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EN PRATIQUESOMMAIREN°43 - DÉCEMBRE 2010
Dossier
Si le CFO doit se positionner comme leader du Performance Management, les outils doivent aussi vivre dans les autres départements de l’entreprise. Conseils.
Performance Management
FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°43 - DÉCEMBRE 2010
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Comment améliorer les performances?
E n examinant les différentes crises traversées
par nos marchés depuis les années 80, on se
rend compte qu’une seule « méthode » nous
faisait sortir de cette situation à chaque fois:
relancer la consommation. Or, celle-ci comporte ses limites, à
savoir l’endettement des consommateurs fi naux. A ce titre, la
crise des subprimes aux Etats-Unis peut-être considérée, en
quelque sorte, comme la crise clé du surendettement. Aussi,
la crise économique et fi nancière survenue en 2008 n’a pu
être gérée de manières individuelle ou micro-économique
car, cette fois, les faillites massives ont exercé un impact sur
l’ensemble des marchés.
Pour sortir de l’ornière, les Etats ont alors décidé de mu-
tualiser la dette. Et actuellement, certains Etats européens
comme l’Islande, la Grèce ou l’Irlande se sont surendettés
encore plus que les autres. « Tant que ces dettes ne seront
pas soldées, nous ne pourrons pas réellement dire que la crise
est derrière nous, souligne Jean-François Gigot, Senior Exe-
cutive responsable de la pratique Finance & Performance
Management chez Accenture. Dans le milieu de l’entreprise,
ceci signifie une poursuite de la période d’austérité et de ré-
duction des overheads. Le CFO et son équipe jouent un rôle
d’initiateur pour identifier ceux-ci. L’outsourcing de certaines
activités transactionnelles restera donc encore pendant un
moment une solution intéressante. »
Dans certaines entreprises, les CFO peuvent challenger le
business à propos de cette chasse aux coûts. Mais ce n’est
pas encore vrai partout. Jean-François Gigot nous rappelle
que, traditionnellement, la finance est une fonction à l’ap-
proche rétrospective. A priori, la majorité de la population
finance « constate ». Seule, une petite frange, celle qui
s’occupe du budget et des prévisions, s’avère plus prospec-
tive. « J’observe néanmoins une tendance: on se dirige d’une
analyse financière pure vers un ‘risk reward model’. Le CFO
veut une vue sur la profitabilité, mais à la lumière des ris-
ques encourus. »
LONG TERMEPour Jean-François Gigot, le performance management est
bien plus que de la simple fi nance. C’est de la performance
générale de l’entreprise, sur des aspects aussi divers que le
branding, le recrutement et la rétention de potentiels, une
culture d’entreprise adéquate par rapport aux objectifs stra-
tégiques, un suivi fi nancier rétrospectif et prospectif, un
planning stratégique... Avec la crise, le focus sur les risques
s’est accentué. Aujourd’hui, les entreprises courent le risque
FISCALITÉ DOSSIER : OPTIMISATION DES COÛTS
La fi nance peut contribuer à améliorer les performances de l’entreprise par un bon pilotage des programmes de performance management. Mais attention: si le CFO doit se positionner comme leader du cockpit, les outils servent autant à la fi nance qu’aux autres départements de l’entreprise. Conseils.
FISCALITÉ DOSSIER
TEXTE : LAURENT CORTVRINDT
FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°43 - DÉCEMBRE 2010
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de tomber en faillite parce qu’elles ont trop regardé au profi t,
sans pour autant avoir mesuré le risque encouru.
« On pense uniquement au profi t court terme sans égard pour
un éventuel risque plus long terme. On s’engage dans une voie et,
quand le piège se referme, il est trop tard pour s’échapper. Nous
avons vécu des exemples très parlants dans le monde de la banque
et des assurances mais malheureusement, ce n’est pas limitatif. »
Jean-François Gigot conseille une prise en charge de la gestion
de la performance au niveau du management d’une entreprise,
avec un tableau complet d’indicateurs et, en fonction des cir-
constances, on se concentre sur l’un ou l’autre élément.
« Pour la fonction fi nance, le point d’attention principal reste
la partie revenus, d’une part, et les coûts, d’autre part, avec un
éclairage par rapport au risque. Quand on regarde les indica-
teurs de performance des entreprises, on se rend compte que
souvent, les CFO sont mitigés. » Ils ont, en effet, souvent un
goût de trop peu sur les indicateurs que peuvent fournir la
fi nance. « La stratégie de l’entreprise doit se décliner en un cer-
tain nombre d’indicateurs de performance. Et ces indicateurs
devraient non seulement se refl éter en termes d’objectifs à long
terme mais aussi en indicateurs suivis plus régulièrement dans
l’organisation, et donc qui percolent dans tous les niveaux de
l’organisation. » C’est particulièrement vrai quand on sou-
haite mesurer le degré de performance d’une innovation
stratégique. Les indicateurs manquent parce qu’ils sont, par
défi nition, nouveaux.
PROCESSUS ORGANISATIONNELDe son côté, Patrick Ceulemans, Managing Director de GITP
Belgium, défi nit le performance management comme le pro-
cessus qui, dans une entreprise, vise à faire en sorte que les
résultats des actions collectives et individuelles contribuent à
la stratégie de l’entreprise. En matière de performance mana-
gement et d’exécution de la stratégie, GITP Belgium a déve-
loppé une vision matérialisée par un modèle en « 8 ». Celui-ci
inclut deux cycles/pocessus organisationnels généralement
considérés séparément par les entreprises. GITP Belgium, au
contraire, aborde la question dans sa globalité. La boucle su-
périeure de ce « 8 » concerne le processus au niveau de l’orga-
nisation. Il vise à communiquer et à cascader la stratégie dans
toute l’entreprise.
« C’est là que l’on voit parfois que le premier bât blesse dans
le sens où, d’après nos recherches, dans certaines entreprises,
jusqu’à deux tiers des middle managers ne comprennent pas
suffi samment bien la stratégie de l’entreprise pour la traduire
correctement en objectifs pour leur équipe et leurs collabora-
teurs, précise Patrick Ceulemans. Et jusqu’à 40% des résultats
potentiels d’une stratégie se perdent parce que des personnes/
départements dans l’entreprise ne savent pas très bien quelles
actions ils ou elles doivent entreprendre pour bien traduire la
stratégie en résultats. Ce double constat a de quoi inquiéter. »
Au sein de nos entreprises, GITP Belgium identifi e donc clai-
rement un manque d’alignement et d’objectifs… et automati-
quement de résultats.
« Les managers de ligne doivent accorder davantage d’importance aux éléments non fi nanciers de la gestion. »
Jean-François Gigot: « La stratégie de l’entreprise doit se dé-cliner en un certain nombre d’indicateurs de performance. Et ces indicateurs devraient non seulement se refl éter en termes d’objectifs à long terme mais aussi en indicateurs suivis plus régulièrement dans l’organisation. »
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« Notre philosophie part du principe que les organisations de-
vraient accorder davantage d’importance à l’alignement des
objectifs, tant horizontalement entre départements que verti-
calement dans un processus de cascade. » Patrick Ceulemans
explique cette situation par un manque de rigueur, un man-
que d’outils, voire les deux en même temps. « Nous consta-
tons que les objectifs sont trop souvent limités à des résultats
fi nanciers, à un chiffre d’affaires, à une marge... Alors qu’en
réalité, le résultat fi nal, qui est justement ce chiffre d’affaires
ou cette marge, résulte de nombreux facteurs très divers, al-
lant du développement des compétences des collaborateurs à
une meilleure adéquation avec les besoins des clients, en pas-
sant par des processus effi caces. C’est pourquoi nous nous po-
sitionnons comme des avocats de l’utilisation, si ce n’est dans
la méthodique au moins dans la philosophie, d’une approche
de type balanced scorecard. »
BALANCED SCORECARDUn balanced scorecard poussera en effet l’entreprise à consi-
dérer des objectifs d’output mais également des objectifs
de moyens au niveau de ses collaborateurs, des process, des
outils et des clients. « Les managers de ligne doivent accor-
der davantage d’importance aux éléments non fi nanciers de
la gestion. Le CFO peut encourager la démarche, mais les ma-
nagers de ligne doivent surtout prendre leur responsabilité et
incorporer ces éléments dans leur modus operandi. » En règle
générale, l’être humain a tendance à souvent rechercher la
facilité. C’est pour cela que la comptabilité n’est, en réalité,
que la traduction fi nancière des éléments de l’entreprise.
D’où l’utilisation d’indicateurs fi nanciers.
PERFORMANCE INDIVIDUELLE« Mais malheureusement, c’est insuffi sant. Et il faut se creu-
ser le cerveau pour déterminer quels éléments opérationnels,
qui in fi ne ont une traduction fi nancière, peuvent aider. En
d’autres mots, il faut trouver et utiliser des outils qui couvrent
un spectre plus large d’objectifs à différents niveaux, sur diffé-
rentes dimensions. » Un deuxième élément intervient dans le
cycle supérieur. Généralement, l’entreprise qui veut évoluer
va mettre en place des programmes de changement. Or, GITP
s’est rendu compte que ces projets ne sont pas suffi samment
bien gérés en tant que programmes: pas assez d’arbitrage, de
priorités correctement défi nies, de gestion, manque de struc-
ture, d’outils, de process et de compétences…
La boucle inférieure du « 8 » touche au cycle de gestion de
la performance individuelle. Supposons qu’un patron de dé-
partement/équipe a correctement compris la stratégie de
l’entreprise et la contribution que peut y apporter son dépar-
tement/équipe. Ce responsable hiérarchique va ensuite de-
voir traduire ses objectifs personnels en objectifs subsidiaires
pour ses collaborateurs. Il rentre alors dans un autre proces-
sus de l’organisation: conférer des objectifs à ses collabo-
DOSSIER
Source: GITP
FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°43 - DÉCEMBRE 2010
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Ces dernières années, les entreprises ont initié des program-
mes de Corporate Performance Management (CPM) pour
améliorer la qualité de leur gestion. Toutefois, l’expérience
montre que, peu importe le bien fondé des efforts, le succès
n’est pas systématiquement au rendez-vous. C’est le point
de départ d’une enquête menée à l’échelle européenne par
PwC auprès de 400 entreprises dans 22 pays. « Bien que la
plupart se disent satisfaites de leurs systèmes actuels de per-
formance management, la qualité perçue se révèle souvent
plus élevée que la valeur réelle délivrée par les systèmes, indi-
que Robert van der Eijk, associé chez PwC. En outre, le per-
formance management est essentiellement traité au niveau
du conseil d’administration. Et celui-ci considère de plus en
plus les capacités organisationnelles dans ce domaine comme
un indicateur effi cace de management. Cela étant dit, nous
avons observé que de nombreuses occasions d’amélioration
subsistent dans la plupart des organisations car peu exploi-
tent le plein potentiel du performance management. »
Comment le performance management peut-il contribuer
à la réussite d’une entreprise? « Avec les outils récents, les
entreprises peuvent récolter des données qui leur permettent
de bénéfi cier d’une vue à la fois globale sur la santé de l’en-
treprise mais aussi plus locale, en se concentrant par exemple
sur des business units, un produit, un client, etc, indique Koen
De Witte, senior manager au département Finance and
Performance Management chez PwC. Un point très impor-
tant pour aider le business à prendre de bonnes actions. En
outre, un système effi cace de performance management fera
gagner un temps précieux: plus les données arrivent rapide-
ment, plus vite l’entreprise peut réagir. A terme, l’impact sur
le résultat de l’entreprise sera donc bien réel. »
Au sein des 400 sociétés étudiées, les outils apparaissent
souvent identiques. « Le dashboard qui arrive sur le bureau du
CFO traite les mêmes points d’attention: return on equity, cash-
fl ow, coûts, investissements, processus…, relève Robert van der
Eijk. A ce moment, il peut déterminer si un investissement va se
révéler profi table ou non et identifi er les points sensibles dans
la chaine de valeur. Avec un monitoring adéquat, le CFO pour-
ra améliorer les points faibles ou arriver à la conclusion que
si certaines actions ne se révèlent pas profi table, mieux vaut
les abandonner. Pour résumer, des données de qualité et des
technologies de pointe en matière de performance manage-
ment, tels que les tableaux de bord, BI et outils d’exploration de
données, sont des facteurs essentiels d’un programme effi cace
de performance management. Les trois points essentiels sont:
savoir ce que l’on veut mesurer, comment va-t-on procéder et
quelle est la qualité des données. »
Quels sont les gains réalisés par ces 400 entreprises grâce
à l’implémentation d’un système de performance mana-
gement? « Les entreprises ont gagné en cohérence dans les
rapports de gestion, répond Koen De Witte. Auparavant, on
discutait souvent sur la véracité des chiffres. La vente, par
exemple, avançait des données différentes de celles du CFO.
Aujourd’hui, on peut discuter du fond. C’est-à-dire comment
l’entreprise est-elle arrivée à un tel résultat. En outre, si l’on
parvient à implémenter le système de performance manage-
ment comme il le faut, c’est-à-dire avec une cascade de KPI’s
dans toute la structure et non pas uniquement au niveau du
conseil d’administration, alors les différents niveaux de l’en-
treprise seront parfaitement liés. Et on contrôle plus facile-
ment de quoi on parle si tout le monde utilise les mêmes chif-
fres. Par exemple, si le CFO décide de travailler sur un KPI en
particulier, tout le monde saisit les tenants et aboutissants de
la directive. Il y a une connexion entre ce que le conseil d’ad-
ministration veut réaliser stratégiquement et ce qui est, en
réalité, exécuté dans l’organisation. On voit clairement que
les liens entre la stratégie de l’entreprise et l’implémentation
sur le terrain s’améliorent. En outre, le management repor-
ting est simplifi é. Il y a moins de rapports de gestion et ceux-ci
visent davantage les choses qui ne fonctionnent pas correc-
tement. Enfi n, pour que le performance management porte
parfaitement ses fruits, il faut un lien entre les KPI’s défi nis et
les objectifs attribués individuellement au personnel. »
PEUT MIEUX FAIRE!
Robert van der Eijk: « Les trois points essentiels sont: savoir ce que l’on veut mesurer, comment procéder et quelle est la qualité des données. »
rateurs, les aider à atteindre ces buts, assurer un entretien de
suivi en cours d’année et une évaluation en fi n d’année.
A nouveau, GIPT a remarqué que, parfois, une déconnexion
pouvait s’établir entre les objectifs qu’un manager reçoit de
ses supérieurs et la traduction qu’il en fait pour ses collabo-
rateurs. « Ces derniers vont alors être invités à accomplir des
tâches qui ne rencontrent pas nécessairement de la meilleure
façon la stratégie de l’entreprise. Ceci est souvent dû à un
manque de compétences de la part du manager. Par rapport
à la gestion de la performance, notre discours est qu’il faut
travailler sur les deux boucles de notre modèle. L’entreprise
doit, à la fois, moderniser son cycle organisationnel au niveau
de la définition stratégique et sa déclinaison en objectifs grâ-
ce à des outils comme les balanced scorecard. »
20% EN COMMUNElle doit, en outre, perfectionner la traduction de cette stra-
tégie et des objectifs en éléments opérationnels grâce à
des outils comme la gestion de programme et de process.
Enfin, elle doit s’attacher à améliorer les compétences in-
dividuelles de ses managers pour que ceux-ci interprètent
justement leurs objectifs, les traduisent vers leurs équipes
et assurent la communication et le suivi de l’atteinte de ces
objectifs. « Heureusement, toutes les organisations ne res-
tent pas les bras croisés. Mais nous observons souvent des
efforts indépendants. De son côté, le CFO prend une initiative
pour améliorer son set d’indicateurs, sa gestion de projets…
Et, de son côté, le DRH lance un programme d’amélioration
de compétences des managers. Le CFO peut très bien aller dis-
cuter avec le DRH pour voir comment mieux intégrer les deux
cycles. Et le CFO pourrait peut-être s’attacher à mettre en
place des indicateurs plus pertinents pour mieux aborder les
problèmes de leurs départements, outre l’output financier. »
Le modèle du « 8 » de GIPT peut naturellement être repro-
duit verticalement dans les plus grandes structures, afi n de
retrouver une séquence de 8 en cascade. « Pour un processus
de gestion de la performance où on démarrerait d’un niveau
intermédiaire, nous considérons qu’il faut de deux à trois ans
– soit autant de cycles complets – pour atteindre un niveau de
maturité convenable », conclut Patrick Ceulemans.
Chief Executive Officer de Cockpit Group, Grégoire Talbot
souligne pour sa part qu’on peut, en moyenne, compter
sept manipulations humaines entre le moment où une don-
née est produite et le moment où elle arrive entre les mains
du Comité de direction. A la lueur de cette information, on
peut plus aisément comprendre pourquoi, aujourd’hui, les
managers souffrent d’une information qui leur arrive sou-
vent partiellement, voire trop tard ou même de manière
complètement erronée.
« Notre mission consiste à aider les entreprises à être informées
parfaitement. Pour y parvenir, nous produisons pour elles des
tableaux de bord qui permettront de déterminer les résultats
d’un produit, d’un vendeur… et de faire remonter plus rapide-
ment une information pertinente afi n de tirer la quintessence
Patrick Ceulemans: « Notre philosophie part du principe que les organisations devraient accorder davantage d’importance à l’alignement des objectifs, tant horizontalement entre départe-ments que verticalement dans un processus de cascade. »
FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°43 - DÉCEMBRE 2010
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des ressources de l’entreprise. » Cockpit Group fournit une
solution complète, à la fois en matière de technologies mais
aussi en termes de services et de conseil. « Dans notre cata-
logue, nous possédons plus de 140 tableaux de bord, réalisés
pour autant d’entreprises européennes. Aussi, aujourd’hui,
nous construisons sur base de ce know-how car nous savons
que plus de 60% des indicateurs sont communs à toutes les
entreprises. 20% sont propres à la stratégie et 20% touchent
au secteur en tant que tel. Nos adaptations se font donc en
fonction du contexte et de la stratégie. »
Dans son approche, Cockpit Group utilise des techniques
basées sur le fonctionnement du cerveau. Grégoire Talbot
nous explique qu’en réalité, à l’origine, le concept a été créé
par un neurochirurgien qui menait des études sur le lobe
frontal, soit la partie du cerveau avec laquelle l’être humain
prend ses décisions. A la demande de plusieurs banques
suisses, il a ensuite mis sur pied le concept « management
de cockpit » qui permet de mettre une information en avant
de façon optimale.
« C’est sur base de ce concept que nous construisons nos ta-
bleaux de bord ergonomiques, avec des visuels et une façon
particulière de présenter l’info. En pratiquant de la sorte,
nous considérons que l’on peut augmenter l’intelligence d’un
groupe de travail de 42%. En effet, ses membres comprendront
mieux l’information et de façon plus rapide. L’effi cacité globale
de l’équipe en sera renforcée, elle s’appropriera davantage les
objectifs et donc, plus forte sera sa conscience par rapport à ce
qu’il faut, ou ne faut pas, accomplir. »
CFO VS CAPour déterminer si une organisation a besoin de se doter
de tableaux de bords ou non, une norme peut-être utilisée:
celle qui consiste à dire répondre par l’affi rmative dès que
le top management perd le contact direct avec le terrain
(clients ou employés). « Pour chiffrer, cela correspond sou-
vent aux entreprises qui tournent autour de la cinquantaine
de collaborateurs. Quel que soit le secteur d’activité et le type
d’organisation: industrie, banque, PME, fédération sportive,
association… Bien entendu, il n’y a pas de règle absolue. Mais
prenons l’exemple d’une société de conseils. Avec une cinquan-
taine de collaborateurs, le patron ne peut pas connaître tous
ses employés, et encore moins tous ses clients. Il ne peut plus
contrôler de manière intuitive sa société. A ce stade, des outils
doivent impérativement être mis en place pour déterminer si
un tel client ne dérape pas, si la profi tabilité est maintenue,
si son vendeur se révèle toujours aussi performant, si le taux
d’utilisation de ses services reste toujours aussi important… »
En règle générale, le travail de Cockpit Group débute par
un audit de 5 à 10 jours, sur base de la stratégie de la so-
ciété. Le premier exercice mené concerne le CFO. Il lui est
demandé de coucher sur papier six indicateurs de perfor-
mance sur base desquels il accepterait d’être évalué et
rémunéré en fin d’année. « Ensuite nous demandons aux
autres membres du Comité de direction d’essayer de deviner
ces six indicateurs. Dans 90% des cas, ils en trouvent à peine
deux ou trois. Voilà le début de notre mission: aligner tout le
monde sur ces six objectifs, à savoir trois financiers et trois
non-financiers, en construisant un tableau de bord qui com-
prend des indicateurs en cascade au niveau des divisions ou
des sujets plus opérationnels. »
RENOUVEAU ANNUELComme pour toute implémentation, le succès de l’opération
dépend essentiellement de quelques facteurs clés impor-
tants. Le premier touche sans conteste au sponsorship du
CEO. « Le tableau de bord, le cockpit est son outil. Il doit réelle-
ment le vouloir et être convaincu de son utilité. » Le deuxième
facteur concerne la cheville ouvrière du projet. En interne (ou
éventuellement en externe), une personne ressource devra
être désignée par le Comité de direction pour collecter les
informations et pour préanalyser des décisions. Ensuite, les
technologies jouent également un rôle considérable.
« Aujourd’hui, on peut tout à fait débuter avec Excel pour tester
l’approche. Ensuite, soit on évoluera vers des logiciels standard
de type Microsoft ou SAP, soit, et c’est la solution que privilégient
de plus en plus les entreprises, on se dirigera vers des logiciels
open source comme Cockpit View, par exemple. » Ces derniers
offrent en effet l’avantage de permettre à son utilisateur de
bénéfi cier d’une totale autonomie sans devoir supporter de
coûts de licence. Aujourd’hui, selon Grégoire Talbot, peu d’en-
treprises possèdent des tableaux de bord productifs.
« Dans 90% des cas, les tableaux de bord sont abandonnés après
quelques mois parce qu’ils ont été mal conçus, parce que le res-
ponsable des outils a changé de fonction/a quitté l’entreprise,
parce que les indicateurs ont été mal défi nis/ne parlent pas ou
pas assez/n’intéressent pas les managers, parce que les données
ne sont pas automatisées et donc regorgent d’erreurs… Néan-
moins, nous observons une réelle envie des entreprises, dans cet-
te ambiance de fi n de crise de se doter d’outils qui leur éviteront
de commettre autant d’erreurs que par le passé. Peut-être tout
simplement car elles ne peuvent plus se le permettre. »
Les indicateurs les plus utilisés dans le cockpit au niveau du
top management sont cascadés au niveau de chaque ma-
nager. Et donc, chaque manager connait les KPI concernant
sa division ou ses produits. « Dans les grandes structures,
nous proposons des cockpits à plusieurs étages: pour la direc-
tion, pour la business unit, pour l’équipe de vente… Bien en-
« Plus de 60% des indicateurs sont communs à toutes les entreprises. 20% sont propres à la stratégie et 20% au secteur en tant que tel. »
FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°43 - DÉCEMBRE 2010
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tendu, nous conservons une certaine flexibilité. En effet, 25%
des indicateurs changent chaque année. Il faut conserver cet-
te ouverture parce que le business model évolue, l’entreprise
fabrique de nouveaux produits, elle démarche de nouveaux
clients, elle veut comparer les budgets par rapport à l’année
écoulée, parce que le marché a évolué, etc. »
CFO’S BEST FRIENDMais ce type d’outil contribue-t-il concrètement à améliorer
les performances d’une entreprise? « Quand nous parlons
avec des CEO et CFO, deux ou trois ans après une implémen-
tation, pour leur demander quels sont les plus grands béné-
fices retirés, ils se révèlent relativement unanimes. Premiè-
rement, ils soulignent qu’enfin, au sein de l’entreprise, tout
le monde parle le même langage et s’aligne sur des objec-
tifs clairement définis. Ensuite, ils nous disent qu’ils ont pu
identifier les problèmes au moment où ils surviennent : les
ventes d’un produit qui s’effondrent, un vendeur qui performe
moins… Et non pas après qu’ils se soient posés. Dès lors, ils
peuvent agir à la source du problème et non a posteriori. »
Toujours selon Grégoire Talbot, les CEO et CFO estiment
qu’ils gagnent beaucoup de temps au niveau des réunions.
En effet, étudier mensuellement une vingtaine d’indicateurs,
aurait tendance à diminuer massivement les reportings qui
doivent être produits par une armada de collaborateurs. Aux
CFO, notre interlocuteur conseillerait de se positionner en
tant que chief cockpit offi cer.
« A lui de vérifier la pertinence des indicateurs, l’exactitude
des données, l’alignement des objectifs... Un tel outil leur
permettra d’avoir accès et de contrôler de l’information non-
financière. Dans nombre d’entreprises, le CFO se limite à la
finance et aux indicateurs financiers. Or, toute la puissance
d’un tableau de bord vient du fait qu’on marie des indica-
teurs financiers avec des indicateurs plus intangibles liés à la
performance des collaborateurs et de certains clients. Et lors-
que le CFO mixe les données financières, les résultats et les
comportements, c’est là qu’il gagne en puissance et en pou-
voir d’analyse sur l’entreprise. Grâce à un tableau de bord, les
CFO bénéficient d’une vision plus globale, ils peuvent enfin
relier les données brutes qui sortent de SAP, qui proviennent
du marketing ou du commercial, avec des données purement
financières et déceler les problèmes de créances ou les risques
que courus par l’entreprise. Et ceci tout en gagnant en profes-
sionnalisme dans la façon de communiquer les informations
en leur possession. »
« Une certaine fl exibilité est nécessaire. En effet, 25% des indicateurs changent
chaque année. »
Grégoire Talbot: « Dans 90% des cas, les tableaux de bord sont abandonnés après quelques mois, parce qu’ils ont été mal conçus, parce que le responsable des outils a changé, parce que les indicateurs n’intéressent pas les managers, parce que les données ne sont pas automatisées… »
DOSSIER
FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°43 - DÉCEMBRE 2010
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Quel type d’organisation se cache derrière le concept de «
Freedom Inc. »?
Isaac Getz: « Ce sont des entreprises sans hiérarchie pyra-
midale. Les managers n’exercent aucun rôle de contrôle. Ce
sont avant tout des ‘leaders’ qui se mettent au service des
autres collaborateurs, sans les privilèges ‘traditionnels’ liés à
la hiérarchie: bureau individuel pour les cadres et les mem-
bres du top management, emplacement de stationnement
réservé, etc. En réalité, tous les salariés sont traités avec les
mêmes égards. Ils sont libres de décider de leurs actions
dans leur périmètre de responsabilité s’ils la jugent comme
étant la meilleure pour l’entreprise. En effet, cette liberté
s’accompagne de la responsabilité d’agir dans le sens de la
vision de l’entreprise. Car la liberté sans responsabilité mène
immanquablement à l’anarchie du ‘chacun pour soi’. La mise
en place de ce type d’organisation implique un profond bou-
leversement. L’entreprise ne peut se contenter de discours de
vagues intentions ou de valeurs simplement affi chées aux
murs. Les Freedom Inc. sont des entreprises construites ‘pour’
et non ‘contre’ l’homme car elles satisfont les trois besoins
universels de l’être humain. Premièrement, l’environnement
doit être construit pour que chaque salarié soit traité comme
intrinsèquement égal, peu importe le poste qu’il occupe.
Deuxièmement, créer un environnement qui suscite le dé-
veloppement personnel. Les collaborateurs doivent pouvoir
grandir dans leurs compétences, réaliser leur potentiel qu’ils
ignorent parfois. Troisièmement, créer un environnement
dans lequel les collaborateurs peuvent s’autodiriger. L’en-
treprise classique, qui ne satisfait pas ces besoins, verra ses
salariés fi nir par se refermer et produire le minimum. Seuls
27% des employés sont engagés dans leur entreprise alors
que 14% à 17% sont activement désengagés! »
Une entreprise peut-elle s’autoproclamer « Freedom Inc. »?
Isaac Getz: « C’est plus compliqué que cela. Une entreprise
devient réellement Freedom Inc. lorsque 70% des salariés
commencent à prendre des initiatives spontanément. Cela
veut dire que ces collaborateurs ont acquis la conviction
qu’ils ne sont pas, ou plus, uniquement un numéro parmi
d’autres; qu’ils ont pu se développer et que les équipes fonc-
tionnement de façon autonome, sans avoir besoin d’attendre
les autorisations de leurs supérieurs. Les Freedom Inc. sont
plus performantes et plus rentables parce que l’effectif est
mobilisé pour faire tourner l’entreprise et satisfaire les be-
soins des clients et partenaires. Concrètement, cela se traduit
par moins de rebuts, pas de perte d’effi cacité ou de produc-
tivité, plus de créativité et, donc, au fi nal, des résultats plus
performants. Soulignons quand même que les dirigeants des
Freedom Inc. ne sont pas des philanthropes. Ils adoptent ce
modèle d’organisation car il se révèle profi table pour la crois-
sance de l’entreprise, modèle qui octroie automatiquement
les fameux intangible assets de l’entreprise et le goodwill
Stimuler l’initiative améliore la performance
FISCALITÉ DOSSIER : OPTIMISATION DES COÛTS
Dans son ouvrage intitulé Freedom Inc., Isaac Getz, professeur à l’Europe Business School, retrace la performance d’entreprises dont les salariés s’autodirigent. Cette forme d’organisation, peu répandue, permettrait d’affi cher des résultats supérieurs par rapport à la concurrence.
FISCALITÉ DOSSIER
TEXTE : LAURENT CORTVRINDT ET CHRISTOPHE LO GIUDICE
FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°43 - DÉCEMBRE 2010
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en cas d’acquisition. Naturellement, une telle forme d’or-
ganisation doit s’entretenir. En fait, le patron y joue un rôle
prépondérant car il doit devenir le gardien de cette culture.
Notamment en allant quotidiennement à la rencontre de
ses troupes pour leur demander de qui ont-elles besoin pour
poursuivre le travail. En outre, le patron doit avoir une vision
très ambitieuse et la partager avec les collaborateurs. Car s’il
partage simplement la volonté de ‘survivre’, les troupes ne se
motiveront pas pour une telle entreprise. »
Vous insistez tout particulièrement sur l’importance du pa-
tron dans la construction d’une « Freedom Inc. »…
Isaac Getz: « En effet. Seul le numéro un de l’entreprise peut
mener une telle évolution radicale car elle demande l’autorité
suprême. Premièrement, le numéro un doit changer son propre
comportement et s’interdire de décider et de proposer des so-
lutions à la place des autres. Les collaborateurs ont été recrutés
sur base de leurs compétences. Dès lors, à eux de proposer des
solutions. De la sorte, le numéro un permet à ses collaborateurs
de se sentir en confi ance puis de se développer. Ensuite, ce com-
portement va se diffuser à une partie des managers qu’il faudra
bien sûr accompagner et former. Durant cette phase, le numéro
un marchera sur des œufs. Parce que s’il pénalise une personne
qui a pris une initiative n’ayant pas apporté les résultats es-
comptés, il compromettra tout son travail. »
Comment expliquer que si peu d’entreprises deviennent
« Freedom Inc. »?
Isaac Getz: « Parce que, pour y arriver, il faut que le patron
ait du courage et une conviction profonde que l’organisation
classique conduit à la frustration des salariés et à leur sous-
performance. D’autres éléments sont importants. Dans un
grand groupe ou une de ses fi liales, vous êtes souvent dans
une logique de carrière. Or, pour transformer une structure
en Freedom Inc., il faut bénéfi cier d’un horizon de trois à cinq
ans. Ce n’est pas souvent le cas… Le PDG de Harley-Davidson
a mis dix ans à transformer son entreprise. Mais de 30.000
motos produites annuellement et de 17% de parts de marché
aux Etats-Unis, ils sont passés à 400.000 motos et 50% de
parts de marché. Déjà avant la crise, la capitalisation bour-
sière de Harley-Davidson était supérieure à celle de General
Motors! Sol, numéro 2 en Finlande dans le nettoyage des bu-
reaux, connaît une croissance organique de 15% par an de-
puis 20 ans, avec une rentabilité moyenne de 8% à 9% chaque
année, y compris pendant la crise. Souvent, on entend les pa-
trons de business units dire qu’ils ne possèdent pas le champ
FISCALITÉ DOSSIER : OPTIMISATION DES COÛTS FISCALITÉ DOSSIER
Isaac Getz: « Souvent, on entend les patrons de business units dire qu’ils ne possèdent pas le champ d’action né-cessaire. C’est vrai dans la structure traditionnelle qu’ils ne remettent pas en cause, mais faux s’ils décident de la trans-former. La liberté, ça se prend! »
Atteindre le « statut » de Freedom Inc. réclamera du
temps et de la patience à une organisation. « Au moins
trois ans pour une start-up et à peu près dix ans pour
une entreprise de 3.000 salariés, précise Isaac Getz. Car il
s’agit de bâtir une structure allant à l’encontre de la tra-
dition bicentenaire d’organisation des entreprises. On va
donc se heurter à la résistance de certains managers qui
pensent leur fonction en tant que contrôleurs et se voient
en gardien des procédures. » Qu’elles soient cotées,
créées récemment, dirigées par leur fondateur ou non,
les Freedom Inc. ont un point commun: leurs employés
sont responsables et libres de prendre des décisions.
Le modèle est applicable à tous les secteurs, y compris
l’administration, un hôpital, une armée, une école… car
il ne se révèle pas nécessaire de poursuivre un objectif
lucratif pour être une Freedom Inc.
Seule condition: atteindre et maintenir un niveau mi-
nimum de 60% à 70% des employés qui fonctionnent
bien dans un tel environnement. Ce seuil créant un effet
d’entraînement pour les « mauvais » employés. « On ne
parle plus de ressources humaines, d’ETP ou de personnel.
Car, dans cette logique, comment faire croire à vos colla-
borateurs qu’ils ne sont pas traités comme des numéros,
mais bien comme des êtres humains intrinsèquement
égaux? Dans la plupart des Freedom Inc., il n’y a pas d’or-
ganigramme RH mais des rôles vers lesquels toute per-
sonne peut évoluer, tel un rôle de leader si elle est cooptée.
Certaines Freedom Inc. n’ont pas de service fi nancier non
plus. Les fi nances sont gérées par les patrons des unités et
la consolidation, les arbitrages et les projections se font
lors de réunions entre ces leaders. C’est une logique de
confi ance, non de contrôle. »
Sans DRH, ni CFO…
FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°43 - DÉCEMBRE 2010
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d’action nécessaire. C’est vrai dans la structure traditionnelle
qu’ils ne remettent pas en cause, mais faux s’ils décident de
la transformer. La liberté, ça se prend! »
Concrètement, comment vérifi er que devenir « Freedom
Inc. » garantisse un gain de performance?
Isaac Getz: « Les Freedom Inc. doivent leur réussite à une
grande agilité et à beaucoup d’innovation. Notre échantillon
d’entreprises étant très diversifi é, établir des moyennes est
toutefois impossible. Mais j’ai étudié quelques cas d’entrepri-
ses classiques perdant de l’argent. Quand un leader est arrivé
pour implémenter l’organisation Freedom Inc., elles ont grim-
pé vers les sommets de leur industrie. Et quand ce leader est
parti, peu importe la raison, en quelques années, elles sont
retombées à un niveau de performances médiocres. Ce fut
notamment le cas d’un groupe industriel belge de la grande
consommation. De plus la valorisation des entreprises Free-
dom Inc. est sans aucune mesure avec les entreprises tra-
ditionnelles. Les marchés savent reconnaître les intangibles
assets construits chez Freedom Inc. »
Sociologue du travail à l’UCL, Isabelle Ferreras replace la question
de la performance et de sa rémunération dans un cadre critique.
« Le salaire à la pièce consistait à rémunérer l’ouvrier pour l’objet
qu’il produit, dans un contexte où l’on quantifi e facilement son
output, explique-t-elle. La production des salariés devenant moins
identifi able individuellement, on est sorti de ce système pour ré-
munérer le temps de travail. La question s’est posée de savoir com-
ment motiver l’employé et le rendre plus performant. C’est à partir
de là que s’est développée la théorie économique des incitants vi-
sant à rendre la rémunération la plus incitative possible. »
Selon la chercheuse, cette théorie postule sinon que le tra-
vailleur serait paresseux, du moins qu’il veut en faire le moins
possible. Autrement dit: il faut une carotte pour le faire avan-
cer. Une série de recherches – certaines menées par des éco-
nomistes on ne peut plus classiques – remettent en cause le
raisonnement. Dans Drive: The Surprising Truth About What
Motivates Us, Daniel Pink illustre les écarts entre les traditions
du management et ce que montrent les recherches scientifi -
ques. « Le salaire ne reste un aspect important de la motivation
que tant que le travailleur ne peut en vivre décemment, résume
Isabelle Ferreras. Aussi, octroyer une rémuné- ration afi n
d’accroître la performance ne donne pas nécessairement le ré-
sultat escompté. Pire: la performance peut même chuter avec
l’augmentation des bonus! Le système n’est probant que dans le
cas de tâches purement physiques, par exemple pour un ouvrier
dont on veut accroître le nombre de brouettes qu’il va transpor-
ter. Il ne fonctionne plus dès lors que le travail implique un mini-
mum d’activités cognitives et d’implication. »
Quels sont alors les réels leviers de performance? « Les recher-
ches les plus récentes en isolent trois. D’abord, l’autonomie. Un tra-
vailleur qui a son mot à dire sur l’organisation de sa vie au travail
sera plus performant. Ensuite, la maîtrise: l’être humain a le désir
de s’améliorer, de développer son expertise. Enfi n, le sens: parti-
ciper à la réalisation d’un but qui dépasse sa propre personne. »
Isabelle Ferreras a réalisé sa thèse de doctorat sur le travail des
caissières de supermarchés (publiée sous le titre Critique politi-
que du travail, Presses de Sciences Po, 2007). Elle avait abouti au
même constat: « Le salaire d’une caissière n’est pas très éloigné du
montant qu’elle recevrait au chômage. Ne pas travailler peut être
tentant. Ce qui explique leur motivation, c’est ce que leur travail
leur apporte: il est un support de sens majeur, à la fois largement
indépendant du contenu de l’activité – être inclus dans un tissu
social, utile à la société, autonome dans sa capacité à mener sa vie
–, et pour partie endogène – faire un travail intéressant. »
« Par une approche erronée de ce qui fait la motivation, on peut
en arriver à faire pis que bien, conclut-elle. Plutôt que d’inven-
ter des systèmes complexes de rémunération, il est préférable
de réfl échir à créer une organisation du travail démocratique
favorisant l’autonomie, récompensant la maîtrise et capitalisant
sur le sens donné au travail. » Dans son ouvrage, Isaac Getz pré-
sente une étude de trente cas d’entreprises qui ont misé sur
ces schémas d’implication, autres que monétaires, et qui sont
ultra-performantes! « Mais l’enjeu est de taille, car il exige d’al-
ler au-delà des beaux discours. Il s’agit de réellement partager le
pouvoir avec les travailleurs. »
« Le levier de la performance ne se trouve pas dans l’argent »
Isabelle Ferreras: « Octroyer une rémunération afi n d’accroître la performance ne donne pas nécessaire-ment le résultat escompté. Pire: la performance peut même chuter avec l’augmentation des bonus! »
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Les vertus du lean management
FISCALITÉ DOSSIER : OPTIMISATION DES COÛTS FISCALITÉ DOSSIER
TEXTE : LAURENT CORTVRINDT
A l’époque, Euroclear recrutait plusieurs centai-
nes de collaborateurs par an, pour une division
qui comptait environ 1.000 travailleurs. Avec
bien entendu tous les problèmes que cela po-
sait en termes de formation et de rétention d’expertise, sans
oublier les impacts sur le niveau de service offert aux clients.
Quand le secteur bancaire se voit confronté à ce type de pro-
blème, pour y répondre, il pense prioritairement – et souvent
naturellement – à informatiser les processus.
« Or, nous étions engagés dans une phase de grands projets
informatiques stratégiques et nous savions que nos ressources
informatiques seraient peu disponibles pour améliorer les pro-
cessus, explique Yves Poullet, CEO d’Euroclear Bank. Nous avons
alors procédé à l’évaluation de notre effi cacité opérationnelle et,
suite à cela, opté pour le lean management. Le lean manage-
ment, c’est à la fois améliorer les processus mais également re-
mettre en place beaucoup de bons sens et de bonnes pratiques
de management. C’est un retour au management proactif et de
proximité, par rapport aux collaborateurs et aux problèmes. »
Dans un premier temps, en septembre 2007, seule la division
« Opérations » démarre la mise en application de lean. Mais au
regard de résultats aussi rapides qu’impressionnants, en parti-
culier dès mai 2008, le programme est étendu à l’entièreté du
groupe. Et, depuis trois ans, la transformation de l’organisation
est en cours. Elle devrait d’ailleurs s’achever pour la fi n 2011.
« La première phase concernait la transformation des équipes.
Nous n’avons donc pas touché aux possibilités d’amélioration
transversales, entre les équipes de différents départements ou
divisions. Nous allons à présent nous y atteler. »
4 OBJECTIFSEn passant au lean management, Euroclear a amélioré sa
productivité avec moins de ressources. « Nous évaluons les
gains à 500 équivalents temps plein (ETP) évités. Mais notre
décision d’appliquer la méthode lean ne se limite certainement
pas à un pur objectif de réduction des coûts. Avec le lean ma-
nagement, nous poursuivons trois autres objectifs tout aussi
importants. » Premièrement, satisfaire davantage la clientèle.
« L’indice de satisfaction a augmenté de près de 10% en quatre
ans. Depuis le lancement du programme lean en 2007, chaque
année, les enquêtes de satisfaction client d’Euroclear Bank af-
fi chent un meilleur résultat. »
Deuxièmement, améliorer la gestion du risque opérationnel.
« Un point particulièrement sensible dans l’environnement
En 2007, Euroclear Bank connait un challenge particulier pour ses opérations de back-offi ce. En effet, la croissance annuelle, pouvant atteindre les 20% jusqu’en 2007, s’accompagne d’une rotation du personnel parfois du même ordre. Euroclear décide alors de repenser son organisation structurelle en implémentant pas à pas le lean management. Trois ans plus tard, les chiffres lui donnent raison.
Le lean management peut être implémenté dans cha-
que division de l’entreprise car, dans n’importe quel
métier, il y a toujours une base documentée, des pro-
cessus ou des bonnes pratiques sur lesquels s’ancrer
afi n d’aider les travailleurs à fonctionner de façon plus
effi cace. « L’appel d’offre est un exemple typique, précise
Yves Poullet. Les demandes sont souvent traitées par dif-
férents collaborateurs. Par ailleurs, de nombreuses infor-
mations peuvent être réutilisées. Désormais, le processus
est standardisé en Euroclear. Direction commerciale, res-
sources humaines, opérations, service juridique, risk ma-
nagement, informatique… tous gagnent à passer au lean
management. Seuls, peut être – et encore – les métiers à
très haute créativité non-récurrente, comme la publicité,
sont moins adaptés à ce type d’approche. »
Pour tous, ou presque…
FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°43 - DÉCEMBRE 2010
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bancaire. Là aussi, depuis 2007, le nombre d’incidents opéra-
tionnels a diminué de 60% à 70%. » Enfi n, renforcer l’implica-
tion du personnel dans la gestion des activités. « Un point plus
délicat à mesurer. Mais nous surveillons les enquêtes annuelles
sur le bien-être. Et il semble que les équipes étant passées au
lean management reconnaissent l’importance mise en exer-
gue par lean sur les aspects de formation et d’environnement
de travail. » Par contre, ces équipes semblent se montrer plus
exigeantes quant à leur management direct. « Ce que nous
expliquons par la transparence apportée par le lean manage-
ment, y compris pour ce que le management doit amener à ses
équipes. » Lean augmenterait donc les attentes des équipes
par rapport au management. Et dans une phase de transition,
celui-ci doit naturellement évoluer en conséquence.
AMÉLIORATION CONTINUEYves Poullet explique ces résultats positifs de façon assez in-
tuitive. Dans une industrie de services, la production est sou-
vent intangible. Un projet qui fonctionne mal ou qui dérape
ne se matérialise pas toujours immédiatement par un signal
négatif. En outre, dans les services, il y a une myriade d’oppor-
tunités pour que de petites ineffi cacités s’introduisent dans
l’organisation du travail. « Le premier but de lean consiste à
décrire de manière opérationnelle ce que les clients attendent
comme services. Toute la démarche part donc du client, sans
grands slogans. Ensuite, le lean management va se concentrer
sur la façon dont l’entreprise et les équipes en particulier s’or-
ganisent pour délivrer ce que le client attend. »
Les processus, l’organisation et la compétence des équipes
sont-ils adéquats? Le dialogue entre les couches managéria-
les assure-t-il la bonne traduction des objectifs stratégiques
en objectifs opérationnels? Les problèmes de terrain remon-
tent-ils correctement jusqu’au management pour que celui-
ci puisse prendre les bonnes décisions? Les équipes ont-elles
les bonnes attitudes dans la détection des problèmes? « En
réalité, le lean management vise l’amélioration continue et
structurelle, notamment en documentant les processus afi n
de les pérenniser. C’est pourquoi les collaborateurs doivent être
encouragés à identifi er les problèmes, à les communiquer mais
aussi à contribuer à les résoudre. »
SUPERVISIONSymbole par excellence de l’environnement lean: les réunions
journalières autour d’un tableau blanc. Chaque équipe y indique
les présences et absences, les tâches et responsabilités respec-
tives durant la journée, les sessions de formation prévues par
le team leader, ainsi que les problèmes identifi és et en attente
de résolution. « Pendant quinze minutes, en début de journée, il
s’agit ainsi de faire le point sur le travail de la veille et de préparer
la journée qui vient sur base des volumes et des projets à délivrer.
L’apport en transparence et en communication directe est phé-
noménal. Ces réunions permettent de pointer ce qui va bien, de
mettre immédiatement le doigt sur les problèmes, d’identifi er les
forces en présences pour y répondre structurellement… »
Yves Poullet le souligne, le lean management est un long pro-
cessus de changement car il a pour but de former le person-
nel et le management à une nouvelle technique de gestion,
centrée sur la valeur ajoutée qu’attend le client. Mais son ROI
est impressionnant. « Certes, le coût de base n’est pas négligea-
ble. Mais le travail mené rapporte énormément. De plus, on ne
supprime rien de manière aveugle. On abandonne les activités
inutiles, qui n’apportent aucune valeur ajoutée à l’entreprise. »
Aussi, le processus de changement est « attaqué » en premier
lieu avec le middle management avant d’impliquer le person-
nel. Il est ensuite important de revoir les processus managé-
riaux classiques, afi n de renforcer la mentalité que l’on sou-
haite intégrer dans l’entreprise. Au cours des derniers mois, la
réputation du lean management a été quelque peu écorchée
par les mésaventures de Toyota et une enquête qui le classait
parmi les méthodes les moins appréciées des travailleurs.
« Les résultats sur le terrain restent plus importants que n’im-
porte quel événement. Tel qu’Euroclear l’a implémenté, le lean
management a permis d’améliorer la productivité, mais éga-
lement l’esprit d’équipe ainsi que la communication au sein
des équipes et les synergies. Dans certains services, nous avons
même réduit les heures supplémentaires. Certes, Toyota a ren-
contré des problèmes de fi abilité sur certains modèles de voitu-
res. Mais il y a probablement un concours de circonstances qui
explique certains des problèmes rencontrés, dont, peut-être,
leur croissance rapide. Quant à la perception de pression que
le lean management engendrerait, elle est avant tout liée à
la façon dont on l’utilise. Lean est un amplifi cateur de bonnes
ou mauvaises pratiques. Le management doit veiller à ne pas
transformer cette transparence en œil de Moscou, au risque de
tuer rapidement l’initiative. Car pour que lean porte ses fruits,
la participation de tout collaborateur est nécessaire. »
Yves Poullet: « Le coût de base n’est pas négligeable. Mais le travail mené rapporte énormément. De plus, on ne supprime rien de manière aveugle. On abandonne les activités inutiles, qui n’apportent aucune valeur ajoutée à l’entreprise. »