Etat (28%) et les régions (15%) viennent ensuite. Il est à noter qu’à la suite de

l’orientation prise d’une activation des dépenses de l’assurance chômage en 2001, les ASSEDIC sont

devenues, en quelques années, un financeur important de formation professionnelle avec un effort

total de 1,3 milliards d’euros. Des crédits communautaires sont inclus dans ces financements : 6,9

milliards d’euros pour la période 2000 - 2006, soit environ 1 milliard d’euros par an.

L’attente d’un retour sur investissement rapide et concret est nettement formulée dans le rapport du

Sénat sur la Formation Professionnelle qui pose cette question cruciale et quelque peu polémique :

« Comment passer d’une logique fondée sur la nécessité de dépenser une masse financière disponible à

une logique d’investissement impliquant une obligation de résultats ? ».36

2.4 Le marché de la formation professionnelle tout au long de la vie

Le marché de la formation professionnelle continue en France est un marché libre. Toute personne ou

structure qui souhaite mettre en œuvre des formations pour le compte de tiers est soumise à la seule

déclaration d’activité pour exercer (à ne pas confondre avec un agrément ou un label de l’Etat).

Cette identification des organismes de formation a été prévue par le législateur dès 1971 et concerne

«toute personne physique ou morale de droit privée qui réalise des prestations de formation

professionnelle ». « Ces organismes de formation ne sont pas les « enseignants », mais les entités

identifiées pour leur capacité à contracter la mise en œuvre de ladite formation au travers de contrat

ou de conventions et qui sont responsables, contractuellement, vis-à-vis de leurs clients, et

juridiquement vis-à-vis des règles régissant la formation professionnelle ».37

Des études sur le marché de la formation professionnelles sont régulièrement publiées par la DARES

(Direction de l’Animation de la Recherche, des Etudes et des Statistiques).

La dernière étude sur l’offre de formation a été publiée en octobre 2009 et porte sur les données

recueillies en 2007. 38 Cette étude s’intéresse aux activités de formation professionnelle continue des

organismes d’enseignement et de formation identifiés à l’aide des bilans pédagogiques et financiers

qu’ils sont tenus de renseigner.

Selon cette étude, il ressort qu’en 2007 :

- 56 970 établissements dispensateurs de formation ont renseigné un bilan pédagogique et financier ;

- parmi eux, 48 214 établissements ont effectivement réalisé des actions de formation professionnelle

en 2007 pour un chiffre d’affaires total de 10,3 milliards d’euros, soit 8 % de plus qu’en 2006.

- parmi ces derniers, 14 164 établissements dispensateurs de formation professionnelle continue

exercent leur activité de formation à titre principal. Ils ont réalisé un chiffre d’affaires de 6,4 milliards

d’euros et couvrent 62 % du marché national de la formation professionnelle continue.

36 Rapport d’information du Sénat N° 365, sur le fonctionnement des dispositifs de formation professionnelle par Monsieur Bernard SEILLIER Sénateur, annexe au procès-verbal de la séance du 4 juillet 2007 37 Rapport de la DGEFP : le contrôle de la formation professionnelle en 2005 et 2006 – Délégation Générale à l’Emploi et à la Formation Professionnelle Sous direction des politiques de formation et du contrôle - Mission organisation des contrôles 38 Mainaud T., « L’offre de formation continue en 2007», Premières Synthèses, n° 40-4, Dares Octobre 2009.

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23

Le tableau suivant39 indique les activités principales exercées (APE) les plus représentées parmi les

établissements dispensateurs de formation continue.

Si on se limite aux 14 164 établissements dont l’activité principale est la formation, on observe que le

secteur privé est prédominant :

- les organismes privés de formation représentent 94 % des organismes de formation. Ils se

répartissent en trois tiers quasi égaux :

o le privé lucratif (35 % des organismes pour 39 % du chiffre d’affaire total et 39 % des

stagiaires),

o le privé non lucratif (28 % des organismes pour 31 % du chiffre d’affaire total et 33 %

des stagiaires).

o les formateurs individuels (31 % des organismes pour 4 % du chiffre d’affaire total et 9

% des stagiaires).

- le secteur public et parapublic (l’AFPA, l’Education Nationale- dont le CNAM et les GRETA),

représente 6 % des organismes de formation, forme 19 % des stagiaires mais réalise plus du quart du

chiffre d’affaires, 26 % du fait de formations plus longues :

0

5

10

15

20

25

30

35

40

45

Privé lucratif Privé non lucratif

Formateurs individuels

Public & semi public

Nombre d'organismes (%)

Pourcentage du chiffre d'affaire total

Nombre de stagiaires (%)

40 39 Mainaud T., « L’offre de formation continue en 2007», Premières Synthèses, n° 40-4, Dares Octobre 2009. 40 Tableau document de travail C.TROILLET GIRSZYN d’après données issues de : Mainaud T., « L’offre de formation continue en 2007», Premières Synthèses, n° 40-4, Dares Octobre 2009.

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24

La dynamique du secteur est principalement portée par le secteur privé. Le nombre d’organismes

privés à but lucratif s’est accru de 10 % entre 2006 et 2007 pour représenter désormais 35 % du total

des organismes.

Par ailleurs, si le nombre d’organismes de formation est élevé, l’offre de formation apparaît très

concentrée :

- les organismes réalisant plus de trois millions d’euros de chiffres d’affaires représentent 2 % des

organismes mais ils réalisent 44 % du chiffre d’affaires du secteur et forment 31 % des stagiaires ;

- à l’autre extrême, les organismes ayant un chiffre d’affaires inférieur à 75 000 euros représentent 50

% des organismes mais ils totalisent 3 % du chiffre d’affaires et accueillent 9 % des stagiaires ;

- enfin, ce sont les organismes les plus anciens qui captent une large part du marché : les organismes

de formation ayant démarré leur activité de formation continue avant 1990 représentent 16 % des

organismes mais accueillent 35 % des stagiaires.

Les achats de formation des entreprises représentent en 2007 la moitié des recettes des organismes,

33 % étant versés directement par les employeurs et 18 % transitant par les organismes paritaires

collecteurs agréés (OPCA).

Les administrations publiques contribuent également à 8 % des revenus du secteur.

41

Les données de la DARES sont les informations reprises dans l’ensemble des rapports et documents

officiels mais elles ne tiennent compte que les prestataires ayant renseigné un bilan pédagogique et

financier. Elles excluent de ce fait de leur analyse les formateurs individuels travaillant en portage

salarial 42 auprès des nombreuses structures proposant ce type « d’hébergement ».

41 Mainaud T., « L’offre de formation continue en 2007», Premières Synthèses, n° 40-4, Dares Octobre 2009. 42 L'article L1251-64 du Code du travail définit le portage salarial comme étant "un ensemble de relations contractuelles organisées entre une entreprise de portage, une personne portée et des entreprises clientes comportant pour la personne portée le régime du salariat et la rémunération de sa prestation chez le client par l'entreprise de portage".

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25

En centrant son analyse sur les organismes de formation qui ont la formation comme activité

principale, la DARES exclut également de son analyse les organismes ou prestataires individuels dont la

formation représente une des activités non majoritaire (nombre de structures ou de prestataires

indépendants développent en parallèle de la formation des activités de conseil ou

d’accompagnement). Le paysage des offreurs de formation professionnelle est donc bien plus

diversifié et morcelé que ne le laisse apparaître l’analyse de la DARES.

Il est également intéressant de questionner l’écart entre les 56 970 établissements dispensateurs de

formation ayant renseigné un bilan pédagogique et financier (ce qui signifie qu’ils ont une activité de

formation effective) et le chiffre retenu de 48 214 établissements ayant réalisé des actions de

formation professionnelle. 8 756 organismes sont ainsi écartés de l’analyse de la DARES car ils

dispensent des formations qui n’entrent pas dans le registre de la formation professionnelle tout au

long de la vie tel que défini à l’article Art. L. 6313-1 du Code du travail relatif à la formation

professionnelle tout au long de la vie.

Cet écart semble mettre en évidence qu’un nombre important d’organismes de formation offrent des

prestations en décalage avec les orientations nationales.

La réforme en cours marque la volonté de placer les bénéficiaires au centre des modifications des

dispositifs de formation professionnelle tout au long de la vie, de renforcer le lien formation –emploi,

de simplifier la gouvernance et de clarifier le financement du système.

Le budget consacré et le chiffre d’affaire du marché de la formation professionnelle tout au long de la

vie en font une donnée économique importante au niveau national et signent son statut de priorité.

En revanche, la qualité de l’offre et la qualification ou la professionnalisation des prestataires de

formation professionnelle tout au long de la vie, semblent ne pas avoir été concrètement intégrés

dans le processus de réforme. En dépit des recommandations et propositions émises via les différents

rapports rendus préalablement à la mise en œuvre de la loi du 24 novembre 2009, de nouvelles

mesures permettant d’améliorer la qualité de l’offre, de contrôler l’accès à la profession et de cadrer

l’activité des organismes de formation sont absentes de la nouvelle loi.

« Il est clair que le débat sur ce point n’est pas clos et que, tôt ou tard, il conviendra de le remettre en

chantier sans qu’il soit possible à l’heure actuelle de dire si ce sera pour aller vers un univers davantage

administré ou bien vers une vision plus libérale. » 43

43 Cours Master 2 Pro ICF Université de Rouen droit de la formation professionnelle Monsieur Pierre LE DOUARON 2010

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3 Professionnels de la formation tout au long de la vie En 1971, Philippe Fritsch écrivait « ce que sont les formateurs, ce qu’ils disent, ce qu’ils font orientent

d’une façon décisive le devenir des institutions de formation »44

Il nous a semblé intéressant de rappeler cette vision du rôle des formateurs tel qu’il était perçu à

l’aube d’une période qui était alors annoncée comme « le temps des formateurs » avant d’aborder

l’actualité de ce groupe professionnel.

3.1 Formateurs-consultants: un kaléidoscope professionnel ?

L’univers des agents de la formation professionnelle tout au long de la vie est volontiers qualifié

« d’opaque », de « foisonnant » voire de « nébuleuse »45 au regard de la multiplicité des types de

structures, de modes d’exercice, de type d’offres proposées en fonction de différents publics.

Au sein de cette «nébuleuse » nous avons choisi de nous intéresser à des prestataires de formation

peu connus et peu reconnus des pouvoirs publics : les formateurs consultants autonomes (ou

indépendants).

En sus de l’intérêt que représente l’étude d’une population peu étudiée et doublement confrontée à la

réforme en cours, ce choix s’explique par notre appartenance à ce type de prestataires, notre mission

à l’ICPF & PSI dans le cadre du Master 2 Ingénierie et Conseil en Formation et notre action syndicale au

sein de la CSFC IDF (Chambre Syndicale des Formateurs Consultants d’Ile de France).

3.1.1 Formateur : un mot pour « N » métiers ? Si « formateur » est le terme générique pour tout acteur de la formation continue, ce mot est loin de

désigner une catégorie homogène et les contours de leur identité professionnelle semblent encore

mal définis.

La définition à minima serait que le formateur est un pédagogue qui forme des jeunes et des adultes et

peut exercer en indépendant ou en tant que salarié d’un centre de formation ou d’une entreprise.

Cette définition ne peut cependant suffire pour qualifier une réalité professionnelle qui se définit

davantage comme un ensemble de « métiers » que comme une appellation unique (à défaut d’être

contrôlée…).

Quelles sont les situations professionnelles et fonctions que recouvrent les métiers de la formation ?

En 1974, Guy Le Boterf et François Viallet 46 identifient cinq modèles de situation professionnelle : le

responsable de formation, le gestionnaire de formation, le spécialiste des moyens pédagogiques,

l’enseignant et le formateur-consultant.

44 FRITSCH P., L’éducation des adultes, Paris, La Haye, Mouton, 1971 45 LIÉTARD B., « Autour de la nébuleuse “acteurs de la formation continue” », Actualité de la formation permanente, n° 103, 1989, p. 90-93. 46 LE BOTERF G., VIALLET F., « Les formateurs sont-ils en situation professionnelle ? », Éducation permanente, n° 25, 1974, p. 63-85.

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Une dizaine d’années plus tard, Malglaive 47 construit une typologie de fonctions divisée en trois

grands ensembles. Dont le premier, celui des formateurs, regroupe :

- les formateurs-enseignants qui ont une spécialité disciplinaire ou professionnelle et sont dits

«formateurs en… »

- les formateurs en relations humaines (spécialisés dans l’approche psychosociologique)

- les formateurs- animateurs qui connaissent le milieu dans lequel ils interviennent, donnent des

cours, mettent en place des cursus, exercent des fonctions de conseil et d’assistance

technique.

Il identifie deux autres ensembles :

- Les coordonnateurs de formation : ils organisent les actions ou les programmes de formation,

sont en contact avec les formateurs, les stagiaires et les commanditaires, s’occupent de la

gestion administrative et pédagogique.

- les responsables de formation, qui sont chargés de créer, d’animer, d’organiser, de gérer des

structures de formation relativement importantes ; ils ont une fonction stratégique et

politique, ils élaborent les plans de formation, conduisent les concertations nécessaires et

établissent les conventions avec les prestataires.

Dans son rapport sur la Formation des Enseignants et des Formateurs en France, le Centre Inffo

indique que les acteurs de la formation continue remplissent des fonctions très diversifiées, liées à :

- la pédagogie : enseigner une ou plusieurs matières, préparer les contenus de formation,

animer en face-à-face ou à distance, évaluer, construire des ressources éducatives.

- la relation entre le centre de formation et l'entreprise.

- la gestion de la formation : construire un dispositif de formation, construire des partenariats,

réaliser l'ingénierie financière, coordonner les interventions des différents formateurs, assurer

des tâches administratives.

- au conseil, à l'orientation des apprenants, à leur insertion professionnelle.

- au conseil en entreprise.48

Ceux qui exercent leur activité en indépendant doivent en sus développer leur prospection

commerciale et gérer les obligations légales propres à leur activité. Claude-Alain Cardon, dans sa

thèse sur la division sociale du travail de formation 49 remarque que les activités de formation sont

assurées par trois catégories de personnels :

- les « organisateurs politiques/stratégiques » qui définissent les politiques de formation, gèrent

les budgets et les équipes,

- les « organisateurs pédagogiques » qui sont les « contremaîtres de la formation » et assurent

la « traduction du politique en pédagogique »

- les « intervenants pédagogiques » dont la fonction première est le face-à-face pédagogique,

mais aussi l’ensemble de la « chaîne pédagogique » soit la conception des outils, le

recrutement des publics et leur suivi.

47 MALGLAIVE G., La formation et la qualification des agents de la formation continue, Rapport pour le ministère de la Formation professionnelle, multigr., 1983 48 La Formation des Enseignants et des Formateurs en France Rapport réalisé par le Centre INFFO sur la demande du CEDEFOP Juillet 2004 49 CARDON C.-A., Les formateurs d’adultes dans la division du travail, Thèse de sciences de l’éducation, sous la dir. de P. Demunter, Université de Lille 1, 1996.

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28

Enfin, sept « emploi-métiers » figurent dans le Répertoire Opérationnel des Métiers et Emplois

(ROME) :

- le Formateur (22211*) « transmet des savoirs ou des savoir-faire à des publics adultes… » ;

- le Conseiller en Formation (22212*) « informe / analyse (les attentes) / évalue / conseille et

participe à la définition d’un itinéraire de formation / oriente… » ;

- le Responsable pédagogique (22213*) « organise / anime / joue un rôle de proposition… » ;

- le Consultant en Formation (22214*) « analyse (les situations) / identifie (les problèmes) / aide

au diagnostic, à la formulation et à la réalisation (des projets)… » ;

- le Concepteur Organisateur en Formation (22215*) ou « Ingénieur » : « conçoit / construit /

développe (les dispositifs) adaptés aux orientations et objectifs à atteindre… » ;

- le Conseiller en Emploi et Insertion professionnelle (23221*) : « aide à résoudre (des

problèmes) à finalité professionnelle / informe, conseille, aide (les personnes) à effectuer

choix et décisions… » ;

- le Responsable de Formation en Entreprise (32122*) : « repère et analyse (les besoins en

formation) en cohérence avec la politique économique et sociale de l’entreprise / conçoit,

construit, négocie (le plan de formation).

-

*Les numéros renvoient aux fiches concernant l'emploi-métier référé.

Les situations professionnelles et fonctions que recouvrent les métiers de la formation sont donc

extrêmement variées et l’appellation de formateur peut désigner des professionnels investis dans un

ou plusieurs de ces métiers. Il n’est donc pas simple de qualifier une réalité professionnelle aussi

multiple et mouvante dans le temps.

3.1.2 Quelle définition du terme « consultant » ? Thierry Ardouin définit le formateur – consultant comme un professionnel qui « intervient de manière

plus ou moins ponctuelle selon son statut (consultant indépendant, conseiller en formation continue,

conseiller bilan, conseiller professionnel) et son organisation de rattachement (cellule audit interne

d'entreprise, cabinet conseil, GRETA, centre de bilan ou de validation des acquis, organisme de

formation). Le formateur-consultant peut aussi être amené à produire différents types d'outils ou

supports pédagogiques (guide pédagogique, cours médiatisés). Le formateur-consultant intervient lui

aussi soit en direction des individus, soit des organisations. ».50

Cette définition du formateur consultant souligne que l’activité de conseil peut être exercée en

indépendant ou en étant rattaché à une entreprise ou à une organisation et recouvrir – comme dans le

cas de la formation- des activités et donc des postures fort différentes les unes des autres .

Sylvain Lacaille et Maëla Paul51

relèvent que le Conseil en Formation tend à comprendre trois

dimensions :

- l’audit (évaluation des éléments de l’environnement de formation dans le but de poser un

diagnostic)

50 Guide pédagogique du Master 2 Ingénierie et Conseil en Formation, Thierry Ardouin 51 Cours Master 2 Pro ICF Cours Conseil et Formation/ Conseil aux personnes Sylvain LACAILLE et Madame Maëla PAUL

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- le conseil ou la consultance (ordonnance : prescriptions et recommandations) ;

- l’intervention (manière d’opérer).

La fonction de conseil correspond ici à « la mobilisation de connaissances acquises dans une discipline

pour aider des organismes ou des personnes à résoudre des problèmes et à procéder à différents types

de développement. En ce sens, ils se constituent en experts. »52

La distinction faite par Saint Arnaud entre le « consultant » et « l’expert-conseil » est à souligner 53 :

alors que « l’expert-conseil » aide ses interlocuteurs à utiliser leurs propres ressources, l’expertise du

consultant porte davantage sur les processus de changement que sur le contenu des situations.

Quelle que soit la nature des situations ou des tâches « il aborde la situation d’une même façon : en

associant et sollicitant son interlocuteur à tous les niveaux de l’opération, dès l’analyse de la situation,

et en procédant à une mise en problème de celle-ci. » 65

La compétence spécifique du « consultant » repose ainsi sur sa connaissance et son habileté à

construire et gérer des processus. Il est une « personne-ressource », mobilisant les ressources de son

interlocuteur au sein d’une relation de « coopération » 54 face à la situation à faire évoluer.

Le formateur - consultant doit donc situer son intervention dans un dispositif global mettant en lien les

dimensions didactique, pédagogique et l’ingénierie. Son action doit se dérouler dans un contexte bien

repéré. Il peut pour cela mobiliser le référentiel des tâches descriptives d’activités de l’ingénieur de

formation défini par Thierry Ardouin dans le cadre du Master 2 Ingénierie et Conseil en Formation :

- Analyser l’environnement, le contexte, la situation.

- Concevoir, mobiliser et/ou élaborer des dispositifs de formation.

- Animer, négocier et piloter.

- Evaluer et auditer la formation (dispositifs, organisations, actions…)55

3.1.3 Formateurs-consultants autonomes : quelles spécificités ?

L’indépendance – l’autonomie

La première spécificité du formateur consultant autonome est son indépendance, qu’il se définisse

sous les termes de formateur consultant « indépendant », « free lance » ou « autonome », l’idée est la

même : travailler pour soi, sans lien de subordination envers un client ou un employeur et délivrer des

prestations « sur mesure ».

Cette spécificité est fortement revendiquée et constitue une constante commune (peut être la seule) à

l’ensemble de ces prestataires de formation.

« Le métier de formateur-consultant indépendant existe, il a ses spécificités, mais il n’est pas stabilisé et

son périmètre n’est pas arrêté. Nous sommes confrontés à une grande diversité de statuts : des

travailleurs non-salariés, des auto-entrepreneurs, ou en portage salarié, des responsables d’entreprises

52 Cours « Conseil aux personnes », Master 2 Ingénierie et Conseil en Formation Sylvain Lacaille et Maëla Paul 53 ST-ARNAUD, Yves, Profession consultant, Montréal, Les presses de l'Université de Montréal, 1990 54 ST-ARNAUD, 1999, Le Changement Assisté – Compétences pour intervenir en Relations Humaines, Montréal 55 Guide pédagogique du Master 2 Ingénierie et Conseil en Formation, Thierry Ardouin

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30

en SA ou SARL, comptant de un à cinq salariés, qui se sentent « noyés » dans les statistiques de la

DARES. La seule constante est le caractère d’indépendant. »56

Le caractère choisi de l’indépendance est important. L’authenticité du choix est parfois à questionner

compte tenu de l’ouverture de la profession, du fait qu’il s’agit le plus souvent d’une deuxième ou

troisième partie de carrière et du profil des « candidats à l’aventure » (de plus en plus de séniors ou

de demandeurs d’emploi orientés vers des activités de conseil et / ou de formation en auto

entrepreneur par les conseillers de l’APEC ou de Pôle Emploi).

« Etre indépendant est bien une posture, c’est‐à‐dire une façon de vivre son métier, si elle résulte ‐

cette précision est essentielle ‐ d’une décision et non d’une contrainte ou d’un choix par défaut. Car

sinon, nous ne vivrions pas notre métier, nous le subirions. »57

A défaut d’être un choix, la position d’indépendant peut malheureusement rejoindre cette définition

de la liberté de Janis Joplin : « Freedom's just another word for nothin' left to lose »58. Notre

connaissance du milieu des formateurs consultants indépendants nous amène à penser que c’est le

cas d’une partie non négligeable des nouveaux arrivants.

La démarche commerciale

Cette seconde spécificité découle de la première : en plus de la maîtrise des compétences propres à la

formation et au conseil, les formateurs consultants autonomes se doivent de commercialiser leur

prestation de service intellectuel. Qu’ils travaillent pour des entreprises, des écoles, des universités,

des associations ou les pouvoirs publics : ils réalisent leur mission dans le cadre d’un contrat

commercial et dépendent de leur capacité à commercialiser eux-même leur offre pour vivre de leur

activité.

L’indispensable compétence commerciale qui découle de ce mode d’exercice ne va pas de soi pour

tous et est plus ou moins acceptée ou maîtrisée selon leur profession d’origine (l’activité de formateur

consultant autonome étant majoritairement une deuxième voire troisième partie de carrière, les bases

de la démarche commerciale ont parfois été acquises à un autre moment de la vie professionnelle cf.

annexe 5). Elle conditionne pourtant la réussite ou l’échec d’une activité qui peut rapidement s’avérer

précaire pour ceux qui ne savent trouver leur place sur le marché.

L’ICPF & PSI propose un cursus de formation certifiant permettant à des consultants débutants ou

confirmés de construire la commercialisation de leur prestations 59. Alors que les formations de

formateur ou de consultant foisonnent, ce type de cursus spécifiquement dédié à la commercialisation

de la prestation de service intellectuel est encore peu répandu à ce jour.

Le SICFOR s’est également penché sur le développement des compétences commerciales des

formateurs consultant en tant que vecteur de lutte contre la précarité de l’activité : « La précarité n’est

pas une fatalité pour le consultant formateur indépendant.

56 Interview de Lionel SOUBEYRAN président du SICFOR dans le Dossier centre Inffo –l’information sur la formation – le paysage syndical de la formation n° 761 1er au 15 février 2010. 57 Lionel Soubeyran, Président du Sicfor, allocution d’ouverture des premières Assises du Consultant formateur indépendant (C-FI) Palais des Congrès de la Villette PARIS juin 2010 58 Janis Joplin « Me And Bobby MC Gee » - Pearl 1971 : « liberté est juste un autre mot pour dire qu’on n’a plus rien à perdre » 59 Cycle Commercialisation des Activités de Consulting Pôle Universitaire Léonard de Vinci http://www.ilv.fr/cs/CAC

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Entre le prêt à former des offres « catalogue » et la formation industrialisée, voire virtuelle, qui émerge

depuis quelques années, il reste une place pour l’artisan formateur pour autant qu’il soit compétent,

créatif, entreprenant, adaptable et réactif. Encore faut il qu’il sache faire valoir son savoir‐faire et ses

atouts spécifiques auprès de ses clients potentiels. Nous lancerons à l’automne un cursus de formation

à la commercialisation spécifique des prestations du consultant formateur indépendant. Car se

positionner aujourd’hui de façon autonome sur le marché de la formation professionnelle n’autorise

pas l’amateurisme»60 .

En nous référant aux différentes définitions et analyses des fonctions des formateurs consultants

citées dans ce chapitre et suite à nos observations, nous proposons de décrire l’activité de formateur

consultant autonome et la construction de son activité professionnelle en trois « strates » de

compétences :

- les compétences liées à une expertise première qui constitue – au moins dans les premiers

temps de son activité- les bases de ses thèmes d’intervention,

- celles relatives à la formation et à l’activité de conseil qui portent son mode d’intervention

- celles en lien avec la démarche commerciale qui lui permettent de faire acheter ses

prestations et de vivre de son expertise.

A partir d’une expertise première professionnelle, disciplinaire ou contextuelle et/ou d’une approche

psychosociale, le formateur consultant autonome développe ses compétences des métiers de la

formation (analyse, conception, pilotage, animation, évaluation et audit de la formation) et de la

pratique du conseil (co construction avec le client et gestion des processus de changement, transfert

de son expertise), construit sa démarche commerciale et développe le marketing de sa prestation de

service intellectuel.

60 Lionel Soubeyran, Président du Sicfor, allocution d’ouverture des premières Assises du Consultant formateur indépendant (C-FI) Palais des Congrès de la Villette PARIS juin 2010

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Cette polyvalence indispensable à l’exercice de la formation ou du conseil de façon autonome et à la

viabilité de son activité professionnelle doit être prise en compte dans le cadre d’une démarche de

professionnalisation et peut être schématisé ainsi :

61

La pluralité de parcours, de fonctions et compétences à mettre en action ainsi que l’indépendance

revendiquée ne sont pas sans questionner l’identité professionnelle d’une activité relativement

« jeune » et sociologiquement encore en débat.

61 Schéma document de travail C.TROILLET GIRSZYN 10 03 2010

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33

3.1.4 Un recensement difficile

Depuis les années 1980, le nombre de formateurs n’a cessé de croître. Appréhendés par l’INSEE, les

effectifs de formateurs ont été multipliés par quatre entre 1983 et 2002. Lors recensement de 1999, si

l’on inclut les cadres de la formation, 130 000 personnes ont été ainsi comptabilisées comme agents

de la formation.62

Pour avoir une vision plus juste des effectifs, il est important de distinguer les formateurs dont c'est

l'activité principale, et les formateurs occasionnels, qui exercent une activité à temps partiel dans

l'entreprise ou dans les organismes de formation.

Dans une étude publiée en 2004, le Centre Inffo estimait le nombre des formateurs occasionnels à plus

d’un million et à 100 000, les personnes qui exercent ce métier comme activité principale.63

Selon la DARES, les formateurs individuels représentent 31 % des organismes de formation, ils

réalisent 4 % du chiffre d’affaire total du marché de la formation professionnelle et forment 9 % des

stagiaires64. Rappelons que ces données ne prennent pas en compte l’ensemble des formateurs

individuels et sont loin de représenter la réalité des effectifs : ceux qui exercent en portage salarial en

sont exclus, ceux –très nombreux- dont la formation est déclarée en tant qu’activité associée à du

conseil ou à du coaching, ceux dont les prestations n’entrent pas dans les catégories reconnues dans le

cadre de la formation professionnelle tout au long de la vie et, pour finir, les formateurs individuels qui

ont « omis » de transmettre leur bilan pédagogique.

Selon Lionel Soubeyran, Président du Sicfor « Avec nos confrères exerçant en micro entreprises et ceux

s’appuyant sur le portage salarial, nous estimons être entre 15 000 et 20 000 professionnels actifs à

nous revendiquer « consultant formateur indépendants »65

La réalité des effectifs des formateurs consultants indépendants est de toute évidence fort difficile à

cerner précisément. Compte tenu de la facilité de création de l’activité via la déclaration d’activité et

de l’essor de l’auto entreprenariat dans ce champ professionnel, les effectifs sont en constante

progression et les personnes qui se revendiquent de ce statut ont des profils et des compétences

extrêmement variés.

Si la croissance numérique apparaît comme une réussite et impose une reconnaissance de l’existence

du groupe professionnel, elle soulève à son tour le problème de son unité66 et de sa « nébulosité ».

La difficulté de recenser les effectifs réels révèle à elle seule le flou qui entoure cette profession.

62 « Les métiers de la formation », Emmanuel de Lescure et Cédric Frétigné (dir.) Presses universitaires de Rennes, 2010, pur-editions.fr 63 La Formation des Enseignants et des Formateurs en France Rapport réalisé par le Centre INFFO sur la demande du CEDEFOP Juillet 2004 64 Mainaud T., « L’offre de formation continue en 2007», Premières Synthèses, n° 40-4, Dares Octobre 2009. 65 Lionel Soubeyran, Président du Sicfor, allocution d’ouverture des premières Assises du Consultant formateur indépendant (C-FI) Palais des Congrès de la Villette PARIS juin 2010 66 « Les métiers de la formation », Emmanuel de Lescure et Cédric Frétigné (dir.) Presses universitaires de Rennes, 2010, pur-editions.fr

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34

3.2 Quels sont leurs clients et leurs offres ?

Les clients

Nous ne disposons que de peu de données précises pour définir avec justesse le positionnement des

formateurs consultants autonomes sur le marché de la formation professionnelle tout au long de la

vie. Une enquête prospective du SICFOR conduite de juin à octobre 2008 sur les principaux

changements, les facteurs d’évolution et les sources de satisfaction dans l’activité professionnelle et

portant sur 72 formateurs consultants autonomes servira donc de base d’analyse.

Cette enquête fait ressortir que les principaux clients des formateurs consultants autonomes sont des

structures privées (organismes de formation privés 19 %, PME 18 %, grandes entreprises 23 %).

0

5

10

15

20

25

principaux clients

67

L’étude du SICFOR relève différents changements influant sur l’activité des formateurs consultants :

- La volatilité des clients et leur niveau d’exigence plus élevé

- L’érosion du marché traditionnel de la formation

- La réduction de la durée des formations

- Le développement de l’individualisation, du coaching, de l’accompagnement

- Une concurrence plus vive sur un marché en mutation.

- La rationalisation des processus d’achat de formation

- Des opportunités liées au développement du DIF, de la VAE, des TIC

- La réorientation des financements

67 Graphique : document de travail C.TROILLET d’après l’enquête prospective du SICFOR de juin à octobre 2008 sur Les principaux changements, les facteurs d’évolution et les sources de satisfaction dans l’activité professionnelle.

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35

Ces points de changement ont été encore amplifiés par la crise économique et la réforme de la

formation professionnelle tout au long de la vie fragilisant et précarisant encore davantage les

formateurs consultants autonomes : « La première conséquence de la Réforme de la Formation

Professionnelle que nous constatons à ce jour est la suppression d’un très grand nombre de stage des

plans de formation des entreprises. Ils ne sont quasiment plus financés par les OPCA. C’est un séisme

économique pour les consultants formateurs indépendants, y compris les plus expérimentés et les

mieux implantés d’entre eux.

La crise a « amplifié les effets de la fragilité structurelle de notre profession / … / la précarité reste une

réalité pour nombre de consœurs et confrères. Nos clients, chacun le comprendra, prirent des mesures

pour assurer leur propre sauvegarde. Nous n’avons pas échappé à une forte pression sur les tarifs,

notamment de sous‐traitance, quand les budgets ne furent pas supprimés ».68

Les offres

L’enquête du SICFOR met en lumière que les prestations proposées sont largement centrées sur des

actions qui ne relèvent pas directement de la formation professionnelle tout au long de la vie telle

qu’elle est entendue en France. Nombre de ces prestations sont davantage en lien avec la définition

européenne de la formation tout au long de la vie.

Les places occupées par des prestations relatives à la communication et l’expression orale (48 %), la

gestion de conflit (38 %) ou encore l’efficacité personnelle et la gestion du stress (17 %)69 sont

significatives de ce positionnement décalé par rapport à la définition française des actions de

formation professionnelle tout au long de la vie.

Voir à ce sujet l’article L 6313 – 1 du code du travail en annexe 6 ou encore la circulaire DGEFP n°

2006/35 du 14 novembre 2006 qui définit (page 21) comme "actions non professionnalisantes" : "... le

soin thérapeutique ou le bien-être personnel ne peuvent pas être considérés comme entrant dans le

champ de la formation professionnelle" elle précise également que "les actions d'accompagnement,

coaching, tutorat doivent être considérées comme des actions de conseil" et sont donc soumises à la

TVA.70

68 Lionel Soubeyran, Président du Sicfor, allocution d’ouverture des premières Assises du Consultant formateur indépendant (C-FI) Palais des Congrès de la Villette PARIS juin 2010 69 Enquête prospective du SICFOR de juin à octobre 2008 sur Les principaux changements, les facteurs d’évolution et les sources de satisfaction dans l’activité professionnelle. 70 Circulaire DGEFP n° 2006/35 du 14 novembre 2006

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Principaux domaines d’intervention en formation (plusieurs réponses possibles)71 :

0

10

20

30

40

50

60

70

80

Principaux domaines d’intervention en formation ( plusieurs réponses possibles )

management

conduite de projet

gestion de conflits

communication expression orale

accueil

médiation

communication non violente

écrits professionnels

bureautique

efficacité personnelle gest° stress

comptabilité gestion

langues

sécurité

formation de formateurs

formation de tuteurs

construction de référentiels

évaluation

autres

71 Enquête prospective du SICFOR de juin à octobre 2008 sur Les principaux changements, les facteurs d’évolution et les sources de satisfaction dans l’activité professionnelle.

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3.3 Formateurs-consultants autonomes : la question de l’identité

professionnelle

Patrick Gravé, distingue plusieurs types de formateurs (les formateurs-insertion, les formateurs-

animateurs, les formateurs techniques et les formateurs consultants) et conclu à l’absence de

sentiment collectif et insiste sur le caractère « indécidable » de leur identité.72

Qu’elles s’attachent au processus de construction identitaire dans des dispositifs de formation des

formateurs ou qu’elles enquêtent auprès de formateurs en exercice, les recherches d’autres

psychosociologues confirment ce constat.

Il ne semble donc pas exister d’identité professionnelle unique pour les formateurs d’adultes au sens

large du terme.

Au-delà de l’hétérogénéité des métiers de la formation, une des causes de cette absence d’identité

professionnelle unique peut être liée à l’aspect atypique des parcours professionnels des formateurs.

Le chemin qui mène à ces métiers se construit tout au long de la vie professionnelle : bien des enfants

rêvent de devenir « maîtresse » ou « prof de … », en avez-vous déjà entendu dire dans la cour de

récréation vouloir devenir « formateur » ? Il s’agit le plus souvent d’un choix de carrière –voire d’une

vocation- qui émerge des expériences professionnelles.

Jacqueline Monbaron a également porté ses recherches autour de la compréhension de l'identité

complexe et composite des formateurs et formatrices d'adultes73. S’appuyant sur les différentes

recherches menées sur cette thématique 74 elle conclu que « les contours de leur profession est difficile

à fixer et leur parcours s’illustre par une «atypie persistante ».

L'analyse de leurs itinéraires, menée notamment à travers une approche biographique, montre « qu’à

chaque personne observée correspond un parcours original, dont une constante est l’apprentissage et

la pratique d’un premier métier parfois sans lien direct avec la formation, puis l’entrée souvent

progressive dans des activités de formation, d’accompagnement et d’enseignement auprès d’adultes.

Un tel parcours est enrichi par de nombreuses formations, souvent longues et certifiantes.»

L’identité professionnelle ne peut donc se bâtir à partir d’un parcours commun.

Ces analyses et ces constats portent sur les formateurs d’adultes en général mais s’appliquent

également aux formateurs consultants autonomes. Nous proposons, en annexe 5, cinq cas (pris au

hasard sur le réseau professionnel VIADEO sélection par mot clé : « Formateur consultant ») à des fins

d’illustration concrète.

72 Gravé, P. (2002). Formateurs et identités. Paris: PUF. 73 Monbaron, J. (2004) Les formateurs d'adultes: une identité composite. Apport à une définition de l'identité professionnelle des formateurs d'adultes à la lumière de leur itinéraire institutionnel. Thèse de doctorat. Université de Genève. Monbaron, J. (2005) A propos de la lucidité des acteurs en recherche-formation. Revue des sciences de l’éducation no 31/2. Montréal. pp. 355-376. Monbaron, J. (2007) La compétence biographique des formatrices et des formateurs d'adultes comme soutien aux transitions de l'existence. Revue francophone internationale Carriérologie 74 Boussyères, P. (1997). Les formateurs: représentations et identités professionnelles. Revue Education permanente, no 132, pp. 83-95. Caspar, P. & Vonderscher M.-J. (1986). Profession: responsable de formation. Paris: Les éditions d'organisation. De Witte, S. (1985). Essai de typologie des métiers de la formation. Actualité de la formation, no 95, pp.75-83. Dominicé, P. (1990). Une profession dont il faut sauver le métier. In C. Josso, H. Bausch, P. Gravé, P. (2002). Formateurs et identités. Paris: PUF. Jobert, G. (1989). La professionnalisation des formateurs. Approche sociologique. Actualité de la formation permanente, no 103, pp. 25-28. Liétard, B. (1992). La formation change, les formateurs aussi. Actualité de la formation permanente Centre Inffo, Paris, no 117, pp. 41-45.

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38

Si l’identité professionnelle des formateurs consultants n’est pas plus aisée à définir que celle des

autres formateurs d’adultes, elle n’en est pas moins au cœur des préoccupations de ce groupe

professionnel.

Selon Patrick Gravé, « Les formateurs consultants et concepteurs de projets se trouvent /… / dans une

logique de revendication de leur professionnalité, porteuse de leur identité professionnelle et mise à

mal dans leur contexte d'exercice. Ils sont contraints à un investissement fort sur le plan personnel, à la

mesure des doutes que font peser les financeurs (publics ou privés) sur le bien-fondé et l'utilité de leurs

prescriptions, qu'il s'agisse d'audits ou de programmes de formations ». Cette logique est caractérisée

« par un ancrage identitaire fort dans la formation continue, lié à une socialisation professionnelle

ancienne dans ce secteur ». 75

Le thème de l’identité professionnelle fut largement abordé et débattu lors des premières assises des

formateurs consultants indépendants organisées par le SICFOR et la FCF à Paris le 9 juin 2010. Voici, à

titre d’illustration, les propos de Lionel Soubeyran à ce sujet : « Il reste à clarifier comment se structure

cette identité professionnelle qui nous rassemble aujourd’hui et sur quoi se fonde cette légitimité

d’acteur autonome de la Formation Professionnelle que nous revendiquons. »

« Clarifier l’identité professionnelle du Consultant Formateur indépendant est un vaste chantier que

nous avons à peine effleuré. C’est désormais une priorité pour continuer le travail de structuration de

notre métier en profession ».

« Il nous reste à tracer à grands traits les contours d'une profession qui, jusqu'à présent, a eu bien des

difficultés à parler d'elle‐même et qui doit désormais se stabiliser et faire valoir ses atouts, si elle veut

exister à sa juste place dans le marché de la formation professionnelle.

Notre métier souffre d’un immense déficit d’image. C’est notamment vrai aux yeux des entreprises qui

ne pensent pas toujours à solliciter notre expertise sur des problématiques pour lesquelles nous serions

parfois les plus compétents, et la plupart du temps les plus réactifs.

Mais commençons par balayer devant notre porte. Les représentations du métier par ceux‐là mêmes

qui l’exercent apparaissent multiples. Nous nous présentons comme consultants, ou formateurs, ou

consultants-formateurs, ou formateurs-consultants, ou consultants en formation !… et la liste n’est pas

limitative. »

Quatre raisons de ce foisonnement sont identifiées au cours de l’allocution de Lionel Soubeyran : ‐ Ce métier est souvent une deuxième, voire une troisième partie de carrière, - Les formateurs consultants autonomes viennent d’horizons extrêmement divers, porteurs

d’expériences professionnelles variées. - Ils entrent dans l’activité soit par l’expertise du formateur, soit par celle du consultant (ce qui

influence leur représentation du métier et leur style d’exercice) - Leurs champs d’interventions, tout comme leurs approches et outils pédagogiques couvrent

un très large spectre.

Des travaux associant les syndicats et des chercheurs en sciences sociales sont en cours : « nous avons

débuté le travail sur notre identité professionnelle et de ses frontières avec des métiers connexes. Des

75 GRAVE P, l’identité professionnelle des formateurs - Article de la rubrique « Former, se former, se transformer » Hors-série N° 40 - Mars/Avril/Mai 2003 Former, se former, se transformer

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sociologues de l’Université de Lille-I nous accompagnent sur ces réflexions. L’objectif est la publication

en 2011 d’un ouvrage intitulé Profession formateur-consultant. »76

L’importance de clarifier leur identité professionnelle est donc bien identifiée par les formateurs

consultants et les enjeux sont notamment posés en terme de professionnalisation ainsi que de

reconnaissance de l’activité par les pouvoirs publics, les clients et au regard du groupe professionnel

des métiers de la formation.

Nous relevons le fait que de nombreux travaux ont déjà été entrepris autour de l’identité

professionnelle des formateurs d’adultes sans pour autant mener à l’émergence d’une identité

professionnelle définie.

Qu’en sera-t-il pour celle des formateurs consultants ? Est-il possible de construire une identité

professionnelle autour de cette activité ?

Ces questions, sur lesquelles nous reviendrons dans le cadre de l’exploration de ce concept, posent

celle de la professionnalisation d’une activité et d’individus dont l’identité professionnelle semble ne

pas être encore définie à ce jour.

3.4 Etat des lieux de la reconnaissance de leur activité

Il n'existe pas, en France, de réglementation nationale régissant le statut de formateur ou des autres

acteurs privés de la formation, dont les formateurs consultants.

A l’exception de l’AFPA, il n’y a, à la différence des enseignants, aucun programme de formation

initiale ou continue obligatoire pour les formateurs (cf. Annexe 7). Cela ne signifie pas bien sûr qu’il

n’existe pas de dispositifs de formation ou de reconnaissance à destination de ces agents de la

formation.

Précisions qu’il existe trois types de reconnaissance de l’activité : - Première partie : auto proclamation, l’organisme ou la personne se déclare lui-même compétent et conforme. C’est aujourd’hui le cas de la presque totalité des formateurs - Seconde partie : la certification est attribuée par un organisme partie prenante de la démarche : un

client certifie son fournisseur, un syndicat les professionnels qu’il représente, c’est le cas par exemple

du titre de Formateur-Consultant créé dans les années 1990 par la Chambre Syndicale des Formateurs

Consultants ou du «CQP de consultant-formateur de niveau 2» créé par la FFP (syndicat des cabinets

de formation).77

- Tierce partie : la certification est délivrée par un organisme indépendant des acteurs, c’est le cas de l’ISO 9000, ISQ, les diplômes ou des certifications de l’ICPF&PSI78.

76 Interview de Lionel SOUBEYRAN président du SICFOR dans le Dossier centre Inffo –l’information sur la formation – le paysage syndical de la formation n° 761 1er au 15 février 2010. 77 Quotidien de la Formation, 1er juin 2007 78 Institut de Certification des Professionnels de la Formation et de la Prestation de Service Intellectuel http://www.certif-icpf.org

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3.4.1 Quid de leur formation ?

« La formation constitue un marché important. L'offre de formation aux métiers de la formation, est de

toute nature ; 1500 organismes de formation déclarent une offre de formation pour les acteurs de la

formation, professionnels ou occasionnels (dont les tuteurs en entreprise). Cette offre comprend des

formations courtes et longues (de 12 h à 3420 h), diplômantes et non diplômantes, avec une

prédominance de stages de courte durée.

267 diplômes universitaires préparant aux métiers de la formation ont été recensés ». 79

La formation des formateurs peut être le fait de réseaux nationaux :

- Formation pédagogique des personnels de l'AFPA

- Formation pédagogique des personnels de l'Education nationale travaillant pour la formation des

adultes : les CAFOC.

- Les Universités organisent des formations conduisant à des diplômes préparant aux métiers de la

formation, dans les facultés de sciences humaines (sciences de l'éducation, psychologie) et de sciences

sociales (sociologie).

- Le CUEEP de Lille (Centre Université – Economie d'Education Permanente).

- le CNAM

Il existe également de nombreuses formations organisées par des organismes de formation privés de

type, durée et qualité fort divers.

Dans l’ouvrage coordonné par Dominique Fablet « La formation des formateurs d'adultes », la

professionnalisation des acteurs de la formation est abordée via les positionnements révélés par les

différents types d’offre de formation à destination des formateurs : “une offre de formation

florissante, hétérogène, destinée à toutes les catégories d’acteurs de la formation : formateurs,

animateurs, mais aussi responsables de formation, conseillers, tuteurs en entreprise”80 . Ces formations

sont réparties entre des modules de un à cinq jours (largement majoritaires) destinés aux non

professionnels de la formation qui “veulent ou doivent élargir leurs compétences mais ne se situent pas

dans une dynamique de changement de métier” et des formations longues (de 300 à 1660 heures)

qualifiantes non diplômantes ou diplômantes généralement inaccessibles à des non initiés.

Ces deux modalités semblent correspondre à deux perceptions de l’activité de formation et / ou de

conseil :

- la formation-fonction : en ce cas, “une formation courte suffit à “outiller” quelqu’un qui fera

ensuite ses armes sur le terrain »,

- la formation-profession pour laquelle « Une formation longue est indispensable à une réflexion

sur le rôle des acteurs de la formation dans la société car tout formateur est un agent de

transformation de la réalité sociale ; de plus elle doit être qualifiante ou diplômante car elle

79 La Formation des Enseignants et des Formateurs en France Rapport réalisé par le Centre INFFO sur la demande du CEDEFOP Juillet 2004 80 FABLET D., La formation des formateurs d'adultes Paris Savoir et Formation, l’Harmattan, 2001

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participe à la construction d’une identité professionnelle et à la reconnaissance sociale des

acteurs de la formation.”

Les formations et les diplômes ne manquent donc pas (au point que nombre de candidats à une

formation de formateur ne savent à quel saint se vouer pour choisir le cursus qui correspond à leur

projet professionnel).

Si le développement de l’activité de conseil associée à la formation est plus récent, les offres de

formation, de diplômes et de certification sont là aussi nombreuses.

En l’absence de parcours de formation obligatoire, la cooptation, la reconnaissance des compétences,

de l’expérience et de l’expertise sont capitales pour assurer l’activité des formateurs consultants et

renforcer l’identité professionnelle des individus par la reconnaissance de compétences, savoir et

savoir-faire fréquemment issus d’apprentissages biographiques.

Nombre de formateurs consultants autonomes ont ainsi volontairement entrepris de se former et,

pour certains, d’obtenir une certification de tierce partie attestant de leur expertise ou d’engager leur

structure (même uni personnelle) dans une démarche qualité.

3.4.2 Normes et dispositifs de labellisation ou de certification

appliqués dans le champ de la formation professionnelle 81 82 83

La labellisation, la certification des prestataires (organismes de formation et prestataires autonomes)

et le développement de la démarche qualité dans les processus d’élaboration des prestations sont-ils

possibles via les certifications, normes et labels existants actuellement dans le champ de la formation ?

Les démarches qualité en tant « qu’ensemble des caractéristiques d’une entité qui lui confère l’aptitude

à satisfaire des besoins exprimés ou implicites" sont apparues dans le monde de la formation à la fin

des années 80. L’objectif est de satisfaire les clients de la formation, à savoir les financeurs et

prescripteurs, mais aussi les usagers.

En l'absence de réglementation nationale relative à la qualité, les démarches qualité ont été

volontairement engagées par les professionnels de la formation à partir de 1990 la plupart du temps

afin de répondre aux exigences des acheteurs eux-mêmes en démarche qualité.

Dressons ici un bref état des lieux des dispositifs utilisés afin de répondre à la question de leur

adéquation avec les recommandations émises depuis plus de dix ans dans les différents rapports qui

ont alimenté la réforme du système de formation professionnelle tout au long de la vie.

81 ARDOUIN T., cours Ingénierie de la formation Master 2 Pro Ingénierie et conseil en formation université de Rouen 2010 82 Rapport du groupe de Travail sur la qualité de l'offre et de l'achat de formation - Mme C.Duda Présidente de l’ANDRH, décembre 2008 83Eclairage CREFOR 9 novembre 2008 – la qualité de l’offre de formation

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Les normes : ISO et NF

Il existe deux sortes de normes de la qualité en formation, différentes par leur finalité et leur forme :

celles du type NF, normes françaises élaborées par l’AFNOR, et les normes ISO. L’AFNOR (Association

Française de NORmalisation) élabore des normes à la demande des branches professionnelles et

certifie de la marque « NF » les organisations respectant les exigences de ces normes.

A ce jour, plusieurs normes AFNOR et fascicules de documentation sont homologués : - La norme de terminologie (NF X 50-750) et le fascicule de documentation (FD X 50-751)

développent un langage commun entre les acteurs de la formation - La norme d’aide sur la méthode d’élaboration de projets de formation (NF X 50-755) permet

de conduire correctement la phase de préparation à l’expression de la demande, en complément de la norme sur le cahier des charges de la demande.

- La norme sur le cahier des charges de la demande de formation (NF X 50-756) aide les entreprises dans l’expression de leur demande de formation via un cahier des charges.

- La norme sur les informations relatives à l’offre de formation (NF X 50-760) définit les informations que l’organisme de formation doit fournir à ses clients.

- La norme "Formation professionnelle - Organisme de formation - Service et prestation de service" (NF X 50-761) examine les caractéristiques du service fourni par l’organisme de formation et les moyens nécessaires à la réalisation de ce service.

- Le Fascicule de documentation "Management de la qualité - Lignes directrices pour la formation" (FD X 50-757) est destiné à aider les organismes et leur personnel à identifier et analyser leurs besoins de formation, à concevoir, planifier, réaliser la formation, à en évaluer les résultats, ainsi qu'à piloter et améliorer le processus de formation afin d'en réaliser les objectifs.

- Le Fascicule de documentation "Formation professionnelle – Formation en alternance (FD X 50-758) présente les normes de la formation professionnelle pour en faciliter l’utilisation dans le cas des formations en alternance.

Actuellement, il existe une seule norme ISO 9001, intitulée "système de management de la qualité -

exigences", adaptée aux services et notamment aux organismes de formation.

Elle se définit comme "le modèle pour l’assurance de la qualité en conception, développement,

production, installation et soutien après la vente". L’organisme qui décide d’adopter l’ISO 9001

demande à un organisme certificateur, de vérifier sa conformité avec les 20 exigences de procédure

interne que présente la norme. Elles concernent notamment la procédure de contrat, la procédure de

conception du stage, les achats, le contrôle final et l’identification des besoins.

Les certifications

La certification est une procédure par laquelle un organisme tierce partie atteste, par le biais d’un

audit, qu’un produit, un système de management de la qualité ou un service est conforme aux

exigences spécifiées dans un référentiel.

L'un des principaux organismes certificateurs des normes ISO 9000 pour la France est l'AFAQ AFNOR

qui délivre 75 % des certifications ISO 9000. L'AFAQ AFNOR Certification peut délivrer une certification

NF Service aux organismes de formation qui en font la demande, sur la base des normes NFX 50-761 et

NFX 50-760.

La certification professionnelle FFP est un outil qualité au service des adhérents de la Fédération de la

Formation Professionnelle qui en a confié la mise en œuvre à l'OPQF. L’OPQF est ainsi chargé de

vérifier la conformité des référentiels de formation des organismes souhaitant mettre en place des

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certificats professionnels. Il habilite, ou non, ces organismes de formation à délivrer le Certificat

professionnel FFP qui atteste de la maîtrise d'une fonction, d'une activité ou d'un métier.

Les labels

Un label est un signe distinctif relatif à la qualification de produit et de service. Il existe plusieurs labels

dans le champ de la formation destinés à différents acteurs :

- Pour les formateurs et consultants : le label ICPF & PSI délivré par l’Institut de Certification des

Professionnels de la Formation et Prestataires de Service Intellectuel (ICPF & PSI). Il s’agit

d’une certification destinée aux professionnels (personnes physiques) qui en font la demande,

après examen du dossier et entretiens réalisés par des auditeurs qualifiés.

- Pour les organismes de formation privés : Le label OPQF destiné aux organismes de Formation

Professionnelle continue en reconnaissance de leur professionnalisme. Il est reconnu par

l'état (DGEFP), associé à ces instances depuis 1994.

- Pour les organismes de formation publics ou semi public : le label Greta Plus attribué au Greta

en conformité avec la norme qualité Éducation nationale en formation d'adultes. L'originalité

de cette norme est de mettre le service "sur mesure" au cœur des exigences du Greta.

Il existe donc un appareil normatif et des procédures de certification et de labellisation adapté à

l’ensemble des prestataires de formation professionnelle et aux recommandations d’améliorations

proposées dans les différents rapports étudiés.

Petite parenthèse vers une ouverture européenne …

Depuis l’agenda de Lisbonne, des politiques européennes plus actives se développent, la formation professionnelle rentre dans le champ de la coordination et des outils de coordination se développent, dont le Cadre Européen de Certification (CEC). Bien que fondé sur le pur volontariat, se présentant comme un outil souple pour la construction d’une confiance mutuelle, le CEC peut influencer, à terme, la conception et la structure des certifications nationales. Adopté par le parlement européen en 2008, le Cadre européen des certifications (CEC) se présente comme un « méta-cadre », censé créer à la fois un langage commun et des références communes entre les certifications des différents pays membres de l’Union européenne. Sa vocation à dépasser les frontières entre formation professionnelle et éducation générale traduit le mouvement engagé dans la plupart des pays européens vers l’élévation des niveaux de formation, vers la poursuite d’études dans un enseignement supérieur qui se professionnalise. Mais il traduit aussi l’un des axes souvent réaffirmé des politiques européennes, celui de la « parité d’estime » entre enseignement général et formation professionnelle. Le CEC entend couvrir sans distinction les certifications en « formation initiale » et en « formation continue » et, se fondant sur les acquis de l’apprentissage, des certifications qui pourraient sanctionner des acquisitions via l’éducation « formelle », «informelle » et « non formelle » 84. Les difficultés de mise en œuvre du CEC sont certaines et font qu’il est loin d’être déjà d’actualité mais la logique qui l’anime peut cependant représenter à terme une voie de certification pour les prestataires de formation dont les compétences relèvent de formations professionnelles et d’apprentissages expérientiels.

84 MEHAUT P. et WINCH C., « Le cadre européen des certifications : quelles stratégies nationales d’adaptation ? », Formation emploi, 108 | octobre-décembre 2009 http://formationemploi.revues.org/index2115.html

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44

3.5 Les prestataires de formation et la qualité de l’offre : les grands absents de la réforme ?

Quid de « l’interface » entre la réforme de la formation professionnelle tout au long de la vie et la

population que nous avons choisie d’étudier ? En dépit du nombre de prestataires de formation

(organismes ou formateurs autonomes) existants dans notre pays et de l’importance que devrait

revêtir la qualité de leurs offres au regard des enjeux assignés à la formation professionnelle, ils

n’apparaissent que de façon très anecdotique dans les axes de réforme mis en œuvre tant au cours

des dernières années que dans la loi du 24 novembre 2009.

3.5.1 Au fil des rapports : constats et propositions d’amélioration Ainsi que nous l’avons vu précédemment, le système de formation professionnelle dans son ensemble

a été analysé selon différentes approches dans de nombreux rapports établis soit :

- dans le cadre du bilan de la loi du 4 mai 2004 (les rapports Carle-Sellier et Cahuc – Zylberberg

par exemple)

- afin de poser le processus de refonte du système (les rapports Ferracci et Guegot),

- dans le cadre des axes de travail fixés afin de préparer l’ANI du 7 janvier 2009 et de la loi du 24

novembre 2009 (le rapport Duda par exemple).

La plupart de ces rapports ont évoqué l’amélioration de la qualité et de la visibilité de l’offre ainsi que

l’encadrement des organismes de formation et la labellisation des personnes morales ou physiques,

des propositions ont été faites en ce sens. Nous en présentons ici une revue qui –sans être exhaustive-

se veut cependant assez détaillée.

Exemples de rapports établis dans le cadre du bilan de la loi du 4 mai 2004

La formation professionnelle des adultes : un système à la dérive, Pierre Cahuc et André Zylberberg juillet 2006 : « La qualité des prestations fournies par les organismes de formation professionnelle est difficile à évaluer par les entreprises et les salariés qui ne disposent que d’une information parcellaire dans ce domaine. L’information sur la qualité des formations peut être améliorée grâce à la procédure de certification.» Exemple d’organisme certificateur cité : « l’Office professionnel de qualification des organismes de formation (OPQF) /… / délivre le label OPQF aux organismes de formation s’engageant à respecter un code de conduite incluant des conditions d’honnêteté, d’indépendance et de rigueur professionnelle.»85

Rapport d’information fait au nom de la mission commune d’information sur le fonctionnement des dispositifs de formation professionnelle, par Messieurs Carle (président de la mission) et Sellier (rapporteur), sénateurs, juillet 2007 : L’évaluation du professionnalisme des organismes de formation est un critère essentiel pour « garantir la qualité des prestations auprès des stagiaires, des financeurs et des entreprises. /… / le point-clé réside dans la qualité des personnes en charge de la formation et de la relation entre les formateurs et les personnes formées, cette fonction permettant d’arriver à une « co-construction » de la prestation. »86

85 La formation professionnelle des adultes : un système à la dérive Pierre Cahuc et André Zylberberg 10 juillet 2006 86 Rapport d’information fait au nom de la mission commune d’information sur le fonctionnement des dispositifs de formation professionnelle, par Messieurs CARLE (président de la mission) et SELLIER(rapporteur), sénateurs, juillet 2007

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Rapports établis pour poser les bases du processus de refonte du système

Groupe Multipartite sur la Formation Professionnelle présidé par Monsieur Pierre Ferracci en juillet 2008 : l’amélioration de la qualité de l’offre de formation est un des huit axes de réforme identifié par ce groupe de travail. Il convient avant tout« d’améliorer qualitativement l’offre avant même de proposer une réduction quantitative (regroupements). L’amélioration de l’offre de formation passe/… / par un renforcement des liens entre le prescripteur, l’acheteur et le fournisseur de l’offre, pour que cette offre soit en permanence en adéquation avec les besoins de l’acheteur» Quatre hypothèses d’évolution avaient été proposées par le groupe multipartite :

- Mettre en place des procédures d’évaluation et de labellisation de l’offre de formation - Privilégier un arbitrage qualité / prix dans l’achat de formation par les acteurs publics - Réguler les rapports offre / demande par le marché : responsabiliser les entreprises dans la

définition du contenu des formations, le libre choix des organismes de formation et des OPCA - Réguler par le contrôle, l’évaluation et la labellisation via des instances administratives,

paritaires ou expertes qui définissent les normes de l’exercice de la profession et les modalités

de leur évaluation.87

Le rapport rendu en décembre 2008 par la mission sur la formation tout au long de la vie présidé par Mme Guégot dénonce une offre de formation « opaque et de qualité variable » : «… on peut regretter que l’encadrement des activités soit insuffisant, faute d’un système d’agrément des organismes et d’une réglementation concernant le statut des formateurs. Ni les procédures actuelles d’achat de formation ni la loi de l’offre et de la demande ne permettent de corriger ces lacunes. » Il relève de nombreux points de blocages en lien avec les organismes de formation ou les formateurs :

- la création des organismes de formation n’est pas suffisamment encadrée : « la faiblesse des obligations réglementaires applicables aux organismes de formation professionnelle est avérée : aucun agrément n’est nécessaire à l’exercice de cette activité.»

- le contrôle de qualité des formateurs reste formel : « Un contrôle de la qualité des prestataires a été introduit par la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale, selon laquelle : « les personnes physiques ou morales [qui réalisent les prestations de formation] doivent justifier des titres et qualités des personnels d’enseignement et d’encadrement qu’elles emploient et de la relation entre ces titres et qualités et les prestations réalisées », mais la loi ne précise pas la nature de ces titres et qualités, ce qui prive cette disposition de toute effectivité.»

- la prolifération des diplômes et des formations de formateur induit une spécialisation outrancière qui ne favorise pas la mobilité professionnelle des formateurs.

- il n’existe pas de procédure d’évaluation permettant de garantir la qualité des formations. - L’offre tend à précéder la demande : l’acheteur adapte sa demande aux offres des organismes

de formation qui ne correspond dès lors plus aux besoins réels. Trois propositions pour clarifier et sécuriser l’offre de formation sont alors émises : 1 - Créer un Observatoire national sur l’offre de formation afin de donner aux diverses autorités responsables de la visibilité sur l’efficacité des actions entreprises et sur leur adéquation aux objectifs qui leur ont été assignés. 2 - Recenser toute l’offre de formation et la publier sur Internet au sein d’une base de données accessible à tous afin de clarifier et de rendre visible l’information. 3- Créer une procédure de labellisation des organismes de formation pour pallier à l’insuffisance des contraintes réglementaires et de permettre à tous d’apprécier le sérieux des organismes de formation et la qualité de leurs prestations via une nouvelle procédure de contrôle. « une labellisation des offres de formation paraît nécessaire car tous les niveaux de qualité se rencontrent, notamment dans le secteur tertiaire. /… /, la labellisation devrait être confiée à l’Office professionnel de qualification des organismes de formation (OPQF). » 88

87 Groupe Multipartite sur la Formation Professionnelle présidé par Monsieur Pierre FERRACCI, Synthèse des travaux, 10 juillet 2008 88 Rapport de la commission des Affaires Culturelles Familiales et Sociales - travaux de la mission sur la formation tout au long de la vie. Présenté par Mme Guégot décembre 2008.

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Exemple de rapports préliminaires à l’ANI du 7 janvier 2009 et de la loi du 24 novembre 2009

Le groupe de travail sur la qualité de l'offre et de l'achat de formation présidé par Charlotte Duda, devait faire des propositions pour la réforme et répondre à trois questions : «Comment réduire l’inflation déclarative d’organismes de formation ? Comment garantir la qualité d’un organisme de formation et de ses prestations ? Quelles sont les bonnes pratiques en matière d’achat de formation ? » Une fois de plus, la faiblesse de la visibilité et de la lisibilité de l’offre et de sa qualité sont soulignées : « La qualité de l’offre de formation n’est pas suffisamment visible par la confusion entre les notions de déclaration, agrément, qualité, label. Elle est également peu lisible pour les différents acteurs susceptibles d’y recourir. » L’engagement volontaire des professionnels dans la démarche qualité y est également relevé : « les professionnels eux-mêmes /… / se sont impliqués dans une recherche de la qualité, sous la pression des exigences accrues des acheteurs de formation. Ces démarches qu’il ne faut pas confondre, utilisent principalement des normes ISO 9001 (ex ISO 9000) et AFNOR avec le système de certification qui y est attaché, et des labels OPQF et ICPF. [Ces démarches] mériteraient une meilleure promotion et visibilité dans les outils de recueil de l’offre de formation et /… / pourraient faire l’objet d’aides financières pour être encouragées. Il en va de même pour la qualité ou la qualification des formateurs.» Dix propositions ont été émises (voir annexe 4 pour le texte complet): 1. Visibilité de l’offre : auto-inscription des prestataires « Une inscription libre et gratuite des organismes de formation sur un portail-répertoire est préférable à un enregistrement auprès de l’administration qui n’offre aucune garantie de qualité mais qui peut le laisser croire. Les certifications ou labels de qualité acquis par ces organismes sont vivement encouragés et devraient figurer dans ce portail-répertoire. » 2. Revoir les modalités d’exonération de TVA 3. Lisibilité de l’offre via une fiche d’identité des prestataires en ligne sur un « portail-répertoire accessible à tous. » 4. Engagements multipartites en amont de la formation (prescripteur, acheteur, usager, organisme de formation) pour récapituler les buts de l’action et les moyens mobilisés en amont de la réalisation. 5. Une attestation des acquis à l’issue de la formation pour chaque stagiaire 6. Achat public : une voie médiane entre le marché et la subvention 7. Revoir le système de l’achat public 8. Créer un observatoire mettant en perspective les prix et la qualité des formations dispensées. 9. Création d’une fonction d’intermédiation afin d’encourager le développement de la formation tout au long de la vie, soutenir l’expression de la demande, aider à la recherche de prestations adaptées, faciliter l’évaluation et encourager le recours à des certifications ou des labellisations qualité. 10. Confier l’intermédiation aux OPCA89

Dans son avis rendu le 8 avril 2008, le Conseil d’Orientation pour l’Emploi (COE), face à la multiplicité des prestataires, propose de recenser l’offre existante dans une base de données accessible à tous et renseignant les principales caractéristiques des formations dispensées. Par ailleurs, il déplore que les organismes de formation ne soient soumis qu’à “certaines obligations administratives, dont la déclaration d’activité et le bilan pédagogique et financier”, qu’il juge insuffisantes. Il propose d’instituer une labellisation des prestataires afin de garantir que la formation dispensée est conforme aux exigences attendues. Il cite en exemple celle délivrée par l’OPQF. « Les organismes de formation ne sont soumis qu’à certaines obligations administratives, dont la déclaration d’activité et le bilan pédagogique et financier. Une procédure de labellisation, qui garantit que la formation dispensée est conforme aux exigences attendues / … / pourrait être instituée /…/du type de celle délivrée par l’OPQF, qui inclut des conditions sur la durée d’activité de l’organisme, les références des formateurs, etc. » 90

89 Rapport du groupe de Travail sur la qualité de l'offre et de l'achat de formation Présidé par C.Duda, décembre 2008 90 Conseil d’orientation pour l’emploi sur la formation professionnelle, avis du 8 avril 2008

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Il ressort de l’analyse de ces textes et des propositions émises qu’au-delà de la mise en place d’un

système permettant de développer la visibilité et la lisibilité de l’offre, les propositions vont largement

dans le sens d’un renforcement de l’encadrement de l’activité. Une labellisation et une certification

des prestataires (organismes de formation et prestataires autonomes) ainsi que le développement de

la démarche qualité dans les processus d’élaboration des prestations sont également appelés.

3.5.2 L’encadrement de l’activité des organismes et prestataires individuels de formation : que dit la loi ?

Le titre V du livre III du code du travail traite des obligations légales des organismes de formation. Son contenu et sa place dans l’architecture de la partie du code du travail (la sixième) dédiée à la formation professionnelle tout au long de la vie peut être ainsi schématisé 91 :

Les sénateurs ayant supprimé l'article 16 ter du projet de loi qui disposait que le FPSPP (Fonds

Paritaire de Sécurisation des Parcours Professionnels) établirait une charte qualité de la commande de

formation pour les entreprises et les OPCA, la déclaration d’activité instituée par la loi de 2002,

constitue aujourd’hui la seule contrainte pour créer une activité de formation.

91 Schéma document de travail C.TROILLET GIRSZYN 04 07 2010

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Actuellement un article de loi relatif à la reconnaissance des qualifications et titres des formateurs

existe et spécifie que toute personne qui réalise des prestations de formation professionnelle « doit

justifier des titres et qualités des personnels d'enseignement et d'encadrement qui interviennent à

quelque titre que ce soit dans les prestations de formation qu'elle réalise, et de la relation entre ces

titres et qualités et les prestations réalisées dans le champ de la formation professionnelle. » 92

Le code du travail précise également que la déclaration d'activité doit être accompagnée – entre

autres pièces justificatives- d’une copie du programme de la formation, ainsi que de « la liste des

personnes qui interviennent dans la réalisation de l'action avec la mention de leurs titres et qualités, du

lien entre ces titres et qualités et la prestation réalisée conformément à l'article L.6352-1 et du lien

contractuel qui les lie à l'organisme. »93 et que « Le fait de ne pas justifier des titres et qualités des

personnels d'enseignement et d'encadrement employés et de la relation entre ces titres et qualités et

les prestations réalisées dans le champ de la formation professionnelle, en méconnaissance des

dispositions de l'article L. 6352-1, est puni d'une amende de 4 500 euros »94

Bien qu’ils existent (cf. le point 3.4.1 « Quid de leur formation ?), le fait que ces « titres et qualités » ne

fassent actuellement l’objet d’aucune définition ni obligation à ce jour semble priver ces dispositions

de toute effectivité.

La loi du 24 novembre 2009 a donné lieu, comme les précédentes, à un débat entre la volonté de

mieux contrôler l'accès à la profession et, d'autre part, la nécessité de respecter le caractère ouvert du

marché pour une prestation qui relève clairement de l'économie de marché et donc du respect du

droit de la concurrence. « Ce débat a débouché sur des dispositions ambigües réaffirmant le caractère

purement déclaratif de la déclaration d'existence tout en précisant les conditions dans lesquelles

l'autorité administrative peut refuser de l'enregistrer, voire la retirer. »95

92Article L6352-1 du code du travail au 27 07 2010 93 Article R6351-5 Version en vigueur au 24 juillet 2010, depuis le 23 mai 2010 94 Article L6355-6 Version en vigueur au 24 juillet 2010, depuis le 1 mai 2008 95 Cours Master 2 Pro ICF Université de Rouen droit de la formation professionnelle Monsieur Pierre LE DOUARON 2010

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Petite parenthèse historique…

« Bien que soit apparu dans le code du travail dans un premier temps, l’habilitation des programmes de formation (loi de 1990 relative au crédit formation, à la qualité et au contrôle de la formation96) puis l’agrément des prestataires de formation (loi quinquennale de 1994 97), ces initiatives n'ont jamais vu le jour faute publication des décrets d'application. » 98 Le projet de loi déposé en avril 1990 (loi n° 90-579 du 4 juillet 1990 relative au crédit formation, à la qualité et au contrôle de la formation professionnelle continue) faisait mention de la création d’un Conseil national d’évaluation afin de permettre de « mieux apprécier la pertinence des programmes d’action, l’évolution de la demande et de l’offre de formation. Une procédure d’habilitation des programmes de formation et le développement d’une programmation nationale et régionale de l’intervention de l’Etat doit assurer une meilleure maîtrise de la demande publique et une élévation générale de la qualité de l’offre de formation. Le contrôle administratif et financier de l’Etat est étendu à l’ensemble des activités de formation professionnelle. »99 La loi n° 95-116 du 4 février 1995 portant diverses dispositions d’ordre social (DDOS) complétait par son article 18 l’article L. 920-4 du code du travail par cinq alinéas ainsi rédigés : « Dans un délai de trois ans suivant la déclaration préalable, les personnes physiques ou morales visées précédemment doivent faire une demande d'agrément auprès du représentant de l'Etat dans la région. Cet agrément est accordé, après avis du conseil régional, pour l'ensemble du territoire national. Il est tenu compte, pour la délivrance de l'agrément, des capacités financières de l'organisme, des moyens humains et matériels mis en œuvre, de la régularité de la situation des candidats à l'agrément au regard de l'acquittement des cotisations sociales et des impositions de toute nature, ainsi que de la qualité de la formation dispensée. »100

…………………………………………………………………… Si ces articles sont désormais caduques, ils traduisent cependant l’ancienneté de la volonté d’encadrement de l’activité et révèle que le pouvoir législatif a déjà par le passé émis des réglementations précises sans pour autant les doter des décrets qui les auraient rendues effectives.

La « valse-hésitation » constatée actuellement autour de la réglementation de l’activité et de mesures d’agrément ou de labellisation des prestataires (personnes morales ou physiques) n’est donc pas une nouveauté et semble traduire un « malaise » ancien et récurrent dans le type d’intervention de l’état vis-à-vis des prestataires de formation. Activité réglementée ou système libéral ? Telle est la question …

96 LOI n° 90-579 du 4 juillet 1990 relative au crédit formation, à la qualité et au contrôle de la formation professionnelle continue. 97 LOI n° 95-116 du 4 février 1995 portant diverses dispositions d’ordre social (DDOS) 98 Rapport du groupe de Travail sur la qualité de l'offre et de l'achat de formation - Mme C.Duda Présidente de l’ANDRH, décembre 2008 99 http://www.vie-publique.fr/politiques-publiques/formation-professionnelle-continue/chronologie/ 100 La loi n° 95-116 du 4 février 1995 portant diverses dispositions d’ordre social (DDOS)

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Il n’y existe donc, à ce jour, aucune obligation de professionnalisation ni de certification des

organismes ou des formateurs autonomes dispensateurs de formation professionnelle ni de

réglementation en terme de démarche qualité. Cela en dépit de :

- l’abord systématique de ces thèmes dans les rapports fondateurs ou complémentaires de la

réforme, et de l’existence d’un groupe de travail dédié à cette problématique (groupe de

travail sur la qualité de l'offre et de l'achat de formation Présidé par Madame Charlotte Duda

Présidente de l’ANDRH, décembre 2008),

- l’existence de dispositifs permettant de mettre en œuvre les procédures recommandées,

- l’existence d’articles de loi dédiés.

Ni l’amélioration de la qualité de l’offre, ni l’encadrement ou la professionnalisation des prestataires

de formation n’ont fait l’objet de mesures nouvelles dans le texte de la loi du 24 novembre 2009.

Au regard du statut de priorité nationale accordée à la formation professionnelle tout au long de la vie,

du budget investi, des recommandations et de l’activité législative qui en découle depuis près de dix

ans, on peut questionner le fait que la qualification initiale et la professionnalisation des formateurs, la

labellisation ou la certification des organismes dispensateurs de formation professionnelle et la mise

en démarche qualité de l’offre de formation restent ainsi, à l’exception notable de l’AFPA, hors de

tout contrôle ou système de validation national.

3.6 Situation des formateurs consultants face aux grandes

orientations nationales

Bien que, concrètement, rien ne soit mis en place à ce jour en termes d’obligations, la réforme de la

formation professionnelle comporte des points qui concernent directement les formateurs

consultants :

- Face à un marché qui ne cesse de s’atomiser et de s’opacifier avec la croissance non maîtrisée des

dispensateurs de formation, la réduction souhaitée du nombre des organismes de formation (+ de

63000 à - de 14 000 en 1 an101) est explicitement annoncée dans les objectifs du groupe de Travail sur

la qualité de l'offre et de l'achat de formation présidé par Charlotte Duda chargé de répondre à trois

principales questions : «Comment réduire l’inflation déclarative d’organismes de formation ?

Comment garantir la qualité d’un organisme de formation et de ses prestations ? Quelles sont les

bonnes pratiques en matière d’achat de formation ? » 102

- l’attribution du numéro de déclaration d’activité conditionnée à l’identification de démarche qualité

(le dossier comportera la liste des personnes qui interviennent dans la réalisation de l'action avec la

mention de leurs titres et qualités et du lien entre ces titres et qualités et la prestation réalisée),

- la création d’un portail présentant les organismes de formation (avec leur numéro de déclaration

d’activité) mentionnant : "La valorisation des certifications et labels obtenus par les prestataires sur un

répertoire des organismes à partir d’une fiche d’identité commune et accessible à tous" afin

d'améliorer l'information sur l'offre de formation.

101 Communication de M Fahri, Président de la Fédération des CSFC Conseil Fédéral du 17 10 2009 102 Rapport du groupe de Travail sur la qualité de l'offre et de l'achat de formation Présidé par C.Duda, décembre 2008

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Notons également que la future norme ISO 29990 "Services d'apprentissage pour éducation non

formelle et formation — Exigences de base pour fournisseurs de service" 103 qui arrivera en France

avant le premier trimestre 2011 indique la nécessité de certifier l’organisation, l’action de formation et

les acteurs (formateur, animateurs, intervenants experts…).

Rappelons que, concernant la qualité ou la qualification des formateurs, « la création d’une norme

comme la détention d’un titre ou d’un diplôme comme condition pour exercer, ou bien celle de la

création d’un ordre professionnel régissant les conditions d’entrée et d’exercice de la profession »

avaient été évoquées mais écartées car jugées « impraticables au regard de la variété des activités et

de l’origine de ceux qui l’exercent. »

Les articles L 6352-1 et 6351-5 du code du travail évoquent les « titres et qualités des personnels

d'enseignement et d'encadrement employés » sans les spécifier, le législateur laisse donc le soin aux

professionnels d’en définir le type et les contenus ce qui ouvre un espace de solutions.

Les professionnels gagneraient vraisemblablement à investir cet espace avant que les « règles du jeu »

ne leur soient imposées.

La qualification des prestataires de formation, la qualité et l’adéquation de leurs offres au regard des

priorités nationales sont identifiés de longue date comme des éléments clés dans l’atteinte des

objectifs qui ont été assignés à la formation professionnelle continue.

Le débat entre la volonté, d’une part, de mieux contrôler l’accès à la profession et, d’autre part, la

nécessité de respecter le caractère ouvert du marché n’a finalement débouché que sur des

dispositions réaffirmant le caractère purement déclaratif de la déclaration d’existence tout en

précisant les conditions dans lesquelles l’autorité administrative peut refuser de l’enregistrer, voire la

retirer. Pourtant, des dispositifs adaptés (cursus de formation, normes, certifications) existent et les

articles L 6352-1 et 6351-5 du code du travail pourraient, s’ils étaient suivis de décrets d’application,

permettre un premier pas effectif vers l’application de ces recommandations.

103 Cette norme a pour objectif de fournir un modèle générique pour une pratique professionnelle performante et de qualité, ainsi qu’une référence commune pour les fournisseurs de services pour apprendre et leurs clients en matière de conception, développement et fourniture de prestations d’éducation, de formation et de développement non formels. Cette norme emploie l’expression « services pour apprendre » plutôt que « formation » afin de mettre l’accent sur l’apprenant et les résultats du processus, et pour mettre en évidence la gamme complète d’options disponibles pour délivrer les services pour apprendre.

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II. LE TERRAIN

La mission effectuée dans le cadre d’un stage de chargée de mission qualité à l’Institut de Certification

des Professionnels de la Formation & Prestataires de Service Intellectuel (ICPF & PSI) a fortement

alimenté –à différents niveaux- notre réflexion et nous a aidée à trouver matière au regard de notre

thème de recherche. Elle nous a permis de réaliser les premières investigations de terrain utilisées en

complément des entretiens, d’établir le contact avec nombre des personnes interviewées (les

entretiens ont été réalisés indépendamment de la mission suite aux hypothèses proposées face à la

problématique) et de recueillir une partie des documents étudiés. Elle constitue ainsi un des éléments

importants du travail de recherche entrepris.

La présentation de la mission a trois objectifs : souligner les principales réalisations qui ont nourri

notre réflexion, relever les constats établis lors de cette mission et qui sont repris dans la construction

de la problématique et contextualiser les documents recueillis dans le cadre du terrain et utilisés

comme support de nos analyses actuelles104. Cette présentation du terrain suit une progression allant

des contours factuels (les caractéristiques de la structure d’accueil et de la mission) jusqu’à l’analyse

des actions menées et de leur contribution générale au travail de recherche en cours.

1. La structure d’accueil : l’Institut de Certification des Professionnels de la Formation et Prestataires de Service Intellectuel : ICPF & PSI

Au-delà de l’interêt propre de la mission qui nous fut confiée, travailler au sein de l’ICPF & PSI nous

permit de mieux comprendre les grandes orientations des politiques de formation, de vivre « de

l’intérieur » les processus d’élaboration de normes relatives à ce champs d’activité et de découvrir le

milieu des formateurs consultants indépendants – y compris au niveau des syndicats- milieu que nous

ne connaissions que bien peu avant cette mission et dans lequel nous sommes à présent fort

investie105.

1.1 Historique de l’ICPF & PSI

L’ICPF & PSI est une association créée en 1995 par le Président de la Commission Générale de l'AFNOR

pour la Formation Professionnelle de l’époque : Jean-Jacques Machuret. Cette création fut engagée

suite à une réflexion sur la professionnalisation de la formation professionnelle engagée autour de la

Chambre Syndicale des Formateurs Consultants (CSFC) et de l'AFNOR en réponse aux demandes de

formateurs qui se trouvaient dans l'obligation de faire démonstration de leur démarche qualité face à

un donneur d'ordre sous ISO 9000.

L’association s’appelait initialement « l’Institut de Certification des Professionnels de la Formation –

ICPF », la partie prestation de service intellectuel (PSI) n’a été rajoutée que récemment afin de pouvoir

répondre aux demandes de certification d’autres types de prestataires de service intellectuel (les

consultants par exemple).

104 Compte tenu de notre méthode de réponse aux hypothèses via l’étude de documents issus du terrain en plus de l’analyse des entretiens, il nous a semblé important de situer le contexte de recueil des documents utilisés 105 Nous postulons à la présidence de la Chambre Syndicale des Formateurs Consultants d’Ile de France

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1.2 Activité

L'ICPF & PSI initie une certification des prestataires de service intellectuel -consultants, formateurs,

animateurs... (Voir annexe 8) sur la base de la norme européenne EN 45 013. Ces certifications

permettent de faire reconnaître l'expérience, l'expertise et la conformité aux démarches qualités des

personnes physiques. Ce sont des certifications de tierce partie (elles sont délivrées par un organisme

indépendant des acteurs) accessibles de trois façons :

- sur dossier à retirer auprès de l'ICPF & PSI,

- par des formations à la certification,

- par des formations certifiantes : Formateur-Consultant Certifié et Commercialisation des

Activités de Consulting (Institut Léonard de Vinci, Paris – La Défense).

Ces certifications rendent l’individu certifié conforme à la démarche qualité des clients et aux

exigences du législateur quant aux « titres et qualités des personnels d'enseignement et d'encadrement

qui interviennent à quelque titre que ce soit dans les prestations de formation /…/ et de la relation

entre ces titres et qualités et les prestations réalisées dans le champ de la formation

professionnelle.»106

1.3 Actualité

Au-delà de la certification des prestataires de service intellectuel, l’ICPF & PSI est un des contributeurs

au groupe de réflexion sur la réforme des normes portant sur la formation professionnelle mis en

place fin 2009 à l’AFNOR et un des représentants de la France dans le groupe de travail sur l’ISO 29900 107. La délégation française était composée de Marie-Christine Soroko, Déléguée Générale de la

Fédération de la Formation Professionnelle, Fatma Ben Salem, Chef de Projet Senior à l’AFNOR,

Bernard Blandin, Directeur de Recherche et conseiller du Directeur Général du Groupe CESI et François

Galinou Vice Président de l’ICPF & PSI.108

2. La mission En lien avec notre thématique de travail actuelle, la mission qui nous fut confiée permit la mise en

actes et l’étude de :

- l’articulation entre la réforme de la formation professionnelle tout au long de la vie et la

démarche qualité (par la participation aux réunions AFNOR et contributions de l’ICPF & PSI),

- la construction d’un cursus de formation certifiant (certification ICPF & PSI) à destination des

formateurs consultants centré sur la « professionnalisation opérationnelle en application des

référentiels en usage»109 (via notre participation à deux sessions de ce cursus).

Ce fut également une excellente opportunité pour entrer en contact avec de nombreux formateurs

consultants autonomes établis ou en devenir, des représentants des organisations syndicales dédiées

aux formateurs consultants indépendants ainsi que des employeurs de formateurs consultants ou des

acheteurs de prestation de service intellectuel.

106Article L6352-1 du code du travail au 27 07 2010 107 http://www.certif-icpf.org 108 Article relatif à la Norme ISO 29900, réunion du TC232 à Londres Philippe Cassuto coordinateur de la formation continue universitaire région PACA | 27 janvier, 2010 http://blog.univ-provence.fr/blog/coordination-rgionale-paca/qualit/2010/01/27/norme-iso-29900-r-union-du-tc232-londres 109 Présentation du cycle spécialisé « Commercialisation des Activités de Consulting » Pôle Universitaire Léonard de Vinci www.ilv.fr

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Ces contacts nous ont permis d’élargir notre vision du contexte, des points de vue existants et de

recueillir une partie des propos ou des textes utilisés comme supports d’étude dans ce mémoire.

Cette mission a également soulevé de nombreuses questions, en particulier quant à l’identité

professionnelle du groupe étudié, voire de notre propre identité sociale et professionnelle.

Ces éléments ont enrichi notre compréhension des perspectives professionnelles du mode d’exercice

que nous avons choisi mais aussi celle des enjeux de la professionnalisation de cette activité (tant au

niveau du groupe qu’au niveau des individus), nourrissant ainsi notre travail de recherche.

2.1 Cadre général de la mission

Caractéristiques générales de la mission

Intitulé du stage : chargée de mission qualité auprès du Président de l’ICPF & PSI Nature : stage rémunéré effectué dans le cadre du Master 2 Professionnel Ingénierie et Conseil en Formation de l’Université de ROUEN Lieu : ICPF & PSI 23 rue Lecourbe PARIS 15ème / Période : du 1er février au 31 juillet 2010 Supérieur hiérarchique : Jean-Jacques MACHURET, Président de l’ICPF& PSI et enseignant chercheur au Pôle Universitaire Léonard de Vinci Déroulement du stage :

- 20 heures hebdomadaires pendant 26 semaines soit un total de 520 heures - Travail à domicile ou dans les locaux de l’ICPF & PSI ou de ses partenaires : Pedagogic Agency

14-16 rue Victor Hugo 92 800 PUTEAUX et Pôle Universitaire Léonard de Vinci LA DEFENSE

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Cette mission fut extrêmement riche et intéressante tant par la variété des actions à mener que par les

enseignements dont elle fut la source ou les voies de développement professionnel et personnel

qu’elle a ouvert110 mais seuls les principales actions et les apports directement en lien avec le travail

de recherche en cours seront ici développés. Les apports de la mission peuvent s’entendre à deux

niveaux :

- les apports «opérationnels» consécutifs aux actions réalisées dans les trois grands volets de la

mission et centrés sur les thèmes étudiés (réforme de la formation tout au long de la vie,

professionnalisation des formateurs consultants) ainsi que sur les ressources utilisées dans ce

mémoire (informations, contacts, réunions, documents…).

- Les apports transversaux illustrés par la démarche introspective et réflexive qui s’est

développée tout au long de la mission (perdurant même au-delà puisqu’elle trouve son

prolongement dans le travail actuel ainsi que dans notre futur développement professionnel).

110 Cette mission a débouché sur un contrat de collaboration avec l’ICPF & PSI, des missions de formation et de conseil auprès de plusieurs clients, des cours au Pôle Universitaire Léonard de Vinci ainsi que ma candidature à la présidence de la section Ile de France de la CSFC

Lettre de mission

La mission s’articule en trois volets, les deux premiers sont directement en lien avec le développement des activités de l’ICPF & PSI, le troisième concerne une structure partenaire (le Pôle Universitaire Léonard de Vinci) :

- Volet démarche qualité appliquée à la formation - AFNOR : contribuer au groupe de réflexion AFNOR sur la normalisation de la formation professionnelle en y représentant l’ICPF & PSI aux côtés du Président Jean Jacques Machuret et du Vice Président François Galinou

- Volet certifications ICPF&PSI : o Faire connaître les activités et promouvoir les certifications de l’ICPF & PSI auprès des

formateurs consultants autonomes o Contribuer à l’élaboration, à la diffusion et à la mise en œuvre de la certification

des formateurs consultants autonomes via 3 possibilités : certification (référentiel, process, éléments du dossier) formation à la certification (module dédié) formation certifiante (parcours professionnalisation CSFC et cycle spécialisé

Commercialisation des Activités de Consulting Pôle Universitaire Léonard de Vinci)

- Volet développement du cursus de formation certifiant Commercialisation des Activités de Consulting pour le compte du Pôle Universitaire Léonard de Vinci (partenaire de l’ICPF & PSI)

o Contribuer à : l’élaboration des contenus, l’organisation, le recrutement des stagiaires l’animation d’une partie des cours à compter de mars 2010

o Mettre en place les modalités du tutorat dans le cadre de ce cycle spécialisé

La mission se déroulera de février à juillet 2010 et sera menée par tous les moyens qui sembleront appropriés à sa réussite sous la direction du Président de l’ICPF & PSI.

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2.2 Les apports opérationnels

Les trois volets de la missions furent la source d’apports opérationnels différents et complémentaires

présentés en quatre phases : actions et observations, ressources et supports recueillis, constats,

questions.

2.2.1 Les apports en lien avec les travaux de l’AFNOR Notre participation au groupe de réflexion sur la Normalisation de la Formation Professionnelle à

l’AFNOR nous a permis d’avoir une vision « de l’intérieur » de l’articulation des travaux de

normalisation avec la réforme de la formation professionnelle tout au long de la vie et de recueillir des

éléments utiles à la définition de la professionnalisation selon les institutions représentées à l’AFNOR.

Actions et observations

Ce groupe de réflexion s’inscrit dans une démarche de révision des normes française NF Formation

Professionnelle destinée à donner un cadre d’application et des moyens de dialogue entre les

différents acteurs du marché de la formation professionnelle en France. L’objectif est de répondre à la

sollicitation du gouvernement qui attend des acteurs de la profession qu’ils se mettent d’accord et

fassent des propositions.

Le groupe de réflexion auquel nous avons participé a donc été créé pour «faire le point sur les normes

existantes, leur devenir et les nouveaux besoins. Ce groupe est ouvert à toutes les sensibilités et toutes

les parties intéressées afin de leur permettre d'exprimer leurs attentes en matière de

normalisation. »111 (cf. en annexe 9 la liste de présence jointe au compte rendu de réunion).

Les grands thèmes retenus pour les travaux de ce groupe de réflexion étaient : - le cadrage général du champ de la formation et de l’évolution professionnelle - l’expression de la demande de formation, les objectifs, les exigences des parties prenantes - le repérage de l’offre de formation et la visibilité des services - le processus de formation et les pratiques - l’évaluation et l’identification des résultats de formation 112

Cinq contributions113 furent reçues en réponse à ces thèmes et examinées lors de la réunion du 12

mars dont (voir annexe 9 de ce mémoire à titre de présentation et d'analyse des contributions) à

l’issue de laquelle il ressortit que :

- la proposition d'une norme portant sur la chaîne de réalisation d'une action de formation

émise par l’ICPF&PSI est largement soutenue par le groupe. (voir annexe 10)

- la problématique de l'évaluation des résultats de la formation constitue un sujet majeur sur

lequel tous les acteurs s'accordent à dire qu'il faut travailler.

- le rôle du formateur dans la chaîne de valeur doit être développé

- la lisibilité de l'offre de formation constitue un axe de travail important.

111 Compte rendu réunion du groupe de réflexion programme de normalisation services de formation AFNOR 12 mars 2010 112 Présentation d’introduction du groupe de réflexion Programme de normalisation – Services de formation AFNOR 12 mars 2010 113 Les contributions fournies au regard des thèmes du groupe de travail :

- CEREQ (Centre d’Etude et de REcherche sur les Qualifications) - FFP (Fédération de la Formation Professionnelle) - AFDEC (Agence Française pour le Développement de l’Emploi et des Compétences) - FCF / SICFOR (syndicats de formateurs consultants indépendants) - ICPF & PSI (voir annexe 10)

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Lors de la réunion du 7 juin, des groupes de travail chargés d’aller plus loin dans la démarche de

normalisation furent constitués autour de trois thèmes regroupant les propositions émises à l’issue de

la réunion du 12 mars. Ils commenceront leurs travaux à compter de septembre 2010 sur :

- « l’évaluation des résultats de la formation » Animateur : Hubert Grandjean(AFDEC)

- la lisibilité de l’offre de formation » Animateur : Françoise Gérard (CENTRE INFFO)

- la chaîne de réalisation d’une action de formation » Animateur : Jean-Jacques Machuret (ICPF

& PSI)

D’autres pistes de normalisation ont été identifiées par le groupe de réflexion, par exemple l’orientation, les compétences du formateur, le parcours de développement des compétences de l’individu. Elles pourront faire l’objet de développements ultérieurs. »114

Un quatrième groupe de travail portant sur les « Normes servant de base à la certification» animé par

M. Torrodja (AFDEC) a été mis en place afin d’analyser les complémentarités et différences entre les

deux normes servant actuellement de base à la certification des organismes de formation : l’ISO 9001

et la NF X50-761 et la norme ISO 29990.

La question de la finalité de la norme a également été soulevée au cours de ces réunions. La finalité de

la normalisation évolue dans le temps (ce qui est à priori logique pour un outil destiné à accompagner

l’évolution et l’innovation). Dans les années 90, besoin de normes-outils prévalait ; dans les années

2000, la norme était davantage vouée à déterminer un nouveau système de management de la

qualité. Il semble qu’actuellement, les objectifs de la norme soient posés comme la réponse à un

besoin de :

- certification en tant que besoin de reconnaissance pour une catégorie d’acteurs

- communication afin de poser une terminologie comprise de tous

- définition des règles de l’art via des bonnes pratiques

- clarification des relations contractuelles ou des achats

- évaluation en tant que référentiel permettant l’établissement d’outils de mesure.

Ressources et supports

Ce volet de la mission nous permit d’étudier les liens qui étaient faits –ou pas- au cours des débats

entre les notions de normes, de démarche qualité et de professionnalisation selon les différents points

de vue et de recueillir des documents qui ont servi de base à l’étude du positionnement des différents

acteurs (syndicats, pouvoirs publics, associations…).

Les principaux documents sont les comptes rendus et supports de présentation des réunions AFNOR

des 12 mars 2010 (voir annexe 9) et 7 juin 2010 ainsi que nos notes lors des débats.

Constats

Le premier constat est qu’un important travail de normalisation et surtout de mise en concordance des

normes avec les grands axes de la réforme de la formation professionnelle a été entrepris.

Le second porte sur le fait que les objectifs attribués à la notion de norme rejoignent la volonté des

syndicats de formateurs consultants indépendants de “développer la professionnalisation des

114 Compte rendu réunion du groupe de réflexion programme de normalisation services de formation AFNOR 7 juin 2010

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adhérents par : le titre de Formateur-Consultant Inscrit au Registre Professionnel (FC IRP) ; le

Référentiel des Bonnes Pratiques du Professionnel de la Formation, en étroite collaboration avec

l’AFNOR ; la Certification du professionnel, personne physique, avec l’Institut de Certification des

Professionnels de la Formation”115 . Les concepts de norme et de qualité sont ainsi associés avec celui

de professionnalisation. Il sera intéressant de confronter cette association avec les définitions que les

formateurs ont de ces termes.

Le troisième constat est qu’il existe un débat constant –et parfois vif- autour des mots utilisés et de

leur définition (il fut plusieurs fois nécessaire de recentrer le débat et de rappeler « le rôle de la

normalisation en tant que code de communication, c’est un outil qui fournit un vocabulaire commun »).

Question

La principale question est relative au positionnement des pouvoirs publics dans cette démarche de

normalisation. Les pouvoirs publics sont impliqués et « se disent intéressés pour poursuivre les

réflexions sur la normalisation dans le secteur de la formation professionnelle et pour s'impliquer dans

les travaux de normalisation s'ils aboutissent.116».

Serait-ce leur réponse à cette question posée à l’issue des travaux du groupe de travail sur la qualité

de l'offre et de l'achat de formation présidé par Charlotte Duda : « Comment les pouvoirs publics

peuvent-ils accompagner les efforts de la profession pour se doter de signes de qualité et de

professionnalisme ? »117

Ce premier volet de la mission nous a amenée à appréhender une dimension plus stratégique et

politique de la formation que celles précédemment abordées via notre activité de formatrice.

Cette nouvelle perception a guidé et éclairé notre travail, en particulier -mais non exclusivement-

dans la partie dédiée à la présentation du contexte.

115 http://www.csfc-federation.org 116 Compte rendu réunion du groupe de réflexion programme de normalisation services de formation AFNOR 12 mars 2010 117 Rapport du groupe de Travail sur la qualité de l'offre et de l'achat de formation Présidé par C.Duda, décembre 2008

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2.2.2 Les apports en lien avec les certifications ICPF&PSI

Afin de contribuer à l’élaboration, à la diffusion et à la mise en œuvre de la certification

des formateurs consultants autonomes, il était important de faire connaître les activités et de

promouvoir les certifications de l’ICPF & PSI auprès d’eux. Cette partie de la mission fut menée via :

- un travail de communication par le réseau VIADEO sur des forums accueillant des formateurs

consultants indépendants et l’animation d’un hub (forum) dédié aux consultants118,

- des rendez-vous avec des associations, des organismes de formation ou de portage salarial

intéressés par la certification des formateurs consultants concernés par leurs activités (10

structures différentes),

- ma participation aux journées du CUEEP à Lille le 24 mars, à une réunion d’information de la

CSFC Ile de France sur la réforme de la formation professionnelle le 17 avril et aux premières

assises des formateurs consultants indépendants organisées par la FCF et le SICFOR le 10 juin

(voir le programme en annexe 11) .

L’ensemble de ces actions m’ont permis de recueillir différentes définitions de la professionnalisation,

de mesurer les enjeux et les liens thématiques qui y étaient associés selon les interlocuteurs

rencontrés.

Actions et observations

Connues de l’ensemble des syndicats de formateurs consultants indépendants, des structures

impliquées dans la formation professionnelle (CEREQ, FFP, Centre Inffo…) ainsi que des pouvoirs

publics, les certifications de l’ICPF & PSI sont un label utilisable dans la démarche qualité en formation.

Le Centre Inffo présente les certifications ICPF & PSI comme «Très utiles pour les formateurs : il permet

de rendre lisibles leurs compétences. Si vous êtes un organisme de formation et que vous avez besoin

de garantir les compétences de vos formateurs, ce label constitue un élément de preuve. »119

Elles sont également mentionnées au côté des labels OPQF, APP et GRETA Plus dans le document

« Eclairage sur la qualité de l'offre de formation » édité par le CREFOR de Haute-Normandie en

novembre 2008 ainsi que dans de nombreux documents et rapports tel celui établi par le groupe de

travail sur la qualité de l'offre et de l'achat de formation qui précise que « les professionnels eux-

mêmes /…/ se sont impliqués dans une recherche de la qualité, sous la pression des exigences accrues

des acheteurs de formation. Ces démarches qu’il ne faut pas confondre, utilisent principalement des

normes ISO 9001 (ex ISO 9000) et AFNOR avec le système de certification qui y est attaché, et des labels

OPQF et ICPF /…/ pour les organismes de formation : le label OPQF (est) porté par la Fédération de la

formation professionnelle (FFP), en accord avec le ministère du Travail /…/ pour les formateurs et

consultants : le label ICPF (est) promu par la FCSFC (Fédération des Chambres Syndicales de formateurs

consultants). L’offre publique a pris également des initiatives dans ce sens : Greta Plus par exemple du

ministère de l’Education Nationale. »

Ce rapport souligne également que ces démarches qualité « mériteraient une meilleure promotion et

visibilité dans les outils de recueil de l’offre de formation et, comme dans certaines régions, elles

118 Hub « Consultants, vivre de son expertise » http://www.viadeo.com/hu03/0023p3bt4gfgs3s/consultant-vivre-de-son-expertise 119 Mini guide de l’édition internet des fiches pratiques de la formation continue du Centre Inffo

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pourraient faire l’objet d’aides financières pour être encouragées. Il en va de même pour la qualité ou

la qualification des formateurs. »120

Les certifications de l’ICPF & PSI sont cependant peu connues des prestataires de service intellectuel

auxquels elles sont destinées. Il fut donc nécessaire de mener une campagne d’information

directement auprès des personnes concernées (essentiellement des formateurs consultants

indépendants) afin de leur faire connaître les normes et la démarche qualité appliquées à la formation

professionnelle et leur faire comprendre l’intérêt des certifications ICPF & PSI dans le cadre de leur

activité et de la réforme de la formation professionnelle. A cet effet, nous avons largement

communiqué sur la réforme de la formation professionnelle, la démarche qualité, les certifications

ICPF & PSI et la professionnalisation sur les forums VIADEO dédiés au conseil et à la formation. Nous

avons également diffusé (sur demande) un dossier relatif à la démarche qualité appliquée à la

formation 121

Ce dossier, accompagné d’informations sur l’activité de l’ICPF & PSI, fut diffusé par mail auprès de 126

formateurs consultants entre février et juin 2010. Compte tenu de questions complémentaires

relatives aux obligations légales de l’activité de formation, ce dossier fut complété dans 25 % des cas

par le guide de la DRTEFP d’Ile de France présentant les grands principes de la législation et de la

réglementation applicables aux dispensateurs de formation professionnelle. Cette démarche

d’information a donné lieu à 34 entretiens individuels (téléphoniques ou en présence).

Nous avons organisé des réunions d’information (15 mars, 7 avril et 26 avril) et une journée de

formation gratuite qui avaient également pour objectif de faire connaître le cursus de formation

certifiant délivré au Pôle Universitaire Léonard de Vinci (le 8 juin- voir programme en annexe 12). Ces

rencontres ont réuni au total 53 participants et devraient se poursuivre à un rythme mensuel jusqu’à

la fin du premier semestre 2011 conjointement aux opérations de communication en ligne.

L’ensemble de ces opérations de communication ont débouché sur l’engagement dans un processus

de formation et / ou de certification en cours ou finalisé de 36 personnes à ce jour.

Nous avons rencontré 6 organismes de formation, 3 associations et 1 société de portage salarial) afin

de faire connaître l’activité de certification de l’ICPF & PSI et d’établir d’éventuels partenariats pour

développer la certification des formateurs consultants. Sur les 10 structures rencontrées :

- 2 n’ont pas donné de suite au rendez-vous,

- 8 souhaitent s’engager dans une certification des prestataires de service intellectuel qu’elles

emploient ou accompagnent dans leurs activités (ou les inciter à se faire certifier),

- 5 de ces 8 structures sont actuellement engagées dans un process menant à un partenariat

avec l’ICPF & PSI,

- 4 de ces 5 structures ont sollicité l’accompagnement de l’ICPF & PSI pour mettre en place des

formations à la certification ou des formations certifiantes.

La participation à différentes manifestations (journées du CUEEP à Lille le 24 mars, réunion

d’information de la CSFC Ile de France sur la réforme de la formation professionnelle le 17 avril et

premières assises des formateurs consultants indépendants du 10 juin) avait un triple objectif : faire

120 Rapport du groupe de Travail sur la qualité de l'offre et de l'achat de formation Présidé par C.Duda, décembre 2008 121 Ce dossier était constitué de trois fichiers : le rapport du groupe de travail sur la qualité de l'offre et de l'achat de formation, le mini guide de l’édition internet des fiches pratiques de la formation continue du Centre Inffo et le document « Eclairage sur la qualité de l'offre de formation » édité par le CREFOR de Haute-Normandie

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connaître l’activité de l’ICPF & PSI, établir des contacts et étudier les positions et opinions des

participants et des intervenants par rapport à la réforme de la formation professionnelle, la démarche

qualité, les process de certification et la professionnalisation de l’activité.

Au regard du travail de recherche entrepris, la réunion d’information de la CSFC sur la réforme de la

formation professionnelle et les assises des formateurs consultants furent particulièrement

enrichissantes car elles mirent en lumière les définitions et enjeux qui étaient associés au concept de

professionnalisation par les syndicats.

Les Premières Assises du Consultant-Formateur indépendant visaient à mobiliser les participants

autour de quatre grandes questions :

- La mission des Consultants-Formateurs s’inscrit de plus en plus dans une logique d’ingénierie

de développement. Comment réussir cette mission ? Pour quels objectifs opérationnels ?

- Quelles coopérations et quelles synergies établir avec les autres acteurs de l’éducation tout au

long de la vie ?

- Quelle sera la place des Consultants-Formateurs indépendants et quel rôle joueront-ils dans la

prochaine décennie ?

Les questions de l’identité professionnelle, de la reconnaissance du métier de Formateur Consultant et

de la professionnalisation furent au cœur du discours d’introduction de Lionel Soubeyran (président du

SICFOR).

Cette journée mobilisa plus de 200 formateurs consultants indépendants.

Une table ronde fut organisée autour de trois questions : Comment le consultant-formateur

indépendant est-il perçu ? Quelle est sa plus value ? Comment peut-il se faire connaître ? Parmi les

participants invités à participer à cette table ronde : un représentant AGEFOS-PME, ANDRH, CGPME,

DGEFP, FFP, GARF, seule la DGEFP n’était pas représentée.

La formation organisée par la CSFC IDF et animée par son président Jean-Luc Lefevre le 17 avril 2010

avait pour thème : « Que change la nouvelle loi pour les formateurs indépendants ? » Cet atelier

thématique réunit 16 formateurs consultants indépendants (adhérents ou non à la CSFC) et fut

extrêmement intéressante car il nous permit de mesurer le niveau d’information et de connaissance

des participants sur les aspects légaux de leur activité et de la réforme en cours et de recueillir les

associations faites autour du mot « norme ».

Aparté : à titre personnel, en tant qu’adhérente à la CSFC IDF, nous avons également participé à l’assemblée générale de la Fédération des Chambres Syndicales des Formateurs Consultants qui s’est déroulée à PARIS le 19 juin 2010. Dans le cadre de cette assemblée, nous avons pu recueillir de nombreux documents et prendre des notes qui sont utilisées dans le cadre de ce travail en particulier en ce qui concerne l’implication de ce syndicat dans la professionnalisation des formateurs consultants et les enjeux qui y sont associés.

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Ressources et supports

Les principaux documents recueillis lors des réunions syndicales de la CSFC ou lors de la manifestation

organisée par le SICFOR et la FCF furent :

- Le calendrier des activités 2010 de la CSFC IDF (annexe 13)

- Les programmes des parcours de professionnalisation des CSFC IDF (annexe 13), Alsace et

Languedoc Roussillon

- La charte déontologique et qualité professionnelle du formateur consultant (annexe 14)

- Le discours d’introduction de Lionel Soubeyran président du SICFOR lors des premières assises

des Formateurs Consultant de juin 2010 (annexe 15)

- Article Centre Inffo juin 2010 Quelle perception du Consultant-formateur indépendant par les

entreprises ? (annexe 16)

- Restitution du grand témoin lors des premières assises des formateurs consultants

indépendants Philippe Gravé (annexe 17)

Au cours des opérations de communication menées en direct auprès des formateurs consultants, nous

avons également pu recueillir : leur verbatim sur l’identité professionnelle, la professionnalisation, le

statut de la profession et les notions de qualité et de norme en direct ou sur les hubs (forum) VIADEO.

Les rencontres avec des organismes de formation, associations ou sociétés de portage salarial nous ont

permis de prendre une première mesure de leur définition de la professionnalisation, de l’importance

qu’ils accordent –ou non- à la démarche qualité, à la certification des personnes et des structures ainsi

que les enjeux qu’ils associent à la professionnalisation des formateurs consultants.

Constats issus des premières assises des formateurs consultants

Un premier constat porte sur l’absence remarquée et regrettée de la DGEFP lors des assises des

formateurs consultants indépendants. Cette absence fut soulignée par le grand témoin de la matinée

Philippe Gravé qui y vit l’illustration de la reconnaissance des Formateurs Consultants indépendants

par les pouvoirs publics. De tous les participants invités, seule la DGEFP n’envoya pas de représentant.

Un deuxième constat est que le regard porté sur les formateurs consultants indépendants par les

clients est positif :

« Il existe une vraie plus-value sur le marché du consultant indépendant. Par rapport aux grosses

organisations, l’indépendant dispose d’une valeur ajoutée énorme : il ne propose pas un catalogue

d’offres et peut donc s’adapter aux demandes de ses clients »122. « Faire appel à un consultant

indépendant présente l’avantage de disposer d’une approche plus ouverte sur nos besoins. La valeur

ajoutée de ces intervenants est l’innovation des offres qu’ils nous présentent. Les formateurs

indépendants font preuve de créativité et nous proposent des solutions qui sortent des sentiers battus.

»123 « une fois rentré dans l’entreprise, le consultant-formateur indépendant dispose d’un crédit de

confiance plus important que s’il était salarié d’un organisme de formation. Il peut, de fait, déceler des

besoins de formation auxquels les RH n’auraient pas forcément pensé »124.

122 Stéphane Diebold, vice-président du GARF, table ronde du 10 juin Premières assises des formateurs consultants indépendants 123 Alain Raguenaud, chargé de mission auprès de la direction générale de La Poste, table ronde du 10 juin Premières assises des formateurs consultants indépendants 124 Caroline Monffront, Agefos-PME d’Ile-de-France, table ronde du 10 juin Premières assises des formateurs consultants indépendants

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Un troisième constat, complémentaire au second, est que le choix d’un formateur consultant

indépendant par un client est fortement basé sur la relation de confiance :« le premier contact avec un

indépendant se fait obligatoirement par le biais de la confiance.»125

Enfin, le quatrième constat est que l’identité professionnelle est vécue comme peu stable et qu’un

grand déficit d’image ainsi qu’un manque de reconnaissance sont ressentis par les formateurs

consultants indépendants. Cela se traduit particulièrement dans le discours d’introduction de Lionel

Soubeyran qui souligne que la profession "doit désormais se stabiliser et faire valoir ses atouts si elle

veut exister à sa juste place dans le marché de la formation professionnelle"."Notre métier souffre d’un

immense déficit d’image", a-t-il regretté. "C’est notamment vrai aux yeux des entreprises mais les

représentations du métier par ceux-là mêmes qui l’exercent apparaissent multiples".

Constats issus de l’atelier thématique du 17 avril « Que change la nouvelle loi pour les formateurs

indépendants ? »

Quatre constats peuvent être posés suite à cet atelier :

- les Formateurs Consultants présents ce jour là n’associent pas forcément la démarche qualité

et la normalisation de l’activité avec la professionnalisation (de l’activité et des individus)

- ils ont une connaissance extrêmement limitée du cadre législatif de l’activité et quasiment

inexistante de la réforme en cours

- il existe une confusion entre le sens « commun » de qualité valeur absolue « de bonne

qualité » et le sens qui est attribué à ce terme dans les démarches de normalisation ou en

entreprise : qualité valeur relative à une norme, un référentiel.

- Les associations d’idées faites avec la notion de norme sont majoritairement négatives :

o associations négatives : norme = contrainte, loi, sanction, cadre rigide, obligation,

privation de liberté, gène à la créativité

o associations positives : norme = qualité, référentiel, sécurité

Un constat global porte sur l’implication de tous les syndicats de formateurs consultants dans leur

professionnalisation ainsi que dans les travaux menés à l’AFNOR.

Constats issus des rendez-vous avec les organismes de formation et sociétés de portage

Un fort lien est établi entre les termes certification- démarche qualité- professionnalisme par les

organismes de formation et les sociétés de portage. La professionnalisation des intervenants et la mise

en démarche qualité de la structure qui les emploie ou qui porte leur activité est vue comme un

moyen de fidélisation des formateurs consultants employés et comme un élément différenciant par

rapport à la concurrence des autres organismes de formation et sociétés de portage.

125 Stéphane Diebold, vice-président du GARF table ronde du 10 juin Premières assises des formateurs consultants indépendants

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Questions

Les questions pouvant découler de ces multiples constats peuvent être fort nombreuses. Nous avons

choisi de les regrouper en quatre thèmes :

- L’absence des pouvoirs publics lors des assises des formateurs consultants est-elle le reflet

d’une non reconnaissance de ce groupe professionnel de leur part ?

- La professionnalisation des formateurs consultants indépendants est-elle un souhait de leurs

clients ? Si oui, sous quelle forme et quels en seraient les enjeux ? Si non, pourquoi ?

- Les liens « professionnalisation- démarche qualité- reconnaissance de l’expertise via des

certifications, titres ou diplômes » mis en avant par les syndicats est-il bien compris (et perçu)

par les formateurs consultants indépendants ? Correspond-il à leur définition de la

professionnalisation ?

- Des enjeux multiples et différents semblent associés à la professionnalisation selon les acteurs

qui les expriment : sont-ils compatibles ?

Ce second volet de la mission m’a permis de mesurer l’implication ainsi que le niveau d’intérêt des

différents acteurs rencontrés face au concept de professionnalisation ainsi que les notions qu’ils y

associent. Ces informations posent les contours de leur définition de ces termes et des enjeux qu’ils

perçoivent dans la professionnalisation de l’activité et des individus.

Ce fut également l’occasion d’appréhender leur niveau d’information et de connaissance des aspects

légaux de leur activité et de la réforme en cours.

2.2.3 Les apports en lien avec le développement du cursus de formation Commercialisation des Activités de Consulting

Le troisième volet de la mission porte sur notre participation pour le compte du Pôle Universitaire

Léonard de Vinci (partenaire de l’ICPF & PSI) au cursus de formation Commercialisation des Activités

de Consulting (voir plaquette de présentation en annexe 18). Les actions menées (qui ne seront pas

détaillées ici) consistaient principalement à contribuer à :

- l’élaboration des contenus,

- l’organisation,

- le recrutement des stagiaires,

- l’animation d’une partie des cours à compter de mars 2010.

Observations

Le Cycle Spécialisé CAC «Commercialisation des Activités de Consulting» forme des professionnels aux

spécificités et aux méthodes de commercialisation de conseil et plus généralement de prestations

intellectuelles. Il s’adresse à un public large :

- Consultants, Formateurs, Auditeurs, Coach… - Cadres souhaitant développer une activité de conseil indépendante - Consultants internes

Il est présenté comme une professionnalisation opérationnelle en application des référentiels en usage

et donne accès à une certification niveau agréé par l’ICPF & PSI.

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65

Au cours de ce cursus, les étudiants sont formés au métier de consultant, à la vente de leur prestation

de service intellectuel et accompagnés dans l’élaboration de leur projet professionnel (qui est l’objet

de la soutenance validant le cursus)

Les deux cursus de ce cycle réalisés en 2010 ont réunis 12 stagiaires (9 femmes et 3 hommes), âge

moyen 42,2 ans pour les femmes et 56,6 ans pour les hommes, 10 stagiaires ont validé le cycle entier.

L’activité des stagiaires était ainsi répartie :

4 stagiaires avaient un projet professionnel à dominance « conseil » majoritaire ou exclusif, 6 avaient

un projet professionnel alliant conseil, formation et enseignement.

Pour l’ensemble des stagiaires l’activité de formateur consultant ou de consultant envisagée

représentait une deuxième voire une troisième ou quatrième carrière :

126

126 Graphiques de cette page : document s de travail C.TROILLET, données issues du fichier stagiaires cycle commercialisation des activités de consulting Pôle Universitaire Léonard de Vinci

Activité des stagiaires

demandeurs d'emploi / création d'activité en cours

personnes en poste dans des entreprises

consultants en poste / activité déjà créée

Positionnement de l'activité de formateur consultant ou de consultant dans la carrière

des stagiaires

2ème carrière : 3 personnes

3ème carrière : 4 personnes

4ème carrière : 3 personnes

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66

127

La moitié des stagiaires était titulaire d’un diplôme de niveau 1. Au niveau du groupe, ce n’était pas un

diplôme supplémentaire qui était recherché mais le développement de la compétence commerciale et

l’élaboration du projet professionnel.

Lors des entretiens de recrutement ou les recueils d’attentes en groupe, les principales attentes

exprimées étaient :

- la construction d’un nouveau projet professionnel

- L’accession au métier et à la posture professionnelle de consultant

- Se professionnaliser dans l’activité de conseil

- Le développement d’un projet professionnel déjà commencé

- Le développement des aspects commerciaux de l’activité de consultant indépendant

Si la certification ICPF & PSI intégrée dans ce cursus de formation est effectivement souhaitée et

considérée comme utile et importante par les stagiaires, à ce jour, aucun dossier n’est encore finalisé

(le premier cursus s’est achevé en mars, le second fin juin).

Constats

Nous n’exposerons ici que les constats directement en lien avec le thème de travail, il est clair qu’il y

en eut d’autres (notamment quant à notre propre pratique professionnelle de la formation et du

conseil).

- Pour tous les candidats à ce cursus de formation, le métier de consultant (ou de formateur

consultant pour certains) était un emploi de deuxième voire troisième ou quatrième partie de

carrière.

- Les stagiaires rencontrés dans le cadre de ce cursus de formation étaient tous fortement

imprégnés de leur identité professionnelle première.

Pour plus de la moitié d’entre eux, un des premiers objectifs de la formation fut de les amener

à se détacher de cette identité initiale et à « faire le deuil » de leur précédent poste pour se

bâtir une identité professionnelle de consultant au-delà du champ de leur expertise première.

127 Graphique : document de travail C.TROILLET, données issues du fichier stagiaires cycle commercialisation des activités de consulting Pôle Universitaire Léonard de Vinci

Niveaux de formation des stagiaires

niveau IV : 2 personnes

niveau III : 1 personne

niveau II : 2 personnes

niveau I : 5 personnes

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Exemples de propos recueillis au sujet de ce que les stagiaires ont découvert au cours de la formation128 : Audrey (33 ans, ex Directeur de publicité) : « En entrant dans cette formation, je pensais uniquement faire avancer mon projet autour de l’angle marketing internet (ce que je sais faire). La formation a permis d’envisager la possibilité de s’éloigner de notre expertise ou de notre cœur de métier pour aller vers tous les métiers du conseil (recrutement, qualité, …) ». Carole (35 ans, ex responsable marketing) : «que je n'allais pas seulement être consultante marketing comme je me l'étais imaginé mais que j'allais pouvoir développer d'autres compétences et notamment celles du domaine commercial que j'avais volontairement mises de côté suite à une expérience professionnelle difficile. » Jeanne « Détecter les freins à mon avancée professionnelle». « Changer de logiciel » mettre en place de nouvelles pratiques et « décoller ». Jessica (35 ans, responsable de centre de profit) : « un double intérêt à savoir à la fois la découverte et l’apprentissage de méthodologies mais surtout une meilleure connaissance de soi ou plutôt de son mode de fonctionnement qui ne peut être que bénéfique. »

- Les stagiaires se considéraient tous comme des professionnels de leur précédente activité

davantage au regard des années d’expérience et du nombre ou de l’importance des projets

menés qu’au regard de leurs diplômes.

- La professionnalisation recherchée dans ce cursus de formation était certes définie comme

l’acquisition de connaissances et de compétences spécifiques à l’activité mais surtout comme

l’adoption d’une posture conforme à l’activité visée. Si les enjeux annoncés étaient la

crédibilité face aux clients et la sécurisation ou la pérennité du projet professionnel

(notamment via la commercialisation des prestations), les échanges lors des entretiens de

recrutement, des cours ou des ateliers ont fait émerger un besoin de restauration de l’identité

professionnelle des stagiaires au-delà des objectifs opérationnels annoncés de prime abord.

- La notion de professionnalisation était associée à une finalité très opérationnelle (acquisition

de savoir et de savoir-faire) et à l’intégration d’une nouvelle identité professionnelle.

Voici ce que les stagiaires de la session de mai-juin 2010 ont répondu à la question : qu’est-ce qui a changé chez vous suite à cette formation ? Audrey : « La manière d’approcher ou d’envisager les problématiques clients et même ma problématique personnelle de création de boite. » Jessica : « Une vision plus concrète et professionnelle de l’approche de mon projet. Une visualisation de ce qu’il me reste à faire. Une prise de conscience et une volonté de prendre en compte les résultats de mon profil et Hermann et en ressortir les bénéfices. » Anita (ex responsable de qualité) : « Remise en question, conceptualisation de notions clés. Mise en perspective du métier de consultant. » Elisabeth (57 ans, ex responsable de la communication) : « J'ai accepté d'acquérir des fondamentaux, de mettre en place une méthode, d'utiliser des outils… dont je ne soupçonnais pas l'existence et l'intérêt mais qui me manquaient totalement. J'ai décidé de remplacer ou plutôt de compléter mon approche intuitive ou mon expérience par l'utilisation systématique d'une ou de plusieurs méthodes. J'ai même été retrouvé les méthodes que j'utilisais sans savoir leur origine ou leur fondement (comme celle de l'écriture journalistique). » Corrine (38 ans, ex chargée de projet GPEC) : « Grosse prise de conscience: organisation de mes tâches, se préparer au changement, s’ouvrir. » Carole: « J'ai pris conscience de ma valeur. La confiance en moi et mon dynamisme sont revenus. Merci à la formation CAC ! »

128 Verbatim de cette page issus des évaluations du cursus commercialisation des activités de consulting Pôle Universitaire Léonard de Vinci, session de mai-juin 2010

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68

- Les effets de la formation observables à partir de ces propos recueillis en juillet 2010 et le

suivi des projets des stagiaires démontrent qu’elle a atteint ses objectifs :

Maintenant que vous êtes certifiées, comment envisagez-vous votre avenir professionnel ? stagiaires session mai-juin 2010

Audrey : « Plutôt positivement. Même si je sais que cela va être semé d’embuches et que l’acceptation d’un cahier des charges par mes interlocuteurs va sembler saugrenue parfois, que les négociations d’honoraires vont être âpres (liées au secteur), j’ai 15 mois pour vivre de mon expertise. » Jessica : « Développer mon apprentissage de la théorie pour être le plus efficace dans mes interventions. Je veux développer mon activité sur plusieurs plans: enseignement/management et agence pédagogique. » (encore en poste en entreprise) Anita : « Je l’envisage avec beaucoup plus d’assurance et de sérénité, même si le plus difficile reste à faire (prospection, élaboration de devis, vendre sa prestation) ». Elisabeth : « … A mon retour en région parisienne, je passerai à la phase de prospection pour réactiver mon réseau existant et en constituer un nouveau et tester mon projet professionnel, éventuellement le modifier, l'étoffer, le recentrer /…/ La décision est prise … puisque la mise en application est déjà programmée à une date proche et sur un terrain déterminé. La posture est prise, la confiance est revenue, la méthode est adoptée… Le reste devrait suivre…Merci à tous ». Corrine : « Je vais vivre de mon expertise et m’approprier et appliquer ce que j’ai appris en formation CAC ». (société déjà créée et en activité) Carole : « Je vais finaliser mon projet avec quelques derniers réglages et vais commencer les ronds dans l'eau. Pendant l'été je vais également préparer tout l'aspect administratif (inscription auto entrepreneur, trame des documents, INPI...) et marketing (blog, réseaux sociaux...) ».

----------------------------------------------------- Comment vivez-vous de votre expertise à aujourd’hui ?

stagiaires de la session octobre 2009 – mars 2010) Christine : « J’ai eu trois missions à l’issue du stage avec un cabinet de conseil & formation, j’ai 2 autres projets de collaboration qui devraient aboutir d’ici septembre plus des cours d’octobre à novembre et une formation prévue chez un nouveau client.» (société créée et en activité) Jean-Hervé « Je suis en phase de finalisation de ma structure » (création de structure en cours) Estelle : « Mon activité est actuellement en suspend jusqu’en septembre (congés maternité) » (société créée et en activité) Benoit : « Mon entreprise qui devait disparaître a été reprise par un groupe espagnol et j’en assure toujours la direction. Je suis devenu dirigeant et consultant interne en même temps. » (en poste en entreprise)

Questions

Le fait de conserver une identité professionnelle fortement liée à la première partie de carrière est-elle un obstacle ou une richesse supplémentaire dans le cadre d’une professionnalisation des individus ? La construction d’une identité professionnelle spécifique est-elle la condition sine qua non d’une professionnalisation des individus ? La vision très « opérationnelle » de la professionnalisation exprimée par les consultants est-elle compatible avec celle des syndicats ? Ces visions sont-elles complémentaires ou antagonistes au regard des attentes des clients ? Ce troisième volet de la mission m’a donné à réfléchir sur la place de l’identité professionnelle dans

la construction de la professionnalisation des individus. Il m’a également permis de trouver matière à la définition de la professionnalisation par les

consultants et de relever les différences de leur vision de la professionnalisation par rapport à celle proposée par les syndicats.

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2.3 Les apports transversaux d’une démarche introspective 129 Dans l’introduction de mon rapport de mission, j’avais estimé pertinent de retracer le cheminement et

les raisons qui me semblaient à l’époque avoir présidé au choix de la structure d’accueil du stage

inscrit au cursus du Master 2 Pro ICF. Je reprends ici ce texte car, au-delà de l’exposé de la «petite

histoire » de la mission, il illustre la démarche qui était la mienne lors de sa rédaction et dont je me

suis depuis distanciée en adoptant une position moins naïve et plus introspective quant aux

motivations profondes de mes choix.

J’ai trouvé ce stage suite à mes propres démarches pour faire certifier, via l’ICPF & PSI, mon expertise et mon expérience de formatrice consultante autonome. Cette démarche de certification était complémentaire à la préparation du Master Ingénierie et Conseil en Formation et visait à obtenir la reconnaissance des mes années d’ancienneté, de mon professionnalisme et à élargir mon réseau professionnel afin d’optimiser les chances de réussite de ma nouvelle activité de formatrice consultante autonome. L’activité libérale de formateur consultant comporte des différences notables (ne serait-ce que par la dimension commerciale et les obligations légales qu’elle requiert) par rapport à celle de l’activité de formateur en entreprise. Après de nombreuses années passées au poste de formatrice dans l’industrie pharmaceutique, j’avais décidé de créer mon activité libérale. Dans le cadre de l’élaboration de mon projet professionnel, j’avais besoin de connaître les modalités et obligations légales d’exercice mais surtout d’avoir une vision “de l’intérieur” de ce milieu que j’avais déjà approché en tant que cliente lorsque j’étais salariée mais dont la réalité m’était inconnue : il me fallait savoir si l’exercice de la profession libérale correspondait à ce que je pouvais et désirais faire. Je me suis donc rapprochée des syndicats représentant les formateurs et consultants autonomes afin d’obtenir des informations les plus complètes et impartiales possible et de rencontrer un cercle plus large de professionnels libéraux. ’ai découvert l’ICPF & PSI et rencontré son président Jean Jacques Machuret lors d’une réunion de la Chambre Syndicale des Formateurs Consultants (CSFC) au cours de laquelle il présentait le parcours de professionnalisation des formateurs consultant initié par la CSFC et le Cycle Spécialisé Commercialisation des Activités de Consulting /…/ L’objectif de ce cycle spécialisé étant de former des professionnels aux spécificités et aux méthodes de commercialisation de conseil et plus généralement de prestations intellectuelles et de les accompagner dans la construction opérationnelle de leur projet professionnel, il m’est apparu comme un complément utile à la formation universitaire entreprise à l’Université de Rouen. J’ai ainsi effectué ce cycle de formation de novembre 2009 à mars 2010 et proposé à Jean Jacques Machuret d’effectuer mon stage de Master 2 Professionnel Ingénierie et Conseil en Formation au sein de l’ICPF & PSI.

Le travail de recherche entrepris et la mission réalisée m’ont depuis amenée à questionner ma propre

démarche tant professionnelle (Pourquoi finalement avais-je décidé de devenir formateur consultant

autonome ?) qu’estudiantine (Pourquoi ais-je choisi de reprendre mes études en effectuant la même

année ce Master plus une formation professionnelle complémentaire et une certification ? Pourquoi

avoir choisi ce thème de recherche et de stage ?...) et m’ont, in fine, renvoyée à ma propre recherche

d’identité professionnelle et de professionnalisation ainsi qu’aux motivations profondes des

démarches entreprises.

J’ai ainsi récemment pris conscience, tant par l’analyse de mon positionnement et de mes choix que

par ceux des stagiaires du cycle commercialisation des activités de consulting, que mon identité

professionnelle (dans sa dimension « identité pour soi ») que je considérais – et revendiquais- comme

solidement établie était en réalité bien plus incertaine, floue et fragile que je voulais bien le croire.

129 Compte tenu de l’aspect personnel de cette partie, je préfère rédiger à la première personne plutôt que de conserver un « nous » distancié qui serait, à mon sens, discordant dans le propos.

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Le fait de reprendre ainsi mes études en menant deux cursus de formation en parallèle tout en

postulant à une certification étaient ainsi peut-être davantage un traitement, via l’acquisition de

marques de reconnaissance, d’une identité sociale et professionnelle fragile -voire blessée- qu’une

démarche de professionnalisation destinée à sécuriser et optimiser les chances de réussite de mon

projet professionnel ainsi que je pensais au départ.

La sécurisation du projet professionnel n’était que le problème apparent -et donc l’objet d’un objectif

tronqué- masquant le problème, la motivation et l’objectif réels : la nécessité de restaurer une identité

sociale et professionnelle malmenée par une fin de carrière en entreprise douloureuse achevée sur un

« burn out » constituant une rupture biographique mal gérée. Mes démarches de formation et de

certification ainsi que l’orientation de mes choix semblent ainsi traduire une dynamique identitaire de

préservation et de reconstruction identitaire au sens défini dans les travaux de Moktar Kaddouri130

également visible dans le lieu de stage choisi. L’ICPF & PSI étant un institut chargé de certifier des

professionnels de la formation et prestataires de service intellectuel, il n’y avait pas de meilleur choix

pour une personne ayant besoin de réhabiliter une identité blessée et de la faire reconnaître par «un

autrui significatif».

Cette démarche introspective m’a amenée à m’interroger sur les fondements de la dynamique

identitaire des formateurs consultants rencontrés – notamment les stagiaires présentés ci dessus.

Découvrir en soi le « double fond » de motivations que l’on pensait pourtant sincères invite à

rechercher chez les autres les motivations ou les problèmes réels qui sous-tendent les actes et

émergent derrière les propos. En un mot, cela m’a amenée à tenter d’aller plus loin que l’écume des

choses.

S’il est souvent dit que nos choix ne sont jamais innocents, je ne pensais pas en commençant ce travail

qu’il m’amènerait par un jeu de miroirs assez troublant – et parfois inconfortable – à reconsidérer mes

motivations et ma dynamique identitaire.

Deux principaux constats émergent de cette démarche introspective (que je ne détaillerai pas

davantage ici) :

- Une démarche de professionnalisation peut avoir des objectifs dont l’individu qui la met en

œuvre n’a pas forcément conscience tant qu’il ne dépasse pas le problème apparent pour

accéder au problème réel.

- L’identité professionnelle se nourrit de la professionnalisation qui a elle-même besoin de

s’appuyer sur une identité professionnelle identifiée –même partiellement- pour se bâtir.

Ces constats débouchent sur une question : l’aspect «composite» et «complexe» de l’identité

professionnelle des formateurs consultants pourrait-il n’être finalement que le reflet d’une identité

sociale et professionnelle en souffrance ?

Cette démarche introspective m’a amenée à pousser mes raisonnements et mes analyses plus loin

que ce qui est directement observable, à ne plus m’arrêter seulement à ce qui est « dit ou fait »

pour aller rechercher pourquoi la personne « dit ou fait » les choses.

130 KADDOURI M. (2001). Vers une typologie des dynamiques identitaires. In Centre de Recherche sur la Formation (éd.) Action et Identité

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71

III. PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES

La présentation du contexte fait émerger différents types de constats à partir desquels nous

construisons la problématique que nous proposons d’étudier afin de mieux comprendre la situation.

Ces constats renvoient à quatre dimensions du cadre général de travail : la réforme de la formation

professionnelle tout au long de la vie, l’offre des formateurs consultants, la reconnaissance de ce

groupe professionnel, les regards portés sur leur activité et leur identité.

Les constats et questionnements issus du terrain ont davantage été porteurs pour l’élaboration des

hypothèses que ceux issus du contexte.

1. Synthèse des constats et émergence de la problématique

1.1 Les constats relatifs à la réforme de la formation professionnelle et à la

place des dispensateurs de formation

Le premier constat porte sur le fait que la plupart des rapports émis dans le cadre de la réforme de la

formation professionnelle tout au long de la vie131 ont fait des propositions allant dans le sens d’un

renforcement de l’encadrement de l’activité, d’une labellisation des prestataires (organismes de

formation et prestataires autonomes) et du développement de la démarche qualité dans les processus

d’élaboration des prestations en plus de la mise en place d’un système permettant de développer la

visibilité et la lisibilité de l’offre.

Le second constat est posé sur ce qui a été effectivement mis en œuvre suite aux propositions citées

ci-dessus : la loi du 24 novembre 2009 n’aborde ni la question de la qualité des offres ni la qualification

des acteurs qui dispensent les prestations… Actuellement un article de loi relatif à la reconnaissance

des qualifications et titres des formateurs spécifie que toute personne qui réalise des prestations de

formation professionnelle « doit justifier des titres et qualités des personnels d'enseignement et

d'encadrement qui interviennent à quelque titre que ce soit dans les prestations de formation qu'elle

réalise, et de la relation entre ces titres et qualités et les prestations réalisées dans le champ de la

formation professionnelle. » 132

Le fait que ces « titres et qualités » ne fassent actuellement l’objet d’aucune définition ni obligation

semble priver ces dispositions de toute effectivité ; la déclaration d’activité instituée par la loi de 2002,

constitue aujourd’hui encore la seule contrainte pour créer une activité de formation.

Il n’y existe donc, à ce jour, aucune obligation de professionnalisation ni de certification des

organismes ou des formateurs autonomes dispensateurs de formation professionnelle ni de

réglementation en terme de démarche qualité.

« Pourquoi la professionnalisation des dispensateurs de formation est-elle encore exclue de la réforme

de la formation en cours ? », est ainsi la question centrale amenée par la mise en parallèle de ces deux

constats.

131 Les rapports Carle-Sellier et Cahuc – Zylberberg par exemple émis dans le cadre du bilan de la loi du 4 mai 2004, les rapports Ferracci et Guegot destinés à poser le processus de refonte du système ou encore le rapport Duda rédigé dans le cadre des axes de travail fixés afin de préparer l’ANI du 7 janvier 2009 et de la loi du 24 novembre 2009. 132Article L6352-1 du code du travail au 27 07 2010

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1.2 Les constats en lien avec l’offre proposée par les formateurs consultants

indépendants

Un premier constat porte sur l’interprétation française du concept de « life long learning » : la

formation tout au long de la vie relève, en France, d’objectifs socio-économiques centrés sur le

développement de l’individu au travail.

Les actions de formation qui entrent dans le champ de la formation professionnelle tout au long de la

vie ne mentionnent aucune action de développement personnel ou culturel hormis la lutte contre

l’illettrisme et l'apprentissage de la langue française133 et excluent du champ de la formation

professionnelle "les actions d'accompagnement, coaching, tutorat (qui) doivent être considérées

comme des actions de conseil".134

Un deuxième constat émerge de l’enquête du SICFOR et met en lumière que les prestations proposées

par les formateurs consultants sont largement centrées sur des actions qui, si elles sont certes en lien

avec la définition européenne de la formation tout au long de la vie, ne relèvent pas de la formation

professionnelle tout au long de la vie telle qu’elle est entendue en France.

Un troisième constat est en lien avec les données de la DARES qui identifie 56 970 établissements

dispensateurs de formation actifs mais ne retient que 48 214 établissements ayant réalisé des actions

de formation professionnelle. 8 756 organismes sont ainsi écartés car ils dispensent des formations qui

n’entrent pas dans le registre de la formation professionnelle tel que défini à l’article Art. L. 6313-1 du

Code du travail. La DARES exclut également de son analyse les organismes ou prestataires individuels

dont la formation représente une des activités non majoritaire (nombre de structures ou de

prestataires indépendants développent en parallèle de la formation des activités de conseil ou

d’accompagnement qui ne font pas partie) ou les formateurs individuels en portage salarial135.

Ces trois premiers constats semblent mettre en évidence qu’un nombre important d’organismes de

formation- dont les formateurs consultants indépendants- offriraient des prestations en décalage avec

les orientations nationales et questionnent l’opportunité d’en construire la professionnalisation dans

le cadre de la formation professionnelle.

Le fait que la professionnalisation des formateurs consultants ne soit pas prise en compte dans la

réforme en cours serait-il ainsi lié à une non-conformité, une inadéquation de leurs offres au regard

des priorités nationales ?

Quid de leur place et de leur statut au regard des orientations et exigences nationales ?

133 Code du travail - 6e partie- La formation professionnelle tout au long de la vie - Art. L. 6313-1. 134 Circulaire DGEFP n° 2006/35 du 14 novembre 2006 135 L'article L1251-64 du Code du travail définit le portage salarial comme étant "un ensemble de relations contractuelles organisées entre une entreprise de portage, une personne portée et des entreprises clientes comportant pour la personne portée le régime du salariat et la rémunération de sa prestation chez le client par l'entreprise de portage".

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1.3 Les constats en lien avec la reconnaissance de ce groupe professionnel :

Le premier constat porte sur l’association, fortement revendiquée, de deux activités : la formation et le

conseil. Si elles sont effectivement complémentaires voire indissociables dans les faits, elles sont peu

compatibles au regard de la législation. La formation entre dans le champ de la formation

professionnelle alors que les activités de conseil en sont exclues. Ces deux activités ne relèvent donc

pas de la même tarification ce qui ne manque pas de poser question aux pouvoirs publics quant à la

catégorisation et donc à la reconnaissance des formateurs consultants.

Le deuxième constat porte sur la reconnaissance par les pouvoirs publics -et les partenaires sociaux-et

se traduit par le fait, qu’en dépit du volume numérique des formateurs consultants indépendants (En

2006, les formateurs individuels repérés par l’administration représentaient 31% des organismes

privés actifs), aucune association ou syndicat les représentants n’ont jamais été conviés aux

négociations lors des accords nationaux interprofessionnels (ANI).

Le troisième constat porte sur la diversité des statuts rencontrés dans le groupe des formateurs

consultants indépendants. Plus encore que les autres métiers de la formation, ce groupe professionnel

est confronté à un problème d’unité136 et de « nébulosité ».

Le problème de « nébulosité » et d’activité « mixte » à la fois dans et hors du champ de la formation

professionnelle pose la question de leur reconnaissance institutionnelle.

Faut-il y voir une des causes à l’absence d’implication des pouvoirs publics dans la professionnalisation

des formateurs consultants indépendants ?

1.4 Les constats en lien avec les regards portés sur l’activité et l’identité des

Formateurs consultants indépendants

Nous pouvons constater que le métier de formateur consultant indépendant est qualifié de non

stabilisé et que son périmètre est considéré comme non arrêté par ceux là même qui l’exercent.137

Les travaux des chercheurs en sciences sociales ou en sciences de l’éducation relatifs à la

compréhension de l'identité et de l’activité des formateurs et formatrices d'adultes posent, à leur tour,

les constats suivants : « les contours de leur profession est difficile à fixer et leur parcours s’illustre par

une «atypie persistante ». 138 « Les formateurs consultants et concepteurs de projets se trouvent /… /

dans une logique de revendication de leur professionnalité, porteuse de leur identité professionnelle et

mise à mal dans leur contexte d'exercice. 139

136 « Les métiers de la formation », Emmanuel de Lescure et Cédric Frétigné (dir.) Presses universitaires de Rennes, 2010, pur-editions.fr 137 Interview de Lionel SOUBEYRAN président du SICFOR dans le Dossier centre Inffo –l’information sur la formation – le paysage syndical de la formation n° 761 1er au 15 février 2010. 138 Monbaron, J. (2004) Les formateurs d'adultes: une identité composite. Apport à une définition de l'identité professionnelle des formateurs d'adultes à la lumière de leur itinéraire institutionnel. Thèse de doctorat. Université de Genève. Monbaron, J. (2005) A propos de la lucidité des acteurs en recherche-formation. Revue des sciences de l’éducation no 31/2. Montréal. pp. 355-376. Monbaron, J. (2007) La compétence biographique des formatrices et des formateurs d'adultes comme soutien aux transitions de l'existence. Revue francophone internationale Carriérologie 139 GRAVE P, l’identité professionnelle des formateurs - Article de la rubrique « Former, se former, se transformer » Hors-série N° 40 - Mars/Avril/Mai 2003 Former, se former, se transformer

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L’importance de clarifier leur identité professionnelle est bien identifiée par les formateurs

consultants, les enjeux sont notamment posés en terme de professionnalisation ainsi que de

reconnaissance de l’activité par les pouvoirs publics, les clients et au regard du groupe professionnel

des métiers de la formation.

Cependant, en dépit d’initiatives syndicales centrées sur la professionnalisation depuis de nombreuses

années, et d’une « professionnalité » ou d’un « professionnalisme » revendiqué par l’ensemble des

formateurs consultants que nous avons rencontré, les parcours de professionnalisation mis en place

ne mobilisent qu’une infime partie des formateurs consultants.

Ces constats soulèvent au moins deux questions :

La notion de professionnalisation est-elle perçue de la même façon par les formateurs consultants

indépendants et les syndicats qui les représentent ?

L'identité professionnelle des formateurs mal définie, composite et complexe est-elle compatible avec

une professionnalisation ?

---------------------------------------------------------

Les différents constats établis et les questionnements qui en découlent nous amènent donc à poser

notre question de recherche en ces termes :

Pourquoi la professionnalisation des formateurs consultants est-elle encore à l'état

d'ébauche et exclue des grands axes de la réforme de la formation professionnelle tout au

long de la vie alors qu'elle semble être appelée de tous (pouvoir publics, syndicats,

formateurs et clients) depuis plus de 15 ans ?

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2 Hypothèses et méthodologie Au regard des constats précédemment établis et des interrogations soulevées, de nombreuses

hypothèses peuvent être évoquées en réponse à cette question.

Ne pouvant suivre l’ensemble des pistes qui s’offraient, nous proposons d'en explorer deux via une

méthodologie qualitative portant à la fois sur l’analyse d’entretiens semi directifs et de documents

recueillis tant dans le cadre de la mission qu’au cours de nos travaux de recherche.

2.1 Les hypothèses Notre première hypothèse est qu’il existe un problème de reconnaissance des formateurs

consultants indépendants en tant que profession par les pouvoirs publics qui ne se sentent ainsi pas

concernés par leur professionnalisation.

Cette première hypothèse a été émise suite à la mise en parallèle du positionnement des pouvoirs

publics dans les démarches de normalisation entreprises à l’AFNOR (dans lesquelles la DGEFP est

fortement impliquée afin d’aider à l’amélioration et à la lisibilité des prestations) avec l’absence de

représentation des pouvoirs publics lors des premières assises des formateurs consultants

indépendants de juin 2010. Cette hypothèse est également sous-tendue par le constat issu du

contexte législatif qui pose que les dispositions qui permettraient une reconnaissance des

professionnels ne sont pas dotées des décrets qui pourraient les rendre effectives.

Les principaux indicateurs utilisés pour étudier cette hypothèse seront les positions manifestées par

les pouvoirs publics à ce sujet ou par le CEREQ .

Les moyens méthodologiques seront essentiellement l’analyse de l’entretien que nous avons eu le 9

juillet 2010 avec Pierre Le Douaron Adjoint au Sous Directeur Politiques de Formation et du Contrôle

DGEFP ainsi que deux études réalisées par le CEREQ en novembre 2003 et avril 2010. 140 141

La seconde hypothèse porte sur le fait, qu’au-delà d’un problème de définition du terme, la

professionnalisation peut avoir des enjeux différents –voire divergents- selon les acteurs concernés,

ce qui entrave leur mobilisation et le nécessaire dialogue entre les pouvoirs publics, les formateurs

consultants, les syndicats et les clients.

Cette hypothèse est issue de nos observations, lors des différents volets de notre mission, des liens

faits entre professionnalisation- démarche qualité- reconnaissance de l’expertise via des certifications,

titres ou diplômes par les syndicats et de ceux établis autour des mêmes termes par les formateurs

consultants indépendants. Il en va de même pour les enjeux associés qui semblent différents selon les

acteurs qui évoquent la professionnalisation.

La comparaison et le relevé des points de convergence et de divergence (voire d'opposition) de ces

différentes définitions et de ces enjeux de la professionnalisation seront les indicateurs de vérification

de cette hypothèse.

140 Michun S., SIMON V., VALLETTE A., La formation professionnelle continue comme activité secondaire Structuration du marché et nature de l’offre en questions CEREQ avril 2010 http://www.cereq.fr/pdf/Net-doc-61.pdf 141 VERO J., ROUSSET P., la structuration de l’offre de formation continue CEREQ novembre 2003 http://www.cereq.fr/pdf/nef4.pdf

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L’analyse d’entretiens (dont celui cité ci-dessus) menés avec trois formateurs consultants, deux

responsables syndicaux et trois acheteurs de prestations seront les principaux moyens

méthodologiques utilisés ainsi que l’analyse de textes recueillis au cours de la mission réalisée à l’ICPF

& PSI (en particulier le discours de Lionel Soubeyran, Président du SICFOR)

2.2 Cadre méthodologique

Nous confronterons nos observations aux hypothèses selon une méthode qualitative appliquée à des

données recueillies via des entretiens (semi directifs à l’exception du premier) et à l’étude de divers

documents principalement recueillis lors de notre mission et choisis en fonction de l’éclairage qu’ils

apportent sur les hypothèses étudiées.

L’enquête par entretiens a été réalisée indépendamment de la mission à des fins de vérification des

hypothèses proposées face à la problématique. Elle n’est cependant qu’un des éléments de réponses

aux hypothèses.

Une enquête par questionnaire avait été envisagée dans un premier temps mais il nous est rapidement

apparu qu’une écoute de nos interlocuteurs via des entretiens permettrait de recueillir davantage

d’informations à partir de propos relativement spontanés de la part des personnes entendues. Ce

mode d’enquête se prêtait mieux aux questions à poser au regard des hypothèses émises.

2.2.1 Contraintes rencontrées Un enregistrement intégral des entretiens n’a pas toujours pu être réalisé, certains de nos

interlocuteurs n’ayant pas souhaité être enregistrés afin de se sentir plus libres dans leurs propos, en

ce cas, nous avons veillé à noter les propos de la façon la plus fidèle possible. Compte tenu de notre

rôle de chargée de mission qualité auprès du Président de l’ICPF & PSI, il nous a semblé important

d’être particulièrement vigilant à notre propre positionnement et à notre distanciation de la recherche

entreprise et de la mission effectuée. Cette distanciation a été systématiquement précisée auprès des

personnes entendues en entretien afin qu’elles comprennent que notre démarche s’effectuait dans le

cadre d’un travail universitaire et non de notre mission à l’ICPF & PSI. 142

2.2.2 Des entretiens semi directifs sur la notion professionnalisation et un premier entretien-clé centré sur la problématique

Les entretiens furent menés sur un mode semi directif à partir du guide d’entretien présenté ci après

sauf celui qui nous fut accordé par Pierre Le Douaron. Compte tenu de sa position à la DGEFP, de son

implication dans la réforme de la formation professionnelle tout au long de la vie et à l’Université de

Rouen, la question de recherche fut directement énoncée en introduction de l’entretien qui s’articula

autour de trois thèmes :

- les conditions d’une professionnalisation des Formateurs Consultants Indépendants,

- les attentes des pouvoirs publics,

- la vision de cette profession par les pouvoirs publics.

142 Cette démarche se traduit également par le choix des hypothèses développées et des champs conceptuels choisis. Considérant que cela rendrait difficile l’objectivité de nos propos, nous avons décidé d’écarter, tant au niveau des hypothèses à explorer qu’au niveau du champ contextuel, un abord par la démarche qualité qui aurait risqué de rendre difficile la nécessaire distanciation de notre travail de recherche par rapport à notre activité.

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Cet entretien – c’était notre premier entretien dans le cadre de ce travail- fut très important car les

informations recueillies furent un des éléments clés qui présidèrent au choix des hypothèses à

explorer.

Le guide d’entretien élaboré pour les entretiens semi directifs est composé : - D’une consigne de départ qui précise :

o les raisons de la rencontre, le cadre du travail de recherche entrepris ainsi qu’un rappel de la posture dans laquelle nous nous présentons pour réaliser l’entretien : « Merci d’avoir accepté cet entretien réalisé dans le cadre du mémoire du Master 2 Ingénierie et Conseil en Formation de l’Université de Rouen que je soutiendrai en septembre prochain. Je vous reprécise (cela avait déjà été précisé lors de la prise de rendez-vous) que cet entretien est réalisé dans le cadre de ce travail universitaire et non dans le cadre de mes fonctions à l’ICPF & PSI. Vos propos sont recueillis afin d’enrichir l’étude d’une problématique centrée sur la réforme de la formation professionnelle tout au long de la vie et de la professionnalisation des formateurs consultants indépendants ».

o Une brève explication de la démarche qui nous a amené à solliciter spécifiquement la personne interviewée : « En tant que / intitulé du poste ou de la mission de l’individu /, votre avis et regard sont des éléments importants de notre analyse de la problématique car ils permettent d’apporter un éclairage professionnel sur la question. »

- Des informations recherchées au sujet du thème abordé lors de l’entretien :

o Thème : la professionnalisation o informations recherchées :

quelle est leur définition de ce terme ? qu’est-ce qu’un professionnel selon eux ? comment se définissent-ils en tant que professionnel ? qu’ont-ils mis en place pour leur professionnalisation ? Dans quel but – quel

objectif ? quels sont, selon eux, les enjeux pour eux de la professionnalisation - ou d’être

reconnu comme un professionnel, pourquoi est-ce important ?

2.2.3 Les personnes rencontrées : mise en place de l’échantillon

Les entretiens semi directifs ayant été réalisés au regard de la seconde hypothèse (au-delà d’un

problème de définition du terme, la professionnalisation peut avoir des objectifs différents selon les

acteurs concernés), il était important de réunir un échantillonnage représentant les différents acteurs

évoqués. Il fut ainsi constitué d’un représentant des pouvoirs publics, de trois formateurs consultants

indépendants, de deux responsables syndicaux et de trois acheteurs de prestations.

Nos interlocuteurs nous ont tout fort bien accueillie et nous ont accordé le temps nécessaire à la

réalisation des entretiens. Nous profitons de ces lignes pour les remercier sincèrement de l’attention

et du temps qu’ils nous ont accordé.

2.2.4 Méthode d’analyse

La méthode d’analyse qui nous semble être la mieux indiquée pour traiter les données recueillies lors

des entretiens est l’analyse du contenu afin d’apporter des réponses aux hypothèses émises et

d’ouvrir d’éventuelles voies de recommandations au regard de la problématique. Cette méthode sera

appliquée aux entretiens et aux documents sources recueillis.

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IV. CADRE CONCEPTUEL La problématique évoquée dans notre travail paraît se cristalliser autour d’un paradoxe clairement

énoncé par Emmanuel de Lescure dans son récent ouvrage consacré aux approches sociologiques des

métiers de la formation 143 « le sociologue qui s’intéresse aujourd’hui aux métiers de la formation est

d’emblée frappé par un curieux paradoxe. La lecture de la littérature professionnelle l’invite à

considérer que ces métiers sont en cours de professionnalisation, mais lorsqu’il remonte un peu dans le

temps, il relève que cette assertion est vieille de plusieurs décennies et que ce processus ne semble

jamais trouver d’issue. Le groupe est l’objet d’une réussite indéniable, cependant, il ne parvient pas à

stabiliser ses activités ni, a fortiori, sa définition, sa position et sa composition. » L’auteur relève

également la « fragilité identitaire du groupe pensé dans son ensemble » et le fait que, si les travaux de

nombreux chercheurs en sociologie ou en sciences de l’éducation lient l’hétérogénéité de ce groupe

avec sa « fragilité et l’incertitude de son développement », d’autres ont porté leurs travaux sur « le

processus de construction du groupe professionnel » voire sur le potentiel de ce processus.

Deux dimensions semblent ici se confronter et alimentent les débats : d’une part la réussite (ne serait-

ce que numérique) d’un groupe et son processus de construction semblent annoncer la mise en œuvre

d’une professionnalisation « en cours » depuis bien (trop ?) longtemps ; d’autre part, l’hétérogénéité

des pratiques, le caractère atypique des parcours des individus exerçant leur activité dans ce champ

professionnel et l’aspect « nébuleux » de ce domaine d’activité mettent en question l’identité

professionnelle de ce groupe et amènent les observateurs à questionner ses perspectives d’avenir.

La question de l'identité professionnelle des formateurs consultants a également été soulevée par les

constats liés au contexte et nos observations terrain qui nous incitent à considérer que l’identité

professionnelle se nourrit de la professionnalisation qui a elle-même besoin de s’appuyer sur une

identité professionnelle identifiée –même partiellement- pour se bâtir.

La problématique étudiée nous semble ainsi relever de deux champs conceptuels à la fois distincts et

indissociables : la professionnalisation et l’identité professionnelle.

1. La professionnalisation

La notion de professionnalisation peut apparaître comme peu stabilisée au regard de la polysémie qui

s’y attache. Il semble qu’il existe autant de définitions du concept de professionnalisation que de

champs disciplinaires qui s’y sont intéressés : sociologie, psychologie, psychosociologie, sciences de

l’éducation, ergonomie, sciences de gestion, etc.144

Nous n’explorerons bien évidemment pas ici l’ensemble de ces approches. Au regard de notre thème

de recherche, nous choisissons d’aborder le concept de professionnalisation d’une façon « générale »

via les sciences de l’éducation et la sociologie des professions en particulier à travers les travaux de

Richard Wittorski et de Raymond Bourdoncle.

Nous approfondirons ensuite le concept de professionnalisation plus spécifiquement appliqué aux

métiers de la formation puis aux formateurs consultants.

143 DE LESCURE E., FRETIGNE C., (dir.) les métiers de la formation, approches sociologiques Presses Universitaires de Rennes mars 2010 144 BOUDJAOUI M., Comprendre la multi dimensionnalité des processus de professionnalisation : les apports de l’observation et de la recherche – action 2ème colloque international francophone sur les méthodes qualitatives 25 et 26 juin 2009 à Lille

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1.1 Cadre conceptuel général

Selon Richard Wittorski, le terme «professionnalisation » peut revêtir trois dimensions différentes :

- la professionnalisation des activités ou des métiers au sens de l'organisation sociale d'un ensemble d'activités ;

- la professionnalisation des organisations, au sens de la formalisation d'un système d'expertise par et dans l'organisation ;

- la professionnalisation des acteurs, au sens à la fois de la transmission de savoirs et de compétences (considérées comme nécessaires pour exercer une profession) et de la construction d'une identité de professionnel.

- La professionnalisation peut ainsi relever de deux processus différents : l’un de négociation, par le jeu

des groupes sociaux, qui a pour finalité la reconnaissance, l'autonomie et la spécificité d'un ensemble

d'activités ; l’autre de formation des individus aux contenus d'une profession existante. Dans le

premier cas, il s'agit de construire une nouvelle profession et, dans le second, de former des individus

à une profession existante.

La professionnalisation des individus réside ainsi « dans le jeu de la construction et/ou de l'acquisition

de ces éléments qui permettront au final de dire de quelqu'un qu'il est un professionnel c'est-à-dire qu'il

est doté de l'ensemble des connaissances, des savoirs, des capacités et des compétences caractérisant

sa profession et que l’on peut qualifier de professionnalité ». 145

Raymond Bourdoncle distingue cinq objets de professionnalisation :

- l’activité : elle n’est plus exercée gratuitement mais de façon rémunérée, à titre principal et s’enseigne à l’université

- le groupe exerçant l’activité : création d’une association professionnelle, d’un code de déontologie et volonté d’obtenir un droit unique d’exercer l’activité

- les savoirs professionnels « connaîtraient alors une croissance en spécificité, rationalité et efficacité en même temps qu'une diversification dans leur nature (savoirs procéduraux autant que déclaratifs, compétences plutôt que savoirs) et une reformulation en termes de compétences »

- les personnes exerçant l’activité via l’acquisition de savoirs et de compétences professionnelles en situation réelle menant à un processus d’amélioration des savoirs et capacités et à la construction d’une identité (socialisation professionnelle)

- la professionnalisation de la formation rend les individus capables d’exercer une activité économique déterminée146.

Solveig Fernagu Oudet 147se penche sur la professionnalisation et la définit au niveau de l’individu

comme un processus d’acquisition d’expérience par lequel un individu acquiert tout à la fois savoir et

identité professionnelle via le passage par des situations de formation et des situations de travail

rendues professionnalisantes.

Au regard des constats que nous avons précédemment établis tant par l’analyse du contexte que par

nos observations issues du terrain, l’activité de formateur consultant (indépendant ou non) semble

peiner à être reconnue comme une profession. Le processus de négociation visant la reconnaissance,

l'autonomie et la spécificité de l’activité reste à construire afin que la profession soit reconnue et

145 WITTORSKI R., Professionnalisation et développement professionnel Action et Savoir, L’Harmattan 2007 146 BOURDONCLE R. Autour des mots : professionnalisation, formes et dispositifs. Recherche et Formation, 19, 137-148, 2000 147 FERNAGU-OUDET S., Organisation du travail et développement des compétences - Construire la professionnalisation l’Harmattan 2007

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identifiée clairement – ne serait-ce que par les clients et les pouvoirs publics à défaut de l’opinion

publique.

Si l’on considère que l’activité est cependant assez constituée pour constituer une profession – même

peu reconnue- le processus de formation des individus aux contenus de cette profession reste à définir

et à faire reconnaître en tant que référentiel.

L’activité est certes rémunérée et enseignée à l’université mais il existe une grande confusion entre la

fonction « formation conseil » exercée de façon annexe à une autre activité et l’activité « formation

conseil » exercée à titre principal.

Il existe bien des syndicats et un code de déontologie mais ils sont loin d’être connus ne serait-ce que

d’un cinquième des formateurs consultant et le fait que le marché de la formation soit un marché

résolument ouvert exclu la volonté d’obtenir un droit unique de l’exercer. Quant aux savoirs

professionnels, s’il est incontestable qu’ils existent, sont importants et sans cesse enrichis, aucun

processus d’acquisition par les professionnels qui exercent l’activité n’a été établi (la profusion de

formations visant à leur transmission rend d’ailleurs le choix difficile pour les apprenants).

L’ensemble de ces éléments semblent converger vers la délicate construction d’une identité sociale et

professionnelle, ce qui nous amène à aborder à présent les enjeux sociaux de la professionnalisation.

1.2 Les enjeux sociaux de la professionnalisation

Cet aspect du champ conceptuel de la professionnalisation est au cœur de notre problématique et des

hypothèses émises – en particulier la seconde. Il nous apparaît donc important de l’aborder et nous

avons choisi de le faire via l’analyse proposée par Richard Wittorski qui souligne que « la

professionnalisation relève avant tout d’une intention sociale /…/ elle fait l’objet d’une charge

idéologique forte. Cette thématique chargée renvoie à des enjeux qui se différencient en fonction des

groupes d’acteurs qui la promeuvent (société, individus, groupes professionnels ou organisations).148

Quatre espaces sont alors examinés afin de distinguer les divers enjeux :

- L’espace politique et social au sein duquel on observe une décentralisation :

o politique, notamment via la territorialisation,

o sociale et organisationnelle avec la responsabilisation des personnes sur l’efficacité, la

gestion des changements et l’évaluation du travail.

L’efficacité individuelle est ainsi mise au service d’un modèle de société marqué par une

pensée libérale dans lequel l’individu devient « entrepreneur » de sa propre vie.

- L’espace des groupes sociaux dont les enjeux se situent au niveau de la constitution des

professions par «la mise en reconnaissance de soi dans l’environnement à des fins de conquête

d’une meilleure place dans la hiérarchie étatique »

- Dans l’espace des organisations, la professionnalisation est au cœur de multiples enjeux :

o Le premier est d’accompagner et de faire accepter les fortes et récentes évolutions du

travail. La professionnalisation est alors «entendue comme une intention

organisationnelle d’accompagner la flexibilité du travail »

148 WITTORSKI R., Professionnalisation et développement professionnel Action et Savoir, L’Harmattan 2007

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o Le second est de mobiliser les ressources des salariés dans ce contexte de flexibilité en

faisant de plus en plus appel à leurs compétences. Le sujet est alors en charge de la

construction de son expérience et de sa performance.

La professionnalisation est alors liée à une logique de compétences à développer et à

mobiliser par le salarié pour qu’il puisse remplir les « missions » qui lui sont assignées.

- Dans l’espace des individus, les enjeux de la professionnalisation s’expriment dans :

o une demande de reconnaissance de la professionnalité

o une demande de reconnaissance de l’identité dans la sphère sociale

« Produites autrefois collectivement, les identités professionnelles tendent désormais à

être bricolées par les individus en fonction de leurs trajectoires professionnelles. /…/

désormais, sous l’effet du chômage et de la libéralisation, dans les relations sociétaires,

ce qui compte c’est le résultat que va apporter chaque individu à l’entreprise,

accompagné du déclin des syndicats ».

La professionnalisation se situe donc au carrefour d’attentes sociales et d’enjeux divers pouvant ainsi

être schématisés :

professionnalisation

Espace politique & social

Espace organisation

Espace individus

Groupes sociaux & professionnels

Décentralisation sociale Individu « entrepreneur » de sa vie Décentralisation politique

territorialisation

Logique libérale : efficacité individuelle au service de la société

Décentralisation organisationnelle, mobilisation des salariés

Flexibilité, libéralisation du marché

Logique de compétence & accompagnement des évolutions du travail

Régulation du marché, meilleure place dans la hiérarchie étatique

Constitution des professions

Logique de reconnaissance du groupe socio

professionnel

Identité dans la sphère sociale

Professionnalité dans les organisations

Logique de qualification (reconnaissance de la professionnalité)

ENJEUX ENJEUX

149

Ce schéma sera repris dans le cadre de la vérification de notre seconde hypothèse relative aux

définitions et enjeux de la professionnalisation selon les acteurs.

149 Schéma document de travail C.TROILLET d’après Richard WITTORSKI Professionnalisation et développement professionnel Action et Savoir, L’Harmattan 2007

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1.3 Brève approche historique de la professionnalisation des formateurs

d’adultes

"L'histoire, c'est cela: un moyen de comprendre et, par là même d'agir sur le cours des événements."

Lucien Febvre

Sans avoir l’ambition d’agir ici sur les évènements, l’histoire de la professionnalisation des formateurs

d’adultes nous apparaît comme un moyen de mieux comprendre la problématique soulevée.

Dans l’ouvrage « Pour une histoire de la formation » 150 Emmanuel de Lescure intitule son chapitre

sur la professionnalisation des formateurs d’adultes : «les formateurs d’adultes et leur

professionnalisation, du rejet à la fascination». Tout est dit dans ce titre !

Dans ce chapitre, Emmanuel de Lescure rejoint les constats posés par la majorité des auteurs qui

se sont penchés sur ce groupe professionnel quant à « la faiblesse de sa reconnaissance et de son

institutionnalisation /…/ Alors que les premiers indices de professionnalisation avaient été relevés

dès les années 1960, aujourd’hui, malgré l’explosion démographique du groupe, cette question ne

semble toujours pas avoir trouvé d’issue certaine, notamment en terme d’emploi et de carrière. »

Il distingue trois grandes périodes.

Les années 60 à 80 marquées par le refus de la professionnalisation des formateurs. « Plutôt que

de formateurs professionnels, ce dont la généralisation de l’éducation permanente a besoin, c’est

d’un régiment infini de formateurs occasionnels. » Ce refus de la professionnalisation est porté à

la fois par les formateurs eux-mêmes qui refusent que « leur action soit une spécialité de plus car

le succès de leur activité suppose la mort de leur spécialité. » et par les syndicats.

La CFDT et FO, interrogés sur la mise en œuvre de l’ANI de juillet 1970 en réponse aux questions

« qui sera appelé à exercer la fonction de formateur ? » et « les formateurs devront-ils être des

professionnels de la formation ou des membres du personnels des entreprises », indiquent que

« des formateurs, il n’en faut plus ». Fortement opposés à la constitution d’un corps professionnel

de formateurs, les deux confédérations considèrent que « les formateurs ne doivent pas faire

carrière, aucune spécialisation n’est voulue, ils ne doivent pas rester longtemps en poste, il doit y

avoir une grande rotation pour que tout le monde puisse devenir formateur ».La CGT a une

position plus nuancée et défend le modèle de l’AFPA c'est-à-dire celui « d’un formateur

professionnel qui tire sa légitimité de son expérience de travail hors de la formation ». Finalement,

cette période a généré une « multiplication des formateurs professionnels sans qu’une frontière

précise ne les sépare des formateurs occasionnels » et vu l’essor des « formations de formateurs »

indispensables dans cette logique où tous les individus deviendraient un jour formateurs. 151

150 LAOT F., et DE LESCURE E., dir. Pour une histoire de la formation, Histoire et mémoire de la formation, l’Harmattan 2008 151 Cette zone de « flou » entre les formateurs occasionnels et les formateurs professionnels semble persister encore de nos jours et peut être vu à travers la diversité extrême des formations de formateurs proposées sur le marché et allant de 2 jours à plus de 2 ans. Bien que destinées à des publics différents, elles sont toutes estampillées « formations de formateurs ». Le parcours des formateurs consultants actuels est également significatif de la persistance de ces deux façons d’exercer les activités de formation. Nombre de formateurs consultants indépendants qui se revendiquent actuellement comme formateurs professionnels ont pour toute formation l’expérience d’une « fonction de formation » exercée en complément de leurs missions dans leurs précédents postes. Note C.TROILLET

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Les années 80 ouvrent une nouvelle période moins consensuelle que la première et qui donne lieu

à des prises de positions tranchées entre les partisans de la reconnaissance d’un statut, tel Gérard

Maglaive, et ceux qui y sont opposés.

Dans le rapport du groupe de travail qu’il anime sur la formation et la qualification des agents de

la formation continue152, Gérard Maglaive, alors responsable du CNAM, déplore l’absence de

qualification reconnue pour les métiers de la formation et la « scandaleuse précarité » qui

l’accompagne. Il souligne que les conditions d’emploi des formateurs sont pour lui préjudiciables

tant à ces derniers qu’à la qualité de la formation. Il définit des typologies de fonctions

(« formateurs enseignants, formateurs en relations humaines, formateurs animateurs,

coordinateur de formation et responsables de formation ») qui doivent servir à élaborer des

« itinéraires de formation et de qualification » afin de définir « des profils professionnels qui /…/

soient validés par des diplômes homologués par les pouvoirs publics pour être utilisables et

reconnus dans tous les secteurs d’activité et sur tout le territoire. » Aucun consensus ne put être

établi à l’issue des travaux de ce groupe de travail. Une première divergence se fit entendre de la

part d’universitaires opposés à la volonté d’affirmer « la légitimité d’une compétence par la

caution du contrôle d’une institution » ; une seconde opposition était portée par les représentants

du monde de l’entreprise qui soutenaient qu’il est « essentiel que le niveau du formateur soit aussi

proche que possible du niveau du formé et /que/ toute latitude /…/ soit laissée sur ce point aux

entreprises pour lesquelles l’efficacité testée et prouvée du formateur reste le meilleur critère. » et

soulignait le caractère transitoire de la fonction de formateur ne représentant qu’ « un passage

dans le déroulement d’une carrière ».

Lors du bilan du séminaire de Versailles initié en octobre 1986 par la délégation à la formation

professionnelle du ministère des affaires sociales et de l’emploi sur la formation professionnelle et

intitulé « Quelle formation ? Quels formateurs ? », André Ramoff153, délégué à la formation

professionnelle, exprime ainsi la position des pouvoirs publics qu’il représente : «j’ai peine à croire

que l’on puisse aujourd’hui vouloir s’engager dans la recherche d’un statut ou dans la recherche

d’une reconnaissance de la fonction de formateur », il appelle à « un peu moins de

professionnalisation et beaucoup plus de professionnalisme ». Il rejette ainsi toute perspective de

qualification des postes au motif qu’elle « stériliserait dans l’entreprise quantité de compétences

disponibles »mais reconnaît cependant que les formateurs professionnels sont indispensables à la

formation des formateurs occasionnels ainsi qu’à l’expertise ou au conseil pour lesquels leur

position d’extériorité à la structure d’intervention est requise.

La troisième période s’ouvre suite à la signature de la convention collective nationale en 1988 et

verrait, selon Emmanuel de Lescure, un relatif apaisement des conflits autour de la

reconnaissance du statut des formateurs et une prolifération des discours sur leur

professionnalisation. Il conclut qu’on est passé de «manière univoque, malgré l’expression de

quelques résistances, d’un discours dominant du refus de la constitution d’un corps professionnel à

celui de la nécessité de sa professionnalisation et donc, peu ou prou, de la reconnaissance de son

existence. » La faible institutionnalisation du groupe professionnel est expliquée par le « rejet

152 Maglaive G., 1983, la formation et la qualification des agents de la formation continue, rapport rédigé à la suite des réunions du groupe de travail mis en place à l’initiative du ministère de la formation professionnelle. 153 André Ramoff, énarque conseiller-maître à la Cour de comptes, fut de septembre 1981 à février 1990 délégué à la formation professionnelle.

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récurent de la professionnalisation » durant la première partie de la période étudiée. L’auteur

souligne cependant que « le consensus qui se dégage à la fin des années 90 apparaît

particulièrement fragile et maintient le groupe dans son incertitude » 154.

Emmanuel de Lescure revient sur cette notion de fragilité dès son introduction de l’ouvrage

intitulé « les métiers de la formation, approches sociologiques » récemment paru155. Relevons-en

deux points :

- Les métiers de la formation restent faiblement institutionnalisés. « Certains considèrent

que cette fragilité résulte de l’absence de reconnaissance par l’Etat. Aussi fondée soit-elle,

cette interprétation parait incomplète./…/ il faut y ajouter le fait que la catégorie recouvre

des réalités disparates et peine à former un ensemble cohérent. »

- « tout en reconnaissant l’existence d’une pluralité de modes de professionnalisation, il faut

bien admettre que le groupe /…/ souffre d’éclatement en particulier en raison du fait que

les individus qui le composent ne se situent objectivement pas à la même place dans la

division technique et sociale du travail. Ce constat donne alors raison à l’axiomatique

française des professions qui tient le fait d’y occuper une position similaire et relativement

stable pour une condition nécessaire à la pleine émergence d’un groupe professionnel. »

La lecture de cet ouvrage met en évidence la persistance d’hypothèses différentes quant à la

professionnalisation et au statut des formateurs. Relevons à titre d’exemple, les positions de Jean

Paul Géhin et Lise Demailly.

Jean Paul Géhin, dans le chapitre qu’il consacre à la construction du groupe professionnel des

formateurs et à la régionalisation des politiques de formation, pose « la reconnaissance sociale de

la profession de formateur et, notamment, son accès ou non au statut social particulièrement

valorisé en France de cadres » comme l’enjeu central de la construction institutionnelle et conclut

« Au total, la professionnalisation en cours des formateurs semble se confirmer. L’identité

professionnelle en construction s’organise autour de la diffusion de pratiques, de valeurs et de

représentations partagées. »

Lise Demailly, dans l’épilogue de ce même ouvrage, évoque «l’absence d’unité des mondes de la

formation », leur image de « nébuleuse sans centre ni marge », « la porosité des identités

professionnelles de référence (les métiers d’origine dont les techniques sont transmises dans le

cadre des formations sont plus fondateurs d’identité que le métier de formateur car sa légitimité

leur demeure suspendue). » mais souligne que « la lecture de l’ouvrage, et (ses) propres travaux,

(l’)amènent à penser que si la profession de formateur n’existe pas, une certaine homogénéisation

des métiers de formateur se produit en ceci même que les métiers relationnels, auxquels ils

appartiennent, connaissent une certaine homogénéisation. »

Les débats autour de la profession de formateur, de leur professionnalisation et de leur identité

professionnelle ne semblent donc pas clos.

Les apports de cette exploration du champ conceptuel de la professionnalisation sont cohérents

avec notre analyse du contexte et nos observations terrain. Le fait que la professionnalisation des

154 LAOT F., et DE LESCURE E., dir. Pour une histoire de la formation, Histoire et mémoire de la formation, l’Harmattan 2008 155 DE LESCURE E., FRETIGNE C., Les métiers de la formation, approches sociologiques, Presses Universitaires de Rennes mars 2010

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formateurs consultants est encore à l'état d'ébauche et exclue des grands axes de la réforme de la

formation professionnelle tout au long de la vie peut alors être expliqué par cinq constats issus

directement de l’exploration du concept de professionnalisation et de son histoire :

- La professionnalisation de l’activité et celle des individus restent à construire simultanément

- Les enjeux de la professionnalisation sont multiples et relèvent de logiques qui ne sont pas

forcement compatibles

- Il existe un débat historiquement ancien, durable, et non encore totalement résolu, autour de

l’intérêt et du bien fondé de la reconnaissance de cette activité en tant que profession et donc

de sa professionnalisation

- La position des pouvoirs publics semble suivre une logique libérale au regard de la

professionnalisation et vise davantage à une amélioration du professionnalisme, entendu au

sens d’amélioration de la qualité de la production, qu’à une professionnalisation des

formateurs permettant une reconnaissance de leur statut (y compris dans les organisations, ce

qui ne semble pas être souhaité non plus par les représentants des entreprises)

- Les syndicats sensés représenter l’activité lors des ANI (CGT, CFDT, FO puisqu’aucun syndicat

spécifiquement dédié aux formateurs n’est représenté lors des ANI) avaient une position

historique opposée à la professionnalisation de l’activité et des individus qui l’exercent

L’identité professionnelle continue également à questionner le concept de professionnalisation

auquel elle est fortement liée : « Au quotidien, la professionnalisation se construit par et dans

l’élaboration identitaire, cette construction identitaire dépend d’une reconnaissance par les autres

des compétences et des savoirs produits. » 156

2. L’identité professionnelle

En 1950, Erik Erikson fut le premier à proposer une théorisation du concept d’identité dans le champ

de la psychologie du développement. Il établit alors des distinctions entre « identité du moi »,

« identité personnelle » et « identité de groupe ». Ses considérations sur le développement de

l’identité tout au long de la vie, la multiplicité des « soi » et les dimensions « ego-identitaires » de

groupes font de lui l’un des précurseurs des analyses actuelles.157 Dans ses travaux, il pose l’identité

comme un processus qui s’élabore au cours de l’existence, spécialement à l’occasion de périodes de

rupture, de crises.

Depuis ces premiers travaux, le terme d’identité a connu un vif succès au point qu’il est parfois qualifié

de « mot atteint de folie à force d’être utilisé » 158. Identité personnelle, identité professionnelle,

identité nationale, identité au travail… Le concept d’identité se situe au carrefour de différents champs

disciplinaires dans lesquels il a été largement exploré : le droit, la politique, l'anthropologie, la

sociologie, la psychologie… et suscite bien des débats.

Les construction théoriques qui y sont attachées sont fortement marquées disciplinairement mais ont

« pour tendance commune de considérer l’identité dans un rapport sujet-autrui-environnement »159.

Nous nous intéresserons ici à l’approche sociologique de l’identité professionnelle.

156 WITTORSKI R., Professionnalisation et développement professionnel Action et Savoir, L’Harmattan 2007 157 Valérie Cohen-Scali et Jean Guichard, « L’identité : perspectives développementales », L'orientation scolaire et professionnelle 2008 158 WITTORSKI R., Professionnalisation et développement professionnel Action et Savoir, L’Harmattan 2007 159 WITTORSKIR., Professionnalisation et développement professionnel Action et Savoir, L’Harmattan 2007

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2.1 La question de l’identité professionnelle en sociologie

De nombreuses définitions et approches de ce concept ont été émises en sociologie.

Selon la théorie du concept d’identité professionnelle émise par Renaud Sainsaulieu, le concept

d’identité peut être caractérisé comme la définition « de soi par soi », à laquelle s’ajoute celle « de soi

par les autres ». « Par identités, il faut entendre un ensemble de représentations mentales permettant

aux individus de retrouver une cohérence, une continuité entre leurs expériences présentes et celles du

passé. C’est l’identité du Soi. Mais de telles structures mentales ne peuvent être indifférentes aux

représentations mentales des autres sur soi… C’est l’identité pour autrui ». L’identité professionnelle se

définit comme la « façon dont les différents groupes au travail s’identifient aux pairs, aux chefs, aux

autres groupes, l’identité au travail est fondée sur des représentations collectives distinctes »160.

L’identité serait un processus relationnel d’investissement de soi dans des relations durables, qui

mettent en question la reconnaissance réciproque des partenaires.

Pour Claude Dubar, « L’identité n’est autre que le résultat à la fois stable et provisoire, individuel et

collectif, subjectif et objectif, biographique et structurel, des divers processus de socialisation qui

conjointement, construisent les individus et définissent les institutions ». 161

Claude Dubar souligne les relations entre identité personnelle et identifications collectives dans le

cadre de l’identité professionnelle. Il associe les processus biographiques de construction d’une

«identité pour soi » et les mécanismes de reconnaissance des «identités pour autrui ». Les identités

sont vues comme dépendantes des relations avec les autres et de la perception subjective de sa

situation. L’identité est ainsi le produit d’une négociation sociale dont l’enjeu est la reconnaissance de

soi par les autres. Ce processus de construction et de négociation n’est pas figé dans le temps.

Claude Dubar distingue l’identité professionnelle de l’identité au travail : l’identité professionnelle

étant une façon de se situer et d’être situé par les autres dans l’ensemble du champ social : « Pas plus

que les autres identités, les identités professionnelles ne sont des catégories acquises une fois pour

toutes. Comme les autres, elles se construisent dans et par les interactions, tout au long de la vie. Elles

s'élaborent à partir d'un parcours, d'une trajectoire, en débordant les limites du lieu de travail. Cela

explique que des personnes, qui font le même travail au sein de la même entreprise, peuvent construire

des identités professionnelles différentes. L'identité professionnelle diffère de l'identité au travail : elle

est une manière de se situer dans le champ professionnel et, au-delà, dans la vie sociale ; elle continue

à influencer toute l'existence hors travail, même si elle est de plus en plus soumise à l'incertitude. »162

La construction identitaire est donc un processus dynamique continuellement en reconstruction,

marqué par de nombreux évènements et formé de plusieurs composantes. « L’identité humaine n’est

pas donnée, une fois pour toutes, à la naissance : elle se construit dans l’enfance et, désormais, doit se

reconstruire tout au long de la vie. L’individu ne la construit jamais seul : elle dépend autant des

jugements d’autrui, que de ses propres orientations et définitions de soi. L’identité est un produit des

socialisations successives ».163

160 SAINSAULIEU R., L'identité au travail. Les effets culturels de l'organisation. Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1977 161 DUBAR, C. La socialisation. Construction des identités sociales et professionnelles. Paris : Armand Colin, 1991. 162 Article de la rubrique « Travail, mode d'emploi » Mensuel N° 114 - Mars 2001 Travail, mode d'emploi Identités professionnelles : le temps du bricolage Rencontre avec Claude Dubar 163 DUBAR C., La crise des identités. L’interprétation d’une mutation, Paris, Presses Universitaires de France 2000.

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Richard WITTORSKI définit l’identité comme « le jeu (au sens stratégique et dynamique du terme)

existant entre, d’une part, les affects et les représentations du sujet portant sur sa place et celle de son

action dans l’environnement (places passées, actuelles et à venir), et, d’autre part, la reconnaissance

sociale du sujet par cet environnement. »164

Ce « jeu » implique que le sujet mette en place une stratégie de mise en reconnaissance de soi et que,

du côté social, soit mis en œuvre des situations permettant d’attribuer des compétences à des process

d’action définis. Richard WITTORSKI souligne que le dispositif de professionnalisation proposé à

l’individu constitue une offre identitaire, une « injonction à devenir conforme à des attentes exprimées

par l’organisation » qui peut « entrer en congruence ou en conflit avec le projet que poursuit le sujet

pour lui-même. ». Les tensions identitaires ainsi générées donnent alors lieu à des stratégies

identitaires ayant pour but de réduire, maintenir ou empêcher la survenue « d’écarts entre identité

pour soi, identité pour autrui et entre identité héritée et identité visée »165.

2.2 Dynamiques identitaires

Parler de dynamique identitaire plutôt que d’identité -même au pluriel- relève les possibilités, pour la

personne elle-même et pour les situations, de ne pas rester figées dans le temps. Cette perception de

l’identité en tant que dynamique pose la question de l’évolutivité de l’identité personnelle et/ou

professionnelle des individus : « j’ai commencé à évoluer en ce qui concerne la notion d’identité, de

cette notion d’identité à celle de dynamique identitaire, car je me suis rendu compte à la suite d’autres

chercheurs que la notion d’identité désigne à la fois un processus et un état. Ne retenir que son aspect

« état » risque d’être dangereux. C’est comme s’il s’agissait de quelque chose de figé et de

définitivement assuré, et donc, du coup, il y a le risque de stigmatiser, d’étiqueter, de classer les gens

désignés. Alors que la notion de dynamique identitaire est plus dans le mouvement, dans le processus ;

ce qui fait que l’on peut être dans une dynamique identitaire sans être forcément figé dans un statut

identitaire définitif. C’est la raison pour laquelle j’ai recours à la notion de dynamique identitaire. »166

Mokthar Kaddouri conçoit et analyse la dynamique identitaire dans la relation à l’autre avec lequel

l’individu a des liens conflictuels ou des liens de complémentarité et détermine quatre grands types de

dynamiques identitaires :

- La dynamique « transformation identitaire » en jeu pour changer une identité vécue de façon

insatisfaisante

- la dynamique d’ « entretien identitaire » rencontrée dans le cadre d’identité vécue de façon

satisfaisante

- la dynamique de « préservation identitaire » destinée à réhabiliter une identité blessée

- la dynamique de « confirmation identitaire » qui vise à maintenir ou défendre une identité menacée

- la dynamique de « reconstruction identitaire » afin de faire reconnaître une identité insuffisamment

reconnue par un autrui significatif.167

164 WITTORSKIR., Professionnalisation et développement professionnel Action et Savoir, L’Harmattan 2007 165 KADDOURI M., Professionnalisation et dynamiques identitaires in SOREL M., et WITTORSKI R., La professionnalisation en actes et en questions L’Harmattan 2005 166 Interview de Mokthar KADDOURI CNAM 2003 http://innovalo.scola.ac-paris.fr/former/equipe/apports/interviews/index.htm 167 KADDOURI M., Vers une typologie des dynamiques identitaires. In Centre de recherche sur la Formation (éd.). Action et identité. PARIS INRP

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Jean Marie Bardier distingue six dynamiques identitaires 168 :

- Une dynamique de « différenciation identitaire» : les personnes ont une image positive d’elles-mêmes et veulent améliorer leur situation sociale et professionnelle.

- Une dynamique dite de « confirmation identitaire » : les personnes recherchent une reconnaissance sociale et la légitimation d’un itinéraire ou d’une expérience professionnelle.

- Une dynamique dite de « préservation identitaire » qui vise à préserver une position acquise dans laquelle les personnes se sentent menacés.

- Une dynamique dite de « flexibilité identitaire » : la flexibilité de l’emploi est considérée comme une variable normale et logique dans le contexte socioéconomique actuel. C’est majoritairement le cas des professions intellectuelles ou d’expertise qui dispose sur l’emploi d’une vision prospective à moyen terme et construisent leur avenir professionnel notamment par la formation.

- Une dynamique dite de « restauration identitaire » : l’individu se sentant dévalorisé ou rejeté dans sa situation professionnelle cherche par la formation à se forger une nouvelle image de son identité.

Ces dynamiques identitaires peuvent être mises en relation avec les représentations identitaires et les

affects qui y sont attachés.

169

168 BARBIER J-M., De l’usage de la notion d’identité en recherche, notamment dans le domaine de la formation – Education Permanente – N° spécial N° 128/1996-3 « formation et dynamiques identitaires » 169 BARBIER J-M., BOURGEOIS E., DE VILLIERS G., KADDOURI M., Constructions identitaires et mobilisation des sujets en formation Action et savoir – Recherches EDUCATION FORMATION avril 2006

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Il est important de relever que ces typologies sont à appréhender comme des « construits de

chercheurs pour rendre compte de ces configurations ; elles n’ont aucune autre réalité que celle là et ne

doivent (pas) /…/ être attribuée de manière stable à un sujet. »170 Elles sont importantes par la

méthode de travail et la perception évolutive et dynamique de l’identité des individus et les processus

de construction de l’identité qu’elles mettent en lumière (en particulier dans le rapport à la formation

comme élément de construction de l’identité professionnelle).

Notons que si la notion de dynamique identitaire reste constante dans les travaux de ces auteurs, les

catégories établies ont évolué au fil du temps et sont parfois nommées différemment selon les

publications.

La notion de dynamique identitaire nous semble importante pour appréhender avec plus de recul, et

peut-être d’optimisme, l’identité professionnelle des formateurs consultants si souvent qualifiée de

« floue », « d’instable », «d’indécidable », de « poreuse » ou encore (dans les versions les plus

encourageantes) « en construction ».

2.3 Quid des travaux sur l’identité professionnelle des métiers de la formation ?

Comme en matière de professionnalisation, les débats sur la question de l’identité professionnelle des

métiers de la formation restent vifs et les positions contrastées.

Les tenants de l’avènement d’une identité professionnelle spécifique relèvent que « même si les

formateurs d’adultes constituent une profession difficile à cerner et à caractériser », à partir de la

signature de la convention collective, c’est bien « d’un groupe professionnel possédant des outils et un

savoir-faire en référence à un champ de compétences incontestées qu’il s’agit »171.

Cette prise de position est également retrouvée chez Jean Paul Géhin172 qui fait état d’une « identité

professionnelle émergente », note l’existence de caractéristiques partagées et décèle des « facteurs

d’homogénéisation en cours » ainsi que points communs : un rapport ambivalent et critique vis-à-vis

de la formation initiale, une abondante utilisation de la formation continue (les formateurs sont de

grands « consommateurs » de formation au point que cela constitue un trait distinctif du groupe

professionnel), le fait de considérer « l’emploi comme référence centrale ». Ce dernier point est

considéré comme « la transformation la plus significative des pratiques et des représentations des

formateurs, sans doute la plus structurante de leur identité professionnelle. » Dans la conclusion de son

texte, Jean Paul Géhin souligne cependant le caractère aléatoire cette émergence, et tient pour

incertaine l’issue du processus décrit.

L’obstacle majeur qui semble, depuis les années 70, se dresser face à la constitution – et à la

reconnaissance- d’une identité professionnelle est la fragmentation des métiers de la formation selon

des profils d’emplois « nombreux et instables »173 qui amènent même certains auteurs à conclure à

« l’impossibilité de parler d’UNE profession de formateur. »174

170 BARBIER J-M., BOURGEOIS E., DE VILLIERS G., KADDOURI M., Constructions identitaires et mobilisation des sujets en formation Action et savoir – Recherches EDUCATION FORMATION avril 2006 171 ALLOUCHE – BENAYOUN J., PARIAT M., La fonction formateur. Analyse identitaire d’un groupe professionnel, Toulouse, Privat 1993 172 GEHIN J-P., le métier de formateur : quelques contours d’une identité professionnelle émergente, BOURDONCLE R., et DEMAILLY L. (dir.) les professions de l’éducation et de la formation, Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 1998 173 BOURDONCLE R., et DEMAILLY L. (dir.) introduction de l’ouvrage : les professions de l’éducation et de la formation, Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 1998 174 CHARLON E., et VERMELLE M-C., in les professions de l’éducation et de la formation BOURDONCLE R., et DEMAILLY L. (dir.), Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 1998

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François Marquart considère que les agents de la formation continue se répartissent en deux grandes

catégories, celle des « accompagnateurs de survie » des politiques de l’emploi intervenant auprès des

publics marginalisés et faiblement rémunérés et celle des « super-pros » de la formation en

entreprise : auditeurs, consultants, responsables des Ressources Humaines, dont la rémunération peut

s’élever à plusieurs milliers d’euros par jour. Cette « professionnalité fragmentée et éclatée » révèlerait

une fragilisation identitaire accrue.175

De même, la recherche menée par Patrick Gravé au milieu des années 1990, le conduit à distinguer

plusieurs types de formateurs : les formateurs-insertion, les formateurs animateurs, les formateurs

techniques et les conseillers en entreprises176. Il conclut alors à l’absence de sentiment collectif et

insiste sur le caractère «indécidable»177 de leur identité (Nous verrons ultérieurement quelle est sa

position actuelle sur l’identité des formateurs consultants).

Qu’elles s’attachent au processus de construction identitaire dans des dispositifs de formation des

formateurs ou qu’elles enquêtent auprès de formateurs en exercice, la majorité des recherches

d’autres psychosociologues rejoignent ce constat.178 Le rapport que les formateurs entretiennent avec

leur activité peut être profondément différent selon l’institution dans laquelle ils travaillent, le type de

formation qu’ils dispensent ou encore la manière dont ils sont entrés dans le métier.

Dans son introduction de l’ouvrage « les métiers de la formation, approches sociologiques »179,

Emmanuel de Lescure conclut que cette fragilité identitaire relève à la fois de l’absence de

reconnaissance par l’état à laquelle « il faut /…/ ajouter le fait que la catégorie recouvre des réalités

disparates et peine à former un ensemble cohérent. Certes /…/ cette caractéristique n’interdit pas de

les considérer comme un groupe professionnel. De même, d’après les travaux des sociologues

interactionnistes, /…/ l’unité des professions est souvent factice. Reste que, tout en reconnaissant

l’existence d’une pluralité de modes de professionnalisation, il faut bien admettre que le groupe ainsi

constitué souffre d’éclatement, en particulier en raison du fait que les individus qui le composent ne se

situent objectivement pas à la même place dans la division technique et sociale du travail » et souligne,

qu’en France, le fait d’occuper une position « similaire et relativement stable » représente « une

condition nécessaire à la pleine émergence d’un groupe professionnel ».

Nous souhaitons ici mettre cette rapide revue des prises de positions relatives à l’identité

professionnelle des métiers de la formation avec ces propos de Claude Dubar issus d’un entretien

réalisé en 2002 pour la revue Recherche et Formation : « il y a des risques, pour des formateurs (ou

des chercheurs), de prier d'identité comme un « mana », une sorte de distinction correspondant

souvent à ce « capital social » détenu par ceux qui ont eu la chance de naître dans une « bonne »

famille, d'avoir une « bonne » réussite scolaire et d'avoir appris les « bonnes » manières. C'est comme

un certain usage de la notion de compétence, dans les entreprises, qui permet de réhabiliter ce qu'on

appelait, dans l'armée, la « note de gueule » et surtout d'exclure tous ceux qui ne correspondent pas à

la norme sociale imposée par les dirigeants. Ce n'est pas parce qu'on aborde les questions

d'identification, de catégorisation et donc d'identité qu'il faut oublier les principes de base de la

sociologie ! Il n'y a pas une identité d'enseignants mais des formes identitaires multiples, /…/ Ces

175 MARQUART F., Formateur, une professionnalité segmentée et éclatée » Actes du colloque « les formateurs d’adultes et leurs qualifications : réponses des université Lille 29, 30 novembre et 1er décembre 1989, les cahiers du CUEEP juin 1990. 176 Gravé P., Formateurs et identités, Paris, Presses Universitaires de France, 2002. 177 Gravé P., Comment peut-on être formateur d’adultes ?, Les Dossiers des sciences de l’éducation, n° 11. 2004. 178 BOUSSIERES P., les formateurs, représentations et identités professionnelles, Education permanente, n° 132 1997

179 DE LESCURE E., FRETIGNE C., Les métiers de la formation, approches sociologiques, Presses Universitaires de Rennes mars 2010

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formes sont souvent composées, instables, bricolées comme au sein de tous les groupes

professionnels.180

Ce rappel de Claude Dubar permet de mettre en question le qualificatif de « fragilité » si largement

accolé à l’identité professionnelle des métiers de la formation en soulignant le fait que notre modèle

de société tend à généraliser le caractère composé, instable, bricolé de l’identité de tous les groupes

professionnels. Les formes multiples d’identité professionnelle des enseignants ici évoquées par

Claude Dubar n’empêchent pas la reconnaissance du groupe professionnel dans son ensemble (les

différences de pratiques, de rémunération, d’identité, de reconnaissance sociale sont cependant fort

marquées entre une institutrice et un enseignant chercheur).

Citons également Luc Boltanski qui précise que « l’homogénéité n’est pas la condition nécessaire et

suffisante de la cohésion. Un groupe qui est parvenu à assurer sa cohésion, à imposer la croyance dans

son existence et à s’objectiver dans des institutions paraît avoir les propriétés d’une « chose »181 .

Rappelons aussi, avec Emmanuel de Lescure, que « d’autres groupes professionnels dont l’existence

n’est pas remise en cause, n’ont pas de frontières plus assurées 182(que les agents de la formation) »,

les journalistes ou les travailleurs sociaux par exemple.

Il est donc important de tenir compte du contexte socio économique général et de la crise générale

des identités professionnelles avant de se ranger à un avis sur l’état de l’identité des métiers de la

formation et de se souvenir que « dès lors que l’identité est à penser en termes de transaction, de

dynamique et non d’état, c’est un processus de gestion des écarts et non un état stable » 183.

2.4 Formateurs Consultants et identité professionnelle

Qu’en est-il de l’identité de ce segment des agents de la formation ? Aussi nombreux que peu

identifiables, dotés de parcours, de statuts, de modes d’intervention, de qualifications, de

compétences et d’expertises aussi diverses que variées, sont-ils également dotés de l’identité

professionnelle la plus fragile et la plus indéterminée de toute la « nébuleuse » des métiers de la

formation ?

S’il existe relativement peu de travaux sur cette population, ceux que nous avons étudiés semblent

mettre en lumière une identité professionnelle bien moins indéfinie que ce à quoi nous nous

attendions au regard des propos des syndicats des formateurs consultants sur la question de l’identité

professionnelle du groupe « à clarifier » et qualifiée de « vaste chantier que nous avons à peine

effleuré. »184

Dans son texte intitulé « Qui travaille pour qui ? L’univers segmenté et polarisé des agents de la

formation », Emmanuel de Lescure 185 relève « qu’une partition nette se dégage entre les formateurs

consultants et les simples formateurs/…/ On retrouve ici la dichotomie/…/ proposée par François

Marquart selon laquelle le groupe serait clivé en deux grandes catégories, l’une composée des

« accompagnateurs de survie »œuvrant pour les politiques de l’emploi et l’autre des « super-pros de la

180DUBAR C., entretien avec GONNIN-BOLO A., Recherche et Formation N° 41 – 2002 Pages 131-138 181 BOLTANSKI L., les cadres. La formation d’un groupe social, Paris, Minuit, 1982 182 DE LESCURE E., FRETIGNE C., Les métiers de la formation, approches sociologiques, Presses Universitaires de Rennes mars 2010 183 WITTORSKIR., Professionnalisation et développement professionnel Action et Savoir, L’Harmattan 2007 184 Lionel Soubeyran, Président du Sicfor, allocution d’ouverture des premières Assises du Consultant formateur indépendant (C-FI) Palais des Congrès de la Villette PARIS juin 2010 185 DE LESCURE E., FRETIGNE C., Les métiers de la formation, approches sociologiques, Presses Universitaires de Rennes mars 2010

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formation en entreprise ». L’auteur note que les formateurs consultants présentent « une identité

positive et définissent leur fonction autour du développement des compétences dans les entreprises ».

Son étude est cependant conclue sur le fait que, si le groupe des formateurs consultants « polarise

l’attention et s’impose comme support de l’identité de l’ensemble du groupe professionnel /…/ sa

position privilégiée pourrait être / …. / fragilisée par la croissance démographique du groupe

consécutive à l’extension et à l’institutionnalisation des activités de formation. »

Philippe Gravé, grand témoin des « premières assises des formateurs consultants indépendants » de

juin 2010, propose un modèle de compréhension de leur identité et conclu sa présentation sur

« l’intérêt de faire le bilan des savoirs sur le formateur consultant, de connaître finement leurs réalités

socioprofessionnelles pour approfondir la connaissance sur les dimensions et composantes de l’identité

du Formateur –Consultant. »

Le modèle de compréhension de l’identité proposé s'appuie sur le principe de la dualité de l'identité, à

la fois identité pour autrui et identité pour soi.

Dans ses travaux, l'analyse de l’identité pour autrui porte sur les organismes de formation dans

lesquels s'insèrent les formateurs ou des clients pour lesquels ils interviennent (identité proposée) ;

puis sur les rôles intériorisés par les formateurs dans ces contextes (identité intériorisée) ; le

compromis entre ces deux dimensions dévoile l'identité pour autrui (reconnaissance (ou non) d'une

professionnalité).

L'identité pour soi est explorée à partir de typologies fondées sur la trajectoire biographique, la

perception du rôle professionnel actuel et la façon d'envisager l'avenir. La combinatoire de ces deux

niveaux révèle une pluralité d'identités professionnelles chez les formateurs consultants.

Un modèle de compréhension de

l’identité professionnelle des formateurs

186 L’identité des formateurs consultants est donc certes complexe, multiple et donne lieu à des

négociations à la fois interne et externe mais elle existe et peut être modélisée pour être comprise.

186 Schéma Philippe GRAVE, présentation 1ères assises des formateurs consultants juin 2010 PARIS LA VILLETTE.

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Jacqueline Monbaron a mené pendant plusieurs années une recherche via une approche de type

biographique, avec des formateurs et des formatrices d'adultes, dans le but de mettre en évidence les

principales composantes de leur identité professionnelle.187 Elle constate que ce groupe professionnel,

au « parcours divers et composite, au processus de professionnalisation récent et non stabilisé, peut

développer de réelles compétences à gérer la complexité et I’insécurité générées par les nouvelles

temporalités qui influencent notre quotidien ». Les caractéristiques propres à ce groupe sociologique

sont :

- une identité de métier relativement faible, largement compensée par une palette d'autres

professionnalités acquises dans I’ exercice de plusieurs activités, dans et hors du champ de la

formation.

- la diversité des expériences vécues, tant professionnelles que privées (prise de responsabilités,

dans la vie associative et dans des activités socioculturelles).

- une propension avérée à la mobilité sous toutes ses formes.

Ces caractéristiques rendent les formateurs particulièrement « aptes à affronter les changements

auxquels tout adulte est confronté dans le contexte socio-économique contemporain ».

L'hypothèse émise par Jacqueline Monbaron est que « les formateurs d'adultes, en tant que "

professionnels composites ", préfigurent le sujet postmoderne. " Ces gens en porte-à-faux, déclassés

par le bas ou par le haut, sont des gens à histoires qui, souvent, font I’ histoire ". 188 Peut-on à ce titre

les considérer comme une préfiguration du sujet " citoyen de demain " ? Ils montrent dans tous les cas

qu'il est possible de trouver une légitimation autrement que par un " métier carcan ". Les formateurs

d'adultes, avec leurs déterminants identitaires, nous paraissent particulièrement représentatifs d'une

société dite postmoderne. »

La population des formateurs d’adultes est donc « culturellement révélatrice des errances adultes

actuelles » et leur identité professionnelle révélatrice des actuels parcours d’adultes qui « par leur

originalité et leur diversité, nous incitent à reconsidérer, voire abandonner, les règles au sein desquelles

les protagonistes de la gestion de carrière essayent de nous enfermer. L’agencement de la vie ne

répond pas aux mêmes règles que la gestion de projet ».

Le caractère composite de l’identité professionnelle des formateurs serait ainsi à la fois une résultante

de « vies aux mille détours »189 et un atout pour gérer la complexité et l’instabilité de notre

environnement socio économique.

A l’issue de cette exploration du cadre conceptuel de l’identité professionnelle, citons une fois de plus

Claude Dubar pour conclure que « l'identité n'est pas une donnée figée, constituée une fois pour toute,

mais un « étant » en perpétuel devenir et en constante reconstruction. » et qu’« une identité ouverte

est la marque d'un sujet vivant qui continue à se battre, non seulement pour se faire reconnaître, mais

aussi pour faire changer les choses ! » 190

187 Monbaron, J., Les formateurs d'adultes: une identité composite. Apport à une définition de l'identité professionnelle des formateurs d'adultes à la lumière de leur itinéraire institutionnel. Thèse de doctorat. Université de Genève. 2004 188 BOURDIEU, P. Questions de Sociologie Paris : Les éditions de minuit 1984 189 MONBARON, J. « exister dans le labyrinthe de nos parcours : mise en scène de la vie adulte » dans « Où sont passés les adultes ? Routes et déroutes d’un âge de la vie. » JP BOUTINET, P DOMINICE Tétraèdre 2009 190DUBAR C., entretien avec GONNIN-BOLO A., Recherche et Formation N° 41 – 2002 Pages 131-138

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Bilan de l’exploration conceptuelle

Le processus de professionnalisation des métiers de la formation, en tant que constitution d'un corps

cohérent d'acteurs spécialisés, est encore balbutiant.

Les débats sont encore vifs autour de l’identité professionnelle des métiers de la formation et des

formateurs consultants. La reconnaissance de leur identité professionnelle semble encore entravée

par la perception des parcours de vie « atypiques » des formateurs, la récente institutionnalisation de

ce secteur, la grande diversité des statuts et activités de ce groupe professionnel et surtout la diversité

des représentations de leur action et de leur rôle ; ce déficit de reconnaissance et de prise en compte

de ce « nouveau » type d’identité professionnelle nous semble particulièrement regrettable car

l’identité professionnelle « instable », « composite », « multiple » des formateurs… représente

vraisemblablement l’identité professionnelle du futur de la majorité des professions dans nos sociétés

occidentales.

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95

V. VERIFICATION DES HYPOTHESES

Ainsi que nous l’avons précisé dans la méthodologie, l’enquête par entretien semi directif a été

réalisée indépendamment de la mission à des fins de vérification des hypothèses émises et ne

représente qu’un des éléments de réponses aux hypothèses. Elle est cependant capitale en ce qu’elle

amène la vision concrète et spontanée des personnes interviewées.

Cet éclairage « naturel » complète les autres supports utilisés en réponse aux hypothèses qui

mobilisera ainsi quatre types d’éléments de réponse :

- des textes de référence issus de l’analyse du contexte,

- des observations et documents issus du terrain,

- des constats et déductions provenant des explorations conceptuelles,

- les entretiens réalisés dans le cadre de notre enquête.

1. Présentation de l’enquête par entretiens

Le premier entretien fut celui réalisé avec Pierre Le Douaron. Ce fut un entretien non directif

particulièrement riche et structurant pour notre travail 191.

Cet entretien est un élément de réponse important de notre première hypothèse et de la première

partie de la seconde.

Tous les autres entretiens furent réalisés en mode semi directif.

1.1 présentation de l’échantillon

Notre échantillon est constitué de neuf personnes : trois formateurs consultants indépendants, trois

acheteurs, deux syndicalistes et un représentant des pouvoirs publics.

Concernant les formateurs consultants indépendants entendus, nous avons choisi de solliciter des

individus non syndiqués, relevant de statut et de thèmes d’intervention différents. L’âge moyen de ce

groupe est de 44 ans. Les structures qui supportent leur activité de formateurs consultants

indépendants ont été créées depuis 8 mois à 9 ans.

Les acheteurs interviewés ont tous des fonctions différentes et proviennent de structures

représentatives des principaux clients des formateurs consultants indépendants : PME, grande

entreprise et organisme de formation privés. L’âge moyen de ce groupe est de 41 ans.

Les syndicalistes appartiennent aux deux syndicats les plus représentatifs des formateurs consultants

indépendants. L’âge moyen de ce groupe est de 57 ans.

Afin d’aider à la lecture du tableau récapitulatif des entretiens en annexe 19, un code couleur a été

établi : fond blanc pour les clients, bleu pour les formateurs consultants et rose pour les syndicats.

191 Entretien non enregistré à la demande de Monsieur Le Douaron

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1.2 Les questions

L’objectif était de recueillir des propos spontanés. Qu’il s’agisse des entretiens semi directifs ou du

premier entretien non directif, les personnes n’ont donc pas été préparées en dehors d’une nécessaire

précision (conforme à la grille d’entretien préparée) :

- de notre position dans le cadre de l’échange (étudiante et non collègue ou chargée de mission

qualité ICPF & PSI),

- du cadre de l’entretien (mémoire du Master 2 professionnel Ingénierie et Conseil en

Formation de l’Université de Rouen),

- de la problématique et des hypothèses étudiées (précisées uniquement en début d’entretien).

La thématique des questions a donc été découverte en situation. Cela a représenté un avantage pour

la spontanéité de l’expression (il n’était pas possible aux personnes interviewées de préparer des

réponses). Six questions ont été posées dans le cadre des entretiens semi directifs dans l’ordre ci-

dessous :

- Quelle est votre définition du terme professionnalisation ? - Qu’avez-vous mis en place pour votre professionnalisation ? (pour les formateurs

consultants interrogés) Ou Quelles seraient les actions à mettre en place pour la professionnalisation des formateurs consultants indépendants ? dans quels buts et objectifs ? (pour les clients et les syndicalistes)

- Dans quel but avez-vous mis en place ces actions de professionnalisation ? (pour les formateurs consultants interrogés) Ou Quel serait le but de ces actions ? (pour les clients et les syndicalistes)

- Quels sont, selon vous, les enjeux pour vous de la professionnalisation ? pourquoi est-ce important ?

- Qu’est-ce qu’un professionnel selon vous ? - Comment vous définissez-vous en tant que professionnel et quelle identité professionnelle

ressentez-vous ? (pour les formateurs consultants interrogés) Ou Quelle identité professionnelle voyez-vous des formateurs consultants indépendants ? (pour les clients ou les syndicalistes)

Interviewés Statut – poste – fonction

Corine Consultante Formatrice Indépendante en GPEC & GTEC (gestion territoriale des emplois et compétences), auto entrepreneur

Patrick Formateur Consultant Indépendant fondateur d’une SAS de 4 actionnaires (conseil, formation, management de projet)

Alexis Formateur Consultant indépendant : formation et conseil en management, système de vente, communication / coaching de développement professionnel, société unipersonnelle EURL

Anne Fondatrice d’une Agence de Conseil en Formation essentiellement à destination de l’industrie pharmaceutique (emploie des formateurs consultants indépendants)

Aline Responsable formation en entreprise (formations médico-scientifiques / industrie pharmaceutique, entreprise de plus de 2000 salariés)

David Directeur Administratif et Financier Société de Télécommunication (réseaux électroniques haut débit – 120 salariés)

Emile Syndicaliste SICFOR, Formateur Consultant Indépendant retraité

Jean Luc Responsable syndical CSFC

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1.3 Et si c’était à refaire ?

Nous élargirions notre échantillon aux sociétés de portages, OPCA et acheteurs publics (en particulier

les conseils régionaux) et surtout nous en augmenterions la taille afin d’avoir une vision plus

contrastée et davantage de matière d’analyse.

Bien que les propos recueillis aient été très riches, un échantillonnage plus important numériquement

et plus large aurait été plus représentatif et aurait permis une analyse plus fine des définitions et

enjeux de la professionnalisation des formateurs consultants.

2. Analyse des résultats et vérification des hypothèses

Compte tenu de l’utilisation conjointe des résultats de l’enquête et d’autres éléments pour l’étude des

hypothèses, les résultats seront présentés au fil du travail de vérification des hypothèses.

2.1 Première hypothèse

Rappel de l’hypothèse : il existe un problème de reconnaissance des formateurs consultants indépendants

en tant que profession par les pouvoirs publics qui ne se sentent ainsi pas concernés par leur professionnalisation.

L’entretien que nous avons eu avec Pierre Le Douaron le 9 juillet 2010, dans les locaux de la DGEFP est

un élément central de réponse à cette hypothèse.

La première remarque de Pierre Le Douaron porta sur le fait que, pour que les formateurs consultants

soient reconnus en tant que profession, une structuration claire de l’activité est nécessaire. La

« double casquette » formateur et consultant est considérée comme problématique ainsi que la

« difficulté de repérage des statuts ». Les formateurs consultants ne peuvent être considérés comme

un ensemble homogène par le fait qu’ils relèvent –en tant que groupe- à la fois d’un statut de

personnes physiques et d’un statut d’entreprises selon leur mode d’exercice. La position exprimée

porte clairement sur le fait que, tant que la ligne de partage entre individu ou entreprise et activité de

conseil ou de formation ne sera pas délimitée, cela constituera un « écueil à la constitution en

profession ».

Ce point de vue est sous tendu par le fait que les activités de conseil ne relèvent pas des actions

imputables à la formation professionnelle tout au long de la vie qui constituent le cœur des missions

de la DGEFP et par la problématique du suivi de la répartition des fonds de la formation

professionnelle face à ce type de prestations (comment départager la partie « formation » et la partie

« conseil » dans leurs interventions ?).

Cette multiplicité de statut et le caractère mixte de l’activité des formateurs consultants sont une

des raisons qui amènent à une non reconnaissance de ce groupe en tant que profession par les

pouvoirs publics. Cette position des pouvoirs publics actuels est cependant à distinguer de la

position exprimée en 1986 par André Ramoff192, lors du séminaire de Versailles « Quelle

formation ? Quels formateurs ? » ; Il déclarait alors : «j’ai peine à croire que l’on puisse aujourd’hui 192 André Ramoff, énarque conseiller-maître à la Cour de comptes, fut de septembre 1981 à février 1990 délégué à la formation professionnelle.

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98

vouloir s’engager dans la recherche d’un statut ou dans la recherche d’une reconnaissance de la

fonction de formateur ».

L’obstacle à la reconnaissance était à l’époque lié au fait que l’activité était considérée comme

une fonction transitoire. Aujourd’hui, c’est dans l’association de la formation avec des activités de

conseil que semblent résider les fondements de la non reconnaissance de ce groupe professionnel

par les pouvoirs publics. Les raisons actuelles sont ainsi fondamentalement différentes des

raisons passées : elles portent sur l’identité professionnelle du groupe et non sur le statut de

l’activité.

Cette question de l’identité professionnelle du groupe a été abordée lors de l’entretien via l’évocation

de l’enquête du CEREQ portant sur la formation professionnelle continue comme activité secondaire.

Cette enquête fut évoquée à l’appui du fait que les formateurs consultants indépendants se

définissent davantage en tant que consultants qu’en tant que formateurs.

Les entretiens menés dans le cadre de notre travail de recherche confirment la revendication d’une

identité professionnelle et d’activités multiples :

Interviewés Quel professionnel êtes-vous ? Quelle identité professionnelle ressentez-vous ?

Corine /… / Je me ressens, j’aime et je revendique une double identité : formatrice et consultante.

Patrick /…/ Je suis un spécialiste des projets et pas d’un métier en particulier. Je ne me sens pas une identité professionnelle particulière, je n’ai pas un seul métier, j’en ai 10 dans ce que je fais. /…/

Alexis Je ne sais pas répondre à cette question. Je me sens en fait fondamentalement consultant, /…/ Dans l’action, je prends la posture adaptée à ce que je fais bien sûr, animateur de formation ou formateur ou coach ou consultant. Mais la casquette que je ressens la plus mienne est celle de consultant incontestablement.

Ces propos sont cohérents avec la vision de l’activité des syndicats qui représentent les formateurs

consultant. Citons à titre d’exemple le discours d’introduction de Lionel Soubeyran lors des premières

assises des formateurs consultants indépendants : « Ni seulement formateur centré sur les

apprentissages des savoirs et des savoir-faire, ni exclusivement consultant attaché à réaliser le bon

diagnostic et à soumettre des préconisations pertinentes, le consultant formateur marie étroitement

ces deux compétences. La spécificité de notre approche, la formation sur-mesure, est symbolisée par le

tiret qui relie les termes de formateur et de consultant. Quel que soit l’ordre que chacun voudra donner

à ces deux qualificatifs, c’est dans la RELIANCE entre les deux compétences que réside l’un des piliers de

notre identité professionnelle. »

Hors, ce positionnement fortement revendiqué en tant que fondement de l’activité et pilier de

l’identité professionnelle est justement un des éléments qui amènent les pouvoirs publics à ne pas

reconnaître cette activité comme une profession.

Si l’on considère le modèle de compréhension de l’identité professionnelle des formateurs consultants

indépendants proposé par Philippe Gravé, il apparaît que la revendication d’une double identité de

formateur et de consultant constitue à la fois le point commun de toutes les composantes de l’identité

(identité intériorisée, héritée, présentée et visée) et la principale caractéristique commune aux

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individus de ce groupe professionnel (avec la posture d’indépendant). Le compromis entre l’identité

professionnelle intériorisée et celle proposée pour aboutir à une reconnaissance socio-économique et

donc à la reconnaissance de la professionnalité par –et pour- autrui est donc pour le moins difficile

dans le cas présent : les fondements de l’identité intériorisée, héritée, présente et visée, sont une des

premières causes de la non reconnaissance par « l’autrui significatif ».

Un modèle de compréhension de

l’identité professionnelle des formateurs

193

--------------------------------------------------

L’hypothèse de la non reconnaissance des formateurs consultants en tant que profession par les

pouvoirs publics apparait vérifiée.

La vérification de cette hypothèse, et surtout les points de validation conceptuels sur lesquels elle

s’appuie, soulèvent un conflit entre l’identité professionnelle proposée et celle intériorisée par ce

groupe.

Si la vérification de cette hypothèse ne représente qu’un élément partiel de réponse à l’absence

de mise en œuvre de la professionnalisation des formateurs consultants, le problème de l’identité

professionnelle du groupe par rapport aux attentes des pouvoirs publics mériterait d’être

davantage exploré car il pourrait conditionner, à terme, la pérennité de cette activité dans les

années à venir.

--------------------------------------------------

193 Schéma Philippe GRAVE, présentation 1ères assises des formateurs consultants juin 2010 PARIS LA VILLETTE.

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2.2 Seconde hypothèse

Rappel de l’hypothèse : au-delà d’un problème de définition du terme, la professionnalisation peut avoir des enjeux différents –voire divergents- selon les acteurs concernés, ce qui entrave leur mobilisation et le

nécessaire dialogue entre les pouvoirs publics, les formateurs consultants, les syndicats et les clients.

Ce schéma des logiques et enjeux mobilisés autour de la professionnalisation, établi d’après Richard

WITTORSKI - Professionnalisation et développement professionnel, constitue le fil conducteur de la

vérification de notre seconde hypothèse relative aux enjeux de la professionnalisation.

professionnalisation

Espace politique & social

Espace organisation

Espace individus

Groupes sociaux & professionnels

Décentralisation sociale Individu « entrepreneur » de sa vie Décentralisation politique

territorialisation

Logique libérale : efficacité individuelle au service de la société

Décentralisation organisationnelle, mobilisation des salariés

Flexibilité, libéralisation du marché

Logique de compétence & accompagnement des évolutions du travail

Régulation du marché, meilleure place dans la hiérarchie étatique

Constitution des professions

Logique de reconnaissance du groupe socio

professionnel

Identité dans la sphère sociale

Professionnalité dans les organisations

Logique de qualification (reconnaissance de la professionnalité)

ENJEUX ENJEUX

194

2.2.1 Enjeux de la professionnalisation des formateurs consultants indépendants

pour les pouvoirs publics

Un important travail de normalisation a été engagé à l’AFNOR avec l’appui et l’implication de la

DGEFP195, les thèmes soumis aux groupes de travail visent à améliorer la qualité et la lisibilité des

offres de formation. Ils n’intègrent pas, du moins dans un premier temps196, la reconnaissance des

« titres et qualités » des personnes ou organismes délivrant les prestation de formation.

Les trois groupes de travail constitués à ce jour se pencheront sur :

- l’évaluation des résultats de la formation - Animateur : Hubert Grandjean(AFDEC),

- la lisibilité de l’offre de formation - Animateur : Françoise Gérard (CENTRE INFFO),

- la chaîne de réalisation d’une action de formation - Animateur : Jean-Jacques Machuret (ICPF

& PSI)

194 Schéma document de travail C.TROILLET d’après Richard WITTORSKI Professionnalisation et développement professionnel Action et Savoir, L’Harmattan 2007 195 Compte rendu réunion du groupe de réflexion programme de normalisation services de formation AFNOR 7 juin 2010 196 L’idée d’un travail de normalisation futur sur les compétences du formateur n’a cependant pas été écarté mais ne fait pas partie des axes de normalisation prioritaires : l’orientation, les compétences du formateur, le parcours de développement des compétences de l’individu constituent d’autres pistes de normalisation qui pourront faire l’objet de développements ultérieurs.

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101

Concernant l’évaluation de la formation, Monsieur Pierre Le Douaron (DGEFP)197 confirme le manque

d’outils, annonce que « la DGEFP aura une participation active sur cette problématique importante. Il

faut introduire une logique de résultat pour les 9 millions de salariés qui bénéficient de la formation

professionnelle./…/ Il y a urgence à apporter des solutions » et indique qu’il est prêt à participer aux

travaux du groupe de travail sur la lisibilité de l’offre de formation.198

Cette implication de la DGEFP sur des groupes de travail ayant pour thématique l’amélioration de la

qualité et de la lisibilité des prestations, est cohérente avec l’entretien que nous avons eu le 9 juillet

2010. En tant que responsable du secteur de la formation professionnelle tout au long de la vie, la

DGEFP a pour responsabilité d’œuvrer à l’amélioration de la qualité des prestations et de conforter la

personne qui participe à la formation dans son rôle d’agent de la qualité en « l’outillant » et en

l’informant pour qu’elle soit en mesure d’évaluer la qualité de la prestation délivrée. Les pouvoirs

publics sont donc mobilisés et engagés dans un dialogue et la recherche de solutions avec les

professionnels de la formation et les acheteurs autour de ces thématiques ainsi que nous avons pu

l’observer lors des réunions AFNOR auxquelles nous avons participé.

La « qualité de la prestation délivrée » semble ici à entendre en tant que conformité par rapport aux

objectifs, publics et thèmes relevant de la formation professionnelle tout au long de la vie spécifiés

dans l’article L. 6313-1. (voir annexe 6) et non en tant que « bonne ou mauvaise qualité » des

prestations. L’instruction de la DGEFP n°2010/21 du 3 août 2010 est assez significative de cette

préoccupation des pouvoirs publics. Elle précise qu’il « est /…/ aujourd’hui opportun, dès le second

semestre 2010 et plus encore en 2011, de recentrer l’activité des services régionaux dans le domaine

des contrôles de la formation professionnelle continue stricto sensu (livre III partie VI du code du

travail) ». Cette instruction demande de porter le contrôle des Organismes de Formation sur la réalité

et la conformité de leurs activités. Ce contrôle s’exercera prioritairement sur les prestataires qui

proposent des formations comportementales de « développement personnel »199 et d’autre part, sur

les organismes de formation ne réalisant pas, ou partiellement, les prestations financées par les OPCA.

Il semble en effet fort logique que les pouvoirs publics s’appliquent à faire en sorte que les fonds de la

formation professionnelle soient bien employés au financement d’actions relevant effectivement de la

formation professionnelle.

Si le champ de responsabilité des pouvoirs publics a été bien clarifié au cours de l’entretien, celui des

prestataires, des stagiaires, des organismes de formation et des acheteurs a également été abordé.

La responsabilité des organismes de formation est de s’assurer de la qualité et des compétences des

intervenants qu’ils emploient, celle des acheteurs (privés ou publics tels que Pôle Emploi ou les

Conseils Régionaux) est de mettre en place des actions pour professionnaliser les personnes dont ils

achètent les prestations ou de s’assurer de leur professionnalisme. Les stagiaires sont quant à eux

confortés dans leur rôle d’agent de la qualité et devront ainsi être outillés et informés en conséquence

(portail d’information, communication préalable des programmes, attestation, convention tripartite

par exemple).

Les prestataires ont la responsabilité de s’organiser de façon à mettre en place une

professionnalisation de l’activité afin de répondre aux exigences de leurs clients et de pouvoir

197 La DGEFP est représentée à l’AFNOR dans ces groupes de réflexion et de travail par Monsieur Pierre Le Douaron et Madame Marie Madeleine Mension 198 Compte rendu réunion AFNOR du 7 juin 2010 199 Trois niveaux de contrôle sont prévus : déclaration de l’activité, enquêtes sur les organismes déclarés et contrôle sur place.

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proposer aux pouvoirs publics un modèle qui leur permettra d’être reconnus comme une profession

avérée et des interlocuteurs crédibles.

Ce positionnement est cohérent avec les enjeux de la professionnalisation dans l’espace politique et

social 200 au sein duquel on observe une décentralisation :

o politique, notamment via la territorialisation,

o sociale et organisationnelle avec la responsabilisation des personnes sur l’efficacité, la

gestion des changements et l’évaluation du travail.

Notons par ailleurs que cette position des instances publiques n’est pas récente et, qu’en 1986,

André Ramoff appelait déjà à « un peu moins de professionnalisation et beaucoup plus de

professionnalisme ».

Lors de notre entretien, Pierre Le Douaron souligna également que les formateurs consultants

indépendants ne représentent qu’une petite part du marché de la formation professionnelle continue

(4 %).

Les études réalisées par le CEREQ confirment que la formation professionnelle n’est pas leur activité

principale tant au niveau des thèmes traités qu’au niveau de l’activité générale qui mêlent les actions

de formation à celles de conseil.

Cette double activité (qualifiée d’ambigüité), déjà relevée en réponse à notre première hypothèse, a

ainsi été mentionnée comme un frein à l’entrée dans un processus de professionnalisation d’une façon

générale. Elle constitue un élément supplémentaire en faveur d’une non implication des pouvoirs

publics dans la professionnalisation des formateurs consultants indépendants.

--------------------------------------------------

Si le souhait de voir la profession se structurer a été émis lors de l’entretien du 9 juillet 2010, il ressort

de cet échange, et de l’analyse des faits, que la professionnalisation des formateurs (qu’ils soient

consultants indépendants ou non) n’est simplement pas un des enjeux des pouvoirs publics dans le

cadre de la réforme de la formation professionnelle tout au long de la vie. Ce « non enjeu » repose sur

trois principales raisons :

- ce n’est pas la mission que se sont attribués les pouvoirs publics et cela n’entre pas dans leurs

préoccupations

- la logique de fonctionnement de l’espace politique et social va vers une décentralisation qui

conforte cette position

- les formateurs consultants indépendants ne représentent qu’une infime partie des formations

délivrées dans le cadre de la formation professionnelle continue (à la fois par la part de

marché et par les publics auxquels les formateurs consultants indépendants délivrent leurs

prestations)

200 WITTORSKI R., Professionnalisation et développement professionnel Action et Savoir, L’Harmattan 2007

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103

2.2.2 Définition et investissement de la notion de professionnalisation

Il fut difficile de faire ressortir une définition claire de la professionnalisation par catégorie d’acteur

(tant à travers les entretiens que par l’étude des autres sources). Cependant, pour chaque groupe, des

points clés de ce que représente pour eux la professionnalisation ont pu être dégagés.

Les clients

Lors des entretiens menés auprès d’acheteurs de prestations des Formateurs Consultants nous avons

recueilli des définitions de la professionnalisation centrées autour de trois grands thèmes :

- L’encadrement de l’activité

- L’identification des compétences, qualifications ou expertises

- La mise en place d’une formation certifiante ou diplômante obligatoire (perçue comme une

composante indispensable).

Les attentes des acheteurs sont fortes. La professionnalisation est vue comme un point clé de

l’encadrement de l’activité afin :

- d’identifier les compétences des prestataires qu’ils sollicitent ou de savoir qu’elles ont été à

minima évaluées un jour par quelqu’un de compétent en la matière,

- d’être rassurés sur leurs qualifications et capacités à mener les actions commandées.

Ces attentes sont lisibles dans les actions imaginées et les buts assignés à la professionnalisation :

Interviewés Actions de professionnalisation à mettre en place selon vous ?

Anne La professionnalisation des formateurs consultants indépendants pourrait se faire par la mesure du niveau d’acquisition des compétences, la définition de pré-requis pour que le formateur consultant puisse s’auto évaluer. /…/ Il y a un besoin de plus de cadre, de formation sur les fondamentaux et de valider les expertises acquises par l’expérience professionnelle.

Aline Déjà définir un cursus de formation, un tronc commun. /…/ des filières de spécialisation avec des formations /…/ Il y a beaucoup de gens qui se disent formateurs ou consultants mais rien ne l’atteste, il faudrait délimiter le cadre autour de la profession.

David Cela pourrait être la création d’un diplôme ou d’un référentiel de compétences, c’est un vrai métier, il faudrait un tronc commun validé soit par diplôme, soit par adhésion à un syndicat pour qu’il y ait une mesure de la compétence que les professionnels de la formation aient estimé. Je n’ai pas envie d’avoir à vérifier que le formateur a les bases avant de l’embaucher ou de lui confier un cahier des charges.

Interviewés Définition de la professionnalisation

Anne Pour moi la professionnalisation c’est établir des process pour encadrer un type d’activité et établir des normes de qualification, d’expertises, de niveau de formation nécessaire pour exercer une profession.

Aline Ce serait l’existence de critères, de définition de fonction, d’un cadre législatif, d’une fiche technique des caractéristiques et compétences requises qui définissent le formateur consultant indépendant. Bref, un cadre de définition des formateurs consultants indépendants avec de la formation certifiante ou validante.

David /…/avoir une définition de ce qu’est un consultant, son niveau, quelles sont les bases de sa formation pour savoir ce qu’on peut lui demander. Ensuite, avoir un tronc commun, une capacité minimale. Aujourd’hui je ne sais pas ce qui différencie quelqu’un qui a des compétences de quelqu’un qui n’en a pas dans ce milieu. Enfin, je ne peux choisir /…/ car je n’ai pas de critères pour faire un choix éclairé. Même le prix n’est pas une garantie de qualité.

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Interviewés Quel serait le but de ces actions ?

Anne Le but serait de valider qu’ils ont les pré-requis et le savoir faire pédagogique. /…/ je n’ai rien pour valider ça. /…/

Aline /…/ sécuriser l’emploi des formateurs consultants indépendants. /…/ renforcer la crédibilité /…/sécuriser le client, /…/harmoniser au plan tarifaire/…/

David /…/ être sûr que je fais un investissement qui n’est pas à perte.

Les formateurs consultants indépendants

Les propos des formateurs consultants indépendants interviewés montrent que, pour eux, la

professionnalisation est clairement inscrite dans le « développement durable des compétences » (cette

jolie formule de Corine résume bien l’ensemble des propos recueillis) à des fins de compétitivité, c’est

le point clé de la professionnalisation vue par les prestataires.

Interviewés Définition de la professionnalisation

Corine C’est le maintien et l’évolution des compétences, le développement durable des compétences. /…/ ça me permet de rester compétitive. /…/

Patrick C’est un statut reconnu normativement qui permet de valider un niveau requis pour exercer.

Alexis C’est se garantir qu’on a les connaissances et les compétences dans un thème qu’on décide de faire pour assurer la demande du client./…/

Cette notion de « développement durable des compétences » est lisible à travers la « consommation »

de formations que fait cette catégorie de prestataires.

Si la reconnaissance via « un statut reconnu normativement » exprimée par Patrick n’est pas retrouvée

par ailleurs dans notre échantillon de formateurs consultants, l’idée de « valider un niveau requis pour

exercer » traverse l’ensemble des propos ; mais il s’agit là d’une auto-validation afin de s’assurer qu’on

est apte à satisfaire la demande du client. Ce positionnement vis-à-vis de la professionnalisation se

retrouve dans les actions de professionnalisation entreprises et les buts assignés :

Interviewés Actions de professionnalisation mises en place

Corine /…/diplôme de formateur professionnel d’adulte à l’AFPA/…/formations certifiantes /…/ journées thématiques organisées par des syndicats professionnels ou des OPCA /…/C’est de la veille et à la fois ça me permet d’être informée /…/ J’ai aussi fait des formations /…/ en lien avec mes offres ou avec le développement de mes capacités relationnelles

Patrick Ma professionnalisation s’est construite avec les années. /…/ Ça s’est construit sur la pratique et sur des formations successives qui m’ont apporté du « grain au moulin ». J’ai aussi fait un DESS en management de projet /…/

Alexis Je me suis formé sur le métier de formateur. J’ai une formation à la fois pratique et livresque, /…/ je compte investir tous les ans dans ma formation /…/ faire 6 à 8 jours de formation pour moi. L’expérience est le 3ème élément de la professionnalisation : la mienne et le partage d’expérience avec d’autres formateurs pour s’enrichir mutuellement.

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Interviewés Quel est le but de ces actions ?

Corine Progresser dans mon métier, rester compétitive. Je le fais aussi pour moi, j’aime apprendre. C’est aussi pour être toujours en lien avec ma profession, ne pas m’endormir sur mes lauriers. /…/ progresser professionnellement et personnellement.

Patrick Je suis un convaincu de la formation continue tout au long de la vie, c’est un vecteur dans ma vie professionnelle et personnelle. On a des connaissances, on les monte en compétences mais il faut les développer sans cesse. On n’est jamais assis sur un acquis. /…/

Alexis Le but, c’est la satisfaction du client/…/ Il faut être à la pointe pour conserver les clients et en capter d’autres /…/ anticiper en élargissant mes connaissances et mes compétences /…/ avoir un temps d’avance dans un marché concurrentiel. C’est garder sa compétitivité.

Ces propos sont cohérents avec nos observations de terrain – en particulier lors des actions de

promotion des certifications ICPF & PSI ou du cycle Commercialisation des Activités de Consulting- où

nous avons pu constater que les formateurs consultants indépendants étaient, dans leur ensemble,

fortement intéressés par des formations à des fins de développement professionnel et de

compétitivité mais que l’idée de la normalisation et de l’encadrement de l’activité –en particulier par

des diplômes ou certificats nécessaire à l’exercice de la profession- est aujourd’hui estimée comme

inutile, voire rejetée, par crainte de se la voir un jour imposée.

Les syndicats

La définition de la professionnalisation recueillie auprès des syndicalistes lors de notre enquête rejoint

partiellement celle exprimée par les formateurs consultants indépendants autour de la notion de

compétence (peu distinguée de celle de qualification dans l’ensemble des propos) notamment

exprimée sous forme de « capacité à … ».

Interviewés Définition de la professionnalisation

Emile Amener quelqu’un d’un niveau de qualification A à un niveau de qualification B en répondant à ses besoins de qualification afin qu’elle réponde aux besoins de qualification de ceux qu’elle forme en suivant le référentiel des phases d’une action de formation /…/ La professionnalisation, c’est rendre quelqu’un capable de…

Jean Luc C’est le fait de donner les outils, les méthodes aux formateurs consultants afin qu’ils soient capables de : respecter la réglementation, délivrer une prestation par rapport aux besoins réels du client, préparer les stagiaires aux métiers du futur

La formation et l’information continue à des fins d’innovation, la reconnaissance des compétences ou

la normalisation de l’activité sont également des points forts de la professionnalisation :

Interviewés Actions de professionnalisation à mettre en place selon vous ?

Emile Il y a d’abord des techniques qui peuvent s’enseigner Il y a en plus le développement personnel du consultant Il est aussi important de faire constater, reconnaître l’expertise et l’expérience des cursus professionnel par des diplômes, de la VAE ou des certifications telles que l’OPQF ou de l’ICPF&PSI : c’est une étape de plus en plus indispensable, l’auto proclamation ne suffit plus.

Jean Luc être rigoureux sur le plan scientifique, de se former, d’être abonné à des revues ou a des news letter. Les revues, les livres cela fait partie de la professionnalisation. La première chose dans nos métiers c’est d’être informé, de savoir ce qui se passe de nouveau. être curieux. Ne pas rester sur ses vieilles références. C’est important aussi de rencontrer les meilleurs formateurs pour avoir les bons modèles, les bonnes références. /…/

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Interviewés Quel serait le but de ces actions ?

Emile devenir capable de remplir les missions qui sont confiées.

Jean Luc Sensibiliser les formateurs à la différence entre apprendre et faire mettre en application. /…/ Respecter la loi, faire des formations qui correspondent au besoin des stagiaires et pas à un catalogue, être innovant /…/

Les autres sources émanant de ces mêmes syndicats sont cohérentes avec ces positionnements et

confirment l’investissement des syndicats dans la professionnalisation des formateurs consultants

indépendants.

Le SICFOR s’est ainsi doté d’une notre commission "professionnalisation", pilotée par la vice-

présidente de ce syndicat (Danielle Rolland). La professionnalisation est ainsi vue comme des actions

« de clarification et de développement des accès à la reconnaissance professionnelle des Formateurs

Consultants :

- Recenser les certificats, titres et diplômes existants,

- Rechercher des partenariats avec leurs promoteurs pour les optimiser,

- En faciliter l’accès aux professionnels, notamment par la VAE. »201

Un travail sur l’identité professionnelle est également prévu en collaboration avec l’Université de Lille.

Pour sa part, la CSFC a mis en place depuis plusieurs années un parcours de professionnalisation qui

comporte à la fois de la formation et l’accès à la certification ICPF & PSI (voir annexe 13).

« En tant que professionnel, nous sommes particulièrement concernés par la labellisation de l’offre de

formation attendue dans la nouvelle loi. Pour nous Formateur Indépendant, labellisation signifie

QUALITE – PROFESSIONALISATION – CERTIFICATION. Et comme vous le savez, par définition, quand

nous ne gérons pas quelque chose, forcément nous le subissons. Si vous ne gérez pas votre

professionnalisation, nécessairement vous subirez.

Depuis plusieurs années, la Fédération des CSFC a fait un travail considérable. Ce travail a aboutit à ce

que nous avons appelé le « Parcours de Professionnalisation ». Ce parcours est si incontournable, que

le FIF-PL a dégagé des fonds spéciaux pour permettre au plus grand nombre de formateurs d’en

bénéficier. »202

Pour les syndicats, la professionnalisation des formateurs consultant repose donc sur quatre piliers

cohérents avec la logique de reconnaissance du groupe socio professionnel :

- le développement des compétences

- la reconnaissance des compétences et de l’expertise (formation, certification, diplômes, titres,

VAE)

- normalisation de l’activité et respect de la démarche qualité (tous les syndicats de formateurs

consultants indépendants sont engagés dans les groupes de travail de l’AFNOR),

- la construction de l’identité professionnelle.

201 Site du SICFOR août 2010 202 Editorial Président de la CSFC Ile de France juin 2010

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Les points clés reliés à la notion de professionnalisation sont donc multiples selon les acteurs et font

émerger des points de tension, notamment autour de l’encadrement de l’activité par des diplômes,

certificats et normes : souhaité par les clients, envisagé par les syndicats mais craint par les formateurs

consultants indépendants.

Récapitulatif des points clés autour de la notion de professionnalisation

Clients Encadrement et normalisation de l’activité afin qu’ils identifient les compétences

FCI Développement durable des compétences à des fins de compétitivité

Syndicats Développement et reconnaissance des compétences et normalisation de l’activité

L’ensemble des approches de la professionnalisation convergent cependant vers la notion de

compétence mais elle est investie différemment selon les acteurs : besoin de l’identifier pour les

clients, de la développer « durablement » afin d’être compétitif pour les formateurs consultants, de la

développer et de la faire reconnaître pour les syndicats afin de bâtir l’identité professionnelle du

groupe.

2.2.3 Enjeux croisés de la professionnalisation Nous avons vu que la professionnalisation des formateurs consultants n’est pas une des missions des

pouvoirs publics et qu’elle n’est ainsi pas investie d’enjeux spécifiques de leur part.

En revanche, les clients, formateurs consultants et syndicats ont exprimé les enjeux qu’ils associent à

la professionnalisation de l’activité et des prestataires qui l’exercent. Ces enjeux sont au cœur de la

seconde hypothèse que nous avançons.

Les clients

Interviewés Enjeux de leur professionnalisation

Anne Ce flou autour de la qualification des formateurs consultants indépendants employés dans les petites structures comme la mienne favorise les structures comme CEGOS ou DEMOS auprès des DRH. Ils ont tous eu affaire à ces grosses boites avant et ils savent où ils vont quand ils leur commandent des formations. Ils savent que ce sera sans surprise, ni bonne, ni mauvaise. Faire cesser ce flou serait un enjeu de la professionnalisation. /… /

Aline Quand je lance un appel d’offres, je pourrais examiner les propositions qui me sont faites avec plus de sérénité. Parce que parfois avec le marketing, c’est sympa, ça a l’air bien et finalement, derrière, y a rien.

David L’enjeu est que j’ai plus confiance en eux et que je fasse appel à eux de façon plus régulière. Si je ne peux démontrer la qualité et le retour sur investissement, je ne peux faire valider les budgets de formation. Avec la professionnalisation, je peux me dire qu’à minima j’en ai un bon et qu’au mieux, j’en ai un très bon qui saura parfaitement répondre à nos besoins. Ça me permettrait de redonner confiance et crédibilité à la formation. /…/

Il ressort des entretiens que la confiance constitue, pour les clients, l’enjeu central de la

professionnalisation. L’identification des compétences et la validation de la qualification des

prestataires est ainsi un point important car porteur de « l’assurance » d’avoir des prestations de

qualité, adaptées à leurs besoins et réalisées par des professionnels compétents.

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L’objectif est d’avoir un retour sur investissement positif au regard des besoins de l’entreprise. La

notion de « retour sur investissement » est très présente à travers les propos d’Aline mais plus encore

dans ceux de David (ce qui s’explique en partie par son poste de Directeur Financier et Administratif) :

« Le but serait d’être sûr que je fais un investissement qui n’est pas à perte. La formation a un coût

économique et en temps/homme, je dois le rationnaliser, savoir qu’il y aura un retour sur

investissement positif. »

Si les propos des clients interviewés dans notre enquête peuvent sembler durs, ils font écho aux

constats posés par les syndicats (notamment le SICFOR) sur l’évolution du marché. L’enquête

prospective réalisée par le SICFOR de juin à octobre 2008 a mis en lumière un « durcissement » des

conditions d’exercice lié à un « niveau d’exigence plus élevé des clients, la rationalisation des processus

d’achat de formation et une réduction de la durée des formations » 203.

L’importance d’avoir un référentiel et une validation des compétences est systématiquement abordée

et conditionne la confiance accordée : « aujourd’hui j’ai plus confiance en quelqu’un qui a une activité

et qui fait de la formation en plus sur cette activité qu’en un formateur. En prenant un avocat pour

faire de la formation juridique par exemple, même s’il n’est pas bon pédagogue, j’ai un référentiel en

le choisissant. » (David)

Il ressort de nos observations issues du terrain et de notre pratique professionnelle (dans un premier

temps d’achat de prestation dans le cadre d’une activité en entreprise puis dans un second temps du

métier de formateur consultant) que nombre de clients ont été « échaudés » par des prestataires dont

les tarifs étaient loin d’être en rapport avec les qualifications ou la qualité des prestations délivrées.

Comme le souligne si bien Alexis lors de l’entretien : « L’enjeu de la professionnalisation des

formateurs consultants, ce serait de séparer le bon grain de l’ivraie, faire en sorte que les gens sérieux

et professionnels ne soient pas mis dans le même sac que les charlatans. Il y a de tout dans nos

métiers. »

Le déficit d’image largement évoqué lors du discours de Lionel Soubeyran en juin 2010 n’est pas

uniquement lié à un « foisonnement d’images » ou d’appellations mettant en avant tantôt le conseil,

tantôt la formation. Il est aussi (surtout ?) malheureusement du au fait que le caractère ouvert de

l’accession aux activités de conseil et de formation permet à qui le souhaite de se dire « formateur

consultant » sans en avoir forcément les compétences. Libre à lui ensuite d’accepter des missions qu’il

n’est pas sûr de pouvoir correctement remplir et de pratiquer les tarifs qu’il lui semble bon d’appliquer

sans autre justification que l’acceptation du client. Si cela ne concerne heureusement pas l’ensemble

de ce groupe professionnel, force est de constater que cela entache grandement l’image de la

profession d’indépendant au regard de certains clients.

Cette crainte de « se faire avoir » est clairement verbalisée par Aline : « (le but de la

professionnalisation) serait de /…/ renforcer la crédibilité : on sait quel est le bagage qu’il a et on est

sûr que ce n’est pas un « pleupleu » qui vient vendre sa sauce à un prix exorbitant. »

Ces propos et ce besoin de sécuriser l’achat de prestation de formateurs consultants indépendants

peuvent sembler très éloignés de ceux tenus lors de la table ronde organisée sur le thème de la

perception du consultant-formateur indépendant par les entreprises (Premières assises des

203 Discours de Lionel SOUBEYRAN président du SICFOR lors des Premières assises des formateurs consultants indépendants 10 juin 2010.

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formateurs consultants indépendants). Les avis exprimés par les invités204 étaient fort positifs et

soulignaient la valeur ajoutée des formateurs consultants indépendants par rapport aux employés des

grands organismes de formation. Au-delà du fait que la question de la professionnalisation n’était pas

le sujet de cette table ronde et que la présence même des invités était révélatrice de leur bienveillance

à l’égard de la profession, nous relevons que les positions exprimées lors des entretiens rejoignent

cependant la remarque de Stéphane Diebold qui soulignait justement que « Le problème lorsque l’on

recourt aux services d’un consultant-formateur, c’est qu’il faut acheter pour essayer/…/ le premier

contact avec un indépendant se fait obligatoirement par le biais de la confiance. »

Nous distinguons deux types d’enjeux : ceux inscrits dans la relation avec les formateurs consultant

que nous qualifierons « d’enjeux externes » et ceux qui concernent l’organisation que nous

nommerons « enjeux internes ».

Pour les clients, l’enjeu externe central de la professionnalisation des formateurs consultants

indépendants est l’instauration (ou la restauration) de la confiance via l’identification et la validation

des compétences afin de permettre un achat « serein » des prestations de service intellectuel

proposées par les formateurs consultants indépendants.

Les enjeux internes sont d’avoir l’assurance que les prestations délivrées seront adaptées à leurs

besoins et que le tarif pratiqué sera conforme à la qualité délivrée. L’enjeu interne final est d’avoir un

retour sur investissement positif au regard des besoins de l’entreprise.

Enjeux externes : Identification et validation des compétences → confiance → achat de prestation possible

Enjeux internes : Prestations adaptées aux besoins → tarif conforme à la qualité attendue→retour sur investissement +

Les formateurs consultants indépendants

Interviewés Enjeux de leur professionnalisation

Corine C’est la compétitivité. Les modes, les métiers, les stratégies d’entreprise changent ; la France et les entreprises sont en pleine mutation, l’enjeu est de rester connecté à la réalité de ce qui se passe dans les entreprises pour pouvoir proposer des réponses adaptées.

Patrick L’enjeu c’est de rester compétitif dans son travail. C’est important au plan personnel et au plan de l’entreprise. C’est une question de survie. Si l’entreprise ou la personne ne peut se remettre en question et chercher à évoluer, elle reste sur le quai.

Les formateurs consultants indépendants ont pour particularité par rapport aux autres métiers de la

formation de devoir commercialiser leur prestation pour vivre de leur activité.

Il est donc naturel que le premier enjeu identifié soit la compétitivité envers les autres formateurs

consultants indépendants ou envers les grands organismes de formation pour pouvoir vivre de leur

activité.

204 Alain Raguenaud, chargé de mission auprès de la direction générale de La Poste ; Stéphane Diebold, vice-président du GARF ; Yann Landreau, ANDRH ; Caroline Monffront, Agefos-PME d’Ile-de-France.

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Alexis exprime aussi clairement cet enjeu de la professionnalisation à un autre moment de

l’entretien : « Il y a un marché et des concurrents, en terme de positionnement c’est important d’avoir

un temps d’avance dans un marché concurrentiel. (Le but de la professionnalisation), c’est garder sa

compétitivité. »

Garder ou développer sa compétitivité pour vivre de son activité est un enjeu opérationnel (c'est-à-

dire conditionnant l’activité concrète au quotidien) interne au groupe prestataire de service : elle

s’exerce entre les offreurs. Mais la clé de l’obtention d’un marché (en tout cas de façon durable) n’est

pas tant d’éliminer ses concurrents que de conquérir le client. Il existe donc un deuxième enjeu

opérationnel, externe, bien plus déterminant pour la pérennité de l’activité : la relation de confiance

entre le fournisseur et le client.

Interviewés Enjeux de leur professionnalisation

Alexis L’enjeu de la professionnalisation des formateurs consultants, ce serait de séparer le bon grain de l’ivraie, faire en sorte que les gens sérieux et professionnels ne soient pas mis dans le même sac que les charlatans. Il y a de tout dans nos métiers. Ce serait la garantie que pour ceux qui portent le nom de formateur, il y a un minimum en dessous duquel on ne descendra pas. Préserver et garantir la réputation d’un métier noble. Un peu comme un label qualité. Ça ne passe pas forcément par des diplômes ou des formations universitaires obligatoires. Il faudrait une approche théorique associée à de la pratique.

La préservation de la réputation du métier passe ici via la reconnaissance par autrui de la

professionnalité « les gens sérieux et professionnels » via l’identification des compétences, du niveau

des formateurs consultants : « un peu comme un label qualité » « une approche théorique associée à la

pratique ». Si les diplômes ou formations universitaires obligatoires ne sont pas « forcément »

envisagés, le vecteur de la confiance est bien l’identification des compétences des « professionnels » à

distinguer des « charlatans ». Notons que cela rejoint pleinement les enjeux du groupe client ainsi que

l’objectif opérationnel premier du groupe formateur : vivre de son activité.

Le fait de vivre de son activité représente ainsi l’enjeu opérationnel central de la professionnalisation

pour les formateurs consultants indépendants.

L’importance de se sentir (et d’être) capable de remplir les missions confiées, de développer ses

compétences, de progresser dans son métier font émerger un enjeu interne à la personne qui est son

développement professionnel et personnel : « (le but des actions de professionnalisation est de)

progresser dans mon métier, rester compétitive. Je le fais aussi pour moi, j’aime apprendre /…/

rencontrer des gens qui sont différents de moi, me remettre en question, découvrir d’autres façons de

faire permet de progresser professionnellement et personnellement» Corine ; Question relative au but

des actions de professionnalisation, Patrick : « Je suis un convaincu de la formation continue tout au

long de la vie, c’est un vecteur dans ma vie professionnelle et personnelle. /…/. On n’est jamais assis

sur un acquis. Il faut rester critique par rapport à ses compétences et savoir se remettre à l’ouvrage,

acquérir de nouvelles compétences, revenir sur nos pratiques. On est locataire d’un poste mais on est

propriétaire de ses compétences, j’aime bien cette phrase. »

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Le besoin d’être fier de ce que l’on fait et des compétences que l’on met à la disposition du client

revient fréquemment dans les entretiens notamment en réponse à la question de leur définition d’un

professionnel.205

Interviewés Définition d’un professionnel

Corine C’est une personne qui exerce un métier et qui a une connaissance pointue et une expertise dans son domaine. Il est l’expert dans son domaine mais il sait se remettre en question et évoluer avec le temps.

Patrick C’est quelqu’un qui a acquis à la fois de la connaissance et, de par son expérience, de la compétence et qui est reconnu par ses pairs et par ses clients ou l’extérieur comme la personne ressource dans son domaine. Il s’est remis en question, il a évolué. Sinon, il perd son « étoile » de professionnel, même s’il a été bon par le passé. Ce n’est pas quelqu’un qui sort de l’école, même s’il a des diplômes, il n’a pas encore acquis l’expérience du métier. Un professionnel c’est donc une personne ressource, une personne reconnue, c’est comme ça que je qualifie le professionnel

Alexis C’est quelqu’un qui maîtrise de A à Z les missions qu’il s’est engagé à effectuer au bénéfice du client. C’est quelqu’un qui doit être irréprochable dans un cœur de métier. Il doit être capable d’expliquer ses choix d’action, de réfléchir à ce qu’il fait et pourquoi.

Si l’on se réfère au modèle de compréhension de l’identité professionnelle des formateurs consultants

indépendants créé par Philippe Gravé206, un des enjeux (interne à l’individu) de la professionnalisation

est donc de construire une identité professionnelle pour soi (présentée ou visée) par le

développement permanent et la remise en question des compétences tout au long de sa trajectoire

biographique.

Notons que la fierté de l’offre ainsi que les exigences sont élevées et que le besoin de reconnaissance

par les pairs et par un autrui significatif (le client) est très présent. Cela semble souligner un écart –au

moins partiel- entre l’identité proposée (socio-économique) et celle intériorisée (le rôle professionnel

dans le contexte). La reconnaissance de la professionnalité pour autrui est alors problématique (voir

précédemment les propos des clients interviewé à ce sujet). Un des enjeux de la professionnalisation

en tant que vecteur de reconnaissance par autrui serait alors la construction d’une identité proposée

compatible avec l’identité intériorisée.

Le problème de la reconnaissance de l’identité professionnelle du groupe par rapport à « l’autrui

significatif-client » n’est que partiel : nombre de relations client-formateur consultant

fonctionnent très bien. Il peut être assez facilement résolu par mise en œuvre d’une

professionnalisation permettant la reconnaissance des compétences et ne touche pas le cœur de

l’identité professionnelle « pour soi » revendiquée (cette « double casquette » de formateur et de

consultant constitue même la base de ce que le client recherche chez ces prestataires).

205 Cette question permet de saisir leur image d’eux-mêmes au travail ou en tout cas de celle visée (elle a été rajoutée après que nous ayons constaté qu’il était difficile d’obtenir une réponse à la question « quel professionnel êtes-vous ?). 206 Voir le schéma Philippe GRAVE, présentation 1ères assises des formateurs consultants juin 2010 PARIS LA VILLETTE en Annexe 17 ou dans l’exploration contextuelle

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Ce problème de reconnaissance de l’identité professionnelle par « l’autrui significatif-client » est

donc nettement moins aigu que celui identifié par rapport à « l’autrui significatif-pouvoirs

publics » (voir la conclusion de notre première hypothèse).

La construction de l’identité professionnelle des formateurs consultants est ainsi le troisième enjeu de

la professionnalisation. Nous le qualifierons « d’enjeu fondamental » compte tenu de sa nature

structurante par rapport à l’activité du groupe dans son ensemble. Ce qualificatif permet aussi de le

différencier des enjeux opérationnels (pour fondamental qu’il soit, cet enjeu n’influe pas au quotidien

sur la pratique commerciale ou pédagogique des formateurs consultants).

Plusieurs enjeux de la professionnalisation apparaissent ainsi dans le champ des individus.

- La construction de l’identité professionnelle : enjeu fondamental du groupe :

- La compétitivité est l’enjeu opérationnel interne au groupe, la confiance est l’enjeu

opérationnel externe au groupe. Tous deux convergent vers un enjeu opérationnel central de

la professionnalisation : vivre de son activité et de son expertise.

Les enjeux opérationnels de la professionnalisation s’inscrivent dans une logique de qualification et de

reconnaissance de la professionnalité soit vis-à-vis des pairs (la compétitivité dans un rapport de

concurrence), soit vis-à-vis d’autrui (dans un rapport de relation de confiance et de crédibilité

commerciale face au client).

L’enjeu de construction de l’identité professionnelle nous semble davantage s’inscrire dans une

logique de reconnaissance du groupe socio professionnel et rejoint ainsi les enjeux de la

professionnalisation pour les syndicats en tant que groupe socioprofessionnels.

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Les syndicats

Interviewés Enjeux de leur professionnalisation

Emile L’enjeu c’est survivre, arriver à vivre de son activité en restant indépendant et en conservant notre regard extérieur, notre capacité à dire non.

Jean Luc Les enjeux se sont les emplois de demain et donc la performance des entreprises françaises de demain. L’enjeu c’est de pouvoir donner de la valeur ajoutée aux stagiaires pour que leur croissance personnelle contribue à la croissance de l’entreprise. Pour les formateurs consultants, l’enjeu est de pouvoir apporter une valeur ajoutée suffisamment forte pour s’affranchir des problèmes économique, gagner bien leur vie.

Le développement des compétences des formateurs consultants indépendants fait bien sûr partie des

objectifs des syndicats. Cet objectif s’exprime dans l’ensemble des entretiens tant au regard des

actions à mettre en place que des buts de la professionnalisatio. Les principaux termes retrouvés sont

« des techniques qui peuvent s’enseigner » « le développement personnel du consultant » (Emile); « les

amener à respecter la loi, faire des formations qui correspondent au besoin des stagiaires et pas à un

catalogue, être innovant » (Jean Luc) ; la finalité du développement des compétences étant de

« devenir capable de remplir les missions qui nous sont confiées» (Emile) avec, pour enjeu

opérationnel final , le fait de vivre de son activité.

Développer les compétences → être en capacité de réaliser les missions → vivre de son activité

La reconnaissance des compétences et de la professionnalité des formateurs consultants indépendants

sont également au cœur des préoccupation des syndicats : « Il est aussi important de faire constater,

reconnaître l’expertise et l’expérience des cursus professionnel par des diplômes, de la VAE ou des

certifications telles que l’OPQF ou de l’ICPF&PSI : c’est une étape de plus en plus indispensable, l’auto

proclamation ne suffit plus. » (Emile). Cet enjeu est aussi au cœur des discours officiels : « deux

objectifs du parcours de professionnalisation : se professionnaliser en améliorant ses compétences de

formateur consultant, faire reconnaître ses compétences professionnelles. » (CSFC Languedoc

Roussillon)

Nous complèterons ces propos sur la reconnaissance des compétences et de la professionnalité par

deux extraits de « communications officielles » afin d’éclairer l’autrui significatif dont la

reconnaissance est attendue : « La DRIRE207 Alsace a réalisé une étude sur les prestations de service

intellectuel. Le constat, avéré et reconnu est sans contestation : il y a un manque de

professionnalisation dans le monde du conseil et de la formation. Dans le cadre de la réforme de la

Formation Professionnelle, la question de la professionnalisation des formateurs s’impose également.

La Fédération des Chambre Syndicale des Formateurs Consultants a construit un programme de

formation en 6 modules pour le développement de cette professionnalisation. » (Site CSFC Alsace)

« La professionnalisation doit aussi passer par la justification des compétences des formateurs. La

personne dispensant des formations doit justifier de ses titres et qualités tant au niveau personnel que

207 Direction Régionale de l'Industrie, de la Recherche et de l'Environnement : Le réseau des DRIRE exerce des missions variées d'animation, d'incitation mais aussi de contrôle, ayant pour finalité le développement économique durable.

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des intervenants/…/ c’est justement sur ce point que nous nous devons tous /…/ d’être particulièrement

vigilants. Le formateur doit avoir les compétences requises et pourvoir les justifier : diplôme,

qualification, VAE ou démarche en vue d’obtenir un titre etc.… /…/ La CSFC a validé dès 2007, la

dernière mise à jour du titre de formateur-consultant inscrit au registre professionnel (FC IRP) /…/ dans

l’esprit d’une démarche qualité professionnelle, mais surtout d’une professionnalisation accrue, un

parcours de professionnalisation de 6 modules permet à tout acteur de la formation d’obtenir ce titre.

(Article de Michel Farhi paru dans le dossier de la formation permanente n°219 de Centre Inffo).

L’autrui significatif dont la reconnaissance est ici attendue est donc institutionnel (au niveau régional

ou national). Cela se traduit par la référence à la réforme, au textes de loi (cités notamment dans

l’article de Michel Farhi). Ils expriment l’enjeu de rendre l’activité conforme aux attentes des pouvoirs

publics et voient la professionnalisation comme un vecteur de reconnaissance de la profession et des

compétences des personnes qui l’exercent.

Rappelons ici que c’est le double positionnement de formateur et de consultant indépendant qui est

justement un des points –si ce n’est le point clé- qui amènent les pouvoirs publics à ne pas reconnaître

cette activité comme une profession. La professionnalisation et la validation des compétences, même

via des diplômes ou un titre inscrit au Registre Professionnel, ne semble donc pas être la solution pour

obtenir une reconnaissance des pouvoirs publics. La quête d’une reconnaissance par les pouvoirs

publics paraît donc sans issue – du moins à court terme.

Les enjeux de la professionnalisation des formateurs consultants indépendants pour les syndicats sont

donc de permettre aux formateurs consultants indépendants de vivre de leur activité en développant

leurs compétences et en respectant la législation ; faire reconnaître la profession et les compétences

de ceux qui l’exercent par les pouvoirs publics ainsi que par les clients afin de renforcer l’identité

professionnelle du groupe et d’organiser la profession.

Ces enjeux sont cohérents avec la logique de reconnaissance du groupe propre aux groupes

socioprofessionnels selon le schéma des enjeux de la professionnalisation qui a servi de fil rouge à la

vérification de cette hypothèse.

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Rappel de l’hypothèse : au-delà d’un problème de définition du terme, la professionnalisation peut

avoir des enjeux différents –voire divergents- selon les acteurs concernés, ce qui entrave leur

mobilisation et le nécessaire dialogue entre les pouvoirs publics, les formateurs consultants, les

syndicats et les clients.

Il y a effectivement un problème de définition du terme « professionnalisation » qui est relié à des

objectifs différents selon les acteurs :

- les clients y voient la possibilité d’un encadrement et d’une normalisation de l’activité qui leur

permettrait d’identifier enfin les compétences des prestataires ;

- les formateurs consultants attachent à ce terme la nécessité du développement durable de

leurs compétences à des fins de compétitivité ;

- les syndicats s’attachent à construire la professionnalisation à des fins de développement et

reconnaissance des compétences et de normalisation de l’activité.

Les enjeux de la professionnalisation exprimés par les clients, les professionnels et les syndicats

semblent tous converger vers un enjeu central : la reconnaissance des compétences.

Cet enjeu central est assorti de différents enjeux spécifiques aux groupes les expriment mais, pour

différents qu’ils soient, ils apparaissent plus complémentaires que réellement divergents :

- les clients souhaitent que les compétences soient connues pour pouvoir acheter sereinement ;

- les professionnels appellent une reconnaissance de leurs compétences pour vivre de leur

activité ;

- les syndicats prônent la reconnaissance des compétences pour permettre aux personnes qu’ils

représentent de vivre de leur activité et définir l’identité professionnelle du groupe afin de

construire et d’organiser la profession.

Seuls les pouvoirs publics n’investissent pas d’enjeu dans la professionnalisation des formateurs

consultants. Ils attendent des différents acteurs concernés la proposition d’un modèle professionnel

cohérent.

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Cet ensemble d’enjeux peut être ainsi schématisé :

Professionnalisation : enjeu central reconnaissance & identification des compétences

Pouvoirs publics

Clients

Formateurs consultants

Syndicats

Pas d’enjeu car pas sa mission / attendent des

propositions

Logique libérale : efficacité individuelle au service de la société

Acheter sereinement et avoir un retour sur investissement positif

Avoir confiance

Logique de compétence & accompagnement des évolution du travail

Constituer l’identité professionnelle & bâtir et organiser la profession

Permettre aux FCI de vivre de leur expertise

Logique de reconnaissance du groupe socio

professionnel

Vivre de son activité

Développer la confiance du client & être compétitif

Logique de qualification (reconnaissance de la professionnalité)

Enje

ux

spé

cifi

qu

es En

jeu

x spé

cifiqu

es

Enje

ux sp

écifiq

ue

s

Les points de tension du système qui entravent la mobilisation et le dialogue entre les clients, les

professionnels et les syndicats semblent résider davantage autour de l’encadrement de l’activité et des

solutions à mettre en place pour la reconnaissance des compétences.

Les diplômes, certificats et normes souhaités par les clients et envisagés par les syndicats sont craints

voire rejetés par une grande partie des formateurs consultants indépendants. De même, si un

encadrement de l’activité est souhaité en tant que moyen de « séparer le bon grain de l’ivraie » ses

modalités restent à définir et semblent loin de faire consensus.

La divergence ne s’exprime donc pas au niveau des enjeux mais bien davantage au niveau des moyens

à mettre en œuvre pour la professionnalisation et la reconnaissance des compétences.

En cela, notre seconde hypothèse ne peut être considérée que partiellement vérifiée.

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Conclusion

A l’issue de ce travail, quels éléments de réponse pouvons-nous apporter à la question de la

professionnalisation des formateurs consultants dans le cadre de la réforme de la formation

professionnelle tout au long de la vie ?

Un premier constat d’ordre général porte sur le fait, qu’à ce jour, les différents actes de réforme du

système de formation professionnelle ne constituent pas l’avènement du « temps des formateurs »

annoncé (espéré ?) depuis près de quarante ans.

« L'éducation et la formation tout au long de la vie » destinée à « accompagner une transition réussie

vers une économie et une société fondées sur la connaissance» 208 qui portaient le concept de life long

learning européen a donné lieu à une politique de formation nationale centrée sur le développement

de l’employabilité des individus : « la formation professionnelle tout au long de la vie ». Cette

traduction du concept européen définit bien le cadre qui lui est assigné en France. Considérée comme

une priorité nationale, la formation professionnelle tout au long de la vie fait l’objet d’une série de

réformes visant à améliorer le système.

La réforme du système de formation professionnelle en cours révèle un curieux paradoxe. L’ensemble

du système est remis à plat, amélioré et appelle à une professionnalisation « générale » des individus

en renforçant encore le lien formation – emploi. Une structuration de l’activité et un

professionnalisme accru des formateurs est souhaité par les principaux acteurs politiques et

institutionnels mais, dans le même temps, leur professionnalisation est récusée –ou, au mieux, exclue

des enjeux des pouvoirs publics.

Hors, comment construire une « économie de la connaissance » sans voir se mettre en place une

professionnalisation de l’activité et de ceux qui sont sensés poser les fondations de cette économie

(nous ne parlons pas ici uniquement de la population étudiée dans notre travail mais de l’ensemble

des agents de la formation professionnelle) ?

Il semble bien que la question posée à l’issue du rapport du groupe de travail sur la qualité de l'offre

et de l'achat de formation : « Comment les pouvoirs publics peuvent-ils accompagner les efforts de la

profession pour se doter de signes de qualité et de professionnalisme ? »209 doive rester pour l’instant

sans réponse ou, plus exactement, que, dans une logique de décentralisation, la réponse ne soit pas à

apporter par les pouvoirs publics. C’est donc aux intéressés de construire un modèle professionnel

cohérent et d’organiser la professionnalisation de l’activité et des individus.

Un deuxième constat d’ordre général porte sur la complexité de l’activité : le fait qu’elle soit à la fois

un « métier » et une « fonction » complémentaire à une autre activité professionnelle contribue à la

fois à la richesse et à l’efficacité des formations mais rend difficile la professionnalisation de l’activité

et des individus.

Mais recentrons-nous maintenant sur les formateurs consultants autonomes pour poser un troisième

constat plus spécifique à la population étudiée dans ce mémoire pour qui la formation et le conseil

sont bien des métiers exercés à plein temps.

208 Mémorandum sur l'éducation et la formation tout au long de la vie, Commission des Communautés Européennes, Bruxelles, 30.10.2000 209 Rapport du groupe de Travail sur la qualité de l'offre et de l'achat de formation Présidé par C.Duda, décembre 2008

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Leur professionnalisation ne fait pas davantage partie des missions et priorités des pouvoirs publics

que celle des autres métiers ou agents de la formation professionnelle – probablement encore moins

en fait. Comme pour la majorité des métiers de la formation professionnelle, l’accès à l’activité est

ouvert mais elle est encadrée par une réglementation bien définie (qu’ils sont nombreux à

méconnaitre totalement). S’il leur est demandé de faire état de leur « titres et qualités », c’est à

l’ensemble de ce groupe professionnel de définir quels sont les titres et qualités en question et de

construire le cadre de la professionnalisation de l’activité et des individus.

Cet espace de liberté offre une chance aux formateurs consultants de construire un modèle

professionnel et une professionnalisation qu’ils bâtiraient eux-mêmes plutôt que de se voir un jour

imposer un système qui ne leur conviendrait pas. Encore faudrait-il qu’ils investissent cet espace et

qu’un consensus puisse être établi sur ce qu’il convient de mettre en place.

La professionnalisation parait appelée de la plupart des formateurs consultants et des syndicats ; tous

s’accordent autour d’un enjeu central d’identification et de reconnaissance de la compétence (associé

à des enjeux spécifiques mais non divergents) ; plusieurs obstacles s’élèvent cependant sur la voie

d’une mise en œuvre effective.

Le premier est le manque de structuration du groupe professionnel : il n’existe à ce jour aucun

syndicat, association ou ordre (de type ordre des avocats ou des médecins) représentatif : sur plus de

20 000 formateurs consultants indépendants identifiés, les trois syndicats en activité regroupent moins

de 500 adhérents ... Difficile dans ces conditions de construire la profession et de professionnaliser

l’activité et les individus. Ce manque de structuration du groupe professionnel et d’investissement

dans des organisations représentatives est peut-être lié au fait que l’activité de formateur consultant

indépendant représente une seconde ou troisième partie de carrière pour nombre d’entre eux et que

leur identité professionnelle est souvent encore fortement marquée par leur profession d’origine ; il

est aussi possible que cela soit lié avec l’absence de système d’accès formalisé à l’activité : il n’y a ainsi

pas la possibilité de construire une appartenance à un groupe sur un cursus commun.

Le second obstacle, fortement lié avec le premier, tient au fait qu’il n’y a pas de consensus autour des

voies à emprunter pour professionnaliser l’activité et les individus. Les points de tension sont centré

sur l’encadrement de l’activité et la professionnalisation des individus par des diplômes, certificats et

normes : souhaités par les clients, prônés par les syndicats mais craints –voire rejetés- par les

formateurs consultants indépendants.

Il n’y a donc pas d’enjeu pour les pouvoirs publics ni de consensus entre les clients, les syndicats et les

professionnels autour de la professionnalisation des formateurs consultants indépendants : il semble

que sa mise en œuvre ne soit ainsi pas prévisible dans le cadre de la réforme en cours.

Quid de la reconnaissance de leur activité en tant que profession ?

Cette question est extrêmement problématique car la reconnaissance visée passe par la mise en place

d’un modèle d’exercice de l’activité (y compris de ses modalités d’accès) qui fasse consensus dans le

groupe professionnel (et nous avons vu que nous en sommes loin). Ce modèle devrait aussi

correspondre à leur identité professionnelle, être acceptable par les pouvoirs publics et reconnu de

leurs clients.

Il se dresse là un obstacle majeur : l’identité professionnelle des formateurs consultants indépendants

est basée sur le fait d’exercer, en indépendant, à la fois des activités de conseil et des activités de

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formation ; ce mode d’exercice est apprécié des clients qui recherchent la flexibilité de ces prestataires

et l’aspect « sur mesure » de leurs prestations (ce qui constitue la valeur ajoutée des formateurs

consultants indépendants par rapport aux grands groupes de formation ou de conseil). Hors, c’est

justement cette mixité d’activité et la multiplicité des statuts possibles pour porter leur activité

d’indépendant qui semblent constituer l’obstacle majeur à la reconnaissance de l’activité comme une

profession par les pouvoirs publics.

Si la non reconnaissance par les pouvoirs publics de la profession ne représente qu’un élément

partiel de réponse à l’absence de mise en œuvre de la professionnalisation des formateurs

consultants, le problème de l’identité professionnelle du groupe par rapport aux attentes des

pouvoirs publics est un élément à clarifier car il pourrait conditionner, à terme, la pérennité de

cette activité dans les années à venir.

Qu’en est-il de leur place dans le système de formation professionnelle tout au long de la vie ?

La réforme du système et le statut de priorité nationale de la formation professionnelle tout au long

de la vie constituent-elles une opportunité ou une menace pour leurs activités ?

Le contrôle de la réalité et de la conformité des activités des organismes de formation en matière de

formation professionnelle continue est un des points soulignés par les pouvoirs publics dans le cadre

de la mise en application des mesures prévues par la loi du 24 novembre 2009.

Rappelons que l’instruction de la DGEFP du 3 aout 2010 210 indique qu’il « est aujourd’hui opportun,

dès le second semestre 2010 et plus encore en 2011, de recentrer l’activité des services régionaux dans

le domaine des contrôles de la formation professionnelle continue « stricto sensu » (livre III, partie VI du

code du travail). » Les fonds dédiés à la formation professionnelle doivent aller au financement

d’actions de formation entrant strictement dans son cadre. Le cadre étant plus strictement défini

depuis novembre 2009.

Il est clair que la question de l’adéquation des offres proposées par les formateurs consultants

indépendants avec les actions ainsi définies dans le cadre de la loi comme « formations

professionnelles » se pose pour nombre d’entre eux.

Le choix consiste alors à contribuer au système en délivrant des prestations entrant dans le cadre de la

formation professionnelle ou de développer en marge d’autres types de prestations et prendre ainsi le

risque de subir l’impact économique d’un alignement des demandes de leurs clients sur les objectifs

de la réforme. La réorientation des financements de leurs clients et des OPCA déjà amorcée

questionnera alors la pérennité de l’activité de ceux dont les prestations n’entrent pas strictement

dans le cadre des actions identifiées par la loi comme « formation professionnelle ».

Opportunité ou menace ? Cela dépend des prestations proposées et des choix faits par les

prestataires eux-mêmes au regard du contexte et du cadre défini par les pouvoirs publics.

210 Instruction de la DGEFP n° 2010 – 21 relative aux axes prioritaires de contrôle à partir du second semestre 2010

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----------------------------------------------------

Les formateurs consultants indépendants ont donc une place dans le système de formation

professionnelle tout au long de la vie s’ils prennent la mesure des enjeux et du cadre définis par les

pouvoirs publics.

Leur professionnalisation passe à la fois par la construction et la mise en reconnaissance de l’identité

professionnelle spécifique de ce groupe, la reconnaissance de l’activité comme une profession

« acceptable » par les pouvoirs publics et l’élaboration d’un processus de structuration de l’activité.

Cela reste donc un « vaste chantier » dont l’achèvement ne semble ni proche ni aisé mais dont les

étapes nous semblent à présent identifiées.

Reste à mettre en œuvre les différentes phases de la réalisation, cela nécessitera assurément du

temps et l’engagement de l’ensemble des personnes de bonne volonté qui voudront bien œuvrer en

ce sens. Nous espérons par ce travail et par notre engagement syndical participer à la construction de

l’édifice.

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Discours de Monsieur le Président de la République sur la réforme de la formation professionnelle à

Alixan (Drôme) - 3 mars 2009

Document de synthèse réforme de la formation professionnelle Centre de ressources documentaires –

Carif-Oref des Pays de la Loire – novembre 2009

Efigip Note "Autour des réformes" septembre 2009

Interview de Mokthar KADDOURI CNAM 2003

Janis Joplin « Me And Bobby MC Gee » - Pearl 1971

Mini guide de l’édition internet des fiches pratiques de la formation continue du Centre Inffo

SOUBEYRAN L., allocution d’ouverture des premières Assises du Consultant formateur indépendant

(C-FI) Palais des Congrès de la Villette PARIS juin 2010

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octobre 2009

Circulaire DGEFP n° 2006/35 du 14 novembre 2006

Code du travail - 6epartie La formation professionnelle tout au long de la vie Livre III (art. L) - La

formation professionnelle continue Art. L. 6313-1. / Art. L. 6313-7 / Art. L.6352-1

Loi relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie n° 2009-1437 du 24

novembre 2009 parue au JO n° 273 du 25 novembre 2009.

Loi n° 90-579 du 4 juillet 1990 relative au crédit formation, à la qualité et au contrôle de la formation

professionnelle continue.

Loi n° 95-116 du 4 février 1995 portant diverses dispositions d’ordre social (DDOS)

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- http://blog.univ-provence.fr/blog/coordination-rgionale-paca Site de la coordination de la région

PACA Formation Continue dans le Supérieur

- www.ilv.fr Site du Pôle Universitaire Léonard de Vinci – Institut Léonard de Vinci

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- http://formationemploi.revues.org Site revue française de Sciences Sociales Formation Emploi

- http://www.cnrtl.fr Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales - portail de ressources

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- http://www.minefe.gouv.fr

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Annexes 1- Introduction du rapport d’information du Sénat N° 365, sur le fonctionnement des dispositifs

de formation professionnelle par Monsieur Bernard SEILLIER Sénateur

2- Chronologie des lois sur la formation professionnelle tout au long de la vie

3- Propositions du rapport d’information de la mission sur la formation tout au long de la vie

présenté par MME FRANÇOISE GUÉGOT, Députée.

4- Les 10 propositions du rapport sur la qualité de l’offre et de l’achat de formation 5- Présentation de 5 profils de formateurs consultants autonomes

6- Articles 6311-1 et 6313-1 du code du travail

7- Tableau récapitulatif de la Formation des Enseignants et des Formateurs en France

8- Fiche récapitulative certification ICPF & PSI

9- Compte rendu réunion du groupe de réflexion programme de normalisation services de

formation AFNOR 12 mars 2010

10- Contribution de l'ICPF & PSI : Proposer un nouveau projet de norme sur la chaine de réalisation d'une action de formation

11- Programme premières assises des formateurs consultants indépendants FCF / SICFOR

12- Programme journée de formation gratuite ICPF & PSI – Pôle Universitaire Léonard de Vinci

13- Calendrier des activités 2010 de la CSFC IDF et le programme du parcours de

professionnalisation de la CSFC IDF

14- Charte déontologique et qualité professionnelle du formateur consultant

15- Discours d’introduction de Lionel Soubeyran président du SICFOR lors des premières assises

des Formateurs Consultant de juin 2010

16- Article Centre Inffo juin 2010 Quelle perception du Consultant-formateur indépendant par les

entreprises ?

17- Restitution du grand témoin lors des premières assises des formateurs consultants

indépendants Philippe Gravé

18- Plaquette de présentation cursus de formation Commercialisation des Activités de Consulting

Pôle Universitaire Léonard de Vinci

19- Entretiens formateurs consultants indépendants / clients / syndicats : tableau thématique