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108 Protection de l’enfant dans le monde du travail BUREAU INTERNATIONAL DU TRAVAIL GENÈVE

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P ro t e c t i o nde l’enfant dansle monde du trava i l

BUREAUINTERNATIONALDU TRAVAILGENÈVE

Protection de l’enfantdans le monde du travail

Education ouvrière 1997/3Numéro 108

Editorial V

Avant-propos 1

Reconsidérer la question du travail des enfants dans le cadre normatifde l’OIT, par Kari Tapiola 3

Pourquoi de nouveaux instruments internationaux sur le travaildes enfants ? par Loïc Picard 10

La convention (n° 138) concernant l’âge minimum d’admissionà l’emploi, 1973, et le rôle des syndicats, par Yoshie Noguchi 18

Neil Kearney parle des codes de conduite et de leur portée dans la société 24

Les codes de conduite – Instruments d’abolition du travail des enfants 31

Recueil de textes tirés de codes de conduite à titre d’exemples 33

Le travail des enfants à l’ordre du jour des syndicats,par Claudia Coenjaerts 37

Le travail des enfants dans l’hôtellerie, la restauration et le tourisme,par Gert A. Gust 48

Le travail des enfants dans l’agriculture, par Alec Fyfe 52

Le travail des enfants dans l’industrie du diamant et des pierres précieusesen Inde, par Chandra Korgaokar et Geir Myrstad 55

L’IPEC et les syndicats, par Satoru Tabusa 58

Le travail des enfants au Myanmar: un coin de voile à lever 62

III

Sommaire

Certaines pages de l’histoire ne vont pas tarder à susciter une inter-prétation plus que complexe de l’évolution actuelle de la société. C’est le casnotamment des conditions sociales en déclin, dans le monde entier, quivont se prêter à des interprétations puisées dans l’imagination et à des com-mentaires approfondis sur le marasme connu mais secrètement entretenudans lequel certaines nations relativement riches ont fini par se complaire.

Si le pouvoir politique est à l’origine (une condition indispensable à)de tout changement social, c’est la volonté politique qui en est le catalyseur:réunies, ces deux forces ne vont pouvoir influer sur le cours de l’histoirequ’à condition que ceux qui tiennent les commandes se refusent à paralyserle processus de changement, en faisant par exemple de fausses déclarationsd’intention, à condition qu’ils prennent conscience de l’urgence de la situa-tion et qu’ils soient prêts à mener à bien leur stratégie en l’espace dequelques mois, voire quelques années, et non pas de plusieurs décades, sice n’est plusieurs siècles. Si chacun considère que le travail des enfants estune pratique inacceptable en soi, ce consensus ne trouve malheureusementpas d’écho dans l’opinion universelle, lorsqu’il s’agit de choisir des modesd’action ou d’établir un calendrier afin de combattre cette violence institu-tionnelle à laquelle obéit l’industrie du travail des enfants.

Laissez-nous un peu de temps, affirment ceux qui tiennent lesrênes, ceux qui planifient pour des décades, des siècles, voire des millé-naires. Si le temps ne comptait pas, on pourrait comprendre de telles exi-gences ; l’histoire pourrait continuer d’avaliser l’exploitation des enfants;l’humanité pourrait organiser, sans aucun remords, cette exploitationabominable des ressources les plus précieuses que possède une société;mais le temps est compté : le temps montre à quel point nous sommestous complices de la souffrance et de la détresse du groupe social le plusvulnérable ; le temps montre que des vies sont gaspillées et anéanties pré-maturément par millions, que les sociétés sont de plus en plus engagéesdans un processus pervers de dérégulation de la production où seul legain matériel compte. Il faut donc absolument éviter que la responsabi-lité politique repose entre les mains d’hommes peu soucieux du temps,qui se déclarent prêts à abolir le travail des enfants dans cette sociétélorsque l’économie sera suffisamment avancée et qu’elle n’aura plusbesoin de ses enfants pour conserver un certain avantage concurrentiel.En attendant que ce projet prenne corps, au détriment des victimesactuelles, des voix proclament à l’unisson qu’elles ont besoin de temps.Combien de temps ? Des années ? Des siècles ? Des millénaires ?

En juin 1996, la Conférence internationale du Travail a adopté unerésolution concernant l’élimination du travail des enfants. Depuis lors, lacommunauté internationale a, dans un effort concerté, mobilisé ses forcespour arrêter la progression du travail des enfants, tentative qui s’estconcrétisée par l’organisation d’un certain nombre de rencontres inter-nationales : le Congrès mondial sur l’exploitation sexuelle d’enfants àdes fins commerciales, en Suède, en août 1996, et une conférence inter-nationale aux Pays-Bas, en février 1996. Ce numéro d’Education ouvrièrefait l’objet d’une publication spéciale, à la veille de la Conférence d’Oslosur le travail des enfants, pour servir l’intérêt des travailleurs.

Il ne fait aucun doute que la Conférence d’Oslo va, dans ses délibé-rations, recueillir un large consensus sur la nécessité d’éliminer le travail

V

Editorial

des enfants. Mais elle n’aura pas la tâche facile car il lui faudra réfuter leraisonnement de ceux qui, tout en proclamant haut et fort qu’il est tempsque cesse le travail des enfants, ne sont pas à court d’arguments pourmontrer qu’il est impossible, en ce moment même, de mettre fin au tra-vail des enfants.

L’OIT sait mieux que quiconque, de par sa vocation normative,comment certaines formes d’action peuvent être renvoyées indéfinimentaux calendes grecques, et ce, au détriment de la société: depuis 1919, bien-tôt un siècle maintenant, elle a, pour faire respecter un certain nombre denormes minimales, usé de son mécanisme de contrôle pour exercer unesorte de pression morale sur ses Etats Membres, dont beaucoup récla-maient du temps, ne cessant d’avancer tel ou tel autre argument pour nepas ratifier ou appliquer un instrument. S’il faut négocier le temps, négo-cions-le. Les Etats souverains doivent rester maîtres de leur décision deratifier ou d’appliquer les normes internationales du travail.

En s’attaquant aux formes les plus intolérables du travail desenfants, l’OIT est animée d’une seule certitude : de telles pratiques nepeuvent en aucun cas être défendues et elles doivent cesser dès mainte-nant. Si la pression morale ne conduit qu’à repousser le temps d’une viemeilleure pour certaines gens, si le système de fixation des normes (nor-matif) de l’OIT ne peut se soustraire aux exigences temporelles et à leursravages, l’OIT va recourir à d’autres formes de persuasion : en ce quiconcerne le travail des enfants, l’organisation est profondément engagéedans un mode d’action différent, qui mobilise et rassemble les forces dechaque pouvoir de décision pour lutter contre l’horreur que représententl’exploitation et l’esclavage des enfants. L’OIT a compris qu’on ne pou-vait plus attendre, qu’il fallait désormais agir de manière rapide et sûre.

En publiant, à la veille de la Conférence d’Oslo, ce numéro consa-cré au travail des enfants, le Bureau des activités pour les travailleurs duBIT fait le vœu (prend l’engagement) d’associer ses forces à celles de tousceux qui, ouvertement ou secrètement, œuvrent pour mettre rapidementfin aux formes les plus inacceptables de l’exploitation des enfants et quimettent à profit toutes leurs ressources (atouts) pour arrêter le processusen cours et réhabiliter ces petites victimes que sont les enfants.

Je félicite tous ceux qui ont réuni leurs efforts pour que la Conférenced’Oslo devienne une réalité. Cette conférence est porteuse de nombreuxespoirs : elle permettra peut-être de trouver le moyen de faire évoluer lecours des choses et d’adopter des mesures concrètes comme celles énon-cées dans la résolution de l’OIT concernant l’élimination du travail desenfants (1996). Le Bureau des activités pour les travailleurs du BIT espèreque les colonnes qui suivent vont, même modestement, contribuer à susci-ter des échanges d’idées fructueux parmi les travailleurs et parmi leurshomologues qui participent à la conférence, et qu’elles vont faire naître,chez ceux qui tiennent les commandes, la ferme volonté d’obtenir desrésultats durables. Je transmets mes salutations les plus cordiales à tous lesparticipants à la conférence et je leur souhaite tout le succès qu’ils méritent.Nous attendons tous avec impatience le résultat des travaux.

Giuseppe QuerenghiDirecteur

Bureau des activitéspour les travailleurs

BIT

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Le travail à un jeune âge est un grave problème, non seulementparce que le travail des enfants est souvent effectué dans des conditionsd’exploitation présentant des dangers, mais aussi parce qu’il perturbe ledéveloppement affectif, éducatif et social de l’enfant.

Les conditions dans lesquelles intervient le travail des enfantsconstituent souvent de graves violations de la Convention internationalerelative aux droits de l’enfant. La Norvège considère le travail des enfantsà la fois comme une question des droits de l’homme et comme une ques-tion de développement. Etant donné la fréquence des violations et la gra-vité du problème, le gouvernement norvégien a classé le problème dutravail des enfants parmi les questions prioritaires de son programme decoopération au développement pour les prochaines années.

Depuis le début des années quatre-vingt-dix, le problème du tra-vail des enfants a suscité une attention croissante. L’OIT, et à un stadeultérieur l’UNICEF, ont été les principaux acteurs qui ont accordé unhaut degré de priorité à ce problème dans leur agenda politique. La Nor-vège veut coordonner ses efforts avec ces organisations pour lutter contrel’exploitation des enfants.

Le travail des enfants est un problème complexe et il n’y a pas depanacée. Néanmoins, il est important que l’on soit d’accord que le travaildes enfants ne peut pas être considéré indépendamment de l’éducation etde la pauvreté. Accroître et améliorer la formation scolaire des pauvres estune des stratégies à long terme les plus efficaces pour éliminer le travaildes enfants et une des stratégies auxquelles le gouvernement apporte toutson appui.

On reconnaît également que la lutte contre le travail des enfants nepeut pas être remportée uniquement au moyen de l’action législative, maisqu’elle ne peut certainement pas être gagnée sans cette action. Le rôle desinstruments juridiques sert à compléter les politiques structurelles et lespolitiques de lutte contre la pauvreté à long terme pour protéger lesenfants et les adolescents contre l’exploitation.

Bien que l’instrument international le plus général et complet en cequi concerne le travail des enfants soit la convention sur l’âge minimumde l’OIT, l’instrument international le plus exhaustif en ce qui concerneles enfants et l’enfance en général est la Convention des Nations Uniesrelative aux droits de l’enfant. La ratification de ces instruments et leurmise en œuvre par le truchement de la législation et des politiques natio-nales sont des étapes capitales pour la protection des enfants contre l’ex-ploitation économique et contre toutes les formes de travail susceptiblesd’être dangereuses ou de perturber l’éducation de l’enfant, ou de nuire àla santé de l’enfant ou à son développement physique, mental, spirituel,moral ou social.

Pour lutter contre le travail des enfants, il faut des actions tant àl’échelon national qu’à l’échelon international.

Afin d’améliorer la coopération entre les divers partenaires qui lut-tent contre le travail des enfants à divers niveaux, la Norvège convoque

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Avant-propos

une conférence internationale en octobre de cette année. L’objectif de laConférence d’Oslo est d’élaborer des stratégies pour l’élimination du tra-vail des enfants aux niveaux national, régional et international, en accor-dant une importance toute particulière au rôle de la coopération audéveloppement.

La prévention, l’élimination et la réadaptation du travail des enfantsrequièrent une action concertée. Nous ne devons pas perdre de vue lacomplémentarité des rôles qui doivent être assumés et des actions qui doi-vent être mises en œuvre par les divers acteurs impliqués. Le gouverne-ment norvégien continuera à se concentrer sur des mesures préventivespour lutter contre le travail des enfants. Les politiques économiques etsociales à long terme devraient chercher à créer des sociétés n’ayant pasbesoin et n’acceptant pas le travail des enfants. Il est nécessaire d’élaborersimultanément des politiques parallèles de protection spéciale pour lesenfants qui travaillent. Ces politiques doivent notamment comprendredes mesures immédiates pour éliminer les formes de travail des enfantsqui sont dangereuses. De plus, une action immédiate doit être entreprisepour éliminer le travail des enfants en âge scolaire, et notamment toutesles activités susceptibles de perturber leur développement normal et leuréducation formelle. Mon espoir est que, ensemble, nous parviendrons àcontribuer à l’amélioration des possibilités de survie, de développement,de protection et de participation de nos enfants.

Kari Nordheim-Larsen

Ministre de la coopérationau développement

Norvège

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Le travail des enfantset le mandat de l’OIT

Le texte original de la Constitution de l’Or-ganisation internationale du Travail est issu dela Partie XIII du Traité de Versailles, conclu en1919. Dans l’article 427 de sa section sur lesprincipes généraux figurait l’article 41 de laConstitution originale (laquelle a été amendéedepuis), qui indiquait clairement que le travailn’est pas une marchandise. Parmi les méthodeset principes qui paraissaient être «d’une impor-tance particulière et urgente» aux hautes par-ties contractantes, on trouvait notamment leprincipe suivant :

La suppression du travail des enfants et l’obli-gation d’apporter au travail des jeunes gens desdeux sexes les limitations nécessaires pour leur per-mettre de continuer leur éducation et d’assurer leurdéveloppement physique.

Cette disposition, qui n’a jamais été officiel-lement abrogée, définit le mandat de l’OITd’une manière encore tout à fait appropriée,quelque soixante-huit ans après son adoption.Par ailleurs, la première série de normes inter-nationales du travail adoptée par l’OIT en 1919comportait la convention no 5 sur l’âge mini-mum (industrie) de même que la conventionno 6 sur le travail de nuit des enfants (indus-trie). Les conventions concernant le travailmaritime et l’agriculture ont été adoptées peude temps après, en 1920 et 1921.

L’OIT a, à ce jour, adopté 11 conventions surl’âge minimum. La plus complète d’entre ellesest la (no 138) sur l’âge minimum, 1973. Elle fixeles critères internationaux généralement appli-cables et elle est reconnue comme étant la«Convention fondamentale» régissant le tra-vail des enfants. C’est l’une des sept conven-tions qui a fait l’objet de la campagne lancée àl’initiative du Directeur général de l’OIT pourpromouvoir la ratification des conventions, àla suite du Sommet mondial pour le dévelop-pement social qui s’est tenu à Copenhague,en mars 1995. Elle est aussi évoquée dans le

préambule de la Convention des Nations Uniessur les droits de l’enfant. En janvier 1997, laconvention no 138 était ratifiée par 50 pays.

Depuis le début des années quatre-vingt-dix, la nécessité de lancer une nouvelle actionconcertée pour lutter contre le travail desenfants a recueilli un consensus toujours pluslarge. Cette prise de conscience a été directe-ment induite par le processus de globalisationqui, pour avoir créé un nouvel environnementconcurrentiel, a suscité un recentrage d’intérêten faveur des normes du travail. Les nouveauxparamètres de cet environnement ont appelél’attention du consommateur sur l’origine et lemode de production des marchandises qu’ilachète. Même si le marché international nerecueille que cinq pour cent des produits fabri-qués par des enfants, il n’en a pas fallu davan-tage pour provoquer une vive réaction moralechez les consommateurs. L’expansion du tou-risme sexuel n’a fait qu’attiser l’indignation del’opinion publique face à l’exploitation sexuelled’enfants à des fins commerciales. Enfin, lelancement et le développement du Programmeinternational pour l’abolition du travail desenfants (IPEC) a largement contribué à mobili-ser l’opinion publique.

Force a été de constater, vers le milieu desannées quatre-vingt-dix, que l’OIT s’était enga-gée à renforcer son action dans la lutte contrele travail des enfants. Avec une unanimitéremarquable, le Conseil d’administration adécidé d’inscrire la question parmi les activitésnormatives à l’ordre du jour des Conférencesinternationales du Travail de 1998 et de 1999,en vue de créer de nouveaux instruments. Onestime généralement que ces débats vont débou-cher sur l’adoption d’une nouvelle convention,qui sera vraisemblement complétée par unerecommandation. Avant la Conférence de juin1996, le groupe des employeurs de l’OIT aaussi ouvertement appelé à la lutte contre letravail des enfants. Les délégués des tra-vailleurs avaient déjà présenté des projets derésolution ayant la même teneur au début desannées quatre-vingt-dix.

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Reconsidérer la question du travail des enfantsdans le cadre normatif de l’OIT

Kari TapiolaDirecteur général adjoint

Bureau international du Travail

L’intolérable au centre des discussionsde la Conférence de 1996

En juin 1996, une réunion ministérielleinformelle qui s’est tenue pendant la Confé-rence internationale du Travail a choisi le tra-vail des enfants comme question à l’ordre dujour. Le consensus de plus en plus large quis’est dégagé des débats a également permisd’adopter, à l’unanimité, la résolution de laConférence concernant l’élimination du travaildes enfants, alors que deux ans plus tôt, laConférence n’était pas encore parvenue àadopter une position à ce sujet. Cette résolu-tion a été le fruit de deux démarches : d’unepart, les représentants des employeurs et destravailleurs et quelques gouvernements despays industriels à économie de marché ontproposé des projets de résolutions parallèlessur le sujet, et d’autre part, les auteurs de cesprojets de résolution ont négocié avec les délé-gués d’un certain nombre de pays asiensimportants qui essaient de résoudre le pro-blème du travail des enfants sur leur propremarché et avec l’aide de l’IPEC.

L’élément essentiel de la résolution figuredans le préambule qui énonce:

Soulignant que les gouvernements, les employeurs,les travailleurs et leurs organisations, ainsi que lasociété tout entière partagent la responsabilité d’œu-vrer à l’élimination progressive du travail desenfants. Soulignant dans ce domaine la nécessitéd’œuvrer immédiatement à l’abolition de ses formesles plus intolérables, à savoir l’emploi d’enfants dansdes conditions d’esclavage ou de travail forcé, et àdes travaux dangereux et risqués, l’exploitation desenfants les plus jeunes et l’exploitation sexuelle desenfants à des fins commerciales…

La résolution porte donc sur deux élé-ments : l’élimination progressive du travail desenfants, d’une part, et l’abolition immédiate deses formes les plus intolérables, d’autre part.

Depuis l’adoption de cette résolution, lanotion de formes intolérables du travail desenfants a fait l’objet d’un vaste débat. On s’estdemandé notamment si une telle notion signi-fiait qu’il pouvait y avoir des formes tolérablesdu travail des enfants. La même question seserait posée si le terme « intolérables » avaitété remplacé par un autre, comme « spolia-trices». Le problème est que si l’on cible cer-taines formes de travail comme devant fairel’objet d’une action spéciale, d’autres formesde travail au sein de la même catégorie ris-quent d’être considérées comme acceptablesou tolérables.

On peut certes être envahi par ce scrupulefort louable, mais il ne faut pas perdre de vuel’aspect opérationnel, à savoir que les proposi-tions d’action contre le travail des enfants sontplanifiées dans le temps, et que les pro-grammes en vue de son élimination ont unmode de fonctionnement propre à l’IPEC. Pourdonner un exemple pratique et opportun, unaccord a été signé en février 1997 entre l’OIT etles fabricants de ballons de football de Sialkot,au Pakistan, en vue de supprimer graduelle-ment le recours au travail des enfants en l’es-pace d’une année et demie. L’accord reconnaîtque, pour en arriver là, il faut trouver des solu-tions de rechange pour les enfants qui sontainsi écartés du secteur. On a donc lancé unprogramme de protection sociale qui comportedes mesures de promotion de l’éducation et dela formation professionnelle. L’idée est que,avant de retirer définitivement les enfants dusecteur, il faut en passer par une phase transi-toire et que ce serait aller à l’encontre du butrecherché que de décider leur retrait pur etsimple sans consentir d’efforts pour fournir lesaménagements transitoires nécessaires.

Une activité comme la couture à la main desballons de football est-elle donc considéréecomme une forme intolérable du travail desenfants ou non ? L’existence même d’un pro-gramme qui vise à retirer les enfants de ce sec-teur et à leur apporter d’autres solutionspendant une certaine période signifie que leurtravail doit être toléré, au moins temporaire-ment. Cette attitude part du principe que siaucune autre solution n’est trouvée, on risquede perdre de vue ces enfants qui vont peut-êtrese retrouver dans une situation plus désespéréeencore. On peut arguer que, bien que la couturedes ballons ne soit pas une activité dangereuseni risquée en soi, ce n’est pas une raison pourqu’elle soit accomplie par des enfants. Ilimporte donc d’envisager une période de tran-sition. Les périodes de transition doivent êtreaussi courtes que possible, et rester réalistes ;mais si les enfants appartiennent à la catégoriedes « très jeunes » – en deçà de 12 ans parexemple qui est la limite d’âge inférieure fixéepar la convention sur l’âge minimum – touteforme d’emploi doit alors être considérée, àjuste titre, comme intolérable et doit être sup-primée. Comment ne pas juger intolérable defaire travailler un enfant de 5 ans dans uneusine d’allumettes qui regorge de risques ?Selon toute attente, aucune période de transi-tion ne saurait être justifiée dans ce cas.

Il va sans dire que lorsque des périodes detransition s’imposent, elles ne doivent pas pour

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autant se prolonger indéfiniment. C’est une évi-dence vers laquelle les normes ainsi que les pro-grammes nationaux et internationaux (commel’IPEC) convergent. La notion de programmeplanifié dans le temps ne signifie pas seulementqu’il faille convenir d’un cadre d’assistance clai-rement établi en conformité avec les normesinternationales du travail, mais aussi qu’il failleassurer le suivi et la transparence des pro-grammes pertinents, de manière à ce que lesresponsables puissent évaluer leur efficacité,réaliser les ajustements nécessaires et prendreles mesures additionnelles qui s’imposent.

Les liens entre les nouvelles conventionset les conventions existantes

Si l’on décide d’élaborer et d’adopter unenouvelle convention, ce n’est pas dans le butde réviser la convention sur l’âge minimum,mais de la compléter. D’aucuns se sont inquié-tés de ce que le nouvel instrument risquait dediminuer la force de la convention no 138 ou delui modifier son axe directeur. Or, il devraitêtre tout à fait possible de maintenir la validitédes réglementations sur les âges d’admission àl’emploi dans une convention et de spécifier,dans une autre, ce que l’on entend par viola-tion des droits de l’enfant et qui, par consé-quent, doit être éliminé immédiatement.

Les normes de l’OIT sur l’âge minimumtémoignent d’une continuité remarquable : en1919, la convention no 5 fixant l’âge minimumd’admission des enfants aux travaux indus-triels a fixé cet âge à 14 ans. Lors de son adop-tion, 14 ans était l’âge général auquel cessait lascolarité obligatoire. En 1921, la conventionno 10 concernant l’âge d’admission des enfantsau travail dans l’agriculture a fixé le mêmeâge, mais n’a autorisé le travail en dehors desheures fixées pour l’enseignement scolaire ques’il ne nuisait pas à l’assiduité scolaire. Dansles conventions no 5 et no 10, l’interdiction dutravail des enfants de moins de 14 ans ne s’ap-pliquait pas au travail des enfants dans lesécoles professionnelles, à la condition que cetravail soit approuvé et contrôlé par l’autoritépublique, ces conventions reconnaissant par làqu’il existe un lien entre l’enseignement et letravail.

En 1932, la convention no 33 concernantl’âge d’admission des enfants aux travaux nonindustriels a fixé aussi la limite à 14 ans, voireplus si les enfants étaient encore soumis àl’obligation scolaire primaire en vertu de lalégislation nationale. La même convention aautorisé également les enfants de plus de 12 ans

à être occupés à des travaux légers en dehorsdes heures scolaires, tout en demandant à lalégislation nationale de fixer un âge supérieurpour les travaux dangereux. En 1937, deuxconventions ont révisé les normes précé-dentes : la convention no 59 fixant l’âge mini-mum d’admission des enfants aux travauxindustriels et la convention no 60 concernantl’âge d’admission des enfants aux travaux nonindustriels ont relevé la limite d’âge pour laporter à 15 ans. La dernière convention a portéla limite d’âge pour les travaux légers à 13 ans.

La convention no 138 fait référence aux dixpremières conventions sur l’âge minimum etconsidère que:

Le moment est venu d’adopter un instrumentgénéral sur ce sujet, qui devrait graduellement rem-placer les instruments existants applicables à dessecteurs économiques limités, en vue de l’abolitiontotale du travail des enfants…

Bien qu’elle fixe l’âge limite général à 15 ans,elle autorise les pays dont l’économie et lesinstitutions scolaires ne sont pas suffisammentdéveloppées à spécifier un âge minimum de14 ans, après consultation des organisationsd’employeurs et de travailleurs intéressées.L’âge minimum d’admission à un emploi sus-ceptible de compromettre la santé, la sécuritéou la moralité des adolescents est fixé à 18 ans.Ces normes doivent être déterminées par lalégislation nationale ou l’autorité compétente,après consultation des organisations d’em-ployeurs et de travailleurs intéressées. Cettelimite peut être abaissée à 16 ans, à conditionque la santé, la sécurité et la moralité des ado-lescents soient pleinement garanties et qu’ilsaient reçu la formation nécessaire. La limited’âge pour les travaux légers est fixée à 13 ans,ou 12 ans dans les pays dont l’économie et lesinstitutions scolaires ne sont pas suffisammentdéveloppées.

Il est nécessaire de rappeler toutes ces dis-positions pour un certain nombre de raisons.Tout d’abord, elles montrent que l’OIT a faitpreuve, dans sa démarche, d’une cohérenceétonnante tout au long de ses soixante-dix-huitans d’existence. L’objectif consiste à fixer unâge minimum qui soit réaliste au regard del’âge normal auquel doit cesser la scolaritéobligatoire. Deuxièmement, elles nous rappel-lent que la fixation de règles sur l’âge mini-mum n’a d’autre but que l’élimination dutravail des enfants, conformément aux objec-tifs fixés par la Constitution de l’OIT, en 1919.Troisièmement, ces dispositions montrent queles règles autorisent une certaine souplesse.

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Outre les exceptions mentionnées ci-dessus,ces dispositions comportent d’autres déroga-tions, lorsque par exemple le travail est effec-tué dans le cadre de l’enseignement, ou qu’ils’agit de spectacles artistiques. Par conséquent,une convention qui viserait les formes les plusintolérables du travail des enfants ne risquepas d’être en contradiction avec la conven-tion no 138 sur l’âge minimum. La nouvelleconvention pourrait fort bien s’adresser auxtranches d’âge situées en deçà des limitesfixées, de même qu’aux travaux qui, selon laconvention sur l’âge minimum, sont suscep-tibles de compromettre la santé, la sécurité oula moralité des adolescents – en d’autrestermes, les travaux qui sont classés sans ambi-guïté comme étant « les plus intolérables».

Une certaine confusion semble régneractuellement dans les débats publics sur ce querecouvre le terme « travail des enfants », envertu de la convention sur l’âge minimum. Lestranches d’âge spécifiées dans la conventionno 138 commencent à 12 ans pour les travauxlégers dans les pays en développement, avectoutefois de lourdes réserves et à conditionque ces travaux ne portent pas atteinte à l’assi-duité scolaire. Il semblerait bien qu’une part dece que l’opinion publique considère comme letravail des enfants ne soit pas, en fait, encontradiction avec les normes en vigueur surl’âge minimum. Il est dangereux de mélangerle travail des enfants, qui doit être éliminé(immédiatement ou dans le cadre d’un pro-gramme planifié dans le temps) avec l’emploides adolescents, qui doit naturellement fairel’objet d’une protection appropriée conformé-ment aux normes du travail.

Cette confusion peut déboucher sur unesituation où les arguments qui relèvent, à justetitre, de la protection des travailleurs sonttransposés dans un débat très différent – undébat au centre duquel se trouvent les droitsde l’enfant en tant que personne humaine.Comme les Nations Unies et autres institu-tions, organismes et programmes internatio-naux multilatéraux accordent actuellementune large place aux discussions sur le travaildes enfants, toutes les personnes intéresséesapprécieront les précisions qui ne manquerontpas d’être apportées au sujet des normes perti-nentes, une fois que le processus d’élaborationet d’adoption d’un nouvel instrument de l’OITsera engagé.

Les chefs d’Etat et de gouvernement deshuit grands pays industriels qui se sont réunis àDenver, aux Etats-Unis, à la fin du mois de juin1997, ont accordé un franc soutien politique à

l’action de l’OIT. Dans leur communiqué final,ils ont notamment déclaré, à propos des droitsde l’homme:

Il est indispensable de protéger les groupes lesmoins représentés ou les plus vulnérables demanière à associer le plus d’individus possible auprocessus démocratique et à prévenir les conflitssociaux. Nous allons nous employer à promouvoirl’adoption et la ratification des instruments desti-nés à protéger ces groupes en question, et à accéle-rer notamment l’adoption d’une convention del’OIT sur l’élimination des formes intolérables dutravail des enfants.

Le travail des enfants :une question reconnuecomme étant fondamentale

La convention sur l’âge minimum qui, au1er janvier 1997, était ratifiée par 50 pays, esttoutefois largement moins ratifiée que lesautres conventions « fondamentales » sur laliberté syndicale, le travail forcé et la non-dis-crimination. Les mandants ne lui ont pasaccordé tout à fait le même statut qu’auxautres conventions. Bien qu’elle autorise cer-taines dérogations, les pouvoirs publics despays industrialisés comme des pays en déve-loppement n’ont pas proposé de la ratifierparce qu’ils ont le sentiment qu’elle n’est pasappropriée au secteur agricole ou qu’ellerisque d’empêcher les élèves les plus âgés detravailler à un moment de leur vie où l’expé-rience professionnelle et la constitution d’unecagnotte personnelle ne peuvent leur être queprofitables. On pourrait rétorquer que lesexceptions et la souplesse d’application autori-sées par la convention peuvent aisément pal-lier ces inconvénients.

Le Sommet mondial pour le développe-ment social qui s’est tenu à Copenhague, audébut du mois de mars 1995, a évoqué lesnormes du travail dans ses engagements. Lesdirigeants se sont engagés, en effet, à assurerdes emplois de qualité et à défendre les droitset intérêts élémentaires des travailleurs…

…et, à cet effet, (à) librement promouvoir le res-pect des conventions pertinentes de l’Organisationinternationale du Travail, dont celles ayant trait àl’interdiction du travail forcé et du travail desenfants, la liberté d’association au droit de s’organi-ser et au droit de négociation collective, et au prin-cipe de la non-discrimination.

Pour donner suite à ce sommet, le Directeurgénéral du BIT a écrit aux pays qui n’ont pasratifié les conventions sur les sujets mentionnés

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ci-dessus pour les inciter à le faire rapidement.Les conventions en question sont la no 87 et lano 98 sur la liberté syndicale et la négociationcollective, la no 29 et la no 105 sur le travail forcé,la no 100 et la no 111 sur l’égalité de rémunérationet la non-discrimination et enfin la no 138 surl’âge minimum, toutes reconnues comme étantdes conventions «fondamentales».

Le consensus qui s’est dégagé au sujet desnormes fondamentales du travail s’est confirmé,depuis Copenhague, dans les discussions ausein du Conseil d’administration du BIT, dansune étude de l’OCDE faisant autorité et dans lesdiscussions engagées par l’Organisation mon-diale du commerce sur la proposition d’établirun lien entre les normes commerciales et lesnormes du travail.

L’importance du travail des enfants a étéreconnue comme étant une question fonda-mentale et elle a été consacrée comme telle àplusieurs reprises. Une vaste étude de l’OCDEsur les normes commerciales et les normes dutravail, mise au point en 1996, a fait figurer letravail des enfants parmi les autres questionsfondamentales : la liberté syndicale, la non-discrimination et l’abolition du travail forcé.Cette même étude a également suggéré derédiger une nouvelle convention sur le travaildes enfants, traduisant par là l’existence decertains doutes antérieurs quant à la perti-nence de la convention sur l’âge minimum.Il convient toutefois de signaler que l’étudede l’OCDE a omis de faire référence à uneautre convention fondamentale, la conventionno 100 concernant l’égalité de rémunérationentre la main-d’œuvre masculine et la main-d’œuvre féminine pour un travail de valeurégale.

Les conventions fondamentaleset les autres normes

Alors que les principes et conventions fon-damentales sont constamment mis au premierplan, on se demande parfois – tout à fait légiti-mement du reste – si les normes qui ne sontpas jugées fondamentales doivent être relé-guées dans une catégorie secondaire. Cettequestion a aussi son importance, à la lumièredes préparatifs en cours en vue de l’élabora-tion d’une nouvelle convention sur le travaildes enfants et de son rapport futur avec laconvention sur l’âge minimum.

La réponse est sans conteste non. La recon-naissance de la nature fondamentale et consti-tutionnelle de certains droits ne devrait pasposer de problème. Ces droits sont la condi-

tion sine qua non du bon fonctionnement del’ensemble du marché du travail, et ils posentun certain nombre de principes qui ne sontpas liés aux niveaux de développementéconomique. D’autres normes donnent desorientations rigoureuses sur la manière dedévelopper et d’ajuster les marchés du travail.On ne peut pas dire qu’elles soient moinsimportantes, mais leur efficacité dépend durespect de certains droits fondamentaux destravailleurs. C’est pourquoi il devient pluspressant de veiller au respect de ces droitsfondamentaux.

L’OIT se demande actuellement si les conven-tions fondamentales renferment le principeselon lequel les Etats Membres sont soumis àun minimum d’obligations en matière dedroits fondamentaux, même s’ils n’ont pasratifié ces conventions. En pratique, il s’agit dedéfinir quels droits fondamentaux doiventêtre assortis d’obligations constitutionnellespour l’ensemble des Membres de l’OIT. Cettequestion a été abordée dans le rapport duDirecteur général à la 85e session de la Confé-rence internationale du Travail, en juin 1997.Ce rapport qui traite de l’action normative del’OIT à l’heure de la globalisation fait obser-ver1 que :

Le mécanisme de contrôle des conventions etprincipes de la liberté syndicale offre en la matièreune référence et une expérience intéressantes. Ilpermet aux gouvernements ainsi qu’aux organisa-tions de travailleurs et d’employeurs de déposer desplaintes pour violation des droits syndicaux contreles Etats, que ceux-ci aient ou non ratifié lesconventions sur la liberté syndicale.

Une déclaration ou tout autre texte solenneladopté par la Conférence, permettrait de délimiterl’essence, universellement reconnue, des droitsfondamentaux qui devraient être respectés parl’ensemble de Membres de l’Organisation qu’ilsaient ou non ratifié les conventions correspon-dantes, et d’élaborer le mécanisme visant à assurerleur promotion.

Les avancées dans ce domaine vont inciterl’OIT à se pencher avec une attention soutenuesur la question du travail des enfants par lebiais de son mécanisme de contrôle. Cettedémarche va, dans les faits, contribuer à défi-nir le cadre général des normes du travail. Elleva aussi dans le sens des délibérations de laRéunion ministérielle de l’OMC, qui s’esttenue à Singapour, en décembre 1996, et qui,dans sa Déclaration, a souligné que l’OIT étaitl’organe compétent pour établir les normesinternationales du travail et pour s’en occuper.

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L’action de l’OIT et le rôledes partenaires sociaux

L’OIT s’intéresse au travail des enfants ens’investissant à trois niveaux différents : l’ac-tion normative, les activités ordinaires del’Organisation et le programme IPEC financépar des donateurs. Dans le programme detravail établi pour la période biennale 1998-99, elle souligne la nécessité de renforcer lesmoyens mis à la disposition de son organe tri-partite et des autres groupes concernés pourqu’ils puissent prendre davantage de mesuresvisant à supprimer le travail des enfants.Pour donner suite aux demandes de la Confé-rence internationale du Travail (telles qu’ellessont formulées dans la résolution mentionnéeplus haut), le Bureau va rédiger des rapportsréguliers faisant état des activités et progrèsréalisés dans le domaine de l’élimination dutravail des enfants. Il mènera aussi des acti-vités de sensibilisation du public dans lecadre de séminaires et d’ateliers. Il préparerades dossiers sur les questions nouvellescomme les labels (étiquettes d’éthique) ou lescodes de conduite des entreprises, à l’usagedes organisations d’employeurs et de tra-vailleurs, des commerçants et des groupes deconsommateurs.

Un programme d’action spécial contre lesformes extrêmes du travail des enfants seralancé au cours de la période biennale 1998-99.Cette mesure s’inscrit dans le prolongementlogique des autres formes d’action de l’OIT,indiquées plus haut dans cet article ; elle estl’aboutissement des délibérations d’un certainnombre de conférences importantes organiséespar divers gouvernements, à savoir le Congrèsmondial sur l’exploitation sexuelle d’enfants àdes fins commerciales, qui s’est tenu à Stock-holm en août 1996; une conférence organisée àAmsterdam, en février 1997; et une conférencequi doit avoir lieu à Oslo, en octobre 1997. Lesdeux dernières ont reçu et vont recevoir lalibre participation de représentants d’em-ployeurs et de travailleurs.

Outre la campagne de sensibilisation qu’ilmène sur la manière de supprimer d’embléeles formes les plus intolérables du travail desenfants, le programme d’action prévoit depoursuivre son travail conceptuel et empi-rique. Il s’attachera tout particulièrement àdéfinir les risques liés au travail, à déterminerles professions et activités qui sont spéciale-ment risquées ou dangereuses, à identifier lesgroupes particulièrement vulnérables, à étu-dier les modifications nécessaires à apporter à

la législation, à formuler et à mettre en œuvredes programmes de réadaptation pour accom-pagner la mise en application des nouvellesréglementations.

Dans la perspective ainsi formulée, l’objectifimmédiat consiste à trouver les moyens d’en-treprendre une action rapide pour supprimerles formes les plus intolérables du travail desenfants. Dans ce contexte, aucune période tran-sitoire de suppression progressive n’est accep-table. Même si les périodes de transitiondoivent être d’une durée modérée, avalisant enquelque sorte le travail de très jeunes enfantsou d’enfants travaillant dans des conditionsrisquées ou dangereuses, ce travail ne manque-rait pas de porter gravement atteinte à leurdéveloppement physique et mental et de lespriver d’instruction.

L’OIT va, dans le cadre de ses activités ordi-naires, fournir des matériaux d’information,comme des directives et un manuel d’instruc-tion, à l’intention des Ministères du travail, del’éducation, des affaires sociales et d’autresministères et organismes gouvernementaux.L’important, c’est que ces divers organes natio-naux coopèrent entre eux. S’il faut bien recon-naître que les problèmes du travail des enfantsne peuvent être du seul ressort des Ministèresdu travail et des affaires sociales (les mandantstraditionnels de l’OIT), ils ne peuvent guèreêtre résolus sans leur participation pleine etentière.

Le troisième volet de l’action de l’OIT, leprogramme IPEC, est désormais opérationneldans plus de 25 pays. Le montant des contri-butions pour la période biennale 1996-97 s’estélevé à quelque 24 millions de dollars. Ce pro-gramme financé par des donateurs représenteun engagement quotidien de l’OIT sur le ter-rain, aux côtés des organisations nationalesd’employeurs et de travailleurs et des ONGlocales. Quelque 70 pour cent des 600 projetsque l’IPEC a mis en œuvre en 1997 avait pourobjectif l’élimination des formes les plus into-lérables du travail des enfants.

L’intégration dans le programme IPECd’un élément propre aux travailleurs et auxemployeurs constitue un fait nouveau. C’estcette nouvelle attention accordée, depuis mai1996, au groupe des employeurs qui expliquel’instauration d’un élément distinct axé sur lesemployeurs. Les organisations d’employeursdevraient recevoir l’aide de l’OIT pour définirleurs propres programmes d’action contre letravail des enfants. Un manuel destiné auxsyndicats de travailleurs a été publié récem-ment et, dans la part d’activités qu’il consacre

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aux travailleurs, l’IPEC s’est attaché, entreautres choses, à promouvoir une collaborationavec les secrétariats professionnels internatio-naux. Force est de constater, en fin de compte,que le travail des enfants ne peut être efficace-ment éliminé si les employeurs et les syndi-cats de travailleurs ne sont pas à l’avant-gardedu combat. Leur engagement est même l’unedes meilleures garanties de succès.

Note

1 Extrait du résumé analytique du rapport du Directeurgénéral à la 85e session de la Conférence internationale duTravail, en juin 1997.

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Jamais une norme n’a, de par sa seule exis-tence, permis le retrait d’un enfant du travail.Cet argument, repris à satiété par les partisansdu laissez-faire pour justifier le refus del’adoption de nouvelles normes, est à la foisfaux et partiel. Sans volonté de mise en œuvre,sans mécanismes d’application au plan natio-nal, les normes internationales n’ont de forceque morale. Si les normes ne sont pas suffi-santes par elles-mêmes pour atteindre lesobjectifs qu’elles visent, elles sont néanmoinsindispensables pour deux raisons. D’une part,elles manifestent la volonté de la communautéinternationale d’agir solidairement sur unesituation qui est à la fois un défi à l’exercicedes droits de l’enfant et un obstacle au déve-loppement en perpétuant le cercle vicieux del’ignorance, de l’exploitation et de la pauvreté.D’autre part, elles permettent de distinguer, auniveau mondial, avec la participation de tousles Etats Membres, des employeurs et des tra-vailleurs, ce qui est permis de ce qui ne l’estpas, le licite de l’illicite.

L’adoption de normes est un des moyensd’action de l’OIT pour atteindre les objectifs dejustice sociale qui lui ont été assignés par sesmandants. Il est de la responsabilité de ceux-cide mettre en œuvre les normes qu’ils ontadoptées et, éventuellement, ratifiées.

Les discussions qui ont eu lieu lors de laréunion de la Commission de l’emploi et de lapolitique sociale du Conseil d’administrationdu BIT (novembre 1995), celles qui ont conduità la décision d’inscrire la question du travaildes enfants en vue de l’adoption par la Confé-rence de nouvelles normes sur le travail desenfants (mars 1996), celles de la Réunion tri-partite informelle au niveau ministériel (juin1996) ou celles qui ont abouti à l’adoption de larésolution sur le travail des enfants par laConférence internationale du Travail, en juin1996, ont permis de constater certaines insuffi-sances des instruments censés assurer la pro-tection des enfants à travers l’élimination de

leur travail ainsi qu’une volonté d’action de lapart des mandants. La raison d’être des futursinstruments est de répondre à cette volonté etde remédier à ces lacunes.

Il est difficile à ce stade de faire un quel-conque pronostic sur le contenu exact desfuturs instruments. La procédure prévue par laConstitution de l’OIT a débuté avec l’envoi ennovembre 1996 du rapport 1 et du question-naire destiné à recueillir les avis des gouverne-ments, des organisations d’employeurs et detravailleurs sur la forme et le contenu desfuturs instruments. La Conférence d’Amster-dam sur les formes les plus intolérables de tra-vail des enfants (février 1997) a demandé auxgouvernements de procéder aux plus largesconsultations possibles pour répondre à cequestionnaire, notamment avec les organisa-tions non gouvernementales. La pertinencedes futurs instruments dépendra pour unelarge part de la qualité – et du nombre – decommentaires qui parviendront au Bureau

Pourquoi de nouveaux instruments internationauxsur le travail des enfants ?

Loïc PicardChef, Section des conditions générales de travail

Service de l’application des normesBIT

La protection des enfants est un desobjectifs assignés à l’OIT par le Préambulede sa Constitution. Si le travail à partir de7-8 ans était courant dans les sociétés pré-industrielles, il devient au moment de larévolution industrielle plus visible de parsa concentration et surtout grâce auxenquêtes menées dans le secteur indus-triel. L’OIT a accompagné le mouvementen faveur de l’élimination du travail desenfants en adoptant, dès 1919, des conven-tions et des recommandations fixant unâge minimum d’admission au travail desenfants de moins de 14 ans dans les usines,dans l’agriculture, dans les commerces, surles bateaux.

Le lien entre l’interdiction du travaildes enfants et leur éducation était établidès 1921 par la convention n° 10 sur l’âgeminimum dans l’agriculture.

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avant le 30 juin 1997. Les commentaires servi-ront en effet à préparer les projets de conclu-sions qui seront discutées à la Conférence enjuin 1998.

Il est cependant possible de dresser à partirdes discussions rappelées ci-dessus une pre-mière esquisse de ce que pourraient être lesfuturs instruments. Il s’agirait d’une conven-tion courte et précise qui compléterait laconvention no 138, en visant l’élimination immé-diate des formes les plus intolérables de travaildes enfants. Une recommandation préciseraitcertaines modalités pratiques d’application etproposerait des orientations. En ratifiant laconvention, les Etats s’obligeraient à mettreimmédiatement un terme aux formes de tra-vail des enfants telles que toutes les formesd’esclavage et de pratiques assimilables ; lavente et la traite d’enfants ; le travail forcé ouobligatoire, y compris la servitude pour dettesou le servage ; l’utilisation d’enfants pour laprostitution, la production de matériel ou despectacles pornographiques, pour la produc-tion ou le trafic de drogue ou pour d’autresactivités illégales ; l’emploi d’enfants à touttype de travail qui, par sa nature ou en raisondes conditions dans lequel il est effectué,risque de compromettre leur santé, leur sécu-rité ou leur moralité. La convention exigeraitégalement que soient prévues et strictementappliquées des sanctions appropriées ainsi quedes mesures de prévention et de réparationpour éviter que les enfants ne soient engagésdans ces activités ou n’y retombent. Enfin, elleinciterait les Etats à s’aider les uns les autrespar une assistance internationale visant à com-battre l’intolérable.

La question est de savoir quelle serait la«valeur ajoutée normative» de ces textes pourreprendre l’expression utilisée par le directeurgénéral dans son rapport à la Conférence2.Pour tenter de répondre à cette question, il estnécessaire d’examiner d’une part ce qui estréellement visé par ces futurs instruments, leurobjet, et d’autre part les mesures qu’ils cher-chent à promouvoir.

Quel travail ? Quels enfants ?

La première question est celle de la délimi-tation du travail des enfants visé par les ins-truments internationaux. Il faut partir d’unconstat et de deux propositions.

Le constat d’abord: il n’existe pas de défini-tion du travail des enfants (pas plus qu’iln’existe une définition du travail des adultes).L’absence de définition ne doit cependant pas

empêcher de délimiter ce qui est visé par lesinstruments internationaux – et les législationsnationales – et qui doit être éliminé. C’est à cetitre que les deux propositions qui suiventpeuvent avoir un intérêt.

Première proposition: tous les enfants tra-vaillent. Il faut en finir avec l’attitude quiconsiste à se réfugier derrière le fait que la« tradition » voudrait que les enfants (à partirde quel âge ?) aillent vendre les journaux, dis-tribuer le lait, porter l’eau, accompagner leursmères aux champs, s’occuper de leurs frères etsœurs plus petits, participer aux travaux duménage, pour refuser l’objectif de l’éliminationdu travail des enfants et, de fait, légitimer l’ex-ploitation des enfants. La participation àl’école est un travail qui, s’il n’est pas immé-diatement productif, procède à la fois de l’in-vestissement à long terme et d’un processusd’accumulation. De même, la participation del’enfant aux activités de la maison, aux travauxde la famille doit être considérée comme untravail : cette participation, tout comme cellede la femme au foyer, a un résultat économi-quement quantifiable et contribue au revenufamilial. La socialisation de l’enfant, quelle quesoit la société considérée, passe par sa partici-pation croissante, proportionnelle à son âge,aux travaux de la famille dans laquelle il vit. Ilsuffit de rappeler à cet égard que cet aspect aété largement pris en compte lors de la mise enplace de la scolarité obligatoire dans les paysindustrialisés à la fin du XIXe siècle. Les congésscolaires permettaient la participation desenfants aux travaux familiaux dans des socié-tés où l’agriculture regroupait plus de la moitiéde la population. Ainsi les plus longues vacancesscolaires, celles de l’été, commençaient par lafenaison, se poursuivaient par les moissons ets’achevaient par les vendanges.

Les enfants qui travaillent ne sont pas seu-lement des victimes: ils sont aussi des acteursqui s’inscrivent dans le cadre d’une famille,d’un quartier, d’une société et qui agissent enfonction des représentations de leur futur. Auplan juridique qui nous intéresse ici, la ques-tion est de savoir quel type de travail est visépar les instruments internationaux en vue deson élimination et pour quelles raisons.

La notion d’obligations familiales normales per-mettrait peut-être de tracer une distinction plusclaire entre le travail interdit par les instrumentsinternationaux et les normes nationales et unesérie d’activités dont la nature et l’ampleurvarient selon les pays, les cultures, les classessociales et les catégories professionnelles. L’obli-gation d’assiduité scolaire, corollaire du droit à

l’éducation, est sans nul doute une obligationfamiliale normale qui pèse tant sur les parents quesur les enfants. Seraient également des obliga-tions familiales normales, la participation desenfants aux activités de la vie quotidienne de lamaison ou aux travaux de la famille. Ces obliga-tions familiales normales sont, en principe,exclues du champ d’application des instru-ments internationaux, sous réserve qu’elles nedonnent pas lieu à des abus dont les plusgraves sont la servitude pour dettes ou la vented’enfants par des membres de la famille. Celaest prévu par les dispositions de l’article 32 dela Convention des Nations Unies relative auxdroits de l’enfant selon lequel l’enfant doit êtreprotégé de l’exploitation économique, sans pré-ciser qui peut être l’auteur de l’exploitation. Onne peut donc pas exclure totalement ce qui sepasse dans le cadre familial du champ d’appli-cation d’instruments sur le travail des enfants,comme le permet par exemple la conventionno 138 (voir sur ce point l’article de Y. Noguchidans ce même numéro, pp. 18-23).

Cette proposition selon laquelle tous lesenfants travaillent impose d’établir une grada-tion entre les différents « travaux » entreprispar des enfants. Pour être utile, elle doit êtrecomplétée d’une seconde proposition: tous lestravaux accomplis par des enfants ne sont pasautorisés au regard des normes internatio-nales (et généralement nationales).

A priori, tout travail qui n’est pas expressé-ment défendu (que ce soit en fonction du cri-tère de l’âge ou de sa dangerosité) est autorisé.Encore faut-il que les critères soient établis surdes bases claires.

L’âge est le critère premier utilisé par leslégislations nationales, puis par les normesinternationales, pour délimiter ce qui est auto-risé de ce qui ne l’est pas. Là encore, il fautremettre en question un discours qui consiste àparler des « enfants » comme s’il s’agissaitd’une catégorie homogène alors que l’enfancen’est qu’un état transitoire caractérisé par desdépendances multiples (affectives, écono-miques, juridiques, etc.) de l’enfant par rap-port au groupe familial et à la société pour unepériode de temps plus ou moins longue.

Les «enfants» sont, entre autres, caractériséspar leur âge. Les normes internationales du tra-vail ont progressivement abandonné la fixationd’un âge minimum unique qui s’appliqueraitsans tenir compte des conditions économiques,sociales et administratives des différents pays.Si l’âge minimum « standard» d’admission àl’emploi ou au travail est fixé à 15 ans, il peutêtre modulé en dessous (14 ans) ou au-dessus

(16 ans) de cet âge pivot en vertu de l’article 2de la convention no 138. D’autre part, il peutégalement être modulé en fonction des typesde travaux, de leur pénibilité, en s’établissant à12 ou 13 ans pour les « travaux légers » quiseront examinés ci-dessous. C’est uniquementpour les travaux dangereux qu’un âge mini-mum fixe est établi à 18 ans ; l’autorisationpour l’accomplissement à partir de 16 ans detravaux pouvant être classés comme dange-reux doit obéir à de sérieuses conditions visantà atténuer sinon supprimer totalement la dan-gerosité ou la nocivité des travaux.

Les futurs instruments n’ont pas grand-chose à apporter aux instruments antérieurssur la fixation d’un critère d’âge sauf à rappelerque l’élimination du travail des jeunes enfantsde moins de 12 ans doit être une priorité. C’estce qui est prévu au point 12 e) du questionnairesur la recommandation qui se réfère à la pro-motion et au soutien à «des programmes visantà accorder une attention particulière aux enfantsâgés de moins de 12 ans».

Si les futurs instruments ne doivent pas fixerou rappeler un ou des âges minimums d’accès àl’emploi ou au travail, ils doivent cependantpréciser à quels «enfants» ils s’appliquent. Lasolution retenue dans le questionnaire met lesfuturs instruments en conformité avec laconvention relative aux droits de l’enfant enprécisant qu’ils s’appliqueront à tous les enfantsâgés de moins de 18 ans. Il ne s’agit pas là d’unenouvelle fixation d’un âge minimum maisd’une définition, à partir du critère de l’âge, duchamp d’application de ces futurs instruments.

Second critère : les conditions d’exercice del’emploi ou du travail. Les instruments adop-tés jusqu’à présent ont, soit autorisé certains

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Définitions de l’enfantdans les instruments internationaux

Les conventions internationales du tra-vail ne définissent pas l’enfant mais établis-sent une distinction entre les «enfants» quiseront les personnes de moins de 15 ansqui, en général ne sont pas autorisées àtravailler, les «adolescents» ou les « jeunestravailleurs» qui seront les personnes demoins de 18 ans autorisées à travailler souscertaines conditions.

La convention relative aux droits del’enfant définit l’enfant comme «tout êtrehumain âgé de moins de 18 ans, sauf si lamajorité est atteinte plus tôt en vertu dela législation qui lui est applicable».

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types de travail, soit interdit d’autres types detravail en croisant le critère de l’âge avec celuide la pénibilité, de la dangerosité ou de la noci-vité du travail.

De part et d’autre du travail «normal», quipeut être accompli par toute personne ayantatteint l’âge de 15 ans (ou 14 ans), les instru-ments ont prévu le travail « léger» et, à l’autreextrême, l’emploi ou le travail susceptible decompromettre la santé, la sécurité ou la mora-lité des adolescents. Le premier peut être auto-risé aux enfants à partir de 13 ans (12 ans danscertains cas), le second est interdit aux adoles-cents de moins de 18 ans.

La détermination des travaux qui, par leurnature ou les conditions dans lesquelles ilss’exercent, sont susceptibles de compromettre lasanté, la sécurité ou la moralité des enfants estimpossible au plan international. La solution,retenue dans le questionnaire, consisterait pourles gouvernements à déterminer les emplois oules travaux qui sont considérés comme dange-reux et qui devraient être interdits aux enfantsaprès consultation des employeurs et des tra-vailleurs intéressés. Il n’est pas nécessairequ’une liste formelle soit dressée. Des interdic-tions ponctuelles pourraient être suffisantespour autant qu’elles soient établies de bonnefoi. Enfin, une large publicité devrait permettred’informer les employeurs, les enfants et lepublic du fait que ces emplois et travaux nesont pas permis aux personnes de moins de18 ans. Ces dispositions doivent être similairesà celles de la convention no 138 pour éviterd’éventuelles contradictions entre les anciens

et les futurs instruments. La différence est queles futures normes s’appliqueront à tous lessecteurs d’activité, sans possibilités de limiterleur portée à huit secteurs ou branches d’acti-vité comme le prévoit l’article 5 de la conven-tion no 138. Dans ce domaine, il est nécessairede concilier la souplesse des solutions retenuesavec la rigueur dans la protection du dévelop-pement et de la santé des enfants et des ado-lescents. Le mauvais développement physiqued’un enfant aura un coût social.

Les exclusions autorisées par la convention no 138

La première exclusion possible concerne « des catégories limitées d’emploi ou de travaillorsque l’application de la présente convention à ces catégories soulèveraient des difficultésd’exécutions spéciales et importantes» (art. 4. 1). Elle vise par exemple l’emploi ou le travail dansles entreprises familiales, le travail en tant que domestique au service d’un particulier, le travailà domicile ou tout autre travail exécuté hors du contrôle d’un employeur. Cependant, les tra-vaux dangereux, au sens de l’article 3 de la convention, ne peuvent être exclus.

La seconde limitation est temporaire et permise uniquement aux pays en développement.Elle permet, «dans une première étape», d’exclure les branches d’activité ou des types d’entre-prises qui ne sont pas comprises dans l’énumération suivante: industries extractives ; industriesmanufacturières, bâtiment et travaux publics ; électricité, gaz et eau ; services sanitaires ; trans-ports, entrepôts et communications ; plantations et autres entreprises agricoles exploitées prin-cipalement à des fins commerciales « à l’exclusion des entreprises familiales ou de petitesdimensions produisant pour le marché local et n’employant pas régulièrement des travailleurssalariés» (art. 5).

Ces deux types d’exclusion doivent faire l’objet de consultations préalables des organisationsd’employeurs et de travailleurs. Elles doivent également faire l’objet de mesures d’évaluation régu-lières pour permettre l’application progressive de la convention aux travaux et aux emplois exclus.

Le travail « léger»

La première caractéristique de ce tra-vail est […] sa légèreté. Il n’a pas fait l’ob-jet de définition mais certaines de sescaractéristiques ont été précisées dans lesinstruments internationaux. Il s’agit d’untravail qui : (i) ne doit pas porter préjudiceà la santé ou au développement normalde l’enfant ; (ii) ne doit pas être de natureà porter préjudice à l’assiduité scolaire, àla participation à des programmes d’orien-tation ou de formation professionnelle ouà l’aptitude à bénéficier de l’instructionreçue.

Par ailleurs, ce travail léger ne devraitpas dépasser deux heures par jour, aussibien les jours de classe que les jours devacances, l’école et les travaux légers nedevant pas excéder plus de sept heures parjour au total.

Quelles actions ?

Les futurs instruments, en se concentrantsur les formes les plus intolérables de travaildes enfants, établissent une priorité dans l’ac-tion des gouvernements des pays qui les rati-fieront. La convention no 138 fixe un objectifgénéral, l’abolition effective du travail desenfants et l’élévation progressive de l’âge mini-mum d’admission à l’emploi. Légèrement enrégression par rapport à la convention no 138,dans la mesure où elle ne se réfère pas à l’aboli-tion du travail des enfants, la convention desNations Unies relative aux droits de l’enfantprévoit que les Etats parties doivent assurer ledroit des enfants à être protégés contre l’exploi-tation économique et à n’être astreints à aucuntravail comportant des risques ou susceptiblede compromettre son développement. En consé-quence, les Etats doivent prendre «des mesureslégislatives, administratives, sociales et éduca-tives» pour atteindre ces objectifs.

Le champ relativement restreint des futursinstruments – les formes les plus intolérablesde travail des enfants – permet d’envisager undegré supérieur de précision dans la détermi-nation des mesures à prendre. L’actuel projetde convention, tel qu’il résulte du question-naire, délimite quatre types de mesures à

prendre. Deux de ces catégories de mesuressont novatrices par rapport aux instrumentsexistants : il s’agit des mesures de préventionet de suivi ainsi que des mesures d’assistancemutuelle que les Etats Membres seraientencouragés à se prêter. Les deux autres sontplus classiques mais également importantes :sanctions, y compris sanctions pénales, et dési-gnation des autorités responsables et des per-sonnes tenues d’appliquer et de respecter lesdispositions de la convention.

La définition d’un contenu précis de cesmesures n’est pas possible dans le cadre d’uneconvention internationale du travail mais ilimporte que les obligations de moyens soientclairement rédigées. Ainsi, les mesures de pré-vention et de suivi devraient tenir compte, à lafois, du fait que les enfants qui travaillent nesont pas coupables de la situation dans laquelleils se trouvent, qu’ils ne doivent pas non plusêtre considérés uniquement comme des vic-times, mais qu’ils sont des acteurs dont la par-ticipation est essentielle pour mettre fin auxsituations intolérables dans lesquelles ils setrouvent. Les moyens de parvenir à appli-quer, dans ce domaine, les dispositions de l’arti-cle 12, paragraphe 1 de la convention relativeaux droits de l’enfant devront être soigneuse-ment examinés.

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Article 32 de la convention relative aux droits de l’enfant

1. Les Etats parties reconnaissent le droit de l’enfant d’être protégé contre l’exploitationéconomique et de n’être astreint à aucun travail comportant des risques ou susceptible de com-promettre son éducation ou de nuire à sa santé ou à son développement physique, mental, spi-rituel, moral ou social.

2. Les Etats parties prennent des mesures législatives, administratives, sociales et éducativespour assurer l’application du présent article. A cette fin, et compte tenu des dispositions perti-nentes des autres instruments internationaux, les Etats parties, en particulier :a) fixent un âge minimum ou des âges minimums d’admission à l’emploi ;b) prévoient une réglementation appropriée des horaires de travail et des conditions d’emploi;c) prévoient des peines ou autres sanctions appropriées pour assurer l’application effective du

présent article.

Liberté d’opinion (article 12 de la CDE)

1. Les Etats parties garantissent à l’enfant qui est capable de discernement le droit d’expri-mer son opinion sur toute question l’intéressant, les opinions de l’enfant étant dûment prises enconsidération eu égard à son âge et à son degré de maturité.

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Prises isolément, ces mesures sont néces-saires mais ne seront pas suffisantes : leur miseen œuvre concertée est la garantie de leur effi-cacité. Cela soulève d’une part la question del’existence et du rôle des mécanismes natio-naux visant à mettre en œuvre les futurs ins-truments ; d’autre part, celle de la coopérationentre les différentes autorités compétentespour cette même mise en œuvre. Il ne seraitpas souhaitable d’envisager la création de nou-veaux mécanismes mais plutôt d’identifier lesmécanismes existants qui pourraient être utili-sés à cette fin. A cet égard, il serait intéressantde profiter de la dynamique créée dans cer-tains pays à la suite de la ratification de laconvention des Nations Unies qui a conduit àla mise en place d’organes aux statuts et auxmandats divers. Leur but ultime est de mobili-ser le plus grand nombre d’institutions ou depersonnes intéressées en vue d’une meilleureapplication de la convention. Souvent, lesMinistères du travail, les organisations d’em-ployeurs et de travailleurs n’ont pas été invitésà participer aux travaux de ces organes. Ilimporte que partout où ces organes existent,les Ministères du travail, les organisationsd’employeurs et de travailleurs puissent y par-ticiper et faire entendre leurs voix sur les ques-tions de leur compétence. Ce point fait l’objetde commentaires de la Commission d’expertspour l’application des conventions et recom-mandations depuis plusieurs années.

Quant à la question de la coordination, elledépend pour une large part des solutions adop-tées pour le mécanisme de mise en œuvre. L’éli-mination du travail des enfants, et notammentdes formes les plus intolérables de celui-ci,dépend d’une multiplicité d’actions concertéesqui ne peuvent, en général, être prises par uneseule autorité administrative.

Enfin, il semble extrêmement importantd’attirer l’attention sur le point 10 du Question-naire relatif aux nouveaux instruments, ainsilibellé : «La convention devrait-elle encouragerles Membres à se prêter une assistance […]sous forme d’entraide judiciaire et d’assistancetechnique ou d’autres formes de coopéra-tion ?…» Des réponses à cette question pour-rait résulter une autre disposition novatricepour une convention de l’OIT, disposition quin’est de toute évidence pas contenue dans laconvention no 138.

D’une façon générale, on peut dire quel’OIT a eu pour objectif de réglementer la poli-tique nationale et la législation sur les questionsdu travail par le truchement de conventions etde recommandations internationales du travail3.

En d’autres termes, des normes internationalesdu travail ont défini les besoins d’une actionnationale, quels devraient être les buts de lapolitique nationale et ce que la législation natio-nale devrait prévoir dans ses limites en ce quiconcerne, par exemple, le travail des enfants.

L’idée exprimée au point 10 du question-naire va plus loin. Si un Etat qui décide deratifier la convention, c’est-à-dire qu’il n’estpas seulement préoccupé par la situation enmatière de travail des enfants au sein de sonterritoire mais également par les formes lesplus graves qui existent n’importe où ailleursdans le monde, l’engagement deviendrait vrai-ment international. L’utilité de l’assistance et dela coopération internationale serait la plusdirecte et la plus immédiate quand un phéno-mène a une dimension internationale, tel que letrafic d’enfants ou de pornographie, le tourismeinternational impliquant la prostitution d’en-fants. Néanmoins, étant donné le fait que desmesures sociales générales et complètes sontnécessaires pour éliminer les formes les plusintolérables de travail des enfants, la coopéra-tion internationale dans divers domaines seraitd’une importance décisive pour soutenir lesefforts des gouvernements concernés, quidevraient, bien entendu, s’engager à faire deleur mieux.

Comme le reflètent les termes du question-naire, la proposition ne consiste pas à imposerune obligation financière concrète ou de n’im-porte quelle autre nature mais uniquement àencourager la coopération. L’intention n’est, parconséquent, pas d’autoriser un Etat qui décidede ratifier à demander des projets ou des res-sources de coopération technique en tant quetelles à un autre Etat qui ratifie. L’intention n’estpas non plus de pénaliser n’importe quel autrepays parce qu’il ne finance pas tel ou tel pro-gramme d’assistance technique, par exemple. Lavaleur d’une telle disposition résiderait dans lefait qu’elle démontrerait la volonté de soutenirune action internationale en étant une disposi-tion ayant uniquement un but de promotion.

Une telle déclaration d’engagement inter-national (bien qu’elle se concrétisera par laratification de la convention proposée, qui estune mesure nationale) démontrerait aussi clai-rement que la préoccupation internationale ausujet du travail des enfants n’est pas une formedéguisée de protectionnisme visant exclusive-ment les secteurs de l’exportation, mais qu’elleest fondée sur le caractère d’atrocité, qui nepeut être toléré nul part au monde.

Les mesures prises en application desfuturs instruments doivent être adoptées dans

le cadre plus général d’une politique nationalevisant l’élimination du travail des enfants.Dans le cas contraire, le risque est grand devoir s’opérer des transferts entre les formes lesplus intolérables de travail des enfants et destravaux qui, à première vue, seront «plus tolé-rables» mais qui n’en entraîneront pas moinsdes dommages quant au développement del’enfant. De tels transferts n’ayant rien d’hypo-thétique, l’élimination immédiate des formesles plus intolérables de travail des enfantsdevra être considérée comme un élémentd’une politique plus vaste visant, comme l’in-dique l’article 1 de la convention no 138, l’abo-lition effective du travail des enfants.

C’est à cette condition que les futurs instru-ments peuvent apporter une contribution àl’idée force qui sous-tend, depuis 1919, l’actionde l’OIT dans ce domaine : l’élimination dutravail des enfants. Les premières conventionsvisaient la prohibition du travail des enfantsdans certains secteurs d’activités (industrie,agriculture, commerces et services, transports,pêches, etc.) et non l’élimination du travail desenfants. Ces instruments rendent illégitimel’emploi des enfants dans des métiers et desoccupations spécifiques. Le travail des enfantsn’est pas vu dans sa globalité mais dans uncontexte particulier, celui d’un secteur d’acti-vité dans lequel s’exerce l’action de l’Etat etéventuellement celle des employeurs et destravailleurs. La convention no 138 en se réfé-rant à l’abolition effective du travail desenfants renoue avec les dispositions de l’an-cien article 41 de la Constitution. (Voir à cesujet l’article de K. Tapiola dans le mêmenuméro de cette revue, pp. 3-9). Mais dans lemême temps la convention no 138 contient éga-lement des dispositions visant à prohiber letravail des enfants dans un certain nombre desecteurs, notamment ceux qui étaient précé-demment couverts par les anciennes conven-tions sur l’âge minimum. C’est en ce sens quela convention no 138 est un instrument dyna-mique : elle vise l’élimination progressive dutravail des enfants, qu’elle tolère dans de nom-breux emplois ou secteurs d’activité, tout eninterdisant le travail des enfants en dessousd’un âge pivot dans un nombre limité de sec-teurs ainsi que dans les travaux dangereux oususceptibles de compromettre le développe-ment de l’enfant.

Les futurs instruments constituent un passupplémentaire sur la voie de l’abolition dutravail des enfants. Leur but n’est pas seule-ment d’interdire les formes les plus intolé-rables de travail des enfants, et donc de libérer

les enfants de ces situations extrêmes, maiségalement de permettre le développement desenfants et des adolescents. C’est la raison pourlaquelle les mesures à prendre pour empêcherque les enfants ne s’engagent dans une desformes de travail ou d’activités visée par lesfuturs instruments ou n’y retournent et pourleur fournir une aide directe et adaptée consti-tuent un des éléments clés de la future conven-tion. L’abolition du travail des enfants ne sedécrète pas : elle passe par l’adoption de lois, lamise en œuvre de mesures visant par exempleà assurer le droit de toute personne à l’éduca-tion (sanctionné par l’article 13 du Pacte sur lesdroits économiques, sociaux et culturels)notamment par l’instauration d’un enseigne-ment primaire obligatoire et accessible gra-tuitement pour tous. Quelles que soient lescritiques que suscitent les systèmes scolaires –et les réformes profondes dont ils doivent fairel’objet – l’école est la seule institution capablede donner aux enfants un minimum de forma-tion leur permettant de se préparer au mondedu travail et à la vie dans la société adulte.L’abolition du travail des enfants passe égale-ment par une action de lutte contre la pauvretéqui ne peut faire l’économie d’une réflexionsur la répartition des revenus dans les sociétésconsidérées. Enfin, elle ne se comprendrait passans une information de l’opinion publique demanière à éclairer sur les réalités de l’exploita-tion et du travail des enfants, ainsi que sur lesmoyens mis en œuvre pour y remédier. A côtéde ces actions globales (à l’échelle d’un Etat), ily a une place considérable pour des mesuresdiversifiées prises à différents niveaux, central,régional et local, s’adressant prioritairementaux milieux à risque et s’appuyant sur des ini-tiatives de terrain. C’est à ce niveau que lafourniture de services aux enfants (informa-tion, hygiène et santé, nutrition, soutien sco-laire, etc.) peuvent exercer le plus d’effets.

Æ

L’adoption de nouveaux instruments sur letravail des enfants constitue une des actions àprendre sans tarder pour combattre l’intolé-rable et fournit en même temps un cadre pourles huit autres actions à mener tant au plannational qu’au plan international proposéesdans le rapport du BIT sur le travail desenfants : adoption d’un programme d’actionassorti d’un calendrier, visant l’abolition dutravail des enfants ; arrêt immédiat des formesextrêmes de travail des enfant ; interdiction dutravail des enfants de moins de 12 ou 13 ans et

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protection spéciale pour les filles ; mise enœuvre de mesures de réadaptation pour sous-traire définitivement les enfants aux travauxdangereux; adoption de mesures de préven-tion ; désignation d’une autorité nationale res-ponsable ; augmentation de l’aide financièrepour combattre le travail des enfants et « fairequ’un crime contre un enfant soit partoutreconnu comme un crime ». Loin d’être unaboutissement, l’adoption de ces nouveauxinstruments doit être le point de départ d’unprogramme qui permettra, en ce début deXXIe siècle, d’éliminer le travail des enfants etleur exploitation dans une optique de déve-loppement durable.

Notes

1 BIT : Le travail des enfants – L’intolérable en point de mire,Conférence internationale du Travail, 86e session, Genève,1998, Rapport VI (1).

2 BIT : L’action normative de l’OIT à l’heure de la mondiali-sation, Conférence internationale du Travail, 85e session,Genève 1997, Rapport du Directeur général.

3 Voir Hanami T. : «Les relations professionnelles et l’ave-nir de l’OIT : des problèmes et des acteurs qui changent »,Regards sur l’avenir de la justice sociale, Mélanges à l’occasion du75e anniversaire de l’OIT, BIT, Genève, 1994.

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La convention no 138 est un instrumentdynamique. Elle est de portée générale, et nonpas sectorielle, et aborde la question de l’aboli-tion effective du travail des enfants sous tousses aspects. Ainsi, la convention no 138 jette lesbases d’une «stratégie cohérente de lutte contrele travail des enfants au niveau national»1.

Toutefois, cette convention ne propose pasun ensemble de règles établies prêtes à êtremises en application. Beaucoup d’aspects relè-vent de la décision de chacun des EtatsMembres, qu’il s’agisse de l’âge minimumgénéral, de la liste des travaux dangereux, duchamp d’application exact, etc. Cette démarchevise à conférer une certaine souplesse à l’ins-trument et requiert une attitude dynamique etdes efforts constants de la part des Etats quiont ratifié cette convention, c’est-à-dire nonseulement des pouvoirs publics mais aussi despartenaires sociaux.

La convention exige explicitement que lesorganisations d’employeurs et de travailleurssoient consultées avant que ne se prennent laplupart des décisions nationales portant appli-cation de la convention, et relatives notam-ment à la fixation de l’âge minimum général –que certains pays soient ou non exclus duchamp d’application – à la liste exacte des tra-vaux dangereux qui doivent être interdits jus-qu’à un âge plus avancé. Ainsi, les pratiquesspécifiques aux divers secteurs de chaque payspeuvent être prises en compte dans les normesnationales relatives au travail des enfants. Parailleurs, le fait que chaque question fasse l’ob-jet d’une consultation tripartite ne va pas man-quer de sensibiliser davantage les personnesintéressées au travail des enfants.

Si les syndicats ont un rôle bien définiprévu par la convention no 138, ils sont, demanière plus générale, censés participer acti-vement à la fixation des normes de l’OIT et àleur application. En effet, les syndicats ou leursdélégués peuvent engager des procéduresconstitutionnelles de plaintes et réclamations

dans des cas extrêmes de non-respect desdispositions. Avant d’en arriver à une telleextrémité, la commission d’experts s’efforced’accorder la plus grande attention aux obser-vations adressées par les organisations d’em-ployeurs et de travailleurs sur l’application desconventions ratifiées. Ce rôle est d’autant plusimportant, pour une question comme le travaildes enfants, qu’il y a un fossé entre les disposi-tions législatives théoriques et leur pleineapplication pratique.

Malheureusement, les syndicats n’ont eu,jusqu’à présent, que peu l’occasion de formulerdes commentaires au sujet de l’application desconventions sur le travail des enfants, à l’excep-tion des cas de travail forcé relevant de laconvention no 29 et mettant en cause des enfantsparmi d’autres. Si le pays en question n’a pasratifié la convention no 138, les syndicats peu-vent encore invoquer d’autres conventions rati-fiées qui ont trait au travail des enfants, commeles premières conventions sur l’âge minimumdans certains secteurs en particulier. Ils peuventégalement se réclamer de la convention no 81sur l’inspection du travail s’ils constatent que lalégislation du travail en vigueur sur les enfantset les jeunes travailleurs n’est pas mise en appli-cation. La convention no 117 sur la politiquesociale (objectifs et normes de base), comporteégalement des dispositions spécifiant que leslois ou les règlements nationaux doivent fixerl’âge de fin de scolarité ainsi que l’âge mini-mum d’admission à l’emploi. Il n’y a doncqu’un très petit nombre d’Etats Membres del’OIT, et notamment des tout jeunes membres,qui n’ont ratifié aucune convention ayant unrapport avec le travail des enfants.

Il est également important que les syndi-cats participent activement et pleinement àl’élaboration des nouveaux instruments sur letravail des enfants, en 1998-99. Toutefois, enattendant l’adoption de nouvelles normes, ilspeuvent fort bien s’efforcer de tirer le meilleurparti des conventions existantes. Les nouveaux

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La convention (n° 138) concernant l’âge minimumd’admission à l’emploi, 1973, et le rôle des syndicats

Yoshie NoguchiSection des conditions générales de travail

Service de l’application des normesBIT

Texte de la convention

Article 1Tout Membre pour lequel la présente

convention est en vigueur s’engage à pour-suivre une politique nationale visant à assurerl’abolition effective du travail des enfants et àélever progressivement l’âge minimum d’ad-mission à l’emploi ou au travail à un niveaupermettant aux adolescents d’atteindre le pluscomplet développement physique et mental.

Article 21. Tout Membre qui ratifie la présente

convention devra spécifier dans une déclara-tion annexée à sa ratification, un âge minimumd’admission à l’emploi ou au travail sur sonterritoire et dans les moyens de transportimmatriculés sur son territoire ; sous réservedes dispositions des articles 4 à 8 de la pré-sente convention aucune personne d’un âgeinférieur à ce minimum ne devra être admise àl’emploi ou au travail dans une professionquelconque.

2. Tout Membre ayant ratifié la présenteconvention pourra, par la suite, informer leDirecteur général du Bureau international duTravail, par de nouvelles déclarations, qu’ilrelève l’âge minimum spécifié précédemment.

3. L’âge minimum spécifié conformémentau paragraphe 1 du présent article ne devrapas être inférieur à l’âge auquel cesse la scola-rité obligatoire, ni en tout cas à 15 ans.

4. Nonobstant les dispositions du para-graphe 3 du présent article tout Membre dontl’économie et les institutions scolaires ne sontpas suffisamment développées pourra, aprèsconsultation des organisations d’employeurset de travailleurs intéressées, s’il en existe, spé-cifier, en une première étape, un âge minimumde 14 ans.

Notes

Article 1Les principaux engagements d’un Etat qui

ratifie la convention no 138 consistent à :1) poursuivre une politique nationale visant à

assurer l’abolition effective du travail desenfants ;

2) élever progressivement l’âge minimum d’ad-mission à l’emploi.

Article 2Spécification d’un âge minimum général

pour tout membre qui ratifie la conventionno 138 (cet âge peut être relevé ultérieurement,mais jamais abaissé) :– l’âge minimum ne devrait pas être inférieur à

l’âge auquel cesse la scolarité obligatoire; et– il ne devrait pas être inférieur à 15 ans.

Clause de souplesse pour les pays en déve-loppement (paragr. 4) :– l’âge minimum général peut être de 14 ans,

dans une première étape;– Il est impératif de consulter les organisations

d’employeurs et de travailleurs avant derecourir à cette clause;

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instruments ne vont pas refondre la conven-tion no 138, mais la compléter. La conventionno 138 restera un instrument-cadre dans lalutte contre le travail des enfants.

Ce document a pour but de mettre enlumière le rôle que les syndicats sont supposésjouer dans l’application de la convention no 138.L’auteur a souligné certains aspects du texte dela convention qui lui paraissaient importants.La note qui s’inscrit à droite vise à paraphraser

le contenu des articles pour en faciliter la réfé-rence ; lorsque l’on souhaite avoir la significa-tion stricto sensu de la convention, il convientalors de se reporter au texte original.

Note

1 BIT : Travail des enfants : L’intolérable en point de mire,Conférence internationale du travail, 86e session, Genève,1998, rapport IV (1), p. 120.)

5. Tout Membre qui aura spécifié un âgeminimum de 14 ans en vertu du paragrapheprécédent devra, dans les rapports qu’il esttenu de présenter au titre de l’article 22 de laConstitution de l’Organisation internationaledu Travail, déclarer :a) soit que le motif de sa décision persiste ;b) soit qu’il renonce à se prévaloir du para-

graphe 4 ci-dessus à partir d’une datedéterminée.

Article 31. L’âge minimum d’admission à tout type

d’emploi ou de travail qui, par sa nature ou lesconditions dans lesquelles il s’exerce, est sus-ceptible de compromettre la santé, la sécuritéou la moralité des adolescents ne devra pasêtre inférieur à 18 ans.

2. Les types d’emploi ou de travail visés auparagraphe 1 ci-dessus seront déterminés parla législation nationale ou l’autorité compé-tente, après consultation des organisationsd’employeurs et de travailleurs intéressées, s’ilen existe.

3. Nonobstant les dispositions du para-graphe 1 ci-dessus, la législation nationale oul’autorité compétente pourra, après consulta-tion des organisations d’employeurs et de tra-vailleurs intéressées, s’il en existe, autoriserl’emploi ou le travail d’adolescents dès l’âge de16 ans à condition que leur santé leur sécurité etleur moralité soient pleinement garanties etqu’ils aient reçu, dans la branche d’activité cor-respondante, une instruction spécifique et adé-quate ou une formation professionnelle.

Article 41. Pour autant que cela soit nécessaire et

après avoir consulté les organisations d’em-ployeurs et de travailleurs intéressées, s’il enexiste, l’autorité compétente pourra ne pasappliquer la présente convention à des catégo-ries limitées d’emploi ou de travail lorsquel’application de la présente convention à cescatégories soulèverait des difficultés d’exécu-tion spéciales et importantes.

2. Tout Membre qui ratifie la présenteconvention devra, dans le premier rapport surl’application de celle-ci qu’il est tenu de présen-ter au titre de l’article 22 de la Constitution del’Organisation internationale du Travail, indi-

– les pays qui ont choisi de recourir à cetteclause doivent continuer d’informer leDirecteur général du BIT (aux termes del’art. 2.2), que le motif de leur décision per-siste ou non (paragr. 5).

Article 3– Obligation, pour tout type d’emploi ou de tra-

vail dangereux, de fixer un âge minimumsupérieur, qui ne soit pas inférieur à 18 ans;

– la détermination exacte des types d’emploiou de travail dangereux qu’il convient d’in-terdire relève d’une décision nationale ;

– il est impératif de consulter les organisationsd’employeurs et de travailleurs avant dedéterminer la liste des travaux dangereux;

– l’absence d’une telle liste signifie que l’EtatMembre n’a pas satisfait à son obligation,au terme de la convention.

Exception (non dépendante du niveau dedéveloppement du pays et sous réserve quel’Etat satisfasse à des conditions strictes enmatière de protection et de formation) :– l’âge minimum est fixé dès 16 ans ;– il est impératif de consulter les organisations

d’employeurs et de travailleurs avant derecourir à cette clause de souplesse ;

– il faut satisfaire à certaines conditions: 1) lasanté, la sécurité et la moralité des jeunesdoivent être pleinement garanties, et 2) ilsauront reçu une instruction spécifique etadéquate ou une formation professionnelle.

Article 4(Clause de souplesse.)

Possibilité d’exclure des catégories limitées detravailleurs du champ d’application de la pré-sente convention si celle-ci soulève des diffi-cultés d’exécution:– il est impératif de consulter les organisations

d’employeurs et de travailleurs avant derecourir à cette clause de souplesse ;

– la liste des catégories d’emploi qui font l’objetd’une exclusion doit figurer dans le premierrapport sur l’application de la convention,avec motifs à l’appui (les exceptions ne peu-vent être ajoutées ultérieurement);

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quer, avec motifs à l’appui, les catégories d’em-ploi qui auraient été l’objet d’une exclusion autitre du paragraphe 1 du présent article, et expo-ser dans ses rapports ultérieurs, l’état de sa légis-lation et de sa pratique quant à ces catégories, enprécisant dans quelle mesure il a été donné effetou il est proposé de donner effet à la présenteconvention à l’égard desdites catégories.

3. Le présent article n’autorise pas à excluredu champ d’application de la présente conven-tion les emplois ou travaux visés à l’article 3.

Article 51. Tout Membre dont l’économie et les ser-

vices administratifs n’ont pas atteint un déve-loppement suffisant pourra, après consultationdes organisations d’employeurs et de tra-vailleurs intéressées, s’il en existe, limiter, enune première étape, le champ d’application dela présente convention.

2. Tout Membre qui se prévaut du para-graphe 1 du présent article devra spécifier,dans une déclaration annexée à sa ratification,les branches d’activité économique ou lestypes d’entreprises auxquels s’appliqueront lesdispositions de la présente convention.

3. Le champ d’application de la présenteconvention devra comprendre au moins : lesindustries extractives; les industries manufac-turières ; le bâtiment et les travaux publics ;l’électricité, le gaz et l’eau; les services sani-taires ; les transports, entrepôts et communica-tions ; les plantations et autres entreprisesagricoles exploitées principalement à des finscommerciales, à l’exclusion des entreprisesfamiliales ou de petites dimensions produisantpour le marché local et n’employant pas régu-lièrement des travailleurs salariés.

4. Tout Membre ayant limité le champd’application de la convention en vertu duprésent article :a) devra indiquer, dans les rapports qu’il est

tenu de présenter au titre de l’article 22 dela Constitution de l’Organisation interna-tionale du Travail, la situation générale del’emploi ou du travail des adolescents etdes enfants dans les branches d’activité quisont exclues du champ d’application de laprésente convention ainsi que tout progrèsréalisé en vue d’une plus large applicationdes dispositions de la convention;

b) pourra, en tout temps, étendre le champd’application de la convention par unedéclaration adressée au Directeur généraldu Bureau international du Travail.

– les emplois ou travaux dangereux visés àl’article 3 ne peuvent être exclus du champd’application de la convention.

Article 5(Clause de souplesse pour les pays en déve-loppement.)

Possibilité de limiter, dans une premièreétape, le champ d’application de la convention:– il est impératif de consulter les organisations

d’employeurs et de travailleurs avant derecourir à cette clause de souplesse ;

– tout membre qui se prévaut de cette clausedevra le faire au moment de la ratification,et ne pourra s’en prévaloir ultérieurement ;

– l’exclusion concerne les branches d’activitééconomique (secteurs économiques) ou lestypes d’entreprise ;

– plusieurs secteurs ne peuvent être exclusdu champ d’application de la convention:les industries extractives ;les industries manufacturières ;le bâtiment et les travaux publics ;l’électricité, le gaz et l’eau;les services sanitaires ;les transports, entrepôts et communica-tions, et les plantations et autres entreprisesagricoles exploitées principalement à desfins commerciales, à l’exclusion des entre-prises familiales ou de petites dimensionsproduisant pour le marché local et n’em-ployant pas régulièrement des travailleurssalariés.

– Des rapports réguliers devront être présen-tés à l’OIT, même sur les situations envigueur dans les secteurs faisant l’objet del’exclusion.

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Article 6La présente convention ne s’applique ni au

travail effectué par des enfants ou des adoles-cents dans des établissements d’enseignementgénéral, dans des écoles professionnelles outechniques ou dans d’autres institutions de for-mation professionnelle, ni au travail effectué pardes personnes d’au moins 14 ans dans des entre-prises, lorsque ce travail est accompli conformé-ment aux conditions prescrites par l’autoritécompétente après consultation des organisationsd’employeurs et de travailleurs intéressées, s’ilen existe, et qu’il fait partie intégrante:a) soit d’un enseignement ou d’une formation

professionnelle dont la responsabilitéincombe au premier chef à une école ou àun institution de formation professionnelle ;

b) soit d’un programme de formation profes-sionnelle approuvé par l’autorité compétenteet exécuté principalement ou entièrementdans une entreprise;

c) soit d’un programme d’orientation destinéà faciliter le choix d’une profession ou d’untype de formation professionnelle.

Article 71. La législation nationale pourra autoriser

l’emploi à des travaux légers des personnes de13 à 15 ans ou l’exécution, par ces personnes,de tels travaux, à condition que ceux-ci :a) ne soient pas susceptibles de porter préju-

dice à leur santé ou à leur développement;b) ne soient pas de nature à porter préjudice à

leur assiduité scolaire, à leur participation àdes programmes d’orientation ou de for-mation professionnelles approuvés parl’autorité compétente ou à leur aptitude àbénéficier de l’instruction reçue.2. La législation nationale pourra aussi,

sous réserve des conditions prévues aux ali-néas a) et b) du paragraphe 1 ci-dessus autori-ser l’emploi ou le travail des personnes d’aumoins 15 ans qui n’ont pas encore terminé leurscolarité obligatoire.

3. L’autorité compétente déterminera lesactivités dans lesquelles l’emploi ou le travailpourra être autorisé conformément aux para-graphes 1 et 2 du présent article et prescrira ladurée, en heures, et les conditions de l’emploiou du travail dont il s’agit.

Article 6(Exception concernant le travail effectué dansle cadre de l’enseignement général et de la forma-tion professionnelle.)

La convention ne s’applique pas au travaileffectué dans:i) des établissements scolaires (d’enseignement

général, professionnel ou technique) oudans d’autres institutions de formation pro-fessionnelle, ou

ii) des entreprises (apprentissage) par des personnesd’au moins 14 ans, lorsque ce travail est:– accompli conformément aux conditions

prescrites par l’autorité compétente aprèsconsultation des organisations d’em-ployeurs et de travailleurs intéressées; et

– qu’il fait partie intégrante: a) d’un ensei-gnement ou d’une formation profession-nelle ; b) d’un programme de type«apprentissage» en entreprise, approuvépar l’autorité compétente, ou c) d’un pro-gramme d’orientation professionnelle.

Article 7(Exception à l’âge minimum général concer-nant les travaux légers.)

Les travaux légers ne doivent pas :a) porter préjudice à la santé ou au développement

de l’enfant ; nib) porter préjudice à leur éducation ou à leur for-

mation (non seulement en terme d’assiduitéscolaire, mais aussi d’aptitude à bénéficierde l’instruction reçue).La législation nationale pourra autoriser le

travail :– des personnes âgées de 13 à 15 ans (12 à 14

ans pour les pays en développement qui ontfixé à 14 ans l’âge général minimum)

– des personnes d’au moins 15 ans qui n’ontpas encore terminé leur scolarité obligatoire.

L’autorité compétente devra déterminer lesactivités autorisées dans le cadre des travauxlégers, et devra prescrire la durée, en heures, etles conditions de travail.

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4. Nonobstant les dispositions des para-graphes 1 et 2 du présent article, un Membrequi a fait usage des dispositions du para-graphe 4 de l’article 2 peut, tant qu’il s’en pré-vaut, substituer les âges de 12 et 14 ans auxâges de 13 et 15 ans indiqués au paragraphe 1et l’âge de 14 ans à l’âge de 15 ans indiqué auparagraphe 2 du présent article.

Article 81. Après consultation des organisations

d’employeurs et de travailleurs intéressées, s’ilen existe, l’autorité compétente pourra, endérogation à l’interdiction d’emploi ou de tra-vail prévue à l’article 2 de la présente conven-tion, autoriser, dans des cas individuels, laparticipation à des activités telles que des spec-tacles artistiques.

2. Les autorisations ainsi accordéesdevront limiter la durée en heures de l’emploiou du travail autorisés et en prescrire lesconditions.

Article 9l. L’autorité compétente devra prendre

toutes les mesures nécessaires, y compris dessanctions appropriées, en vue d’assurer l’ap-plication effective des dispositions de la pré-sente convention.

2. La législation nationale ou l’autoritécompétente devra déterminer les personnestenues de respecter les dispositions donnanteffet à la convention.

3. La législation nationale ou l’autoritécompétente devra prescrire les registres ouautres documents que l’employeur devra teniret conserver à disposition ; ces registres oudocuments devront indiquer le nom et l’âge oula date de naissance, dûment attestés dans lamesure du possible, des personnes occupéespar lui ou travaillant pour lui et dont l’âge estinférieur à 18 ans.

Article 8(Exceptions concernant les spectacles artistiques.)

L’autorité compétente pourra, en déroga-tion aux dispositions relatives à l’âge mini-mum d’admission à l’emploi, autoriser, dansdes cas individuels, la participation à des spec-tacles artistisques.– il est impératif de consulter les organisations

d’employeurs et de travailleurs avant derecourir à cette clause de souplesse ;

– les autorisations ainsi accordées indiquentla durée maximale en heures de l’emploi etles conditions de travail.

Article 9L’autorité compétente devra prendre toutes

les mesures nécessaires en vue d’assurer l’appli-cation effective des dispositions de la présenteconvention, et notamment :– prévoir des sanctions appropriées;– déterminer les personnes tenues de respec-

ter les dispositions donnant effet à laconvention;

– prescrire les registres que l’employeur devratenir pour les personnes occupées par luiou travaillant pour lui et dont l’âge est infé-rieur à 18 ans.

23

E. O. – Il y a quelques années, les codes deconduite n’existaient encore que sous une formethéorique. Vous me dites qu’ils se comptent aujour-d’hui par centaines. N’est-ce pas inattendu ? Pen-siez-vous que tout irait si vite ?

N. K. – Personne ne s’attendait à une évolu-tion aussi rapide. Tout d’abord, il faut s’interro-ger sur le pourquoi de ces codes et du « labelsocial». Les deux phénomènes reflètent l’échecdes gouvernements à réfréner les violations desdroits des travailleurs. Ce sont aussi des ripostesaux efforts de ceux qui cherchent à limiter lacapacité de l’OIT de combattre l’exploitationdes travailleurs dans le monde. Dans de nom-breuses régions du globe, l’exploitation estdevenue incontrôlable, du fait de la mondia-lisation. Mais le phénomène s’accompagne,heureusement, d’une révolution de la commu-nication. Ce qui se passe aujourd’hui en Répu-blique dominicaine, en Corée ou au Viet Namapparaît souvent sur nos écrans de télévision lesoir même. Et l’exploitation, en particulier celledes enfants, fait partie de l’actualité dont lesmédias sont friands. Partout dans le monde, lepublic – et donc, les consommateurs – sont deplus en plus informés des événements etposent beaucoup plus de questions qu’autre-fois. Et ils sont loin d’être satisfaits.

E. O. – Quels sont, à ce stade, les progrès réali-sés quant au contenu et à la mise en œuvre descodes de conduite ?

N. K. – Il y a dix-huit mois encore, le débatétait centré sur le contenu des codes deconduite car chacun pensait qu’il faudrait des

années pour convaincre les entreprises, en par-ticulier les multinationales, de les adopter. J’aipar exemple été invité en 1995 à intervenir enItalie dans une conférence sur les codes deconduite. A cette époque, je pensais que nousavions assez parlé du contenu, et qu’il étaittemps de passer aux étapes suivantes : com-ment faire appliquer ces codes et veiller à cequ’ils soient respectés par les entreprises.

Il n’y a pas deux ans, je cherchais en vaindu matériel de référence détaillé sur la mise enœuvre et la surveillance des codes de conduite.Les seuls documents disponibles portaient surle contenu. Puis, en l’espace d’une année, detrès nombreuses entreprises dans le monde ontadopté des codes de conduite. Ceux-ci ont éténégociés au niveau international. Différentesorganisations ont élaboré des « codes deconduite type». C’est à présent seulement quenous commençons à disposer des premiers tra-vaux sur les codes de conduite.

E. O. – Le phénomène n’est-il pas dû en grandepartie à l’indignation du public et à son engage-ment à combattre le travail des enfants ?

N. K. – Il y a eu, hélas, l’assassinat d’IqbalMasi, un jeune garçon de 12 ans qui faisait cam-pagne contre le travail des enfants au Pakistan.Il a laissé sa vie dans ce combat, mais il n’est pasmort pour rien, car ce drame a brutalementrévélé au monde les horreurs du travail desenfants, l’ampleur de l’exploitation et jusqu’oùsont prêts à aller ceux qui tirent profit du travaildes enfants pour perpétuer le système. Le nomd’Iqbal Masi s’effacera peut-être au fil dutemps. Mais ce meurtre a déclenché une révolu-

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Neil Kearney parle des codes de conduiteet de leur portée dans la société

Neil KearneySecrétaire général

FITTHC

Sous la pression des initiatives concertées aux fins d’arrêter la progression du travail des enfants dans lemonde, les entreprises ont fini par adopter des codes de conduite. Il y a un an à peine, ces codes se comptaientsur les doigts de la main. Mais aujourd’hui, ils foisonnent, sous l’effet d’une dynamique née d’une série deconférences internationales sur le travail des enfants, depuis deux ans, et grâce au soutien des médias. Dansl’interview ci-dessous, Neil Kearney, secrétaire général de la Fédération internationale des travailleurs dutextile, de l’habillement et du cuir (FITTHC) nous fait part de ses commentaires sur la mise en œuvre et lesconséquences de ces codes. Un recueil de textes tirés de ceux-ci figure également aux pages 33 à 36.

tion colossale, qui se répand de par le monde.Le travail des enfants est à présent un thèmecentral de l’agenda politique de toutes lesinstitutions internationales. Toutefois, la sen-sibilisation va bien au-delà : lorsque les genscommencent à approfondir la question du tra-vail des enfants, ils en viennent à constater quele travail des enfants n’est pas un phénomèneisolé. Il va de pair avec les autres abus et viola-tions des droits de l’homme et des droits destravailleurs, à commencer par le déni de laliberté syndicale, du droit d’adhérer à un syndi-cat et de négocier avec l’employeur. Cette viola-tion des droits fondamentaux des travailleurss’accompagne de multiples autres abus: travailforcé, travail des enfants, discrimination, condi-tions de travail malsaines et dangereuses.

Le problème est donc en cours de matura-tion dans l’esprit du public, et pas seulementdans le monde industrialisé. En Asie, desfamilles ordinaires dont les enfants tra-vaillaient critiquent maintenant cette pratique.Les parents se demandent quel avenir aurontleurs enfants s’ils sont soumis à la mêmeexploitation qu’eux.

E. O. – Pourriez-vous préciser ? Pouvez-vousciter des pays, des lieux ou des travailleurs ?

N. K. – La FITTHC a lancé un programmedans six pays d’Asie : le Bangladesh, l’Inde, leNépal, le Pakistan, les Philippines et la Thaï-lande. Ce programme s’adresse aux simplessyndicalistes et vise à les sensibiliser aux consé-quences du travail des enfants et à la manièredont il perpétue la pauvreté. Nous avons étésurpris par les réactions des gens lorsqu’ilscommencent à réfléchir à la question. La pre-mière réaction est celle-ci : «Eh bien, nos enfantsdoivent travailler, c’est notre seul moyen de lesnourrir.» Puis ils poursuivent : «Mais d’unautre côté, si les adultes de notre famille pou-vaient travailler, si nous avions tous un emploi,nos enfants ne devraient pas travailler.» Et ilsajoutent : «Et comme ils travaillent, ils n’ont nile temps ni la possibilité de se développer. Aleur tour, ils vont se trouver comme nous dansune situation où ils enverront leurs enfants autravail.» Ce sont désormais des réactions cou-rantes chez les travailleurs des Philippines, del’Inde et même du Pakistan.

E. O. – Mais de ce fait, il incombe une responsa-bilité sociale à la personne en charge d’un tel projet.Si vous dites aux gens de ne plus envoyer leursenfants au travail, quelle est l’alternative ? Et quipeut en offrir une ?

N. K. – Il ne suffit pas de lancer un slogan dugenre: «Arrêtez le travail des enfants.» Le pro-blème doit être approché de manière exhaus-tive. Les enfants doivent être soustraits à lapopulation active. Ils doivent suivre uneréadaptation et être scolarisés. Les familles doi-vent pour cela se voir assurer un revenu suffi-sant. Par quoi commençons-nous ? En premierlieu, il faut faire cesser l’embauche de nouveauxenfants. Puis il s’agit de retirer de la main-d’œuvre les enfants de moins de 12 ou 13 ans,de les réinsérer et de les scolariser, et de les rem-placer au travail par des adultes de la mêmefamille. Cela n’est pas impossible, car dans pra-tiquement toutes ces familles – des familles élar-gies – il existe des adultes sans emploi. Lesmilitants qui font campagne contre le travaildes enfants en Inde nous disent que l’on comptedans ce pays 55 millions d’enfants travailleurs,mais que dans les mêmes régions, on recenseaussi 55 millions d’adultes sans emploi.

Il convient aussi de souligner qu’en déve-loppant la prise de conscience des citoyens ordi-naires et des parents d’enfants travailleurs,nous pouvons peut-être – et je crois que nousdevons – commencer par intensifier les pres-sions sur les gouvernements, en leur deman-dant de se soucier davantage des ressourcesqu’ils affectent à l’éducation. En effet, l’un desplus grands problèmes de certains pays affligésd’un taux élevé de travail des enfants résidedans l’absence d’une scolarité de base adéquate.

Certains gouvernements disent: «Nous nepouvons pas nous le permettre.» Parfois, c’estmalheureusement vrai et dans ce cas, une aideinternationale bien ciblée est nécessaire.D’autres gouvernements ne méritent pasautant de compréhension. Lorsque je vois despays consacrer 47 pour cent du budget de l’Etatà une prétendue défense nationale, et 3 pourcent en tout et pour tout à la santé et à l’éduca-tion réunies, je commence à me poser desquestions. Ne serait-il pas possible d’inversercette proportion – 47 pour cent à l’éducationet à la santé, et 3 pour cent aux armements ?Cela pourrait apporter des changementsconsidérables.

Dans d’autres pays en développement,comme le Népal, le budget national n’est pasaussi déséquilibré. Le Népal a déployé uneffort de grande envergure pour soustraire lesenfants à l’industrie du tapis, et entend releverl’âge de la scolarité obligatoire à 16 ans. Maisune telle initiative requiert des ressourcesconsidérables. Le Népal est un bon exemple depays méritant l’aide la communauté interna-tionale, cela à deux égards : il a tout d’abord

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besoin d’une aide pour développer une bonneinfrastructure scolaire ; ensuite, nous avons ledevoir d’encourager les grands détaillants detapis du monde à acheter leurs tapis auprèsdes producteurs népalais qui ont cessé d’em-ployer des enfants et ont ainsi accompli leurmission. Le secrétariat professionnel interna-tional que je représente s’est par exempleentretenu avec le responsable des achats d’ungrand groupe commercial qui, écœuré par l’ex-ploitation des enfants du Népal, avait cessétout commerce avec ce pays. Nous lui avonsdit : «Vous devriez retourner au Népal et voiroù en est la situation. Peut-être pourriez-vousrenouer vos contacts commerciaux là-bas. »Une telle action serait bénéfique non seule-ment à l’économie népalaise, mais aussi àl’éradication du travail des enfants. Laditeentreprise a repris ses commandes au Népal,en payant les tapis plus cher qu’auparavant,car ceux-ci, maintenant tissés par des adultes,sont de meilleure qualité.

L. E. – Les enfants aux doigts agiles ne sontdonc plus nécessaires ?

N. K. – L’agilité des doigts enfantins étaitun prétexte. Par exemple, le Népal ne vendaitpas de tapis sur le marché japonais car leurqualité n’était pas suffisante : les jeunes enfantsn’ont pas suffisamment de force dans lesdoigts pour nouer les fils très serrés, ce qui faitla qualité d’un bon tapis.

E. O. – Etes-vous convaincu que les codes deconduite seront efficaces pour l’abolition du travaildes enfants ?

N. K. – Les codes de conduite sont un élé-ment de la solution, et s’appuient sur le pou-voir des consommateurs. L’horreur desconsommateurs face au travail des enfants aaiguisé l’intérêt des médias. Aujourd’hui, auxEtats-Unis, il est presque impossible de resterdeux heures devant la télévision sans voir desémissions sur le travail des enfants, l’exploita-tion des travailleurs, ou les ateliers de travailintensif. Le phénomène recèle des consé-quences de vaste portée. Selon des recherchesmenées récemment par la Stern School of Busi-ness, à l’Université de New York, 30 pour centde la valeur actionnaire d’une entreprise résidedans sa renommée. Si ces résultats sont exacts,ils expliquent pourquoi certaines grandesentreprises – de production, de vente en grosou de détail – se sont empressées d’adopter uncode de conduite. Nous avons toujours pensé

que leur premier souci était de ne pas perdreleurs parts de marché à cause d’une mauvaisepublicité. Or ces résultats tendraient à montrerque leur premier souci est désormais la pertede valeur en bourse des actions de la société.Ce changement donne aussi aux syndicats denouvelles armes pour lutter contre l’exploita-tion. A présent, environ 60 pour cent des fluxde capitaux sur les marchés boursiers dumonde proviennent de fonds institutionnels –fonds de pension, etc. C’est donc, en grandepartie, l’argent des travailleurs. Dans de nom-breux pays, les syndicats peuvent avoir uneinfluence considérable sur les fonds de pen-sion. Auparavant, les gestionnaires des fondsde pension cherchaient à arranger tout lemonde, se disant soucieux de moralité dans lesinvestissements, mais se cachant derrière leurresponsabilité juridique pour accroître au maxi-mum le rendement en faveur des membres. Si30 pour cent de la valeur des actions d’unesociété se fonde sur sa réputation, et si l’exploi-tation des travailleurs peut compromettre sarenommée, alors les gestionnaires des fonds depension ont une nouvelle raison de rechercherla moralité dans les investissements.

E. O. – A regarder le code de conduite adoptépar la Commission présidentielle des Etats-Unis,on constate qu’il s’agit non seulement d’un docu-ment très substantiel mais qu’il propose un impres-sionnant appareil de mise en application et desurveillance. Ce code fut-il facile à négocier, et cetappareil sophistiqué de mise en application est-ilréaliste ?

N. K. – Considérons tout d’abord le sujetdans les grandes lignes. Le contenu des codesde conduite est très important, de même que lamanière dont ils sont rédigés. Les syndicatspensent que tous les codes doivent reprendreles domaines couverts par les conventions fon-damentales de l’OIT: liberté syndicale, droit denégocier collectivement, absence de travailforcé, de travail des enfants et de discrimina-tion. Mais les codes doivent aller plus loin etexiger une rémunération convenable du tra-vail. Evidemment, un code ne peut spécifierles montants des salaires, mais il doit fairemention d’un salaire propre à assurer l’exis-tence du travailleur, et non pas seulement sasurvie : un salaire qui lui permette de vivredans un confort suffisant et de constituer unepetite réserve de revenu disponible. C’est bienentendu l’un des points les plus difficiles ànégocier. Les codes de conduite doivent aussiréglementer la durée du travail.

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Le code élaboré par la Commission prési-dentielle des Etats-Unis contient des élémentsimportants. La manière d’énoncer ce contenuest également essentielle. Le code doit êtreclair, pour deux raisons: tout d’abord, les tra-vailleurs auxquels il s’adresse doivent pou-voir le comprendre facilement. Vous pouvezrédiger des codes en jargon juridique, et per-sonne, pas même les juristes, ne pourront lessaisir. Deuxièmement, le message doit êtredirect et sans ambiguïté afin de pouvoir êtreanalysé et interprété. De fait, le processus desurveillance est un audit de l’application ducode. Là encore, tout point évoqué doit êtrerédigé de manière à pouvoir être analysé etinterprété.

E. O. – Et le code doit être traduit dans diffé-rentes langues ?

N. K. – C’est la troisième raison pourlaquelle il doit être clair.

E. O. – Qui sera responsable de leur application ?

N. K. – Les entreprises concernées. Lescodes n’ont un sens que lorsqu’ils sont appli-qués. Nombre de codes ont aujourd’hui étéadoptés à des fins de relations publiques. Maisils ne servent rien ni personne, pas plus les tra-vailleurs exploités que l’entreprise qui adoptele code. Au contraire, l’entreprise risque d’êtreencore plus critiquée. Le public réagit endisant : «Ah, vous avez un code de conduitemais vous ne l’appliquez pas. C’est de l’impos-ture !» Les entreprises qui adoptent des codesde conduite doivent admettre qu’un code n’estpas une combinaison de cosmonaute que l’onenfile pour se protéger de l’atmosphère exté-rieure. Dans ce cas, il ne peut qu’attirer des cri-tiques. Levi Strauss fut l’une des premièresentreprises à adopter un code de conduite –excellent, d’ailleurs. La société a également faitdes efforts pour l’appliquer. Par exemple, elle asuspendu sa production en provenance deMyanmar. Elle a annoncé publiquement qu’ellene commercerait plus avec la Chine. Quand onsait que la Chine représente deux pour cent dela production totale de Levi, on comprend quece fut une grave décision. En même temps, il nese passe pas un mois sans que Levi soit criti-quée. Ces attaques sont inévitables, les codesagissent comme un conducteur de la foudre. Ilsattirent l’attention. Cela signifie que l’entreprisedoit être sensible aux critiques et essayer decanaliser la foudre. C’est l’un des avantages ducode de conduite.

E. O. – Vous dites donc que les codes deconduite sont réellement une forme institutionnali-sée de responsabilité sociale ?

N. K. – A bien des égards, l’exigence de res-ponsabilité sociale de la part des entreprisesévolue dans le même sens que l’exigence deresponsabilité financière. Autrefois, les entre-prises n’étaient pas tenues de présenter descomptes. Elles faisaient ce qu’elles voulaient.Mais elles sont allées tellement loin dans lesexcès financiers que la pression du public aexigé des règles comptables adéquates. Puisest venue l’exigence d’application et de sur-veillance de ces règles. Aujourd’hui les entre-prises s’acquittent de leurs obligations dans ledomaine financier en adoptant des règlements.Elle emploient des comptables chargés de lesappliquer et de les mettre en œuvre. Elles sur-veillent elles-mêmes le respect des règlementscomptables par un audit interne puis soumet-tent leurs comptes à un audit externe effectuépar des commissaires aux comptes.

Les syndicats du textile en sont venus à laconclusion que la dimension sociale de la pro-duction exigeait le même type d’approche.

E. O. – Les systèmes de surveillance sont sou-vent inefficaces : des rapports de routine sontenvoyés chaque année, mais aucune améliorationnotable n’intervient. Comment pouvez-vous êtresûr que l’application de ces codes sera plus efficace-ment surveillée que celle d’un autre instrument,par exemple, un instrument de l’OIT ?

N. K. – C’est la question qui pouvait seposer dans le domaine de la comptabilité, etqui a d’ailleurs dû se poser, au début. Puis desnormes ont été adoptées, de même qu’uneméthodologie professionnelle, et les vérifica-teurs des comptes ont été accrédités. Le sys-tème de vérification des comptes fonctionnerelativement bien car si un cabinet d’auditcommet une erreur grave, il perd sa crédibilité,sa réputation et ses clients. Je peux concevoirqu’il en soit de même avec la dimensionsociale de la production.

E. O. – Certains codes contiennent des normesde l’OIT. Est-ce une tendance générale ? Commentles normes de l’OIT sont-elles incorporées à cescodes de conduite ?

N. K. – Les codes de conduite initiaux ne seréféraient ni ne s’inspiraient vraiment desnormes de l’OIT. Mais lorsque les syndicats ontété davantage impliqués dans les négociations

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et dans la rédaction des codes, la portée deceux-ci s’est élargie. Evidemment, il n’était pasfacile de trouver les mots justes pour traiter depoints tels que la liberté syndicale ou le travaildes enfants. Les conventions de l’OIT offrent lasolution. Quel meilleur libellé pour la libertésyndicale ou les négociations collectives, quecelui des conventions de l’OIT no 87 et no 98, dela convention no 138 sur le travail des enfantsou de la convention no 135 sur le droit à lareprésentation syndicale ? C’est l’une des rai-sons pour lesquelles un certain nombre de pro-jets de codes actuellement recommandés sefondent sur les conventions fondamentales del’OIT. A bien des égards, l’ensemble de l’exer-cice aurait probablement dû être lancé etconduit par l’OIT !

E. O. – Je constate que le Code de Milan se réfèreaussi aux conventions fondamentales de l’OIT.Quelles étaient les parties à la négociation ?

N. K. – Le Code de Milan est l’exemple d’uncode adopté entre syndicats et producteursmanufacturiers. Les syndicats ont toujoursinsisté pour faire inclure les normes de l’OITdans ce code en raison de la précision de leurlibellé. Les personnes chargées de la sur-veillance de ces codes – vérificateurs profes-sionnels, ou peut-être «vérificateurs sociaux»,comme on pourrait convenir de les appeler –insistent pour que le libellé soit clair. Malheu-reusement, lorsque les parties en négociation seheurtent à des difficultés de rédaction, ellesessaient parfois de contourner l’obstacle en uti-lisant un mot «passe-partout». Les vérifica-teurs sociaux ne peuvent accepter les mots«passe-partout» car ces mots sont invérifiables.Ils peuvent avoir n’importe quel sens.

E. O. – Il est évident que cette nouvelle phased’évolution et d’attentes sociales survient dansdes circonstances très difficiles pour les tra-vailleurs, dont la situation ne peut aller qu’enempirant. L’apparition de ces multiples codes deconduite marquerait-elle le seuil de tolérance destravailleurs ?

N. K. – Il existe des niveaux d’exploitationprobablement jugés acceptables parce qu’ils nefrappent pas le grand public. Mais ces der-nières années, l’exploitation a atteint des pro-portions qui ont suscité une réaction d’horreurabsolue.

E. O. – Pensez-vous à des événements ou dessituations spécifiques ?

N. K. – L’autre jour, au Viet Nam, dans uneusine de chaussures, 54 femmes se sont pré-sentées au travail en ne portant pas les san-dales réglementaires. Quelle fut la réaction dela direction ? Elle a signifié à ces travailleusesqu’elles devaient être punies, pour l’exemple.Elles ont été contraintes de faire deux fois letour du périmètre de l’usine en courant –quatre kilomètres – dans une chaleur écrasanteet sous un soleil de plomb dans une fortehumidité. L’une d’entre elles est tombée dansle coma. Douze se sont évanouies. Près de 20d’entre elles ont dû être hospitalisées. Lorsquede telles nouvelles sont présentées au journaltélévisé du soir, aux Etats-Unis ou en Europe,les gens disent : «C’est inhumain.» C’est pour-tant ce qui s’est passé. Un meurtre – le meurtred’un leader syndical – n’est pas un événementqui fait grand bruit. Mais lorsque le public estplacé devant le spectacle de pratiques aussibestiales envers les travailleurs, il est réelle-ment horrifié.

E. O. – Vous estimez donc que les codes deconduite vont aider la société à réfréner de telsabus ?

N. K. – Les gens souhaitent tous une viedécente et un environnement acceptable poureux-mêmes et leur famille. Ils constatent qu’ilsne peuvent bénéficier de ces conditions de vieque si les autres en bénéficient aussi. C’est labase sur laquelle repose le reste de l’édifice.Cet état d’esprit s’exprime par exemple dansle contexte actuel d’intérêt pour l’environne-ment. Ce souci s’élargit à présent au pro-blème des conditions de vie dans lesquellesvivent et travaillent nos congénères. Il y a cinqans, j’aurais dit que les dauphins suscitaientplus de préoccupation que l’exploitation desenfants, mais aujourd’hui, il existe une réellesensibilisation, partout, à l’ampleur de l’ex-ploitation des travailleurs.

E. O. – Quel serait votre commentaire final surl’un des codes récemment adoptés ?

N. K. – L’un des codes « phares», sansdoute l’un des plus complets adoptés à ce jour,est celui conclu entre la Fédération internatio-nale de football association (FIFA) et le mouve-ment syndical international, dont la CISL, laFITTHC et la FIET. Ce code est né de l’infor-mation, largement médiatisée l’année dernière,sur le travail d’innombrables enfants qui cou-sent les ballons de football, principalement auPakistan mais aussi en Inde.

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E. O. – En quoi le code de la FIFA est-il un code«phare» ?

N. K. – Parce que c’est le code le plus com-plet adopté à ce jour, et qu’il couvre tous lesdomaines de la protection, conformément auxnormes de l’OIT.

E. O. – D’autres codes ont-ils été élaborés sur lemodèle de celui de la FIFA ?

N. K. – Oui, et ils sont nombreux à présent.Le plus récent est celui de la Fédération mon-diale des industries d’articles de sport. C’estaussi le cas de celui de la Task Force présiden-tielle des Etats-Unis. Vous demandiez tout àl’heure si ce dernier code avait été facile à négo-cier. Les négociations ont été longues et labo-rieuses, et des critiques ont été formulées surcertains points, par exemple la durée du travailet les salaires.

E. O. – Mais le code de la Task Force prévoit, entant que norme minimale, soit une semaine de 48heures et 12 heures supplémentaires, soit les limitesautorisées par la loi dans le pays de production.

N. K. – Oui, mais «48 heures par semaine et12 heures supplémentaires », cela représenteune durée hebdomadaire de 60 heures. Puis lecode ajoute : «sauf circonstances économiquesexceptionnelles.» En réalité, ce libellé autorisele dépassement des 60 heures par semaine. Lasemaine de travail de 48 heures est censéereprésenter la limite maximale. Dans des cir-constances exceptionnelles, les heures supplé-mentaires peuvent être nécessaires et sontautorisées à hauteur de 12 heures au maxi-mum. Le libellé de ce code, qui laisse entendreque la norme hebdomadaire est de 48 heuresplus 12 heures, a été très controversé.

E. O. – Le code de la Task Force prévoit aussi unsalaire minimum. Pourquoi cette section a-t-elle étécontestée ?

N. K. – Le salaire minimum, dans de nom-breux pays, est totalement inadapté. Voyez l’In-donésie, où il n’atteint que 80 % du montantnécessaire à la survie. Le meilleur moyen d’arri-ver à des salaires convenables réside dans lanégociation libre entre les représentants desemployeurs et ceux des travailleurs. Même si lesnégociations ne suffisent pas à garantir tous lesbesoins des travailleurs, ceux-ci ont du moins lapossibilité de négocier. Nous ne pouvons pasdécider, à Genève, à Bruxelles ou à Washington,

du montant adéquat d’un salaire en Inde ou auLesotho. Ce montant ne peut être fixé qu’auniveau local. Mais ce que nous pouvons énoncerdans un code, c’est qu’indépendamment du lieuoù vit le travailleur, celui-ci doit pouvoir, lors-qu’il touche sa paie, nourrir et habiller sa famille,lui assurer un toit, envoyer ses enfants à l’écoleet payer les soins médicaux en cas de maladie.Ce sont les exigences de base. Mais leur coûtn’est pas le même selon que l’on vit en Suisse ouau Swaziland. Ce montant ne peut être déter-miné que localement. Certains parlent d’un«panier» de revendications essentielles. C’est ceque font les syndicats lorsqu’ils négocient. Ilsdéterminent le montant dont leurs adhérentsont besoin pour vivre et arrêtent leurs revendi-cations salariales en fonction de ce montant.

Certes, aucun de ces codes n’a été facile ànégocier, disais-je. Ils comportent parfois descontradictions ou des points faibles. L’accord dela Task Force a fait l’objet de certaines critiques.

E. O. – A quel niveau se déroulent les négocia-tions ?

N. K. – Les codes fleurissent à tous lesniveaux de la société. Certains sont conclusavec des associations internationales de com-merce, d’autres avec des employeurs indivi-duels. D’autres encore émanent de comitésconsultatifs incluant des représentants desgrands groupes commerciaux et des sociétésde production, des détaillants, des ONG, dessyndicats et des observateurs. Ils reflètent doncune riche palette d’opinions.

E. O. – Sont-ils parfois négociés sur une basetripartite ?

N. K. – La plupart des codes ont été adoptésdans un cadre unilatéral. Mais le vrai débataujourd’hui porte sur leur mise en œuvre et lasurveillance indépendante de leur application.Il peut exister ici, me semble-t-il, un véritablegisement de nouveaux services, à l’instar del’audit financier. Certains syndicats affirmentque les codes de conduite devraient être conclusentre le syndicat et l’entreprise, et que le syndi-cat devrait en surveiller l’application. Tout celaest fort bien si vous traitez avec General Motorsou Mercedes Benz, mais dans le secteur du tex-tile, on compte des milliers de sociétés activesdans 160 pays et faiblement syndicalisées. Nousavons besoin de normes et d’une instance indé-pendante de vérification de ces normes.

Certaines ONG ont déclaré que la commu-nauté des ONG était en mesure d’assurer ce

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contrôle, mais j’entendais l’année dernière lereprésentant d’une entreprise commerciale demoyenne dimension, aux Etats-Unis, dire qu’ilse procure les textiles, les vêtements et leschaussures auprès de 13 000 fournisseurs entout. En moyenne, chacun de ces fournisseurstravaille avec cinq sous-traitants, de sorte queles articles vendus au détail proviennent de78 000 sources d’approvisionnement diffé-rentes. Quelle ONG serait en mesure de sur-veiller une telle situation ? C’est la raison pourlaquelle j’en suis venu à la conclusion, à l’ins-tar d’autres collègues du mouvement syndical,qu’il devrait être instauré un service profes-sionnel de vérification, des normes de qualitéprofessionnelle et une méthodologie profes-sionnelle, ainsi qu’un code d’éthique pour lesinspecteurs.

E. O. – L’inspection du travail ne trouverait-ellepas sa juste place dans un tel mécanisme ?

N. K. – Les gouvernements individuels ontla lourde responsabilité de garantir l’applica-tion de leur législation du travail, mais mal-heureusement, l’inspection du travail est unepriorité très secondaire pour la plupart desgouvernements. Si le système d’inspection dutravail était adéquat, il n’existerait ni travailforcé, ni travail des enfants ni mauvaisesconditions de santé et de sécurité profession-nelles dans le monde.

Toutefois, si je pense qu’effectivement lasurveillance des codes de conduite relève dessyndicats, je crois que les syndicats doiventsurveiller tous les lieux de travail, non pourdéfendre l’image d’une entreprise qui respecteson code de conduite, mais dans l’intérêt destravailleurs.

E. O. – Quel est votre pronostic quant à l’avenirdes codes de conduite ?

N. K. – Je ne vous garantis pas que je répon-drai la même chose si vous me posez la ques-tion dans un an. Les progrès sont rapides. Il ya dix-huit mois, je parlais en Italie des moyensd’application, de la vérification indépendanteet de la surveillance des codes de pratique.Aujourd’hui, mon approche est très différente,car plus nous discutons ces codes, plus nousdécouvrons de détails, d’aspects complexes etde nouveaux problèmes à régler. C’est undomaine tout à fait nouveau et la réflexionprogresse de jour en jour. Mais nous avonsdéjà parcouru beaucoup de chemin, et il n’estplus possible de revenir en arrière.

Cette évolution a des retombées considé-rables pour les gouvernements, car ce sont euxqui fixent par le détail le contenu des instru-ments internationaux tels que les règles com-merciales de l’OMC, les conventions de l’OIT,etc. Dans le domaine qui nous occupe, les gou-vernements peuvent à leur gré décider ounon d’appliquer ces instruments. Ils peuventinfluencer les délibérations. En revanche,lorsque les entreprises individuelles adoptentdes codes de conduite, les gouvernements despays producteurs n’ont rien à dire. De fait, lesgouvernements ne peuvent pas dicter auxconsommateurs ce qu’ils doivent ou non ache-ter. Si du jour au lendemain les consommateursdécident de porter les vêtements à l’envers, lesproducteurs du monde entier commenceraientà fabriquer des vêtements qui se portent à l’en-vers, non parce que les gouvernements en ontainsi décidé mais parce tel est le bon plaisir desconsommateurs. Aujourd’hui, les consomma-teurs exigent que les produits qu’ils achètentsoient fabriqués dans le respect de l’éthique.C’est de là que sont nés des codes de conduiteélargis, et également, la pratique du labelsocial. Si les consommateurs l’exigent, l’opposi-tion des dirigeants mondiaux qui se sont farou-chement élevés contre la dimension sociale nesuffira pas à arrêter le processus. Car les puis-sants de ce monde ne peuvent bâillonner lesconsommateurs, puisque ces derniers votent enremplissant leur caddy. Bientôt, maints gouver-nements autrefois opposés à l’application desnormes de l’OIT et qui aujourd’hui rejettenténergiquement la relation entre le commerce etles droits des travailleurs, vont finalement êtreamenés à soutenir ces normes. Ils le feront pourcontrer les entraves non-tarifaires que repré-sentent les multiples codes de conduite unilaté-raux et la pratique du label social.

Les entreprises s’engagent de plus en plusdans les négociations collectives internatio-nales, des centaines de codes de conduite sontadoptés de par le monde, et la pratique dulabel social se répand. Les négociants et gros-sistes arriérés ferment les yeux sur ces pra-tiques. Mais ce n’est pas une défense. Fermerles yeux lorsque la marée monte n’est pas unesolution pour empêcher les eaux de vous sub-merger. L’exigence de production conforme àl’éthique et le respect des droits des travailleursest un processus irréversible. Les entreprisesqui le comprennent et réagissent à cette ten-dance seront demain les maîtres des marchés.Elles seront donc amplement récompenséesd’avoir opté pour la dimension sociale dansleur activité !

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La négociation collective est l’un des instru-ments traditionnels dont dispose le mouve-ment syndical, qui est le seul à pouvoir utilisercette forme de relation envers l’employeur. Lanégociation collective apparaît comme un ins-trument stratégique privilégié pour combattrele travail des enfants, et peut aboutir à diffé-rents types d’accords :● le travail des enfants peut être traité dans

des conventions collectives générales ;● les négociations peuvent aboutir à l’adop-

tion de codes de conduite. Ceux-ci peuventêtre centrés sur le travail des enfants maisl’idéal serait qu’ils traitent le problèmedans le contexte général des droits syndi-caux et des droits de l’homme;

● les syndicats et les employeurs peuventpublier des déclarations communes;

● les syndicats et les employeurs peuvent s’ac-corder sur des plans d’action, soit communssoit à titre indépendant, en s’engageant àprendre des mesures pour l’élimination dutravail des enfants, et à canaliser l’aide auxenfants retirés du travail et aussi à leursfamilles.

D’autres instances, par exemple les organi-sations gouvernementales et les ONG peuventparfois se joindre à ces partenariats. L’exemplele plus éloquent, à ce jour (juillet 1997) estl’Apparel Industry Partnership négocié auxEtats-Unis entre le secteur industriel, le gou-vernement et les syndicats.

L’un des codes de conduite les plus connusest celui négocié avec la FIFA. Cet accord aservi de modèle à d’autres codes, dont un,actuellement à l’étude, couvrant l’ensemble dusecteur des articles de sport.

Les codes de conduite constituent unmoyen, pour les syndicats, d’utiliser la forcequ’ils possèdent dans un pays pour influencerla situation dans un autre.

Voir figure 1 qui montre comment cetteapproche a été appliquée dans le secteur de lamétallurgie. Elle présente une situation danslaquelle une grande multinationale exploite desusines en Allemagne et au Brésil. L’usine duBrésil travaille avec des sous-traitants. Ces sous-traitants couvrent une partie de leurs besoins enénergie avec du charbon provenant du secteurinformel, où sont employés des enfants. LeSecrétariat professionnel international peut

31

Les codes de conduite –Instruments d’abolition du travail des enfants

ALLEMAGNE BRÉSIL

Affilié à la FIOM

Multinationale Multinationale

Sous-traitants

Affilié à la FIOM

Le code de conduite négocié iciélimine

le travail des enfantslà-bas

Figure 1.

d’abord établir un lien entre son affilié allemandet son affilié brésilien, et ensuite entreprendre lanégociation d’un code de conduite qui prévoitde supprimer de la ligne de production le char-bon extrait par des enfants.

Toutefois, on ne manquera pas de noter queles revendications syndicales ne doivent pasforcément être centrées sur l’enfant pouratteindre leur objectif. Bien des revendications« traditionnelles », si elles sont efficacementnégociées, auront aussi un effet positif, et peu-vent parfois constituer un élément essentiel desolution au problème du travail des enfants.En voici quelques exemples :

● Les syndicats œuvrent pour la justicesociale et un salaire assurant au travailleurune existence décente, de sorte que lesfamilles pauvres soient moins dépendantesdu revenu de leurs enfants.

● Les syndicats peuvent négocier l’abolitiondu travail à la pièce pour le remplacer parun système salarial normal (dans maintesplantations ou par exemple dans le secteurde la briquetterie en Inde, le régime derémunération à la pièce est la principaleforce qui sous-tend la survivance du travaildes enfants)1.

Surveillance

Tout accord, une fois conclu, pose encore leproblème majeur de sa mise en application.Les systèmes de surveillance semblent souventêtre le maillon faible de nombreux accords –un maillon parfois même totalement absent.Les mécanismes de surveillance ont grandbesoin d’être développés. Les syndicats peu-vent pour leur part contribuer à la surveillanceen œuvrant « de l’intérieur» et en facilitant lamobilisation de formateurs (de préférence àune affectation contraignante) afin qu’ils parti-cipent activement à la surveillance de la partieéducative des programmes de réinsertion.

G. M.

Note

1 Fyfe, Alec : Bitter Harvest – Child Labour in Agriculture.OIT, avril 1997, et «12 hours a day every day» – Child Labour inBrick Kilns in India. Fédération internationale des travailleursdu bois et du bâtiment. Genève, mars 1995.

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Exemple : FLEURS COUPÉES

AFRIQUE EUROPE

Cultivées, Transportées Déchargées Contrôlées Emmagasinage, Fleuristecoupées par avion par des par les vente en gros

équipes au sol douanes

UITA FIOT FIOT ISP UITA FIET

Education Education ouvrièreouvrière Campagne de prise de conscience:

Recrutement presse/télévision /dépliants /posterssyndical Collecte de fonds

Assistance Solidarité internationaledirecte Campagnes de recrutement

aux enfantset à leurs familles

Négociationcollective

Figure 2.

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Recueil de textes tirés de codes de conduiteà titre d’exemples

(Les textes qui suivent sont des traductions libresdes textes originaux anglais. Note de la rédaction.)

1. EuroCommerce et EURO-FIET représen-tent des employeurs et des employés du com-merce. Le commerce et la distribution emploientplus de 22 millions de personnes dans l’Unioneuropéenne, ce qui représente 15 pour cent del’emploi total. Les 14 pour cent de valeur ajoutéeque le commerce et la distribution apportent àl’Union européenne sont essentiels pour le bien-être de tous les Européens.

2. Les partenaires sociaux estiment qu’ilest contraire au principe fondamental del’homme d’exploiter des enfants d’unemanière qui les prive d’une adolescence nor-male et de possibilités d’éducation.

3. Le secteur du commerce européen estpréoccupé par le fait que l’exploitation desenfants existe encore dans certains pays,notamment pour la production de biens desti-nés au marché européen.

4. Par conséquent, les partenaires sociauxdu commerce européens :

● soulignent que là où le travail des enfantsexiste, les pays concernés ont pour tâchede lutter contre l’exploitation des enfants,qui est une violation des droits del’homme, et notamment de ceux qui sonténoncés par les lois de ces pays ;

● demande instamment aux pays concernésde prendre des mesures dans le but degarantir que le droit des enfants à uneadolescence normale et à l’éducation serarespecté ;

● lance un appel pour que les politiques d’aideau développement apportent un appui posi-tif à ces mesures, vu que nombre de ces payssont des pays en développement ;

● déclarent qu’ils sont conscients de, et favo-rable à, la demande croissante des consom-mateurs pour des biens obtenus de sourcesqui ne recourent pas à l’exploitation de lamain-d’œuvre enfantine;

● appuient l’objectif d’éviter, dans toute lamesure du possible, de faire le commercede biens produits en violation des droitsdes enfants ;

● recommandent que les détaillants, lesgrossistes et les négociants internationauxsoient attentifs aux signes pouvant indi-quer que le processus de productionimplique l’exploitation d’enfants ;

● recommande que le commerce soutiennela mise en œuvre de mesures raisonnableset pouvant être traduites dans la réalitépour que l’on ne fasse appel qu’à des four-nisseurs de bonne réputation.

5. Les partenaires sociaux du commerce serendent compte que les grandes entrepriseset plus particulièrement les grandes multina-tionales peuvent appliquer des mesures plusdirectes pour éviter de faire le commerce deproduits qui impliquent l’exploitation desenfants que les petits détaillants qui s’appro-visionnent par l’intermédiaire de tiers.

8 mars 1996

EuroCommerce et EURO-FIET

Déclaration conjointe sur la lutte contre le travail des enfants

Pour l’EuroCommerce : Pour EURO-FIET :

H. H. Kröner Kenth PettersonSecrétaire général Président de la section du commerce

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Déclaration conjointe de la Football Association of Irelandet de l’Irish Congress of Trade Unions

soutenant le code de pratique du travail de la FIFA

En 1996, la Confédération internationale des syndicats libres, dans le cadre d’une campagnecontre le recours à de la main-d’œuvre enfantine, a relevé le fait que des enfants de 7 ans étaientemployés pour la fabrication de ballons de football qui étaient commercialisés comme des pro-duits officiels de la FIFA. Les enfants n’étaient payés que 50 cents par ballon de football. La FIFA,avec l’appui du mouvement syndical international, a décidé d’éliminer cette pratique en publiantune liste des conditions qui doivent être remplies par les fabricants s’ils veulent commercialiserleurs produits comme des articles officiellement reconnus par la FIFA. Cette décision a conduit àl’adoption du «code de pratique du travail de la FIFA». Ce code, qui cherche à éliminer le travaildes enfants, énonce également une série de droits minimaux pour les travailleurs employés dansla fabrication d’articles de sport reconnus par la FIFA.

Le code de pratique du travail de la FIFA garantit que les articles reconnus par la FIFA sontproduits :● sans le recours au travail d’enfants ou au travail forcé;● dans un lieu de travail où tous les travailleurs sont traités sur un pied d’égalité, sans discrimi-

nation basée sur des critères de sexe, race, couleur, religion, opinion politique, nationalité ouorigine sociale;

● dans un lieu de travail qui offre aux travailleurs un emploi sûr et des salaires et conditionsconvenables.

La Football Association of Ireland et le Irish Congress of Trade Unions sont heureux d’appor-ter leur appui au code de pratique du travail et leur coopération pour veiller à ce que tous lesproduits utilisés et reconnus par la FAI et ses clubs affiliés répondent aux normes établies par lecode. Les syndicats du monde entier resteront vigilants pour s’assurer que les articles de sport uti-lisés et reconnus par toutes les associations et organismes de sport sont produits dans un envi-ronnement qui ne recourt pas à l’exploitation et qui respecte la dignité de tous les travailleurscontribuant à la production de ces biens.

Bernard O’Byrne Peter CassellsFootball Association of Ireland Irish Congress of Trade Unions

Etats-Unis : Le code de conduite de l’Apparel Industry Partnership(Partenariat de l’industrie du vêtement)

Extrait

[…]

Le Partenariat de l’industrie du vêtement a étudié les questions ayant un lien avec l’élimina-tion des ateliers d’exploitation (« sweatshops») aux Etats-Unis et dans d’autres pays. Sur la basede cet examen, le partenariat a élaboré la série de normes suivantes qui donnent une définitiondes conditions de travail convenables et humaines. Le partenariat estime que les consommateurspeuvent être assurés que les produits qui sont fabriqués en conformité avec ces normes ne sontpas produits dans des conditions d’exploitation ou des conditions inhumaines.

[…]

Travail des enfants. Aucune personne ayant moins de 15 ans (ou moins de 14 ans dans les casoù la loi du pays de production en dispose ainsi) ou moins que l’âge de fin de scolarité obligatoiredans les cas des pays de production où cet âge est supérieur à 15 ans ne sera employée.

[…]

35

1. HK et HSH (appelés ci-après partenaires)représentent des travailleurs et des employeursdu secteur des bureaux. Ce secteur emploie330 000 personnes en Norvège, ce qui repré-sente environ 14,3% de l’emploi total du pays.

2. Les partenaires estiment que le travaildes enfants est incompatible avec les principesfondamentaux des droits de l’homme. Pour cequi est de la définition du travail des enfants,la déclaration se réfère à la Convention desNations Unies relative aux droits de l’enfant etaux conventions pertinentes de l’OIT, notam-ment à la convention n° 138.

3. Les partenaires du secteur du commerceet des bureaux se déclarent préoccupés par lefait que certains pays recourent encore à de lamain-d’œuvre enfantine pour la productionde biens destinés au marché norvégien.

4. Les partenaires du secteur du commerceet des bureaux:● soulignent que dans les pays où le travail des

enfants existe encore, le pays producteur apour obligation de lutter contre l’exploita-tion des enfants, qui est une violation deleurs droits de l’homme, y compris des droitsénoncés par la législation du pays;

● demandent aux pays concernés de prendredes mesures ayant pour but de garantir ledéveloppement des enfants et d’assurerleur éducation;

● lancent un appel aux agences de dévelop-pement norvégiennes pour qu’elles appor-tent un appui positif à cette approche,étant donné que nombre des pays concer-nés sont des pays en développement:

● soutiennent le travail entrepris par laConfédération mondiale du travail (CMT)pour énoncer des règles devant régir lecommerce de biens produits en recourantà de la main-d’œuvre enfantine ;

● expriment leur compréhension de, et appor-tent leur appui à, l’accroissement de biensobtenus de producteurs qui ne recourent pasà de la main-d’œuvre enfantine;

● apportent leur appui à l’objectif d’éviterd’acheter des biens qui ont été produits enviolation des droits des enfants ;

● demandent aux grossistes, aux détaillantset aux acheteurs internationaux d’êtreattentifs à toute indication qui porte à sedemander si le processus de productionimplique le recours à de la main-d’œuvreenfantine, et prie les sociétés de commercenorvégiennes de vérifier, dans toute lamesure du possible, si les fournisseursrecourent à de la main-d’œuvre enfantineen violation des conventions internatio-nales et de la législation nationale ;

● demandent au secteur du commerce et desbureaux de soutenir les mesures raisonnableset pratiques visant à surveiller l’ensemble duprocessus de production, y compris le recoursà des sous-traitants, et de ne faire appel qu’àdes fournisseurs honnêtes.

5. Les partenaires du secteur du commerceet des bureaux sont conscients du fait que lesgrandes entreprises, et tout particulièrementles entreprises multinationales, disposent deplus de possibilités pour entreprendre avecsuccès une action contre le travail des enfantsque les petits détaillants, qui achètent souventpar l’intermédiaire de tiers.

6. Les partenaires s’engagent à :● fournir à leurs membres des données et

des informations sur le recours à de lamain-d’œuvre enfantine; et

● faire connaître cette Déclaration à leursmembres et à veiller, dans toute la mesuredu possible, à ce que les dispositions decette déclaration soient respectées par lesentreprises norvégiennes concernées.

Norvège: Déclaration conjointede l’Union du commerce et des bureaux (HK)

et de la Confédération des affaires et de l’industrie (HSH)sur les mesures pour lutter contre le travail des enfants

Oslo, le 17 janvier 1996

Union norvégienne Confédération norvégiennedu commerce et des bureaux des affaires et de l’industrie

Sture Arntzen Anna-Grete EllingsenDirigeant syndical Directrice administrative

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ExtraitLa Walt Disney Company

Code de conduite pour les fabricants

Au sein de la Walt Disney Company, nous sommes engagés à respecter :● une norme d’excellence dans tous les aspects de nos activités et dans n’importe quelle partie

du monde;● une conduite éthique et responsable dans tous nos domaines d’activité;● les droits de la personne; et● le respect de l’environnement.

Nous attendons de tous les fabricants d’articles Disney qu’ils honorent ces engagements. Nousexigeons que les articles Disney satisfassent au moins aux normes suivantes:

Travail des enfants

● les fabricants ne recourront pas à de la main-d’œuvre enfantine;● le terme «enfants» signifie une personne ayant moins de 14 ans, ou moins d’un âge supérieur

si la législation locale prévoit un âge minimum légal supérieur pour l’emploi ou pour l’achè-vement de la scolarité obligatoire ;

● les fabricants employant de jeunes personnes qui n’entrent pas dans la définition du terme« enfants » respecteront également toutes les lois et réglementations applicables à detelles personnes.

[…]

37

Le travail des enfantsà l’ordre du jour des syndicats

Claudia CoenjaertsConseillère technique en chef

Projet de coopération techniqueBureau des activités pour les travailleurs (BIT)

Du 27 au 30 octobre 1997, une conférence internationale sur le travail des enfants réunira des acteursclés du monde entier à Oslo, en Norvège, pour recenser les stratégies nationales et internationales permet-tant d’éliminer le travail des enfants, et examinera plus particulièrement comment la coopération au déve-loppement et d’autres formes de coopération internationale peuvent contribuer efficacement à la réalisationde cet objectif. L’organisation de ce forum international démontre que l’exploitation des enfants, qui estréapparue comme un des problèmes actuels les plus effrayants, reçoit l’attention des médias et des institu-tions officielles qu’elle mérite.

Le travail des enfants est un problème mondial, et il ne peut être résolu efficacement que par des effortsconcertés aux niveaux national et international. Il n’est pas possible de l’éliminer par une seule action, caril requiert une vaste mobilisation sociale des agences gouvernementales et non gouvernementales, des orga-nisations de travailleurs et d’employeurs. Depuis bien des années déjà, le mouvement syndical s’est penchésur ce problème qu’il considère comme étant extrêmement préoccupant. Mais, en dépit des témoignagesd’intérêt évidents et croissants des organisations syndicales internationales, ce problème n’a pas été priori-taire dans les agendas des syndicats des pays où intervient le travail des enfants à grande échelle.

L’article suivant utilise les résultats d’une enquête auprès de 300 dirigeants syndicaux en Indonésie, enThaïlande, et au Viet Nam, ainsi que les expériences acquises, grâce au projet dans le cadre duquel l’enquêtea été organisée comme base pour évaluer le rôle potentiel que les syndicats peuvent jouer pour éliminer letabou de la main-d’œuvre enfantine, et pour comprendre les raisons de la réaction lente des syndicats dansles pays en développement. Cet article offre également quelques recommandations sur la façon dont les obs-tacles existants pourraient être supprimés.

Le mandat des syndicats pour la luttecontre le travail des enfants

D’un point de vue général, le rôle des syn-dicats dans la lutte contre le travail des enfantsest amplement justifié. Bien que cet article n’aitpas pour objectif de donner une liste exhaus-tive d’explications, les raisons pour lesquellesla pratique et l’accroissement du travail desenfants font que le mandat des syndicats estparticulièrement pertinent sont notamment lessuivantes :

● La pauvreté est probablement la cause laplus importante du travail des enfants, etlutter contre la pauvreté en assurant dessalaires et des conditions acceptables pourles travailleurs est considéré par beaucoupde personnes comme le rôle clé des syndi-cats. La réalité est que pour nombre defamilles, le travail des enfants est nécessairepour leur survie. De plus, la pauvreté s’estaccrue dans de nombreuses zones. La pri-vatisation, les politiques de promotion des

exportations, les mesures de déréglementa-tion et de flexibilité font partie des pro-grammes d’ajustement structurel imposéspar le Fonds monétaire international et laBanque mondiale, qui, si ils conduisent à lacroissance économique, ont aussi pourconséquence des coûts sociaux énormes sil’écart des revenus n’est pas attentivementpris en considération. Beaucoup de gens, etplus particulièrement des femmes, ontperdu leur emploi dans le processus. Lesconditions de vie des familles pauvres sesont énormément détériorées, et cela acontraint beaucoup d’enfants à travaillerpour obtenir un revenu additionnel. Simul-tanément, il est incontestable qu’aussi long-temps que des enfants seront obligés detravailler et ne seront pas en mesure d’allerà l’école, une fois adultes ils seront déses-pérément pris dans le cercle vicieux de lapauvreté. Lutter contre le travail des enfantssignifie aussi faire quelque chose pour com-battre la pauvreté.

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Encadré 1 Les partenaires, les objectifs et l’approche du projet

En septembre 1995, le Projet d’aide à l’éducation des travailleurs pour renforcer l’action syn-dicale en faveur des travailleuses, en tenant compte du travail des enfants existant dans des paysd’Asie du Sud-Est sélectionnés, a commencé à être mis en œuvre en Indonésie, en Thaïlande etau Viet Nam. Les travailleurs belges ont financé le projet qui devrait être mis en œuvre en troisans, avec l’appui du Bureau des activités des travailleurs (ACTRAV), à Genève, et la coordinationdu Bureau régional de l’OIT pour l’Asie et le Pacifique, à Bangkok.

L’objectif de ce projet est d’accroître la capacité des syndicats qui cherchent à renforcer lestatut des travailleuses et à lutter efficacement contre le travail des enfants. Les stratégies prin-cipales doivent servir à produire des matériels pour l’éducation des travailleurs et à organiser desprogrammes de formation. Cette formation a notamment pour but de sensibiliser diversgroupes ; elle porte aussi sur des questions plus techniques, des thèmes spécifiques et des ques-tions syndicales courantes.

Un mécanisme a été mis en place pour s’assurer que les activités répondent aux besoins etaux priorités des partenaires. Dans chaque pays, les membres d’un comité exécutif se réunissentrégulièrement pour donner des instructions au conseiller technique en chef, lui suggérer desactivités prioritaires, définir les besoins de formation et évaluer les matériels requis pour lescours de formation.

Etant donné que les pays sélectionnés ont traditionnellement eu un grand nombre defemmes travailleuses et un taux de main-d’œuvre enfantine, ou un risque de recours à cettemain-d’œuvre élevé, l’accent a tout particulièrement été mis sur les secteurs industriels suivants:textile et habillement, alimentation et boissons, électronique et métaux, agriculture et planta-tions. Afin d’assurer la continuité des activités, d’arriver à des résultats tangibles et d’accroîtrel’impact global, un certain nombre de syndicats nationaux ont été sélectionnés comme parte-naires, mais on a tenu à garder un certain degré de flexibilité pour pouvoir impliquer d’autresorganisations de travailleurs, selon qu’il sera approprié. Ces partenaires sont : les syndicats sec-toriels de l’habillement et du textile (SP-TSK), de l’alimentation, des boissons, des cigarettes etdu tabac (SP-RTMM), de l’électronique et des métaux (SP-LEM), et des plantations et de l’agri-culture (SP-PP) en Indonésie ; la Confédération du travail de Thaïlande, la Fédération des syndi-cats thaïlandais, la Fédération nationale des travailleurs thaïlandais en Thaïlande, et laConfédération générale du travail du Viet Nam (VGCL) au Viet Nam.

● Là où les enfants sont exploités, les intérêtséconomiques des syndicats et de leursmembres subissent des effets négatifs. Lesenfants ne sont naturellement guère enmesure de se défendre contre l’exploitation,et ils sont facilement victimes de bas salaires,de travail illégal et de mauvais traitements.Il arrive même que les employeurs préfè-rent les engager plutôt que des travailleursadultes, une pratique qui ne peut conduirequ’à un accroissement du chômage et de lapauvreté. Abolir le travail des enfants signi-fie aussi améliorer le pouvoir de négocia-tion des travailleurs adultes.

● Il est clair que là où les syndicats ont unegrande influence, il y est moins vraisem-blable que le travail des enfants existe.L’énorme développement du secteur nonstructuré de l’économie a toutefois eu pourconséquence que les organisations de tra-vailleurs ont de plus en plus de peine àorganiser leurs travailleurs dans le cadre

des stratégies traditionnelles. Bien des poli-tiques orientées vers la croissance ont aussieu pour effet que des droits fondamentauxdes travailleurs tels que le droit d’adhérer àdes organisations, ou de conclure desaccords de négociations collectives ont étélimités dans les zones de libre-échange. Enoutre, la répartition du travail et les struc-tures de l’emploi ont aussi beaucoupchangé : de plus en plus de travailleurs netrouvent du travail que dans le cadre d’ar-rangements de sous-traitance, à titre tem-poraire, en étant rémunérés aux pièces, oucomme travailleurs à domicile. Ce sont destravailleurs flexibles qui ne bénéficientd’aucune protection ou sécurité, et qui nesont pas organisés par des syndicats. Lesétapes essentielles qui permettront deréduire l’existence du travail des enfantsconsisteront à trouver des solutions pours’adapter à ces changements et à accroîtreles niveaux de syndicalisation existants.

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Le fait que le travail des enfants est une vio-lation des droits de l’homme pour lesquels lestravailleurs organisés se sont battus par le passéétaie cette approche pragmatique. Certainesconclusions de l’étude (voir encadré 2 pour plusde détails) appuient cette préoccupation.

● Presque tous ceux qui ont répondu ontestimé que l’abolition du travail des enfantsdevrait être une préoccupation de chaquemembre de syndicat. Ils ont toutefoisreconnu qu’il est difficile de surmonter lesobstacles. Dans les trois pays, les ressourcestechniques et financières ont été mention-nées comme étant les principaux problèmesau sein de leurs organisations qui les empê-chaient de lutter contre le travail des enfants.

● La majorité des dirigeants qui ont répondusont convenus que les syndicats, en tantqu’organisations de la société civile, ontpour responsabilité générale de lutter contretoutes les formes d’injustice sociale, y com-pris l’injustice à l’encontre des enfants.Nombre d’entre eux étaient même d’avisque les clauses relatives aux questions dutravail des enfants pouvaient être inclusesdans les conventions collectives concluesentre les syndicats et les employeurs.

A la question qui leur demandait s’il fallaitorganiser le travail des enfants, plus de 90 pourcent des syndicalistes ont répondu qu’unemesure dans ce sens ne serait pas considéréecomme une bonne politique syndicale.

Encadré 2 Enquête sur la façon dont les dirigeants syndicaux perçoiventle travail des enfants en Indonésie, en Thaïlande et au Viet Nam

En tant que première activité de la composante du projet relative au travail des enfants, uneenquête a été organisée en Indonésie, en Thaïlande et au Viet Nam. Trois cents dirigeants syn-dicaux, des hommes et des femmes, représentant divers secteurs industriels sur lesquels le pro-jet met l’accent, ont répondu à des interviews approfondis sur les problèmes du travail desenfants et la contribution potentielle des syndicats. L’enquête a été organisée au niveau natio-nal; elle a été coordonnée par un point focal national et a eu lieu entre mai et août 1996. Lesquestionnaires ont été traduits dans des langues locales et des formateurs ont été instruits pourdiriger les interviews.

Les objectifs de l’enquête étaient :

i) fournir une base pour recenser les contraintes que connaissent les syndicats en Indonésie, enThaïlande et au Viet Nam en vue d’accroître leur capacité de s’occuper des problèmes desenfants ;

ii) indiquer un programme approprié pour aider les efforts des syndicats, spécifier les infor-mations dont ils ont besoin, et déterminer les zones et les activités qui sont prioritaires dupoint de vue des syndicats dans les trois pays du projet ;

iii) fournir spécifiquement des informations sur :

● la façon dont les dirigeants syndicaux perçoivent la question du travail des enfants ;● leur compréhension du lien existant entre le travail des enfants et d’autres questions

socio-économiques, et les effets néfastes que ce travail peut avoir sur la sécurité, lasanté, l’éducation et le développement psychosocial des enfants ;

● leurs points de vue et leur compréhension des politiques et de la législation nationales,et des normes internationales relatives aux droits des enfants et au travail des enfants ;

● leurs points de vue et leur compréhension des mesures prises au niveau internationalpour lutter contre le travail des enfants ;

● leurs points de vue sur ce qui peut être fait et comment ils conçoivent leur rôle dans lalutte contre le travail des enfants ;

L’enquête ne cherche pas à exprimer les points de vue de tous les dirigeants syndicaux enIndonésie, en Thaïlande et au Viet Nam. Le nombre des interviews a été limité et il a fallu sur-monter bien des contraintes pour organiser des tests sur l’importance que revêt cette questionet pour analyser et comparer les variables recherchées par l’étude. Les résultats se sont toutefoisavérés très utiles pour recenser certaines contraintes importantes auxquelles les syndicats seheurtent pour lutter efficacement contre les problèmes du travail des enfants dans leur pays.

Paradoxalement, les expériences faitesdurant la réalisation du projet ainsi que lesconclusions de l’étude ont démontré que lesquestions concernant le travail des enfants nesont en général pas des priorités de l’agendades syndicats. Les dirigeants syndicaux decertains pays en développement se sont mêmedemandés si les syndicats étaient bien placéspour participer à cette enquête. Pour com-prendre cette contradiction apparente, il fauttout d’abord bien connaître les obstacles aux-quels les syndicats se heurtent. Pour remédierà ce qui peut donner l’impression d’être uneincohérence, il faudrait bien entendu s’occu-per de ces contraintes d’une manière appro-priée, mais étant donné que cet article ne s’estpas assigné cet objectif, nous allons tout desuite explorer dans la section suivante uncertain nombre d’activités spécifiques quipourraient être entreprises dans les pays endéveloppement pour lutter contre le travaildes enfants.

Domaines d’action pour les syndicats

Le rôle des syndicatsen tant que sensibilisateurs

Souvent des raisons culturelles et écono-miques ont entravé les mesures prises pour lut-ter contre le travail des enfants. Trop depersonnes sont d’avis que le travail des enfantsest une conséquence inévitable de la pauvreté etdu processus de développement, et qu’il est unfacteur essentiel pour accroître la compétitivité.Beaucoup de parents ne sont pas conscients del’importance de l’éducation et considèrent letravail des enfants comme «normal».

Comme ils peuvent accéder facilement auxmasses, les syndicats ont un potentiel énormepour sensibiliser le public sur ces questions, luisuggérer des solutions, et le convaincre qu’unchangement est possible et que le travail des

enfants est un problème auquel on ne peut s’at-teler que si la volonté politique est suffisante. Ilest possible d’organiser des conférences surcette question, en invitant des fonctionnairesdu gouvernement et des employeurs. Desinformations peuvent être diffusées sur le lieude travail, et elles peuvent ainsi être renduesaccessibles aux travailleurs et aux employeurs.Pour atteindre leurs propres membres, les syn-dicats peuvent utiliser leurs journaux oud’autres moyens de communication appro-priés. Diverses méthodes d’éducation des tra-vailleurs peuvent être utilisées. Pour atteindrele grand public, les syndicats peuvent fourniraux journaux, à la télévision et à la radio desinformations sur les particularités du problèmeet sur ce qui peut être fait.

Les syndicats en tantque groupe de pressionet surveillants en cas d’abus

Les syndicats sont en bonne position pourmobiliser les gouvernements, les employeurset la société dans son ensemble afin que l’ons’attelle au problème du travail des enfants. Ilspeuvent exercer des pressions sur d’autreshommes politiques pour qu’ils accordent del’importance aux questions du développementsocial et pour qu’ils veillent à ce que des res-sources soient affectées à ces fins. En fait, unepartie des dirigeants syndicaux du plus hautniveau dans les trois pays de l’enquête sonteux-mêmes députés au parlement et pour-raient avoir une influence significative surl’agenda politique.

Les activités de groupe de pression peuventservir à réclamer que la législation soit amen-dée pour tenir compte des mesures élaborées àl’échelon international, ou peuvent se concen-trer sur l’application des normes internatio-nales du travail ou d’autres conventionsinternationales (ratifiées ou non), sur la mise en

40

Le rôle des syndicats dans la lutte contre le travail des enfants tel quele conçoivent 300 dirigeants syndicaux en Indonésie, Thaïlande et Viet Nam

● 64 % des dirigeants syndicaux interviewés ont estimé que le rôle approprié des organisationsde travail dans la lutte contre le travail des enfants est la sensibilisation ;

● 15 % ont estimé que les syndicats devraient se concentrer sur des activités de groupes de pression ;

● 12 % ont estimé que le rôle de surveillant est prioritaire ; et

● 9 % ont pensé que les activités d’assistance et de protection sociale devaient être déployées en premier.

41

Domaines d’action prioritaires

Les personnes qui ont accepté de participer à l’enquête ont été priées de donner leur opi-nion sur quelles catégories devraient être sélectionnées pour une assistance immédiate.

● En Indonésie, les groupes-cibles prioritaires étaient les travailleurs des usines et des plantations.

● En Thaïlande, les enfants employés dans des «lieux d’exploitation» (sweatshops), pris aupiège de la prostitution, travaillant dans des fabriques et sur des chantiers de constructionont été recensés comme étant ceux qui ont besoin d’attention en premier.

● Au Viet Nam, ceux qui ont été considérés comme ayant le plus besoin d’une assistance d’ur-gence étaient les enfants employés dans les hôtels, les restaurants, les établissements com-merciaux, les entreprises familiales et les chantiers de construction.

Liste d’activités par ordre de préférence

Les dirigeants syndicaux ont été priés d’établir une liste des activités que les syndicats pouvaiententreprendre le plus aisément pour lutter contre le problème du travail des enfants. Le tableauci-après présentent les priorités dans chaque pays :

Indonésie Thaïlande Viet Nam

1 Education informelle/ Sensibiliser sur Sensibiliser surformation professionnelle les effets négatifs les effets négatifs

2 Sensibiliser Déployer des activités Trouver des sourcessur les effets négatifs de groupe de pression de financement pour

en faveur d’une législation le développement des enfants

3 Trouver des sources Hot lines / informer / Programmes de protectionde financement pour faire campagne sociale et de développementle développement des enfants

4 Déployer des activités Travaux de recherche Travaux de recherchede groupe de pression sur l’exploitation sur l’exploitationen faveur d’une législation

5 Hot lines / informer / Trouver des sources Hot lines / informer /faire campagne de financement pour faire campagne

le développement des enfants

6 Instruire les enfants Education informelle/ Education informelle/ sur leurs droits formation professionnelle formation professionnelle

7 Programmes de protection Instruire les enfants Instruire les enfantssociale et de développement sur leurs droits sur leurs droits

8 Organiser les enfants Programmes de protection Accords de négociation qui travaillent sociale et de développement collective pour améliorer

les conditions de travail

9 Accords de négociation Retirer les enfants Retirer les enfantscollective pour améliorer des formes de travail des formes de travailles conditions de travail à risques à risques

10 Travaux de recherche Accords de négociation Organiser les enfantssur l’exploitation collective pour améliorer qui travaillent

les conditions de travail

11 Retirer les enfants des Organiser les enfantsformes de travail à risques qui travaillent

œuvre de plans adoptés par des conférencesinternationales, et notamment des suggestionsfaites lors du Sommet des Nations Unies sur ledéveloppement social en 1995 demandant que20 % des budgets nationaux soient affectés auxpolitiques sociales.

Présents sur le lieu de travail, ils peuventassumer les fonctions de surveillants en casd’abus et compléter le travail des inspecteursdu travail. Ils peuvent exercer des pressionssur les employeurs au moyen de campagnesou de conventions collectives en réclamantl’élimination des formes de travail des enfantsqui sont dangereuses et précaires et veiller à ceque les enfants qui ne peuvent pas être retirésde leur travail immédiatement bénéficient desservices de protection sociale fondamentaux.Ils peuvent aussi organiser des campagnespour que les employeurs respectent les dispo-sitions relatives au travail des enfants impo-sées par les codes de conduite des sociétésmultinationales, ils peuvent porter plaintepour non-respect des règles résultant d’ac-cords commerciaux, de systèmes d’étiquetage,de mesures de boycottage, etc.

Aide directe des syndicatsen faveur des enfants

Un autre domaine d’action possible estl’apport d’une aide directe aux enfants, en reti-rant ceux qui travaillent dans des conditionsd’exploitation et, comme mesure temporaire,en fournissant aux enfants qui ne peuventpas être retirés immédiatement et qui ne sontpas employés à des travaux dangereux uneassistance sous la forme de projets spéciauxde protection sociale, d’éducation et de forma-tion. Néanmoins, étant donné les ressourceshumaines limitées disponibles, un ciblagesélectif est nécessaire : par exemple, en s’occu-pant d’un ou de quelques secteurs industrielsseulement à la fois et en apportant le typed’assistance le plus approprié dans chaque casparticulier.

Obstacles qui entravent l’actiondes syndicats pour lutter contrele travail des enfants dans les paysen développement

L’analyse ci-après est basée sur les résultatsde l’enquête ainsi que sur les expériencesacquises chaque jour par les partenaires duprojet. Chaque obstacle explique dans une cer-taine mesure pourquoi le travail des enfants nereçoit pas l’attention qu’il mérite.

Contraintes institutionnelles

Les syndicats impliqués poursuivent leurlutte pour mettre en place leur propre capacitéinstitutionnelle et organiser effectivement lesecteur public et les entreprises industrielles.Beaucoup de temps et d’efforts sont consacrésuniquement à la consolidation des droits syn-dicaux fondamentaux. Mais même là où lesdroits syndicaux sont reconnus, la tâche pri-mordiale reste la création d’organisationsparmi la masse des travailleurs non organisés.C’est notamment dans les secteurs qui ne sontpas à la portée immédiate des organisationssyndicales, tels que les secteurs rural et nonstructuré et le travail de sous-traitance, que letravail des enfants va croissant. Dans la plupartdes cas, la capacité institutionnelle est tropfaible pour qu’il soit possible d’essayer de faireles expériences des approches novatrices quisont nécessaires pour atteindre ces secteurs.

La nécessité d’élargirla «vision syndicale»

Le rôle des syndicats dans la lutte contre letravail des enfants devient extrêmement impor-tante dans un contexte politique, social etéconomique plus large où des questions fonda-mentales, telles que la promotion de la démo-cratie, la lutte contre la pauvreté et l’inégalité,sont incorporées dans l’agenda. Les questions àlong terme qui sont souvent incluses parmi lespoints centraux de l’agenda des syndicats dansles pays en développement, telles que la solida-rité, la participation politique et des questionsde protection de l’environnement ne viennentqu’en septième, huitième et neuvième positionparmi les dix points de l’ordre du jour considé-rés comme possibles dans les pays qui ont faitl’objet de l’enquête.

Perceptions des contraintes

i) Liées à la pauvreté : Il est clair que la pau-vreté est probablement la principale raison dela persistance du travail des enfants, mais enlui accordant une importance trop grande onpeut donner une image fausse de la réalité etjustifier l’inaction, car le travail des enfantsserait alors considéré comme étant hors de laportée des syndicats. Une grande majorité desdirigeants syndicaux interviewés ont estiméque la pauvreté était la cause du travail desenfants, et près de quatre-vingt-dix pour centd’entre eux ont déclaré que le travail desenfants existait parce qu’il rapportait un revenu

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essentiel au ménage. Pour que la justice socialedevienne une réalité, il fallait sortir du cerclevicieux du travail des enfants et de la pau-vreté. La condition la plus importante pouratteindre cet objectif était que les adultes tra-vaillent et que les enfants aillent à l’école. Lessyndicats doivent être convaincus que cetobjectif est réalisable et qu’il est de leur tâchede veiller à ce qu’il soit vraiment atteint (bienqu’ils ne puissent pas fournir les services eux-mêmes). Parmi les dix points de l’ordre du jourdes syndicats considérés comme possibles, lut-ter pour une meilleure société ne vient qu’auseptième rang en Indonésie, et qu’au neu-vième rang en Thaïlande et au Viet Nam.

ii) Liées aux avantages économiques du travaildes enfants: le travail des enfants est souventexpliqué comme une partie inévitable du pro-cessus de développement, comme une compo-sante essentielle pour le maintien de lacompétitivité, ou comme étant irremplaçablepour certains emplois. Plus particulièrementles dirigeants syndicaux qui ont répondu auViet Nam (86 pour cent), mais aussi, dans unemoindre mesure, en Indonésie (45 pour cent) eten Thaïlande (36 pour cent), craignent que leremplacement des enfants-travailleurs par desadultes accroisse les coûts et compromette lacompétitivité. Plus de la moitié de ceux qui ontrépondu à l’enquête ont estimé que certains

Encadré 3 Coopération technique: placer la question du travaildes enfants à un plus haut niveau de l'agenda des syndicats

Les questions concernant les femmes et le travail des enfants sont liées de bien des façons, etdes liens entre les deux composantes du projet sont établis chaque fois que cela est possible.Néanmoins, la capacité institutionnelle existant avec les partenaires syndicaux (y compris ledegré de sensibilisation, l'organisation et les structures) pour apporter des réponses aux ques-tions concernant les femmes travailleuses est très différente de celle permettant de s'occuperdes questions relatives à la main-d'œuvre enfantine, et c'est à cause de cette inégalité qu'il a éténécessaire d'élaborer des programmes séparés et pertinents pour chacune des composantes.

Comme on sait que l'engagement ne peut être accru que lorsque les activités reflètent lesbesoins de ceux qui sont impliqués, les comités directeurs jouent un rôle capital en décidant cequ'il convient de faire pour lutter contre le travail des enfants, et comment les mesures doiventêtre mises en œuvre. Un cadre stratégique est fourni par le projet pour orienter les comitésdirecteurs dans leur choix; ces derniers sont constamment en collaboration étroite avec le Pro-gramme international pour l'abolition du travail des enfants (IPEC), le programme de coopéra-tion technique le plus important de l'OIT.

L'accent est mis sur la création institutionnelle et la politique de développement, et sur lamise en place d'unités de travail au sein des syndicats à tous les niveaux (ou sur leur intégrationet leur renforcement là où ces unités existent déjà). Ces activités englobent une assistance tech-nique pour déterminer les besoins structurels et la formation requise pour améliorer les qualifi-cations techniques du personnel. Les cours peuvent porter sur bien des sujets, par exemple surla façon d'élaborer des programmes de sensibilisation, d'organiser des campagnes, d'établir desprogrammes d'appui direct, etc.

Afin d'obtenir un effet synergique des expériences faites dans ces trois pays, une approchecommune est utilisée dans toute la mesure du possible en Indonésie, en Thaïlande et au VietNam. Ces activités sont notamment les suivantes :

● organiser une enquête auprès des dirigeants syndicaux dans les trois pays (voir égalementencadré 2). Les résultats sont utilisés pour évaluer les besoins de formation devant être satis-faits pour produire les matériels de formation appropriés pour les syndicats ;

● des ateliers de sensibilisation sur le problème de la main-d'œuvre enfantine ont été organi-sés à l'échelon national et ont pris fin avec une déclaration de politique;

● selon les besoins et les capacités des syndicats dans chaque pays, des activités de suivi sontorganisées afin d'améliorer la capacité institutionnelle des syndicats concernées ;

● une tournée d'étude est envisagée pour exposer les points centraux des syndicats et les expé-riences qu'ils ont faites à d'autres syndicats préoccupés par la question de la main-d'œuvreenfantine ;

● les approches fructueuses des divers syndicats seront présentées, afin que tous les intéresséspuissent aussi en tirer profit, lors d'une réunion subrégionale à la fin du projet.

travaux ne pouvaient être bien effectués que pardes enfants. Ces conceptions erronées doiventêtre clarifiées et il faut donner à ces dirigeantsl’assurance que l’abolition de la main-d’œuvreenfantine n’aura pas un effet négatif sur leuréconomie et n’accroîtra pas la pauvreté et lamisère de leurs membres de la base.

iii) Liées à l’étendue du problème : Beaucoupde personnes, et notamment des dirigeantssyndicaux, ont une attitude plutôt toléranteenvers la main-d’œuvre enfantine, essentielle-ment parce qu’elles ne sont pas conscientes deseffets sociaux et économiques dévastateurs.Presque tous ceux qui ont répondu ont soutenuavec force des idées telles que : le droit à l’en-fance, la nécessité d’offrir une protection spé-ciale aux enfants et le fait que les enfants nedevraient pas être obligés de travailler alorsqu’ils sont encore très jeunes. De même, neufpersonnes sur dix interviewées ont pensé quele travail des enfants faisait partie de leur modede vie et qu’il ne faut pas en exagérer la gravité.Une explication éventuelle de ce paradoxe estque beaucoup ne sont pas suffisammentconscients des formes de travail des enfantsdangereuses et fondées sur l’exploitation.

Manque de coordinationau niveau national

Sans une politique nationale cohérente, lalutte contre le travail des enfants ne peut pasaboutir. Il est évident, que la responsabilitéultime de s’atteler à cette question incombe augouvernement, mais il est important que tousles acteurs unissent leurs forces. Dans la plu-part des pays des mécanismes pour coordon-ner les activités existent, mais les syndicats ontrarement été effectivement intégrés dans cesréseaux. En Indonésie, en Thaïlande et au VietNam, tout juste un peu plus de la moitié despersonnes interviewées étaient au courantd’un mécanisme de coordination existant, ousi des programmes gouvernementaux avaientété introduits dans le domaine de la main-d’œuvre enfantine.

Connaissance insuffisante des moyensnationaux et internationaux de réduirele travail des enfants

Une action appropriée contre le travail desenfants ne peut être entreprise que si des infor-mations pertinentes peuvent être facilementobtenues. S’ils ne disposent que de peu d’in-formations sur de telles questions, les syndi-

cats continueront à ne pouvoir jouer qu’un rôlemarginal dans la lutte contre la main-d’œuvreenfantine, et ne seront pas en mesure de jouerleur rôle potentiel. De plus, en n’ayant que devagues connaissances de la manière dont ilspeuvent, dans la pratique, s’organiser pourjouer leur rôle de surveillants et de groupe depression, leur contribution dans ce domainecontinuera à être de peu d’importance. Lesrésultats de l’enquête font apparaître quebeaucoup de dirigeants syndicaux ne saventrien de certaines informations essentielles.

i) Moyens nationaux : La majorité de ceuxqui ont répondu aux questions connaissaientl’âge minimum d’admission à un emploi etl’âge de scolarité obligatoire, mais pratique-ment aucun d’entre eux était au courant dedétails importants de règlements en vigueur,tel que le champ d’application, les procéduresd’entrée en vigueur, etc.

ii) Moyens internationaux: En ce qui concerneles instruments législatifs internationaux, seuleune faible majorité d’entre eux savaient que laConvention des Nations Unies relative auxdroits des enfants (1989) avait été ratifiée parleur pays; plus de la moitié d’entre eux savaientque la convention comporte des dispositionsrelatives à la main-d’œuvre enfantine; juste unpeu plus de la moitié d’entre eux savaient quela convention (no 138) sur l’âge minimum pourl’admission à un emploi est une des conven-tions «centrales» de l’OIT; un tiers d’entre euxavaient certaines connaissances des disposi-tions de la convention ; un tiers d’entre euxsavaient que la convention avait été ratifiée parleur gouvernement.

Participation insuffisanteà la campagne internationale de luttecontre le travail des enfants

Le travail des enfants est un problèmemondial qui mérite un engagement mondial.Depuis quelques années, il y a un nombrecroissant d’exemples de la façon dont la com-munauté internationale, y compris les gouver-nements, les syndicats, les employeurs et lasociété civile assument activement la responsa-bilité de faire quelque chose au sujet du travaildes enfants, et ils sont devenus un moyen effi-cace d’exercer des pressions sur les gouverne-ments moins disposés à adopter une politiquecherchant vraiment à lutter contre le travaildes enfants. La campagne internationale est éga-lement un effort visant à promouvoir la solida-rité internationale et à assurer un environnement

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Flux d’informations

Il y a plusieurs façons d’améliorer le flux d’informations dont disposent les dirigeants syndi-caux. Afin de leur rendre ces informations facilement utilisables, il se peut qu’il faille toutd’abord simplifier la langue et traduire les matériels dans les langues locales.

● Les organisations syndicales internationales ainsi que le Bureau des activités pour les tra-vailleurs (BIT) pourraient diffuser plus régulièrement parmi leurs organisations membres desinformations sur les accords internationaux, les résolutions, les directives élaborées en tantque codes de conduite, les sanctions commerciales, les normes internationales du travail etd’autres conventions, ou toute autre mesure internationale pertinente pour lutter contre letravail des enfants.

● Les organisations internationales du travail et l’OIT peuvent promouvoir des approches nova-trices en veillant à ce que les initiatives des syndicats locaux soient décrites de façon préciseet portées à la connaissance des autres syndicats afin que les succès remportés puissent ser-vir de modèles ailleurs, être adaptés ou perfectionnés. Ce genre d’activités peuvent êtredéployées dans le cadre d’ateliers régionaux ou au moyen de bourses, mais des méthodesmoins coûteuses peuvent aussi être employées ; la publication de bulletins d’informations oud’autres mécanismes de gestion de réseaux pourraient être établis et soutenus par desconseils techniques donnés par des organisations internationales et coordonnés par ces der-nières. Ces informations doivent être disponibles dans des langues locales afin qu’elles attei-gnent les dirigeants au niveau de l’usine et aux niveaux locaux.

● La création d’une unité ou d’un point focal pour la lutte contre le travail des enfants au seindes syndicats faciliterait la coordination avec d’autres syndicats et organisations. Mais pourpouvoir être efficaces, de telles unités doivent disposer de certaines ressources financières ethumaines, être en liaison avec d’autres départements pertinents de leur organisation, et lespoints focaux ou le personnel doivent avoir reçu une formation appropriée.

commercial équitable dans lequel les droitssyndicaux et les droits des travailleurs sontvraiment respectés. Dans les pays en dévelop-pement, les syndicats sont toutefois rarementbien informés sur ce que ces mesures signifientet sur leurs implications.

i) Alors qu’une grande majorité de diri-geants syndicaux en Thaïlande et au Viet Nam,et dans une moindre mesure, en Indonésie, ontreconnu que le travail des enfants devraitbénéficier de l’attention du monde entier etqu’il s’agissait d’un problème mondial,nombre d’entre eux ont laissé paraître une per-ception de la campagne internationale de lalutte contre le travail des enfants qui s’écartaitdu point de vue prédominant des dirigeantssyndicaux dans les pays industrialisés. Pourbeaucoup d’entre eux, ces questions restaientdes concepts étrangers, qui ont une connota-tion de mesures «occidentales» et «protection-nistes». Ils sont de toute évidence préoccupéspar le fait que certaines de ces mesures pour-raient avoir des conséquences négatives poureux et accroître la pauvreté et le chômage.

ii) Presque tous les dirigeants syndicauxau Viet Nam, mais seulement un peu plus dela moitié de ceux qui ont répondu en Thaï-

lande et en Indonésie, ont une compréhensionélémentaire de la signification de la clausesociale. D’une façon générale, très peu d’entreeux comprenaient bien cette question.

iii) Seul un tiers de ceux qui ont réponduétaient d’avis que les questions des droits del’homme et des droits des travailleurs devaientjouer un rôle dans la sélection des partenaireslocaux par les multinationales, et très peud’entre eux avaient entendu parler de codes deconduite; ceux qui avaient entendu parler de cescodes estimaient que de telles directives étaienttrop occidentales, qu’elles ne tenaient pas suffi-samment compte de la situation locale etqu’elles pourraient nuire aux intérêts du pays.

Quelques recommandationssur la façon de relever les défis

Quelques suggestions stratégiques

i) Se concentrer initialement sur un petitnombre d’activités. Tenir compte des contraintesque connaissent la plupart des syndicats dansles pays en développement, y compris leurcapacité financière, technique et structurellelimitée; il sera impératif d’établir des domainesd’action prioritaires. Dans ce contexte, il s’agira

de prendre tout d’abord en considération lespriorités et les besoins recensés par les syndi-cats, en utilisant leur force la plus visible enpremier. D’après les résultats de l’enquête, cetteaction pourrait se situer dans le domaine de lasensibilisation.

ii) Incorporer progressivement les activités quisont proches de leur mandat. Les syndicatsdevraient pouvoir disposer de données sur lesexpériences déjà faites, d’informations pra-tiques et d’indications utiles quand ils entre-prennent des activités de groupe de pression,préparent des clauses pour la négociation d’ac-cords collectifs et pour mobiliser leursmembres, car c’est souvent leur manque deconnaissances qui les empêchent d’entre-prendre des actions dans ces domaines. Il estpossible, par exemple, de leur fournir des listesde contrôle, des directives, etc.

iii) Définir une vision qui spécifie clairement lerôle social et politique des syndicats. L’éliminationdu travail des enfants devient même plus per-tinente quand elle est considérée sous l’anglede la promotion de la démocratie et le combatpour une société meilleure, contre la pauvretéet l’inégalité.

iv) Définir des stratégies alternatives pouratteindre le secteur non structuré. C’est tout par-ticulièrement dans les domaines où les syndi-cats ne sont pas représentés, tels que celui dutravail en sous-traitance, que le travail desenfants devient de plus en plus important.

Un meilleur flux de l’information

Des efforts explicites doivent être déployéspour renforcer l’implication des syndicats enfaveur de l’abolition du travail des enfants

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Formation relative à des questions syndicales générales

● Comment intégrer les questions du travail des enfants dans les programmes d’éducationouvrière.

● Comment négocier avec les employeurs sur des questions relatives au travail des enfants etdéployer des activités de groupe de pression sur les gouvernements et d’autres groupesinfluents pour obtenir l’adoption, aux niveaux national et international, de mesures pourlutter contre le travail des enfants.

● Comment faire face au changement. Organiser des cours basés sur la participation active quiseront centrés sur les qualifications permettant de résoudre les problèmes, sur la réflexioncréative. De telles activités pourraient également renforcer la capacité des dirigeants syndi-caux à s’impliquer activement dans la lutte contre le travail des enfants. En plus de l’accrois-sement de leur capacité de s’occuper des questions du travail des enfants, ces cours seraientaussi une incitation à l’adoption d’approches novatrices et stimuleraient l’enthousiasme pourde nouvelles activités.

● Comment améliorer la gestion de réseaux et des moyens de renforcer leurs structures insti-tutionnelles pour pouvoir s’occuper plus efficacement du travail des enfants.

Domaines spécifiques dans lesquels les syndicats doivent améliorerles qualifications pour pouvoir lutter efficacement

contre le travail des enfants

● Comment diriger les travaux de recherche sur les problèmes liés au travail des enfants. Le BITpourrait organiser des ateliers au cours desquels les participants peuvent apprendre à utili-ser des méthodes d’évaluation rapide.

● Comment élaborer et mettre en œuvre des programmes de sensibilisation efficaces.● Comment élaborer et mettre en œuvre des campagnes.● Comment concevoir et mettre en œuvre des programmes d’action spécifiques en faveur des

enfants qui travaillent. (Certains modules élaborés dans le cadre de l’IPEC pourraient être tra-duits dans des langues locales).

dans les forums nationaux et internationaux.Ils doivent participer activement à l’élabora-tion de politiques et d’actions des syndicats auniveau international.

Besoins de formation

Au niveau local, les syndicats pourraientinclure systématiquement les questions rela-tives au travail des enfants dans les pro-grammes d’éducation des travailleurs ; danscertains cas il faudra peut-être organiser descours de formation séparés, tandis que dansd’autres cas ces questions pourront être incor-

porées utilement dans les programmes de for-mation existants. L’OIT et les organisationsinternationales de travailleurs pourraientapporter une aide active en fournissant à cessyndicats des modules appropriés sur diverssujets, y compris des informations sur les dis-positions et procédures de normes internatio-nales du travail, pour qu’ils puissent êtretraduits dans des langues locales. Elles pour-raient aussi, selon qu’il sera approprié, organi-ser ou financer de tels cours, mais les syndicatsdevront jouer eux-mêmes le premier rôle dansle cadre des ces manifestations.

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Le secteur de l’hôtellerie, de la restaurationet du tourisme (HRT) emploie environ 212 mil-lions de travailleurs, soit plus de dix pour centde la population active mondiale. D’ici l’an2005, ce secteur occupera près de 338 millionsde travailleurs. Dans maints pays en dévelop-pement, le tourisme constitue une part impor-tante de l’emploi, des revenus et des recettesd’exportation. C’est une branche économiquedes plus diversifiées, des hôtels de luxe et desrestaurants gastronomiques du secteur officielaux pensions bon marché et aux stands de res-tauration de rue dans le secteur informel. Lesbas salaires et l’absence de contrôle dans cesecteur expliquent la présence de nombreuxjeunes et d’enfants, surtout dans le monde endéveloppement. Le secteur est également stig-matisé par l’une des formes les plus intolé-rables du travail des enfants, la prostitution.

Caractéristiques du travail des enfantsdans le secteur HRT

Types de travail des enfants

Les enfants employés dans ce secteur exer-cent de multiples fonctions: ● dans les hôtels : chasseur, serveur, femme

de chambre, caddie de golf, etc.;● dans la restauration : serveurs de thé et de

sandwiches, plongeurs, etc.;● dans le tourisme : caddies de golf, dan-

seurs, plagistes, guides, marchants ambu-lants, etc.

L’exploitation des enfants

Le travail des enfants dans le secteur dutourisme est souvent lié à l’exploitationsexuelle, forme de travail particulièrementintolérable. L’apparence physique joue un rôleimportant pour l’embauche dans ce secteur : labeauté, particulièrement féminine, et la jeu-nesse sont des atouts recherchés. Même dansdes établissements tout à fait courants – bars,cafés ou restaurants, le physique agréable et la

grâce du personnel de service sont considéréscomme des adjuvants à la satisfaction du clientet à sa fidélité. Dans certains types de boîtes denuit et de bars, l’atmosphère n’est pas seule-ment conviviale mais axée sur la sexualité.

La prostitution enfantine

Les Conférences internationales de Stock-holm (1996) et d’Amsterdam (1997) ont aboutià l’expression d’une inquiétude mondialequant à la prostitution enfantine. Mais l’am-pleur du problème est mal connue. En Thaï-lande par exemple, le nombre d’enfants demoins de 16 ou 18 ans vivant totalement oupartiellement de la prostitution se situerait,selon les estimations, entre 2 500 et 800 000, cequi ne veut pas dire grand-chose. Selon desrapports provenant de pays gravement tou-chés par l’endémie du sida, la demande departenaires plus jeunes est en augmentationchez les clients masculins de la prostitution.Depuis deux décennies, l’apparition du «tou-risme sexuel » mobilise l’attention de la com-munauté internationale. Cet aspect négatif dutourisme est le plus médiatisé de tous.

Les enfants de la rue

Ce groupe d’enfants tire une bonne partiede sa subsistance des dépenses de déplace-ment et de loisirs des touristes. Opérant dansune économie «à ciel ouvert», ils sont employésen tant que colporteurs, marchands ambulants,trieurs de déchets, cireurs de chaussures, ven-deurs de fleurs et domestiques.

Causes et effets du travail des enfants

Facteurs de causalité

La pauvreté est le principal facteur quipousse les enfants à travailler dans le secteurHRT et/ou à des activités connexes. En Indepar exemple, des intermédiaires et recruteursassurent le lien entre les familles et les proprié-taires ou directeurs d’hôtels, et offrent aux

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Le travail des enfants dans l’hôtellerie,la restauration et le tourisme

Gert A. GustDirecteur du Programme IPEC

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parents des avances allant de 320 à 1 200 dol-lars des Etats-Unis. Les autres facteurs sontl’ignorance et l’analphabétisme des famillesvulnérables, les drames familiaux et les valeursinhérentes à certaines cultures, qui privilégientl’entrée des enfants sur le marché du travail.

Facteurs contributifs

En premier lieu, ce sont les circonstancesexistantes qui poussent les enfants vers le sec-teur HRT. Si les salaires y sont bas et instables,les pourboires peuvent les compléter conforta-blement. Bien souvent, ces jeunes n’ont quasi-ment aucune autre possibilité dans le secteuréconomique. Selon une étude menée sur la côtedu Kenya, les jeunes plagistes tendent à rejeterla discipline familiale et la fréquentation de lamosquée au profit du «milieu touristique». AAcapulco, Mexique, une étude montre que denombreux jeunes se plaisent à fréquenter lesbars et les discothèques à touristes. Chez lesenfants de rue prostitués à Dakar, Sénégal, dejeunes filles déclarent pouvoir gagner jusqu’à90 dollars américains, contre 17 dollars par lamendicité.

Dangers sanitaires

Le milieu des voyages, des loisirs et desétablissements publics de divertissement com-porte de nombreux travaux dangereux pourles jeunes – dangereux pour leur santé, pourleur sécurité et leur équilibre psychique. Cetteassertion ressort d’études effectuées sousl’égide du BIT au Kenya, au Mexique, aux Phi-lippines et à Sri Lanka.

Les enfants qui travaillent dans le secteurdu tourisme souffrent de multiples maux phy-siques – maladies, entraves à la croissance ouperte du bien-être. Le travail en cuisine est par-ticulièrement pénible : les jeunes passent d’in-terminables heures à émincer les ingrédients etcourent ainsi un risque élevé d’accidents ; lesdurées de travail sont globalement trèslongues, dans des conditions générales qui nesont pas propices à la santé.

Par ailleurs, les clients ont souvent un com-portement abusif envers les enfants, de natureà dégrader en eux l’estime de soi et le sens dela dignité, d’où le risque de dommages psy-chiques irréversibles. Le premier danger de laprostitution pour la santé physique de l’enfantest le risque de maladies sexuellement trans-missibles. La drogue en est un autre. Lesenfants prostitués disent recourir aux solvants,à l’alcool, au tabac, parfois à la marijuana et à

la cocaïne – bien souvent pour apaiser la souf-france de la faim et oublier les difficultés de lavie dans la rue. Certaines études signalent queles jeunes filles souffrent davantage que lesgarçons des abus sexuels et de la séparationprématurée de leur mère. Quant aux effetspsychologiques de la prostitution, on citera lamarginalisation sociale et l’impression du sujetd’être «stigmatisé».

Coûts sociaux du travail des enfants

Les coûts sociaux, éducationnels et culturelsdu travail des enfants dans le secteur du tou-risme sont énormes mais impossibles à quanti-fier. On estime généralement que l’absence descolarité entraîne des répercussions profondessur le développement de l’enfant. Une étudemenée au Kenya constate que 35 pour cent desenfants travailleurs souhaiteraient retourner àl’école et se préparer à une vie normale et à unecarrière. Certains commentateurs accusent letourisme de désintégrer la cellule familiale etde détruire les relations entre hommes etfemmes, jeunes et vieux.

L’hôtellerie, la restauration,le tourisme: un secteur vulnérable

Le secteur HRT, orienté vers l’exportation,est très vulnérable et sensible à l’opinionpublique. Les conférences internationales surl’exploitation sexuelle des enfants et la médiati-sation du problème au niveau mondial ont ternil’image du tourisme. Le «tourisme sexuel» estdevenu un délit pénal et sa répression faitdésormais l’objet d’une coopération internatio-nale. Le risque de boycott existe.

Responsabilité du secteur HRT

Le secteur doit trouver les moyens d’endi-guer et d’éliminer le travail des enfants, et doiten premier lieu prendre des mesures éner-giques contre sa forme la plus intolérable, cellede l’exploitation sexuelle des enfants.

Stratégies de l’OIT et Programmesde l’IPEC pour combattre le travaildes enfants

Le Programme international pour l’abolitiondu travail des enfants (IPEC) est le principalinstrument d’action de l’OIT. Ce programme sedéploie maintenant à une échelle et avec uneintensité sans précédent. Dans le cadre duprogramme se déroulent actuellement plus de

700 projets concernant le travail des enfantsdans plus de 40 pays d’Asie, d’Afrique etd’Amérique latine. Sachant que l’action contrele travail des enfants relève au premier chef dela compétence des Etats, l’IPEC centre sesefforts sur le développement et le renforce-ment des capacités et ressources nationalesdans les quatre principaux domaines d’actionci-dessous.

Les organisations participant au pro-gramme reçoivent une aide pour mettre aupoint et appliquer des mesures de lutte contrele travail des enfants sur quatre fronts : préve-nir le travail des enfants, soustraire les enfantsaux travaux dangereux, offrir des solutions deremplacement et améliorer les conditions de tra-vail, à titre de mesures transitoires vers l’élimi-nation du travail des enfants. Le programmeprévoit l’application d’une stratégie multisec-torielle et progressive, comportant les étapessuivantes :

● élaboration de politiques nationales et de pro-grammes intégrés, centrés sur des groupescibles exigeant une action prioritaire ;

● réforme de la législation et renforcement del’application des lois ;

● recherche, observation, collecte et analysed’informations, sensibilisation au pro-blème, et

● mobilisation de tous les partenaires dansune grande alliance : gouvernements,employeurs et organisations de travailleurs,ONG, institutions universitaires, médias etassociations d’intérêt public; octroi d’uneaide à ces partenaires pour la mise au pointde projets pilotes qui permettront de conce-voir des modèles et des stratégies efficaces.

Exemples de programmes d’actionde l’IPEC

Depuis son lancement, en 1992, l’IPEC aoctroyé un soutien financier et technique auxprogrammes ci-après, pour n’en citer quequelques-uns, en vue d’abolir le travail desenfants dans le secteur du tourisme:

i) La Child Welfare Society, Kenya, a créédes centres de réadaptation pour lesfillettes des rues, principalement prosti-tuées, de Nairobi, Mombasa et Bungoma.Ces centres de sauvetage ont fourni unrefuge temporaire mais sûr aux fillettestravaillant dans des conditions dange-reuses et nocives pour leur santé physique

et morale et pour leur développementgénéral. Le programme avait pour objectifde renforcer le réseau d’organisations pre-nant en charge les fillettes des rues et lesfillettes qui travaillent, et d’accroître lacapacité de ces institutions en formant destravailleurs sociaux.

ii) Aux Philippines, l’IPEC a apporté un sou-tien au Ministère du travail et de l’emploien vue d’un programme intégré de pré-vention et de protection des enfants dansle tourisme, les établissements de divertis-sement et l’hôtellerie de la Région I. Cetterégion est réputée pour ses plages et sesétablissements touristiques, qui emploientune majorité de femmes et de fillettes. Larégion n’a pas été épargnée par le fléausocial de la prostitution enfantine et de lapédophilie.

iii) En Thaïlande, l’IPEC a soutenu le Pro-gramme et le Centre d’éducation et dedéveloppement des jeunes filles. En 1994-95, le projet a permis de protéger les fillettesdes minorités tribales pauvres du Nord dela Thaïlande en les détournant des piègesqui les auraient conduites au travail forcé.Durant la phase initiale (1993-94), une cen-taine de jeunes filles ont reçu une formationet acquis des qualifications. Elles ont alorsété encouragées à former leurs propresgroupes de soutien et à retourner dans leurcommunauté d’origine. En cela, on a veillé àdévelopper la coopération entre les pou-voirs publics locaux, les entreprises, lesONG, les enseignants et les familles, afind’empêcher la migration des enfants-tra-vailleurs des zones rurales vers les villes.

Dans le cadre de la phase actuelle du projet,de nombreuses jeunes filles ont bénéficié demesures d’intervention: formation et qualifica-tion, éducation générale, formation à l’anima-tion de groupes et sensibilisation au niveau descollectivités. Grâce au renforcement de lacoopération entre ONG, entreprises, dirigeants,moines et grand public, le programme s’est tra-duit par un effort régional réellement fructueuxpour empêcher le travail des enfants. En coopé-ration avec le Ministère de l’éducation, l’IPEC alancé un programme visant à munir les jeunesfilles vulnérables de qualifications susceptiblesde déboucher sur un emploi.

iv) Sur le modèle du projet de Thaïlande, desprogrammes analogues sont à présent encours au Brésil, et en préparation à SriLanka.

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v) Au niveau régional, deux programmessubrégionaux contre le trafic d’enfantssont en cours d’application en Asie du Sudet dans le Bassin du Mékong.

Initiatives potentielles de la partdes principaux agents

Gouvernements

● s’attacher au problème du travail des enfantsdans la planification du secteur de l’hôtelle-rie, de la restauration et du tourisme;

● ratifier la convention sur le travail forcé(no 29) de 1930, et la convention sur l’âgeminimum (no 138) de 1973;

● appliquer concrètement la législation sur letravail des enfants, en faisant suivre uneformation aux inspecteurs du travail et enimposant des sanctions pour toutes lesformes d’exploitation de l’enfant ;

● veiller à la réadaptation et à la réinsertiondes ex-enfants travailleurs ;

● offrir une éducation primaire obligatoire,gratuite et de qualité pour tous;

● mettre en œuvre des programmes de réduc-tion de la pauvreté ;

● offrir des infrastructures, des services desanté et des services sanitaires.

Secteur de l’hôtellerie,de la restauration et du tourisme

● mettre immédiatement fin aux formes lesplus intolérables de travail des enfants, etnotamment à leur exploitation sexuelle ;

● de la part des entreprises, élaborer descodes de conduite aux fins d’empêcher letravail des enfants ;

● respecter la législation nationale sur le tra-vail des enfants ;

● encourager les activités qui permettent auxenfants en âge de travailler et à leur familled’acquérir des qualifications susceptiblesde déboucher sur un emploi ;

● mettre en œuvre des programmes nova-teurs en vue d’offrir des emplois adéquatset à plein temps aux personnes en charged’une famille ;

● veiller à une formulation responsable dela publicité et de la commercialisation dutourisme;

● sensibiliser le personnel du tourisme auxdroits de l’enfant.

Organisations de travailleurs

● inclure des clauses d’interdiction du tra-vail des enfants dans les conventions col-lectives ;

● négocier une amélioration des conditionsde travail des adultes dans les conventionscollectives ;

● promouvoir des programmes de sensibili-sation chez les travailleurs ;

● préconiser la création d’autres filières d’em-ploi et d’éducation des enfants travailleurset de leur famille.

Consommateurs / touristes

● promouvoir une éthique du tourisme;

● sensibiliser les touristes au travail desenfants et à leur exploitation sous toutes sesformes.

La communauté internationale

● sensibiliser l’opinion publique et adopterdes plans d’action et des résolutions dansdes conférences internationales ;

● coopérer avec INTERPOL;

● accroître les ressources pour la prévention,l’abolition et la réinsertion dans le cadre duProgramme international pour l’abolitiondu travail des enfants.

Travail dangereux et travail forcé

Les enfants des communautés ruralespauvres sont exposés à des risques terriblesdans le travail agricole, car ils sont exploités etastreints à des tâches dangereuses. Les risquessont multiples : cueillette de fruits et delégumes dégoulinants de pesticides, épandagede ces substances, etc. Selon des statistiquesétablies à Sri Lanka, l’empoisonnement auxpesticides dans les exploitations agricoles etdans les plantations est une cause de décèsplus importante chez les enfants que des mala-dies comme la malaria ou le tétanos. Lesenfants sont exposés aux serpents et insectesvenimeux et aux blessures causées par destiges végétales fibreuses ou des outils cou-pants. Levés très tôt pour travailler dans lefroid et l’humidité, souvent pieds nus et insu-fisamment vêtus, les enfants sont sujets auxpneumonies ou à la bronchite chronique. Ilspassent de longues journées dans les champs –souvent de 8 à 10 heures par jour.

Les enfants manipulant des produits agro-chimiques ou employés dans la production deplantes telles que le sisal, souffrent d’affectionscutanées, respiratoires ou nerveuses. Les enfantsqui récoltent le tabac en Tanzanie sont sujets àdes nausées, des vomissements et des évanouis-sements par empoisonnement à la nicotine.Amenés à soulever des poids importants oueffectuer des gestes répétitifs alors qu’ils sontencore en période de croissance, ils risquent deslésions définitives de la colonne vertébrale.

On aurait tort de croire que les enfants tra-vaillant dans les petites « exploitations fami-liales » ne sont pas exposés à de tels risques.Dans de nombreux pays, les exploitations agri-coles de ce type produisent une bonne partie,voire la majorité des produits céréaliers et/oufrais, à l’aide de petites machines agricoles, etrecourent intensivement aux pesticides. A l’ins-tar des grandes entreprises de l’agro-industrie,les petites exploitations sont elles aussi suscep-

tibles d’abuser des produits chimiques, cette foispar manque de connaissances et de formation.

Les grandes entreprises qui produisent pourl’exportation engagent souvent des familles augrand complet. Lorsque ces travailleurs sont aurégime du travail à la pièce ou aux quotas, ilest entendu que les enfants participent au tra-vail, même s’ils ne sont pas officiellementembauchés. Il n’est pas rare que la main-d’œuvre employée en sous-traitance, à titre sai-sonnier dans les plantations et au régime dutravail à la pièce, inclue des enfants auxquelssont dévolus des travaux dangereux pour unsalaire dérisoire. La direction de la plantationpeut alors se mettre hors de cause en déclarantn’avoir aucune responsabilité pour la santé etla sécurité de ces enfants qui travaillent sansêtre embauchés. L’expansion énorme du travailen sous-traitance dans le monde entier risqued’entretenir une forte demande de travailenfantin dans l’agriculture.

Partout dans le monde, de nombreuxenfants sont contraints à travailler dans le sec-teur agricole. L’agriculture est probablementune source de travail forcé plus importanteque le secteur manufacturier. Le travail sousservitude, qui se rencontre principalement enAsie du Sud et en Amérique latine, est uneforme moderne d’esclavage par laquelle, encontrepartie d’une somme d’argent versée àtitre d’acompte ou de prêt, une personne offreson travail ou celui d’un enfant pour unedurée indéterminée. Parfois, seul l’enfant estmis en gage pour le remboursement, et à cetitre, n’est pas considéré comme autre chosequ’un objet.

Le travail sous servitude est fréquent dansles régions rurales, marquées par la survivancede structures traditionnelles de classes ou decastes et de relations semi-féodales. Les famillesde paysans sans terre et les saisonniers migrantssont particulièrement exposés au travail sousservitude car ils n’ont aucune autre source decrédit. Le travail sous servitude apparaît aussi

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Le travail des enfants dans l’agriculture

Alec FyfeConsultant

BIT, Genève

L’extrait ci-après est tiré d’une publication intitulée Bitter Harvest – Child labour in agriculture,par Alec Fyfe, Projet BIT INT/96/MO6 NOR, avril 1996.

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dans le cadre du fermage et du métayage.Lorsque les salaires ne suffisent pas à couvrirles dépenses nécessaires – alimentation, outilsou semences, les familles de fermiers ou demétayers s’adressent souvent au propriétairepour obtenir des prêts ou autres formesd’avances.

Hormis le travail forcé prévalant dans le sec-teur agricole, il faut également citer les indus-tries de la pêche en Indonésie, à Sri Lanka, auxPhilippines, en Inde et au Pakistan. Le travailforcé dans l’agriculture de rapport est égale-ment constaté pour la récolte du rotin aux Phi-lippines, de la canne à sucre et du caoutchoucau Brésil, et des légumes au Honduras et enAfrique du Sud. Les petites exploitations sontégalement touchées par ces pratiques.

Que faire ?

Le remède traditionnellement préconisécontre le travail des enfants est d’améliorer lalégislation et les mesures d’application. Maisdans les régions en développement, la protec-tion légale effective ne va pas au-delà desrégions urbaines et du secteur officiel. Ilimporte de souligner que la convention del’OIT (no 138) de 1973 sur l’âge minimum d’ad-mission à l’emploi exclut explicitement de sesdispositions « la production familiale et celledes petites exploitations destinée à la consom-mation locale et n’employant pas régulière-ment des travailleurs salariés». La plupart deslégislations nationales reflètent cette approcheet excluent l’agriculture. De plus, les exploita-

tions agricoles étant géographiquement trèsdispersées, il ne faut pas s’attendre à ce que lalégislation sur le travail des enfants et les ser-vices d’inspection du travail soient opérantsau-delà des grandes plantations commerciales,et encore. D’autres moyens doivent être trou-vés pour protéger les enfants dans les petitesexploitations agricoles.

A cet égard, il est essentiel d’éduquer et demobiliser les populations. Il s’agit de commu-niquer le message sur le travail des enfants auxcommunautés rurales et aux gouvernements.Les campagnes de sensibilisation du publicdoivent véhiculer une information cruciale, àsavoir, que le travail des enfants dans l’agricul-ture n’est pas nécessairement moins dange-reux qu’en milieu urbain. Bien au contraire, letravail dans une exploitation familiale peutimposer aux enfants des exigences démesu-rées, notamment de longues durées de travailqui les empêchent de fréquenter l’école et desefforts physiques excessifs qui compromettentleur croissance. Ce travail peut empêcher lesenfants d’exercer leurs droits et de développerpleinement leur potentiel.

Il importe aussi de faire savoir aux commu-nautés rurales qu’il existe d’autres solutionsque le travail des enfants, et en particulier, deleur faire prendre conscience de l’importancede l’éducation pour tous les enfants. Le déve-loppement et l’amélioration de la scolaritépour les enfants pauvres – et en particulier lesfilles – sont le moyen le plus sûr d’endiguer leflot des enfants poussés dans des formes detravail abusives.

La Confédération nationale des travailleurs de l’agriculture (CONTAG)

Au Brésil, la plupart des enfants travailleurs se trouvent dans l’agriculture, où les syndicatssont d’ailleurs actifs, en particulier la Confédération nationale des travailleurs de l’agriculture(CONTAG). La CONTAG regroupe 24 fédérations au niveau des Etats et 3 200 syndicats, repré-sentant 9 millions de travailleurs agricoles membres du Mouvement syndical des travailleursruraux (MSTR). La CONTAG est responsable de la coordination nationale des actions concernantla représentation et la défense des intérêts des travailleurs agricoles, qu’ils soient salariés (per-manents ou temporaires), ou petits exploitants (propriétaires fonciers, occupants, fermiers oumétayers). Les principales activités de la CONTAG consistent à fournir orientation et conseils, àorganiser les travailleurs, à traiter les réclamations concernant les contrats de travail (salaires,application de la loi, etc.), à concevoir les politiques agricoles et veiller au développement dusecteur, traiter les questions de sécurité sociale et mener des politiques en matière de santé etd’éducation. La CONTAG s’est fixé pour priorités la négociation collective des contrats de travail,la réforme agraire et la syndicalisation nationale des petits propriétaires fonciers.

La CONTAG a lancé un «Programme pour les enfants travailleurs » dont les activités ontdémarré en 1992-93 sous l’égide de l’IPEC. Des activités ont été déployées dans 88 municipalitésdes Etats de Pernambuco, Paraiba, Rio Grande do Norte (Nord-Est du Brésil), Mato Grosso(centre du Brésil) et Paraná (Brésil méridional). Ces régions comptent de très nombreux tra-vailleurs agricoles.

Les communautés rurales sont les plus malloties en matière d’éducation. Des efforts spé-ciaux doivent par conséquent être déployéspour assurer aux enfants une scolarité adéquate,et pour améliorer la qualité, la flexibilité et lapertinence de l’éducation, de manière à accroîtrela demande de la part des familles pauvres. Desmesures incitatives devront être trouvées pourrompre avec la tradition du travail des enfantsqui nuit tant à leur développement.

Que peuvent faire les travailleursruraux et leurs organisations ?

C’est bien entendu la représentativité quidonne aux syndicats le pouvoir de soulever etde traiter le problème du travail des enfants.Mais en attendant d’être suffisamment fortspour lancer des actions contre le travail desenfants, les syndicats peuvent mettre à profitles campagnes en cours. De fait, c’est enconcrétisant les objectifs syndicaux de base –emploi, hausse des salaires, amélioration desconditions de travail, absence de toute discri-mination dans l’emploi – qu’ils seront à mêmede combattre le travail des enfants.

La participation active des syndicats à lalutte contre le travail des enfants exige uneapproche par étapes : tout d’abord, inscrire lesujet à l’ordre du jour politique, puis créer desstructures, effectuer des recherches et faire

connaître les différentes formes de travail desenfants dans l’agriculture, notamment les plusdangereuses, sceller des alliances tant au seindu mouvement syndical qu’à l’extérieur, exer-cer des pressions pour faire améliorer lesmesures de protection de l’enfance et plaiderpour le droit de l’enfant à l’éducation.

Le Programme d’action avait pour objectifsprincipaux d’élaborer et de diffuser des infor-mations concernant les droits des enfants tra-vailleurs ruraux, et de former des syndicalisteset des surveillants, qui seront ainsi en mesurede négocier de meilleures clauses dans lesconventions collectives. Le projet a abouti à lapublication d’un manuel tiré à 10000 exem-plaires sur les droits des enfants travailleursagricoles, à la tenue de cinq cycles de forma-tion pour 150 dirigeants et surveillants syndi-caux, et à la production de sept émissions deradio qui ont permis de démultiplier l’effet desensibilisation grâce à un réseau de 160 sta-tions de radio locales. Ces émissions ont rem-porté un succès au-delà de toute espérance.

L’expérience du combat contre le travaildes enfants dans l’agriculture a accru la prisede conscience des syndicalistes et des diri-geants des collectivités. Le Programme d’ac-tion a également rassemblé les parents et lesenfants travailleurs dans un débat sur lesconditions de vie et de travail des enfants dansles régions rurales.

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L’industrie du diamant, des pierres pré-cieuses et de la bijouterie représente aujour-d’hui la part unitaire la plus importante desexportations de l’Inde ; cette part a atteint 17pour cent en 1994-95, contre un pour cent en1960-61.

Le diamant constitue 85 pour cent de l’en-semble de la production. L’Inde taille et polit,en poids, 70 pour cent de la totalité des dia-mants du monde, et en valeur, 40 pour cent. Laplupart des diamants bruts taillés en Inde pro-viennent de l’importation. L’Inde travaille lesdiamants de petite taille, en recourant à desméthodes traditionnelles à forte intensité demain-d’œuvre. L’industrie du diamant emploieprès de 1,5 million de personnes, pour la plu-part dans le secteur informel. Les grandesentreprises tentent souvent de contourner lesdispositions de la législation indienne sur lesusines en atomisant leurs activités pour formerde petites unités appartenant – sur le papier – àdes propriétaires différents. Une enquêtemenée en 1996 révèle que la plupart des tra-vailleurs ne connaissent pas le nom de leuremployeur réel, ni le nom de l’établissementdans lequel ils travaillent.

De dimension modeste pour l’instant, le sec-teur de la transformation des pierres précieusesse développe rapidement. L’Inde fournit aumarché mondial 95 pour cent des émeraudes,85 pour cent des rubis et 65 pour cent dessaphirs. En Inde, l’industrie des pierres pré-cieuses n’est assujettie à aucune législation dutravail. Le travail est rémunéré à la pièce ets’inscrit dans un système compliqué d’intermé-diaires entre le travailleur et l’exportateur.

A quelques exceptions près, les lieux de tra-vail sont généralement surpeuplés, faiblement

éclairés et mal ventilés. S’ajoutent encore à celades durées de travail longues et irrégulières,des postures de travail crispées, une tension etun stress continuels – autant de sources demaladies et d’accidents professionnels.

Les syndicats sont pourtant présents dansces industries, mais le recrutement reste diffi-cile et se heurte à toutes sortes d’obstacles :opacité des relations employeur-employé,régime de rémunération à la pièce et fortes dis-parités salariales, d’un groupe de travailleurs àl’autre et entre les différents domaines d’acti-vité. Mais le principal problème reste l’antisyn-dicalisme virulent des employeurs, qui sonttrès organisés et peuvent sans peine excluredes travailleurs du marché de l’emploi s’ils lesjugent susceptibles de déclencher des troublessociaux. De nombreux établissements sont gar-dés par des vigiles armés, chargés de protégerles pierres précieuses. Les employeurs vontmême jusqu’à «régler» les conflits du travailpar les armes. Le 4 avril 1996, lors d’un conflitdu travail, Shri Prashant Marathe, ouvrier dia-mantaire, a été tué sous les balles du proprié-taire de son entreprise et de deux gardes desécurité. Huit de ses camarades ont été grave-ment blessés.

C’est dans ces conditions que travaillentaussi des enfants. Dans la région de Surat, unpolisseur de diamant sur dix est un enfant.L’enquête menée en 1996 dans le cadre du Pro-jet national de politique sur le travail desenfants montre que dans cette région, jusqu’à40 pour cent des salaires perçus par unefamille proviennent des enfants. Outre lesenfants travailleurs qui vivent avec leursparents, il existe également à Surat un grouped’enfants logeant dans les ateliers et travaillant

Le travail des enfants dans l’industrie du diamantet des pierres précieuses en Inde

Chandra Korgaokaret Geir Myrstad

Chandra Korgaokar est responsable de la coordination, pour l’Inde, au nom de l’Alliance universelle desouvriers diamantaires (AUOD), et Geir Myrstad est fonctionnaire du BIT au Bureau des activités pour lestravailleurs en qualité de conseiller technique principal pour le projet intitulé Elaboration de stratégiessyndicales nationales et internationales pour combattre le travail des enfants, projet financé parla Norvège. Tous deux ont pris part au Congrès mondial de l’AUOD à Tel-Aviv (26-29 mai 1997). L’ar-ticle ci-après expose quelques-uns des problèmes discutés au sein du groupe sur le travail des enfants,constitué dans le cadre de ce congrès.

depuis leur plus jeune âge. Ces enfants sontdes migrants venus d’autres régions, le plussouvent en compagnie de travailleurs adultes.

Il ressort d’entretiens menés avec desouvriers diamantaires de Surat dont lesenfants travaillent, que ces ouvriers n’ont pasle statut d’artisans et occupent le niveau leplus bas de l’échelle économique et sociale.Leur propre travail est très irrégulier etdépend de l’alimentation du secteur en électri-cité : pas d’électricité, pas de travail. Ils préfè-rent envoyer leurs enfants travailler dansl’industrie diamantaire avec l’espoir qu’ilsdeviennent un jour artisans, plutôt que de lesenvoyer à l’école, car ils ne sont pas sûrs que lesystème scolaire puisse les aider à trouver unemploi dans le secteur régulier.

Ce sont donc les travailleurs du «bas del’échelle » de l’industrie diamantaire quienvoient leurs très jeunes enfants au travail.Les enfants d’artisans, les polisseurs de dia-mants par exemple, fréquentent l’école durantplusieurs années avant de commencer unapprentissage. Quant aux enfants des com-merçants et négociants de la branche, ils netravaillent jamais, même s’ils choisissent géné-ralement d’entrer dans le commerce des dia-mants à la fin de leurs études.

On ne dispose pas de statistiques fiablessur le nombre d’enfants employés dans ce sec-teur. Ils seraient entre 10 000 et 20 000, selondes estimations officielles et officieuses. Denombreux enfants sont employés à la produc-tion de ghats (pierres grossièrement taillées),au facettage, au perçage et au polissage depierres semi-précieuses. Pour ce qui est despierres précieuses, les enfants sont surtoutemployés pour coller les pierres dégrossies surles bâtonnets et pour effectuer le polissagefinal aux oxydants, c’est-à-dire des tâches quine risquent pas d’endommager le produit fini.

Les enfants occupés au polissage des pierresprécieuses sont censément engagés commeapprentis mais ils ne sont en réalité qu’unemain-d’œuvre à bon marché. Durant les deuxpremières années, l’enfant ne reçoit aucunsalaire sinon une rémunération occasionnelle,et travaille dix heures par jour. L’emploi d’unenfant fait économiser au sous-traitant (ustad)entre 150 et 200 roupies par mois durant cettepériode. Au bout de deux ans, il verse à l’en-fant 50 roupies par mois, alors que celui-cieffectue un travail qui en vaut au moins 250 à300. Lorsque l’enfant a passé trois ou quatreans dans l’usine et qu’il a appris à exécuter dif-férents types de facettes, il «vaut» au moins300 à 400 roupies par mois, mais il n’en reçoit

que 100. A 14 ou 15 ans, l’enfant maîtrise lepolissage des pierres précieuses et gagne alors150 à 200 roupies, alors que les adultes perçoi-vent entre 500 et 600 roupies pour le même tra-vail. Voilà comment le sous-traitant exploite letravail des enfants pour rafler un maximum debénéfices.

Quatre-vingts pour cent des enfants qui tra-vaillent sont chauffeurs de rickshaw ouemployés chez des boulangers, barbiers, etc.Les parents interrogés dans le cadre de l’en-quête expliquent que ces travaux physiquessont très pénibles et qu’ils veulent épargner untel sort à leurs enfants. C’est pourquoi ils pré-fèrent les envoyer dans les entreprises depolissage de pierres précieuses, afin qu’ilsapprennent un métier plus lucratif. La plupartestiment qu’environ 80 pour cent des parentsdont les enfants travaillent à plein temps ontcontracté des prêts en échange de leur assujet-tissement au travail, mais qu’en général, cesprêts ne dépassaient pas 500 roupies. Près de50 pour cent des enfants occupés au polissagedes pierres précieuses sont issus de famillesdont le revenu est soit incertain, soit très faible,ou les deux. Ces parents envoient leurs enfantsdans l’industrie du polissage des pierres pré-cieuses pour leur éviter de devenir «coolies»ou porteurs, chauffeurs de rickshaw à bicy-clette ou tireurs de voiture à bras. Certainsparents ne sont guère convaincus des bienfaitsde l’éducation, qui est coûteuse, et préfèrentque leurs enfants deviennent artisans.

De toute évidence, les employeurs de l’in-dustrie du diamant et des pierres précieusesde l’Inde préfèrent occuper des enfants car ilsconstituent une main-d’œuvre gratuite, oupresque. Le remplacement des travailleursadultes par des enfants leur procure de colos-sales économies. A cet égard, l’industrie dudiamant et des pierres précieuses se distinguedes autres industries de l’Inde. Une récenteétude du BIT montre par exemple que les éco-nomies de main-d’œuvre réalisées grâce autravail des enfants sont inférieures à 5 pourcent dans la production des bracelets et sesituent entre 5 et 10 pour cent dans la produc-tion des tapis. La différence est sans doute suf-fisamment modeste pour être ajoutée au prixdu produit fini payé par le consommateur, quiaccepterait sans doute de subventionner lecoût du remplacement des enfants travaillantdans ce secteur.

Mais pour les diamants et les pierres pré-cieuses, il en va tout autrement. Sans le travaildes enfants, ces industries ne pourront proba-blement pas poursuivre leur activité, à moins

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d’un changement dans les modalités de répar-tition des bénéfices entre les différents agentsde la chaîne de production, ou d’une restructu-ration de l’ensemble du secteur. Celui-ci a detoute façon besoin d’être restructuré, car avecou sans le travail des enfants, il doit instaurerune plus grande transparence de la relationemployeur-employé.

Le groupe de travail précité s’est efforcé,dans ses délibérations, d’élaborer des straté-gies syndicales qui seront appliquées dans lecadre d’un effort concerté pour éliminer le tra-vail des enfants dans l’industrie du diamant etdes pierres précieuses de l’Inde. Il a défini troisgrands axes de réflexion:

Premièrement, il va de soi que le mouve-ment syndical est moralement tenu de signaleret de dénoncer le travail des enfants dans lesecteur. Priorité doit être donnée aux cam-pagnes de sensibilisation du public, en parti-culier dans les pays où le marché des pierresprécieuses est important. Ces campagnes doi-vent être menées de manière professionnelle ettoujours être complétées par d’autres initia-tives. Leur objet sera d’encourager lesemployeurs à négocier un accord d’élimina-tion du travail des enfants, de pousser les gou-vernements à prendre des mesures et demotiver les consommateurs à soutenir lesactions positives. Les campagnes qui secontenteraient de dénoncer l’industrie dia-mantaire pour la prolifération du travail desenfants risquent un retour de boomerang endécourageant les consommateurs d’acheter cesproduits. Le diamant, symbole d’amour et de

bonheur : tel est bien l’argument de ventechoisi par les industriels eux-mêmes, qui ontdéveloppé de vastes marchés grâce à ce slo-gan. Si le diamant devait être terni par uneimage négative, les marchés s’affaibliraient, audétriment certes des industriels, mais aussi destravailleurs et de leurs enfants.

Deuxièmement, l’industrie du diamant esttrès étroitement contrôlée par un pouvoirhypercentralisé, car la distribution des dia-mants bruts en vue de leur taille est aux mainsd’un groupe restreint d’individus. Ce contrôlepourrait être mis à profit pour réduire lenombre d’enfants actifs dans le secteur. En cedomaine, la priorité numéro un sera donc denégocier des codes de conduite.

Troisièmement, il semblerait que pour lesparents et peut-être aussi pour les jeunes inté-ressés, la perspective d’une carrière soit leprincipal mobile de leur mise au travail, depréférence à la scolarité. Dans le secteur despierres précieuses, les affiliés de l’AUOD duBrésil ont ouvert des centres de formation pro-fessionnelle pour le polissage des pierres pré-cieuses. Les résultats montrent que six mois deformation suffisent à acquérir les compétencesrequises pour entrer dans le secteur du polis-sage. S’il pouvait être créé d’autres centres dece type, ayant pour mission de former lesjeunes au sortir de la scolarité, on démontreraitqu’il n’est pas nécessaire de passer uneenfance entière dans un atelier de travail inten-sif pour pouvoir travailler, adulte, dans l’in-dustrie des pierres précieuses.

Depuis le lancement du Programme interna-tional pour l’abolition du travail des enfants(IPEC), le groupe des travailleurs du Conseild’administration du BIT n’a de cesse de souli-gner à quel point il est important que le mouve-ment syndical participe activement à l’exécutiondu Programme, car les syndicats peuvent etdoivent jouer un rôle essentiel dans la luttecontre le travail des enfants. Les représentantsdes travailleurs ont, dans les diverses instancesde l’OIT, demandé instamment que l’IPECaccroisse sa coopération avec les syndicats auxniveaux national, sous-régional et régional.

On ne peut nier que l’IPEC ait coopéré avecles organisations syndicales depuis son lance-ment, en 1992. Toutefois, cette coopérations’est avérée plutôt limitée, notamment pen-dant les toutes premières années de son fonc-tionnement. Les partenaires les plus assidus del’IPEC, au cours des deux premières années,ont été les ONG. Ce partenariat est compré-hensible dans la mesure où les ONG peuventfaire des propositions pour les programmesd’action, du fait que celles qui s’occupent desquestions du travail des enfants sont enmesure de concentrer tous leurs efforts sur lesujet et qu’elles ont acquis une grande expé-rience dans l’exécution des projets. Ainsi, pen-dant la période 1992-1994, plus de 60 pour centdes programmes de l’IPEC ont été menés àbien en collaboration avec des ONG nationaleset internationales.

Pendant cette même période, la proportionde projets menés de concert avec les syndicatsa été de 7,1 pour cent. Ce pourcentage agrimpé à 11,9 pour cent en 1994-95 et à 15,6pour cent en 1996. L’absence initiale d’activitésavec les syndicats peut s’expliquer par le faitque ces derniers, à la différence des ONG, doi-vent traiter une grande diversité de questionsqui touchent à la vie même des travailleurs etil ne serait guère raisonnable de leur deman-der de consacrer l’ensemble, ou même la majo-rité de leurs ressources, à la mise au pointd’activités visant à interdire le travail desenfants. Cependant, l’augmentation sensibledes activités de l’IPEC avec les syndicats

montre bien qu’un nombre croissant de syndi-cats ont commencé à inscrire la question dutravail des enfants sur leur ordre du jour etqu’ils ont formulé des propositions pourœuvrer de concert avec l’IPEC. Cette augmen-tation n’est toutefois pas suffisante et il restebeaucoup à faire pour promouvoir la partici-pation des syndicats aux activités de l’IPEC.

Pendant les cinq premières années de fonc-tionnement de l’IPEC (1992-1996), quelque 102programmes au total ont été exécutés avecl’aide des syndicats, soit 12,2 pour cent de l’en-semble des programmes de l’IPEC. Parmi cesprogrammes, 60 ont été menés à bien en Asie,du fait que, jusqu’à récemment, c’était surtoutlà que l’IPEC était opérationnel. Parmi les paysqui ont participé aux activités de l’IPEC, c’estl’Inde (22), le Brésil (18) et le Bangladesh (12)qui ont entrepris le plus grand nombre d’acti-vités avec les syndicats.

Quels types d’activités les syndicatspeuvent-ils entreprendre pour luttercontre le travail des enfants ?

En qualité d’organisations des travailleurs,représentatives d’une grande majorité de lasociété, les organisations syndicales ont ledevoir moral de promouvoir la justice socialeet de lutter contre toutes les formes d’injustice,dont le travail des enfants est l’une des illus-trations les plus criantes. En fait, dès le milieudu XIXe siècle, une organisation syndicale, laPremière internationale, avait réclamé unecampagne internationale pour que cesse le tra-vail des enfants. Ces dernières années, les syn-dicats ont, aux niveaux national et international,redoublé d’efforts pour lutter contre ce fléau.

Les syndicats peuvent jouer un rôle propreet significatif dans la lutte pour l’abolition dutravail des enfants. C’est à eux que revient,logiquement, la tâche de mettre au jour et dedénoncer l’exploitation des enfants, tant auniveau local qu’aux niveaux national et inter-national. Ils peuvent se faire les champions –crédibles – de la protection des enfants et luttercontre leur exploitation au travail en apportant

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L’IPEC et les syndicats

Satoru TabusaBureau des activités pour les travailleurs

BIT

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des preuves tangibles selon lesquelles desenfants travaillent et qu’ils en subissent delourdes conséquences. Les syndicats sont toutparticulièrement bien placés pour étendre leurprotection aux travailleurs enfants et militer enfaveur du droit des enfants à accéder à uneéducation suffisante, tout en faisant valoir lesdroits des travailleurs adultes à percevoir unerémunération suffisante, ce qui contribuerait àdissuader les familles pauvres de mettre leursenfants au travail. Ils sont aussi capables d’ex-pliquer à un grand nombre de travailleurs et àleur famille qu’il est important de promouvoirl’éducation de leurs enfants, de les protégercontre les risques professionnels et de lesconvaincre de ne pas entrer trop tôt sur le mar-ché du travail. Les syndicats ont, en tant quepuissant groupe de pression, un rôle clé à joueren négociant avec leurs employeurs lors desnégociations collectives dans l’entreprise, maisaussi en s’associant à d’autres partenaires pourmobiliser leurs efforts et sensibiliser l’opinionpublique aux niveaux national et international(voir encadré page 60).

La collaboration des syndicatsavec l’IPEC au niveau national

La majorité des activités syndicales menéesen collaboration avec l’IPEC peuvent se diviseren deux volets : la sensibilisation d’une part, etl’action directe pour protéger les enfants autravail d’autre part. La plupart des activités desensibilisation s’adressent aux délégués et auxmembres syndicaux. Certains syndicats ontégalement mené une campagne de sensibilisa-tion auprès du grand public. Les enquêtes surle travail des enfants conduites par des organi-sations syndicales peuvent aussi être considé-rées comme des activités de sensibilisation.

Quant à l’action directe destinée à protégerles enfants au travail, elle s’est surtout concré-tisée par la mise à disposition des enfants d’unenseignement non institutionnalisé ou d’uneformation professionnelle et technique. Pource faire, les syndicats ont soit organisé descours dans la zone où le groupe cible desenfants travaillaient, soit construit une petiteécole. Certains syndicats ont même réussi àsoustraire des enfants au travail dangereuxqu’ils effectuaient.

On trouvera ci-après quelques exemples(voir encadré) d’activités syndicales menéesavec l’appui de l’IPEC. Ces exemples ont étéchoisis pour illustrer les diverses stratégies queles syndicats ont mises en œuvre pour luttercontre le travail des enfants.

Il convient de noter que, indépendammentde l’IPEC, nombreux sont les syndicats qui,dans le monde entier, participent activement àdes activités de lutte contre le travail desenfants. Ainsi, les exemples mentionnés ci-des-sus ne sont que quelques illustrations desnombreuses activités que les syndicats ontmenées jusqu’à présent contre le travail desenfants. Le Bureau des activités pour les tra-vailleurs (BIT) a récemment intensifié sesefforts pour promouvoir une certaine coopéra-tion entre les syndicats et l’IPEC, notammentau niveau des pays. Par ailleurs, il a multipliéles consultations avec les organisations syndi-cales internationales pour étudier les diversespossibilités d’inciter leurs organisations affi-liées à lutter ensemble contre le travail desenfants en organisant des activités appro-priées. Certains secteurs ont été retenus dansle cadre d’éventuelles actions futures, à savoir :les mines de charbon, la prostitution enfantineet le tourisme sexuel, le commerce (promotionde codes de conduite), les plantations.

La collaboration des syndicatsavec l’IPEC au niveau international

La coopération entre les organisations syn-dicales et l’IPEC au niveau international a étéplus limitée qu’au niveau national. Cette situa-tion est due en partie au fait que la grande partdu budget de l’IPEC a été, et reste consacréeaux activités réalisées au niveau du pays etque les fonds alloués aux activités internatio-nales sont plus modestes – moins de cinq pourcent de l’ensemble du budget de l’IPEC. Cetterépartition correspond aux priorités fixées parles donateurs.

Au niveau international, l’action des syndi-cats avec l’IPEC s’est concrétisée par desréunions et des ateliers organisés par les orga-nisations syndicales internationales. Ainsi, laConfédération internationale des syndicatslibres (CISL) a organisé un séminaire sur le tra-vail des enfants dans le cadre de son Rassem-blement des jeunes pour l’Asie et la région duPacifique. Trois ateliers sous-régionaux ont étéorganisés par l’Organisation de l’unité syndi-cale africaine (OUSA).

La coopération entre l’IPEC et les organisa-tions syndicales internationales devrait s’in-tensifier rapidement étant donné que leBureau des activités pour les travailleurs (BIT)et l’IPEC ont fortement resserré leurs liens.Ils ont, pour ce faire, organisé un certainnombre d’activités internationales, démarchequ’ils devraient poursuivre à l’avenir. Ainsi,

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Enquête

L’Organisation centrale des syndicats(COTU) du Kenya a préparé une enquête surle travail des enfants qui devrait jeter les basesde son action future.

Elaboration d’une politique

Au Brésil, la Centrale unique des travailleurs(CUT) a créé, au sein de son Secrétariat des poli-tiques sociales, une commission nationale sur lesdroits de l’enfant et de l’adolescent, chargée,en coopération avec d’autres syndicats et insti-tutions, de coordonner les actions visant àgarantir les droits de l’enfant et de l’adolescent,et notamment le droit d’être protégé de touteexploitation économique. La centrale envisagede poursuivre la création de commissions simi-laires dans ses sections des Etats de l’Union etdans ses organisations affiliées. La politiquesociale de la CUT encourage également sesmembres à participer activement au Forumpour la défense des droits des enfants et desadolescents et au Conseil pour les droits desenfants et des adolescents.

Surveillance

En Inde, en Indonésie, au Kenya, aux Philip-pines et en Turquie, les syndicats ont mis surpied des unités de surveillance. Ces unités ontlargement contribué à sensibiliser les membressyndicaux et à porter certains cas d’exploitationà l’attention du grand public.

Sensibilisation

De nombreuses organisations syndicales dedivers pays ont mené des campagnes de sensi-bilisation en organisant des séminaires, enpubliant des dépliants, en postant des afficheset en participant à des programmes vidéo, àdes émissions de radio locales, etc.

Négociation collective

Comme cette institution est le pivot de l’ac-tion syndicale, on trouvera ci-après la descrip-tion relativement détaillée d’un cas spécifique.

La Confédération nationale des travailleursde l’agriculture (CONTAG) du Brésil a organisédes cycles de formation à l’intention de sesdirigeants syndicaux pour leur apprendre com-ment inclure, dans leurs conventions collec-tives, des clauses sur les droits des enfants, ycompris sur le travail des enfants, et commentles améliorer. Elle a également procédé à uneanalyse détaillée des contrats en vigueur afinde formuler des clauses sur le « travail desenfants» et de favoriser leur insertion dans les

conventions collectives. Elle a, dans ce contexte,dispensé des conseils aux membres syndicauxde 17 Etats, pendant la négociation de leursconventions collectives respectives. C’est ainsique la CONTAG a réussi à faire figurer les ques-tions du travail des enfants, et notamment laprotection des enfants au travail et l’élimina-tion du travail des enfants, dans les conven-tions collectives. D’autres syndicats, comme laCUT, la CGT et Força Sindical sont en train desuivre l’exemple de la CONTAG.

De nombreuses clauses relatives au travaildes enfants interdisent l’emploi des enfantsâgés de moins de 14 ans. Ces clauses disposentque l’emploi de mineurs de moins de 14 ansest assujetti aux principes et dispositions de laCharte de l’enfant et de l’adolescent. Certainesconventions collectives, comme la conventiondes travailleurs des plantations de café, stipu-lent que la rémunération doit être la mêmepour les hommes, les femmes et les enfants demoins de 14 ans. Certains accords comportentmême des dispositions régissant l’éducationdes enfants des travailleurs. Ainsi, la conven-tion collective des travailleurs des plantationsde canne de Pernambuco demande que lesemployeurs qui occupent plus de 50 ouvriersgarantissent la gratuité de l’enseignement pri-maire à leurs enfants. Cette obligation ne peutêtre satisfaite que si les employeurs consacrentune zone de leur plantation aux activités sco-laires. Ils sont exemptés de cette obligation s’ilexiste une école dans un rayon de 1 km de laplantation.

Soutien direct aux enfants

L’Association des femmes journalistes deTanzanie a mis sur pied un programme des-tiné aux employés domestiques. Elles s’effor-cent par là de sensibiliser les adultes et lesenfants qui travaillent dans ce secteur enorganisant des réunions avec les parents etles agents communautaires dans les régionsoù l’on trouve le plus de travailleurs enfants.Ce programme incite également les domes-tiques les plus âgés à parrainer les jeunesemployés pour les guider et les conseiller. Ilest particulièrement efficace en ce sens qu’ilest dissuasif et que les jeunes enfants sontmoins nombreux à entrer dans les servicesdomestiques.

Le Syndicat des travailleurs ruraux dePetrolina, au Brésil, s’est employé à soustraireau travail des enfants occupés à la productionde fruits, dans des conditions dangereuses,pour les inscrire dans des centres d’enseigne-ment non institutionnalisés et des écolesd’horticulture créés par le syndicat.

un séminaire pour l’Asie et la région du Paci-fique sur la question des syndicats et du travaildes enfants s’est tenu à Bangkok en juillet decette année. Cet atelier a réuni les représen-tants des secrétariats professionnels internatio-naux, des personnels hors siège de l’IPEC etdes spécialistes du Bureau des activités pourles travailleurs (BIT) de la région afin qu’ilséchangent leurs points de vue sur le rôle dessyndicats dans la lutte contre le travail des

enfants et qu’ils planifient toute coopérationfuture. Un séminaire régional à l’intention descentrales syndicales nationales de l’Afrique estprévu pour le second semestre de cette année;elles pourront débattre des diverses manièresde porter la question du travail des enfants aurang des enjeux sociaux et de la faire figurer enbonne place parmi les questions syndicalesinscrites à l’ordre du jour.

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Le travail des enfants

Bien que le travail des enfants soit, dans lecadre des travaux familiaux légers, relative-ment courant au Myanmar et qu’il soit tolé-rable, les travaux professionnels qui sontdangereux ou astreignant pour les enfants, quileur font courir des risques pour leur santé, quiles exposent à des violences physiques oumorales ou les privent de leurs droits, doiventen revanche faire l’objet d’une attention touteparticulière de la part des pouvoirs publics.Partout ailleurs dans le monde, ces types detravaux sont induits par une industrialisationet une urbanisation rapides, servies par l’abon-dance d’une main-d’œuvre bon marché. LeMyanmar réunit certaines de ces conditions,bien que son développement économique soiten retard par rapport à des pays voisins commela Thaïlande, ce qui contribue peut-être àréduire les risques potentiels auxquels sontexposés les enfants.

La fréquentation scolaire

Si l’on part du principe que la plupart desenfants qui ne sont pas scolarisés sont au tra-vail, le taux de fréquentation scolaire devraitalors nous renseigner sur le nombre d’enfantoccupés à des tâches familiales ou à des tra-vaux rémunérés. Toutefois, il semblerait que,d’après les études sur la fréquentation scolaire,le travail ne soit qu’une des raisons à l’originede la non-scolarisation. C’est ainsi que le rap-port préliminaire de l’Enquête de 1990 sur les

disparités cite, comme autres obstacles à lascolarisation, la maladie, les infirmités, l’accèsrestreint et les frais de scolarisation. Apparem-ment, le travail n’expliquerait l’absence de fré-quentation scolaire que pour 5,3 pour cent desenfants. Même s’il n’existe pas, au Myanmar,de données tangibles sur le travail des enfantsde moins de 10 ans, force est de constater quela fréquentation scolaire chez les 5-9 ans esttrès faible et que le travail en est une cause nonnégligeable. En 1990, le Ministère de l’ensei-gnement primaire estimait que 38 pour centdes enfants âgés de 5 à 9 ans n’avaient jamaisfréquenté l’école. Parmi les inscrits, on note untaux élevé de redoublement et d’abandon, dûsouvent au fait que les intéressés sontcontraints de travailler en dehors des horairesscolaires. Moins de 30 pour cent de ceux quis’inscrivent à l’école primaire parviennent à lafin de la quatrième année.

Le recensement de 1983, source nationale laplus récente sur le taux d’activité de la main-d’œuvre, comporte des statistiques sur lesenfants âgés de plus de 10 ans ; mais celles-cine sont pas représentatives du nombre exactd’enfants concernés, du fait qu’elles ne pren-nent en compte que les professions officielle-ment répertoriées et effectuées à plein temps,et que les informations sur la fréquentationscolaire reposent sur le nombre d’inscrits, sansqu’il soit tenu compte de l’assiduité scolaire nidu taux de redoublement. De plus, ces statis-tiques sont périmées. Les poussées inflation-nistes de ces mois derniers vont certainementcontraindre beaucoup d’autres enfants à

Le travail des enfants au Myanmar:un coin de voile à lever

En 1991, le représentant de l’UNICEF au Myanmar a déclaré qu’on ne connaissait pas suffisammentle tissu structurel du Myanmar pour pouvoir mettre au point une stratégie coordonnée visant à traiter lesproblèmes des enfants se trouvant dans des situations particulièrement difficiles, et qu’il fallait donc pour-suivre l’enquête. Depuis lors, l’OIT et l’UNICEF ont, d’un commun accord, signé une lettre d’intention,le 8 octobre 1996. Les extraits suivants sont extraits de trois rapports de l’UNICEF: Myanmar Children inEspecially Difficult Circumstances (Les enfants du Myanmar dans des situations particulièrement diffi-ciles), par le Dr Jocelyn Boyden (fév. 1992) ; Children and Women in Myanmar – A Situation Analysis(1995) (Les enfants et les femmes au Myanmar – analyse de la situation (1995)) ; et Myanmar UNICEFCountry Programme Cooperation 1996-2000. Master Plan of Operations (Le programme de coopération del’UNICEF au Myanmar pour 1996-2000. Plan d’ensemble des opérations). Ces rapports font brièvementétat de la question du travail des enfants.

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rejoindre les rangs de la population active,ceux notamment appartenant aux groupes desplus jeunes, qui vont être retirés de l’école.

Selon le recensement, 533 800 enfants âgésde 10 à 14 ans (soit 12,5 pour cent de la popu-lation totale de ce groupe d’âge) faisait partiede la population active, il y a dix ans. Lenombre de fillettes au travail était, en pourcen-tage de la population féminine de ce grouped’âge, légèrement supérieur à celui des garçons(13,3 contre 11,81 pour cent du total). Lesenquêtes effectuées dans d’autres pays pauvres,où la population est à dominante rurale et où lascolarisation s’effectue en alternance, indiquentque 30 à 40 pour cent des enfants âgés de 6 à15 ans travaillent, souvent à mi-temps et enessayant de conjuguer travail et scolarité. Si leMyanmar devait afficher une proportion sem-blable, cela signifierait que, sur 11,8 millionsd’enfants âgés de 6 à 15 ans, quelque 4 millionsseraient au travail.

Compte tenu de la répartition de la popu-lation du Myanmar entre les zones rurales etles zones urbaines, on peut estimer que la plu-part des petits travailleurs sont occupés à laproduction agricole. Ainsi, parmi la cohortedes 10-14 ans au travail, seuls 37 962 occu-paient, selon le recensement de 1983, unemploi urbain, contre 495 838 qui se concen-traient dans le secteur rural. Toutefois, onignore le rapport entre l’agriculture de subsis-tance, l’agriculture commerciale et l’agricul-ture fondée sur le système coopératif. Cesstatistiques devraient inspirer une politiqueefficace relative aux CEDC (enfants dans dessituations particulièrement difficiles), qui per-mettrait aussi de définir la présence d’enfantsdans les autres secteurs ruraux, comme lebûcheronnage, l’extraction de pierres pré-cieuses, la culture du pavot, la chasse et lapêche. Selon des enquêtes menées à Kunionget à Ken Tung, tout porte à croire que l’essen-tiel de la charge de travail repose sur lesenfants de 10 ans et plus, car c’est à cet âge-làque les enfants, qui ont tendance à travaillerhors de leur foyer et sont donc moins bienprotégés, se voient confier les lourdes tâchesqui reviennent habituellement aux adultes.

Dans les zones urbaines et périurbaines, lesgarçons les plus âgés travaillent souvent dansla maçonnerie, le bâtiment et comme serveursdans les restaurants. Ils sont aussi engagéscomme apprentis dans de petits ateliers. Cer-tains sont rémunérés alors que d’autres nereçoivent que les repas en contrepartie de leurtravail. Filles et garçons contribuent pourbeaucoup au secteur de la laque de Mandalay.

Là encore, filles et garçons, dont beaucoupn’ont que 6 ou 7 ans, sont engagés dans les ser-vices domestiques, pour le ramassage desordures, le recyclage et pour d’autres activitésde rue, comme la vente sur les étals des mar-chés, le long des lignes de chemin de fer et auxcoins des rues, dans toutes les zones urbainesdu Myanmar. Ainsi, à Yangon, les enfants ven-dent le poisson qu’ils ont pêché et les légumesqu’ils ont ramassés sur le sol des marchés cou-verts ; ou ils travaillent comme journalierspour aider les marchands ambulants à trans-porter et à vendre leurs produits. Comme legouvernement réglemente sévèrement lespetits travaux dans les rues de la capitale, il estprobable que de nombreux enfants souffrentde conditions de travail plus misérables encore,chez les particuliers, dans les petits ateliers ettous les autres lieux qui ne sont pas accessiblespar les autorités.

Les vols et le trafic

Les enfants des villes s’adonnent égale-ment à des activités réprimées par la loi. Ainsi,à Yangon, certains enfants sont impliquésdans des vols et dans le petit trafic de ladrogue. Leurs nombres pourraient bien êtrerevus à la hausse, étant donné que les moyensde détection s’affinent et que le service de ren-seignement de l’armée a récemment étéinvesti des pouvoirs de police. Si l’on en jugepar l’expérience des autres pays, une applica-tion plus rigoureuse de la loi risque d’encou-rager les adultes à recourir aux enfants pour letrafic, car ceux-ci sont passibles de peinesmoins graves lorsqu’ils sont capturés. C’est cequi se passe déjà au Myanmar. Apparemment,les mineurs reconnus coupables sont condam-nés par les tribunaux militaires plutôt que parles juges pour enfants, et les garçons sontenvoyés au centre correctionnel spécial, à l’ex-térieur de Yangon.

La mendicité et la prostitution figurentparmi les autres activités illégales impor-tantes. Il reste désormais à évaluer l’ampleurde la mendicité enfantine, mais deux garçonsdes rues qui ont été interrogés dans une sta-tion de métro ont déclaré subvenir à leursbesoins de cette manière. Il semble bien établique la prostitution enfantine a cours à Yangonet au-delà des frontières, en Thaïlande. On saitpeu de choses sur la délinquance juvénile plusgrave, comme le vol avec effraction, mais sil’UNICEF parvient à rencontrer les enfantsplacés dans les centres de correction, ellesaura nous renseigner.

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Le travail forcédans les zones frontalières

Suite aux années de conflits armés et demilitarisation, les enfants vivant dans les zonesfrontalières comme Ken Tung et Kunlong – ettrès vraisemblablement au Myanmar – se sonttrouvés impliqués dans toute une série d’acti-vités particulièrement dangereuses. Ce sont lescivils qui, de tous temps, ont été contraints defournir le support logistique aux forces arméesdes deux camps. Dans les régions où la main-d’œuvre adulte fait cruellement défaut, commedans les zones où les combats ont toujours faitrage, ce sont les enfants âgés de 10 ans et plusqui sont contraints de travailler commemanœuvres dans le portage et la constructiondes routes. Les porteurs sont tout particuliè-rement vulnérables. En théorie, ils reçoiventdes rations alimentaires et les équipes quitravaillent à la construction des routes sontcensées percevoir un salaire journalier. En pra-tique, les manœuvres travaillent dans desconditions d’esclavage et doivent se procurereux-même leur nourriture. De nombreuxmanœuvres embauchés dans le portage neréapparaissent jamais. Beaucoup s’enfuient dechez eux – pour aller parfois en Thaïlande – decrainte d’être contraints de travailler commeporteurs. Maints rapports ont déjà fait état desconditions de vie déplorables des porteurs, quisont maltraités, privés de nourriture, qui tom-bent malades ou meurent.

Le recrutement militaireà l’âge de 12 ans

Les enfants sont aussi officiellement enrô-lés dans les milices à l’âge de 12 ans et, offi-cieusement dans l’armée du Myanmar, à l’âgede 14 ans. Bien que, la plupart du temps, ilsaccomplissent des tâches domestiques dansles camps militaires, comme laver les sols etaider aux cuisines, ils se voient remettre égale-ment des armes à certains moments et on peutles voir monter la garde. Afin d’inciter lesfamilles à enrôler leurs enfants dans l’armée,les autorités n’hésitent pas à les exempter detravaux forcés et à leur accorder des réduc-tions fiscales. Ces avantages sont proposésaussi bien par les milices que par l’armée duMyanmar. Les interrogatoires conduits auprèsdes garçons de la milice de Kokang ont révéléque la plupart d’entre eux étaient des orphe-lins qui avaient perdu leurs parents lors dutransfert de pouvoir du parti communiste deBirmanie (BCP).

Si le Myanmar suit le cheminement desautres pays en développement, l’évolutionéconomique et l’urbanisation risquent d’aggra-ver la situation des familles pauvres et decontraindre d’avantage d’enfants encore à tra-vailler, notamment dans le secteur informel.Une étude en cours sur les femmes et lesenfants qui travaillent dans le secteur urbaininformel a donné les résultats préliminairessuivants : ● près de 30 pour cent des travailleurs

enfants ont abandonné l’école, 8,5 pourcent n’ont jamais été scolarisés, et 2,9 pourcent sont allés à l’école, mais de manièreirrégulière ;

● l’âge moyen des enfants qui entrent dans lapopulation active est de 11,7 ans. Parmi lesenfants interrogés, 12,5 pour cent n’avaientpas 10 ans, 25,6 pour cent avaient entre 10et 11 ans et 62 pour cent entre 12 et 14 ans;

● quatre-vingt-quinze pour cent des enfantsinterrogés travaillaient dans le secteurinformel ; 62 pour cent de manière perma-nente. Plus d’un tiers étaient occupés dansle petit commerce et 28,4 pour cent dans lesindustries légères.

On sait également que certains enfants sui-vent leur famille qui se déplace dans tout lepays en quête de travaux agricoles ou deconstruction. Les familles qui ont trouvé destravaux agricoles peuvent s’installer temporai-rement dans des villages avoisinants. Cepen-dant, beaucoup de leurs enfants ne fréquententpas l’école et les parents hésitent parfois à uti-liser les services de santé publique existants.Les enfants qui travaillent avec leurs parentsaux travaux routiers bénéficient de peu de ser-vices sociaux. Bien qu’aucune enquête n’ait étémenée dans ce domaine, on a pu observer desenfants, guère plus âgés de 12 ans, travaillantavec leurs parents à la construction des routes.

Les enfants des rues

Au Myanmar, ce terme s’applique auxenfants qui passent le plus clair de leur tempsdans les rues, qu’ils entretiennent ou non desliens avec leur famille. L’Association chré-tienne des jeunes femmes a, en 1994, conduitune petite enquête sur les enfants des rues quia révélé que Yangon et Mandalay comptaient àpeu près 10 000 enfants des rues. Un peu plusde 84 pour cent d’entre eux sont âgés de 10 à15 ans, et près de 16 pour cent de 5 à 9 ans.Plus de 93 pour cent sont analphabètes ou ont

quitté l’école lors de la deuxième ou troisièmeannée d’enseignement primaire.

La majorité des enfants des rues (66,4 pourcent) ont une activité économique. Quelque20 pour cent mendient dans les rues et près de3 pour cent se contentent de flâner. Ceux quitravaillent, s’emploient principalement à fouillerdans les poubelles (récupérant des articlesrecyclables dans les décharges), effectuent destravaux de manutention (comme le portage oule balayage) ou s’adonnent au petit commerce.

Plus de 40 pour cent des enfants interrogésne reçoivent aucune aide financière de leursparents ou tuteurs. Près de 57 pour cent reçoi-vent une aide partielle sous forme de nourri-ture, de logement ou de vêtements. Seuls 2,7pour cent des enfants interrogés sont entière-ment pris en charge, y compris pour la scola-rité et les soins médicaux. Le salaire moyenjournalier est estimé entre 30 et 60 cents (dollar

des Etats-Unis) aux taux de change parallèle.Près de 90 pour cent des enfants ont déclaréconsacrer entre 10 et 30 cents à leur nourriturequotidienne. Tous les enfants interrogés sesont plaints de manquer de nourriture, devêtements, de literie et de couvertures.

C’est l’éclatement des familles, la pauvreté,le décès d’un ou des deux parents, et les sévicesdont ils sont victimes chez eux qui poussent lesenfants à se réfugier dans la rue. Ces enfantsqui vivent en marge de la société et sont doncplus vulnérables à l’exploitation et à la vio-lence, ont peu de chances de grandir en bonnesanté et de s’épanouir. Contraints de lutterpour survivre, ils sont tentés parfois d’exercerdes activités contrevenant à la morale ou à laloi, et qui en font des hors-la-loi. C’est ainsi queles filles qui vivent dans la rue, celles notam-ment qui ont entre 10 et 15 ans, sont particuliè-rement exposées à la prostitution.

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En ratifiant la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, le Myanmar aajouté une dimension juridique aux forces morales et politiques du pays qui œuvrent en faveurd’une meilleure protection des enfants se trouvant dans des situations particulièrement diffi-ciles. A l’instar d’autres documents du genre dans l’histoire de l’homme, la convention exprimeun idéal accepté de tous qui, si les politiciens, la presse et l’opinion publique s’emploient à lepromouvoir, peut devenir une norme à laquelle aucun pays, qu’il soit riche ou pauvre, n’oseradéroger de crainte d’être couvert d’opprobre.

Rolf C. CarrièreReprésentant de l’UNICEF au Myanmar

1991

Trois cours

1La participation des syndicats à l’élaboration et à l’adoption

des normes internationales du travail

2La participation des syndicats à la mise en œuvre

des normes internationales du travail

3La participation des syndicats au système de contrôle de l’OIT

pour la protection des droits syndicaux

Programme d’éducation ouvrière

Les normes de l’OIT

Bureau international du Travail Genève