Université de Rouen UFR de Psychologie, Sociologie, Sciences de l’éducation Département des sciences de l’éducation Master 2ème année sciences de l’éducation Mention professionnelle métiers de la formation Ingénierie et Conseil en Formation (ICF)
Christine TROILLET GIRSZYN Année 2009 – 2010 N° Etudiant : 20910168
MEMOIRE
Réforme de la formation professionnelle tout au long de la
vie et professionnalisation des prestataires de conseil et de
formation autonomes
Mémoire soutenu en septembre 2010
Sous la direction de Madame Françoise FORCIOLI – BARTOLI
2
REMERCIEMENTS
Merci tout d’abord à ma directrice de mémoire, Madame Françoise Forcioli - Bartoli pour la confiance
qu’elle m’a témoignée tout au long de ce travail, pour son extrême disponibilité, ses recommandations
alliant à la fois la guidance et la tolérance ainsi que pour ses encouragements qui m’ont soutenue dans
les périodes de doute.
Merci aussi à mon maître de stage, Monsieur Jean Jacques Machuret pour m’avoir permis de réaliser
une mission aussi enrichissante et structurante tant au plan professionnel que personnel.
Merci à tous ceux qui ont répondu à mes sollicitations et ont accepté de prendre le temps de répondre
à mes questions, d’échanger avec moi et d’aller souvent bien au-delà de ce que j’aurai pu espérer.
Merci enfin à Nicolas, mon mari, pour sa patience, son soutien sans faille et la qualité de nos
discussions qui ont tant contribuées à ce travail.
3
SOMMAIRE
Introduction : éclairage sur le chemin qui nous a mené à conduire ce travail de recherche.6
I. PRESENTATION ET ANALYSE DU CONTEXTE……………………………………………………………………8 1. Du concept de « life long learning » européen à celui de « formation professionnelle
tout au long » de la vie français…………………………………………………………………………………………9 1.1 De l’Europe à la France : cheminement et modification d’un concept ……………………………….9 1.2 Une « traduction » française ciblée sur l’emploi……………………………………………………………… 10 1.3 Brève approche des causes du lien formation tout au long de la vie – emploi en France… 11
1.3.1 Le système de financement de la formation professionnelle …………………….11 1.3.2 La dimension socio-économique et politique de la formation tout au long
de la vie……………………………………………………………………………………………………….11
2. Rappel historique et point d’actualité sur la législation de la formation
professionnelle……………………………………………………………………..…………………………………………….13 2.1 Les années 1970-2000 : naissance d’une nouvelle branche du droit et d’un système de
construction des lois spécifique…………………………………………………………………………………………13 2.2 Les années 2000 – 2010 : une réforme en profondeur du système de formation
professionnelle ……………………………………………………………………..………………………………………….15 2.2.1 L’ANI du 20 septembre 2003 et la loi du 4 mai 2004 : premier acte de la
réforme……………………………………………………………………………………………………….15 2.2.2 Les points de critique du système……………………………………………………………… 16 2.2.3 Vers une nouvelle remise à plat du dispositif : les rapports fondateurs ……. 17 2.2.4 L’ANI du 7 janvier 2009 et la loi du 24 novembre 2009 : deuxième acte de la
réforme……………………………………………………………………..……………………………… 19 2.3 Le budget de la formation professionnelle tout au long de la vie …………………………………… 21 2.4 Le marché de la formation professionnelle tout au long de la vie…………………………………… 22
3. Prestataires de la formation professionnelle tout au long de la vie………………………….. 26 3.1 Formateurs-consultants: un kaléidoscope professionnel ? ………………………………..……………. 26
3.1.1 Formateur : un mot pour « N » métiers ? …………………………………………………..26 3.1.2 Quelle définition du terme « consultant » ? …………………………………………….. 28 3.1.3 Formateurs-consultants autonomes : quelles spécificités ?......................... 29 3.1.4 Un recensement difficile…………………………………..………………………………………. 33
3.2 Quels sont leurs clients et leurs offres ? …………………………………..…………………………………….. 34 3.3 Formateurs-consultants autonomes : la question de l’identité professionnelle………………. 37 3.4 Etat des lieux de la reconnaissance de leur activité………………………………………………………….39
3.4.1 Quid de leur formation ? …………………………………..……………………………………… 40 3.4.2 Normes et dispositifs de labellisation ou de certification appliqués dans le
champ de la formation professionnelle…………………………………………………….. 41 3.5 Les prestataires de formation et la qualité de l’offre : les grands absents de la réforme ? 44
3.5.1 Au fil des rapports : constats et propositions d’amélioration ……………………. 44 3.5.2 L’encadrement de l’activité des organismes et prestataires individuels de
formation : que dit la loi ? …………………………………..……………………………………..46 3.6 Situation des formateurs consultants face aux grandes orientations nationales…………….. 50
4
II. LE TERRAIN ………………………………..………………………………..………………………………..…………………. 52
1. La structure d’accueil : l’Institut de Certification des Professionnels de la Formation et Prestataires de Service Intellectuel : ICPF & PSI……………………… 52 1.1 Historique de l’ICPF & PSI………………………………..………………………………..……………… 52
1.2 Activité………………………………..………………………………..…………………………………………. 53
1.3 Actualité………………………………..………………………………..……………………………………….. 53
2. La mission………………………………..………………………………..…………………………………………. 53 2.1 Cadre général de la mission………………………………..………………………………..…………… 54 2.2 Les apports opérationnels………………………………..……………………………………………….. 56
2.2.1 Les apports en lien avec les travaux de l’AFNOR…………………………….. 56 2.2.2 Les apports en lien avec les certifications ICPF&PSI……………………….. 59 2.2.3 Les apports en lien avec le développement du cursus de formation
Commercialisation des Activités de Consulting………………………………. 64 2.3 Les apports transversaux d’une démarche introspective……………………………………. 69
III. PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES………………………………..………………………………………………. 71
1. Synthèse des constats et émergence de la problématique……………………………. 71
1.1 Les constats relatifs à la réforme de la formation professionnelle et à la place des
dispensateurs de formation………………………………..…………………………………………… 71
1.2 Les constats en lien avec l’offre proposée par les formateurs consultants
indépendants………………………………..………………………………..………………………………. 72
1.3 Les constats en lien avec la reconnaissance de ce groupe professionnel…………. 73
1.4 Les constats en lien avec les regards portés sur l’activité et l’identité des
formateurs consultants indépendants………………………………..…………………………… 73
2. Hypothèses et méthodologie……………………………………………………………………………….. 75 2.1 Les hypothèses……………………………………………………………………………………………….. 75 2.2 Cadre méthodologique…………………………………………………………………………………… 76
2.2.1 Contraintes rencontrées………………………………………………………………… 76 2.2.2 Des entretiens semi directifs sur la notion professionnalisation et un
premier entretien-clé centré sur la problématique………………………… 76 2.2.3 Les personnes rencontrées : mise en place de l’échantillon…………… 77 2.2.4 Méthode d’analyse………………………………………………………………………… 77
IV. CADRE CONCEPTUEL………………………………………………………………………………………………………… 78
1. La professionnalisation………………………………………………………………………………………. 78
1.1 cadre conceptuel général…………………………………………………………………………………. 79 1.2 les enjeux sociaux de la professionnalisation……………………………………………………. 80 1.3 brève approche historique de la professionnalisation des formateurs d’adultes 82
2. L’identité professionnelle…………………………………………………………………………………… 85 2.1 La question de l’identité professionnelle en sociologie…………………………. 86 2.2 Dynamiques identitaires……………………………………………………………………….. 87 2.3 Quid des travaux sur l’identité professionnelle des métiers de la formation ? ………………………………………………………………………………………………….89 2.4 Formateurs Consultants et identité professionnelle……………………………… 91
5
V. VERIFICATION DES HYPOTHESES……………………………………………………………………………………. 95
1. Présentation de l’enquête par entretiens………………………………………………………… 95 1.1 Présentation de l’échantillon……………………………………………………………….. 95 1.2 Présentation des questions………………………………………………………………….. 96 1.3 Et si c’était à refaire ? ………………………………………………………………………….. 97
2. Analyse des résultats et vérification des hypothèses…………………………………….. 97 2.1 Première Hypothèse…………………………………………………………………………….. 97 2.2 Seconde Hypothèse……………………………………………………………………………… 100
2.2.1 Enjeux de la professionnalisation des Formateurs Consultants Indépendants pour les pouvoirs publics………………………………………… 100
2.2.2 Définition et investissement de la notion de professionnalisation………………………………………………………………………. 103
2.2.3 Enjeux croisés de la professionnalisation……………………………… 107
Conclusion……………………………………………………………………………………………………………………………………...117 Bibliographie et sitographie………………………………………………………………………………………………………. 120 Annexes………………………………………………………………………………………………………………………………………… 127
1- Introduction du rapport d’information du Sénat N° 365, sur le fonctionnement des dispositifs
de formation professionnelle par Monsieur Bernard SEILLIER Sénateur
2- Chronologie des lois sur la formation professionnelle tout au long de la vie
3- Propositions du rapport d’information de la mission sur la formation tout au long de la vie
présenté par MME FRANÇOISE GUÉGOT, Députée.
4- Les 10 propositions du rapport sur la qualité de l’offre et de l’achat de formation 5- Présentation de 5 profils de formateurs consultants autonomes
6- Articles 6311-1 et 6313-1 du code du travail
7- Tableau récapitulatif de la Formation des Enseignants et des Formateurs en France
8- Fiche récapitulative certification ICPF & PSI
9- Compte rendu réunion du groupe de réflexion programme de normalisation services de
formation AFNOR 12 mars 2010
10- Contribution de l'ICPF & PSI : Proposer un nouveau projet de norme sur la chaine de réalisation d'une action de formation
11- Programme premières assises des formateurs consultants indépendants FCF / SICFOR
12- Programme journée de formation gratuite ICPF & PSI – Pôle Universitaire Léonard de Vinci
13- Calendrier des activités 2010 de la CSFC IDF et le programme du parcours de
professionnalisation de la CSFC IDF
14- Charte déontologique et qualité professionnelle du formateur consultant
15- Discours d’introduction de Lionel Soubeyran président du SICFOR lors des premières assises
des Formateurs Consultant de juin 2010
16- Article Centre Inffo juin 2010 Quelle perception du Consultant-formateur indépendant par les
entreprises ?
17- Restitution du grand témoin lors des premières assises des formateurs consultants
indépendants Philippe Gravé
18- Plaquette de présentation cursus de formation Commercialisation des Activités de Consulting
Pôle Universitaire Léonard de Vinci
19- Entretiens formateurs consultants indépendants / clients / syndicats : tableau thématique
6
Introduction : éclairage sur le chemin qui nous a mené à conduire ce travail de recherche.
Pourquoi s’intéresser à la formation professionnelle à travers la réforme de la formation
professionnelle tout au long de la vie ?
La formation professionnelle peut être abordée via de multiples entrées : historique, sociologique,
pédagogique, psychologique … Nous avons choisi de l’aborder via la réforme de la formation
professionnelle tout au long de la vie en France car cet angle d’approche permet d’embrasser
concrètement toutes les dimensions et grands thèmes de la formation. De la place des apprenants et
des formateurs dans le système de la formation professionnelle jusqu’à l’organisation des systèmes de
financement, c’est l’ensemble de la formation professionnelle qui est mis en mouvement par cette
réforme.
L’ évolution de la notion de formation professionnelle se lit à travers les modifications du langage qui
la qualifie. L’appellation « formation professionnelle continue » a laissé la place à celle de « formation
professionnelle tout au long de la vie » depuis de nombreuses années. Ces termes recouvrent des
changements bien plus importants et profonds qu’un glissement sémantique ou que l’adoption d’une
formule « à la mode ».
A travers les différents textes de lois, décrets et mesures qui la portent, la réforme de la formation
tout au long de la vie s’attache à redéfinir profondément la place de la formation professionnelle dans
notre société notamment via le concept de « life long learning » qui irrigue depuis une quinzaine
d’années le champ social et sociétal national et européen et, par là même, toutes les dimensions de la
formation. En dépit d’une traduction française fort restrictive de ce concept européen : « formation
professionnelle tout au long de la vie » alors qu’« apprentissage tout au long de la vie » eut été une
traduction plus fidèle tant dans les mots que dans l’esprit, il est indéniable que la France s’inscrit dans
le mouvement de construction d’une économie de la connaissance qui ne peut qu’avoir des
conséquences importantes pour l’ensemble des acteurs du système de formation professionnelle.
Au delà de l’importance évidente que revêt toute réforme touchant un champ professionnel pour les
personnes qui y travaillent, il nous a semblé qu’un des premiers attraits de l’étude de la réforme de la
formation professionnelle tout au long de la vie est l’évolution de la place, de la structure et des
enjeux de la formation professionnelle qui s’opère actuellement. Les angles d’approches possibles
sont extrêmement nombreux et vastes, il nous a donc fallu en choisir un dont l’exploration était
possible dans le cadre de ce travail de recherche et pertinente au regard de notre activité actuelle et
future.
Pourquoi aborder cette réforme via les enjeux individuels pour les prestataires de conseil et
formation autonomes ?
Compte tenu de notre appartenance à ce groupe professionnel, il était naturel que nous nous
penchions sur l’incidence de la réforme en cours sur nos conditions d’exercice – ne serait-ce qu’à titre
personnel.
L’abord de la réforme via les enjeux individuels pour les prestataires de conseil et de formation
autonomes est également en lien avec notre mission de stage au sein de l’ICPF PSI (Institut de
Certification des Professionnels de la Formation et des Prestataires de Service Intellectuel) dans le
cadre de laquelle nous fûmes chargée de contribuer à l’élaboration et à la mise en œuvre de parcours
de certification des formateurs consultants autonomes (certification sur dossier, parcours de
7
formation certifiants, formations à la certification) et de contribuer au groupe de réflexion puis de
travail AFNOR sur la normalisation de la formation professionnelle.
L’esprit de cette réforme ainsi que celui des courants sociaux, politiques et économiques qui la
portent vont s’exercer doublement sur ces prestataires du fait même de leur double position : à la fois
dispensateurs et destinataires de formation. Cette double posture est confrontée à une réforme qui
modifie les fondements de notre activité.
La réforme de la formation professionnelle tout au long de la vie en France et ses enjeux pour les
formateurs consultants autonomes constituent donc le cadre général du travail de recherche ici
présenté.
Quels sont les aspects personnels, intellectuels et professionnels qui ont présidé au choix de l’angle
d’approche conceptuel ?
Ce cadre de travail fait émerger de nombreuses questions relatives à la population ciblée :
- Cette réforme va-t-elle infléchir les parcours individuels de ces prestataires dans la construction de leur professionnalité ?
- Qu’adviendra-t-il de ceux dont les compétences sont issues d’apprentissages biographiques et en situation professionnelle ?
- Les courants porteurs de cette réforme vont-ils influencer, réformer leurs pratiques pédagogiques ?
- Leurs offres correspondent-elles à ce qui est attendu –et accepté- dans le champ de la formation professionnelle en France ?
- Quels en sont les enjeux par rapport à la pérennité de leur activité ? - Leur mode d’exercice est-il compatible avec une reconnaissance de la part des pouvoirs
publics ? - Quid de leur statut : profession ? métier ? fonction ? Comment sont-ils identifiés et que
peuvent-ils revendiquer dans ce contexte de réforme ?
Ces questionnements peuvent ouvrir des pistes conceptuelles multiples entre lesquelles il nous fut
bien difficile de trancher tant elles nous semblaient intellectuellement toutes fort intéressantes à
explorer : les apprentissages biographiques, la construction des compétences par les apprentissages
expérientiels, la professionnalité, la démarche qualité appliquée à la formation professionnelle, la
professionnalisation d’une activité et des individus qui l’exercent...
Notre propre chemin de professionnalisation d’une activité menée depuis près de dix ans mais
récemment orientée vers un mode d’exercice libéral, la teneur de la mission qui nous a été confiée
dans le cadre du stage de ce Master et le fait que l’ensemble de ces questionnements et champs
conceptuels semblaient converger ou du moins recouper la question centrale – et controversée- de la
professionnalisation des agents de la formation professionnelle nous ont amené à diriger nos
investigations vers la professionnalisation des individus. Au cours du travail de recherche, un
deuxième concept nous est apparu comme indissociable de la professionnalisation dans ce contexte
d’une réforme susceptible de bouleverser le positionnement professionnel et personnel des
formateurs : la question de l’identité professionnelle. Ces deux concepts si intimement liés seront donc
explorés dans ce mémoire.
C’est ce cheminement qui nous a amené à mettre en perspective la réforme de la formation
professionnelle tout au long de la vie et la professionnalisation des formateurs consultants
autonomes dans le cadre de ce travail de recherche.
8
I. PRESENTATION ET ANALYSE DU CONTEXTE Nous avons choisi de présenter le contexte en trois grands points imbriqués pouvant être ainsi schématisés :
1. Du concept de « life long learning » européen à celui de « formation professionnelle tout au long de la vie » français
Le concept de « Life long learning » apparaît dès 1995 suite au livre blanc « Enseigner et apprendre,
vers la société cognitive ». L’année 1996 est proclamée « année européenne de l’éducation et de la
formation tout au long de la vie » par Edith Cresson alors membre de la commission chargée de la
recherche, de l’éducation, de la formation et de la jeunesse.
Quatre objectifs sont alors fixés à ce projet :
- Aider à construire la citoyenneté européenne
- Renforcer la compétitivité européenne et préserver l’emploi
- Maintenir la cohésion sociale par l’éducation et la formation
- Utiliser pleinement les possibilités offertes par les technologies de l’information et permettre à
tous d’affronter au mieux la « société de la connaissance » qui est en train de se mettre en
place à cette époque. 1
Il nous semble intéressant de nous arrêter quelque peu sur le cheminement de ce concept dans le
temps et dans les différents pays de la Communauté Européenne qui l’a vu naître car l’acception et la
mise en œuvre de ce concept en France sont à mettre en parallèle avec le positionnement
professionnel de la population étudiée et des offres qu’elle propose. La question de leur
reconnaissance et de leur statut dans le cadre de la réforme se posera alors en termes d’adéquation,
de conformité –ou de non-conformité- avec les orientations et exigences nationales.
1 LAOT F. et LESCURE E., dir.Pour une histoire de la formation, l’Harmattan, 2008 2 Mémorandum sur l'éducation et la formation tout au long de la vie, Commission des Communautés Européennes, Bruxelles, 30.10.2000
La formation tout au long de la vie :
du concept européen à l’acception
française
Histoire et actualité de la
formation professionnelle tout au
long de la vie en France
Les acteurs de la formation
professionnelle tout au long de la
vie : regard sur les formateurs
consultants autonomes
9
1.1 De l’Europe à la France : cheminement et modification d’un concept
Le postulat fondateur du « life long learning » posé dès 1995 était repris en mars 2000 dans les
conclusions du Conseil Européen de Lisbonne en ces termes : « l'évolution vers l'éducation et la
formation tout au long de la vie doit accompagner une transition réussie vers une économie et une
société fondées sur la connaissance.» 2
Les états membres étaient alors appelés à adapter les systèmes d'éducation et de formation afin de
définir des stratégies cohérentes et des mesures pratiques permettant de rendre l’éducation et la
formation tout au long de la vie accessibles à tous, un débat portant sur la stratégie globale à mettre
en œuvre à l'échelon européen était initié suite au mémorandum sur l'éducation et la formation tout
au long de la vie.
Dans cette mouvance, l'éducation et la formation tout au long de la vie est définie comme "toute
activité d'apprentissage entreprise à tout moment de la vie, dans le but d'améliorer les connaissances,
les qualifications et les compétences, dans une perspective personnelle, civique, sociale et/ou liée à
l'emploi ."3
Le concept d'éducation et de formation tout au long de la vie englobe donc tous les types et toutes les
phases d'apprentissage, du préscolaire à l'après-retraite et vise ainsi les quatre objectifs généraux
suivants : l'épanouissement personnel, la citoyenneté active, l'inclusion sociale, la capacité d'insertion
professionnelle/l'adaptabilité.
Ce concept et les prescriptions de la Commission Européenne irriguent le champ de la formation de
l’ensemble des états membres depuis maintenant plus de quinze ans mais il n’a pas été traduit ou mis
en œuvre de la même façon dans tous les pays.
Dans les pays du nord de l’Europe ou l’Allemagne, l’Autriche et le Luxembourg, l’offre de formation
tout au long de la vie intègre clairement une préoccupation de développement personnel, même si
l’objectif de lutte contre le chômage y est, comme dans tous les pays, une priorité.4
En France, s’il est certes mentionné dans le code du travail que “les actions d'acquisition, d'entretien
ou de perfectionnement des connaissances ont pour objet d'offrir aux travailleurs les moyens d'accéder
à la culture, de maintenir ou de parfaire leur qualification et leur niveau culturel ainsi que d'assumer
des responsabilités accrues dans la vie associative”5, les actions de formation qui entrent dans le
champ d'application des dispositions relatives à la formation professionnelle tout au long de la vie ne
mentionnent aucune formation de développement personnel ou culturel hormis la lutte contre
l’illettrisme et l'apprentissage de la langue française. Elles ne concernent ouvertement que les
travailleurs effectifs ou potentiels (demandeurs d’emploi), excluant ainsi du système mis en place les
non actifs.
La mise en œuvre française du concept de « life long learning » est donc clairement à distancer de
l’esprit originel européen.
2 Mémorandum sur l'éducation et la formation tout au long de la vie, Commission des Communautés Européennes, Bruxelles, 30.10.2000 3 Idem 2 4 LE DOUARON P., La formation tout au long de la vie. Promotion René Cassin, Revue française d’administration publique 2002/4, n°104 5 Code du travail - 6epartie La formation professionnelle tout au long de la vie Livre III (art. L) - La formation professionnelle continue Art. L. 6313-7.
10
1.2 Une « traduction » française ciblée sur l’emploi
Que l’on se penche sur l’application française du concept européen « life long learning » à travers la
lecture des textes de loi, des déclarations des parlementaires ou des partenaires sociaux ou encore via
les rapports fondateurs de la réforme française, il est aisé de constater que les dispositifs et les efforts
de financement français sont centrés sur la notion de formation professionnelle et intimement liés à
l’emploi. Ce lien formation-emploi est clairement lisible dans la traduction proposée : « formation
professionnelle tout au long de la vie », il s’exprime également par le fait que les lois relatives à la
formation continue sont inscrites dans le code du travail.
Il s’agit donc bien d’une question qui est pensée principalement dans le cadre de la relation employeur
salarié et relative au marché du travail.6
En France, la formation tout au long de la vie est ainsi principalement centrée sur l'insertion ou la
réinsertion professionnelle, le maintien dans l'emploi, le développement des compétences et des
qualifications professionnelles. Bien que la contribution au développement économique et culturel et
à la promotion sociale des travailleurs soit évoquée dans l’article L. 6311-1 relatif aux objets de la
formation professionnelle continue, les treize catégories d’actions de formation entrant dans le champ
d’application des dispositions relatives à la formation professionnelle continues posent sans équivoque
l’orientation du dispositif :
1° Les actions de préformation et de préparation à la vie professionnelle ; 2° Les actions d'adaptation et de développement des compétences des salariés ; 3° Les actions de promotion professionnelle ; 4° Les actions de prévention ; 5° Les actions de conversion ; 6° Les actions d'acquisition, d'entretien ou de perfectionnement des connaissances ; 7° Les actions de formation continue relative à la radioprotection des personnes ; 8° Les actions de formation relatives à l’économie et à la gestion de l’entreprise ; 9° Les actions de formation relatives à l’intéressement, à la participation et aux dispositifs d’épargne salariale et d’actionnariat salarié ; 10° Les actions permettant de réaliser un bilan de compétences ; 11° Les actions permettant aux travailleurs de faire valider les acquis de leur expérience ; 12° Les actions d'accompagnement, d'information et de conseil dispensées aux créateurs ou repreneurs d'entreprises artisanales, commerciales ou libérales, exerçant ou non une activité ; 13° Les actions de lutte contre l'illettrisme et l'apprentissage de la langue française.7 La formation professionnelle tout au long de la vie telle qu’elle est mise en place en France est ainsi à
distancier de la notion de « life long learning » européenne qui englobait «toute activité
d'apprentissage entreprise à tout moment de la vie, dans le but d'améliorer les connaissances, les
qualifications et les compétences, dans une perspective personnelle, civique, sociale et/ou liée à
l'emploi 8 ». Les orientations choisies relèvent précisément des réserves émises par la commission
européenne « concernant l'accent trop important mis dans la définition sur l'emploi et le marché du
travail ». 9
6 CHATEL E., Cours Economie et formation Master 2 Pro ICF Université de ROUEN 2010 7 Code du travail - 6e partie- La formation professionnelle tout au long de la vie - Art. L. 6313-1. 8 Mémorandum sur l'éducation et la formation tout au long de la vie, Commission des Communautés Européennes, Bruxelles, 30.10.2000 9 Commission des communautés européennes Bruxelles, le 21.11.2001 COM(2001) 678 final Réaliser un espace européen de l'éducation et de formation tout au long de la vie p 10 -11
11
1.3 Brève approche des causes du lien formation tout au long de la vie – emploi en France
Les fondements du lien qui unit le concept de formation tout au long de la vie à l’emploi dans notre
pays sont multiples et leur analyse ne sera pas développée ici. Cependant, il nous a paru utile de les
explorer, ne serait-ce que brièvement en tant qu’éléments de compréhension du contexte général.
1.3.1 Le système de financement de la formation professionnelle
En France, le financement de la formation professionnelle continue est fixé par la loi. Les principaux
financeurs en sont l’état et les régions (en budgets propres et via le Fonds Social Européen – FSE), et
les entreprises. Le financement par les entreprises repose sur une obligation légale.
Toute entreprise, quelle que soit sa taille, doit participer au financement de la formation
professionnelle des salariés (dans le cadre de l’alternance, du plan de formation, des contrats et
périodes de professionnalisation, du droit individuel à la formation et du congé individuel de
formation). Pour ce faire, elle doit verser une contribution à l’Organisme Paritaire Collecteur Agréé
(OPCA) dont elle dépend.
L’intérêt porté à l’employabilité des individus et à la compétitivité économique (à des échelles et pour
des raisons différentes) par ces trois acteurs est une des explications du lien formation tout au long de
la vie – emploi en France. Ce n’est cependant pas la seule cause.
1.3.2 La dimension socio-économique et politique de la formation
professionnelle tout au long de la vie
Le fait que la formation professionnelle tout au long de la vie est perçue comme un élément décisif de
compétitivité et de développement de l’emploi dans un contexte de crise économique constitue un
autre élément de réponse déterminant.
Cette vision du rôle de la formation tout au long de la vie se traduit dans les rapports et discours émis
à son sujet : « Pour atteindre le plein-emploi d’ici à 2012, il faut évidemment mener une politique
ambitieuse de stimulation de la croissance et de la création d’emplois. Mais parallèlement à cela, il est
indispensable de moderniser les outils de notre politique de l’emploi pour répondre aux nouveaux défis.
Composante essentielle de la modernisation du marché du travail engagée depuis un an, la réforme de
notre système de formation professionnelle est donc une priorité pour le Gouvernement. » 10
Le 3 mars 2009, Monsieur le Président de la République concluait ainsi son discours sur la formation
professionnelle : « Tous les acteurs de la formation professionnelle doivent monter au front. L'Etat, les
partenaires sociaux et les régions. Face à la crise, il y a deux comportements possibles : rester dans son
pré carré en espérant que cela passera tout seul ou, au contraire, travailler ensemble pour apporter des
solutions concrètes à nos concitoyens qui sont les plus touchés et réformer en profondeur pour en finir
avec nos handicaps. C'est cette voie que nous avons choisie. C'est la plus difficile. Celle qui heurte tous
les conservatismes. Mais c'est la seule qui nous fera progresser et donc la seule qui vaille la peine.» 11
10Document d’orientation réforme de la formation professionnelle du 24 07 2008 11 Discours de Monsieur le Président de la République sur la réforme de la formation professionnelle à Alixan (Drôme) - 3 mars 2009
12
Il est intéressant de noter le ton de ce discours qui sonne littéralement comme un appel à la
mobilisation générale ainsi que le positionnement de la formation professionnelle en tant que réponse
à la situation sociale et économique.
L es objectifs de la formation professionnelle tout au long de la vie sont donc essentiellement
économiques et sociaux : l’insertion, la compétitivité, l’employabilité et l’adaptabilité des forces de
travail. L’investissement en formation professionnelle (perçu depuis déjà plusieurs années, comme un
impératif pour construire la compétitivité des nations ) est désormais énoncé comme une priorité
nationale et une urgence absolue dans le cadre d’une politique de développement de l’emploi.
Le concept de formation tout au long de la vie peut donc révéler des objectifs socio-économiques
centrés sur le développement de l’individu au travail, c’est le cas de son acception française, ou plus
historiquement humanistes et centrés sur le développement global de l’individu ainsi qu’on peut le
voir dans le concept du “life long learning” européen.
Ces différents objectifs traduisent des lectures distinctes du rôle de la formation tout au long de la vie
qui sont à garder en mémoire dans l’étude du positionnement professionnel des formateurs
consultants autonomes pour l’éclairage qu’elles apportent sur la vision qu’ont ces professionnels de
leur activité et l’opportunité d’en construire –ou non- la professionnalisation.
13
2. Rappel historique et point d’actualité sur la législation de la formation professionnelle
Une réforme est « une correction, un changement profond, une transformation, par des moyens
conformes aux règles existantes, de quelque chose en vue de le réorganiser, d'améliorer son
fonctionnement, ses résultats ».12
On peut considérer que la réforme de la formation professionnelle
tout au long de la vie a été amorcée en France dès le début des années 2000, elle est depuis portée
par différentes lois, décrets et circulaires que nous ne détaillerons pas longuement ici mais dont nous
donnerons un aperçu afin de poser le contexte dans son cadre législatif.
2.1 Les années 1970-2000 : naissance d’une nouvelle branche du droit et d’un système de construction des lois spécifique
Les entretiens de Grenelle en 1968, l’Accord National Interprofessionnel (ANI) du 9 juillet 1970 et la loi
du 16 juillet 1971 instaurent les fondements de « la formation professionnelle permanente ». À partir
de cette date, la formation professionnelle continue constitue « une obligation nationale » faisant
partie des garanties sociales, comme l’assurance maladie ou la retraite complémentaire13. Elle est
décrite par des lois qui régissent les principes de la formation professionnelle.
C’est donc une branche du droit récente dont les textes sont fondés sur le dialogue entre les
partenaires sociaux et les acteurs politiques. Cette particularité française de construction des lois sur la
formation à travers la dialectique «accords –lois » souligne le consensus entre tous les acteurs et
partenaires du système législatif français autour du caractère prioritaire de l’orientation
professionnelle de la formation tout au long de la vie. Ce système peut être ainsi schématisé :
Projet de loi
Circuit législatif (assemblée nationale – sénat → navette parlementaire) +/- procédure d’urgence
Texte de loi
Parution au Journal Officiel - JO
Rapports – missions d’étude spécialistes et parlementaires
Accords Nationaux Interprofessionnels ANI
Décrets d’application
Application Parution au Journal Officiel - JO
14
12 Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales - portail de ressources linguistiques informatisées et d’outils de traitement de la langue du CNRS 13 Cours Master 2 Pro ICF Université de Rouen droit de la formation professionnelle Monsieur Pierre LE DOUARON 2010 14 Schéma : document de travail C.TROILLET GIRSZYN
14
L’objectif des lois de la période 1970 – 2000 portait essentiellement sur la volonté de structurer le
système, de mettre en place des dispositifs de formation adaptés ainsi qu’un mode de financement
efficace.
Chronologie des lois sur la formation professionnelle en France 1970 – 2000 tableau 1 15
- Loi du 16 juillet 1971. Cette loi, reprenant en les élargissant les dispositions de l’accord national
interprofessionnel du 9 juillet 1970 sur la formation et le perfectionnement professionnel contient les principes de base sur lesquels le droit de la formation est fondé.
- Loi du 31 décembre 1975. Contrôle du financement des actions de formation professionnelle continue. - Loi du 17 juillet 1978. Cette loi introduit une distinction fondamentale entre les formations à l’initiative
du salarié dans le cadre du congé individuel de formation (CIF) et celles qui dépendent de l’employeur dans le cadre du plan de formation.
- Ordonnance du 26 mars 1982. Elle met en place le dispositif d’information et d’orientation des jeunes
de 16-18 ans. - Loi du 7 janvier 1983.Cette loi organise la répartition des compétences entre l’État et les régions en
matière de formation. - Loi du 24 janvier 1984. Elle réforme l’ensemble du dispositif dans l’esprit de la loi de 1971 en créant un
système de financement spécifique du CIF, en faisant de la formation un objet de négociation obligatoire au niveau des branches professionnelles. Création des contrats d’insertion en alternance.
- Loi du 4 juillet 1990. Crédit - formation, qualité et contrôle de la formation professionnelle continue.
Elle renforce le contrôle des organismes de formation. - Loi du 12 juillet 1990. Contrats précaires. Cette loi organise l’accès au CIF pour les personnes qui ont
été titulaires d’un contrat à durée déterminée. -Loi du 31 décembre 1991. Formation professionnelle et emploi. Elle étend l’obligation de financement
de la formation aux entreprises de moins de 10 salariés. Elle crée le bilan de compétences pour les salariés, et la mesure de co-investissement.
- Loi quinquennale du 20 décembre 1993. Restructuration des organismes collecteurs de l’argent des
entreprises, création du capital temps formation. - Loi du 19 janvier 2000 sur la réduction du temps de travail. Cette loi donne une nouvelle orientation au
co-investissement en l’assouplissant.
Une réflexion lancée dès 1998 établit un bilan négatif des lois de 1971, dénonçant, entre autres, la
faible lisibilité du système. Cette réflexion amènera à le repenser tant dans ses objectifs que dans sa
philosophie et aboutira à l’ANI du 20 septembre 2003 et à la loi du 4 mai 2004.
15 D’après TARBY A., Cours Master 2 Pro ICF Université de ROUEN Droit de la formation professionnelle continue
15
2.2 Les années 2000 – 2010 : une réforme en profondeur du système de formation professionnelle
Les années 2000 marquent un tournant dans l’histoire de la formation professionnelle qui s’illustre par
la place, les missions et les objectifs qui lui sont dès lors dévolus et qui marquent le début de la
réforme encore en cours aujourd’hui.
Les termes de « formation professionnelle tout au long de la vie » commencent à remplacer
l’appellation « formation continue » ou « formation professionnelle » à compter des années 2000.
L’attention portée à l’individualisation de la formation se lit à travers des textes de loi, des dispositifs
et des mesures centrés sur l’individu et tendant à le responsabiliser dans la construction de son
parcours de formation professionnelle tout au long de la vie (cf. annexe 2)
On parle dès lors d’individu « acteur » de son parcours de formation (le mot « acteur » devant ici être
compris en terme d’individu « porteur de la mise en action » et non « jouant un rôle écrit par un
auteur »). L’idée que la compétence des individus est à construire tout au long de leur vie, par tous les
modes d’apprentissages possibles s’illustre par la création de la Validation des Acquis de l’Expérience
dans le cadre de la loi du 17 janvier 2002 mais plus encore par la loi du 4 mai 2004.
2.2.1 L’ANI du 20 septembre 2003 et la loi du 4 mai 2004 : premier
acte de la réforme
Les objectifs socio-économiques actuellement assignés à la formation professionnelle tout au long de
la vie sont présents dès l’ANI du 20 septembre 2003 : « Dans une économie de plus en plus ouverte sur
le monde, les entreprises sont confrontées en permanence à la nécessité d’une adaptation maîtrisée à
leur environnement. Le renouvellement accéléré des techniques de production et de distribution des
biens et des services sollicite toujours davantage l’initiative et la compétence de chacun des salariés ;
leurs aspirations à une meilleure maîtrise de leur évolution professionnelle nécessitent de renouveler
les objectifs et les moyens de la formation professionnelle continue. De plus, l’évolution démographique
de la France va se traduire, dans les vingt prochaines années, par le ralentissement du renouvellement
des générations et donc par un déficit global de qualifications et de compétences.
Pour ces raisons, il est essentiel que les partenaires sociaux, par un dialogue social renforcé, créent les
conditions d’une nouvelle mobilisation en faveur de la formation tout au long de la vie professionnelle
afin de permettre aux entreprises et aux salariés de faire face aux défis à venir. »16
La loi du 4 mai 2004 reprend les propositions de l’ANI du 20 septembre 2003 et apporte de
nombreuses innovations au système de formation professionnelle dont :
- La création du Droit individuel à la formation (DIF) : le salarié est acteur de sa formation : il est
à l’origine de la demande de formation qui doit s’inscrire dans une démarche de promotion,
d’acquisition de connaissances ou conduire à une certification ou un diplôme.
- La création du contrat et de la période de professionnalisation pour les jeunes de moins de 26
ans (en particulier sans qualification) et les demandeurs d’emploi adultes dans le but d’accéder
à une qualification validée. Une « période de professionnalisation » est également créée.
16 ANI du 20 septembre relatif à l’accès des salariés à la formation tout au long de la vie professionnelle p 1
16
- La création du passeport formation : propriété du salarié, il lui permet de conserver en
mémoire les formations et les acquis professionnels engrangés tout au long de sa carrière.
- L’évolution du plan de formation (actions d’adaptation au temps de travail, formations liées à
l’évolution des emplois, formations liées au développement des compétences)
- L’évolution du financement de la formation via l’ajustement des contributions des entreprises
au financement de la formation 17
2.2.2 Les points de critique du système
Si elle apporte de grands changements dans l’organisation de la formation professionnelle, la loi du 4
mai 2004 est rapidement remise en cause : il faut aller plus loin dans la réforme du système si l’on veut
que la formation professionnelle atteigne ses objectifs socio-économiques.
- En 2006, P. Cahuc et A. Zylberberg qualifient le système d’« inéquitable » et d’« inefficace », et
soulignent qu’il« bénéficie aux salariés les mieux formés » et « offre peu de véritable
perspective de promotion sociale»18
- En 2007, le rapport Carle-Sellier au nom de la mission commune d’information sur le
fonctionnement des dispositifs de formation professionnelle (cf. annexe 1), dresse un tableau
pessimiste de ce système dont il dénonce trois maux : la complexité, les cloisonnements et les
corporatismes. Trois mots repères sont proposés en réponse : la personne, les partenariats, la
proximité. « La personne doit être désormais au centre de la politique de formation
professionnelle afin de donner un sens concret et un contenu effectif au concept fuyant de
formation tout au long de la vie » 19. Redonner à la formation professionnelle sa mission de
promotion professionnelle et sociale telle qu’en l’idée initiale de la loi Delors du 16 juillet 1971
est devenu un impératif face aux résultats de la politique de formation nationale et aux défis
économiques et sociaux actuels.
- En janvier 2008, la Commission Attali dénonce la complexité de la gouvernance d’un système
de formation professionnelle qui «bénéficie essentiellement aux salariés les mieux formés ».
- En février 2008, le Conseil national de la formation tout au long de la vie (CNFPTLV) relève
l’absence de définition des conditions d’existence du parcours professionnel, et insiste sur la
nécessité de mettre en place la sécurisation des parcours professionnels.
- En mars 2008, l’Inspection Générale des Affaires Sociales (Igas) constate que « l'accès à la
formation professionnelle reste très inégalitaire en fonction de divers facteurs dont la taille de
l'entreprise » et ce, en défaveur des petites et très petites entreprises et souligne l’inégalité
d’accès individuel à l’information sur la formation et le rôle que les OPCA peuvent être amenés
à remplir dans le cadre de la promotion de la qualité des formations. « les OPCA sont tout à
fait légitimes à aider les entreprises et à s’investir pour cela dans l’évaluation de la qualité des
formations dispensées par les organismes de formation. Il n’est pas anormal, bien au contraire,
que le « payeur » dispose des moyens de s’assurer de la bonne utilisation des fonds qu’il gère. A
cet égard, la pratique de l’évaluation revêt une dimension cruciale : elle devrait prendre en
compte l’ensemble des résultats obtenus au regard des objectifs de la formation (maîtrise de la
17 D’après le document de synthèse réforme de la formation professionnelle Centre de ressources documentaires – Carif-Oref des Pays de la Loire – novembre 2009 18 La formation professionnelle des adultes : un système à la dérive Pierre Cahuc et André Zylberberg 10 juillet 2006 - étude réalisée à la demande du Centre d’Observation Economique de la CCIP 19 Note de synthèse du rapport d’information du Sénat N° 365, sur le fonctionnement des dispositifs de formation professionnelle par Monsieur Bernard SEILLIER Sénateur
17
technicité, certifications obtenues, évolution dans l’emploi, certification de l’organisme de
formation, niveau d’équipement, expérience professionnelle des formateurs…).» 20
Les rapports émis dans le cadre du bilan de la loi du 4 mai 2004 dénoncent à l’unisson un système
coûteux, peu performant, mal adapté et insuffisamment centré sur les personnes qui en ont le
plus besoin. Tous appellent la refonte rapide du système qui sera concrétisée par l’ANI de janvier
2009 et la loi du 24 novembre 2009.
2.2.3 Les rapports fondateurs
Le groupe de travail multipartite «rapport Ferracci »21 :
Le premier trimestre de l’année2008 constitue le départ effectif d'une nouvelle remise à plat du
dispositif. Ce « deuxième acte de la réforme » est inauguré par la constitution, en mars 2008, d’un
groupe de travail multipartite sur la formation professionnelle associant l’État, les partenaires
sociaux représentatifs (employeurs et salariés) et des représentants des Régions ; présidé par
Pierre Ferracci, ce groupe de travail avait pour objectif de :
- faire émerger un point de vue collectif sur « les principes qui doivent guider une réforme de la
formation professionnelle, les attentes de décisions qui lui sont nécessaires et les enjeux de
négociation assortis » en amont des enjeux de négociation et des clarifications des périmètres
d’intervention des acteurs.
- réaffirmer les objectifs de la formation professionnelle, examiner les conditions d’une bonne
gouvernance du système, tirer profit des résultats des derniers travaux disponibles (en
particulier les bilans récents de la mise en œuvre de l’ANI de 2003)
- établir des objectifs opérationnels et les critères d’évaluation correspondants, etc.
Huit axes principaux de réforme sont identifiés dans le rapport transmis au gouvernement :
1. la clarification des compétences entre acteurs
2. les conditions de réalisation d’un « droit à la formation différée »
3. la sécurisation des parcours professionnels
4. un vecteur de la sécurisation : l’évolution du CIF et du DIF
5. les modalités du financement de la formation professionnelle
6. l’évolution du métier des OPCA et de leur gouvernance
7. l’accroissement des capacités d’anticipation, de transparence et d’évaluation du système
8. l'amélioration de la qualité de l'offre de formation
20 IGAS Évaluation du service rendu par les organismes collecteurs agréés (OPCA, OPACIF et FAF) mars 2008 21 Groupe Multipartite sur la Formation Professionnelle présidé par Monsieur Pierre FERRACCI, Synthèse des travaux, 10 juillet 2008
18
À partir de ce rapport, quatre axes sur lesquels la négociation interprofessionnelle pourra s’engager
sont proposés par le gouvernement aux partenaires sociaux le 23 juillet 2008 :
- Améliorer le lien entre formation et emploi.
- Construire un système plus juste permettant de réduire les inégalités d'accès à la formation au
profit des salariés des petites et moyennes entreprises, des salariés peu qualifiés et des jeunes
sortis sans qualification du système scolaire.
- Rendre le système de la formation professionnelle plus efficace par une amélioration de la qualité
des formations et une meilleure coordination des acteurs.
- Rendre l'individu acteur de son parcours professionnel.
Une lettre de cadrage est remise aux partenaires sociaux le 25 juillet 2008. Les négociations
interprofessionnelles débutent le 30 septembre 2008.
La mission d’information sur la formation tout au long de la vie de l’Assemblée Nationale « rapport Guegot» 22:
La commission des Affaires Culturelles Familiales et Sociales est également missionnée sur la
formation tout au long de la vie et remet un rapport présenté par Françoise Guegot le 4 décembre
2008 afin d’apporter une réflexion complémentaire dans la perspective d’une réforme. Ce groupe de
travail avait pour objectif d’explorer les principaux blocages du système français de formation et de
proposer des mesures en vue du débat parlementaire préalable à la loi.
Seize propositions concernant l’amélioration de la gouvernance, l’orientation à tous les niveaux du
parcours, l’offre de formation, l’efficacité de la formation professionnelle pour l’entreprise et
l’employé et le financement de la formation sont alors émises (cf. annexe 3). Compte tenu de notre
thème de recherche, nous citons ici – pour la souligner- la troisième proposition émise par ce groupe
de travail qui propose pour « Clarifier et sécuriser l’offre de formation » de :
- «Créer un observatoire national sur l’offre de formation. - Recenser toute l’offre de formation et la publier sur Internet au sein d’une base de données
accessible à tous. - Créer une procédure de labellisation des organismes de formation. »
Ces rapports fondateurs appelleront la création de plusieurs groupes de travail complémentaires (dont
un groupe chargé de la qualité de l'offre et de l'achat de formation – rapport « Duda ») et
déboucheront sur l’ANI du 7 janvier 2009 sur le développement de la formation professionnelle, la
professionnalisation et la sécurisation des parcours professionnels.
« En 2007, suite aux études commanditées par les diverses instances, ou bilans et travaux réalisés sur le sujet notamment par la COE, la DARES la DGEFP et le CEREQ, l’état convient de procéder à une refonte de la « FTLV », il s’agit donc de ce que l’on a communément appelé « l’acte II de la réforme ».23 L’ANI du 7 janvier 2009 ouvrira donc le deuxième acte de la refonte du système de formation ; acte dont « L’objectif n’est pas de faire une énième réforme de la formation professionnelle mais de s’inscrire dans un processus dynamique d’évolution sans tout remettre à plat à chaque fois ». 24
22 Rapport de la commission des Affaires Culturelles Familiales et Sociales - travaux de la mission sur la formation tout au long de la vie. Présenté par Mme Guégot décembre 2008. 23 Les évolutions de la formation professionnelle continue – J.M LUTTRINGER – Colloque DARES – Septembre 2004 – Ministère de l’emploi, du Travail et de la Cohésion Sociale 24 Groupe Multipartite sur la Formation Professionnelle présidé par Monsieur Pierre FERRACCI, Synthèse des travaux, 10 juillet 2008
19
2.2.4 L’ANI du 7 janvier 2009 et la loi du 24 novembre 2009 : deuxième acte de la réforme
L’accord signé le 7 janvier 2009 comporte quatre grands volets 25 26:
- les actions de formation concourant à la compétitivité des entreprises et à la sécurisation des parcours professionnels des salariés,
- La qualification et la requalification des salariés et des demandeurs d’emploi,
- L’anticipation, la certification et le développement de la VAE,
- La gouvernance et les instances paritaires
Des dispositions importantes sont proposées : - seulement deux catégories d’actions inscrites au plan de formation, - élargissement du public éligible aux contrats de professionnalisation,
- reprise des dispositions sur les modalités de financement du DIF de l’ANI du 11 janvier 2008,
- transformation du Fond unique de péréquation (FUP) ainsi que ses missions,
- création d’un Conseil national d’évaluation de la formation professionnelle,
- redéfinition des rôles et les missions des Opca,
- réflexion sur l’optimisation du DIF et du CIF (constitution d’un groupe de travail).
La loi relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie du 24 novembre
2009 27 :
Cette loi a bénéficié d’une procédure accélérée: passé le 6 octobre en commission mixte paritaire, le
projet de loi a été adopté définitivement le 13 octobre par l'Assemblée nationale et le 14 par le Sénat.
Les objectifs de la formation professionnelle tout au long de la vie y sont ré-affirmés : «La formation
professionnelle, surtout en période de crise, est un outil de justice, d'équité et d'ascenseur social, elle a
aujourd'hui besoin d'être dépoussiérée et tournée vers un seul objectif : l'emploi ».28 « Justice, équité,
emploi et transparence » en sont les maîtres-mots. Cette loi comprend quatre grands axes :
- Un lien renforcé entre formation et emploi : la formation doit s'inscrire dans un parcours personnel
et professionnel d'accès à l'emploi, de maintien ou d'évolution dans l'emploi, de mobilité ou de retour
à l'emploi (sécurisation des parcours et des transitions professionnelles, création d'un Fonds paritaire).
- Un système plus juste qui réduit les inégalités d'accès à la formation au profit des salariés des PME,
des salariés peu qualifiés, des jeunes sortis sans qualification du système scolaire ou des seniors
- Un système centré sur les salariés et les demandeurs d'emplois
- Un système plus efficace de formation professionnelle : amélioration de la qualité des formations,
meilleure coordination des acteurs - État, régions, partenaires sociaux - et réforme du réseau des
OPCA (Organismes Paritaires Collecteurs Agréés)
La loi crée également un droit à l’information et à l’orientation et à la qualification professionnelle afin
de permettre à tout salarié de progresser d’au moins un niveau de qualification au cours de sa vie
25 Efigip Note "Autour des réformes" septembre 2009 26 Accord National Interprofessionnel du 7 janvier 2009 27 Loi relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 parue au JO n° 273 du 25 novembre 2009. 28 Déclaration de Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'Emploi, lors de l'ouverture, au Sénat, de l'examen du projet de loi.
20
professionnelle. 29 30 Outre les grands axes de l’ANI, la loi du 24 novembre 2009 comprend de
nombreuses dispositions introduites par l’Assemblée nationale et le Sénat.
- Organisation de la formation
o Contractualisation État-Régions des Plans Régionaux De Formation (PRDF)
o Renforcement du rôle du Conseil National de Formation Professionnelle tout au long
de la vie (CNFPTLV)
- Financement de la formation, Organismes Paritaires Collecteurs Agréés (OPCA)
o Création du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) qui
remplace le Fonds unique de péréquation (FUP)
o Précision des missions des OPCA, signature d’une convention triennale d’objectif et de
moyens avec l’État, agrément sous condition du montant de la collecte annuelle
- Formation tout au long de la vie
o Création du passeport « orientation-formation »
o Portabilité du DIF
o Possibilité de suivre des formations durant les périodes de chômage partiel
- Accès à la formation des publics prioritaires
o Création de la Préparation opérationnelle à l’emploi (POE) (400 heures) proposée aux
o demandeurs d’emploi par Pôle emploi
o Contrat de professionnalisation de 24 mois pour les publics prioritaires
- Jeunes
o Expérimentation d’un livret de compétences pour les élèves des 1er et second degrés
o Possibilité, pour les apprentis sans contrat de débuter la formation durant 2 mois dans
les CFA volontaires (jusqu’au 31 octobre 2010)
o Possibilité, pour les CFA d’accueillir pendant maximum 1 an des élèves de plus de 15
ans, sous statut scolaire pour une formation en alternance
o Ouverture des écoles de la deuxième chance aux 16-25 ans (au lieu de 18-22 ans)
- Information sur la formation
Création d’un droit à l’orientation et d’un service public de l’orientation
- Afpa
Transfert des conseillers d’orientation de l’Afpa vers Pôle emploi avant avril 2010
Notons que si cette loi spécifie les modalités de gouvernance du système, la ré organisation de son
financement, l’amélioration des dispositifs et le recentrage sur les publics ciblés prioritairement, à
aucun moment elle ne se penche sur l’organisation de l’activité, la qualification des prestataires ou
l’amélioration de l’offre ; ce qui peut sembler paradoxal : l’ensemble du système est remis à plat et
amélioré mais la question de la qualité de ce qui est proposé en son sein et des acteurs qui dispensent
les prestations n’est pas abordée…
29 http://www.minefe.gouv.fr/themes/emploi/projet_loi/formation.htm 10 02 2010 30 Loi relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie n° 2009-1437 du 24 novembre 2009
21
Différents rapports sur la formation professionnelle avaient pourtant émis de nombreuses
recommandations relatives à l’amélioration de l’offre et aux organismes de formation privés. Elles
furent reprises en synthèse dans le « rapport Guegot »31 (nous reviendrons par la suite sur ces
recommandations) :
- Sécuriser l’appareil de formation par :
o des garanties de la solidité financière des organismes sous la forme d'un dépôt obligatoire lors
de la déclaration (Sénat32) ;
o une procédure de labellisation garante des conditions de durée d’activité, des références des
formateurs et indépendante des prestataires de formation et des financeurs (COE) ou une
accréditation par les OPCA, dans la transparence et sur la base d’évaluations objectives et
rendues publiques (IGAS33) ;
o l’introduction d’une part variable de rémunération des organismes formateurs en fonction des
résultats obtenus (COE34).
- Regrouper l’offre existante au sein d’une base de données accessible à tous (COE) et recenser les
pratiques exemplaires (Sénat).
- Mutualiser les moyens de contrôle et d’évaluation de l’appareil de formation existants au sein d'une
autorité indépendante (Sénat).
- Renforcer, dans l'ensemble du système, l'ingénierie et la recherche sur la formation qui reposent trop
exclusivement sur les organismes publics. La capacité des organismes privés de formation à faire de la
recherche et à développer l'ingénierie de la formation pourrait ainsi être un des critères de leur
évaluation par l'autorité indépendante susmentionnée (Sénat).
- Consolider par un soutien à l’investissement et une saine concurrence le développement
d’opérateurs de formation de qualité et certifiés (IGAS).
2.3 Le budget de la formation professionnelle tout au long de la vie
Un éclairage budgétaire permet de situer l’importance actuellement accordée à la formation
professionnelle continue en France. « Avec un total de 25,9 milliards d’euros en 2005, soit l’équivalent
de 1,5 % du PIB, l’effort national de formation professionnelle fait de cette dernière une politique de
première grandeur. /…/ ces sommes ne concernent que la formation professionnelle continue et
l’apprentissage. De leur côté, les dépenses relatives aux lycées professionnels s’élèvent à 8,4 milliards
d’euros. Au total, la formation professionnelle tout au long de la vie, hors enseignement supérieur,
mobilise plus de 34 milliards d’euros, soit l’équivalent de 2 % du PIB. » 35
31 Rapport de la commission des Affaires Culturelles Familiales et Sociales - travaux de la mission sur la formation tout au long de la vie. Présenté par Mme Guégot décembre 2008. 32 « Formation professionnelle : le droit de savoir » – Rapport de M. Bernard Seillier (Sénat, n° 365 – juillet 2007) 33 « Évaluation du service rendu par les organismes collecteurs agréés (OPCA, OPACIF & FAF) » – Rapport de Mme D. Vilchien et de MM. P de Saintignon, P. Dole & J. GUEDJ (Inspection générale des affaires sociales, mars 2008), 34 Conseil d’orientation pour l’emploi sur la formation professionnelle – Travaux (avril 2008), 35 Rapport public sur la Formation Professionnelle Tout au Long de la Vie cour des comptes 2008
22
Les entreprises sont le premier financeur de formation professionnelle dans notre pays (1/3 des
dépenses). L’Etat (28%) et les régions (15%) viennent ensuite. Il est à noter qu’à la suite de
l’orientation prise d’une activation des dépenses de l’assurance chômage en 2001, les ASSEDIC sont
devenues, en quelques années, un financeur important de formation professionnelle avec un effort
total de 1,3 milliards d’euros. Des crédits communautaires sont inclus dans ces financements : 6,9
milliards d’euros pour la période 2000 - 2006, soit environ 1 milliard d’euros par an.
L’attente d’un retour sur investissement rapide et concret est nettement formulée dans le rapport du
Sénat sur la Formation Professionnelle qui pose cette question cruciale et quelque peu polémique :
« Comment passer d’une logique fondée sur la nécessité de dépenser une masse financière disponible à
une logique d’investissement impliquant une obligation de résultats ? ».36
2.4 Le marché de la formation professionnelle tout au long de la vie
Le marché de la formation professionnelle continue en France est un marché libre. Toute personne ou
structure qui souhaite mettre en œuvre des formations pour le compte de tiers est soumise à la seule
déclaration d’activité pour exercer (à ne pas confondre avec un agrément ou un label de l’Etat).
Cette identification des organismes de formation a été prévue par le législateur dès 1971 et concerne
«toute personne physique ou morale de droit privée qui réalise des prestations de formation
professionnelle ». « Ces organismes de formation ne sont pas les « enseignants », mais les entités
identifiées pour leur capacité à contracter la mise en œuvre de ladite formation au travers de contrat
ou de conventions et qui sont responsables, contractuellement, vis-à-vis de leurs clients, et
juridiquement vis-à-vis des règles régissant la formation professionnelle ».37
Des études sur le marché de la formation professionnelles sont régulièrement publiées par la DARES
(Direction de l’Animation de la Recherche, des Etudes et des Statistiques).
La dernière étude sur l’offre de formation a été publiée en octobre 2009 et porte sur les données
recueillies en 2007. 38 Cette étude s’intéresse aux activités de formation professionnelle continue des
organismes d’enseignement et de formation identifiés à l’aide des bilans pédagogiques et financiers
qu’ils sont tenus de renseigner.
Selon cette étude, il ressort qu’en 2007 :
- 56 970 établissements dispensateurs de formation ont renseigné un bilan pédagogique et financier ;
- parmi eux, 48 214 établissements ont effectivement réalisé des actions de formation professionnelle
en 2007 pour un chiffre d’affaires total de 10,3 milliards d’euros, soit 8 % de plus qu’en 2006.
- parmi ces derniers, 14 164 établissements dispensateurs de formation professionnelle continue
exercent leur activité de formation à titre principal. Ils ont réalisé un chiffre d’affaires de 6,4 milliards
d’euros et couvrent 62 % du marché national de la formation professionnelle continue.
36 Rapport d’information du Sénat N° 365, sur le fonctionnement des dispositifs de formation professionnelle par Monsieur Bernard SEILLIER Sénateur, annexe au procès-verbal de la séance du 4 juillet 2007 37 Rapport de la DGEFP : le contrôle de la formation professionnelle en 2005 et 2006 – Délégation Générale à l’Emploi et à la Formation Professionnelle Sous direction des politiques de formation et du contrôle - Mission organisation des contrôles 38 Mainaud T., « L’offre de formation continue en 2007», Premières Synthèses, n° 40-4, Dares Octobre 2009.
23
Le tableau suivant39 indique les activités principales exercées (APE) les plus représentées parmi les
établissements dispensateurs de formation continue.
Si on se limite aux 14 164 établissements dont l’activité principale est la formation, on observe que le
secteur privé est prédominant :
- les organismes privés de formation représentent 94 % des organismes de formation. Ils se
répartissent en trois tiers quasi égaux :
o le privé lucratif (35 % des organismes pour 39 % du chiffre d’affaire total et 39 % des
stagiaires),
o le privé non lucratif (28 % des organismes pour 31 % du chiffre d’affaire total et 33 %
des stagiaires).
o les formateurs individuels (31 % des organismes pour 4 % du chiffre d’affaire total et 9
% des stagiaires).
- le secteur public et parapublic (l’AFPA, l’Education Nationale- dont le CNAM et les GRETA),
représente 6 % des organismes de formation, forme 19 % des stagiaires mais réalise plus du quart du
chiffre d’affaires, 26 % du fait de formations plus longues :
0
5
10
15
20
25
30
35
40
45
Privé lucratif Privé non lucratif
Formateurs individuels
Public & semi public
Nombre d'organismes (%)
Pourcentage du chiffre d'affaire total
Nombre de stagiaires (%)
40 39 Mainaud T., « L’offre de formation continue en 2007», Premières Synthèses, n° 40-4, Dares Octobre 2009. 40 Tableau document de travail C.TROILLET GIRSZYN d’après données issues de : Mainaud T., « L’offre de formation continue en 2007», Premières Synthèses, n° 40-4, Dares Octobre 2009.
24
La dynamique du secteur est principalement portée par le secteur privé. Le nombre d’organismes
privés à but lucratif s’est accru de 10 % entre 2006 et 2007 pour représenter désormais 35 % du total
des organismes.
Par ailleurs, si le nombre d’organismes de formation est élevé, l’offre de formation apparaît très
concentrée :
- les organismes réalisant plus de trois millions d’euros de chiffres d’affaires représentent 2 % des
organismes mais ils réalisent 44 % du chiffre d’affaires du secteur et forment 31 % des stagiaires ;
- à l’autre extrême, les organismes ayant un chiffre d’affaires inférieur à 75 000 euros représentent 50
% des organismes mais ils totalisent 3 % du chiffre d’affaires et accueillent 9 % des stagiaires ;
- enfin, ce sont les organismes les plus anciens qui captent une large part du marché : les organismes
de formation ayant démarré leur activité de formation continue avant 1990 représentent 16 % des
organismes mais accueillent 35 % des stagiaires.
Les achats de formation des entreprises représentent en 2007 la moitié des recettes des organismes,
33 % étant versés directement par les employeurs et 18 % transitant par les organismes paritaires
collecteurs agréés (OPCA).
Les administrations publiques contribuent également à 8 % des revenus du secteur.
41
Les données de la DARES sont les informations reprises dans l’ensemble des rapports et documents
officiels mais elles ne tiennent compte que les prestataires ayant renseigné un bilan pédagogique et
financier. Elles excluent de ce fait de leur analyse les formateurs individuels travaillant en portage
salarial 42 auprès des nombreuses structures proposant ce type « d’hébergement ».
41 Mainaud T., « L’offre de formation continue en 2007», Premières Synthèses, n° 40-4, Dares Octobre 2009. 42 L'article L1251-64 du Code du travail définit le portage salarial comme étant "un ensemble de relations contractuelles organisées entre une entreprise de portage, une personne portée et des entreprises clientes comportant pour la personne portée le régime du salariat et la rémunération de sa prestation chez le client par l'entreprise de portage".
25
En centrant son analyse sur les organismes de formation qui ont la formation comme activité
principale, la DARES exclut également de son analyse les organismes ou prestataires individuels dont la
formation représente une des activités non majoritaire (nombre de structures ou de prestataires
indépendants développent en parallèle de la formation des activités de conseil ou
d’accompagnement). Le paysage des offreurs de formation professionnelle est donc bien plus
diversifié et morcelé que ne le laisse apparaître l’analyse de la DARES.
Il est également intéressant de questionner l’écart entre les 56 970 établissements dispensateurs de
formation ayant renseigné un bilan pédagogique et financier (ce qui signifie qu’ils ont une activité de
formation effective) et le chiffre retenu de 48 214 établissements ayant réalisé des actions de
formation professionnelle. 8 756 organismes sont ainsi écartés de l’analyse de la DARES car ils
dispensent des formations qui n’entrent pas dans le registre de la formation professionnelle tout au
long de la vie tel que défini à l’article Art. L. 6313-1 du Code du travail relatif à la formation
professionnelle tout au long de la vie.
Cet écart semble mettre en évidence qu’un nombre important d’organismes de formation offrent des
prestations en décalage avec les orientations nationales.
La réforme en cours marque la volonté de placer les bénéficiaires au centre des modifications des
dispositifs de formation professionnelle tout au long de la vie, de renforcer le lien formation –emploi,
de simplifier la gouvernance et de clarifier le financement du système.
Le budget consacré et le chiffre d’affaire du marché de la formation professionnelle tout au long de la
vie en font une donnée économique importante au niveau national et signent son statut de priorité.
En revanche, la qualité de l’offre et la qualification ou la professionnalisation des prestataires de
formation professionnelle tout au long de la vie, semblent ne pas avoir été concrètement intégrés
dans le processus de réforme. En dépit des recommandations et propositions émises via les différents
rapports rendus préalablement à la mise en œuvre de la loi du 24 novembre 2009, de nouvelles
mesures permettant d’améliorer la qualité de l’offre, de contrôler l’accès à la profession et de cadrer
l’activité des organismes de formation sont absentes de la nouvelle loi.
« Il est clair que le débat sur ce point n’est pas clos et que, tôt ou tard, il conviendra de le remettre en
chantier sans qu’il soit possible à l’heure actuelle de dire si ce sera pour aller vers un univers davantage
administré ou bien vers une vision plus libérale. » 43
43 Cours Master 2 Pro ICF Université de Rouen droit de la formation professionnelle Monsieur Pierre LE DOUARON 2010
26
3 Professionnels de la formation tout au long de la vie En 1971, Philippe Fritsch écrivait « ce que sont les formateurs, ce qu’ils disent, ce qu’ils font orientent
d’une façon décisive le devenir des institutions de formation »44
Il nous a semblé intéressant de rappeler cette vision du rôle des formateurs tel qu’il était perçu à
l’aube d’une période qui était alors annoncée comme « le temps des formateurs » avant d’aborder
l’actualité de ce groupe professionnel.
3.1 Formateurs-consultants: un kaléidoscope professionnel ?
L’univers des agents de la formation professionnelle tout au long de la vie est volontiers qualifié
« d’opaque », de « foisonnant » voire de « nébuleuse »45 au regard de la multiplicité des types de
structures, de modes d’exercice, de type d’offres proposées en fonction de différents publics.
Au sein de cette «nébuleuse » nous avons choisi de nous intéresser à des prestataires de formation
peu connus et peu reconnus des pouvoirs publics : les formateurs consultants autonomes (ou
indépendants).
En sus de l’intérêt que représente l’étude d’une population peu étudiée et doublement confrontée à la
réforme en cours, ce choix s’explique par notre appartenance à ce type de prestataires, notre mission
à l’ICPF & PSI dans le cadre du Master 2 Ingénierie et Conseil en Formation et notre action syndicale au
sein de la CSFC IDF (Chambre Syndicale des Formateurs Consultants d’Ile de France).
3.1.1 Formateur : un mot pour « N » métiers ? Si « formateur » est le terme générique pour tout acteur de la formation continue, ce mot est loin de
désigner une catégorie homogène et les contours de leur identité professionnelle semblent encore
mal définis.
La définition à minima serait que le formateur est un pédagogue qui forme des jeunes et des adultes et
peut exercer en indépendant ou en tant que salarié d’un centre de formation ou d’une entreprise.
Cette définition ne peut cependant suffire pour qualifier une réalité professionnelle qui se définit
davantage comme un ensemble de « métiers » que comme une appellation unique (à défaut d’être
contrôlée…).
Quelles sont les situations professionnelles et fonctions que recouvrent les métiers de la formation ?
En 1974, Guy Le Boterf et François Viallet 46 identifient cinq modèles de situation professionnelle : le
responsable de formation, le gestionnaire de formation, le spécialiste des moyens pédagogiques,
l’enseignant et le formateur-consultant.
44 FRITSCH P., L’éducation des adultes, Paris, La Haye, Mouton, 1971 45 LIÉTARD B., « Autour de la nébuleuse “acteurs de la formation continue” », Actualité de la formation permanente, n° 103, 1989, p. 90-93. 46 LE BOTERF G., VIALLET F., « Les formateurs sont-ils en situation professionnelle ? », Éducation permanente, n° 25, 1974, p. 63-85.
27
Une dizaine d’années plus tard, Malglaive 47 construit une typologie de fonctions divisée en trois
grands ensembles. Dont le premier, celui des formateurs, regroupe :
- les formateurs-enseignants qui ont une spécialité disciplinaire ou professionnelle et sont dits
«formateurs en… »
- les formateurs en relations humaines (spécialisés dans l’approche psychosociologique)
- les formateurs- animateurs qui connaissent le milieu dans lequel ils interviennent, donnent des
cours, mettent en place des cursus, exercent des fonctions de conseil et d’assistance
technique.
Il identifie deux autres ensembles :
- Les coordonnateurs de formation : ils organisent les actions ou les programmes de formation,
sont en contact avec les formateurs, les stagiaires et les commanditaires, s’occupent de la
gestion administrative et pédagogique.
- les responsables de formation, qui sont chargés de créer, d’animer, d’organiser, de gérer des
structures de formation relativement importantes ; ils ont une fonction stratégique et
politique, ils élaborent les plans de formation, conduisent les concertations nécessaires et
établissent les conventions avec les prestataires.
Dans son rapport sur la Formation des Enseignants et des Formateurs en France, le Centre Inffo
indique que les acteurs de la formation continue remplissent des fonctions très diversifiées, liées à :
- la pédagogie : enseigner une ou plusieurs matières, préparer les contenus de formation,
animer en face-à-face ou à distance, évaluer, construire des ressources éducatives.
- la relation entre le centre de formation et l'entreprise.
- la gestion de la formation : construire un dispositif de formation, construire des partenariats,
réaliser l'ingénierie financière, coordonner les interventions des différents formateurs, assurer
des tâches administratives.
- au conseil, à l'orientation des apprenants, à leur insertion professionnelle.
- au conseil en entreprise.48
Ceux qui exercent leur activité en indépendant doivent en sus développer leur prospection
commerciale et gérer les obligations légales propres à leur activité. Claude-Alain Cardon, dans sa
thèse sur la division sociale du travail de formation 49 remarque que les activités de formation sont
assurées par trois catégories de personnels :
- les « organisateurs politiques/stratégiques » qui définissent les politiques de formation, gèrent
les budgets et les équipes,
- les « organisateurs pédagogiques » qui sont les « contremaîtres de la formation » et assurent
la « traduction du politique en pédagogique »
- les « intervenants pédagogiques » dont la fonction première est le face-à-face pédagogique,
mais aussi l’ensemble de la « chaîne pédagogique » soit la conception des outils, le
recrutement des publics et leur suivi.
47 MALGLAIVE G., La formation et la qualification des agents de la formation continue, Rapport pour le ministère de la Formation professionnelle, multigr., 1983 48 La Formation des Enseignants et des Formateurs en France Rapport réalisé par le Centre INFFO sur la demande du CEDEFOP Juillet 2004 49 CARDON C.-A., Les formateurs d’adultes dans la division du travail, Thèse de sciences de l’éducation, sous la dir. de P. Demunter, Université de Lille 1, 1996.
28
Enfin, sept « emploi-métiers » figurent dans le Répertoire Opérationnel des Métiers et Emplois
(ROME) :
- le Formateur (22211*) « transmet des savoirs ou des savoir-faire à des publics adultes… » ;
- le Conseiller en Formation (22212*) « informe / analyse (les attentes) / évalue / conseille et
participe à la définition d’un itinéraire de formation / oriente… » ;
- le Responsable pédagogique (22213*) « organise / anime / joue un rôle de proposition… » ;
- le Consultant en Formation (22214*) « analyse (les situations) / identifie (les problèmes) / aide
au diagnostic, à la formulation et à la réalisation (des projets)… » ;
- le Concepteur Organisateur en Formation (22215*) ou « Ingénieur » : « conçoit / construit /
développe (les dispositifs) adaptés aux orientations et objectifs à atteindre… » ;
- le Conseiller en Emploi et Insertion professionnelle (23221*) : « aide à résoudre (des
problèmes) à finalité professionnelle / informe, conseille, aide (les personnes) à effectuer
choix et décisions… » ;
- le Responsable de Formation en Entreprise (32122*) : « repère et analyse (les besoins en
formation) en cohérence avec la politique économique et sociale de l’entreprise / conçoit,
construit, négocie (le plan de formation).
-
*Les numéros renvoient aux fiches concernant l'emploi-métier référé.
Les situations professionnelles et fonctions que recouvrent les métiers de la formation sont donc
extrêmement variées et l’appellation de formateur peut désigner des professionnels investis dans un
ou plusieurs de ces métiers. Il n’est donc pas simple de qualifier une réalité professionnelle aussi
multiple et mouvante dans le temps.
3.1.2 Quelle définition du terme « consultant » ? Thierry Ardouin définit le formateur – consultant comme un professionnel qui « intervient de manière
plus ou moins ponctuelle selon son statut (consultant indépendant, conseiller en formation continue,
conseiller bilan, conseiller professionnel) et son organisation de rattachement (cellule audit interne
d'entreprise, cabinet conseil, GRETA, centre de bilan ou de validation des acquis, organisme de
formation). Le formateur-consultant peut aussi être amené à produire différents types d'outils ou
supports pédagogiques (guide pédagogique, cours médiatisés). Le formateur-consultant intervient lui
aussi soit en direction des individus, soit des organisations. ».50
Cette définition du formateur consultant souligne que l’activité de conseil peut être exercée en
indépendant ou en étant rattaché à une entreprise ou à une organisation et recouvrir – comme dans le
cas de la formation- des activités et donc des postures fort différentes les unes des autres .
Sylvain Lacaille et Maëla Paul51
relèvent que le Conseil en Formation tend à comprendre trois
dimensions :
- l’audit (évaluation des éléments de l’environnement de formation dans le but de poser un
diagnostic)
50 Guide pédagogique du Master 2 Ingénierie et Conseil en Formation, Thierry Ardouin 51 Cours Master 2 Pro ICF Cours Conseil et Formation/ Conseil aux personnes Sylvain LACAILLE et Madame Maëla PAUL
29
- le conseil ou la consultance (ordonnance : prescriptions et recommandations) ;
- l’intervention (manière d’opérer).
La fonction de conseil correspond ici à « la mobilisation de connaissances acquises dans une discipline
pour aider des organismes ou des personnes à résoudre des problèmes et à procéder à différents types
de développement. En ce sens, ils se constituent en experts. »52
La distinction faite par Saint Arnaud entre le « consultant » et « l’expert-conseil » est à souligner 53 :
alors que « l’expert-conseil » aide ses interlocuteurs à utiliser leurs propres ressources, l’expertise du
consultant porte davantage sur les processus de changement que sur le contenu des situations.
Quelle que soit la nature des situations ou des tâches « il aborde la situation d’une même façon : en
associant et sollicitant son interlocuteur à tous les niveaux de l’opération, dès l’analyse de la situation,
et en procédant à une mise en problème de celle-ci. » 65
La compétence spécifique du « consultant » repose ainsi sur sa connaissance et son habileté à
construire et gérer des processus. Il est une « personne-ressource », mobilisant les ressources de son
interlocuteur au sein d’une relation de « coopération » 54 face à la situation à faire évoluer.
Le formateur - consultant doit donc situer son intervention dans un dispositif global mettant en lien les
dimensions didactique, pédagogique et l’ingénierie. Son action doit se dérouler dans un contexte bien
repéré. Il peut pour cela mobiliser le référentiel des tâches descriptives d’activités de l’ingénieur de
formation défini par Thierry Ardouin dans le cadre du Master 2 Ingénierie et Conseil en Formation :
- Analyser l’environnement, le contexte, la situation.
- Concevoir, mobiliser et/ou élaborer des dispositifs de formation.
- Animer, négocier et piloter.
- Evaluer et auditer la formation (dispositifs, organisations, actions…)55
3.1.3 Formateurs-consultants autonomes : quelles spécificités ?
L’indépendance – l’autonomie
La première spécificité du formateur consultant autonome est son indépendance, qu’il se définisse
sous les termes de formateur consultant « indépendant », « free lance » ou « autonome », l’idée est la
même : travailler pour soi, sans lien de subordination envers un client ou un employeur et délivrer des
prestations « sur mesure ».
Cette spécificité est fortement revendiquée et constitue une constante commune (peut être la seule) à
l’ensemble de ces prestataires de formation.
« Le métier de formateur-consultant indépendant existe, il a ses spécificités, mais il n’est pas stabilisé et
son périmètre n’est pas arrêté. Nous sommes confrontés à une grande diversité de statuts : des
travailleurs non-salariés, des auto-entrepreneurs, ou en portage salarié, des responsables d’entreprises
52 Cours « Conseil aux personnes », Master 2 Ingénierie et Conseil en Formation Sylvain Lacaille et Maëla Paul 53 ST-ARNAUD, Yves, Profession consultant, Montréal, Les presses de l'Université de Montréal, 1990 54 ST-ARNAUD, 1999, Le Changement Assisté – Compétences pour intervenir en Relations Humaines, Montréal 55 Guide pédagogique du Master 2 Ingénierie et Conseil en Formation, Thierry Ardouin
30
en SA ou SARL, comptant de un à cinq salariés, qui se sentent « noyés » dans les statistiques de la
DARES. La seule constante est le caractère d’indépendant. »56
Le caractère choisi de l’indépendance est important. L’authenticité du choix est parfois à questionner
compte tenu de l’ouverture de la profession, du fait qu’il s’agit le plus souvent d’une deuxième ou
troisième partie de carrière et du profil des « candidats à l’aventure » (de plus en plus de séniors ou
de demandeurs d’emploi orientés vers des activités de conseil et / ou de formation en auto
entrepreneur par les conseillers de l’APEC ou de Pôle Emploi).
« Etre indépendant est bien une posture, c’est‐à‐dire une façon de vivre son métier, si elle résulte ‐
cette précision est essentielle ‐ d’une décision et non d’une contrainte ou d’un choix par défaut. Car
sinon, nous ne vivrions pas notre métier, nous le subirions. »57
A défaut d’être un choix, la position d’indépendant peut malheureusement rejoindre cette définition
de la liberté de Janis Joplin : « Freedom's just another word for nothin' left to lose »58. Notre
connaissance du milieu des formateurs consultants indépendants nous amène à penser que c’est le
cas d’une partie non négligeable des nouveaux arrivants.
La démarche commerciale
Cette seconde spécificité découle de la première : en plus de la maîtrise des compétences propres à la
formation et au conseil, les formateurs consultants autonomes se doivent de commercialiser leur
prestation de service intellectuel. Qu’ils travaillent pour des entreprises, des écoles, des universités,
des associations ou les pouvoirs publics : ils réalisent leur mission dans le cadre d’un contrat
commercial et dépendent de leur capacité à commercialiser eux-même leur offre pour vivre de leur
activité.
L’indispensable compétence commerciale qui découle de ce mode d’exercice ne va pas de soi pour
tous et est plus ou moins acceptée ou maîtrisée selon leur profession d’origine (l’activité de formateur
consultant autonome étant majoritairement une deuxième voire troisième partie de carrière, les bases
de la démarche commerciale ont parfois été acquises à un autre moment de la vie professionnelle cf.
annexe 5). Elle conditionne pourtant la réussite ou l’échec d’une activité qui peut rapidement s’avérer
précaire pour ceux qui ne savent trouver leur place sur le marché.
L’ICPF & PSI propose un cursus de formation certifiant permettant à des consultants débutants ou
confirmés de construire la commercialisation de leur prestations 59. Alors que les formations de
formateur ou de consultant foisonnent, ce type de cursus spécifiquement dédié à la commercialisation
de la prestation de service intellectuel est encore peu répandu à ce jour.
Le SICFOR s’est également penché sur le développement des compétences commerciales des
formateurs consultant en tant que vecteur de lutte contre la précarité de l’activité : « La précarité n’est
pas une fatalité pour le consultant formateur indépendant.
56 Interview de Lionel SOUBEYRAN président du SICFOR dans le Dossier centre Inffo –l’information sur la formation – le paysage syndical de la formation n° 761 1er au 15 février 2010. 57 Lionel Soubeyran, Président du Sicfor, allocution d’ouverture des premières Assises du Consultant formateur indépendant (C-FI) Palais des Congrès de la Villette PARIS juin 2010 58 Janis Joplin « Me And Bobby MC Gee » - Pearl 1971 : « liberté est juste un autre mot pour dire qu’on n’a plus rien à perdre » 59 Cycle Commercialisation des Activités de Consulting Pôle Universitaire Léonard de Vinci http://www.ilv.fr/cs/CAC
31
Entre le prêt à former des offres « catalogue » et la formation industrialisée, voire virtuelle, qui émerge
depuis quelques années, il reste une place pour l’artisan formateur pour autant qu’il soit compétent,
créatif, entreprenant, adaptable et réactif. Encore faut il qu’il sache faire valoir son savoir‐faire et ses
atouts spécifiques auprès de ses clients potentiels. Nous lancerons à l’automne un cursus de formation
à la commercialisation spécifique des prestations du consultant formateur indépendant. Car se
positionner aujourd’hui de façon autonome sur le marché de la formation professionnelle n’autorise
pas l’amateurisme»60 .
En nous référant aux différentes définitions et analyses des fonctions des formateurs consultants
citées dans ce chapitre et suite à nos observations, nous proposons de décrire l’activité de formateur
consultant autonome et la construction de son activité professionnelle en trois « strates » de
compétences :
- les compétences liées à une expertise première qui constitue – au moins dans les premiers
temps de son activité- les bases de ses thèmes d’intervention,
- celles relatives à la formation et à l’activité de conseil qui portent son mode d’intervention
- celles en lien avec la démarche commerciale qui lui permettent de faire acheter ses
prestations et de vivre de son expertise.
A partir d’une expertise première professionnelle, disciplinaire ou contextuelle et/ou d’une approche
psychosociale, le formateur consultant autonome développe ses compétences des métiers de la
formation (analyse, conception, pilotage, animation, évaluation et audit de la formation) et de la
pratique du conseil (co construction avec le client et gestion des processus de changement, transfert
de son expertise), construit sa démarche commerciale et développe le marketing de sa prestation de
service intellectuel.
60 Lionel Soubeyran, Président du Sicfor, allocution d’ouverture des premières Assises du Consultant formateur indépendant (C-FI) Palais des Congrès de la Villette PARIS juin 2010
32
Cette polyvalence indispensable à l’exercice de la formation ou du conseil de façon autonome et à la
viabilité de son activité professionnelle doit être prise en compte dans le cadre d’une démarche de
professionnalisation et peut être schématisé ainsi :
61
La pluralité de parcours, de fonctions et compétences à mettre en action ainsi que l’indépendance
revendiquée ne sont pas sans questionner l’identité professionnelle d’une activité relativement
« jeune » et sociologiquement encore en débat.
61 Schéma document de travail C.TROILLET GIRSZYN 10 03 2010
33
3.1.4 Un recensement difficile
Depuis les années 1980, le nombre de formateurs n’a cessé de croître. Appréhendés par l’INSEE, les
effectifs de formateurs ont été multipliés par quatre entre 1983 et 2002. Lors recensement de 1999, si
l’on inclut les cadres de la formation, 130 000 personnes ont été ainsi comptabilisées comme agents
de la formation.62
Pour avoir une vision plus juste des effectifs, il est important de distinguer les formateurs dont c'est
l'activité principale, et les formateurs occasionnels, qui exercent une activité à temps partiel dans
l'entreprise ou dans les organismes de formation.
Dans une étude publiée en 2004, le Centre Inffo estimait le nombre des formateurs occasionnels à plus
d’un million et à 100 000, les personnes qui exercent ce métier comme activité principale.63
Selon la DARES, les formateurs individuels représentent 31 % des organismes de formation, ils
réalisent 4 % du chiffre d’affaire total du marché de la formation professionnelle et forment 9 % des
stagiaires64. Rappelons que ces données ne prennent pas en compte l’ensemble des formateurs
individuels et sont loin de représenter la réalité des effectifs : ceux qui exercent en portage salarial en
sont exclus, ceux –très nombreux- dont la formation est déclarée en tant qu’activité associée à du
conseil ou à du coaching, ceux dont les prestations n’entrent pas dans les catégories reconnues dans le
cadre de la formation professionnelle tout au long de la vie et, pour finir, les formateurs individuels qui
ont « omis » de transmettre leur bilan pédagogique.
Selon Lionel Soubeyran, Président du Sicfor « Avec nos confrères exerçant en micro entreprises et ceux
s’appuyant sur le portage salarial, nous estimons être entre 15 000 et 20 000 professionnels actifs à
nous revendiquer « consultant formateur indépendants »65
La réalité des effectifs des formateurs consultants indépendants est de toute évidence fort difficile à
cerner précisément. Compte tenu de la facilité de création de l’activité via la déclaration d’activité et
de l’essor de l’auto entreprenariat dans ce champ professionnel, les effectifs sont en constante
progression et les personnes qui se revendiquent de ce statut ont des profils et des compétences
extrêmement variés.
Si la croissance numérique apparaît comme une réussite et impose une reconnaissance de l’existence
du groupe professionnel, elle soulève à son tour le problème de son unité66 et de sa « nébulosité ».
La difficulté de recenser les effectifs réels révèle à elle seule le flou qui entoure cette profession.
62 « Les métiers de la formation », Emmanuel de Lescure et Cédric Frétigné (dir.) Presses universitaires de Rennes, 2010, pur-editions.fr 63 La Formation des Enseignants et des Formateurs en France Rapport réalisé par le Centre INFFO sur la demande du CEDEFOP Juillet 2004 64 Mainaud T., « L’offre de formation continue en 2007», Premières Synthèses, n° 40-4, Dares Octobre 2009. 65 Lionel Soubeyran, Président du Sicfor, allocution d’ouverture des premières Assises du Consultant formateur indépendant (C-FI) Palais des Congrès de la Villette PARIS juin 2010 66 « Les métiers de la formation », Emmanuel de Lescure et Cédric Frétigné (dir.) Presses universitaires de Rennes, 2010, pur-editions.fr
34
3.2 Quels sont leurs clients et leurs offres ?
Les clients
Nous ne disposons que de peu de données précises pour définir avec justesse le positionnement des
formateurs consultants autonomes sur le marché de la formation professionnelle tout au long de la
vie. Une enquête prospective du SICFOR conduite de juin à octobre 2008 sur les principaux
changements, les facteurs d’évolution et les sources de satisfaction dans l’activité professionnelle et
portant sur 72 formateurs consultants autonomes servira donc de base d’analyse.
Cette enquête fait ressortir que les principaux clients des formateurs consultants autonomes sont des
structures privées (organismes de formation privés 19 %, PME 18 %, grandes entreprises 23 %).
0
5
10
15
20
25
principaux clients
67
L’étude du SICFOR relève différents changements influant sur l’activité des formateurs consultants :
- La volatilité des clients et leur niveau d’exigence plus élevé
- L’érosion du marché traditionnel de la formation
- La réduction de la durée des formations
- Le développement de l’individualisation, du coaching, de l’accompagnement
- Une concurrence plus vive sur un marché en mutation.
- La rationalisation des processus d’achat de formation
- Des opportunités liées au développement du DIF, de la VAE, des TIC
- La réorientation des financements
67 Graphique : document de travail C.TROILLET d’après l’enquête prospective du SICFOR de juin à octobre 2008 sur Les principaux changements, les facteurs d’évolution et les sources de satisfaction dans l’activité professionnelle.
35
Ces points de changement ont été encore amplifiés par la crise économique et la réforme de la
formation professionnelle tout au long de la vie fragilisant et précarisant encore davantage les
formateurs consultants autonomes : « La première conséquence de la Réforme de la Formation
Professionnelle que nous constatons à ce jour est la suppression d’un très grand nombre de stage des
plans de formation des entreprises. Ils ne sont quasiment plus financés par les OPCA. C’est un séisme
économique pour les consultants formateurs indépendants, y compris les plus expérimentés et les
mieux implantés d’entre eux.
La crise a « amplifié les effets de la fragilité structurelle de notre profession / … / la précarité reste une
réalité pour nombre de consœurs et confrères. Nos clients, chacun le comprendra, prirent des mesures
pour assurer leur propre sauvegarde. Nous n’avons pas échappé à une forte pression sur les tarifs,
notamment de sous‐traitance, quand les budgets ne furent pas supprimés ».68
Les offres
L’enquête du SICFOR met en lumière que les prestations proposées sont largement centrées sur des
actions qui ne relèvent pas directement de la formation professionnelle tout au long de la vie telle
qu’elle est entendue en France. Nombre de ces prestations sont davantage en lien avec la définition
européenne de la formation tout au long de la vie.
Les places occupées par des prestations relatives à la communication et l’expression orale (48 %), la
gestion de conflit (38 %) ou encore l’efficacité personnelle et la gestion du stress (17 %)69 sont
significatives de ce positionnement décalé par rapport à la définition française des actions de
formation professionnelle tout au long de la vie.
Voir à ce sujet l’article L 6313 – 1 du code du travail en annexe 6 ou encore la circulaire DGEFP n°
2006/35 du 14 novembre 2006 qui définit (page 21) comme "actions non professionnalisantes" : "... le
soin thérapeutique ou le bien-être personnel ne peuvent pas être considérés comme entrant dans le
champ de la formation professionnelle" elle précise également que "les actions d'accompagnement,
coaching, tutorat doivent être considérées comme des actions de conseil" et sont donc soumises à la
TVA.70
68 Lionel Soubeyran, Président du Sicfor, allocution d’ouverture des premières Assises du Consultant formateur indépendant (C-FI) Palais des Congrès de la Villette PARIS juin 2010 69 Enquête prospective du SICFOR de juin à octobre 2008 sur Les principaux changements, les facteurs d’évolution et les sources de satisfaction dans l’activité professionnelle. 70 Circulaire DGEFP n° 2006/35 du 14 novembre 2006
36
Principaux domaines d’intervention en formation (plusieurs réponses possibles)71 :
0
10
20
30
40
50
60
70
80
Principaux domaines d’intervention en formation ( plusieurs réponses possibles )
management
conduite de projet
gestion de conflits
communication expression orale
accueil
médiation
communication non violente
écrits professionnels
bureautique
efficacité personnelle gest° stress
comptabilité gestion
langues
sécurité
formation de formateurs
formation de tuteurs
construction de référentiels
évaluation
autres
71 Enquête prospective du SICFOR de juin à octobre 2008 sur Les principaux changements, les facteurs d’évolution et les sources de satisfaction dans l’activité professionnelle.
37
3.3 Formateurs-consultants autonomes : la question de l’identité
professionnelle
Patrick Gravé, distingue plusieurs types de formateurs (les formateurs-insertion, les formateurs-
animateurs, les formateurs techniques et les formateurs consultants) et conclu à l’absence de
sentiment collectif et insiste sur le caractère « indécidable » de leur identité.72
Qu’elles s’attachent au processus de construction identitaire dans des dispositifs de formation des
formateurs ou qu’elles enquêtent auprès de formateurs en exercice, les recherches d’autres
psychosociologues confirment ce constat.
Il ne semble donc pas exister d’identité professionnelle unique pour les formateurs d’adultes au sens
large du terme.
Au-delà de l’hétérogénéité des métiers de la formation, une des causes de cette absence d’identité
professionnelle unique peut être liée à l’aspect atypique des parcours professionnels des formateurs.
Le chemin qui mène à ces métiers se construit tout au long de la vie professionnelle : bien des enfants
rêvent de devenir « maîtresse » ou « prof de … », en avez-vous déjà entendu dire dans la cour de
récréation vouloir devenir « formateur » ? Il s’agit le plus souvent d’un choix de carrière –voire d’une
vocation- qui émerge des expériences professionnelles.
Jacqueline Monbaron a également porté ses recherches autour de la compréhension de l'identité
complexe et composite des formateurs et formatrices d'adultes73. S’appuyant sur les différentes
recherches menées sur cette thématique 74 elle conclu que « les contours de leur profession est difficile
à fixer et leur parcours s’illustre par une «atypie persistante ».
L'analyse de leurs itinéraires, menée notamment à travers une approche biographique, montre « qu’à
chaque personne observée correspond un parcours original, dont une constante est l’apprentissage et
la pratique d’un premier métier parfois sans lien direct avec la formation, puis l’entrée souvent
progressive dans des activités de formation, d’accompagnement et d’enseignement auprès d’adultes.
Un tel parcours est enrichi par de nombreuses formations, souvent longues et certifiantes.»
L’identité professionnelle ne peut donc se bâtir à partir d’un parcours commun.
Ces analyses et ces constats portent sur les formateurs d’adultes en général mais s’appliquent
également aux formateurs consultants autonomes. Nous proposons, en annexe 5, cinq cas (pris au
hasard sur le réseau professionnel VIADEO sélection par mot clé : « Formateur consultant ») à des fins
d’illustration concrète.
72 Gravé, P. (2002). Formateurs et identités. Paris: PUF. 73 Monbaron, J. (2004) Les formateurs d'adultes: une identité composite. Apport à une définition de l'identité professionnelle des formateurs d'adultes à la lumière de leur itinéraire institutionnel. Thèse de doctorat. Université de Genève. Monbaron, J. (2005) A propos de la lucidité des acteurs en recherche-formation. Revue des sciences de l’éducation no 31/2. Montréal. pp. 355-376. Monbaron, J. (2007) La compétence biographique des formatrices et des formateurs d'adultes comme soutien aux transitions de l'existence. Revue francophone internationale Carriérologie 74 Boussyères, P. (1997). Les formateurs: représentations et identités professionnelles. Revue Education permanente, no 132, pp. 83-95. Caspar, P. & Vonderscher M.-J. (1986). Profession: responsable de formation. Paris: Les éditions d'organisation. De Witte, S. (1985). Essai de typologie des métiers de la formation. Actualité de la formation, no 95, pp.75-83. Dominicé, P. (1990). Une profession dont il faut sauver le métier. In C. Josso, H. Bausch, P. Gravé, P. (2002). Formateurs et identités. Paris: PUF. Jobert, G. (1989). La professionnalisation des formateurs. Approche sociologique. Actualité de la formation permanente, no 103, pp. 25-28. Liétard, B. (1992). La formation change, les formateurs aussi. Actualité de la formation permanente Centre Inffo, Paris, no 117, pp. 41-45.
38
Si l’identité professionnelle des formateurs consultants n’est pas plus aisée à définir que celle des
autres formateurs d’adultes, elle n’en est pas moins au cœur des préoccupations de ce groupe
professionnel.
Selon Patrick Gravé, « Les formateurs consultants et concepteurs de projets se trouvent /… / dans une
logique de revendication de leur professionnalité, porteuse de leur identité professionnelle et mise à
mal dans leur contexte d'exercice. Ils sont contraints à un investissement fort sur le plan personnel, à la
mesure des doutes que font peser les financeurs (publics ou privés) sur le bien-fondé et l'utilité de leurs
prescriptions, qu'il s'agisse d'audits ou de programmes de formations ». Cette logique est caractérisée
« par un ancrage identitaire fort dans la formation continue, lié à une socialisation professionnelle
ancienne dans ce secteur ». 75
Le thème de l’identité professionnelle fut largement abordé et débattu lors des premières assises des
formateurs consultants indépendants organisées par le SICFOR et la FCF à Paris le 9 juin 2010. Voici, à
titre d’illustration, les propos de Lionel Soubeyran à ce sujet : « Il reste à clarifier comment se structure
cette identité professionnelle qui nous rassemble aujourd’hui et sur quoi se fonde cette légitimité
d’acteur autonome de la Formation Professionnelle que nous revendiquons. »
« Clarifier l’identité professionnelle du Consultant Formateur indépendant est un vaste chantier que
nous avons à peine effleuré. C’est désormais une priorité pour continuer le travail de structuration de
notre métier en profession ».
« Il nous reste à tracer à grands traits les contours d'une profession qui, jusqu'à présent, a eu bien des
difficultés à parler d'elle‐même et qui doit désormais se stabiliser et faire valoir ses atouts, si elle veut
exister à sa juste place dans le marché de la formation professionnelle.
Notre métier souffre d’un immense déficit d’image. C’est notamment vrai aux yeux des entreprises qui
ne pensent pas toujours à solliciter notre expertise sur des problématiques pour lesquelles nous serions
parfois les plus compétents, et la plupart du temps les plus réactifs.
Mais commençons par balayer devant notre porte. Les représentations du métier par ceux‐là mêmes
qui l’exercent apparaissent multiples. Nous nous présentons comme consultants, ou formateurs, ou
consultants-formateurs, ou formateurs-consultants, ou consultants en formation !… et la liste n’est pas
limitative. »
Quatre raisons de ce foisonnement sont identifiées au cours de l’allocution de Lionel Soubeyran : ‐ Ce métier est souvent une deuxième, voire une troisième partie de carrière, - Les formateurs consultants autonomes viennent d’horizons extrêmement divers, porteurs
d’expériences professionnelles variées. - Ils entrent dans l’activité soit par l’expertise du formateur, soit par celle du consultant (ce qui
influence leur représentation du métier et leur style d’exercice) - Leurs champs d’interventions, tout comme leurs approches et outils pédagogiques couvrent
un très large spectre.
Des travaux associant les syndicats et des chercheurs en sciences sociales sont en cours : « nous avons
débuté le travail sur notre identité professionnelle et de ses frontières avec des métiers connexes. Des
75 GRAVE P, l’identité professionnelle des formateurs - Article de la rubrique « Former, se former, se transformer » Hors-série N° 40 - Mars/Avril/Mai 2003 Former, se former, se transformer
39
sociologues de l’Université de Lille-I nous accompagnent sur ces réflexions. L’objectif est la publication
en 2011 d’un ouvrage intitulé Profession formateur-consultant. »76
L’importance de clarifier leur identité professionnelle est donc bien identifiée par les formateurs
consultants et les enjeux sont notamment posés en terme de professionnalisation ainsi que de
reconnaissance de l’activité par les pouvoirs publics, les clients et au regard du groupe professionnel
des métiers de la formation.
Nous relevons le fait que de nombreux travaux ont déjà été entrepris autour de l’identité
professionnelle des formateurs d’adultes sans pour autant mener à l’émergence d’une identité
professionnelle définie.
Qu’en sera-t-il pour celle des formateurs consultants ? Est-il possible de construire une identité
professionnelle autour de cette activité ?
Ces questions, sur lesquelles nous reviendrons dans le cadre de l’exploration de ce concept, posent
celle de la professionnalisation d’une activité et d’individus dont l’identité professionnelle semble ne
pas être encore définie à ce jour.
3.4 Etat des lieux de la reconnaissance de leur activité
Il n'existe pas, en France, de réglementation nationale régissant le statut de formateur ou des autres
acteurs privés de la formation, dont les formateurs consultants.
A l’exception de l’AFPA, il n’y a, à la différence des enseignants, aucun programme de formation
initiale ou continue obligatoire pour les formateurs (cf. Annexe 7). Cela ne signifie pas bien sûr qu’il
n’existe pas de dispositifs de formation ou de reconnaissance à destination de ces agents de la
formation.
Précisions qu’il existe trois types de reconnaissance de l’activité : - Première partie : auto proclamation, l’organisme ou la personne se déclare lui-même compétent et conforme. C’est aujourd’hui le cas de la presque totalité des formateurs - Seconde partie : la certification est attribuée par un organisme partie prenante de la démarche : un
client certifie son fournisseur, un syndicat les professionnels qu’il représente, c’est le cas par exemple
du titre de Formateur-Consultant créé dans les années 1990 par la Chambre Syndicale des Formateurs
Consultants ou du «CQP de consultant-formateur de niveau 2» créé par la FFP (syndicat des cabinets
de formation).77
- Tierce partie : la certification est délivrée par un organisme indépendant des acteurs, c’est le cas de l’ISO 9000, ISQ, les diplômes ou des certifications de l’ICPF&PSI78.
76 Interview de Lionel SOUBEYRAN président du SICFOR dans le Dossier centre Inffo –l’information sur la formation – le paysage syndical de la formation n° 761 1er au 15 février 2010. 77 Quotidien de la Formation, 1er juin 2007 78 Institut de Certification des Professionnels de la Formation et de la Prestation de Service Intellectuel http://www.certif-icpf.org
40
3.4.1 Quid de leur formation ?
« La formation constitue un marché important. L'offre de formation aux métiers de la formation, est de
toute nature ; 1500 organismes de formation déclarent une offre de formation pour les acteurs de la
formation, professionnels ou occasionnels (dont les tuteurs en entreprise). Cette offre comprend des
formations courtes et longues (de 12 h à 3420 h), diplômantes et non diplômantes, avec une
prédominance de stages de courte durée.
267 diplômes universitaires préparant aux métiers de la formation ont été recensés ». 79
La formation des formateurs peut être le fait de réseaux nationaux :
- Formation pédagogique des personnels de l'AFPA
- Formation pédagogique des personnels de l'Education nationale travaillant pour la formation des
adultes : les CAFOC.
- Les Universités organisent des formations conduisant à des diplômes préparant aux métiers de la
formation, dans les facultés de sciences humaines (sciences de l'éducation, psychologie) et de sciences
sociales (sociologie).
- Le CUEEP de Lille (Centre Université – Economie d'Education Permanente).
- le CNAM
Il existe également de nombreuses formations organisées par des organismes de formation privés de
type, durée et qualité fort divers.
Dans l’ouvrage coordonné par Dominique Fablet « La formation des formateurs d'adultes », la
professionnalisation des acteurs de la formation est abordée via les positionnements révélés par les
différents types d’offre de formation à destination des formateurs : “une offre de formation
florissante, hétérogène, destinée à toutes les catégories d’acteurs de la formation : formateurs,
animateurs, mais aussi responsables de formation, conseillers, tuteurs en entreprise”80 . Ces formations
sont réparties entre des modules de un à cinq jours (largement majoritaires) destinés aux non
professionnels de la formation qui “veulent ou doivent élargir leurs compétences mais ne se situent pas
dans une dynamique de changement de métier” et des formations longues (de 300 à 1660 heures)
qualifiantes non diplômantes ou diplômantes généralement inaccessibles à des non initiés.
Ces deux modalités semblent correspondre à deux perceptions de l’activité de formation et / ou de
conseil :
- la formation-fonction : en ce cas, “une formation courte suffit à “outiller” quelqu’un qui fera
ensuite ses armes sur le terrain »,
- la formation-profession pour laquelle « Une formation longue est indispensable à une réflexion
sur le rôle des acteurs de la formation dans la société car tout formateur est un agent de
transformation de la réalité sociale ; de plus elle doit être qualifiante ou diplômante car elle
79 La Formation des Enseignants et des Formateurs en France Rapport réalisé par le Centre INFFO sur la demande du CEDEFOP Juillet 2004 80 FABLET D., La formation des formateurs d'adultes Paris Savoir et Formation, l’Harmattan, 2001
41
participe à la construction d’une identité professionnelle et à la reconnaissance sociale des
acteurs de la formation.”
Les formations et les diplômes ne manquent donc pas (au point que nombre de candidats à une
formation de formateur ne savent à quel saint se vouer pour choisir le cursus qui correspond à leur
projet professionnel).
Si le développement de l’activité de conseil associée à la formation est plus récent, les offres de
formation, de diplômes et de certification sont là aussi nombreuses.
En l’absence de parcours de formation obligatoire, la cooptation, la reconnaissance des compétences,
de l’expérience et de l’expertise sont capitales pour assurer l’activité des formateurs consultants et
renforcer l’identité professionnelle des individus par la reconnaissance de compétences, savoir et
savoir-faire fréquemment issus d’apprentissages biographiques.
Nombre de formateurs consultants autonomes ont ainsi volontairement entrepris de se former et,
pour certains, d’obtenir une certification de tierce partie attestant de leur expertise ou d’engager leur
structure (même uni personnelle) dans une démarche qualité.
3.4.2 Normes et dispositifs de labellisation ou de certification
appliqués dans le champ de la formation professionnelle 81 82 83
La labellisation, la certification des prestataires (organismes de formation et prestataires autonomes)
et le développement de la démarche qualité dans les processus d’élaboration des prestations sont-ils
possibles via les certifications, normes et labels existants actuellement dans le champ de la formation ?
Les démarches qualité en tant « qu’ensemble des caractéristiques d’une entité qui lui confère l’aptitude
à satisfaire des besoins exprimés ou implicites" sont apparues dans le monde de la formation à la fin
des années 80. L’objectif est de satisfaire les clients de la formation, à savoir les financeurs et
prescripteurs, mais aussi les usagers.
En l'absence de réglementation nationale relative à la qualité, les démarches qualité ont été
volontairement engagées par les professionnels de la formation à partir de 1990 la plupart du temps
afin de répondre aux exigences des acheteurs eux-mêmes en démarche qualité.
Dressons ici un bref état des lieux des dispositifs utilisés afin de répondre à la question de leur
adéquation avec les recommandations émises depuis plus de dix ans dans les différents rapports qui
ont alimenté la réforme du système de formation professionnelle tout au long de la vie.
81 ARDOUIN T., cours Ingénierie de la formation Master 2 Pro Ingénierie et conseil en formation université de Rouen 2010 82 Rapport du groupe de Travail sur la qualité de l'offre et de l'achat de formation - Mme C.Duda Présidente de l’ANDRH, décembre 2008 83Eclairage CREFOR 9 novembre 2008 – la qualité de l’offre de formation
42
Les normes : ISO et NF
Il existe deux sortes de normes de la qualité en formation, différentes par leur finalité et leur forme :
celles du type NF, normes françaises élaborées par l’AFNOR, et les normes ISO. L’AFNOR (Association
Française de NORmalisation) élabore des normes à la demande des branches professionnelles et
certifie de la marque « NF » les organisations respectant les exigences de ces normes.
A ce jour, plusieurs normes AFNOR et fascicules de documentation sont homologués : - La norme de terminologie (NF X 50-750) et le fascicule de documentation (FD X 50-751)
développent un langage commun entre les acteurs de la formation - La norme d’aide sur la méthode d’élaboration de projets de formation (NF X 50-755) permet
de conduire correctement la phase de préparation à l’expression de la demande, en complément de la norme sur le cahier des charges de la demande.
- La norme sur le cahier des charges de la demande de formation (NF X 50-756) aide les entreprises dans l’expression de leur demande de formation via un cahier des charges.
- La norme sur les informations relatives à l’offre de formation (NF X 50-760) définit les informations que l’organisme de formation doit fournir à ses clients.
- La norme "Formation professionnelle - Organisme de formation - Service et prestation de service" (NF X 50-761) examine les caractéristiques du service fourni par l’organisme de formation et les moyens nécessaires à la réalisation de ce service.
- Le Fascicule de documentation "Management de la qualité - Lignes directrices pour la formation" (FD X 50-757) est destiné à aider les organismes et leur personnel à identifier et analyser leurs besoins de formation, à concevoir, planifier, réaliser la formation, à en évaluer les résultats, ainsi qu'à piloter et améliorer le processus de formation afin d'en réaliser les objectifs.
- Le Fascicule de documentation "Formation professionnelle – Formation en alternance (FD X 50-758) présente les normes de la formation professionnelle pour en faciliter l’utilisation dans le cas des formations en alternance.
Actuellement, il existe une seule norme ISO 9001, intitulée "système de management de la qualité -
exigences", adaptée aux services et notamment aux organismes de formation.
Elle se définit comme "le modèle pour l’assurance de la qualité en conception, développement,
production, installation et soutien après la vente". L’organisme qui décide d’adopter l’ISO 9001
demande à un organisme certificateur, de vérifier sa conformité avec les 20 exigences de procédure
interne que présente la norme. Elles concernent notamment la procédure de contrat, la procédure de
conception du stage, les achats, le contrôle final et l’identification des besoins.
Les certifications
La certification est une procédure par laquelle un organisme tierce partie atteste, par le biais d’un
audit, qu’un produit, un système de management de la qualité ou un service est conforme aux
exigences spécifiées dans un référentiel.
L'un des principaux organismes certificateurs des normes ISO 9000 pour la France est l'AFAQ AFNOR
qui délivre 75 % des certifications ISO 9000. L'AFAQ AFNOR Certification peut délivrer une certification
NF Service aux organismes de formation qui en font la demande, sur la base des normes NFX 50-761 et
NFX 50-760.
La certification professionnelle FFP est un outil qualité au service des adhérents de la Fédération de la
Formation Professionnelle qui en a confié la mise en œuvre à l'OPQF. L’OPQF est ainsi chargé de
vérifier la conformité des référentiels de formation des organismes souhaitant mettre en place des
43
certificats professionnels. Il habilite, ou non, ces organismes de formation à délivrer le Certificat
professionnel FFP qui atteste de la maîtrise d'une fonction, d'une activité ou d'un métier.
Les labels
Un label est un signe distinctif relatif à la qualification de produit et de service. Il existe plusieurs labels
dans le champ de la formation destinés à différents acteurs :
- Pour les formateurs et consultants : le label ICPF & PSI délivré par l’Institut de Certification des
Professionnels de la Formation et Prestataires de Service Intellectuel (ICPF & PSI). Il s’agit
d’une certification destinée aux professionnels (personnes physiques) qui en font la demande,
après examen du dossier et entretiens réalisés par des auditeurs qualifiés.
- Pour les organismes de formation privés : Le label OPQF destiné aux organismes de Formation
Professionnelle continue en reconnaissance de leur professionnalisme. Il est reconnu par
l'état (DGEFP), associé à ces instances depuis 1994.
- Pour les organismes de formation publics ou semi public : le label Greta Plus attribué au Greta
en conformité avec la norme qualité Éducation nationale en formation d'adultes. L'originalité
de cette norme est de mettre le service "sur mesure" au cœur des exigences du Greta.
Il existe donc un appareil normatif et des procédures de certification et de labellisation adapté à
l’ensemble des prestataires de formation professionnelle et aux recommandations d’améliorations
proposées dans les différents rapports étudiés.
Petite parenthèse vers une ouverture européenne …
Depuis l’agenda de Lisbonne, des politiques européennes plus actives se développent, la formation professionnelle rentre dans le champ de la coordination et des outils de coordination se développent, dont le Cadre Européen de Certification (CEC). Bien que fondé sur le pur volontariat, se présentant comme un outil souple pour la construction d’une confiance mutuelle, le CEC peut influencer, à terme, la conception et la structure des certifications nationales. Adopté par le parlement européen en 2008, le Cadre européen des certifications (CEC) se présente comme un « méta-cadre », censé créer à la fois un langage commun et des références communes entre les certifications des différents pays membres de l’Union européenne. Sa vocation à dépasser les frontières entre formation professionnelle et éducation générale traduit le mouvement engagé dans la plupart des pays européens vers l’élévation des niveaux de formation, vers la poursuite d’études dans un enseignement supérieur qui se professionnalise. Mais il traduit aussi l’un des axes souvent réaffirmé des politiques européennes, celui de la « parité d’estime » entre enseignement général et formation professionnelle. Le CEC entend couvrir sans distinction les certifications en « formation initiale » et en « formation continue » et, se fondant sur les acquis de l’apprentissage, des certifications qui pourraient sanctionner des acquisitions via l’éducation « formelle », «informelle » et « non formelle » 84. Les difficultés de mise en œuvre du CEC sont certaines et font qu’il est loin d’être déjà d’actualité mais la logique qui l’anime peut cependant représenter à terme une voie de certification pour les prestataires de formation dont les compétences relèvent de formations professionnelles et d’apprentissages expérientiels.
84 MEHAUT P. et WINCH C., « Le cadre européen des certifications : quelles stratégies nationales d’adaptation ? », Formation emploi, 108 | octobre-décembre 2009 http://formationemploi.revues.org/index2115.html
44
3.5 Les prestataires de formation et la qualité de l’offre : les grands absents de la réforme ?
Quid de « l’interface » entre la réforme de la formation professionnelle tout au long de la vie et la
population que nous avons choisie d’étudier ? En dépit du nombre de prestataires de formation
(organismes ou formateurs autonomes) existants dans notre pays et de l’importance que devrait
revêtir la qualité de leurs offres au regard des enjeux assignés à la formation professionnelle, ils
n’apparaissent que de façon très anecdotique dans les axes de réforme mis en œuvre tant au cours
des dernières années que dans la loi du 24 novembre 2009.
3.5.1 Au fil des rapports : constats et propositions d’amélioration Ainsi que nous l’avons vu précédemment, le système de formation professionnelle dans son ensemble
a été analysé selon différentes approches dans de nombreux rapports établis soit :
- dans le cadre du bilan de la loi du 4 mai 2004 (les rapports Carle-Sellier et Cahuc – Zylberberg
par exemple)
- afin de poser le processus de refonte du système (les rapports Ferracci et Guegot),
- dans le cadre des axes de travail fixés afin de préparer l’ANI du 7 janvier 2009 et de la loi du 24
novembre 2009 (le rapport Duda par exemple).
La plupart de ces rapports ont évoqué l’amélioration de la qualité et de la visibilité de l’offre ainsi que
l’encadrement des organismes de formation et la labellisation des personnes morales ou physiques,
des propositions ont été faites en ce sens. Nous en présentons ici une revue qui –sans être exhaustive-
se veut cependant assez détaillée.
Exemples de rapports établis dans le cadre du bilan de la loi du 4 mai 2004
La formation professionnelle des adultes : un système à la dérive, Pierre Cahuc et André Zylberberg juillet 2006 : « La qualité des prestations fournies par les organismes de formation professionnelle est difficile à évaluer par les entreprises et les salariés qui ne disposent que d’une information parcellaire dans ce domaine. L’information sur la qualité des formations peut être améliorée grâce à la procédure de certification.» Exemple d’organisme certificateur cité : « l’Office professionnel de qualification des organismes de formation (OPQF) /… / délivre le label OPQF aux organismes de formation s’engageant à respecter un code de conduite incluant des conditions d’honnêteté, d’indépendance et de rigueur professionnelle.»85
Rapport d’information fait au nom de la mission commune d’information sur le fonctionnement des dispositifs de formation professionnelle, par Messieurs Carle (président de la mission) et Sellier (rapporteur), sénateurs, juillet 2007 : L’évaluation du professionnalisme des organismes de formation est un critère essentiel pour « garantir la qualité des prestations auprès des stagiaires, des financeurs et des entreprises. /… / le point-clé réside dans la qualité des personnes en charge de la formation et de la relation entre les formateurs et les personnes formées, cette fonction permettant d’arriver à une « co-construction » de la prestation. »86
85 La formation professionnelle des adultes : un système à la dérive Pierre Cahuc et André Zylberberg 10 juillet 2006 86 Rapport d’information fait au nom de la mission commune d’information sur le fonctionnement des dispositifs de formation professionnelle, par Messieurs CARLE (président de la mission) et SELLIER(rapporteur), sénateurs, juillet 2007
45
Rapports établis pour poser les bases du processus de refonte du système
Groupe Multipartite sur la Formation Professionnelle présidé par Monsieur Pierre Ferracci en juillet 2008 : l’amélioration de la qualité de l’offre de formation est un des huit axes de réforme identifié par ce groupe de travail. Il convient avant tout« d’améliorer qualitativement l’offre avant même de proposer une réduction quantitative (regroupements). L’amélioration de l’offre de formation passe/… / par un renforcement des liens entre le prescripteur, l’acheteur et le fournisseur de l’offre, pour que cette offre soit en permanence en adéquation avec les besoins de l’acheteur» Quatre hypothèses d’évolution avaient été proposées par le groupe multipartite :
- Mettre en place des procédures d’évaluation et de labellisation de l’offre de formation - Privilégier un arbitrage qualité / prix dans l’achat de formation par les acteurs publics - Réguler les rapports offre / demande par le marché : responsabiliser les entreprises dans la
définition du contenu des formations, le libre choix des organismes de formation et des OPCA - Réguler par le contrôle, l’évaluation et la labellisation via des instances administratives,
paritaires ou expertes qui définissent les normes de l’exercice de la profession et les modalités
de leur évaluation.87
Le rapport rendu en décembre 2008 par la mission sur la formation tout au long de la vie présidé par Mme Guégot dénonce une offre de formation « opaque et de qualité variable » : «… on peut regretter que l’encadrement des activités soit insuffisant, faute d’un système d’agrément des organismes et d’une réglementation concernant le statut des formateurs. Ni les procédures actuelles d’achat de formation ni la loi de l’offre et de la demande ne permettent de corriger ces lacunes. » Il relève de nombreux points de blocages en lien avec les organismes de formation ou les formateurs :
- la création des organismes de formation n’est pas suffisamment encadrée : « la faiblesse des obligations réglementaires applicables aux organismes de formation professionnelle est avérée : aucun agrément n’est nécessaire à l’exercice de cette activité.»
- le contrôle de qualité des formateurs reste formel : « Un contrôle de la qualité des prestataires a été introduit par la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale, selon laquelle : « les personnes physiques ou morales [qui réalisent les prestations de formation] doivent justifier des titres et qualités des personnels d’enseignement et d’encadrement qu’elles emploient et de la relation entre ces titres et qualités et les prestations réalisées », mais la loi ne précise pas la nature de ces titres et qualités, ce qui prive cette disposition de toute effectivité.»
- la prolifération des diplômes et des formations de formateur induit une spécialisation outrancière qui ne favorise pas la mobilité professionnelle des formateurs.
- il n’existe pas de procédure d’évaluation permettant de garantir la qualité des formations. - L’offre tend à précéder la demande : l’acheteur adapte sa demande aux offres des organismes
de formation qui ne correspond dès lors plus aux besoins réels. Trois propositions pour clarifier et sécuriser l’offre de formation sont alors émises : 1 - Créer un Observatoire national sur l’offre de formation afin de donner aux diverses autorités responsables de la visibilité sur l’efficacité des actions entreprises et sur leur adéquation aux objectifs qui leur ont été assignés. 2 - Recenser toute l’offre de formation et la publier sur Internet au sein d’une base de données accessible à tous afin de clarifier et de rendre visible l’information. 3- Créer une procédure de labellisation des organismes de formation pour pallier à l’insuffisance des contraintes réglementaires et de permettre à tous d’apprécier le sérieux des organismes de formation et la qualité de leurs prestations via une nouvelle procédure de contrôle. « une labellisation des offres de formation paraît nécessaire car tous les niveaux de qualité se rencontrent, notamment dans le secteur tertiaire. /… /, la labellisation devrait être confiée à l’Office professionnel de qualification des organismes de formation (OPQF). » 88
87 Groupe Multipartite sur la Formation Professionnelle présidé par Monsieur Pierre FERRACCI, Synthèse des travaux, 10 juillet 2008 88 Rapport de la commission des Affaires Culturelles Familiales et Sociales - travaux de la mission sur la formation tout au long de la vie. Présenté par Mme Guégot décembre 2008.
46
Exemple de rapports préliminaires à l’ANI du 7 janvier 2009 et de la loi du 24 novembre 2009
Le groupe de travail sur la qualité de l'offre et de l'achat de formation présidé par Charlotte Duda, devait faire des propositions pour la réforme et répondre à trois questions : «Comment réduire l’inflation déclarative d’organismes de formation ? Comment garantir la qualité d’un organisme de formation et de ses prestations ? Quelles sont les bonnes pratiques en matière d’achat de formation ? » Une fois de plus, la faiblesse de la visibilité et de la lisibilité de l’offre et de sa qualité sont soulignées : « La qualité de l’offre de formation n’est pas suffisamment visible par la confusion entre les notions de déclaration, agrément, qualité, label. Elle est également peu lisible pour les différents acteurs susceptibles d’y recourir. » L’engagement volontaire des professionnels dans la démarche qualité y est également relevé : « les professionnels eux-mêmes /… / se sont impliqués dans une recherche de la qualité, sous la pression des exigences accrues des acheteurs de formation. Ces démarches qu’il ne faut pas confondre, utilisent principalement des normes ISO 9001 (ex ISO 9000) et AFNOR avec le système de certification qui y est attaché, et des labels OPQF et ICPF. [Ces démarches] mériteraient une meilleure promotion et visibilité dans les outils de recueil de l’offre de formation et /… / pourraient faire l’objet d’aides financières pour être encouragées. Il en va de même pour la qualité ou la qualification des formateurs.» Dix propositions ont été émises (voir annexe 4 pour le texte complet): 1. Visibilité de l’offre : auto-inscription des prestataires « Une inscription libre et gratuite des organismes de formation sur un portail-répertoire est préférable à un enregistrement auprès de l’administration qui n’offre aucune garantie de qualité mais qui peut le laisser croire. Les certifications ou labels de qualité acquis par ces organismes sont vivement encouragés et devraient figurer dans ce portail-répertoire. » 2. Revoir les modalités d’exonération de TVA 3. Lisibilité de l’offre via une fiche d’identité des prestataires en ligne sur un « portail-répertoire accessible à tous. » 4. Engagements multipartites en amont de la formation (prescripteur, acheteur, usager, organisme de formation) pour récapituler les buts de l’action et les moyens mobilisés en amont de la réalisation. 5. Une attestation des acquis à l’issue de la formation pour chaque stagiaire 6. Achat public : une voie médiane entre le marché et la subvention 7. Revoir le système de l’achat public 8. Créer un observatoire mettant en perspective les prix et la qualité des formations dispensées. 9. Création d’une fonction d’intermédiation afin d’encourager le développement de la formation tout au long de la vie, soutenir l’expression de la demande, aider à la recherche de prestations adaptées, faciliter l’évaluation et encourager le recours à des certifications ou des labellisations qualité. 10. Confier l’intermédiation aux OPCA89
Dans son avis rendu le 8 avril 2008, le Conseil d’Orientation pour l’Emploi (COE), face à la multiplicité des prestataires, propose de recenser l’offre existante dans une base de données accessible à tous et renseignant les principales caractéristiques des formations dispensées. Par ailleurs, il déplore que les organismes de formation ne soient soumis qu’à “certaines obligations administratives, dont la déclaration d’activité et le bilan pédagogique et financier”, qu’il juge insuffisantes. Il propose d’instituer une labellisation des prestataires afin de garantir que la formation dispensée est conforme aux exigences attendues. Il cite en exemple celle délivrée par l’OPQF. « Les organismes de formation ne sont soumis qu’à certaines obligations administratives, dont la déclaration d’activité et le bilan pédagogique et financier. Une procédure de labellisation, qui garantit que la formation dispensée est conforme aux exigences attendues / … / pourrait être instituée /…/du type de celle délivrée par l’OPQF, qui inclut des conditions sur la durée d’activité de l’organisme, les références des formateurs, etc. » 90
89 Rapport du groupe de Travail sur la qualité de l'offre et de l'achat de formation Présidé par C.Duda, décembre 2008 90 Conseil d’orientation pour l’emploi sur la formation professionnelle, avis du 8 avril 2008
47
Il ressort de l’analyse de ces textes et des propositions émises qu’au-delà de la mise en place d’un
système permettant de développer la visibilité et la lisibilité de l’offre, les propositions vont largement
dans le sens d’un renforcement de l’encadrement de l’activité. Une labellisation et une certification
des prestataires (organismes de formation et prestataires autonomes) ainsi que le développement de
la démarche qualité dans les processus d’élaboration des prestations sont également appelés.
3.5.2 L’encadrement de l’activité des organismes et prestataires individuels de formation : que dit la loi ?
Le titre V du livre III du code du travail traite des obligations légales des organismes de formation. Son contenu et sa place dans l’architecture de la partie du code du travail (la sixième) dédiée à la formation professionnelle tout au long de la vie peut être ainsi schématisé 91 :
Les sénateurs ayant supprimé l'article 16 ter du projet de loi qui disposait que le FPSPP (Fonds
Paritaire de Sécurisation des Parcours Professionnels) établirait une charte qualité de la commande de
formation pour les entreprises et les OPCA, la déclaration d’activité instituée par la loi de 2002,
constitue aujourd’hui la seule contrainte pour créer une activité de formation.
91 Schéma document de travail C.TROILLET GIRSZYN 04 07 2010
48
Actuellement un article de loi relatif à la reconnaissance des qualifications et titres des formateurs
existe et spécifie que toute personne qui réalise des prestations de formation professionnelle « doit
justifier des titres et qualités des personnels d'enseignement et d'encadrement qui interviennent à
quelque titre que ce soit dans les prestations de formation qu'elle réalise, et de la relation entre ces
titres et qualités et les prestations réalisées dans le champ de la formation professionnelle. » 92
Le code du travail précise également que la déclaration d'activité doit être accompagnée – entre
autres pièces justificatives- d’une copie du programme de la formation, ainsi que de « la liste des
personnes qui interviennent dans la réalisation de l'action avec la mention de leurs titres et qualités, du
lien entre ces titres et qualités et la prestation réalisée conformément à l'article L.6352-1 et du lien
contractuel qui les lie à l'organisme. »93 et que « Le fait de ne pas justifier des titres et qualités des
personnels d'enseignement et d'encadrement employés et de la relation entre ces titres et qualités et
les prestations réalisées dans le champ de la formation professionnelle, en méconnaissance des
dispositions de l'article L. 6352-1, est puni d'une amende de 4 500 euros »94
Bien qu’ils existent (cf. le point 3.4.1 « Quid de leur formation ?), le fait que ces « titres et qualités » ne
fassent actuellement l’objet d’aucune définition ni obligation à ce jour semble priver ces dispositions
de toute effectivité.
La loi du 24 novembre 2009 a donné lieu, comme les précédentes, à un débat entre la volonté de
mieux contrôler l'accès à la profession et, d'autre part, la nécessité de respecter le caractère ouvert du
marché pour une prestation qui relève clairement de l'économie de marché et donc du respect du
droit de la concurrence. « Ce débat a débouché sur des dispositions ambigües réaffirmant le caractère
purement déclaratif de la déclaration d'existence tout en précisant les conditions dans lesquelles
l'autorité administrative peut refuser de l'enregistrer, voire la retirer. »95
92Article L6352-1 du code du travail au 27 07 2010 93 Article R6351-5 Version en vigueur au 24 juillet 2010, depuis le 23 mai 2010 94 Article L6355-6 Version en vigueur au 24 juillet 2010, depuis le 1 mai 2008 95 Cours Master 2 Pro ICF Université de Rouen droit de la formation professionnelle Monsieur Pierre LE DOUARON 2010
49
Petite parenthèse historique…
« Bien que soit apparu dans le code du travail dans un premier temps, l’habilitation des programmes de formation (loi de 1990 relative au crédit formation, à la qualité et au contrôle de la formation96) puis l’agrément des prestataires de formation (loi quinquennale de 1994 97), ces initiatives n'ont jamais vu le jour faute publication des décrets d'application. » 98 Le projet de loi déposé en avril 1990 (loi n° 90-579 du 4 juillet 1990 relative au crédit formation, à la qualité et au contrôle de la formation professionnelle continue) faisait mention de la création d’un Conseil national d’évaluation afin de permettre de « mieux apprécier la pertinence des programmes d’action, l’évolution de la demande et de l’offre de formation. Une procédure d’habilitation des programmes de formation et le développement d’une programmation nationale et régionale de l’intervention de l’Etat doit assurer une meilleure maîtrise de la demande publique et une élévation générale de la qualité de l’offre de formation. Le contrôle administratif et financier de l’Etat est étendu à l’ensemble des activités de formation professionnelle. »99 La loi n° 95-116 du 4 février 1995 portant diverses dispositions d’ordre social (DDOS) complétait par son article 18 l’article L. 920-4 du code du travail par cinq alinéas ainsi rédigés : « Dans un délai de trois ans suivant la déclaration préalable, les personnes physiques ou morales visées précédemment doivent faire une demande d'agrément auprès du représentant de l'Etat dans la région. Cet agrément est accordé, après avis du conseil régional, pour l'ensemble du territoire national. Il est tenu compte, pour la délivrance de l'agrément, des capacités financières de l'organisme, des moyens humains et matériels mis en œuvre, de la régularité de la situation des candidats à l'agrément au regard de l'acquittement des cotisations sociales et des impositions de toute nature, ainsi que de la qualité de la formation dispensée. »100
…………………………………………………………………… Si ces articles sont désormais caduques, ils traduisent cependant l’ancienneté de la volonté d’encadrement de l’activité et révèle que le pouvoir législatif a déjà par le passé émis des réglementations précises sans pour autant les doter des décrets qui les auraient rendues effectives.
La « valse-hésitation » constatée actuellement autour de la réglementation de l’activité et de mesures d’agrément ou de labellisation des prestataires (personnes morales ou physiques) n’est donc pas une nouveauté et semble traduire un « malaise » ancien et récurrent dans le type d’intervention de l’état vis-à-vis des prestataires de formation. Activité réglementée ou système libéral ? Telle est la question …
96 LOI n° 90-579 du 4 juillet 1990 relative au crédit formation, à la qualité et au contrôle de la formation professionnelle continue. 97 LOI n° 95-116 du 4 février 1995 portant diverses dispositions d’ordre social (DDOS) 98 Rapport du groupe de Travail sur la qualité de l'offre et de l'achat de formation - Mme C.Duda Présidente de l’ANDRH, décembre 2008 99 http://www.vie-publique.fr/politiques-publiques/formation-professionnelle-continue/chronologie/ 100 La loi n° 95-116 du 4 février 1995 portant diverses dispositions d’ordre social (DDOS)
50
Il n’y existe donc, à ce jour, aucune obligation de professionnalisation ni de certification des
organismes ou des formateurs autonomes dispensateurs de formation professionnelle ni de
réglementation en terme de démarche qualité. Cela en dépit de :
- l’abord systématique de ces thèmes dans les rapports fondateurs ou complémentaires de la
réforme, et de l’existence d’un groupe de travail dédié à cette problématique (groupe de
travail sur la qualité de l'offre et de l'achat de formation Présidé par Madame Charlotte Duda
Présidente de l’ANDRH, décembre 2008),
- l’existence de dispositifs permettant de mettre en œuvre les procédures recommandées,
- l’existence d’articles de loi dédiés.
Ni l’amélioration de la qualité de l’offre, ni l’encadrement ou la professionnalisation des prestataires
de formation n’ont fait l’objet de mesures nouvelles dans le texte de la loi du 24 novembre 2009.
Au regard du statut de priorité nationale accordée à la formation professionnelle tout au long de la vie,
du budget investi, des recommandations et de l’activité législative qui en découle depuis près de dix
ans, on peut questionner le fait que la qualification initiale et la professionnalisation des formateurs, la
labellisation ou la certification des organismes dispensateurs de formation professionnelle et la mise
en démarche qualité de l’offre de formation restent ainsi, à l’exception notable de l’AFPA, hors de
tout contrôle ou système de validation national.
3.6 Situation des formateurs consultants face aux grandes
orientations nationales
Bien que, concrètement, rien ne soit mis en place à ce jour en termes d’obligations, la réforme de la
formation professionnelle comporte des points qui concernent directement les formateurs
consultants :
- Face à un marché qui ne cesse de s’atomiser et de s’opacifier avec la croissance non maîtrisée des
dispensateurs de formation, la réduction souhaitée du nombre des organismes de formation (+ de
63000 à - de 14 000 en 1 an101) est explicitement annoncée dans les objectifs du groupe de Travail sur
la qualité de l'offre et de l'achat de formation présidé par Charlotte Duda chargé de répondre à trois
principales questions : «Comment réduire l’inflation déclarative d’organismes de formation ?
Comment garantir la qualité d’un organisme de formation et de ses prestations ? Quelles sont les
bonnes pratiques en matière d’achat de formation ? » 102
- l’attribution du numéro de déclaration d’activité conditionnée à l’identification de démarche qualité
(le dossier comportera la liste des personnes qui interviennent dans la réalisation de l'action avec la
mention de leurs titres et qualités et du lien entre ces titres et qualités et la prestation réalisée),
- la création d’un portail présentant les organismes de formation (avec leur numéro de déclaration
d’activité) mentionnant : "La valorisation des certifications et labels obtenus par les prestataires sur un
répertoire des organismes à partir d’une fiche d’identité commune et accessible à tous" afin
d'améliorer l'information sur l'offre de formation.
101 Communication de M Fahri, Président de la Fédération des CSFC Conseil Fédéral du 17 10 2009 102 Rapport du groupe de Travail sur la qualité de l'offre et de l'achat de formation Présidé par C.Duda, décembre 2008
51
Notons également que la future norme ISO 29990 "Services d'apprentissage pour éducation non
formelle et formation — Exigences de base pour fournisseurs de service" 103 qui arrivera en France
avant le premier trimestre 2011 indique la nécessité de certifier l’organisation, l’action de formation et
les acteurs (formateur, animateurs, intervenants experts…).
Rappelons que, concernant la qualité ou la qualification des formateurs, « la création d’une norme
comme la détention d’un titre ou d’un diplôme comme condition pour exercer, ou bien celle de la
création d’un ordre professionnel régissant les conditions d’entrée et d’exercice de la profession »
avaient été évoquées mais écartées car jugées « impraticables au regard de la variété des activités et
de l’origine de ceux qui l’exercent. »
Les articles L 6352-1 et 6351-5 du code du travail évoquent les « titres et qualités des personnels
d'enseignement et d'encadrement employés » sans les spécifier, le législateur laisse donc le soin aux
professionnels d’en définir le type et les contenus ce qui ouvre un espace de solutions.
Les professionnels gagneraient vraisemblablement à investir cet espace avant que les « règles du jeu »
ne leur soient imposées.
La qualification des prestataires de formation, la qualité et l’adéquation de leurs offres au regard des
priorités nationales sont identifiés de longue date comme des éléments clés dans l’atteinte des
objectifs qui ont été assignés à la formation professionnelle continue.
Le débat entre la volonté, d’une part, de mieux contrôler l’accès à la profession et, d’autre part, la
nécessité de respecter le caractère ouvert du marché n’a finalement débouché que sur des
dispositions réaffirmant le caractère purement déclaratif de la déclaration d’existence tout en
précisant les conditions dans lesquelles l’autorité administrative peut refuser de l’enregistrer, voire la
retirer. Pourtant, des dispositifs adaptés (cursus de formation, normes, certifications) existent et les
articles L 6352-1 et 6351-5 du code du travail pourraient, s’ils étaient suivis de décrets d’application,
permettre un premier pas effectif vers l’application de ces recommandations.
103 Cette norme a pour objectif de fournir un modèle générique pour une pratique professionnelle performante et de qualité, ainsi qu’une référence commune pour les fournisseurs de services pour apprendre et leurs clients en matière de conception, développement et fourniture de prestations d’éducation, de formation et de développement non formels. Cette norme emploie l’expression « services pour apprendre » plutôt que « formation » afin de mettre l’accent sur l’apprenant et les résultats du processus, et pour mettre en évidence la gamme complète d’options disponibles pour délivrer les services pour apprendre.
52
II. LE TERRAIN
La mission effectuée dans le cadre d’un stage de chargée de mission qualité à l’Institut de Certification
des Professionnels de la Formation & Prestataires de Service Intellectuel (ICPF & PSI) a fortement
alimenté –à différents niveaux- notre réflexion et nous a aidée à trouver matière au regard de notre
thème de recherche. Elle nous a permis de réaliser les premières investigations de terrain utilisées en
complément des entretiens, d’établir le contact avec nombre des personnes interviewées (les
entretiens ont été réalisés indépendamment de la mission suite aux hypothèses proposées face à la
problématique) et de recueillir une partie des documents étudiés. Elle constitue ainsi un des éléments
importants du travail de recherche entrepris.
La présentation de la mission a trois objectifs : souligner les principales réalisations qui ont nourri
notre réflexion, relever les constats établis lors de cette mission et qui sont repris dans la construction
de la problématique et contextualiser les documents recueillis dans le cadre du terrain et utilisés
comme support de nos analyses actuelles104. Cette présentation du terrain suit une progression allant
des contours factuels (les caractéristiques de la structure d’accueil et de la mission) jusqu’à l’analyse
des actions menées et de leur contribution générale au travail de recherche en cours.
1. La structure d’accueil : l’Institut de Certification des Professionnels de la Formation et Prestataires de Service Intellectuel : ICPF & PSI
Au-delà de l’interêt propre de la mission qui nous fut confiée, travailler au sein de l’ICPF & PSI nous
permit de mieux comprendre les grandes orientations des politiques de formation, de vivre « de
l’intérieur » les processus d’élaboration de normes relatives à ce champs d’activité et de découvrir le
milieu des formateurs consultants indépendants – y compris au niveau des syndicats- milieu que nous
ne connaissions que bien peu avant cette mission et dans lequel nous sommes à présent fort
investie105.
1.1 Historique de l’ICPF & PSI
L’ICPF & PSI est une association créée en 1995 par le Président de la Commission Générale de l'AFNOR
pour la Formation Professionnelle de l’époque : Jean-Jacques Machuret. Cette création fut engagée
suite à une réflexion sur la professionnalisation de la formation professionnelle engagée autour de la
Chambre Syndicale des Formateurs Consultants (CSFC) et de l'AFNOR en réponse aux demandes de
formateurs qui se trouvaient dans l'obligation de faire démonstration de leur démarche qualité face à
un donneur d'ordre sous ISO 9000.
L’association s’appelait initialement « l’Institut de Certification des Professionnels de la Formation –
ICPF », la partie prestation de service intellectuel (PSI) n’a été rajoutée que récemment afin de pouvoir
répondre aux demandes de certification d’autres types de prestataires de service intellectuel (les
consultants par exemple).
104 Compte tenu de notre méthode de réponse aux hypothèses via l’étude de documents issus du terrain en plus de l’analyse des entretiens, il nous a semblé important de situer le contexte de recueil des documents utilisés 105 Nous postulons à la présidence de la Chambre Syndicale des Formateurs Consultants d’Ile de France
53
1.2 Activité
L'ICPF & PSI initie une certification des prestataires de service intellectuel -consultants, formateurs,
animateurs... (Voir annexe 8) sur la base de la norme européenne EN 45 013. Ces certifications
permettent de faire reconnaître l'expérience, l'expertise et la conformité aux démarches qualités des
personnes physiques. Ce sont des certifications de tierce partie (elles sont délivrées par un organisme
indépendant des acteurs) accessibles de trois façons :
- sur dossier à retirer auprès de l'ICPF & PSI,
- par des formations à la certification,
- par des formations certifiantes : Formateur-Consultant Certifié et Commercialisation des
Activités de Consulting (Institut Léonard de Vinci, Paris – La Défense).
Ces certifications rendent l’individu certifié conforme à la démarche qualité des clients et aux
exigences du législateur quant aux « titres et qualités des personnels d'enseignement et d'encadrement
qui interviennent à quelque titre que ce soit dans les prestations de formation /…/ et de la relation
entre ces titres et qualités et les prestations réalisées dans le champ de la formation
professionnelle.»106
1.3 Actualité
Au-delà de la certification des prestataires de service intellectuel, l’ICPF & PSI est un des contributeurs
au groupe de réflexion sur la réforme des normes portant sur la formation professionnelle mis en
place fin 2009 à l’AFNOR et un des représentants de la France dans le groupe de travail sur l’ISO 29900 107. La délégation française était composée de Marie-Christine Soroko, Déléguée Générale de la
Fédération de la Formation Professionnelle, Fatma Ben Salem, Chef de Projet Senior à l’AFNOR,
Bernard Blandin, Directeur de Recherche et conseiller du Directeur Général du Groupe CESI et François
Galinou Vice Président de l’ICPF & PSI.108
2. La mission En lien avec notre thématique de travail actuelle, la mission qui nous fut confiée permit la mise en
actes et l’étude de :
- l’articulation entre la réforme de la formation professionnelle tout au long de la vie et la
démarche qualité (par la participation aux réunions AFNOR et contributions de l’ICPF & PSI),
- la construction d’un cursus de formation certifiant (certification ICPF & PSI) à destination des
formateurs consultants centré sur la « professionnalisation opérationnelle en application des
référentiels en usage»109 (via notre participation à deux sessions de ce cursus).
Ce fut également une excellente opportunité pour entrer en contact avec de nombreux formateurs
consultants autonomes établis ou en devenir, des représentants des organisations syndicales dédiées
aux formateurs consultants indépendants ainsi que des employeurs de formateurs consultants ou des
acheteurs de prestation de service intellectuel.
106Article L6352-1 du code du travail au 27 07 2010 107 http://www.certif-icpf.org 108 Article relatif à la Norme ISO 29900, réunion du TC232 à Londres Philippe Cassuto coordinateur de la formation continue universitaire région PACA | 27 janvier, 2010 http://blog.univ-provence.fr/blog/coordination-rgionale-paca/qualit/2010/01/27/norme-iso-29900-r-union-du-tc232-londres 109 Présentation du cycle spécialisé « Commercialisation des Activités de Consulting » Pôle Universitaire Léonard de Vinci www.ilv.fr
54
Ces contacts nous ont permis d’élargir notre vision du contexte, des points de vue existants et de
recueillir une partie des propos ou des textes utilisés comme supports d’étude dans ce mémoire.
Cette mission a également soulevé de nombreuses questions, en particulier quant à l’identité
professionnelle du groupe étudié, voire de notre propre identité sociale et professionnelle.
Ces éléments ont enrichi notre compréhension des perspectives professionnelles du mode d’exercice
que nous avons choisi mais aussi celle des enjeux de la professionnalisation de cette activité (tant au
niveau du groupe qu’au niveau des individus), nourrissant ainsi notre travail de recherche.
2.1 Cadre général de la mission
Caractéristiques générales de la mission
Intitulé du stage : chargée de mission qualité auprès du Président de l’ICPF & PSI Nature : stage rémunéré effectué dans le cadre du Master 2 Professionnel Ingénierie et Conseil en Formation de l’Université de ROUEN Lieu : ICPF & PSI 23 rue Lecourbe PARIS 15ème / Période : du 1er février au 31 juillet 2010 Supérieur hiérarchique : Jean-Jacques MACHURET, Président de l’ICPF& PSI et enseignant chercheur au Pôle Universitaire Léonard de Vinci Déroulement du stage :
- 20 heures hebdomadaires pendant 26 semaines soit un total de 520 heures - Travail à domicile ou dans les locaux de l’ICPF & PSI ou de ses partenaires : Pedagogic Agency
14-16 rue Victor Hugo 92 800 PUTEAUX et Pôle Universitaire Léonard de Vinci LA DEFENSE
55
Cette mission fut extrêmement riche et intéressante tant par la variété des actions à mener que par les
enseignements dont elle fut la source ou les voies de développement professionnel et personnel
qu’elle a ouvert110 mais seuls les principales actions et les apports directement en lien avec le travail
de recherche en cours seront ici développés. Les apports de la mission peuvent s’entendre à deux
niveaux :
- les apports «opérationnels» consécutifs aux actions réalisées dans les trois grands volets de la
mission et centrés sur les thèmes étudiés (réforme de la formation tout au long de la vie,
professionnalisation des formateurs consultants) ainsi que sur les ressources utilisées dans ce
mémoire (informations, contacts, réunions, documents…).
- Les apports transversaux illustrés par la démarche introspective et réflexive qui s’est
développée tout au long de la mission (perdurant même au-delà puisqu’elle trouve son
prolongement dans le travail actuel ainsi que dans notre futur développement professionnel).
110 Cette mission a débouché sur un contrat de collaboration avec l’ICPF & PSI, des missions de formation et de conseil auprès de plusieurs clients, des cours au Pôle Universitaire Léonard de Vinci ainsi que ma candidature à la présidence de la section Ile de France de la CSFC
Lettre de mission
La mission s’articule en trois volets, les deux premiers sont directement en lien avec le développement des activités de l’ICPF & PSI, le troisième concerne une structure partenaire (le Pôle Universitaire Léonard de Vinci) :
- Volet démarche qualité appliquée à la formation - AFNOR : contribuer au groupe de réflexion AFNOR sur la normalisation de la formation professionnelle en y représentant l’ICPF & PSI aux côtés du Président Jean Jacques Machuret et du Vice Président François Galinou
- Volet certifications ICPF&PSI : o Faire connaître les activités et promouvoir les certifications de l’ICPF & PSI auprès des
formateurs consultants autonomes o Contribuer à l’élaboration, à la diffusion et à la mise en œuvre de la certification
des formateurs consultants autonomes via 3 possibilités : certification (référentiel, process, éléments du dossier) formation à la certification (module dédié) formation certifiante (parcours professionnalisation CSFC et cycle spécialisé
Commercialisation des Activités de Consulting Pôle Universitaire Léonard de Vinci)
- Volet développement du cursus de formation certifiant Commercialisation des Activités de Consulting pour le compte du Pôle Universitaire Léonard de Vinci (partenaire de l’ICPF & PSI)
o Contribuer à : l’élaboration des contenus, l’organisation, le recrutement des stagiaires l’animation d’une partie des cours à compter de mars 2010
o Mettre en place les modalités du tutorat dans le cadre de ce cycle spécialisé
La mission se déroulera de février à juillet 2010 et sera menée par tous les moyens qui sembleront appropriés à sa réussite sous la direction du Président de l’ICPF & PSI.
56
2.2 Les apports opérationnels
Les trois volets de la missions furent la source d’apports opérationnels différents et complémentaires
présentés en quatre phases : actions et observations, ressources et supports recueillis, constats,
questions.
2.2.1 Les apports en lien avec les travaux de l’AFNOR Notre participation au groupe de réflexion sur la Normalisation de la Formation Professionnelle à
l’AFNOR nous a permis d’avoir une vision « de l’intérieur » de l’articulation des travaux de
normalisation avec la réforme de la formation professionnelle tout au long de la vie et de recueillir des
éléments utiles à la définition de la professionnalisation selon les institutions représentées à l’AFNOR.
Actions et observations
Ce groupe de réflexion s’inscrit dans une démarche de révision des normes française NF Formation
Professionnelle destinée à donner un cadre d’application et des moyens de dialogue entre les
différents acteurs du marché de la formation professionnelle en France. L’objectif est de répondre à la
sollicitation du gouvernement qui attend des acteurs de la profession qu’ils se mettent d’accord et
fassent des propositions.
Le groupe de réflexion auquel nous avons participé a donc été créé pour «faire le point sur les normes
existantes, leur devenir et les nouveaux besoins. Ce groupe est ouvert à toutes les sensibilités et toutes
les parties intéressées afin de leur permettre d'exprimer leurs attentes en matière de
normalisation. »111 (cf. en annexe 9 la liste de présence jointe au compte rendu de réunion).
Les grands thèmes retenus pour les travaux de ce groupe de réflexion étaient : - le cadrage général du champ de la formation et de l’évolution professionnelle - l’expression de la demande de formation, les objectifs, les exigences des parties prenantes - le repérage de l’offre de formation et la visibilité des services - le processus de formation et les pratiques - l’évaluation et l’identification des résultats de formation 112
Cinq contributions113 furent reçues en réponse à ces thèmes et examinées lors de la réunion du 12
mars dont (voir annexe 9 de ce mémoire à titre de présentation et d'analyse des contributions) à
l’issue de laquelle il ressortit que :
- la proposition d'une norme portant sur la chaîne de réalisation d'une action de formation
émise par l’ICPF&PSI est largement soutenue par le groupe. (voir annexe 10)
- la problématique de l'évaluation des résultats de la formation constitue un sujet majeur sur
lequel tous les acteurs s'accordent à dire qu'il faut travailler.
- le rôle du formateur dans la chaîne de valeur doit être développé
- la lisibilité de l'offre de formation constitue un axe de travail important.
111 Compte rendu réunion du groupe de réflexion programme de normalisation services de formation AFNOR 12 mars 2010 112 Présentation d’introduction du groupe de réflexion Programme de normalisation – Services de formation AFNOR 12 mars 2010 113 Les contributions fournies au regard des thèmes du groupe de travail :
- CEREQ (Centre d’Etude et de REcherche sur les Qualifications) - FFP (Fédération de la Formation Professionnelle) - AFDEC (Agence Française pour le Développement de l’Emploi et des Compétences) - FCF / SICFOR (syndicats de formateurs consultants indépendants) - ICPF & PSI (voir annexe 10)
57
Lors de la réunion du 7 juin, des groupes de travail chargés d’aller plus loin dans la démarche de
normalisation furent constitués autour de trois thèmes regroupant les propositions émises à l’issue de
la réunion du 12 mars. Ils commenceront leurs travaux à compter de septembre 2010 sur :
- « l’évaluation des résultats de la formation » Animateur : Hubert Grandjean(AFDEC)
- la lisibilité de l’offre de formation » Animateur : Françoise Gérard (CENTRE INFFO)
- la chaîne de réalisation d’une action de formation » Animateur : Jean-Jacques Machuret (ICPF
& PSI)
D’autres pistes de normalisation ont été identifiées par le groupe de réflexion, par exemple l’orientation, les compétences du formateur, le parcours de développement des compétences de l’individu. Elles pourront faire l’objet de développements ultérieurs. »114
Un quatrième groupe de travail portant sur les « Normes servant de base à la certification» animé par
M. Torrodja (AFDEC) a été mis en place afin d’analyser les complémentarités et différences entre les
deux normes servant actuellement de base à la certification des organismes de formation : l’ISO 9001
et la NF X50-761 et la norme ISO 29990.
La question de la finalité de la norme a également été soulevée au cours de ces réunions. La finalité de
la normalisation évolue dans le temps (ce qui est à priori logique pour un outil destiné à accompagner
l’évolution et l’innovation). Dans les années 90, besoin de normes-outils prévalait ; dans les années
2000, la norme était davantage vouée à déterminer un nouveau système de management de la
qualité. Il semble qu’actuellement, les objectifs de la norme soient posés comme la réponse à un
besoin de :
- certification en tant que besoin de reconnaissance pour une catégorie d’acteurs
- communication afin de poser une terminologie comprise de tous
- définition des règles de l’art via des bonnes pratiques
- clarification des relations contractuelles ou des achats
- évaluation en tant que référentiel permettant l’établissement d’outils de mesure.
Ressources et supports
Ce volet de la mission nous permit d’étudier les liens qui étaient faits –ou pas- au cours des débats
entre les notions de normes, de démarche qualité et de professionnalisation selon les différents points
de vue et de recueillir des documents qui ont servi de base à l’étude du positionnement des différents
acteurs (syndicats, pouvoirs publics, associations…).
Les principaux documents sont les comptes rendus et supports de présentation des réunions AFNOR
des 12 mars 2010 (voir annexe 9) et 7 juin 2010 ainsi que nos notes lors des débats.
Constats
Le premier constat est qu’un important travail de normalisation et surtout de mise en concordance des
normes avec les grands axes de la réforme de la formation professionnelle a été entrepris.
Le second porte sur le fait que les objectifs attribués à la notion de norme rejoignent la volonté des
syndicats de formateurs consultants indépendants de “développer la professionnalisation des
114 Compte rendu réunion du groupe de réflexion programme de normalisation services de formation AFNOR 7 juin 2010
58
adhérents par : le titre de Formateur-Consultant Inscrit au Registre Professionnel (FC IRP) ; le
Référentiel des Bonnes Pratiques du Professionnel de la Formation, en étroite collaboration avec
l’AFNOR ; la Certification du professionnel, personne physique, avec l’Institut de Certification des
Professionnels de la Formation”115 . Les concepts de norme et de qualité sont ainsi associés avec celui
de professionnalisation. Il sera intéressant de confronter cette association avec les définitions que les
formateurs ont de ces termes.
Le troisième constat est qu’il existe un débat constant –et parfois vif- autour des mots utilisés et de
leur définition (il fut plusieurs fois nécessaire de recentrer le débat et de rappeler « le rôle de la
normalisation en tant que code de communication, c’est un outil qui fournit un vocabulaire commun »).
Question
La principale question est relative au positionnement des pouvoirs publics dans cette démarche de
normalisation. Les pouvoirs publics sont impliqués et « se disent intéressés pour poursuivre les
réflexions sur la normalisation dans le secteur de la formation professionnelle et pour s'impliquer dans
les travaux de normalisation s'ils aboutissent.116».
Serait-ce leur réponse à cette question posée à l’issue des travaux du groupe de travail sur la qualité
de l'offre et de l'achat de formation présidé par Charlotte Duda : « Comment les pouvoirs publics
peuvent-ils accompagner les efforts de la profession pour se doter de signes de qualité et de
professionnalisme ? »117
Ce premier volet de la mission nous a amenée à appréhender une dimension plus stratégique et
politique de la formation que celles précédemment abordées via notre activité de formatrice.
Cette nouvelle perception a guidé et éclairé notre travail, en particulier -mais non exclusivement-
dans la partie dédiée à la présentation du contexte.
115 http://www.csfc-federation.org 116 Compte rendu réunion du groupe de réflexion programme de normalisation services de formation AFNOR 12 mars 2010 117 Rapport du groupe de Travail sur la qualité de l'offre et de l'achat de formation Présidé par C.Duda, décembre 2008
59
2.2.2 Les apports en lien avec les certifications ICPF&PSI
Afin de contribuer à l’élaboration, à la diffusion et à la mise en œuvre de la certification
des formateurs consultants autonomes, il était important de faire connaître les activités et de
promouvoir les certifications de l’ICPF & PSI auprès d’eux. Cette partie de la mission fut menée via :
- un travail de communication par le réseau VIADEO sur des forums accueillant des formateurs
consultants indépendants et l’animation d’un hub (forum) dédié aux consultants118,
- des rendez-vous avec des associations, des organismes de formation ou de portage salarial
intéressés par la certification des formateurs consultants concernés par leurs activités (10
structures différentes),
- ma participation aux journées du CUEEP à Lille le 24 mars, à une réunion d’information de la
CSFC Ile de France sur la réforme de la formation professionnelle le 17 avril et aux premières
assises des formateurs consultants indépendants organisées par la FCF et le SICFOR le 10 juin
(voir le programme en annexe 11) .
L’ensemble de ces actions m’ont permis de recueillir différentes définitions de la professionnalisation,
de mesurer les enjeux et les liens thématiques qui y étaient associés selon les interlocuteurs
rencontrés.
Actions et observations
Connues de l’ensemble des syndicats de formateurs consultants indépendants, des structures
impliquées dans la formation professionnelle (CEREQ, FFP, Centre Inffo…) ainsi que des pouvoirs
publics, les certifications de l’ICPF & PSI sont un label utilisable dans la démarche qualité en formation.
Le Centre Inffo présente les certifications ICPF & PSI comme «Très utiles pour les formateurs : il permet
de rendre lisibles leurs compétences. Si vous êtes un organisme de formation et que vous avez besoin
de garantir les compétences de vos formateurs, ce label constitue un élément de preuve. »119
Elles sont également mentionnées au côté des labels OPQF, APP et GRETA Plus dans le document
« Eclairage sur la qualité de l'offre de formation » édité par le CREFOR de Haute-Normandie en
novembre 2008 ainsi que dans de nombreux documents et rapports tel celui établi par le groupe de
travail sur la qualité de l'offre et de l'achat de formation qui précise que « les professionnels eux-
mêmes /…/ se sont impliqués dans une recherche de la qualité, sous la pression des exigences accrues
des acheteurs de formation. Ces démarches qu’il ne faut pas confondre, utilisent principalement des
normes ISO 9001 (ex ISO 9000) et AFNOR avec le système de certification qui y est attaché, et des labels
OPQF et ICPF /…/ pour les organismes de formation : le label OPQF (est) porté par la Fédération de la
formation professionnelle (FFP), en accord avec le ministère du Travail /…/ pour les formateurs et
consultants : le label ICPF (est) promu par la FCSFC (Fédération des Chambres Syndicales de formateurs
consultants). L’offre publique a pris également des initiatives dans ce sens : Greta Plus par exemple du
ministère de l’Education Nationale. »
Ce rapport souligne également que ces démarches qualité « mériteraient une meilleure promotion et
visibilité dans les outils de recueil de l’offre de formation et, comme dans certaines régions, elles
118 Hub « Consultants, vivre de son expertise » http://www.viadeo.com/hu03/0023p3bt4gfgs3s/consultant-vivre-de-son-expertise 119 Mini guide de l’édition internet des fiches pratiques de la formation continue du Centre Inffo
60
pourraient faire l’objet d’aides financières pour être encouragées. Il en va de même pour la qualité ou
la qualification des formateurs. »120
Les certifications de l’ICPF & PSI sont cependant peu connues des prestataires de service intellectuel
auxquels elles sont destinées. Il fut donc nécessaire de mener une campagne d’information
directement auprès des personnes concernées (essentiellement des formateurs consultants
indépendants) afin de leur faire connaître les normes et la démarche qualité appliquées à la formation
professionnelle et leur faire comprendre l’intérêt des certifications ICPF & PSI dans le cadre de leur
activité et de la réforme de la formation professionnelle. A cet effet, nous avons largement
communiqué sur la réforme de la formation professionnelle, la démarche qualité, les certifications
ICPF & PSI et la professionnalisation sur les forums VIADEO dédiés au conseil et à la formation. Nous
avons également diffusé (sur demande) un dossier relatif à la démarche qualité appliquée à la
formation 121
Ce dossier, accompagné d’informations sur l’activité de l’ICPF & PSI, fut diffusé par mail auprès de 126
formateurs consultants entre février et juin 2010. Compte tenu de questions complémentaires
relatives aux obligations légales de l’activité de formation, ce dossier fut complété dans 25 % des cas
par le guide de la DRTEFP d’Ile de France présentant les grands principes de la législation et de la
réglementation applicables aux dispensateurs de formation professionnelle. Cette démarche
d’information a donné lieu à 34 entretiens individuels (téléphoniques ou en présence).
Nous avons organisé des réunions d’information (15 mars, 7 avril et 26 avril) et une journée de
formation gratuite qui avaient également pour objectif de faire connaître le cursus de formation
certifiant délivré au Pôle Universitaire Léonard de Vinci (le 8 juin- voir programme en annexe 12). Ces
rencontres ont réuni au total 53 participants et devraient se poursuivre à un rythme mensuel jusqu’à
la fin du premier semestre 2011 conjointement aux opérations de communication en ligne.
L’ensemble de ces opérations de communication ont débouché sur l’engagement dans un processus
de formation et / ou de certification en cours ou finalisé de 36 personnes à ce jour.
Nous avons rencontré 6 organismes de formation, 3 associations et 1 société de portage salarial) afin
de faire connaître l’activité de certification de l’ICPF & PSI et d’établir d’éventuels partenariats pour
développer la certification des formateurs consultants. Sur les 10 structures rencontrées :
- 2 n’ont pas donné de suite au rendez-vous,
- 8 souhaitent s’engager dans une certification des prestataires de service intellectuel qu’elles
emploient ou accompagnent dans leurs activités (ou les inciter à se faire certifier),
- 5 de ces 8 structures sont actuellement engagées dans un process menant à un partenariat
avec l’ICPF & PSI,
- 4 de ces 5 structures ont sollicité l’accompagnement de l’ICPF & PSI pour mettre en place des
formations à la certification ou des formations certifiantes.
La participation à différentes manifestations (journées du CUEEP à Lille le 24 mars, réunion
d’information de la CSFC Ile de France sur la réforme de la formation professionnelle le 17 avril et
premières assises des formateurs consultants indépendants du 10 juin) avait un triple objectif : faire
120 Rapport du groupe de Travail sur la qualité de l'offre et de l'achat de formation Présidé par C.Duda, décembre 2008 121 Ce dossier était constitué de trois fichiers : le rapport du groupe de travail sur la qualité de l'offre et de l'achat de formation, le mini guide de l’édition internet des fiches pratiques de la formation continue du Centre Inffo et le document « Eclairage sur la qualité de l'offre de formation » édité par le CREFOR de Haute-Normandie
61
connaître l’activité de l’ICPF & PSI, établir des contacts et étudier les positions et opinions des
participants et des intervenants par rapport à la réforme de la formation professionnelle, la démarche
qualité, les process de certification et la professionnalisation de l’activité.
Au regard du travail de recherche entrepris, la réunion d’information de la CSFC sur la réforme de la
formation professionnelle et les assises des formateurs consultants furent particulièrement
enrichissantes car elles mirent en lumière les définitions et enjeux qui étaient associés au concept de
professionnalisation par les syndicats.
Les Premières Assises du Consultant-Formateur indépendant visaient à mobiliser les participants
autour de quatre grandes questions :
- La mission des Consultants-Formateurs s’inscrit de plus en plus dans une logique d’ingénierie
de développement. Comment réussir cette mission ? Pour quels objectifs opérationnels ?
- Quelles coopérations et quelles synergies établir avec les autres acteurs de l’éducation tout au
long de la vie ?
- Quelle sera la place des Consultants-Formateurs indépendants et quel rôle joueront-ils dans la
prochaine décennie ?
Les questions de l’identité professionnelle, de la reconnaissance du métier de Formateur Consultant et
de la professionnalisation furent au cœur du discours d’introduction de Lionel Soubeyran (président du
SICFOR).
Cette journée mobilisa plus de 200 formateurs consultants indépendants.
Une table ronde fut organisée autour de trois questions : Comment le consultant-formateur
indépendant est-il perçu ? Quelle est sa plus value ? Comment peut-il se faire connaître ? Parmi les
participants invités à participer à cette table ronde : un représentant AGEFOS-PME, ANDRH, CGPME,
DGEFP, FFP, GARF, seule la DGEFP n’était pas représentée.
La formation organisée par la CSFC IDF et animée par son président Jean-Luc Lefevre le 17 avril 2010
avait pour thème : « Que change la nouvelle loi pour les formateurs indépendants ? » Cet atelier
thématique réunit 16 formateurs consultants indépendants (adhérents ou non à la CSFC) et fut
extrêmement intéressante car il nous permit de mesurer le niveau d’information et de connaissance
des participants sur les aspects légaux de leur activité et de la réforme en cours et de recueillir les
associations faites autour du mot « norme ».
Aparté : à titre personnel, en tant qu’adhérente à la CSFC IDF, nous avons également participé à l’assemblée générale de la Fédération des Chambres Syndicales des Formateurs Consultants qui s’est déroulée à PARIS le 19 juin 2010. Dans le cadre de cette assemblée, nous avons pu recueillir de nombreux documents et prendre des notes qui sont utilisées dans le cadre de ce travail en particulier en ce qui concerne l’implication de ce syndicat dans la professionnalisation des formateurs consultants et les enjeux qui y sont associés.
62
Ressources et supports
Les principaux documents recueillis lors des réunions syndicales de la CSFC ou lors de la manifestation
organisée par le SICFOR et la FCF furent :
- Le calendrier des activités 2010 de la CSFC IDF (annexe 13)
- Les programmes des parcours de professionnalisation des CSFC IDF (annexe 13), Alsace et
Languedoc Roussillon
- La charte déontologique et qualité professionnelle du formateur consultant (annexe 14)
- Le discours d’introduction de Lionel Soubeyran président du SICFOR lors des premières assises
des Formateurs Consultant de juin 2010 (annexe 15)
- Article Centre Inffo juin 2010 Quelle perception du Consultant-formateur indépendant par les
entreprises ? (annexe 16)
- Restitution du grand témoin lors des premières assises des formateurs consultants
indépendants Philippe Gravé (annexe 17)
Au cours des opérations de communication menées en direct auprès des formateurs consultants, nous
avons également pu recueillir : leur verbatim sur l’identité professionnelle, la professionnalisation, le
statut de la profession et les notions de qualité et de norme en direct ou sur les hubs (forum) VIADEO.
Les rencontres avec des organismes de formation, associations ou sociétés de portage salarial nous ont
permis de prendre une première mesure de leur définition de la professionnalisation, de l’importance
qu’ils accordent –ou non- à la démarche qualité, à la certification des personnes et des structures ainsi
que les enjeux qu’ils associent à la professionnalisation des formateurs consultants.
Constats issus des premières assises des formateurs consultants
Un premier constat porte sur l’absence remarquée et regrettée de la DGEFP lors des assises des
formateurs consultants indépendants. Cette absence fut soulignée par le grand témoin de la matinée
Philippe Gravé qui y vit l’illustration de la reconnaissance des Formateurs Consultants indépendants
par les pouvoirs publics. De tous les participants invités, seule la DGEFP n’envoya pas de représentant.
Un deuxième constat est que le regard porté sur les formateurs consultants indépendants par les
clients est positif :
« Il existe une vraie plus-value sur le marché du consultant indépendant. Par rapport aux grosses
organisations, l’indépendant dispose d’une valeur ajoutée énorme : il ne propose pas un catalogue
d’offres et peut donc s’adapter aux demandes de ses clients »122. « Faire appel à un consultant
indépendant présente l’avantage de disposer d’une approche plus ouverte sur nos besoins. La valeur
ajoutée de ces intervenants est l’innovation des offres qu’ils nous présentent. Les formateurs
indépendants font preuve de créativité et nous proposent des solutions qui sortent des sentiers battus.
»123 « une fois rentré dans l’entreprise, le consultant-formateur indépendant dispose d’un crédit de
confiance plus important que s’il était salarié d’un organisme de formation. Il peut, de fait, déceler des
besoins de formation auxquels les RH n’auraient pas forcément pensé »124.
122 Stéphane Diebold, vice-président du GARF, table ronde du 10 juin Premières assises des formateurs consultants indépendants 123 Alain Raguenaud, chargé de mission auprès de la direction générale de La Poste, table ronde du 10 juin Premières assises des formateurs consultants indépendants 124 Caroline Monffront, Agefos-PME d’Ile-de-France, table ronde du 10 juin Premières assises des formateurs consultants indépendants
63
Un troisième constat, complémentaire au second, est que le choix d’un formateur consultant
indépendant par un client est fortement basé sur la relation de confiance :« le premier contact avec un
indépendant se fait obligatoirement par le biais de la confiance.»125
Enfin, le quatrième constat est que l’identité professionnelle est vécue comme peu stable et qu’un
grand déficit d’image ainsi qu’un manque de reconnaissance sont ressentis par les formateurs
consultants indépendants. Cela se traduit particulièrement dans le discours d’introduction de Lionel
Soubeyran qui souligne que la profession "doit désormais se stabiliser et faire valoir ses atouts si elle
veut exister à sa juste place dans le marché de la formation professionnelle"."Notre métier souffre d’un
immense déficit d’image", a-t-il regretté. "C’est notamment vrai aux yeux des entreprises mais les
représentations du métier par ceux-là mêmes qui l’exercent apparaissent multiples".
Constats issus de l’atelier thématique du 17 avril « Que change la nouvelle loi pour les formateurs
indépendants ? »
Quatre constats peuvent être posés suite à cet atelier :
- les Formateurs Consultants présents ce jour là n’associent pas forcément la démarche qualité
et la normalisation de l’activité avec la professionnalisation (de l’activité et des individus)
- ils ont une connaissance extrêmement limitée du cadre législatif de l’activité et quasiment
inexistante de la réforme en cours
- il existe une confusion entre le sens « commun » de qualité valeur absolue « de bonne
qualité » et le sens qui est attribué à ce terme dans les démarches de normalisation ou en
entreprise : qualité valeur relative à une norme, un référentiel.
- Les associations d’idées faites avec la notion de norme sont majoritairement négatives :
o associations négatives : norme = contrainte, loi, sanction, cadre rigide, obligation,
privation de liberté, gène à la créativité
o associations positives : norme = qualité, référentiel, sécurité
Un constat global porte sur l’implication de tous les syndicats de formateurs consultants dans leur
professionnalisation ainsi que dans les travaux menés à l’AFNOR.
Constats issus des rendez-vous avec les organismes de formation et sociétés de portage
Un fort lien est établi entre les termes certification- démarche qualité- professionnalisme par les
organismes de formation et les sociétés de portage. La professionnalisation des intervenants et la mise
en démarche qualité de la structure qui les emploie ou qui porte leur activité est vue comme un
moyen de fidélisation des formateurs consultants employés et comme un élément différenciant par
rapport à la concurrence des autres organismes de formation et sociétés de portage.
125 Stéphane Diebold, vice-président du GARF table ronde du 10 juin Premières assises des formateurs consultants indépendants
64
Questions
Les questions pouvant découler de ces multiples constats peuvent être fort nombreuses. Nous avons
choisi de les regrouper en quatre thèmes :
- L’absence des pouvoirs publics lors des assises des formateurs consultants est-elle le reflet
d’une non reconnaissance de ce groupe professionnel de leur part ?
- La professionnalisation des formateurs consultants indépendants est-elle un souhait de leurs
clients ? Si oui, sous quelle forme et quels en seraient les enjeux ? Si non, pourquoi ?
- Les liens « professionnalisation- démarche qualité- reconnaissance de l’expertise via des
certifications, titres ou diplômes » mis en avant par les syndicats est-il bien compris (et perçu)
par les formateurs consultants indépendants ? Correspond-il à leur définition de la
professionnalisation ?
- Des enjeux multiples et différents semblent associés à la professionnalisation selon les acteurs
qui les expriment : sont-ils compatibles ?
Ce second volet de la mission m’a permis de mesurer l’implication ainsi que le niveau d’intérêt des
différents acteurs rencontrés face au concept de professionnalisation ainsi que les notions qu’ils y
associent. Ces informations posent les contours de leur définition de ces termes et des enjeux qu’ils
perçoivent dans la professionnalisation de l’activité et des individus.
Ce fut également l’occasion d’appréhender leur niveau d’information et de connaissance des aspects
légaux de leur activité et de la réforme en cours.
2.2.3 Les apports en lien avec le développement du cursus de formation Commercialisation des Activités de Consulting
Le troisième volet de la mission porte sur notre participation pour le compte du Pôle Universitaire
Léonard de Vinci (partenaire de l’ICPF & PSI) au cursus de formation Commercialisation des Activités
de Consulting (voir plaquette de présentation en annexe 18). Les actions menées (qui ne seront pas
détaillées ici) consistaient principalement à contribuer à :
- l’élaboration des contenus,
- l’organisation,
- le recrutement des stagiaires,
- l’animation d’une partie des cours à compter de mars 2010.
Observations
Le Cycle Spécialisé CAC «Commercialisation des Activités de Consulting» forme des professionnels aux
spécificités et aux méthodes de commercialisation de conseil et plus généralement de prestations
intellectuelles. Il s’adresse à un public large :
- Consultants, Formateurs, Auditeurs, Coach… - Cadres souhaitant développer une activité de conseil indépendante - Consultants internes
Il est présenté comme une professionnalisation opérationnelle en application des référentiels en usage
et donne accès à une certification niveau agréé par l’ICPF & PSI.
65
Au cours de ce cursus, les étudiants sont formés au métier de consultant, à la vente de leur prestation
de service intellectuel et accompagnés dans l’élaboration de leur projet professionnel (qui est l’objet
de la soutenance validant le cursus)
Les deux cursus de ce cycle réalisés en 2010 ont réunis 12 stagiaires (9 femmes et 3 hommes), âge
moyen 42,2 ans pour les femmes et 56,6 ans pour les hommes, 10 stagiaires ont validé le cycle entier.
L’activité des stagiaires était ainsi répartie :
4 stagiaires avaient un projet professionnel à dominance « conseil » majoritaire ou exclusif, 6 avaient
un projet professionnel alliant conseil, formation et enseignement.
Pour l’ensemble des stagiaires l’activité de formateur consultant ou de consultant envisagée
représentait une deuxième voire une troisième ou quatrième carrière :
126
126 Graphiques de cette page : document s de travail C.TROILLET, données issues du fichier stagiaires cycle commercialisation des activités de consulting Pôle Universitaire Léonard de Vinci
Activité des stagiaires
demandeurs d'emploi / création d'activité en cours
personnes en poste dans des entreprises
consultants en poste / activité déjà créée
Positionnement de l'activité de formateur consultant ou de consultant dans la carrière
des stagiaires
2ème carrière : 3 personnes
3ème carrière : 4 personnes
4ème carrière : 3 personnes
66
127
La moitié des stagiaires était titulaire d’un diplôme de niveau 1. Au niveau du groupe, ce n’était pas un
diplôme supplémentaire qui était recherché mais le développement de la compétence commerciale et
l’élaboration du projet professionnel.
Lors des entretiens de recrutement ou les recueils d’attentes en groupe, les principales attentes
exprimées étaient :
- la construction d’un nouveau projet professionnel
- L’accession au métier et à la posture professionnelle de consultant
- Se professionnaliser dans l’activité de conseil
- Le développement d’un projet professionnel déjà commencé
- Le développement des aspects commerciaux de l’activité de consultant indépendant
Si la certification ICPF & PSI intégrée dans ce cursus de formation est effectivement souhaitée et
considérée comme utile et importante par les stagiaires, à ce jour, aucun dossier n’est encore finalisé
(le premier cursus s’est achevé en mars, le second fin juin).
Constats
Nous n’exposerons ici que les constats directement en lien avec le thème de travail, il est clair qu’il y
en eut d’autres (notamment quant à notre propre pratique professionnelle de la formation et du
conseil).
- Pour tous les candidats à ce cursus de formation, le métier de consultant (ou de formateur
consultant pour certains) était un emploi de deuxième voire troisième ou quatrième partie de
carrière.
- Les stagiaires rencontrés dans le cadre de ce cursus de formation étaient tous fortement
imprégnés de leur identité professionnelle première.
Pour plus de la moitié d’entre eux, un des premiers objectifs de la formation fut de les amener
à se détacher de cette identité initiale et à « faire le deuil » de leur précédent poste pour se
bâtir une identité professionnelle de consultant au-delà du champ de leur expertise première.
127 Graphique : document de travail C.TROILLET, données issues du fichier stagiaires cycle commercialisation des activités de consulting Pôle Universitaire Léonard de Vinci
Niveaux de formation des stagiaires
niveau IV : 2 personnes
niveau III : 1 personne
niveau II : 2 personnes
niveau I : 5 personnes
67
Exemples de propos recueillis au sujet de ce que les stagiaires ont découvert au cours de la formation128 : Audrey (33 ans, ex Directeur de publicité) : « En entrant dans cette formation, je pensais uniquement faire avancer mon projet autour de l’angle marketing internet (ce que je sais faire). La formation a permis d’envisager la possibilité de s’éloigner de notre expertise ou de notre cœur de métier pour aller vers tous les métiers du conseil (recrutement, qualité, …) ». Carole (35 ans, ex responsable marketing) : «que je n'allais pas seulement être consultante marketing comme je me l'étais imaginé mais que j'allais pouvoir développer d'autres compétences et notamment celles du domaine commercial que j'avais volontairement mises de côté suite à une expérience professionnelle difficile. » Jeanne « Détecter les freins à mon avancée professionnelle». « Changer de logiciel » mettre en place de nouvelles pratiques et « décoller ». Jessica (35 ans, responsable de centre de profit) : « un double intérêt à savoir à la fois la découverte et l’apprentissage de méthodologies mais surtout une meilleure connaissance de soi ou plutôt de son mode de fonctionnement qui ne peut être que bénéfique. »
- Les stagiaires se considéraient tous comme des professionnels de leur précédente activité
davantage au regard des années d’expérience et du nombre ou de l’importance des projets
menés qu’au regard de leurs diplômes.
- La professionnalisation recherchée dans ce cursus de formation était certes définie comme
l’acquisition de connaissances et de compétences spécifiques à l’activité mais surtout comme
l’adoption d’une posture conforme à l’activité visée. Si les enjeux annoncés étaient la
crédibilité face aux clients et la sécurisation ou la pérennité du projet professionnel
(notamment via la commercialisation des prestations), les échanges lors des entretiens de
recrutement, des cours ou des ateliers ont fait émerger un besoin de restauration de l’identité
professionnelle des stagiaires au-delà des objectifs opérationnels annoncés de prime abord.
- La notion de professionnalisation était associée à une finalité très opérationnelle (acquisition
de savoir et de savoir-faire) et à l’intégration d’une nouvelle identité professionnelle.
Voici ce que les stagiaires de la session de mai-juin 2010 ont répondu à la question : qu’est-ce qui a changé chez vous suite à cette formation ? Audrey : « La manière d’approcher ou d’envisager les problématiques clients et même ma problématique personnelle de création de boite. » Jessica : « Une vision plus concrète et professionnelle de l’approche de mon projet. Une visualisation de ce qu’il me reste à faire. Une prise de conscience et une volonté de prendre en compte les résultats de mon profil et Hermann et en ressortir les bénéfices. » Anita (ex responsable de qualité) : « Remise en question, conceptualisation de notions clés. Mise en perspective du métier de consultant. » Elisabeth (57 ans, ex responsable de la communication) : « J'ai accepté d'acquérir des fondamentaux, de mettre en place une méthode, d'utiliser des outils… dont je ne soupçonnais pas l'existence et l'intérêt mais qui me manquaient totalement. J'ai décidé de remplacer ou plutôt de compléter mon approche intuitive ou mon expérience par l'utilisation systématique d'une ou de plusieurs méthodes. J'ai même été retrouvé les méthodes que j'utilisais sans savoir leur origine ou leur fondement (comme celle de l'écriture journalistique). » Corrine (38 ans, ex chargée de projet GPEC) : « Grosse prise de conscience: organisation de mes tâches, se préparer au changement, s’ouvrir. » Carole: « J'ai pris conscience de ma valeur. La confiance en moi et mon dynamisme sont revenus. Merci à la formation CAC ! »
128 Verbatim de cette page issus des évaluations du cursus commercialisation des activités de consulting Pôle Universitaire Léonard de Vinci, session de mai-juin 2010
68
- Les effets de la formation observables à partir de ces propos recueillis en juillet 2010 et le
suivi des projets des stagiaires démontrent qu’elle a atteint ses objectifs :
Maintenant que vous êtes certifiées, comment envisagez-vous votre avenir professionnel ? stagiaires session mai-juin 2010
Audrey : « Plutôt positivement. Même si je sais que cela va être semé d’embuches et que l’acceptation d’un cahier des charges par mes interlocuteurs va sembler saugrenue parfois, que les négociations d’honoraires vont être âpres (liées au secteur), j’ai 15 mois pour vivre de mon expertise. » Jessica : « Développer mon apprentissage de la théorie pour être le plus efficace dans mes interventions. Je veux développer mon activité sur plusieurs plans: enseignement/management et agence pédagogique. » (encore en poste en entreprise) Anita : « Je l’envisage avec beaucoup plus d’assurance et de sérénité, même si le plus difficile reste à faire (prospection, élaboration de devis, vendre sa prestation) ». Elisabeth : « … A mon retour en région parisienne, je passerai à la phase de prospection pour réactiver mon réseau existant et en constituer un nouveau et tester mon projet professionnel, éventuellement le modifier, l'étoffer, le recentrer /…/ La décision est prise … puisque la mise en application est déjà programmée à une date proche et sur un terrain déterminé. La posture est prise, la confiance est revenue, la méthode est adoptée… Le reste devrait suivre…Merci à tous ». Corrine : « Je vais vivre de mon expertise et m’approprier et appliquer ce que j’ai appris en formation CAC ». (société déjà créée et en activité) Carole : « Je vais finaliser mon projet avec quelques derniers réglages et vais commencer les ronds dans l'eau. Pendant l'été je vais également préparer tout l'aspect administratif (inscription auto entrepreneur, trame des documents, INPI...) et marketing (blog, réseaux sociaux...) ».
----------------------------------------------------- Comment vivez-vous de votre expertise à aujourd’hui ?
stagiaires de la session octobre 2009 – mars 2010) Christine : « J’ai eu trois missions à l’issue du stage avec un cabinet de conseil & formation, j’ai 2 autres projets de collaboration qui devraient aboutir d’ici septembre plus des cours d’octobre à novembre et une formation prévue chez un nouveau client.» (société créée et en activité) Jean-Hervé « Je suis en phase de finalisation de ma structure » (création de structure en cours) Estelle : « Mon activité est actuellement en suspend jusqu’en septembre (congés maternité) » (société créée et en activité) Benoit : « Mon entreprise qui devait disparaître a été reprise par un groupe espagnol et j’en assure toujours la direction. Je suis devenu dirigeant et consultant interne en même temps. » (en poste en entreprise)
Questions
Le fait de conserver une identité professionnelle fortement liée à la première partie de carrière est-elle un obstacle ou une richesse supplémentaire dans le cadre d’une professionnalisation des individus ? La construction d’une identité professionnelle spécifique est-elle la condition sine qua non d’une professionnalisation des individus ? La vision très « opérationnelle » de la professionnalisation exprimée par les consultants est-elle compatible avec celle des syndicats ? Ces visions sont-elles complémentaires ou antagonistes au regard des attentes des clients ? Ce troisième volet de la mission m’a donné à réfléchir sur la place de l’identité professionnelle dans
la construction de la professionnalisation des individus. Il m’a également permis de trouver matière à la définition de la professionnalisation par les
consultants et de relever les différences de leur vision de la professionnalisation par rapport à celle proposée par les syndicats.
69
2.3 Les apports transversaux d’une démarche introspective 129 Dans l’introduction de mon rapport de mission, j’avais estimé pertinent de retracer le cheminement et
les raisons qui me semblaient à l’époque avoir présidé au choix de la structure d’accueil du stage
inscrit au cursus du Master 2 Pro ICF. Je reprends ici ce texte car, au-delà de l’exposé de la «petite
histoire » de la mission, il illustre la démarche qui était la mienne lors de sa rédaction et dont je me
suis depuis distanciée en adoptant une position moins naïve et plus introspective quant aux
motivations profondes de mes choix.
J’ai trouvé ce stage suite à mes propres démarches pour faire certifier, via l’ICPF & PSI, mon expertise et mon expérience de formatrice consultante autonome. Cette démarche de certification était complémentaire à la préparation du Master Ingénierie et Conseil en Formation et visait à obtenir la reconnaissance des mes années d’ancienneté, de mon professionnalisme et à élargir mon réseau professionnel afin d’optimiser les chances de réussite de ma nouvelle activité de formatrice consultante autonome. L’activité libérale de formateur consultant comporte des différences notables (ne serait-ce que par la dimension commerciale et les obligations légales qu’elle requiert) par rapport à celle de l’activité de formateur en entreprise. Après de nombreuses années passées au poste de formatrice dans l’industrie pharmaceutique, j’avais décidé de créer mon activité libérale. Dans le cadre de l’élaboration de mon projet professionnel, j’avais besoin de connaître les modalités et obligations légales d’exercice mais surtout d’avoir une vision “de l’intérieur” de ce milieu que j’avais déjà approché en tant que cliente lorsque j’étais salariée mais dont la réalité m’était inconnue : il me fallait savoir si l’exercice de la profession libérale correspondait à ce que je pouvais et désirais faire. Je me suis donc rapprochée des syndicats représentant les formateurs et consultants autonomes afin d’obtenir des informations les plus complètes et impartiales possible et de rencontrer un cercle plus large de professionnels libéraux. ’ai découvert l’ICPF & PSI et rencontré son président Jean Jacques Machuret lors d’une réunion de la Chambre Syndicale des Formateurs Consultants (CSFC) au cours de laquelle il présentait le parcours de professionnalisation des formateurs consultant initié par la CSFC et le Cycle Spécialisé Commercialisation des Activités de Consulting /…/ L’objectif de ce cycle spécialisé étant de former des professionnels aux spécificités et aux méthodes de commercialisation de conseil et plus généralement de prestations intellectuelles et de les accompagner dans la construction opérationnelle de leur projet professionnel, il m’est apparu comme un complément utile à la formation universitaire entreprise à l’Université de Rouen. J’ai ainsi effectué ce cycle de formation de novembre 2009 à mars 2010 et proposé à Jean Jacques Machuret d’effectuer mon stage de Master 2 Professionnel Ingénierie et Conseil en Formation au sein de l’ICPF & PSI.
Le travail de recherche entrepris et la mission réalisée m’ont depuis amenée à questionner ma propre
démarche tant professionnelle (Pourquoi finalement avais-je décidé de devenir formateur consultant
autonome ?) qu’estudiantine (Pourquoi ais-je choisi de reprendre mes études en effectuant la même
année ce Master plus une formation professionnelle complémentaire et une certification ? Pourquoi
avoir choisi ce thème de recherche et de stage ?...) et m’ont, in fine, renvoyée à ma propre recherche
d’identité professionnelle et de professionnalisation ainsi qu’aux motivations profondes des
démarches entreprises.
J’ai ainsi récemment pris conscience, tant par l’analyse de mon positionnement et de mes choix que
par ceux des stagiaires du cycle commercialisation des activités de consulting, que mon identité
professionnelle (dans sa dimension « identité pour soi ») que je considérais – et revendiquais- comme
solidement établie était en réalité bien plus incertaine, floue et fragile que je voulais bien le croire.
129 Compte tenu de l’aspect personnel de cette partie, je préfère rédiger à la première personne plutôt que de conserver un « nous » distancié qui serait, à mon sens, discordant dans le propos.
70
Le fait de reprendre ainsi mes études en menant deux cursus de formation en parallèle tout en
postulant à une certification étaient ainsi peut-être davantage un traitement, via l’acquisition de
marques de reconnaissance, d’une identité sociale et professionnelle fragile -voire blessée- qu’une
démarche de professionnalisation destinée à sécuriser et optimiser les chances de réussite de mon
projet professionnel ainsi que je pensais au départ.
La sécurisation du projet professionnel n’était que le problème apparent -et donc l’objet d’un objectif
tronqué- masquant le problème, la motivation et l’objectif réels : la nécessité de restaurer une identité
sociale et professionnelle malmenée par une fin de carrière en entreprise douloureuse achevée sur un
« burn out » constituant une rupture biographique mal gérée. Mes démarches de formation et de
certification ainsi que l’orientation de mes choix semblent ainsi traduire une dynamique identitaire de
préservation et de reconstruction identitaire au sens défini dans les travaux de Moktar Kaddouri130
également visible dans le lieu de stage choisi. L’ICPF & PSI étant un institut chargé de certifier des
professionnels de la formation et prestataires de service intellectuel, il n’y avait pas de meilleur choix
pour une personne ayant besoin de réhabiliter une identité blessée et de la faire reconnaître par «un
autrui significatif».
Cette démarche introspective m’a amenée à m’interroger sur les fondements de la dynamique
identitaire des formateurs consultants rencontrés – notamment les stagiaires présentés ci dessus.
Découvrir en soi le « double fond » de motivations que l’on pensait pourtant sincères invite à
rechercher chez les autres les motivations ou les problèmes réels qui sous-tendent les actes et
émergent derrière les propos. En un mot, cela m’a amenée à tenter d’aller plus loin que l’écume des
choses.
S’il est souvent dit que nos choix ne sont jamais innocents, je ne pensais pas en commençant ce travail
qu’il m’amènerait par un jeu de miroirs assez troublant – et parfois inconfortable – à reconsidérer mes
motivations et ma dynamique identitaire.
Deux principaux constats émergent de cette démarche introspective (que je ne détaillerai pas
davantage ici) :
- Une démarche de professionnalisation peut avoir des objectifs dont l’individu qui la met en
œuvre n’a pas forcément conscience tant qu’il ne dépasse pas le problème apparent pour
accéder au problème réel.
- L’identité professionnelle se nourrit de la professionnalisation qui a elle-même besoin de
s’appuyer sur une identité professionnelle identifiée –même partiellement- pour se bâtir.
Ces constats débouchent sur une question : l’aspect «composite» et «complexe» de l’identité
professionnelle des formateurs consultants pourrait-il n’être finalement que le reflet d’une identité
sociale et professionnelle en souffrance ?
Cette démarche introspective m’a amenée à pousser mes raisonnements et mes analyses plus loin
que ce qui est directement observable, à ne plus m’arrêter seulement à ce qui est « dit ou fait »
pour aller rechercher pourquoi la personne « dit ou fait » les choses.
130 KADDOURI M. (2001). Vers une typologie des dynamiques identitaires. In Centre de Recherche sur la Formation (éd.) Action et Identité
71
III. PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES
La présentation du contexte fait émerger différents types de constats à partir desquels nous
construisons la problématique que nous proposons d’étudier afin de mieux comprendre la situation.
Ces constats renvoient à quatre dimensions du cadre général de travail : la réforme de la formation
professionnelle tout au long de la vie, l’offre des formateurs consultants, la reconnaissance de ce
groupe professionnel, les regards portés sur leur activité et leur identité.
Les constats et questionnements issus du terrain ont davantage été porteurs pour l’élaboration des
hypothèses que ceux issus du contexte.
1. Synthèse des constats et émergence de la problématique
1.1 Les constats relatifs à la réforme de la formation professionnelle et à la
place des dispensateurs de formation
Le premier constat porte sur le fait que la plupart des rapports émis dans le cadre de la réforme de la
formation professionnelle tout au long de la vie131 ont fait des propositions allant dans le sens d’un
renforcement de l’encadrement de l’activité, d’une labellisation des prestataires (organismes de
formation et prestataires autonomes) et du développement de la démarche qualité dans les processus
d’élaboration des prestations en plus de la mise en place d’un système permettant de développer la
visibilité et la lisibilité de l’offre.
Le second constat est posé sur ce qui a été effectivement mis en œuvre suite aux propositions citées
ci-dessus : la loi du 24 novembre 2009 n’aborde ni la question de la qualité des offres ni la qualification
des acteurs qui dispensent les prestations… Actuellement un article de loi relatif à la reconnaissance
des qualifications et titres des formateurs spécifie que toute personne qui réalise des prestations de
formation professionnelle « doit justifier des titres et qualités des personnels d'enseignement et
d'encadrement qui interviennent à quelque titre que ce soit dans les prestations de formation qu'elle
réalise, et de la relation entre ces titres et qualités et les prestations réalisées dans le champ de la
formation professionnelle. » 132
Le fait que ces « titres et qualités » ne fassent actuellement l’objet d’aucune définition ni obligation
semble priver ces dispositions de toute effectivité ; la déclaration d’activité instituée par la loi de 2002,
constitue aujourd’hui encore la seule contrainte pour créer une activité de formation.
Il n’y existe donc, à ce jour, aucune obligation de professionnalisation ni de certification des
organismes ou des formateurs autonomes dispensateurs de formation professionnelle ni de
réglementation en terme de démarche qualité.
« Pourquoi la professionnalisation des dispensateurs de formation est-elle encore exclue de la réforme
de la formation en cours ? », est ainsi la question centrale amenée par la mise en parallèle de ces deux
constats.
131 Les rapports Carle-Sellier et Cahuc – Zylberberg par exemple émis dans le cadre du bilan de la loi du 4 mai 2004, les rapports Ferracci et Guegot destinés à poser le processus de refonte du système ou encore le rapport Duda rédigé dans le cadre des axes de travail fixés afin de préparer l’ANI du 7 janvier 2009 et de la loi du 24 novembre 2009. 132Article L6352-1 du code du travail au 27 07 2010
72
1.2 Les constats en lien avec l’offre proposée par les formateurs consultants
indépendants
Un premier constat porte sur l’interprétation française du concept de « life long learning » : la
formation tout au long de la vie relève, en France, d’objectifs socio-économiques centrés sur le
développement de l’individu au travail.
Les actions de formation qui entrent dans le champ de la formation professionnelle tout au long de la
vie ne mentionnent aucune action de développement personnel ou culturel hormis la lutte contre
l’illettrisme et l'apprentissage de la langue française133 et excluent du champ de la formation
professionnelle "les actions d'accompagnement, coaching, tutorat (qui) doivent être considérées
comme des actions de conseil".134
Un deuxième constat émerge de l’enquête du SICFOR et met en lumière que les prestations proposées
par les formateurs consultants sont largement centrées sur des actions qui, si elles sont certes en lien
avec la définition européenne de la formation tout au long de la vie, ne relèvent pas de la formation
professionnelle tout au long de la vie telle qu’elle est entendue en France.
Un troisième constat est en lien avec les données de la DARES qui identifie 56 970 établissements
dispensateurs de formation actifs mais ne retient que 48 214 établissements ayant réalisé des actions
de formation professionnelle. 8 756 organismes sont ainsi écartés car ils dispensent des formations qui
n’entrent pas dans le registre de la formation professionnelle tel que défini à l’article Art. L. 6313-1 du
Code du travail. La DARES exclut également de son analyse les organismes ou prestataires individuels
dont la formation représente une des activités non majoritaire (nombre de structures ou de
prestataires indépendants développent en parallèle de la formation des activités de conseil ou
d’accompagnement qui ne font pas partie) ou les formateurs individuels en portage salarial135.
Ces trois premiers constats semblent mettre en évidence qu’un nombre important d’organismes de
formation- dont les formateurs consultants indépendants- offriraient des prestations en décalage avec
les orientations nationales et questionnent l’opportunité d’en construire la professionnalisation dans
le cadre de la formation professionnelle.
Le fait que la professionnalisation des formateurs consultants ne soit pas prise en compte dans la
réforme en cours serait-il ainsi lié à une non-conformité, une inadéquation de leurs offres au regard
des priorités nationales ?
Quid de leur place et de leur statut au regard des orientations et exigences nationales ?
133 Code du travail - 6e partie- La formation professionnelle tout au long de la vie - Art. L. 6313-1. 134 Circulaire DGEFP n° 2006/35 du 14 novembre 2006 135 L'article L1251-64 du Code du travail définit le portage salarial comme étant "un ensemble de relations contractuelles organisées entre une entreprise de portage, une personne portée et des entreprises clientes comportant pour la personne portée le régime du salariat et la rémunération de sa prestation chez le client par l'entreprise de portage".
73
1.3 Les constats en lien avec la reconnaissance de ce groupe professionnel :
Le premier constat porte sur l’association, fortement revendiquée, de deux activités : la formation et le
conseil. Si elles sont effectivement complémentaires voire indissociables dans les faits, elles sont peu
compatibles au regard de la législation. La formation entre dans le champ de la formation
professionnelle alors que les activités de conseil en sont exclues. Ces deux activités ne relèvent donc
pas de la même tarification ce qui ne manque pas de poser question aux pouvoirs publics quant à la
catégorisation et donc à la reconnaissance des formateurs consultants.
Le deuxième constat porte sur la reconnaissance par les pouvoirs publics -et les partenaires sociaux-et
se traduit par le fait, qu’en dépit du volume numérique des formateurs consultants indépendants (En
2006, les formateurs individuels repérés par l’administration représentaient 31% des organismes
privés actifs), aucune association ou syndicat les représentants n’ont jamais été conviés aux
négociations lors des accords nationaux interprofessionnels (ANI).
Le troisième constat porte sur la diversité des statuts rencontrés dans le groupe des formateurs
consultants indépendants. Plus encore que les autres métiers de la formation, ce groupe professionnel
est confronté à un problème d’unité136 et de « nébulosité ».
Le problème de « nébulosité » et d’activité « mixte » à la fois dans et hors du champ de la formation
professionnelle pose la question de leur reconnaissance institutionnelle.
Faut-il y voir une des causes à l’absence d’implication des pouvoirs publics dans la professionnalisation
des formateurs consultants indépendants ?
1.4 Les constats en lien avec les regards portés sur l’activité et l’identité des
Formateurs consultants indépendants
Nous pouvons constater que le métier de formateur consultant indépendant est qualifié de non
stabilisé et que son périmètre est considéré comme non arrêté par ceux là même qui l’exercent.137
Les travaux des chercheurs en sciences sociales ou en sciences de l’éducation relatifs à la
compréhension de l'identité et de l’activité des formateurs et formatrices d'adultes posent, à leur tour,
les constats suivants : « les contours de leur profession est difficile à fixer et leur parcours s’illustre par
une «atypie persistante ». 138 « Les formateurs consultants et concepteurs de projets se trouvent /… /
dans une logique de revendication de leur professionnalité, porteuse de leur identité professionnelle et
mise à mal dans leur contexte d'exercice. 139
136 « Les métiers de la formation », Emmanuel de Lescure et Cédric Frétigné (dir.) Presses universitaires de Rennes, 2010, pur-editions.fr 137 Interview de Lionel SOUBEYRAN président du SICFOR dans le Dossier centre Inffo –l’information sur la formation – le paysage syndical de la formation n° 761 1er au 15 février 2010. 138 Monbaron, J. (2004) Les formateurs d'adultes: une identité composite. Apport à une définition de l'identité professionnelle des formateurs d'adultes à la lumière de leur itinéraire institutionnel. Thèse de doctorat. Université de Genève. Monbaron, J. (2005) A propos de la lucidité des acteurs en recherche-formation. Revue des sciences de l’éducation no 31/2. Montréal. pp. 355-376. Monbaron, J. (2007) La compétence biographique des formatrices et des formateurs d'adultes comme soutien aux transitions de l'existence. Revue francophone internationale Carriérologie 139 GRAVE P, l’identité professionnelle des formateurs - Article de la rubrique « Former, se former, se transformer » Hors-série N° 40 - Mars/Avril/Mai 2003 Former, se former, se transformer
74
L’importance de clarifier leur identité professionnelle est bien identifiée par les formateurs
consultants, les enjeux sont notamment posés en terme de professionnalisation ainsi que de
reconnaissance de l’activité par les pouvoirs publics, les clients et au regard du groupe professionnel
des métiers de la formation.
Cependant, en dépit d’initiatives syndicales centrées sur la professionnalisation depuis de nombreuses
années, et d’une « professionnalité » ou d’un « professionnalisme » revendiqué par l’ensemble des
formateurs consultants que nous avons rencontré, les parcours de professionnalisation mis en place
ne mobilisent qu’une infime partie des formateurs consultants.
Ces constats soulèvent au moins deux questions :
La notion de professionnalisation est-elle perçue de la même façon par les formateurs consultants
indépendants et les syndicats qui les représentent ?
L'identité professionnelle des formateurs mal définie, composite et complexe est-elle compatible avec
une professionnalisation ?
---------------------------------------------------------
Les différents constats établis et les questionnements qui en découlent nous amènent donc à poser
notre question de recherche en ces termes :
Pourquoi la professionnalisation des formateurs consultants est-elle encore à l'état
d'ébauche et exclue des grands axes de la réforme de la formation professionnelle tout au
long de la vie alors qu'elle semble être appelée de tous (pouvoir publics, syndicats,
formateurs et clients) depuis plus de 15 ans ?
75
2 Hypothèses et méthodologie Au regard des constats précédemment établis et des interrogations soulevées, de nombreuses
hypothèses peuvent être évoquées en réponse à cette question.
Ne pouvant suivre l’ensemble des pistes qui s’offraient, nous proposons d'en explorer deux via une
méthodologie qualitative portant à la fois sur l’analyse d’entretiens semi directifs et de documents
recueillis tant dans le cadre de la mission qu’au cours de nos travaux de recherche.
2.1 Les hypothèses Notre première hypothèse est qu’il existe un problème de reconnaissance des formateurs
consultants indépendants en tant que profession par les pouvoirs publics qui ne se sentent ainsi pas
concernés par leur professionnalisation.
Cette première hypothèse a été émise suite à la mise en parallèle du positionnement des pouvoirs
publics dans les démarches de normalisation entreprises à l’AFNOR (dans lesquelles la DGEFP est
fortement impliquée afin d’aider à l’amélioration et à la lisibilité des prestations) avec l’absence de
représentation des pouvoirs publics lors des premières assises des formateurs consultants
indépendants de juin 2010. Cette hypothèse est également sous-tendue par le constat issu du
contexte législatif qui pose que les dispositions qui permettraient une reconnaissance des
professionnels ne sont pas dotées des décrets qui pourraient les rendre effectives.
Les principaux indicateurs utilisés pour étudier cette hypothèse seront les positions manifestées par
les pouvoirs publics à ce sujet ou par le CEREQ .
Les moyens méthodologiques seront essentiellement l’analyse de l’entretien que nous avons eu le 9
juillet 2010 avec Pierre Le Douaron Adjoint au Sous Directeur Politiques de Formation et du Contrôle
DGEFP ainsi que deux études réalisées par le CEREQ en novembre 2003 et avril 2010. 140 141
La seconde hypothèse porte sur le fait, qu’au-delà d’un problème de définition du terme, la
professionnalisation peut avoir des enjeux différents –voire divergents- selon les acteurs concernés,
ce qui entrave leur mobilisation et le nécessaire dialogue entre les pouvoirs publics, les formateurs
consultants, les syndicats et les clients.
Cette hypothèse est issue de nos observations, lors des différents volets de notre mission, des liens
faits entre professionnalisation- démarche qualité- reconnaissance de l’expertise via des certifications,
titres ou diplômes par les syndicats et de ceux établis autour des mêmes termes par les formateurs
consultants indépendants. Il en va de même pour les enjeux associés qui semblent différents selon les
acteurs qui évoquent la professionnalisation.
La comparaison et le relevé des points de convergence et de divergence (voire d'opposition) de ces
différentes définitions et de ces enjeux de la professionnalisation seront les indicateurs de vérification
de cette hypothèse.
140 Michun S., SIMON V., VALLETTE A., La formation professionnelle continue comme activité secondaire Structuration du marché et nature de l’offre en questions CEREQ avril 2010 http://www.cereq.fr/pdf/Net-doc-61.pdf 141 VERO J., ROUSSET P., la structuration de l’offre de formation continue CEREQ novembre 2003 http://www.cereq.fr/pdf/nef4.pdf
76
L’analyse d’entretiens (dont celui cité ci-dessus) menés avec trois formateurs consultants, deux
responsables syndicaux et trois acheteurs de prestations seront les principaux moyens
méthodologiques utilisés ainsi que l’analyse de textes recueillis au cours de la mission réalisée à l’ICPF
& PSI (en particulier le discours de Lionel Soubeyran, Président du SICFOR)
2.2 Cadre méthodologique
Nous confronterons nos observations aux hypothèses selon une méthode qualitative appliquée à des
données recueillies via des entretiens (semi directifs à l’exception du premier) et à l’étude de divers
documents principalement recueillis lors de notre mission et choisis en fonction de l’éclairage qu’ils
apportent sur les hypothèses étudiées.
L’enquête par entretiens a été réalisée indépendamment de la mission à des fins de vérification des
hypothèses proposées face à la problématique. Elle n’est cependant qu’un des éléments de réponses
aux hypothèses.
Une enquête par questionnaire avait été envisagée dans un premier temps mais il nous est rapidement
apparu qu’une écoute de nos interlocuteurs via des entretiens permettrait de recueillir davantage
d’informations à partir de propos relativement spontanés de la part des personnes entendues. Ce
mode d’enquête se prêtait mieux aux questions à poser au regard des hypothèses émises.
2.2.1 Contraintes rencontrées Un enregistrement intégral des entretiens n’a pas toujours pu être réalisé, certains de nos
interlocuteurs n’ayant pas souhaité être enregistrés afin de se sentir plus libres dans leurs propos, en
ce cas, nous avons veillé à noter les propos de la façon la plus fidèle possible. Compte tenu de notre
rôle de chargée de mission qualité auprès du Président de l’ICPF & PSI, il nous a semblé important
d’être particulièrement vigilant à notre propre positionnement et à notre distanciation de la recherche
entreprise et de la mission effectuée. Cette distanciation a été systématiquement précisée auprès des
personnes entendues en entretien afin qu’elles comprennent que notre démarche s’effectuait dans le
cadre d’un travail universitaire et non de notre mission à l’ICPF & PSI. 142
2.2.2 Des entretiens semi directifs sur la notion professionnalisation et un premier entretien-clé centré sur la problématique
Les entretiens furent menés sur un mode semi directif à partir du guide d’entretien présenté ci après
sauf celui qui nous fut accordé par Pierre Le Douaron. Compte tenu de sa position à la DGEFP, de son
implication dans la réforme de la formation professionnelle tout au long de la vie et à l’Université de
Rouen, la question de recherche fut directement énoncée en introduction de l’entretien qui s’articula
autour de trois thèmes :
- les conditions d’une professionnalisation des Formateurs Consultants Indépendants,
- les attentes des pouvoirs publics,
- la vision de cette profession par les pouvoirs publics.
142 Cette démarche se traduit également par le choix des hypothèses développées et des champs conceptuels choisis. Considérant que cela rendrait difficile l’objectivité de nos propos, nous avons décidé d’écarter, tant au niveau des hypothèses à explorer qu’au niveau du champ contextuel, un abord par la démarche qualité qui aurait risqué de rendre difficile la nécessaire distanciation de notre travail de recherche par rapport à notre activité.
77
Cet entretien – c’était notre premier entretien dans le cadre de ce travail- fut très important car les
informations recueillies furent un des éléments clés qui présidèrent au choix des hypothèses à
explorer.
Le guide d’entretien élaboré pour les entretiens semi directifs est composé : - D’une consigne de départ qui précise :
o les raisons de la rencontre, le cadre du travail de recherche entrepris ainsi qu’un rappel de la posture dans laquelle nous nous présentons pour réaliser l’entretien : « Merci d’avoir accepté cet entretien réalisé dans le cadre du mémoire du Master 2 Ingénierie et Conseil en Formation de l’Université de Rouen que je soutiendrai en septembre prochain. Je vous reprécise (cela avait déjà été précisé lors de la prise de rendez-vous) que cet entretien est réalisé dans le cadre de ce travail universitaire et non dans le cadre de mes fonctions à l’ICPF & PSI. Vos propos sont recueillis afin d’enrichir l’étude d’une problématique centrée sur la réforme de la formation professionnelle tout au long de la vie et de la professionnalisation des formateurs consultants indépendants ».
o Une brève explication de la démarche qui nous a amené à solliciter spécifiquement la personne interviewée : « En tant que / intitulé du poste ou de la mission de l’individu /, votre avis et regard sont des éléments importants de notre analyse de la problématique car ils permettent d’apporter un éclairage professionnel sur la question. »
- Des informations recherchées au sujet du thème abordé lors de l’entretien :
o Thème : la professionnalisation o informations recherchées :
quelle est leur définition de ce terme ? qu’est-ce qu’un professionnel selon eux ? comment se définissent-ils en tant que professionnel ? qu’ont-ils mis en place pour leur professionnalisation ? Dans quel but – quel
objectif ? quels sont, selon eux, les enjeux pour eux de la professionnalisation - ou d’être
reconnu comme un professionnel, pourquoi est-ce important ?
2.2.3 Les personnes rencontrées : mise en place de l’échantillon
Les entretiens semi directifs ayant été réalisés au regard de la seconde hypothèse (au-delà d’un
problème de définition du terme, la professionnalisation peut avoir des objectifs différents selon les
acteurs concernés), il était important de réunir un échantillonnage représentant les différents acteurs
évoqués. Il fut ainsi constitué d’un représentant des pouvoirs publics, de trois formateurs consultants
indépendants, de deux responsables syndicaux et de trois acheteurs de prestations.
Nos interlocuteurs nous ont tout fort bien accueillie et nous ont accordé le temps nécessaire à la
réalisation des entretiens. Nous profitons de ces lignes pour les remercier sincèrement de l’attention
et du temps qu’ils nous ont accordé.
2.2.4 Méthode d’analyse
La méthode d’analyse qui nous semble être la mieux indiquée pour traiter les données recueillies lors
des entretiens est l’analyse du contenu afin d’apporter des réponses aux hypothèses émises et
d’ouvrir d’éventuelles voies de recommandations au regard de la problématique. Cette méthode sera
appliquée aux entretiens et aux documents sources recueillis.
78
IV. CADRE CONCEPTUEL La problématique évoquée dans notre travail paraît se cristalliser autour d’un paradoxe clairement
énoncé par Emmanuel de Lescure dans son récent ouvrage consacré aux approches sociologiques des
métiers de la formation 143 « le sociologue qui s’intéresse aujourd’hui aux métiers de la formation est
d’emblée frappé par un curieux paradoxe. La lecture de la littérature professionnelle l’invite à
considérer que ces métiers sont en cours de professionnalisation, mais lorsqu’il remonte un peu dans le
temps, il relève que cette assertion est vieille de plusieurs décennies et que ce processus ne semble
jamais trouver d’issue. Le groupe est l’objet d’une réussite indéniable, cependant, il ne parvient pas à
stabiliser ses activités ni, a fortiori, sa définition, sa position et sa composition. » L’auteur relève
également la « fragilité identitaire du groupe pensé dans son ensemble » et le fait que, si les travaux de
nombreux chercheurs en sociologie ou en sciences de l’éducation lient l’hétérogénéité de ce groupe
avec sa « fragilité et l’incertitude de son développement », d’autres ont porté leurs travaux sur « le
processus de construction du groupe professionnel » voire sur le potentiel de ce processus.
Deux dimensions semblent ici se confronter et alimentent les débats : d’une part la réussite (ne serait-
ce que numérique) d’un groupe et son processus de construction semblent annoncer la mise en œuvre
d’une professionnalisation « en cours » depuis bien (trop ?) longtemps ; d’autre part, l’hétérogénéité
des pratiques, le caractère atypique des parcours des individus exerçant leur activité dans ce champ
professionnel et l’aspect « nébuleux » de ce domaine d’activité mettent en question l’identité
professionnelle de ce groupe et amènent les observateurs à questionner ses perspectives d’avenir.
La question de l'identité professionnelle des formateurs consultants a également été soulevée par les
constats liés au contexte et nos observations terrain qui nous incitent à considérer que l’identité
professionnelle se nourrit de la professionnalisation qui a elle-même besoin de s’appuyer sur une
identité professionnelle identifiée –même partiellement- pour se bâtir.
La problématique étudiée nous semble ainsi relever de deux champs conceptuels à la fois distincts et
indissociables : la professionnalisation et l’identité professionnelle.
1. La professionnalisation
La notion de professionnalisation peut apparaître comme peu stabilisée au regard de la polysémie qui
s’y attache. Il semble qu’il existe autant de définitions du concept de professionnalisation que de
champs disciplinaires qui s’y sont intéressés : sociologie, psychologie, psychosociologie, sciences de
l’éducation, ergonomie, sciences de gestion, etc.144
Nous n’explorerons bien évidemment pas ici l’ensemble de ces approches. Au regard de notre thème
de recherche, nous choisissons d’aborder le concept de professionnalisation d’une façon « générale »
via les sciences de l’éducation et la sociologie des professions en particulier à travers les travaux de
Richard Wittorski et de Raymond Bourdoncle.
Nous approfondirons ensuite le concept de professionnalisation plus spécifiquement appliqué aux
métiers de la formation puis aux formateurs consultants.
143 DE LESCURE E., FRETIGNE C., (dir.) les métiers de la formation, approches sociologiques Presses Universitaires de Rennes mars 2010 144 BOUDJAOUI M., Comprendre la multi dimensionnalité des processus de professionnalisation : les apports de l’observation et de la recherche – action 2ème colloque international francophone sur les méthodes qualitatives 25 et 26 juin 2009 à Lille
79
1.1 Cadre conceptuel général
Selon Richard Wittorski, le terme «professionnalisation » peut revêtir trois dimensions différentes :
- la professionnalisation des activités ou des métiers au sens de l'organisation sociale d'un ensemble d'activités ;
- la professionnalisation des organisations, au sens de la formalisation d'un système d'expertise par et dans l'organisation ;
- la professionnalisation des acteurs, au sens à la fois de la transmission de savoirs et de compétences (considérées comme nécessaires pour exercer une profession) et de la construction d'une identité de professionnel.
- La professionnalisation peut ainsi relever de deux processus différents : l’un de négociation, par le jeu
des groupes sociaux, qui a pour finalité la reconnaissance, l'autonomie et la spécificité d'un ensemble
d'activités ; l’autre de formation des individus aux contenus d'une profession existante. Dans le
premier cas, il s'agit de construire une nouvelle profession et, dans le second, de former des individus
à une profession existante.
La professionnalisation des individus réside ainsi « dans le jeu de la construction et/ou de l'acquisition
de ces éléments qui permettront au final de dire de quelqu'un qu'il est un professionnel c'est-à-dire qu'il
est doté de l'ensemble des connaissances, des savoirs, des capacités et des compétences caractérisant
sa profession et que l’on peut qualifier de professionnalité ». 145
Raymond Bourdoncle distingue cinq objets de professionnalisation :
- l’activité : elle n’est plus exercée gratuitement mais de façon rémunérée, à titre principal et s’enseigne à l’université
- le groupe exerçant l’activité : création d’une association professionnelle, d’un code de déontologie et volonté d’obtenir un droit unique d’exercer l’activité
- les savoirs professionnels « connaîtraient alors une croissance en spécificité, rationalité et efficacité en même temps qu'une diversification dans leur nature (savoirs procéduraux autant que déclaratifs, compétences plutôt que savoirs) et une reformulation en termes de compétences »
- les personnes exerçant l’activité via l’acquisition de savoirs et de compétences professionnelles en situation réelle menant à un processus d’amélioration des savoirs et capacités et à la construction d’une identité (socialisation professionnelle)
- la professionnalisation de la formation rend les individus capables d’exercer une activité économique déterminée146.
Solveig Fernagu Oudet 147se penche sur la professionnalisation et la définit au niveau de l’individu
comme un processus d’acquisition d’expérience par lequel un individu acquiert tout à la fois savoir et
identité professionnelle via le passage par des situations de formation et des situations de travail
rendues professionnalisantes.
Au regard des constats que nous avons précédemment établis tant par l’analyse du contexte que par
nos observations issues du terrain, l’activité de formateur consultant (indépendant ou non) semble
peiner à être reconnue comme une profession. Le processus de négociation visant la reconnaissance,
l'autonomie et la spécificité de l’activité reste à construire afin que la profession soit reconnue et
145 WITTORSKI R., Professionnalisation et développement professionnel Action et Savoir, L’Harmattan 2007 146 BOURDONCLE R. Autour des mots : professionnalisation, formes et dispositifs. Recherche et Formation, 19, 137-148, 2000 147 FERNAGU-OUDET S., Organisation du travail et développement des compétences - Construire la professionnalisation l’Harmattan 2007
80
identifiée clairement – ne serait-ce que par les clients et les pouvoirs publics à défaut de l’opinion
publique.
Si l’on considère que l’activité est cependant assez constituée pour constituer une profession – même
peu reconnue- le processus de formation des individus aux contenus de cette profession reste à définir
et à faire reconnaître en tant que référentiel.
L’activité est certes rémunérée et enseignée à l’université mais il existe une grande confusion entre la
fonction « formation conseil » exercée de façon annexe à une autre activité et l’activité « formation
conseil » exercée à titre principal.
Il existe bien des syndicats et un code de déontologie mais ils sont loin d’être connus ne serait-ce que
d’un cinquième des formateurs consultant et le fait que le marché de la formation soit un marché
résolument ouvert exclu la volonté d’obtenir un droit unique de l’exercer. Quant aux savoirs
professionnels, s’il est incontestable qu’ils existent, sont importants et sans cesse enrichis, aucun
processus d’acquisition par les professionnels qui exercent l’activité n’a été établi (la profusion de
formations visant à leur transmission rend d’ailleurs le choix difficile pour les apprenants).
L’ensemble de ces éléments semblent converger vers la délicate construction d’une identité sociale et
professionnelle, ce qui nous amène à aborder à présent les enjeux sociaux de la professionnalisation.
1.2 Les enjeux sociaux de la professionnalisation
Cet aspect du champ conceptuel de la professionnalisation est au cœur de notre problématique et des
hypothèses émises – en particulier la seconde. Il nous apparaît donc important de l’aborder et nous
avons choisi de le faire via l’analyse proposée par Richard Wittorski qui souligne que « la
professionnalisation relève avant tout d’une intention sociale /…/ elle fait l’objet d’une charge
idéologique forte. Cette thématique chargée renvoie à des enjeux qui se différencient en fonction des
groupes d’acteurs qui la promeuvent (société, individus, groupes professionnels ou organisations).148
Quatre espaces sont alors examinés afin de distinguer les divers enjeux :
- L’espace politique et social au sein duquel on observe une décentralisation :
o politique, notamment via la territorialisation,
o sociale et organisationnelle avec la responsabilisation des personnes sur l’efficacité, la
gestion des changements et l’évaluation du travail.
L’efficacité individuelle est ainsi mise au service d’un modèle de société marqué par une
pensée libérale dans lequel l’individu devient « entrepreneur » de sa propre vie.
- L’espace des groupes sociaux dont les enjeux se situent au niveau de la constitution des
professions par «la mise en reconnaissance de soi dans l’environnement à des fins de conquête
d’une meilleure place dans la hiérarchie étatique »
- Dans l’espace des organisations, la professionnalisation est au cœur de multiples enjeux :
o Le premier est d’accompagner et de faire accepter les fortes et récentes évolutions du
travail. La professionnalisation est alors «entendue comme une intention
organisationnelle d’accompagner la flexibilité du travail »
148 WITTORSKI R., Professionnalisation et développement professionnel Action et Savoir, L’Harmattan 2007
81
o Le second est de mobiliser les ressources des salariés dans ce contexte de flexibilité en
faisant de plus en plus appel à leurs compétences. Le sujet est alors en charge de la
construction de son expérience et de sa performance.
La professionnalisation est alors liée à une logique de compétences à développer et à
mobiliser par le salarié pour qu’il puisse remplir les « missions » qui lui sont assignées.
- Dans l’espace des individus, les enjeux de la professionnalisation s’expriment dans :
o une demande de reconnaissance de la professionnalité
o une demande de reconnaissance de l’identité dans la sphère sociale
« Produites autrefois collectivement, les identités professionnelles tendent désormais à
être bricolées par les individus en fonction de leurs trajectoires professionnelles. /…/
désormais, sous l’effet du chômage et de la libéralisation, dans les relations sociétaires,
ce qui compte c’est le résultat que va apporter chaque individu à l’entreprise,
accompagné du déclin des syndicats ».
La professionnalisation se situe donc au carrefour d’attentes sociales et d’enjeux divers pouvant ainsi
être schématisés :
professionnalisation
Espace politique & social
Espace organisation
Espace individus
Groupes sociaux & professionnels
Décentralisation sociale Individu « entrepreneur » de sa vie Décentralisation politique
territorialisation
Logique libérale : efficacité individuelle au service de la société
Décentralisation organisationnelle, mobilisation des salariés
Flexibilité, libéralisation du marché
Logique de compétence & accompagnement des évolutions du travail
Régulation du marché, meilleure place dans la hiérarchie étatique
Constitution des professions
Logique de reconnaissance du groupe socio
professionnel
Identité dans la sphère sociale
Professionnalité dans les organisations
Logique de qualification (reconnaissance de la professionnalité)
ENJEUX ENJEUX
149
Ce schéma sera repris dans le cadre de la vérification de notre seconde hypothèse relative aux
définitions et enjeux de la professionnalisation selon les acteurs.
149 Schéma document de travail C.TROILLET d’après Richard WITTORSKI Professionnalisation et développement professionnel Action et Savoir, L’Harmattan 2007
82
1.3 Brève approche historique de la professionnalisation des formateurs
d’adultes
"L'histoire, c'est cela: un moyen de comprendre et, par là même d'agir sur le cours des événements."
Lucien Febvre
Sans avoir l’ambition d’agir ici sur les évènements, l’histoire de la professionnalisation des formateurs
d’adultes nous apparaît comme un moyen de mieux comprendre la problématique soulevée.
Dans l’ouvrage « Pour une histoire de la formation » 150 Emmanuel de Lescure intitule son chapitre
sur la professionnalisation des formateurs d’adultes : «les formateurs d’adultes et leur
professionnalisation, du rejet à la fascination». Tout est dit dans ce titre !
Dans ce chapitre, Emmanuel de Lescure rejoint les constats posés par la majorité des auteurs qui
se sont penchés sur ce groupe professionnel quant à « la faiblesse de sa reconnaissance et de son
institutionnalisation /…/ Alors que les premiers indices de professionnalisation avaient été relevés
dès les années 1960, aujourd’hui, malgré l’explosion démographique du groupe, cette question ne
semble toujours pas avoir trouvé d’issue certaine, notamment en terme d’emploi et de carrière. »
Il distingue trois grandes périodes.
Les années 60 à 80 marquées par le refus de la professionnalisation des formateurs. « Plutôt que
de formateurs professionnels, ce dont la généralisation de l’éducation permanente a besoin, c’est
d’un régiment infini de formateurs occasionnels. » Ce refus de la professionnalisation est porté à
la fois par les formateurs eux-mêmes qui refusent que « leur action soit une spécialité de plus car
le succès de leur activité suppose la mort de leur spécialité. » et par les syndicats.
La CFDT et FO, interrogés sur la mise en œuvre de l’ANI de juillet 1970 en réponse aux questions
« qui sera appelé à exercer la fonction de formateur ? » et « les formateurs devront-ils être des
professionnels de la formation ou des membres du personnels des entreprises », indiquent que
« des formateurs, il n’en faut plus ». Fortement opposés à la constitution d’un corps professionnel
de formateurs, les deux confédérations considèrent que « les formateurs ne doivent pas faire
carrière, aucune spécialisation n’est voulue, ils ne doivent pas rester longtemps en poste, il doit y
avoir une grande rotation pour que tout le monde puisse devenir formateur ».La CGT a une
position plus nuancée et défend le modèle de l’AFPA c'est-à-dire celui « d’un formateur
professionnel qui tire sa légitimité de son expérience de travail hors de la formation ». Finalement,
cette période a généré une « multiplication des formateurs professionnels sans qu’une frontière
précise ne les sépare des formateurs occasionnels » et vu l’essor des « formations de formateurs »
indispensables dans cette logique où tous les individus deviendraient un jour formateurs. 151
150 LAOT F., et DE LESCURE E., dir. Pour une histoire de la formation, Histoire et mémoire de la formation, l’Harmattan 2008 151 Cette zone de « flou » entre les formateurs occasionnels et les formateurs professionnels semble persister encore de nos jours et peut être vu à travers la diversité extrême des formations de formateurs proposées sur le marché et allant de 2 jours à plus de 2 ans. Bien que destinées à des publics différents, elles sont toutes estampillées « formations de formateurs ». Le parcours des formateurs consultants actuels est également significatif de la persistance de ces deux façons d’exercer les activités de formation. Nombre de formateurs consultants indépendants qui se revendiquent actuellement comme formateurs professionnels ont pour toute formation l’expérience d’une « fonction de formation » exercée en complément de leurs missions dans leurs précédents postes. Note C.TROILLET
83
Les années 80 ouvrent une nouvelle période moins consensuelle que la première et qui donne lieu
à des prises de positions tranchées entre les partisans de la reconnaissance d’un statut, tel Gérard
Maglaive, et ceux qui y sont opposés.
Dans le rapport du groupe de travail qu’il anime sur la formation et la qualification des agents de
la formation continue152, Gérard Maglaive, alors responsable du CNAM, déplore l’absence de
qualification reconnue pour les métiers de la formation et la « scandaleuse précarité » qui
l’accompagne. Il souligne que les conditions d’emploi des formateurs sont pour lui préjudiciables
tant à ces derniers qu’à la qualité de la formation. Il définit des typologies de fonctions
(« formateurs enseignants, formateurs en relations humaines, formateurs animateurs,
coordinateur de formation et responsables de formation ») qui doivent servir à élaborer des
« itinéraires de formation et de qualification » afin de définir « des profils professionnels qui /…/
soient validés par des diplômes homologués par les pouvoirs publics pour être utilisables et
reconnus dans tous les secteurs d’activité et sur tout le territoire. » Aucun consensus ne put être
établi à l’issue des travaux de ce groupe de travail. Une première divergence se fit entendre de la
part d’universitaires opposés à la volonté d’affirmer « la légitimité d’une compétence par la
caution du contrôle d’une institution » ; une seconde opposition était portée par les représentants
du monde de l’entreprise qui soutenaient qu’il est « essentiel que le niveau du formateur soit aussi
proche que possible du niveau du formé et /que/ toute latitude /…/ soit laissée sur ce point aux
entreprises pour lesquelles l’efficacité testée et prouvée du formateur reste le meilleur critère. » et
soulignait le caractère transitoire de la fonction de formateur ne représentant qu’ « un passage
dans le déroulement d’une carrière ».
Lors du bilan du séminaire de Versailles initié en octobre 1986 par la délégation à la formation
professionnelle du ministère des affaires sociales et de l’emploi sur la formation professionnelle et
intitulé « Quelle formation ? Quels formateurs ? », André Ramoff153, délégué à la formation
professionnelle, exprime ainsi la position des pouvoirs publics qu’il représente : «j’ai peine à croire
que l’on puisse aujourd’hui vouloir s’engager dans la recherche d’un statut ou dans la recherche
d’une reconnaissance de la fonction de formateur », il appelle à « un peu moins de
professionnalisation et beaucoup plus de professionnalisme ». Il rejette ainsi toute perspective de
qualification des postes au motif qu’elle « stériliserait dans l’entreprise quantité de compétences
disponibles »mais reconnaît cependant que les formateurs professionnels sont indispensables à la
formation des formateurs occasionnels ainsi qu’à l’expertise ou au conseil pour lesquels leur
position d’extériorité à la structure d’intervention est requise.
La troisième période s’ouvre suite à la signature de la convention collective nationale en 1988 et
verrait, selon Emmanuel de Lescure, un relatif apaisement des conflits autour de la
reconnaissance du statut des formateurs et une prolifération des discours sur leur
professionnalisation. Il conclut qu’on est passé de «manière univoque, malgré l’expression de
quelques résistances, d’un discours dominant du refus de la constitution d’un corps professionnel à
celui de la nécessité de sa professionnalisation et donc, peu ou prou, de la reconnaissance de son
existence. » La faible institutionnalisation du groupe professionnel est expliquée par le « rejet
152 Maglaive G., 1983, la formation et la qualification des agents de la formation continue, rapport rédigé à la suite des réunions du groupe de travail mis en place à l’initiative du ministère de la formation professionnelle. 153 André Ramoff, énarque conseiller-maître à la Cour de comptes, fut de septembre 1981 à février 1990 délégué à la formation professionnelle.
84
récurent de la professionnalisation » durant la première partie de la période étudiée. L’auteur
souligne cependant que « le consensus qui se dégage à la fin des années 90 apparaît
particulièrement fragile et maintient le groupe dans son incertitude » 154.
Emmanuel de Lescure revient sur cette notion de fragilité dès son introduction de l’ouvrage
intitulé « les métiers de la formation, approches sociologiques » récemment paru155. Relevons-en
deux points :
- Les métiers de la formation restent faiblement institutionnalisés. « Certains considèrent
que cette fragilité résulte de l’absence de reconnaissance par l’Etat. Aussi fondée soit-elle,
cette interprétation parait incomplète./…/ il faut y ajouter le fait que la catégorie recouvre
des réalités disparates et peine à former un ensemble cohérent. »
- « tout en reconnaissant l’existence d’une pluralité de modes de professionnalisation, il faut
bien admettre que le groupe /…/ souffre d’éclatement en particulier en raison du fait que
les individus qui le composent ne se situent objectivement pas à la même place dans la
division technique et sociale du travail. Ce constat donne alors raison à l’axiomatique
française des professions qui tient le fait d’y occuper une position similaire et relativement
stable pour une condition nécessaire à la pleine émergence d’un groupe professionnel. »
La lecture de cet ouvrage met en évidence la persistance d’hypothèses différentes quant à la
professionnalisation et au statut des formateurs. Relevons à titre d’exemple, les positions de Jean
Paul Géhin et Lise Demailly.
Jean Paul Géhin, dans le chapitre qu’il consacre à la construction du groupe professionnel des
formateurs et à la régionalisation des politiques de formation, pose « la reconnaissance sociale de
la profession de formateur et, notamment, son accès ou non au statut social particulièrement
valorisé en France de cadres » comme l’enjeu central de la construction institutionnelle et conclut
« Au total, la professionnalisation en cours des formateurs semble se confirmer. L’identité
professionnelle en construction s’organise autour de la diffusion de pratiques, de valeurs et de
représentations partagées. »
Lise Demailly, dans l’épilogue de ce même ouvrage, évoque «l’absence d’unité des mondes de la
formation », leur image de « nébuleuse sans centre ni marge », « la porosité des identités
professionnelles de référence (les métiers d’origine dont les techniques sont transmises dans le
cadre des formations sont plus fondateurs d’identité que le métier de formateur car sa légitimité
leur demeure suspendue). » mais souligne que « la lecture de l’ouvrage, et (ses) propres travaux,
(l’)amènent à penser que si la profession de formateur n’existe pas, une certaine homogénéisation
des métiers de formateur se produit en ceci même que les métiers relationnels, auxquels ils
appartiennent, connaissent une certaine homogénéisation. »
Les débats autour de la profession de formateur, de leur professionnalisation et de leur identité
professionnelle ne semblent donc pas clos.
Les apports de cette exploration du champ conceptuel de la professionnalisation sont cohérents
avec notre analyse du contexte et nos observations terrain. Le fait que la professionnalisation des
154 LAOT F., et DE LESCURE E., dir. Pour une histoire de la formation, Histoire et mémoire de la formation, l’Harmattan 2008 155 DE LESCURE E., FRETIGNE C., Les métiers de la formation, approches sociologiques, Presses Universitaires de Rennes mars 2010
85
formateurs consultants est encore à l'état d'ébauche et exclue des grands axes de la réforme de la
formation professionnelle tout au long de la vie peut alors être expliqué par cinq constats issus
directement de l’exploration du concept de professionnalisation et de son histoire :
- La professionnalisation de l’activité et celle des individus restent à construire simultanément
- Les enjeux de la professionnalisation sont multiples et relèvent de logiques qui ne sont pas
forcement compatibles
- Il existe un débat historiquement ancien, durable, et non encore totalement résolu, autour de
l’intérêt et du bien fondé de la reconnaissance de cette activité en tant que profession et donc
de sa professionnalisation
- La position des pouvoirs publics semble suivre une logique libérale au regard de la
professionnalisation et vise davantage à une amélioration du professionnalisme, entendu au
sens d’amélioration de la qualité de la production, qu’à une professionnalisation des
formateurs permettant une reconnaissance de leur statut (y compris dans les organisations, ce
qui ne semble pas être souhaité non plus par les représentants des entreprises)
- Les syndicats sensés représenter l’activité lors des ANI (CGT, CFDT, FO puisqu’aucun syndicat
spécifiquement dédié aux formateurs n’est représenté lors des ANI) avaient une position
historique opposée à la professionnalisation de l’activité et des individus qui l’exercent
L’identité professionnelle continue également à questionner le concept de professionnalisation
auquel elle est fortement liée : « Au quotidien, la professionnalisation se construit par et dans
l’élaboration identitaire, cette construction identitaire dépend d’une reconnaissance par les autres
des compétences et des savoirs produits. » 156
2. L’identité professionnelle
En 1950, Erik Erikson fut le premier à proposer une théorisation du concept d’identité dans le champ
de la psychologie du développement. Il établit alors des distinctions entre « identité du moi »,
« identité personnelle » et « identité de groupe ». Ses considérations sur le développement de
l’identité tout au long de la vie, la multiplicité des « soi » et les dimensions « ego-identitaires » de
groupes font de lui l’un des précurseurs des analyses actuelles.157 Dans ses travaux, il pose l’identité
comme un processus qui s’élabore au cours de l’existence, spécialement à l’occasion de périodes de
rupture, de crises.
Depuis ces premiers travaux, le terme d’identité a connu un vif succès au point qu’il est parfois qualifié
de « mot atteint de folie à force d’être utilisé » 158. Identité personnelle, identité professionnelle,
identité nationale, identité au travail… Le concept d’identité se situe au carrefour de différents champs
disciplinaires dans lesquels il a été largement exploré : le droit, la politique, l'anthropologie, la
sociologie, la psychologie… et suscite bien des débats.
Les construction théoriques qui y sont attachées sont fortement marquées disciplinairement mais ont
« pour tendance commune de considérer l’identité dans un rapport sujet-autrui-environnement »159.
Nous nous intéresserons ici à l’approche sociologique de l’identité professionnelle.
156 WITTORSKI R., Professionnalisation et développement professionnel Action et Savoir, L’Harmattan 2007 157 Valérie Cohen-Scali et Jean Guichard, « L’identité : perspectives développementales », L'orientation scolaire et professionnelle 2008 158 WITTORSKI R., Professionnalisation et développement professionnel Action et Savoir, L’Harmattan 2007 159 WITTORSKIR., Professionnalisation et développement professionnel Action et Savoir, L’Harmattan 2007
86
2.1 La question de l’identité professionnelle en sociologie
De nombreuses définitions et approches de ce concept ont été émises en sociologie.
Selon la théorie du concept d’identité professionnelle émise par Renaud Sainsaulieu, le concept
d’identité peut être caractérisé comme la définition « de soi par soi », à laquelle s’ajoute celle « de soi
par les autres ». « Par identités, il faut entendre un ensemble de représentations mentales permettant
aux individus de retrouver une cohérence, une continuité entre leurs expériences présentes et celles du
passé. C’est l’identité du Soi. Mais de telles structures mentales ne peuvent être indifférentes aux
représentations mentales des autres sur soi… C’est l’identité pour autrui ». L’identité professionnelle se
définit comme la « façon dont les différents groupes au travail s’identifient aux pairs, aux chefs, aux
autres groupes, l’identité au travail est fondée sur des représentations collectives distinctes »160.
L’identité serait un processus relationnel d’investissement de soi dans des relations durables, qui
mettent en question la reconnaissance réciproque des partenaires.
Pour Claude Dubar, « L’identité n’est autre que le résultat à la fois stable et provisoire, individuel et
collectif, subjectif et objectif, biographique et structurel, des divers processus de socialisation qui
conjointement, construisent les individus et définissent les institutions ». 161
Claude Dubar souligne les relations entre identité personnelle et identifications collectives dans le
cadre de l’identité professionnelle. Il associe les processus biographiques de construction d’une
«identité pour soi » et les mécanismes de reconnaissance des «identités pour autrui ». Les identités
sont vues comme dépendantes des relations avec les autres et de la perception subjective de sa
situation. L’identité est ainsi le produit d’une négociation sociale dont l’enjeu est la reconnaissance de
soi par les autres. Ce processus de construction et de négociation n’est pas figé dans le temps.
Claude Dubar distingue l’identité professionnelle de l’identité au travail : l’identité professionnelle
étant une façon de se situer et d’être situé par les autres dans l’ensemble du champ social : « Pas plus
que les autres identités, les identités professionnelles ne sont des catégories acquises une fois pour
toutes. Comme les autres, elles se construisent dans et par les interactions, tout au long de la vie. Elles
s'élaborent à partir d'un parcours, d'une trajectoire, en débordant les limites du lieu de travail. Cela
explique que des personnes, qui font le même travail au sein de la même entreprise, peuvent construire
des identités professionnelles différentes. L'identité professionnelle diffère de l'identité au travail : elle
est une manière de se situer dans le champ professionnel et, au-delà, dans la vie sociale ; elle continue
à influencer toute l'existence hors travail, même si elle est de plus en plus soumise à l'incertitude. »162
La construction identitaire est donc un processus dynamique continuellement en reconstruction,
marqué par de nombreux évènements et formé de plusieurs composantes. « L’identité humaine n’est
pas donnée, une fois pour toutes, à la naissance : elle se construit dans l’enfance et, désormais, doit se
reconstruire tout au long de la vie. L’individu ne la construit jamais seul : elle dépend autant des
jugements d’autrui, que de ses propres orientations et définitions de soi. L’identité est un produit des
socialisations successives ».163
160 SAINSAULIEU R., L'identité au travail. Les effets culturels de l'organisation. Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1977 161 DUBAR, C. La socialisation. Construction des identités sociales et professionnelles. Paris : Armand Colin, 1991. 162 Article de la rubrique « Travail, mode d'emploi » Mensuel N° 114 - Mars 2001 Travail, mode d'emploi Identités professionnelles : le temps du bricolage Rencontre avec Claude Dubar 163 DUBAR C., La crise des identités. L’interprétation d’une mutation, Paris, Presses Universitaires de France 2000.
87
Richard WITTORSKI définit l’identité comme « le jeu (au sens stratégique et dynamique du terme)
existant entre, d’une part, les affects et les représentations du sujet portant sur sa place et celle de son
action dans l’environnement (places passées, actuelles et à venir), et, d’autre part, la reconnaissance
sociale du sujet par cet environnement. »164
Ce « jeu » implique que le sujet mette en place une stratégie de mise en reconnaissance de soi et que,
du côté social, soit mis en œuvre des situations permettant d’attribuer des compétences à des process
d’action définis. Richard WITTORSKI souligne que le dispositif de professionnalisation proposé à
l’individu constitue une offre identitaire, une « injonction à devenir conforme à des attentes exprimées
par l’organisation » qui peut « entrer en congruence ou en conflit avec le projet que poursuit le sujet
pour lui-même. ». Les tensions identitaires ainsi générées donnent alors lieu à des stratégies
identitaires ayant pour but de réduire, maintenir ou empêcher la survenue « d’écarts entre identité
pour soi, identité pour autrui et entre identité héritée et identité visée »165.
2.2 Dynamiques identitaires
Parler de dynamique identitaire plutôt que d’identité -même au pluriel- relève les possibilités, pour la
personne elle-même et pour les situations, de ne pas rester figées dans le temps. Cette perception de
l’identité en tant que dynamique pose la question de l’évolutivité de l’identité personnelle et/ou
professionnelle des individus : « j’ai commencé à évoluer en ce qui concerne la notion d’identité, de
cette notion d’identité à celle de dynamique identitaire, car je me suis rendu compte à la suite d’autres
chercheurs que la notion d’identité désigne à la fois un processus et un état. Ne retenir que son aspect
« état » risque d’être dangereux. C’est comme s’il s’agissait de quelque chose de figé et de
définitivement assuré, et donc, du coup, il y a le risque de stigmatiser, d’étiqueter, de classer les gens
désignés. Alors que la notion de dynamique identitaire est plus dans le mouvement, dans le processus ;
ce qui fait que l’on peut être dans une dynamique identitaire sans être forcément figé dans un statut
identitaire définitif. C’est la raison pour laquelle j’ai recours à la notion de dynamique identitaire. »166
Mokthar Kaddouri conçoit et analyse la dynamique identitaire dans la relation à l’autre avec lequel
l’individu a des liens conflictuels ou des liens de complémentarité et détermine quatre grands types de
dynamiques identitaires :
- La dynamique « transformation identitaire » en jeu pour changer une identité vécue de façon
insatisfaisante
- la dynamique d’ « entretien identitaire » rencontrée dans le cadre d’identité vécue de façon
satisfaisante
- la dynamique de « préservation identitaire » destinée à réhabiliter une identité blessée
- la dynamique de « confirmation identitaire » qui vise à maintenir ou défendre une identité menacée
- la dynamique de « reconstruction identitaire » afin de faire reconnaître une identité insuffisamment
reconnue par un autrui significatif.167
164 WITTORSKIR., Professionnalisation et développement professionnel Action et Savoir, L’Harmattan 2007 165 KADDOURI M., Professionnalisation et dynamiques identitaires in SOREL M., et WITTORSKI R., La professionnalisation en actes et en questions L’Harmattan 2005 166 Interview de Mokthar KADDOURI CNAM 2003 http://innovalo.scola.ac-paris.fr/former/equipe/apports/interviews/index.htm 167 KADDOURI M., Vers une typologie des dynamiques identitaires. In Centre de recherche sur la Formation (éd.). Action et identité. PARIS INRP
88
Jean Marie Bardier distingue six dynamiques identitaires 168 :
- Une dynamique de « différenciation identitaire» : les personnes ont une image positive d’elles-mêmes et veulent améliorer leur situation sociale et professionnelle.
- Une dynamique dite de « confirmation identitaire » : les personnes recherchent une reconnaissance sociale et la légitimation d’un itinéraire ou d’une expérience professionnelle.
- Une dynamique dite de « préservation identitaire » qui vise à préserver une position acquise dans laquelle les personnes se sentent menacés.
- Une dynamique dite de « flexibilité identitaire » : la flexibilité de l’emploi est considérée comme une variable normale et logique dans le contexte socioéconomique actuel. C’est majoritairement le cas des professions intellectuelles ou d’expertise qui dispose sur l’emploi d’une vision prospective à moyen terme et construisent leur avenir professionnel notamment par la formation.
- Une dynamique dite de « restauration identitaire » : l’individu se sentant dévalorisé ou rejeté dans sa situation professionnelle cherche par la formation à se forger une nouvelle image de son identité.
Ces dynamiques identitaires peuvent être mises en relation avec les représentations identitaires et les
affects qui y sont attachés.
169
168 BARBIER J-M., De l’usage de la notion d’identité en recherche, notamment dans le domaine de la formation – Education Permanente – N° spécial N° 128/1996-3 « formation et dynamiques identitaires » 169 BARBIER J-M., BOURGEOIS E., DE VILLIERS G., KADDOURI M., Constructions identitaires et mobilisation des sujets en formation Action et savoir – Recherches EDUCATION FORMATION avril 2006
89
Il est important de relever que ces typologies sont à appréhender comme des « construits de
chercheurs pour rendre compte de ces configurations ; elles n’ont aucune autre réalité que celle là et ne
doivent (pas) /…/ être attribuée de manière stable à un sujet. »170 Elles sont importantes par la
méthode de travail et la perception évolutive et dynamique de l’identité des individus et les processus
de construction de l’identité qu’elles mettent en lumière (en particulier dans le rapport à la formation
comme élément de construction de l’identité professionnelle).
Notons que si la notion de dynamique identitaire reste constante dans les travaux de ces auteurs, les
catégories établies ont évolué au fil du temps et sont parfois nommées différemment selon les
publications.
La notion de dynamique identitaire nous semble importante pour appréhender avec plus de recul, et
peut-être d’optimisme, l’identité professionnelle des formateurs consultants si souvent qualifiée de
« floue », « d’instable », «d’indécidable », de « poreuse » ou encore (dans les versions les plus
encourageantes) « en construction ».
2.3 Quid des travaux sur l’identité professionnelle des métiers de la formation ?
Comme en matière de professionnalisation, les débats sur la question de l’identité professionnelle des
métiers de la formation restent vifs et les positions contrastées.
Les tenants de l’avènement d’une identité professionnelle spécifique relèvent que « même si les
formateurs d’adultes constituent une profession difficile à cerner et à caractériser », à partir de la
signature de la convention collective, c’est bien « d’un groupe professionnel possédant des outils et un
savoir-faire en référence à un champ de compétences incontestées qu’il s’agit »171.
Cette prise de position est également retrouvée chez Jean Paul Géhin172 qui fait état d’une « identité
professionnelle émergente », note l’existence de caractéristiques partagées et décèle des « facteurs
d’homogénéisation en cours » ainsi que points communs : un rapport ambivalent et critique vis-à-vis
de la formation initiale, une abondante utilisation de la formation continue (les formateurs sont de
grands « consommateurs » de formation au point que cela constitue un trait distinctif du groupe
professionnel), le fait de considérer « l’emploi comme référence centrale ». Ce dernier point est
considéré comme « la transformation la plus significative des pratiques et des représentations des
formateurs, sans doute la plus structurante de leur identité professionnelle. » Dans la conclusion de son
texte, Jean Paul Géhin souligne cependant le caractère aléatoire cette émergence, et tient pour
incertaine l’issue du processus décrit.
L’obstacle majeur qui semble, depuis les années 70, se dresser face à la constitution – et à la
reconnaissance- d’une identité professionnelle est la fragmentation des métiers de la formation selon
des profils d’emplois « nombreux et instables »173 qui amènent même certains auteurs à conclure à
« l’impossibilité de parler d’UNE profession de formateur. »174
170 BARBIER J-M., BOURGEOIS E., DE VILLIERS G., KADDOURI M., Constructions identitaires et mobilisation des sujets en formation Action et savoir – Recherches EDUCATION FORMATION avril 2006 171 ALLOUCHE – BENAYOUN J., PARIAT M., La fonction formateur. Analyse identitaire d’un groupe professionnel, Toulouse, Privat 1993 172 GEHIN J-P., le métier de formateur : quelques contours d’une identité professionnelle émergente, BOURDONCLE R., et DEMAILLY L. (dir.) les professions de l’éducation et de la formation, Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 1998 173 BOURDONCLE R., et DEMAILLY L. (dir.) introduction de l’ouvrage : les professions de l’éducation et de la formation, Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 1998 174 CHARLON E., et VERMELLE M-C., in les professions de l’éducation et de la formation BOURDONCLE R., et DEMAILLY L. (dir.), Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 1998
90
François Marquart considère que les agents de la formation continue se répartissent en deux grandes
catégories, celle des « accompagnateurs de survie » des politiques de l’emploi intervenant auprès des
publics marginalisés et faiblement rémunérés et celle des « super-pros » de la formation en
entreprise : auditeurs, consultants, responsables des Ressources Humaines, dont la rémunération peut
s’élever à plusieurs milliers d’euros par jour. Cette « professionnalité fragmentée et éclatée » révèlerait
une fragilisation identitaire accrue.175
De même, la recherche menée par Patrick Gravé au milieu des années 1990, le conduit à distinguer
plusieurs types de formateurs : les formateurs-insertion, les formateurs animateurs, les formateurs
techniques et les conseillers en entreprises176. Il conclut alors à l’absence de sentiment collectif et
insiste sur le caractère «indécidable»177 de leur identité (Nous verrons ultérieurement quelle est sa
position actuelle sur l’identité des formateurs consultants).
Qu’elles s’attachent au processus de construction identitaire dans des dispositifs de formation des
formateurs ou qu’elles enquêtent auprès de formateurs en exercice, la majorité des recherches
d’autres psychosociologues rejoignent ce constat.178 Le rapport que les formateurs entretiennent avec
leur activité peut être profondément différent selon l’institution dans laquelle ils travaillent, le type de
formation qu’ils dispensent ou encore la manière dont ils sont entrés dans le métier.
Dans son introduction de l’ouvrage « les métiers de la formation, approches sociologiques »179,
Emmanuel de Lescure conclut que cette fragilité identitaire relève à la fois de l’absence de
reconnaissance par l’état à laquelle « il faut /…/ ajouter le fait que la catégorie recouvre des réalités
disparates et peine à former un ensemble cohérent. Certes /…/ cette caractéristique n’interdit pas de
les considérer comme un groupe professionnel. De même, d’après les travaux des sociologues
interactionnistes, /…/ l’unité des professions est souvent factice. Reste que, tout en reconnaissant
l’existence d’une pluralité de modes de professionnalisation, il faut bien admettre que le groupe ainsi
constitué souffre d’éclatement, en particulier en raison du fait que les individus qui le composent ne se
situent objectivement pas à la même place dans la division technique et sociale du travail » et souligne,
qu’en France, le fait d’occuper une position « similaire et relativement stable » représente « une
condition nécessaire à la pleine émergence d’un groupe professionnel ».
Nous souhaitons ici mettre cette rapide revue des prises de positions relatives à l’identité
professionnelle des métiers de la formation avec ces propos de Claude Dubar issus d’un entretien
réalisé en 2002 pour la revue Recherche et Formation : « il y a des risques, pour des formateurs (ou
des chercheurs), de prier d'identité comme un « mana », une sorte de distinction correspondant
souvent à ce « capital social » détenu par ceux qui ont eu la chance de naître dans une « bonne »
famille, d'avoir une « bonne » réussite scolaire et d'avoir appris les « bonnes » manières. C'est comme
un certain usage de la notion de compétence, dans les entreprises, qui permet de réhabiliter ce qu'on
appelait, dans l'armée, la « note de gueule » et surtout d'exclure tous ceux qui ne correspondent pas à
la norme sociale imposée par les dirigeants. Ce n'est pas parce qu'on aborde les questions
d'identification, de catégorisation et donc d'identité qu'il faut oublier les principes de base de la
sociologie ! Il n'y a pas une identité d'enseignants mais des formes identitaires multiples, /…/ Ces
175 MARQUART F., Formateur, une professionnalité segmentée et éclatée » Actes du colloque « les formateurs d’adultes et leurs qualifications : réponses des université Lille 29, 30 novembre et 1er décembre 1989, les cahiers du CUEEP juin 1990. 176 Gravé P., Formateurs et identités, Paris, Presses Universitaires de France, 2002. 177 Gravé P., Comment peut-on être formateur d’adultes ?, Les Dossiers des sciences de l’éducation, n° 11. 2004. 178 BOUSSIERES P., les formateurs, représentations et identités professionnelles, Education permanente, n° 132 1997
179 DE LESCURE E., FRETIGNE C., Les métiers de la formation, approches sociologiques, Presses Universitaires de Rennes mars 2010
91
formes sont souvent composées, instables, bricolées comme au sein de tous les groupes
professionnels.180
Ce rappel de Claude Dubar permet de mettre en question le qualificatif de « fragilité » si largement
accolé à l’identité professionnelle des métiers de la formation en soulignant le fait que notre modèle
de société tend à généraliser le caractère composé, instable, bricolé de l’identité de tous les groupes
professionnels. Les formes multiples d’identité professionnelle des enseignants ici évoquées par
Claude Dubar n’empêchent pas la reconnaissance du groupe professionnel dans son ensemble (les
différences de pratiques, de rémunération, d’identité, de reconnaissance sociale sont cependant fort
marquées entre une institutrice et un enseignant chercheur).
Citons également Luc Boltanski qui précise que « l’homogénéité n’est pas la condition nécessaire et
suffisante de la cohésion. Un groupe qui est parvenu à assurer sa cohésion, à imposer la croyance dans
son existence et à s’objectiver dans des institutions paraît avoir les propriétés d’une « chose »181 .
Rappelons aussi, avec Emmanuel de Lescure, que « d’autres groupes professionnels dont l’existence
n’est pas remise en cause, n’ont pas de frontières plus assurées 182(que les agents de la formation) »,
les journalistes ou les travailleurs sociaux par exemple.
Il est donc important de tenir compte du contexte socio économique général et de la crise générale
des identités professionnelles avant de se ranger à un avis sur l’état de l’identité des métiers de la
formation et de se souvenir que « dès lors que l’identité est à penser en termes de transaction, de
dynamique et non d’état, c’est un processus de gestion des écarts et non un état stable » 183.
2.4 Formateurs Consultants et identité professionnelle
Qu’en est-il de l’identité de ce segment des agents de la formation ? Aussi nombreux que peu
identifiables, dotés de parcours, de statuts, de modes d’intervention, de qualifications, de
compétences et d’expertises aussi diverses que variées, sont-ils également dotés de l’identité
professionnelle la plus fragile et la plus indéterminée de toute la « nébuleuse » des métiers de la
formation ?
S’il existe relativement peu de travaux sur cette population, ceux que nous avons étudiés semblent
mettre en lumière une identité professionnelle bien moins indéfinie que ce à quoi nous nous
attendions au regard des propos des syndicats des formateurs consultants sur la question de l’identité
professionnelle du groupe « à clarifier » et qualifiée de « vaste chantier que nous avons à peine
effleuré. »184
Dans son texte intitulé « Qui travaille pour qui ? L’univers segmenté et polarisé des agents de la
formation », Emmanuel de Lescure 185 relève « qu’une partition nette se dégage entre les formateurs
consultants et les simples formateurs/…/ On retrouve ici la dichotomie/…/ proposée par François
Marquart selon laquelle le groupe serait clivé en deux grandes catégories, l’une composée des
« accompagnateurs de survie »œuvrant pour les politiques de l’emploi et l’autre des « super-pros de la
180DUBAR C., entretien avec GONNIN-BOLO A., Recherche et Formation N° 41 – 2002 Pages 131-138 181 BOLTANSKI L., les cadres. La formation d’un groupe social, Paris, Minuit, 1982 182 DE LESCURE E., FRETIGNE C., Les métiers de la formation, approches sociologiques, Presses Universitaires de Rennes mars 2010 183 WITTORSKIR., Professionnalisation et développement professionnel Action et Savoir, L’Harmattan 2007 184 Lionel Soubeyran, Président du Sicfor, allocution d’ouverture des premières Assises du Consultant formateur indépendant (C-FI) Palais des Congrès de la Villette PARIS juin 2010 185 DE LESCURE E., FRETIGNE C., Les métiers de la formation, approches sociologiques, Presses Universitaires de Rennes mars 2010
92
formation en entreprise ». L’auteur note que les formateurs consultants présentent « une identité
positive et définissent leur fonction autour du développement des compétences dans les entreprises ».
Son étude est cependant conclue sur le fait que, si le groupe des formateurs consultants « polarise
l’attention et s’impose comme support de l’identité de l’ensemble du groupe professionnel /…/ sa
position privilégiée pourrait être / …. / fragilisée par la croissance démographique du groupe
consécutive à l’extension et à l’institutionnalisation des activités de formation. »
Philippe Gravé, grand témoin des « premières assises des formateurs consultants indépendants » de
juin 2010, propose un modèle de compréhension de leur identité et conclu sa présentation sur
« l’intérêt de faire le bilan des savoirs sur le formateur consultant, de connaître finement leurs réalités
socioprofessionnelles pour approfondir la connaissance sur les dimensions et composantes de l’identité
du Formateur –Consultant. »
Le modèle de compréhension de l’identité proposé s'appuie sur le principe de la dualité de l'identité, à
la fois identité pour autrui et identité pour soi.
Dans ses travaux, l'analyse de l’identité pour autrui porte sur les organismes de formation dans
lesquels s'insèrent les formateurs ou des clients pour lesquels ils interviennent (identité proposée) ;
puis sur les rôles intériorisés par les formateurs dans ces contextes (identité intériorisée) ; le
compromis entre ces deux dimensions dévoile l'identité pour autrui (reconnaissance (ou non) d'une
professionnalité).
L'identité pour soi est explorée à partir de typologies fondées sur la trajectoire biographique, la
perception du rôle professionnel actuel et la façon d'envisager l'avenir. La combinatoire de ces deux
niveaux révèle une pluralité d'identités professionnelles chez les formateurs consultants.
Un modèle de compréhension de
l’identité professionnelle des formateurs
186 L’identité des formateurs consultants est donc certes complexe, multiple et donne lieu à des
négociations à la fois interne et externe mais elle existe et peut être modélisée pour être comprise.
186 Schéma Philippe GRAVE, présentation 1ères assises des formateurs consultants juin 2010 PARIS LA VILLETTE.
93
Jacqueline Monbaron a mené pendant plusieurs années une recherche via une approche de type
biographique, avec des formateurs et des formatrices d'adultes, dans le but de mettre en évidence les
principales composantes de leur identité professionnelle.187 Elle constate que ce groupe professionnel,
au « parcours divers et composite, au processus de professionnalisation récent et non stabilisé, peut
développer de réelles compétences à gérer la complexité et I’insécurité générées par les nouvelles
temporalités qui influencent notre quotidien ». Les caractéristiques propres à ce groupe sociologique
sont :
- une identité de métier relativement faible, largement compensée par une palette d'autres
professionnalités acquises dans I’ exercice de plusieurs activités, dans et hors du champ de la
formation.
- la diversité des expériences vécues, tant professionnelles que privées (prise de responsabilités,
dans la vie associative et dans des activités socioculturelles).
- une propension avérée à la mobilité sous toutes ses formes.
Ces caractéristiques rendent les formateurs particulièrement « aptes à affronter les changements
auxquels tout adulte est confronté dans le contexte socio-économique contemporain ».
L'hypothèse émise par Jacqueline Monbaron est que « les formateurs d'adultes, en tant que "
professionnels composites ", préfigurent le sujet postmoderne. " Ces gens en porte-à-faux, déclassés
par le bas ou par le haut, sont des gens à histoires qui, souvent, font I’ histoire ". 188 Peut-on à ce titre
les considérer comme une préfiguration du sujet " citoyen de demain " ? Ils montrent dans tous les cas
qu'il est possible de trouver une légitimation autrement que par un " métier carcan ". Les formateurs
d'adultes, avec leurs déterminants identitaires, nous paraissent particulièrement représentatifs d'une
société dite postmoderne. »
La population des formateurs d’adultes est donc « culturellement révélatrice des errances adultes
actuelles » et leur identité professionnelle révélatrice des actuels parcours d’adultes qui « par leur
originalité et leur diversité, nous incitent à reconsidérer, voire abandonner, les règles au sein desquelles
les protagonistes de la gestion de carrière essayent de nous enfermer. L’agencement de la vie ne
répond pas aux mêmes règles que la gestion de projet ».
Le caractère composite de l’identité professionnelle des formateurs serait ainsi à la fois une résultante
de « vies aux mille détours »189 et un atout pour gérer la complexité et l’instabilité de notre
environnement socio économique.
A l’issue de cette exploration du cadre conceptuel de l’identité professionnelle, citons une fois de plus
Claude Dubar pour conclure que « l'identité n'est pas une donnée figée, constituée une fois pour toute,
mais un « étant » en perpétuel devenir et en constante reconstruction. » et qu’« une identité ouverte
est la marque d'un sujet vivant qui continue à se battre, non seulement pour se faire reconnaître, mais
aussi pour faire changer les choses ! » 190
187 Monbaron, J., Les formateurs d'adultes: une identité composite. Apport à une définition de l'identité professionnelle des formateurs d'adultes à la lumière de leur itinéraire institutionnel. Thèse de doctorat. Université de Genève. 2004 188 BOURDIEU, P. Questions de Sociologie Paris : Les éditions de minuit 1984 189 MONBARON, J. « exister dans le labyrinthe de nos parcours : mise en scène de la vie adulte » dans « Où sont passés les adultes ? Routes et déroutes d’un âge de la vie. » JP BOUTINET, P DOMINICE Tétraèdre 2009 190DUBAR C., entretien avec GONNIN-BOLO A., Recherche et Formation N° 41 – 2002 Pages 131-138
94
Bilan de l’exploration conceptuelle
Le processus de professionnalisation des métiers de la formation, en tant que constitution d'un corps
cohérent d'acteurs spécialisés, est encore balbutiant.
Les débats sont encore vifs autour de l’identité professionnelle des métiers de la formation et des
formateurs consultants. La reconnaissance de leur identité professionnelle semble encore entravée
par la perception des parcours de vie « atypiques » des formateurs, la récente institutionnalisation de
ce secteur, la grande diversité des statuts et activités de ce groupe professionnel et surtout la diversité
des représentations de leur action et de leur rôle ; ce déficit de reconnaissance et de prise en compte
de ce « nouveau » type d’identité professionnelle nous semble particulièrement regrettable car
l’identité professionnelle « instable », « composite », « multiple » des formateurs… représente
vraisemblablement l’identité professionnelle du futur de la majorité des professions dans nos sociétés
occidentales.
95
V. VERIFICATION DES HYPOTHESES
Ainsi que nous l’avons précisé dans la méthodologie, l’enquête par entretien semi directif a été
réalisée indépendamment de la mission à des fins de vérification des hypothèses émises et ne
représente qu’un des éléments de réponses aux hypothèses. Elle est cependant capitale en ce qu’elle
amène la vision concrète et spontanée des personnes interviewées.
Cet éclairage « naturel » complète les autres supports utilisés en réponse aux hypothèses qui
mobilisera ainsi quatre types d’éléments de réponse :
- des textes de référence issus de l’analyse du contexte,
- des observations et documents issus du terrain,
- des constats et déductions provenant des explorations conceptuelles,
- les entretiens réalisés dans le cadre de notre enquête.
1. Présentation de l’enquête par entretiens
Le premier entretien fut celui réalisé avec Pierre Le Douaron. Ce fut un entretien non directif
particulièrement riche et structurant pour notre travail 191.
Cet entretien est un élément de réponse important de notre première hypothèse et de la première
partie de la seconde.
Tous les autres entretiens furent réalisés en mode semi directif.
1.1 présentation de l’échantillon
Notre échantillon est constitué de neuf personnes : trois formateurs consultants indépendants, trois
acheteurs, deux syndicalistes et un représentant des pouvoirs publics.
Concernant les formateurs consultants indépendants entendus, nous avons choisi de solliciter des
individus non syndiqués, relevant de statut et de thèmes d’intervention différents. L’âge moyen de ce
groupe est de 44 ans. Les structures qui supportent leur activité de formateurs consultants
indépendants ont été créées depuis 8 mois à 9 ans.
Les acheteurs interviewés ont tous des fonctions différentes et proviennent de structures
représentatives des principaux clients des formateurs consultants indépendants : PME, grande
entreprise et organisme de formation privés. L’âge moyen de ce groupe est de 41 ans.
Les syndicalistes appartiennent aux deux syndicats les plus représentatifs des formateurs consultants
indépendants. L’âge moyen de ce groupe est de 57 ans.
Afin d’aider à la lecture du tableau récapitulatif des entretiens en annexe 19, un code couleur a été
établi : fond blanc pour les clients, bleu pour les formateurs consultants et rose pour les syndicats.
191 Entretien non enregistré à la demande de Monsieur Le Douaron
96
1.2 Les questions
L’objectif était de recueillir des propos spontanés. Qu’il s’agisse des entretiens semi directifs ou du
premier entretien non directif, les personnes n’ont donc pas été préparées en dehors d’une nécessaire
précision (conforme à la grille d’entretien préparée) :
- de notre position dans le cadre de l’échange (étudiante et non collègue ou chargée de mission
qualité ICPF & PSI),
- du cadre de l’entretien (mémoire du Master 2 professionnel Ingénierie et Conseil en
Formation de l’Université de Rouen),
- de la problématique et des hypothèses étudiées (précisées uniquement en début d’entretien).
La thématique des questions a donc été découverte en situation. Cela a représenté un avantage pour
la spontanéité de l’expression (il n’était pas possible aux personnes interviewées de préparer des
réponses). Six questions ont été posées dans le cadre des entretiens semi directifs dans l’ordre ci-
dessous :
- Quelle est votre définition du terme professionnalisation ? - Qu’avez-vous mis en place pour votre professionnalisation ? (pour les formateurs
consultants interrogés) Ou Quelles seraient les actions à mettre en place pour la professionnalisation des formateurs consultants indépendants ? dans quels buts et objectifs ? (pour les clients et les syndicalistes)
- Dans quel but avez-vous mis en place ces actions de professionnalisation ? (pour les formateurs consultants interrogés) Ou Quel serait le but de ces actions ? (pour les clients et les syndicalistes)
- Quels sont, selon vous, les enjeux pour vous de la professionnalisation ? pourquoi est-ce important ?
- Qu’est-ce qu’un professionnel selon vous ? - Comment vous définissez-vous en tant que professionnel et quelle identité professionnelle
ressentez-vous ? (pour les formateurs consultants interrogés) Ou Quelle identité professionnelle voyez-vous des formateurs consultants indépendants ? (pour les clients ou les syndicalistes)
Interviewés Statut – poste – fonction
Corine Consultante Formatrice Indépendante en GPEC & GTEC (gestion territoriale des emplois et compétences), auto entrepreneur
Patrick Formateur Consultant Indépendant fondateur d’une SAS de 4 actionnaires (conseil, formation, management de projet)
Alexis Formateur Consultant indépendant : formation et conseil en management, système de vente, communication / coaching de développement professionnel, société unipersonnelle EURL
Anne Fondatrice d’une Agence de Conseil en Formation essentiellement à destination de l’industrie pharmaceutique (emploie des formateurs consultants indépendants)
Aline Responsable formation en entreprise (formations médico-scientifiques / industrie pharmaceutique, entreprise de plus de 2000 salariés)
David Directeur Administratif et Financier Société de Télécommunication (réseaux électroniques haut débit – 120 salariés)
Emile Syndicaliste SICFOR, Formateur Consultant Indépendant retraité
Jean Luc Responsable syndical CSFC
97
1.3 Et si c’était à refaire ?
Nous élargirions notre échantillon aux sociétés de portages, OPCA et acheteurs publics (en particulier
les conseils régionaux) et surtout nous en augmenterions la taille afin d’avoir une vision plus
contrastée et davantage de matière d’analyse.
Bien que les propos recueillis aient été très riches, un échantillonnage plus important numériquement
et plus large aurait été plus représentatif et aurait permis une analyse plus fine des définitions et
enjeux de la professionnalisation des formateurs consultants.
2. Analyse des résultats et vérification des hypothèses
Compte tenu de l’utilisation conjointe des résultats de l’enquête et d’autres éléments pour l’étude des
hypothèses, les résultats seront présentés au fil du travail de vérification des hypothèses.
2.1 Première hypothèse
Rappel de l’hypothèse : il existe un problème de reconnaissance des formateurs consultants indépendants
en tant que profession par les pouvoirs publics qui ne se sentent ainsi pas concernés par leur professionnalisation.
L’entretien que nous avons eu avec Pierre Le Douaron le 9 juillet 2010, dans les locaux de la DGEFP est
un élément central de réponse à cette hypothèse.
La première remarque de Pierre Le Douaron porta sur le fait que, pour que les formateurs consultants
soient reconnus en tant que profession, une structuration claire de l’activité est nécessaire. La
« double casquette » formateur et consultant est considérée comme problématique ainsi que la
« difficulté de repérage des statuts ». Les formateurs consultants ne peuvent être considérés comme
un ensemble homogène par le fait qu’ils relèvent –en tant que groupe- à la fois d’un statut de
personnes physiques et d’un statut d’entreprises selon leur mode d’exercice. La position exprimée
porte clairement sur le fait que, tant que la ligne de partage entre individu ou entreprise et activité de
conseil ou de formation ne sera pas délimitée, cela constituera un « écueil à la constitution en
profession ».
Ce point de vue est sous tendu par le fait que les activités de conseil ne relèvent pas des actions
imputables à la formation professionnelle tout au long de la vie qui constituent le cœur des missions
de la DGEFP et par la problématique du suivi de la répartition des fonds de la formation
professionnelle face à ce type de prestations (comment départager la partie « formation » et la partie
« conseil » dans leurs interventions ?).
Cette multiplicité de statut et le caractère mixte de l’activité des formateurs consultants sont une
des raisons qui amènent à une non reconnaissance de ce groupe en tant que profession par les
pouvoirs publics. Cette position des pouvoirs publics actuels est cependant à distinguer de la
position exprimée en 1986 par André Ramoff192, lors du séminaire de Versailles « Quelle
formation ? Quels formateurs ? » ; Il déclarait alors : «j’ai peine à croire que l’on puisse aujourd’hui 192 André Ramoff, énarque conseiller-maître à la Cour de comptes, fut de septembre 1981 à février 1990 délégué à la formation professionnelle.
98
vouloir s’engager dans la recherche d’un statut ou dans la recherche d’une reconnaissance de la
fonction de formateur ».
L’obstacle à la reconnaissance était à l’époque lié au fait que l’activité était considérée comme
une fonction transitoire. Aujourd’hui, c’est dans l’association de la formation avec des activités de
conseil que semblent résider les fondements de la non reconnaissance de ce groupe professionnel
par les pouvoirs publics. Les raisons actuelles sont ainsi fondamentalement différentes des
raisons passées : elles portent sur l’identité professionnelle du groupe et non sur le statut de
l’activité.
Cette question de l’identité professionnelle du groupe a été abordée lors de l’entretien via l’évocation
de l’enquête du CEREQ portant sur la formation professionnelle continue comme activité secondaire.
Cette enquête fut évoquée à l’appui du fait que les formateurs consultants indépendants se
définissent davantage en tant que consultants qu’en tant que formateurs.
Les entretiens menés dans le cadre de notre travail de recherche confirment la revendication d’une
identité professionnelle et d’activités multiples :
Interviewés Quel professionnel êtes-vous ? Quelle identité professionnelle ressentez-vous ?
Corine /… / Je me ressens, j’aime et je revendique une double identité : formatrice et consultante.
Patrick /…/ Je suis un spécialiste des projets et pas d’un métier en particulier. Je ne me sens pas une identité professionnelle particulière, je n’ai pas un seul métier, j’en ai 10 dans ce que je fais. /…/
Alexis Je ne sais pas répondre à cette question. Je me sens en fait fondamentalement consultant, /…/ Dans l’action, je prends la posture adaptée à ce que je fais bien sûr, animateur de formation ou formateur ou coach ou consultant. Mais la casquette que je ressens la plus mienne est celle de consultant incontestablement.
Ces propos sont cohérents avec la vision de l’activité des syndicats qui représentent les formateurs
consultant. Citons à titre d’exemple le discours d’introduction de Lionel Soubeyran lors des premières
assises des formateurs consultants indépendants : « Ni seulement formateur centré sur les
apprentissages des savoirs et des savoir-faire, ni exclusivement consultant attaché à réaliser le bon
diagnostic et à soumettre des préconisations pertinentes, le consultant formateur marie étroitement
ces deux compétences. La spécificité de notre approche, la formation sur-mesure, est symbolisée par le
tiret qui relie les termes de formateur et de consultant. Quel que soit l’ordre que chacun voudra donner
à ces deux qualificatifs, c’est dans la RELIANCE entre les deux compétences que réside l’un des piliers de
notre identité professionnelle. »
Hors, ce positionnement fortement revendiqué en tant que fondement de l’activité et pilier de
l’identité professionnelle est justement un des éléments qui amènent les pouvoirs publics à ne pas
reconnaître cette activité comme une profession.
Si l’on considère le modèle de compréhension de l’identité professionnelle des formateurs consultants
indépendants proposé par Philippe Gravé, il apparaît que la revendication d’une double identité de
formateur et de consultant constitue à la fois le point commun de toutes les composantes de l’identité
(identité intériorisée, héritée, présentée et visée) et la principale caractéristique commune aux
99
individus de ce groupe professionnel (avec la posture d’indépendant). Le compromis entre l’identité
professionnelle intériorisée et celle proposée pour aboutir à une reconnaissance socio-économique et
donc à la reconnaissance de la professionnalité par –et pour- autrui est donc pour le moins difficile
dans le cas présent : les fondements de l’identité intériorisée, héritée, présente et visée, sont une des
premières causes de la non reconnaissance par « l’autrui significatif ».
Un modèle de compréhension de
l’identité professionnelle des formateurs
193
--------------------------------------------------
L’hypothèse de la non reconnaissance des formateurs consultants en tant que profession par les
pouvoirs publics apparait vérifiée.
La vérification de cette hypothèse, et surtout les points de validation conceptuels sur lesquels elle
s’appuie, soulèvent un conflit entre l’identité professionnelle proposée et celle intériorisée par ce
groupe.
Si la vérification de cette hypothèse ne représente qu’un élément partiel de réponse à l’absence
de mise en œuvre de la professionnalisation des formateurs consultants, le problème de l’identité
professionnelle du groupe par rapport aux attentes des pouvoirs publics mériterait d’être
davantage exploré car il pourrait conditionner, à terme, la pérennité de cette activité dans les
années à venir.
--------------------------------------------------
193 Schéma Philippe GRAVE, présentation 1ères assises des formateurs consultants juin 2010 PARIS LA VILLETTE.
100
2.2 Seconde hypothèse
Rappel de l’hypothèse : au-delà d’un problème de définition du terme, la professionnalisation peut avoir des enjeux différents –voire divergents- selon les acteurs concernés, ce qui entrave leur mobilisation et le
nécessaire dialogue entre les pouvoirs publics, les formateurs consultants, les syndicats et les clients.
Ce schéma des logiques et enjeux mobilisés autour de la professionnalisation, établi d’après Richard
WITTORSKI - Professionnalisation et développement professionnel, constitue le fil conducteur de la
vérification de notre seconde hypothèse relative aux enjeux de la professionnalisation.
professionnalisation
Espace politique & social
Espace organisation
Espace individus
Groupes sociaux & professionnels
Décentralisation sociale Individu « entrepreneur » de sa vie Décentralisation politique
territorialisation
Logique libérale : efficacité individuelle au service de la société
Décentralisation organisationnelle, mobilisation des salariés
Flexibilité, libéralisation du marché
Logique de compétence & accompagnement des évolutions du travail
Régulation du marché, meilleure place dans la hiérarchie étatique
Constitution des professions
Logique de reconnaissance du groupe socio
professionnel
Identité dans la sphère sociale
Professionnalité dans les organisations
Logique de qualification (reconnaissance de la professionnalité)
ENJEUX ENJEUX
194
2.2.1 Enjeux de la professionnalisation des formateurs consultants indépendants
pour les pouvoirs publics
Un important travail de normalisation a été engagé à l’AFNOR avec l’appui et l’implication de la
DGEFP195, les thèmes soumis aux groupes de travail visent à améliorer la qualité et la lisibilité des
offres de formation. Ils n’intègrent pas, du moins dans un premier temps196, la reconnaissance des
« titres et qualités » des personnes ou organismes délivrant les prestation de formation.
Les trois groupes de travail constitués à ce jour se pencheront sur :
- l’évaluation des résultats de la formation - Animateur : Hubert Grandjean(AFDEC),
- la lisibilité de l’offre de formation - Animateur : Françoise Gérard (CENTRE INFFO),
- la chaîne de réalisation d’une action de formation - Animateur : Jean-Jacques Machuret (ICPF
& PSI)
194 Schéma document de travail C.TROILLET d’après Richard WITTORSKI Professionnalisation et développement professionnel Action et Savoir, L’Harmattan 2007 195 Compte rendu réunion du groupe de réflexion programme de normalisation services de formation AFNOR 7 juin 2010 196 L’idée d’un travail de normalisation futur sur les compétences du formateur n’a cependant pas été écarté mais ne fait pas partie des axes de normalisation prioritaires : l’orientation, les compétences du formateur, le parcours de développement des compétences de l’individu constituent d’autres pistes de normalisation qui pourront faire l’objet de développements ultérieurs.
101
Concernant l’évaluation de la formation, Monsieur Pierre Le Douaron (DGEFP)197 confirme le manque
d’outils, annonce que « la DGEFP aura une participation active sur cette problématique importante. Il
faut introduire une logique de résultat pour les 9 millions de salariés qui bénéficient de la formation
professionnelle./…/ Il y a urgence à apporter des solutions » et indique qu’il est prêt à participer aux
travaux du groupe de travail sur la lisibilité de l’offre de formation.198
Cette implication de la DGEFP sur des groupes de travail ayant pour thématique l’amélioration de la
qualité et de la lisibilité des prestations, est cohérente avec l’entretien que nous avons eu le 9 juillet
2010. En tant que responsable du secteur de la formation professionnelle tout au long de la vie, la
DGEFP a pour responsabilité d’œuvrer à l’amélioration de la qualité des prestations et de conforter la
personne qui participe à la formation dans son rôle d’agent de la qualité en « l’outillant » et en
l’informant pour qu’elle soit en mesure d’évaluer la qualité de la prestation délivrée. Les pouvoirs
publics sont donc mobilisés et engagés dans un dialogue et la recherche de solutions avec les
professionnels de la formation et les acheteurs autour de ces thématiques ainsi que nous avons pu
l’observer lors des réunions AFNOR auxquelles nous avons participé.
La « qualité de la prestation délivrée » semble ici à entendre en tant que conformité par rapport aux
objectifs, publics et thèmes relevant de la formation professionnelle tout au long de la vie spécifiés
dans l’article L. 6313-1. (voir annexe 6) et non en tant que « bonne ou mauvaise qualité » des
prestations. L’instruction de la DGEFP n°2010/21 du 3 août 2010 est assez significative de cette
préoccupation des pouvoirs publics. Elle précise qu’il « est /…/ aujourd’hui opportun, dès le second
semestre 2010 et plus encore en 2011, de recentrer l’activité des services régionaux dans le domaine
des contrôles de la formation professionnelle continue stricto sensu (livre III partie VI du code du
travail) ». Cette instruction demande de porter le contrôle des Organismes de Formation sur la réalité
et la conformité de leurs activités. Ce contrôle s’exercera prioritairement sur les prestataires qui
proposent des formations comportementales de « développement personnel »199 et d’autre part, sur
les organismes de formation ne réalisant pas, ou partiellement, les prestations financées par les OPCA.
Il semble en effet fort logique que les pouvoirs publics s’appliquent à faire en sorte que les fonds de la
formation professionnelle soient bien employés au financement d’actions relevant effectivement de la
formation professionnelle.
Si le champ de responsabilité des pouvoirs publics a été bien clarifié au cours de l’entretien, celui des
prestataires, des stagiaires, des organismes de formation et des acheteurs a également été abordé.
La responsabilité des organismes de formation est de s’assurer de la qualité et des compétences des
intervenants qu’ils emploient, celle des acheteurs (privés ou publics tels que Pôle Emploi ou les
Conseils Régionaux) est de mettre en place des actions pour professionnaliser les personnes dont ils
achètent les prestations ou de s’assurer de leur professionnalisme. Les stagiaires sont quant à eux
confortés dans leur rôle d’agent de la qualité et devront ainsi être outillés et informés en conséquence
(portail d’information, communication préalable des programmes, attestation, convention tripartite
par exemple).
Les prestataires ont la responsabilité de s’organiser de façon à mettre en place une
professionnalisation de l’activité afin de répondre aux exigences de leurs clients et de pouvoir
197 La DGEFP est représentée à l’AFNOR dans ces groupes de réflexion et de travail par Monsieur Pierre Le Douaron et Madame Marie Madeleine Mension 198 Compte rendu réunion AFNOR du 7 juin 2010 199 Trois niveaux de contrôle sont prévus : déclaration de l’activité, enquêtes sur les organismes déclarés et contrôle sur place.
102
proposer aux pouvoirs publics un modèle qui leur permettra d’être reconnus comme une profession
avérée et des interlocuteurs crédibles.
Ce positionnement est cohérent avec les enjeux de la professionnalisation dans l’espace politique et
social 200 au sein duquel on observe une décentralisation :
o politique, notamment via la territorialisation,
o sociale et organisationnelle avec la responsabilisation des personnes sur l’efficacité, la
gestion des changements et l’évaluation du travail.
Notons par ailleurs que cette position des instances publiques n’est pas récente et, qu’en 1986,
André Ramoff appelait déjà à « un peu moins de professionnalisation et beaucoup plus de
professionnalisme ».
Lors de notre entretien, Pierre Le Douaron souligna également que les formateurs consultants
indépendants ne représentent qu’une petite part du marché de la formation professionnelle continue
(4 %).
Les études réalisées par le CEREQ confirment que la formation professionnelle n’est pas leur activité
principale tant au niveau des thèmes traités qu’au niveau de l’activité générale qui mêlent les actions
de formation à celles de conseil.
Cette double activité (qualifiée d’ambigüité), déjà relevée en réponse à notre première hypothèse, a
ainsi été mentionnée comme un frein à l’entrée dans un processus de professionnalisation d’une façon
générale. Elle constitue un élément supplémentaire en faveur d’une non implication des pouvoirs
publics dans la professionnalisation des formateurs consultants indépendants.
--------------------------------------------------
Si le souhait de voir la profession se structurer a été émis lors de l’entretien du 9 juillet 2010, il ressort
de cet échange, et de l’analyse des faits, que la professionnalisation des formateurs (qu’ils soient
consultants indépendants ou non) n’est simplement pas un des enjeux des pouvoirs publics dans le
cadre de la réforme de la formation professionnelle tout au long de la vie. Ce « non enjeu » repose sur
trois principales raisons :
- ce n’est pas la mission que se sont attribués les pouvoirs publics et cela n’entre pas dans leurs
préoccupations
- la logique de fonctionnement de l’espace politique et social va vers une décentralisation qui
conforte cette position
- les formateurs consultants indépendants ne représentent qu’une infime partie des formations
délivrées dans le cadre de la formation professionnelle continue (à la fois par la part de
marché et par les publics auxquels les formateurs consultants indépendants délivrent leurs
prestations)
200 WITTORSKI R., Professionnalisation et développement professionnel Action et Savoir, L’Harmattan 2007
103
2.2.2 Définition et investissement de la notion de professionnalisation
Il fut difficile de faire ressortir une définition claire de la professionnalisation par catégorie d’acteur
(tant à travers les entretiens que par l’étude des autres sources). Cependant, pour chaque groupe, des
points clés de ce que représente pour eux la professionnalisation ont pu être dégagés.
Les clients
Lors des entretiens menés auprès d’acheteurs de prestations des Formateurs Consultants nous avons
recueilli des définitions de la professionnalisation centrées autour de trois grands thèmes :
- L’encadrement de l’activité
- L’identification des compétences, qualifications ou expertises
- La mise en place d’une formation certifiante ou diplômante obligatoire (perçue comme une
composante indispensable).
Les attentes des acheteurs sont fortes. La professionnalisation est vue comme un point clé de
l’encadrement de l’activité afin :
- d’identifier les compétences des prestataires qu’ils sollicitent ou de savoir qu’elles ont été à
minima évaluées un jour par quelqu’un de compétent en la matière,
- d’être rassurés sur leurs qualifications et capacités à mener les actions commandées.
Ces attentes sont lisibles dans les actions imaginées et les buts assignés à la professionnalisation :
Interviewés Actions de professionnalisation à mettre en place selon vous ?
Anne La professionnalisation des formateurs consultants indépendants pourrait se faire par la mesure du niveau d’acquisition des compétences, la définition de pré-requis pour que le formateur consultant puisse s’auto évaluer. /…/ Il y a un besoin de plus de cadre, de formation sur les fondamentaux et de valider les expertises acquises par l’expérience professionnelle.
Aline Déjà définir un cursus de formation, un tronc commun. /…/ des filières de spécialisation avec des formations /…/ Il y a beaucoup de gens qui se disent formateurs ou consultants mais rien ne l’atteste, il faudrait délimiter le cadre autour de la profession.
David Cela pourrait être la création d’un diplôme ou d’un référentiel de compétences, c’est un vrai métier, il faudrait un tronc commun validé soit par diplôme, soit par adhésion à un syndicat pour qu’il y ait une mesure de la compétence que les professionnels de la formation aient estimé. Je n’ai pas envie d’avoir à vérifier que le formateur a les bases avant de l’embaucher ou de lui confier un cahier des charges.
Interviewés Définition de la professionnalisation
Anne Pour moi la professionnalisation c’est établir des process pour encadrer un type d’activité et établir des normes de qualification, d’expertises, de niveau de formation nécessaire pour exercer une profession.
Aline Ce serait l’existence de critères, de définition de fonction, d’un cadre législatif, d’une fiche technique des caractéristiques et compétences requises qui définissent le formateur consultant indépendant. Bref, un cadre de définition des formateurs consultants indépendants avec de la formation certifiante ou validante.
David /…/avoir une définition de ce qu’est un consultant, son niveau, quelles sont les bases de sa formation pour savoir ce qu’on peut lui demander. Ensuite, avoir un tronc commun, une capacité minimale. Aujourd’hui je ne sais pas ce qui différencie quelqu’un qui a des compétences de quelqu’un qui n’en a pas dans ce milieu. Enfin, je ne peux choisir /…/ car je n’ai pas de critères pour faire un choix éclairé. Même le prix n’est pas une garantie de qualité.
104
Interviewés Quel serait le but de ces actions ?
Anne Le but serait de valider qu’ils ont les pré-requis et le savoir faire pédagogique. /…/ je n’ai rien pour valider ça. /…/
Aline /…/ sécuriser l’emploi des formateurs consultants indépendants. /…/ renforcer la crédibilité /…/sécuriser le client, /…/harmoniser au plan tarifaire/…/
David /…/ être sûr que je fais un investissement qui n’est pas à perte.
Les formateurs consultants indépendants
Les propos des formateurs consultants indépendants interviewés montrent que, pour eux, la
professionnalisation est clairement inscrite dans le « développement durable des compétences » (cette
jolie formule de Corine résume bien l’ensemble des propos recueillis) à des fins de compétitivité, c’est
le point clé de la professionnalisation vue par les prestataires.
Interviewés Définition de la professionnalisation
Corine C’est le maintien et l’évolution des compétences, le développement durable des compétences. /…/ ça me permet de rester compétitive. /…/
Patrick C’est un statut reconnu normativement qui permet de valider un niveau requis pour exercer.
Alexis C’est se garantir qu’on a les connaissances et les compétences dans un thème qu’on décide de faire pour assurer la demande du client./…/
Cette notion de « développement durable des compétences » est lisible à travers la « consommation »
de formations que fait cette catégorie de prestataires.
Si la reconnaissance via « un statut reconnu normativement » exprimée par Patrick n’est pas retrouvée
par ailleurs dans notre échantillon de formateurs consultants, l’idée de « valider un niveau requis pour
exercer » traverse l’ensemble des propos ; mais il s’agit là d’une auto-validation afin de s’assurer qu’on
est apte à satisfaire la demande du client. Ce positionnement vis-à-vis de la professionnalisation se
retrouve dans les actions de professionnalisation entreprises et les buts assignés :
Interviewés Actions de professionnalisation mises en place
Corine /…/diplôme de formateur professionnel d’adulte à l’AFPA/…/formations certifiantes /…/ journées thématiques organisées par des syndicats professionnels ou des OPCA /…/C’est de la veille et à la fois ça me permet d’être informée /…/ J’ai aussi fait des formations /…/ en lien avec mes offres ou avec le développement de mes capacités relationnelles
Patrick Ma professionnalisation s’est construite avec les années. /…/ Ça s’est construit sur la pratique et sur des formations successives qui m’ont apporté du « grain au moulin ». J’ai aussi fait un DESS en management de projet /…/
Alexis Je me suis formé sur le métier de formateur. J’ai une formation à la fois pratique et livresque, /…/ je compte investir tous les ans dans ma formation /…/ faire 6 à 8 jours de formation pour moi. L’expérience est le 3ème élément de la professionnalisation : la mienne et le partage d’expérience avec d’autres formateurs pour s’enrichir mutuellement.
105
Interviewés Quel est le but de ces actions ?
Corine Progresser dans mon métier, rester compétitive. Je le fais aussi pour moi, j’aime apprendre. C’est aussi pour être toujours en lien avec ma profession, ne pas m’endormir sur mes lauriers. /…/ progresser professionnellement et personnellement.
Patrick Je suis un convaincu de la formation continue tout au long de la vie, c’est un vecteur dans ma vie professionnelle et personnelle. On a des connaissances, on les monte en compétences mais il faut les développer sans cesse. On n’est jamais assis sur un acquis. /…/
Alexis Le but, c’est la satisfaction du client/…/ Il faut être à la pointe pour conserver les clients et en capter d’autres /…/ anticiper en élargissant mes connaissances et mes compétences /…/ avoir un temps d’avance dans un marché concurrentiel. C’est garder sa compétitivité.
Ces propos sont cohérents avec nos observations de terrain – en particulier lors des actions de
promotion des certifications ICPF & PSI ou du cycle Commercialisation des Activités de Consulting- où
nous avons pu constater que les formateurs consultants indépendants étaient, dans leur ensemble,
fortement intéressés par des formations à des fins de développement professionnel et de
compétitivité mais que l’idée de la normalisation et de l’encadrement de l’activité –en particulier par
des diplômes ou certificats nécessaire à l’exercice de la profession- est aujourd’hui estimée comme
inutile, voire rejetée, par crainte de se la voir un jour imposée.
Les syndicats
La définition de la professionnalisation recueillie auprès des syndicalistes lors de notre enquête rejoint
partiellement celle exprimée par les formateurs consultants indépendants autour de la notion de
compétence (peu distinguée de celle de qualification dans l’ensemble des propos) notamment
exprimée sous forme de « capacité à … ».
Interviewés Définition de la professionnalisation
Emile Amener quelqu’un d’un niveau de qualification A à un niveau de qualification B en répondant à ses besoins de qualification afin qu’elle réponde aux besoins de qualification de ceux qu’elle forme en suivant le référentiel des phases d’une action de formation /…/ La professionnalisation, c’est rendre quelqu’un capable de…
Jean Luc C’est le fait de donner les outils, les méthodes aux formateurs consultants afin qu’ils soient capables de : respecter la réglementation, délivrer une prestation par rapport aux besoins réels du client, préparer les stagiaires aux métiers du futur
La formation et l’information continue à des fins d’innovation, la reconnaissance des compétences ou
la normalisation de l’activité sont également des points forts de la professionnalisation :
Interviewés Actions de professionnalisation à mettre en place selon vous ?
Emile Il y a d’abord des techniques qui peuvent s’enseigner Il y a en plus le développement personnel du consultant Il est aussi important de faire constater, reconnaître l’expertise et l’expérience des cursus professionnel par des diplômes, de la VAE ou des certifications telles que l’OPQF ou de l’ICPF&PSI : c’est une étape de plus en plus indispensable, l’auto proclamation ne suffit plus.
Jean Luc être rigoureux sur le plan scientifique, de se former, d’être abonné à des revues ou a des news letter. Les revues, les livres cela fait partie de la professionnalisation. La première chose dans nos métiers c’est d’être informé, de savoir ce qui se passe de nouveau. être curieux. Ne pas rester sur ses vieilles références. C’est important aussi de rencontrer les meilleurs formateurs pour avoir les bons modèles, les bonnes références. /…/
106
Interviewés Quel serait le but de ces actions ?
Emile devenir capable de remplir les missions qui sont confiées.
Jean Luc Sensibiliser les formateurs à la différence entre apprendre et faire mettre en application. /…/ Respecter la loi, faire des formations qui correspondent au besoin des stagiaires et pas à un catalogue, être innovant /…/
Les autres sources émanant de ces mêmes syndicats sont cohérentes avec ces positionnements et
confirment l’investissement des syndicats dans la professionnalisation des formateurs consultants
indépendants.
Le SICFOR s’est ainsi doté d’une notre commission "professionnalisation", pilotée par la vice-
présidente de ce syndicat (Danielle Rolland). La professionnalisation est ainsi vue comme des actions
« de clarification et de développement des accès à la reconnaissance professionnelle des Formateurs
Consultants :
- Recenser les certificats, titres et diplômes existants,
- Rechercher des partenariats avec leurs promoteurs pour les optimiser,
- En faciliter l’accès aux professionnels, notamment par la VAE. »201
Un travail sur l’identité professionnelle est également prévu en collaboration avec l’Université de Lille.
Pour sa part, la CSFC a mis en place depuis plusieurs années un parcours de professionnalisation qui
comporte à la fois de la formation et l’accès à la certification ICPF & PSI (voir annexe 13).
« En tant que professionnel, nous sommes particulièrement concernés par la labellisation de l’offre de
formation attendue dans la nouvelle loi. Pour nous Formateur Indépendant, labellisation signifie
QUALITE – PROFESSIONALISATION – CERTIFICATION. Et comme vous le savez, par définition, quand
nous ne gérons pas quelque chose, forcément nous le subissons. Si vous ne gérez pas votre
professionnalisation, nécessairement vous subirez.
Depuis plusieurs années, la Fédération des CSFC a fait un travail considérable. Ce travail a aboutit à ce
que nous avons appelé le « Parcours de Professionnalisation ». Ce parcours est si incontournable, que
le FIF-PL a dégagé des fonds spéciaux pour permettre au plus grand nombre de formateurs d’en
bénéficier. »202
Pour les syndicats, la professionnalisation des formateurs consultant repose donc sur quatre piliers
cohérents avec la logique de reconnaissance du groupe socio professionnel :
- le développement des compétences
- la reconnaissance des compétences et de l’expertise (formation, certification, diplômes, titres,
VAE)
- normalisation de l’activité et respect de la démarche qualité (tous les syndicats de formateurs
consultants indépendants sont engagés dans les groupes de travail de l’AFNOR),
- la construction de l’identité professionnelle.
201 Site du SICFOR août 2010 202 Editorial Président de la CSFC Ile de France juin 2010
107
----------------------------------------------------
Les points clés reliés à la notion de professionnalisation sont donc multiples selon les acteurs et font
émerger des points de tension, notamment autour de l’encadrement de l’activité par des diplômes,
certificats et normes : souhaité par les clients, envisagé par les syndicats mais craint par les formateurs
consultants indépendants.
Récapitulatif des points clés autour de la notion de professionnalisation
Clients Encadrement et normalisation de l’activité afin qu’ils identifient les compétences
FCI Développement durable des compétences à des fins de compétitivité
Syndicats Développement et reconnaissance des compétences et normalisation de l’activité
L’ensemble des approches de la professionnalisation convergent cependant vers la notion de
compétence mais elle est investie différemment selon les acteurs : besoin de l’identifier pour les
clients, de la développer « durablement » afin d’être compétitif pour les formateurs consultants, de la
développer et de la faire reconnaître pour les syndicats afin de bâtir l’identité professionnelle du
groupe.
2.2.3 Enjeux croisés de la professionnalisation Nous avons vu que la professionnalisation des formateurs consultants n’est pas une des missions des
pouvoirs publics et qu’elle n’est ainsi pas investie d’enjeux spécifiques de leur part.
En revanche, les clients, formateurs consultants et syndicats ont exprimé les enjeux qu’ils associent à
la professionnalisation de l’activité et des prestataires qui l’exercent. Ces enjeux sont au cœur de la
seconde hypothèse que nous avançons.
Les clients
Interviewés Enjeux de leur professionnalisation
Anne Ce flou autour de la qualification des formateurs consultants indépendants employés dans les petites structures comme la mienne favorise les structures comme CEGOS ou DEMOS auprès des DRH. Ils ont tous eu affaire à ces grosses boites avant et ils savent où ils vont quand ils leur commandent des formations. Ils savent que ce sera sans surprise, ni bonne, ni mauvaise. Faire cesser ce flou serait un enjeu de la professionnalisation. /… /
Aline Quand je lance un appel d’offres, je pourrais examiner les propositions qui me sont faites avec plus de sérénité. Parce que parfois avec le marketing, c’est sympa, ça a l’air bien et finalement, derrière, y a rien.
David L’enjeu est que j’ai plus confiance en eux et que je fasse appel à eux de façon plus régulière. Si je ne peux démontrer la qualité et le retour sur investissement, je ne peux faire valider les budgets de formation. Avec la professionnalisation, je peux me dire qu’à minima j’en ai un bon et qu’au mieux, j’en ai un très bon qui saura parfaitement répondre à nos besoins. Ça me permettrait de redonner confiance et crédibilité à la formation. /…/
Il ressort des entretiens que la confiance constitue, pour les clients, l’enjeu central de la
professionnalisation. L’identification des compétences et la validation de la qualification des
prestataires est ainsi un point important car porteur de « l’assurance » d’avoir des prestations de
qualité, adaptées à leurs besoins et réalisées par des professionnels compétents.
108
L’objectif est d’avoir un retour sur investissement positif au regard des besoins de l’entreprise. La
notion de « retour sur investissement » est très présente à travers les propos d’Aline mais plus encore
dans ceux de David (ce qui s’explique en partie par son poste de Directeur Financier et Administratif) :
« Le but serait d’être sûr que je fais un investissement qui n’est pas à perte. La formation a un coût
économique et en temps/homme, je dois le rationnaliser, savoir qu’il y aura un retour sur
investissement positif. »
Si les propos des clients interviewés dans notre enquête peuvent sembler durs, ils font écho aux
constats posés par les syndicats (notamment le SICFOR) sur l’évolution du marché. L’enquête
prospective réalisée par le SICFOR de juin à octobre 2008 a mis en lumière un « durcissement » des
conditions d’exercice lié à un « niveau d’exigence plus élevé des clients, la rationalisation des processus
d’achat de formation et une réduction de la durée des formations » 203.
L’importance d’avoir un référentiel et une validation des compétences est systématiquement abordée
et conditionne la confiance accordée : « aujourd’hui j’ai plus confiance en quelqu’un qui a une activité
et qui fait de la formation en plus sur cette activité qu’en un formateur. En prenant un avocat pour
faire de la formation juridique par exemple, même s’il n’est pas bon pédagogue, j’ai un référentiel en
le choisissant. » (David)
Il ressort de nos observations issues du terrain et de notre pratique professionnelle (dans un premier
temps d’achat de prestation dans le cadre d’une activité en entreprise puis dans un second temps du
métier de formateur consultant) que nombre de clients ont été « échaudés » par des prestataires dont
les tarifs étaient loin d’être en rapport avec les qualifications ou la qualité des prestations délivrées.
Comme le souligne si bien Alexis lors de l’entretien : « L’enjeu de la professionnalisation des
formateurs consultants, ce serait de séparer le bon grain de l’ivraie, faire en sorte que les gens sérieux
et professionnels ne soient pas mis dans le même sac que les charlatans. Il y a de tout dans nos
métiers. »
Le déficit d’image largement évoqué lors du discours de Lionel Soubeyran en juin 2010 n’est pas
uniquement lié à un « foisonnement d’images » ou d’appellations mettant en avant tantôt le conseil,
tantôt la formation. Il est aussi (surtout ?) malheureusement du au fait que le caractère ouvert de
l’accession aux activités de conseil et de formation permet à qui le souhaite de se dire « formateur
consultant » sans en avoir forcément les compétences. Libre à lui ensuite d’accepter des missions qu’il
n’est pas sûr de pouvoir correctement remplir et de pratiquer les tarifs qu’il lui semble bon d’appliquer
sans autre justification que l’acceptation du client. Si cela ne concerne heureusement pas l’ensemble
de ce groupe professionnel, force est de constater que cela entache grandement l’image de la
profession d’indépendant au regard de certains clients.
Cette crainte de « se faire avoir » est clairement verbalisée par Aline : « (le but de la
professionnalisation) serait de /…/ renforcer la crédibilité : on sait quel est le bagage qu’il a et on est
sûr que ce n’est pas un « pleupleu » qui vient vendre sa sauce à un prix exorbitant. »
Ces propos et ce besoin de sécuriser l’achat de prestation de formateurs consultants indépendants
peuvent sembler très éloignés de ceux tenus lors de la table ronde organisée sur le thème de la
perception du consultant-formateur indépendant par les entreprises (Premières assises des
203 Discours de Lionel SOUBEYRAN président du SICFOR lors des Premières assises des formateurs consultants indépendants 10 juin 2010.
109
formateurs consultants indépendants). Les avis exprimés par les invités204 étaient fort positifs et
soulignaient la valeur ajoutée des formateurs consultants indépendants par rapport aux employés des
grands organismes de formation. Au-delà du fait que la question de la professionnalisation n’était pas
le sujet de cette table ronde et que la présence même des invités était révélatrice de leur bienveillance
à l’égard de la profession, nous relevons que les positions exprimées lors des entretiens rejoignent
cependant la remarque de Stéphane Diebold qui soulignait justement que « Le problème lorsque l’on
recourt aux services d’un consultant-formateur, c’est qu’il faut acheter pour essayer/…/ le premier
contact avec un indépendant se fait obligatoirement par le biais de la confiance. »
Nous distinguons deux types d’enjeux : ceux inscrits dans la relation avec les formateurs consultant
que nous qualifierons « d’enjeux externes » et ceux qui concernent l’organisation que nous
nommerons « enjeux internes ».
Pour les clients, l’enjeu externe central de la professionnalisation des formateurs consultants
indépendants est l’instauration (ou la restauration) de la confiance via l’identification et la validation
des compétences afin de permettre un achat « serein » des prestations de service intellectuel
proposées par les formateurs consultants indépendants.
Les enjeux internes sont d’avoir l’assurance que les prestations délivrées seront adaptées à leurs
besoins et que le tarif pratiqué sera conforme à la qualité délivrée. L’enjeu interne final est d’avoir un
retour sur investissement positif au regard des besoins de l’entreprise.
Enjeux externes : Identification et validation des compétences → confiance → achat de prestation possible
Enjeux internes : Prestations adaptées aux besoins → tarif conforme à la qualité attendue→retour sur investissement +
Les formateurs consultants indépendants
Interviewés Enjeux de leur professionnalisation
Corine C’est la compétitivité. Les modes, les métiers, les stratégies d’entreprise changent ; la France et les entreprises sont en pleine mutation, l’enjeu est de rester connecté à la réalité de ce qui se passe dans les entreprises pour pouvoir proposer des réponses adaptées.
Patrick L’enjeu c’est de rester compétitif dans son travail. C’est important au plan personnel et au plan de l’entreprise. C’est une question de survie. Si l’entreprise ou la personne ne peut se remettre en question et chercher à évoluer, elle reste sur le quai.
Les formateurs consultants indépendants ont pour particularité par rapport aux autres métiers de la
formation de devoir commercialiser leur prestation pour vivre de leur activité.
Il est donc naturel que le premier enjeu identifié soit la compétitivité envers les autres formateurs
consultants indépendants ou envers les grands organismes de formation pour pouvoir vivre de leur
activité.
204 Alain Raguenaud, chargé de mission auprès de la direction générale de La Poste ; Stéphane Diebold, vice-président du GARF ; Yann Landreau, ANDRH ; Caroline Monffront, Agefos-PME d’Ile-de-France.
110
Alexis exprime aussi clairement cet enjeu de la professionnalisation à un autre moment de
l’entretien : « Il y a un marché et des concurrents, en terme de positionnement c’est important d’avoir
un temps d’avance dans un marché concurrentiel. (Le but de la professionnalisation), c’est garder sa
compétitivité. »
Garder ou développer sa compétitivité pour vivre de son activité est un enjeu opérationnel (c'est-à-
dire conditionnant l’activité concrète au quotidien) interne au groupe prestataire de service : elle
s’exerce entre les offreurs. Mais la clé de l’obtention d’un marché (en tout cas de façon durable) n’est
pas tant d’éliminer ses concurrents que de conquérir le client. Il existe donc un deuxième enjeu
opérationnel, externe, bien plus déterminant pour la pérennité de l’activité : la relation de confiance
entre le fournisseur et le client.
Interviewés Enjeux de leur professionnalisation
Alexis L’enjeu de la professionnalisation des formateurs consultants, ce serait de séparer le bon grain de l’ivraie, faire en sorte que les gens sérieux et professionnels ne soient pas mis dans le même sac que les charlatans. Il y a de tout dans nos métiers. Ce serait la garantie que pour ceux qui portent le nom de formateur, il y a un minimum en dessous duquel on ne descendra pas. Préserver et garantir la réputation d’un métier noble. Un peu comme un label qualité. Ça ne passe pas forcément par des diplômes ou des formations universitaires obligatoires. Il faudrait une approche théorique associée à de la pratique.
La préservation de la réputation du métier passe ici via la reconnaissance par autrui de la
professionnalité « les gens sérieux et professionnels » via l’identification des compétences, du niveau
des formateurs consultants : « un peu comme un label qualité » « une approche théorique associée à la
pratique ». Si les diplômes ou formations universitaires obligatoires ne sont pas « forcément »
envisagés, le vecteur de la confiance est bien l’identification des compétences des « professionnels » à
distinguer des « charlatans ». Notons que cela rejoint pleinement les enjeux du groupe client ainsi que
l’objectif opérationnel premier du groupe formateur : vivre de son activité.
Le fait de vivre de son activité représente ainsi l’enjeu opérationnel central de la professionnalisation
pour les formateurs consultants indépendants.
L’importance de se sentir (et d’être) capable de remplir les missions confiées, de développer ses
compétences, de progresser dans son métier font émerger un enjeu interne à la personne qui est son
développement professionnel et personnel : « (le but des actions de professionnalisation est de)
progresser dans mon métier, rester compétitive. Je le fais aussi pour moi, j’aime apprendre /…/
rencontrer des gens qui sont différents de moi, me remettre en question, découvrir d’autres façons de
faire permet de progresser professionnellement et personnellement» Corine ; Question relative au but
des actions de professionnalisation, Patrick : « Je suis un convaincu de la formation continue tout au
long de la vie, c’est un vecteur dans ma vie professionnelle et personnelle. /…/. On n’est jamais assis
sur un acquis. Il faut rester critique par rapport à ses compétences et savoir se remettre à l’ouvrage,
acquérir de nouvelles compétences, revenir sur nos pratiques. On est locataire d’un poste mais on est
propriétaire de ses compétences, j’aime bien cette phrase. »
111
Le besoin d’être fier de ce que l’on fait et des compétences que l’on met à la disposition du client
revient fréquemment dans les entretiens notamment en réponse à la question de leur définition d’un
professionnel.205
Interviewés Définition d’un professionnel
Corine C’est une personne qui exerce un métier et qui a une connaissance pointue et une expertise dans son domaine. Il est l’expert dans son domaine mais il sait se remettre en question et évoluer avec le temps.
Patrick C’est quelqu’un qui a acquis à la fois de la connaissance et, de par son expérience, de la compétence et qui est reconnu par ses pairs et par ses clients ou l’extérieur comme la personne ressource dans son domaine. Il s’est remis en question, il a évolué. Sinon, il perd son « étoile » de professionnel, même s’il a été bon par le passé. Ce n’est pas quelqu’un qui sort de l’école, même s’il a des diplômes, il n’a pas encore acquis l’expérience du métier. Un professionnel c’est donc une personne ressource, une personne reconnue, c’est comme ça que je qualifie le professionnel
Alexis C’est quelqu’un qui maîtrise de A à Z les missions qu’il s’est engagé à effectuer au bénéfice du client. C’est quelqu’un qui doit être irréprochable dans un cœur de métier. Il doit être capable d’expliquer ses choix d’action, de réfléchir à ce qu’il fait et pourquoi.
Si l’on se réfère au modèle de compréhension de l’identité professionnelle des formateurs consultants
indépendants créé par Philippe Gravé206, un des enjeux (interne à l’individu) de la professionnalisation
est donc de construire une identité professionnelle pour soi (présentée ou visée) par le
développement permanent et la remise en question des compétences tout au long de sa trajectoire
biographique.
Notons que la fierté de l’offre ainsi que les exigences sont élevées et que le besoin de reconnaissance
par les pairs et par un autrui significatif (le client) est très présent. Cela semble souligner un écart –au
moins partiel- entre l’identité proposée (socio-économique) et celle intériorisée (le rôle professionnel
dans le contexte). La reconnaissance de la professionnalité pour autrui est alors problématique (voir
précédemment les propos des clients interviewé à ce sujet). Un des enjeux de la professionnalisation
en tant que vecteur de reconnaissance par autrui serait alors la construction d’une identité proposée
compatible avec l’identité intériorisée.
Le problème de la reconnaissance de l’identité professionnelle du groupe par rapport à « l’autrui
significatif-client » n’est que partiel : nombre de relations client-formateur consultant
fonctionnent très bien. Il peut être assez facilement résolu par mise en œuvre d’une
professionnalisation permettant la reconnaissance des compétences et ne touche pas le cœur de
l’identité professionnelle « pour soi » revendiquée (cette « double casquette » de formateur et de
consultant constitue même la base de ce que le client recherche chez ces prestataires).
205 Cette question permet de saisir leur image d’eux-mêmes au travail ou en tout cas de celle visée (elle a été rajoutée après que nous ayons constaté qu’il était difficile d’obtenir une réponse à la question « quel professionnel êtes-vous ?). 206 Voir le schéma Philippe GRAVE, présentation 1ères assises des formateurs consultants juin 2010 PARIS LA VILLETTE en Annexe 17 ou dans l’exploration contextuelle
112
Ce problème de reconnaissance de l’identité professionnelle par « l’autrui significatif-client » est
donc nettement moins aigu que celui identifié par rapport à « l’autrui significatif-pouvoirs
publics » (voir la conclusion de notre première hypothèse).
La construction de l’identité professionnelle des formateurs consultants est ainsi le troisième enjeu de
la professionnalisation. Nous le qualifierons « d’enjeu fondamental » compte tenu de sa nature
structurante par rapport à l’activité du groupe dans son ensemble. Ce qualificatif permet aussi de le
différencier des enjeux opérationnels (pour fondamental qu’il soit, cet enjeu n’influe pas au quotidien
sur la pratique commerciale ou pédagogique des formateurs consultants).
Plusieurs enjeux de la professionnalisation apparaissent ainsi dans le champ des individus.
- La construction de l’identité professionnelle : enjeu fondamental du groupe :
- La compétitivité est l’enjeu opérationnel interne au groupe, la confiance est l’enjeu
opérationnel externe au groupe. Tous deux convergent vers un enjeu opérationnel central de
la professionnalisation : vivre de son activité et de son expertise.
Les enjeux opérationnels de la professionnalisation s’inscrivent dans une logique de qualification et de
reconnaissance de la professionnalité soit vis-à-vis des pairs (la compétitivité dans un rapport de
concurrence), soit vis-à-vis d’autrui (dans un rapport de relation de confiance et de crédibilité
commerciale face au client).
L’enjeu de construction de l’identité professionnelle nous semble davantage s’inscrire dans une
logique de reconnaissance du groupe socio professionnel et rejoint ainsi les enjeux de la
professionnalisation pour les syndicats en tant que groupe socioprofessionnels.
113
Les syndicats
Interviewés Enjeux de leur professionnalisation
Emile L’enjeu c’est survivre, arriver à vivre de son activité en restant indépendant et en conservant notre regard extérieur, notre capacité à dire non.
Jean Luc Les enjeux se sont les emplois de demain et donc la performance des entreprises françaises de demain. L’enjeu c’est de pouvoir donner de la valeur ajoutée aux stagiaires pour que leur croissance personnelle contribue à la croissance de l’entreprise. Pour les formateurs consultants, l’enjeu est de pouvoir apporter une valeur ajoutée suffisamment forte pour s’affranchir des problèmes économique, gagner bien leur vie.
Le développement des compétences des formateurs consultants indépendants fait bien sûr partie des
objectifs des syndicats. Cet objectif s’exprime dans l’ensemble des entretiens tant au regard des
actions à mettre en place que des buts de la professionnalisatio. Les principaux termes retrouvés sont
« des techniques qui peuvent s’enseigner » « le développement personnel du consultant » (Emile); « les
amener à respecter la loi, faire des formations qui correspondent au besoin des stagiaires et pas à un
catalogue, être innovant » (Jean Luc) ; la finalité du développement des compétences étant de
« devenir capable de remplir les missions qui nous sont confiées» (Emile) avec, pour enjeu
opérationnel final , le fait de vivre de son activité.
Développer les compétences → être en capacité de réaliser les missions → vivre de son activité
La reconnaissance des compétences et de la professionnalité des formateurs consultants indépendants
sont également au cœur des préoccupation des syndicats : « Il est aussi important de faire constater,
reconnaître l’expertise et l’expérience des cursus professionnel par des diplômes, de la VAE ou des
certifications telles que l’OPQF ou de l’ICPF&PSI : c’est une étape de plus en plus indispensable, l’auto
proclamation ne suffit plus. » (Emile). Cet enjeu est aussi au cœur des discours officiels : « deux
objectifs du parcours de professionnalisation : se professionnaliser en améliorant ses compétences de
formateur consultant, faire reconnaître ses compétences professionnelles. » (CSFC Languedoc
Roussillon)
Nous complèterons ces propos sur la reconnaissance des compétences et de la professionnalité par
deux extraits de « communications officielles » afin d’éclairer l’autrui significatif dont la
reconnaissance est attendue : « La DRIRE207 Alsace a réalisé une étude sur les prestations de service
intellectuel. Le constat, avéré et reconnu est sans contestation : il y a un manque de
professionnalisation dans le monde du conseil et de la formation. Dans le cadre de la réforme de la
Formation Professionnelle, la question de la professionnalisation des formateurs s’impose également.
La Fédération des Chambre Syndicale des Formateurs Consultants a construit un programme de
formation en 6 modules pour le développement de cette professionnalisation. » (Site CSFC Alsace)
« La professionnalisation doit aussi passer par la justification des compétences des formateurs. La
personne dispensant des formations doit justifier de ses titres et qualités tant au niveau personnel que
207 Direction Régionale de l'Industrie, de la Recherche et de l'Environnement : Le réseau des DRIRE exerce des missions variées d'animation, d'incitation mais aussi de contrôle, ayant pour finalité le développement économique durable.
114
des intervenants/…/ c’est justement sur ce point que nous nous devons tous /…/ d’être particulièrement
vigilants. Le formateur doit avoir les compétences requises et pourvoir les justifier : diplôme,
qualification, VAE ou démarche en vue d’obtenir un titre etc.… /…/ La CSFC a validé dès 2007, la
dernière mise à jour du titre de formateur-consultant inscrit au registre professionnel (FC IRP) /…/ dans
l’esprit d’une démarche qualité professionnelle, mais surtout d’une professionnalisation accrue, un
parcours de professionnalisation de 6 modules permet à tout acteur de la formation d’obtenir ce titre.
(Article de Michel Farhi paru dans le dossier de la formation permanente n°219 de Centre Inffo).
L’autrui significatif dont la reconnaissance est ici attendue est donc institutionnel (au niveau régional
ou national). Cela se traduit par la référence à la réforme, au textes de loi (cités notamment dans
l’article de Michel Farhi). Ils expriment l’enjeu de rendre l’activité conforme aux attentes des pouvoirs
publics et voient la professionnalisation comme un vecteur de reconnaissance de la profession et des
compétences des personnes qui l’exercent.
Rappelons ici que c’est le double positionnement de formateur et de consultant indépendant qui est
justement un des points –si ce n’est le point clé- qui amènent les pouvoirs publics à ne pas reconnaître
cette activité comme une profession. La professionnalisation et la validation des compétences, même
via des diplômes ou un titre inscrit au Registre Professionnel, ne semble donc pas être la solution pour
obtenir une reconnaissance des pouvoirs publics. La quête d’une reconnaissance par les pouvoirs
publics paraît donc sans issue – du moins à court terme.
Les enjeux de la professionnalisation des formateurs consultants indépendants pour les syndicats sont
donc de permettre aux formateurs consultants indépendants de vivre de leur activité en développant
leurs compétences et en respectant la législation ; faire reconnaître la profession et les compétences
de ceux qui l’exercent par les pouvoirs publics ainsi que par les clients afin de renforcer l’identité
professionnelle du groupe et d’organiser la profession.
Ces enjeux sont cohérents avec la logique de reconnaissance du groupe propre aux groupes
socioprofessionnels selon le schéma des enjeux de la professionnalisation qui a servi de fil rouge à la
vérification de cette hypothèse.
115
----------------------------------------------------
Rappel de l’hypothèse : au-delà d’un problème de définition du terme, la professionnalisation peut
avoir des enjeux différents –voire divergents- selon les acteurs concernés, ce qui entrave leur
mobilisation et le nécessaire dialogue entre les pouvoirs publics, les formateurs consultants, les
syndicats et les clients.
Il y a effectivement un problème de définition du terme « professionnalisation » qui est relié à des
objectifs différents selon les acteurs :
- les clients y voient la possibilité d’un encadrement et d’une normalisation de l’activité qui leur
permettrait d’identifier enfin les compétences des prestataires ;
- les formateurs consultants attachent à ce terme la nécessité du développement durable de
leurs compétences à des fins de compétitivité ;
- les syndicats s’attachent à construire la professionnalisation à des fins de développement et
reconnaissance des compétences et de normalisation de l’activité.
Les enjeux de la professionnalisation exprimés par les clients, les professionnels et les syndicats
semblent tous converger vers un enjeu central : la reconnaissance des compétences.
Cet enjeu central est assorti de différents enjeux spécifiques aux groupes les expriment mais, pour
différents qu’ils soient, ils apparaissent plus complémentaires que réellement divergents :
- les clients souhaitent que les compétences soient connues pour pouvoir acheter sereinement ;
- les professionnels appellent une reconnaissance de leurs compétences pour vivre de leur
activité ;
- les syndicats prônent la reconnaissance des compétences pour permettre aux personnes qu’ils
représentent de vivre de leur activité et définir l’identité professionnelle du groupe afin de
construire et d’organiser la profession.
Seuls les pouvoirs publics n’investissent pas d’enjeu dans la professionnalisation des formateurs
consultants. Ils attendent des différents acteurs concernés la proposition d’un modèle professionnel
cohérent.
116
Cet ensemble d’enjeux peut être ainsi schématisé :
Professionnalisation : enjeu central reconnaissance & identification des compétences
Pouvoirs publics
Clients
Formateurs consultants
Syndicats
Pas d’enjeu car pas sa mission / attendent des
propositions
Logique libérale : efficacité individuelle au service de la société
Acheter sereinement et avoir un retour sur investissement positif
Avoir confiance
Logique de compétence & accompagnement des évolution du travail
Constituer l’identité professionnelle & bâtir et organiser la profession
Permettre aux FCI de vivre de leur expertise
Logique de reconnaissance du groupe socio
professionnel
Vivre de son activité
Développer la confiance du client & être compétitif
Logique de qualification (reconnaissance de la professionnalité)
Enje
ux
spé
cifi
qu
es En
jeu
x spé
cifiqu
es
Enje
ux sp
écifiq
ue
s
Les points de tension du système qui entravent la mobilisation et le dialogue entre les clients, les
professionnels et les syndicats semblent résider davantage autour de l’encadrement de l’activité et des
solutions à mettre en place pour la reconnaissance des compétences.
Les diplômes, certificats et normes souhaités par les clients et envisagés par les syndicats sont craints
voire rejetés par une grande partie des formateurs consultants indépendants. De même, si un
encadrement de l’activité est souhaité en tant que moyen de « séparer le bon grain de l’ivraie » ses
modalités restent à définir et semblent loin de faire consensus.
La divergence ne s’exprime donc pas au niveau des enjeux mais bien davantage au niveau des moyens
à mettre en œuvre pour la professionnalisation et la reconnaissance des compétences.
En cela, notre seconde hypothèse ne peut être considérée que partiellement vérifiée.
117
Conclusion
A l’issue de ce travail, quels éléments de réponse pouvons-nous apporter à la question de la
professionnalisation des formateurs consultants dans le cadre de la réforme de la formation
professionnelle tout au long de la vie ?
Un premier constat d’ordre général porte sur le fait, qu’à ce jour, les différents actes de réforme du
système de formation professionnelle ne constituent pas l’avènement du « temps des formateurs »
annoncé (espéré ?) depuis près de quarante ans.
« L'éducation et la formation tout au long de la vie » destinée à « accompagner une transition réussie
vers une économie et une société fondées sur la connaissance» 208 qui portaient le concept de life long
learning européen a donné lieu à une politique de formation nationale centrée sur le développement
de l’employabilité des individus : « la formation professionnelle tout au long de la vie ». Cette
traduction du concept européen définit bien le cadre qui lui est assigné en France. Considérée comme
une priorité nationale, la formation professionnelle tout au long de la vie fait l’objet d’une série de
réformes visant à améliorer le système.
La réforme du système de formation professionnelle en cours révèle un curieux paradoxe. L’ensemble
du système est remis à plat, amélioré et appelle à une professionnalisation « générale » des individus
en renforçant encore le lien formation – emploi. Une structuration de l’activité et un
professionnalisme accru des formateurs est souhaité par les principaux acteurs politiques et
institutionnels mais, dans le même temps, leur professionnalisation est récusée –ou, au mieux, exclue
des enjeux des pouvoirs publics.
Hors, comment construire une « économie de la connaissance » sans voir se mettre en place une
professionnalisation de l’activité et de ceux qui sont sensés poser les fondations de cette économie
(nous ne parlons pas ici uniquement de la population étudiée dans notre travail mais de l’ensemble
des agents de la formation professionnelle) ?
Il semble bien que la question posée à l’issue du rapport du groupe de travail sur la qualité de l'offre
et de l'achat de formation : « Comment les pouvoirs publics peuvent-ils accompagner les efforts de la
profession pour se doter de signes de qualité et de professionnalisme ? »209 doive rester pour l’instant
sans réponse ou, plus exactement, que, dans une logique de décentralisation, la réponse ne soit pas à
apporter par les pouvoirs publics. C’est donc aux intéressés de construire un modèle professionnel
cohérent et d’organiser la professionnalisation de l’activité et des individus.
Un deuxième constat d’ordre général porte sur la complexité de l’activité : le fait qu’elle soit à la fois
un « métier » et une « fonction » complémentaire à une autre activité professionnelle contribue à la
fois à la richesse et à l’efficacité des formations mais rend difficile la professionnalisation de l’activité
et des individus.
Mais recentrons-nous maintenant sur les formateurs consultants autonomes pour poser un troisième
constat plus spécifique à la population étudiée dans ce mémoire pour qui la formation et le conseil
sont bien des métiers exercés à plein temps.
208 Mémorandum sur l'éducation et la formation tout au long de la vie, Commission des Communautés Européennes, Bruxelles, 30.10.2000 209 Rapport du groupe de Travail sur la qualité de l'offre et de l'achat de formation Présidé par C.Duda, décembre 2008
118
Leur professionnalisation ne fait pas davantage partie des missions et priorités des pouvoirs publics
que celle des autres métiers ou agents de la formation professionnelle – probablement encore moins
en fait. Comme pour la majorité des métiers de la formation professionnelle, l’accès à l’activité est
ouvert mais elle est encadrée par une réglementation bien définie (qu’ils sont nombreux à
méconnaitre totalement). S’il leur est demandé de faire état de leur « titres et qualités », c’est à
l’ensemble de ce groupe professionnel de définir quels sont les titres et qualités en question et de
construire le cadre de la professionnalisation de l’activité et des individus.
Cet espace de liberté offre une chance aux formateurs consultants de construire un modèle
professionnel et une professionnalisation qu’ils bâtiraient eux-mêmes plutôt que de se voir un jour
imposer un système qui ne leur conviendrait pas. Encore faudrait-il qu’ils investissent cet espace et
qu’un consensus puisse être établi sur ce qu’il convient de mettre en place.
La professionnalisation parait appelée de la plupart des formateurs consultants et des syndicats ; tous
s’accordent autour d’un enjeu central d’identification et de reconnaissance de la compétence (associé
à des enjeux spécifiques mais non divergents) ; plusieurs obstacles s’élèvent cependant sur la voie
d’une mise en œuvre effective.
Le premier est le manque de structuration du groupe professionnel : il n’existe à ce jour aucun
syndicat, association ou ordre (de type ordre des avocats ou des médecins) représentatif : sur plus de
20 000 formateurs consultants indépendants identifiés, les trois syndicats en activité regroupent moins
de 500 adhérents ... Difficile dans ces conditions de construire la profession et de professionnaliser
l’activité et les individus. Ce manque de structuration du groupe professionnel et d’investissement
dans des organisations représentatives est peut-être lié au fait que l’activité de formateur consultant
indépendant représente une seconde ou troisième partie de carrière pour nombre d’entre eux et que
leur identité professionnelle est souvent encore fortement marquée par leur profession d’origine ; il
est aussi possible que cela soit lié avec l’absence de système d’accès formalisé à l’activité : il n’y a ainsi
pas la possibilité de construire une appartenance à un groupe sur un cursus commun.
Le second obstacle, fortement lié avec le premier, tient au fait qu’il n’y a pas de consensus autour des
voies à emprunter pour professionnaliser l’activité et les individus. Les points de tension sont centré
sur l’encadrement de l’activité et la professionnalisation des individus par des diplômes, certificats et
normes : souhaités par les clients, prônés par les syndicats mais craints –voire rejetés- par les
formateurs consultants indépendants.
Il n’y a donc pas d’enjeu pour les pouvoirs publics ni de consensus entre les clients, les syndicats et les
professionnels autour de la professionnalisation des formateurs consultants indépendants : il semble
que sa mise en œuvre ne soit ainsi pas prévisible dans le cadre de la réforme en cours.
Quid de la reconnaissance de leur activité en tant que profession ?
Cette question est extrêmement problématique car la reconnaissance visée passe par la mise en place
d’un modèle d’exercice de l’activité (y compris de ses modalités d’accès) qui fasse consensus dans le
groupe professionnel (et nous avons vu que nous en sommes loin). Ce modèle devrait aussi
correspondre à leur identité professionnelle, être acceptable par les pouvoirs publics et reconnu de
leurs clients.
Il se dresse là un obstacle majeur : l’identité professionnelle des formateurs consultants indépendants
est basée sur le fait d’exercer, en indépendant, à la fois des activités de conseil et des activités de
119
formation ; ce mode d’exercice est apprécié des clients qui recherchent la flexibilité de ces prestataires
et l’aspect « sur mesure » de leurs prestations (ce qui constitue la valeur ajoutée des formateurs
consultants indépendants par rapport aux grands groupes de formation ou de conseil). Hors, c’est
justement cette mixité d’activité et la multiplicité des statuts possibles pour porter leur activité
d’indépendant qui semblent constituer l’obstacle majeur à la reconnaissance de l’activité comme une
profession par les pouvoirs publics.
Si la non reconnaissance par les pouvoirs publics de la profession ne représente qu’un élément
partiel de réponse à l’absence de mise en œuvre de la professionnalisation des formateurs
consultants, le problème de l’identité professionnelle du groupe par rapport aux attentes des
pouvoirs publics est un élément à clarifier car il pourrait conditionner, à terme, la pérennité de
cette activité dans les années à venir.
Qu’en est-il de leur place dans le système de formation professionnelle tout au long de la vie ?
La réforme du système et le statut de priorité nationale de la formation professionnelle tout au long
de la vie constituent-elles une opportunité ou une menace pour leurs activités ?
Le contrôle de la réalité et de la conformité des activités des organismes de formation en matière de
formation professionnelle continue est un des points soulignés par les pouvoirs publics dans le cadre
de la mise en application des mesures prévues par la loi du 24 novembre 2009.
Rappelons que l’instruction de la DGEFP du 3 aout 2010 210 indique qu’il « est aujourd’hui opportun,
dès le second semestre 2010 et plus encore en 2011, de recentrer l’activité des services régionaux dans
le domaine des contrôles de la formation professionnelle continue « stricto sensu » (livre III, partie VI du
code du travail). » Les fonds dédiés à la formation professionnelle doivent aller au financement
d’actions de formation entrant strictement dans son cadre. Le cadre étant plus strictement défini
depuis novembre 2009.
Il est clair que la question de l’adéquation des offres proposées par les formateurs consultants
indépendants avec les actions ainsi définies dans le cadre de la loi comme « formations
professionnelles » se pose pour nombre d’entre eux.
Le choix consiste alors à contribuer au système en délivrant des prestations entrant dans le cadre de la
formation professionnelle ou de développer en marge d’autres types de prestations et prendre ainsi le
risque de subir l’impact économique d’un alignement des demandes de leurs clients sur les objectifs
de la réforme. La réorientation des financements de leurs clients et des OPCA déjà amorcée
questionnera alors la pérennité de l’activité de ceux dont les prestations n’entrent pas strictement
dans le cadre des actions identifiées par la loi comme « formation professionnelle ».
Opportunité ou menace ? Cela dépend des prestations proposées et des choix faits par les
prestataires eux-mêmes au regard du contexte et du cadre défini par les pouvoirs publics.
210 Instruction de la DGEFP n° 2010 – 21 relative aux axes prioritaires de contrôle à partir du second semestre 2010
120
----------------------------------------------------
Les formateurs consultants indépendants ont donc une place dans le système de formation
professionnelle tout au long de la vie s’ils prennent la mesure des enjeux et du cadre définis par les
pouvoirs publics.
Leur professionnalisation passe à la fois par la construction et la mise en reconnaissance de l’identité
professionnelle spécifique de ce groupe, la reconnaissance de l’activité comme une profession
« acceptable » par les pouvoirs publics et l’élaboration d’un processus de structuration de l’activité.
Cela reste donc un « vaste chantier » dont l’achèvement ne semble ni proche ni aisé mais dont les
étapes nous semblent à présent identifiées.
Reste à mettre en œuvre les différentes phases de la réalisation, cela nécessitera assurément du
temps et l’engagement de l’ensemble des personnes de bonne volonté qui voudront bien œuvrer en
ce sens. Nous espérons par ce travail et par notre engagement syndical participer à la construction de
l’édifice.
121
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suite des réunions du groupe de travail mis en place à l’initiative du ministère de la formation
professionnelle. 1983
MAINAUD T., Rapport DARES « L’offre de formation continue en 2007», Premières Synthèses, n° 40-4,
Dares Octobre 2009.
Mémorandum sur l'éducation et la formation tout au long de la vie, Commission des Communautés
Européennes, Bruxelles, 30.10.2000
MICHUN S., SIMON V., VALLETTE A., La formation professionnelle continue comme activité secondaire
Structuration du marché et nature de l’offre en questions Rapport CEREQ avril 2010
125
Rapport sur la Formation des Enseignants et des Formateurs en France réalisé par le Centre INFFO sur
la demande du CEDEFOP Juillet 2004
Rapport travaux du Conseil d’orientation pour l’emploi sur la formation professionnelle – Travaux avril
2008
Rapport public sur la Formation Professionnelle Tout au Long de la Vie cour des comptes 2008
Rapport de la DGEFP : le contrôle de la formation professionnelle en 2005 et 2006 – Délégation
Générale à l’Emploi et à la Formation Professionnelle Sous direction des politiques de formation et du
contrôle - Mission organisation des contrôles
SEILLIER B., rapport d’information du Sénat N° 365, sur le fonctionnement des dispositifs de formation
professionnelle juillet 2007
VERO J., ROUSSET P., la structuration de l’offre de formation continue Rapport CEREQ novembre 2003
VILCHIEN D., SAINTIGNON P., DOLE P., GUEDJ J., rapport « Évaluation du service rendu par les
organismes collecteurs agréés (OPCA, OPACIF & FAF) » – Inspection générale des affaires sociales,
mars 2008
THESES
CARDON C.-A., Les formateurs d’adultes dans la division du travail, Thèse de sciences de l’éducation,
sous la dir. de P. Demunter, Université de Lille 1, 1996.
MONBARON, J., Les formateurs d'adultes: une identité composite. Apport à une définition de l'identité
professionnelle des formateurs d'adultes à la lumière de leur itinéraire institutionnel. Thèse de
doctorat. Université de Genève. 2004
TEXTES INSTITUTIONNELS
Accord National Interprofessionnel : 20 septembre 2003 / 15 décembre 2003 / 7 janvier 2009 / 5
octobre 2009
Circulaire DGEFP n° 2006/35 du 14 novembre 2006
Code du travail - 6epartie La formation professionnelle tout au long de la vie Livre III (art. L) - La
formation professionnelle continue Art. L. 6313-1. / Art. L. 6313-7 / Art. L.6352-1
Loi relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie n° 2009-1437 du 24
novembre 2009 parue au JO n° 273 du 25 novembre 2009.
Loi n° 90-579 du 4 juillet 1990 relative au crédit formation, à la qualité et au contrôle de la formation
professionnelle continue.
Loi n° 95-116 du 4 février 1995 portant diverses dispositions d’ordre social (DDOS)
126
SITOGRAPHIE
- http://www.centre-inffo.fr site du centre inffo
- www.ensam.fr Site de l’école nationale supérieure des arts et métiers
- http://innovalo.scola.ac-paris.fr site de l’académie de Paris – Education Nationale
- http://www.certif-icpf.org Site de l’ICPF & PSI
- http://sicfor.org Site du syndicat SICFOR
- http://www.csfc-federation.org Site de la fédération syndicale CSFC
- Sites de la direction de l’information légale et administrative ( DIFA ):
o journal-officiel.gouv.fr o service-public.fr o legifrance.gouv.fr o vie-publique.fr o circulaires.gouv.fr
- http://blog.univ-provence.fr/blog/coordination-rgionale-paca Site de la coordination de la région
PACA Formation Continue dans le Supérieur
- www.ilv.fr Site du Pôle Universitaire Léonard de Vinci – Institut Léonard de Vinci
- Hub VIADEO « Consultants, vivre de son expertise »
http://www.viadeo.com/hu03/0023p3bt4gfgs3s/consultant-vivre-de-son-expertise
- http://formationemploi.revues.org Site revue française de Sciences Sociales Formation Emploi
- http://www.cnrtl.fr Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales - portail de ressources
linguistiques informatisées et d’outils de traitement de la langue du CNRS
- http://www.minefe.gouv.fr
127
Annexes 1- Introduction du rapport d’information du Sénat N° 365, sur le fonctionnement des dispositifs
de formation professionnelle par Monsieur Bernard SEILLIER Sénateur
2- Chronologie des lois sur la formation professionnelle tout au long de la vie
3- Propositions du rapport d’information de la mission sur la formation tout au long de la vie
présenté par MME FRANÇOISE GUÉGOT, Députée.
4- Les 10 propositions du rapport sur la qualité de l’offre et de l’achat de formation 5- Présentation de 5 profils de formateurs consultants autonomes
6- Articles 6311-1 et 6313-1 du code du travail
7- Tableau récapitulatif de la Formation des Enseignants et des Formateurs en France
8- Fiche récapitulative certification ICPF & PSI
9- Compte rendu réunion du groupe de réflexion programme de normalisation services de
formation AFNOR 12 mars 2010
10- Contribution de l'ICPF & PSI : Proposer un nouveau projet de norme sur la chaine de réalisation d'une action de formation
11- Programme premières assises des formateurs consultants indépendants FCF / SICFOR
12- Programme journée de formation gratuite ICPF & PSI – Pôle Universitaire Léonard de Vinci
13- Calendrier des activités 2010 de la CSFC IDF et le programme du parcours de
professionnalisation de la CSFC IDF
14- Charte déontologique et qualité professionnelle du formateur consultant
15- Discours d’introduction de Lionel Soubeyran président du SICFOR lors des premières assises
des Formateurs Consultant de juin 2010
16- Article Centre Inffo juin 2010 Quelle perception du Consultant-formateur indépendant par les
entreprises ?
17- Restitution du grand témoin lors des premières assises des formateurs consultants
indépendants Philippe Gravé
18- Plaquette de présentation cursus de formation Commercialisation des Activités de Consulting
Pôle Universitaire Léonard de Vinci
19- Entretiens formateurs consultants indépendants / clients / syndicats : tableau thématique
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