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Big data, big opportunité mais big chantier Nousavons rencontréune partiedes spécialistes du big datadans l'idéed'encomprendrelesenjeux et leslimites.Compterendud'une "quête" devérité! ^ L'affaire n'est pas nouvelle. Elle ^ remonte à deux ans. Un homme des environs de Minneapolis, visiblement remonté, est allé trouver le directeur d'un supermarché Target, bons de réductionsen main pour divers produits destinésaux jeunes mamans adressésà sa fille."Elleest toujours au lycée,et vous lui envoyez des bons de réduction pour des berceaux et desvêtementspour bébé ? Vousvoulezl'encouragerà tomber enceinte ?" Quelle n'a pas été pas la surprise dudit directeur de magasin qui, préoccupé par sa mésaventure, a contactéquelquesjours plustard le père de famillepour lui renouveler ses excuses.C'estlepère qui s'est excuséauprèsdu directeur: «J'ai eu une discussion avecma fille. Il se trouvequelleapris part à des activités sous mon toit dontje n'ai pas été pleinementinformé.Jevousdois des excuses.» Lasuitede l'histoire, médiatiséepar leNew York Times('', éclaireautant sur lespotentialités du big data que sur ses limites. Notre confrère du NewYorklimes a rencontré, quelquetemps après, le statisticiende Target, Andrew Pôle, qui, dès 2002,a travailléà la mise au point du modèle statistique incrimi né. Destiné à découvrir, avanttout le monde, quand une consommatrice est enceinte, le modèle d'Andrew Pôle a permis de déduire que c'est pendant le deuxième trimestre de grossesse que lafuture maman effectueen général des achatspour lebébé à naître. Unenjeu pour la création de valeur Ces événements de la vie, comme une grossesse, un divorce ou un déménagement, changent les comportements d'achat des individus. On comprend, dès lors, l'intérêt pour une enseigne de grande distribution, ou autre, d'avoir une connaissance précise de ses clients.Elleest donc incitée à analyser massivement les données démographiques et historiques r d'achat de millions de consomma teurs. La statistique fait donc des miracles ? Oui !Mais peut êtretrop. Car Andrew Pôle n'a pas seulement identifié une liste de 25 produits que les femmes enceintes sont plus susceptiblesd'acheter. Il prétend deviner - à quelques jours près - à quelstade de sagrossesse la cliente se trouve quand ellepasse en caisse. Les découvertes de ce statisticien vaudraient de l'or, le chiffre d'affaires de Targetétant passé de 44 milliards de dollars en 2002, quand Andrew Pôle a été embauché, à67 milliards en 2012.Revers de la médaille: la chaîne de magasins Target a été victime, fin 2013, d'un "braquage big data".Pas moins de 110 millions d'informations incluant noms, adresses postales, numéros de téléphone, adresses e-mail et coordonnées bancaires ont été subtilisés.Soitles données d'un tiers dela population américaine ! «Target sait à quel stade de sa grossesse une cliente se trouve quand elle passe en caisse» Tous droits de reproduction réservés Date : 01/03/2014 Pays : FRANCE Page(s) : 50-52;54;56;58 Rubrique : En couverture Diffusion : 8948 Périodicité : Mensuel Surface : 418 % Dolist

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Bigdata, bigopportunitémais bigchantierNousavonsrencontréune partiedesspécialistesdubigdatadans l'idéed'encomprendrelesenjeuxet leslimites.Compterendud'une"quête"devérité!

^ L'affairen'estpasnouvelle.Elle^ remonte à deuxans. Un homme

des environsde Minneapolis,visiblementremonté,estallé trouverle directeurd'un supermarchéTarget,bons de réductionsen main pourdiversproduits destinésauxjeunesmamans adressésàsa fille."Elleesttoujours au lycée,et vous lui envoyezdesbons de réductionpour desberceaux et desvêtementspour bébé?Vousvoulezl'encouragerà tomberenceinte?"Quellen'apasété pas lasurprise dudit directeurde magasinqui, préoccupépar sa mésaventure,acontactéquelquesjours plus tard lepère de famillepour luirenouvelersesexcuses.C'estlepère qui s'estexcuséauprèsdu directeur: «J'aieuune discussionavecmafille.Il setrouvequelleapris part à desactivitéssousmontoitdontje n'aipas étépleinementinformé.Jevousdoisdesexcuses.»Lasuitede l'histoire,médiatiséepar leNew YorkTimes('',éclaireautantsur lespotentialitésdu big dataquesur ses limites.Notre confrèredu NewYorklimesarencontré,quelquetemps après,lestatisticiende Target,Andrew Pôle,qui, dès 2002,a travailléà la miseau

point du modèle statistique incriminé. Destiné à découvrir, avanttout lemonde, quand une consommatriceestenceinte,le modèle d'AndrewPôlea permis de déduire quec'estpendant le deuxièmetrimestre degrossesseque lafuture mamaneffectueen général des achatspourlebébé ànaître.

Unenjeupourlacréationde valeur

Ces événements de lavie, commeune grossesse,un divorceou undéménagement, changent lescomportements d'achat desindividus. On comprend, dès lors,l'intérêt pour une enseignedegrande distribution, ou autre, d'avoirune connaissance précisede sesclients.Elleestdonc incitée àanalysermassivement lesdonnéesdémographiques et historiques

rd'achatde millions de consommateurs. La statistiquefait donc desmiracles ?Oui !Mais peut êtretrop.Car Andrew Pôlen'a passeulementidentifié une listede 25produits queles femmes enceintessont plussusceptiblesd'acheter. Il prétenddeviner - à quelquesjours près - àquelstade de sagrossesse la clientese trouvequand ellepasse en caisse.Lesdécouvertesde cestatisticienvaudraient de l'or, le chiffred'affairesde Targetétant passé de 44milliardsde dollars en 2002, quand AndrewPôlea été embauché, à67milliardsen 2012.Reversde la médaille:la chaîne de magasins Targeta étévictime, fin 2013,d'un "braquagebig data".Pas moins de 110millionsd'informations incluant noms,adressespostales, numéros detéléphone,adressese-mailetcoordonnées bancairesont étésubtilisés.Soitlesdonnées d'un tiersdela population américaine !

«Target sait à quel stade de sa grossesseune cliente se trouve quand elle passe en caisse»

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Cette histoire est à la mesure del'enjeu.Nos entreprises doivent-ellesy passer ou s'en passer? Faceà la criseactuelle dela surconsommation denos sociétés occidentales, l'approcheconsommateur se doit d'être ciblée,géolocalisée,personnalisée, reciblée.Pour paraphraser Michel Serres, noussommes passés d'une sociétécomposées de générations qualifiées

"d'X, Y ou de Z" à despopulationsseulement "connectées".Conséquence: la relation humaine

- et plus encore la relation commerciale - n'a plus désormais qu'uneseule réalité, laquellese traduit encollectemassive d'informations. De larécolte à l'analyse, en passant parl'exploitation,la data porte, en dépitde sesexcès,de nouveaux espoirs. Enespècessonnantes et trébuchantes.Ce"big" n est-il cependant pas un peuflou, voire mal défini ?Créer de lavaleur à partir de données estmieuxque partir de rien. Mais, en l'espèce,c'estcomme rechercher une aiguilledans une meule de foin. Et,en parlantd'en faire "tout un foin",nos analystesn'en feraient-ilspas trop ?Dans uneétude récente (2),IDC démontre,schéma à l'appui, qu'à brève etmoyenne échéances, lebig datainduira au sein des entreprisesfrançaisesde plus de 500salariésdes transformations numériquesimportantes. Modifications qui vontnon seulement toucher lesmétiers dumarketing mais qui vont égalementlesamener à rechercher de nouveauxtalents. Seulement voilà: que vontproduire, en termes de valeur, cesbrillants esprits? Comme le rappelleMichelBruley, en chargedu marketing chez Teradata Aster, «selonGartner, 85"/odes500premièresentreprisesqui s'apprêtentà investirdans lebig data d'ici à 2015n'ytrouveraient aucun avantage». Ce neserait donc pas l'eldorado tantattendu. Pourtant, dans un rapportpublié quatre ans plus tôt, le cabinetMcKinsey prédisait'3'«une augmentation de 60 "/odela marge d'exploitation desretailersqui utiliseraientjAeinemenlcesénormes volumes dedonnées».Marc Salomone, directeurassociéde Brand Advocate, est -^

interview BrunoTeboulmenseignantà Paris-Dauphine,directeurscientifique,RS Det innovationde Keyrus

«Une discipline absentedes manuels de marketing»

mQuelest,pourvous,l'enjeudubigdata?

L'enjeu big data, c'est celui de ladonnée non structurée, celledu NoSQL.C'est une rupture"programmatique". Le délugeinformationnel n'estpas unmythe. Lesdonnées étaientdéjàpléthoriques à laRenaissance. Cephénomènen'est donc pas nouveau maisbien réel. On a déjàdegigantesques trésors dedonnées. Seules 200Zodecelles-cisont en moyenneexploités. D'ailleurs, devonsnous parler de donnéesstructurées ounon structurées? Le terme "multistructu-rées"serait plus exact.

mUnindividupeut-iléchapper

àsesdonnées?Pour maintenir une relationquasi parfaite entre le

consommateur et la marque,il faut limiter le bruit. Saufque le consommateur estcerné. L'intérêt pour unannonceur, consiste àdiffuser l'information auprèsde tous. C'est louable,souhaitable et inévitable.Quelqu'un de déconnecté estquelqu'un de suspect. Refuserd'être une identité numérique est illusoire. On peut sedéconnecter mais on tombealors dans une forme desuspicion. Il ne peut pas yavoir d'anonymat.

mQuipeuttravaillercesbigdata ?

Tout le défi est d'être créatifpour inventer de nouveauxalgorithmes. Un data minerne peut pas faire un bon datascientist. Lesdata sciencespermettent de reconstruirela vie d'un humain dès lors

que celui-ci laisse des tracessur le Web (ou "informationshadows").

mCommentvoyez-vousévoluerle marketing

face àcet enjeu?Le marketing doit intégrerl'aléatoire, la non-linéarité.Les signaux faibles sont plusimportants que lessignauxforts. Notre capacité àraisonner est limitée. Il estpossible pour un humaind'opérer des choix autresqu'économiques.On ignore la complexité dumonde qui nous entoure. Lecerveau humain est victimede biais heuristiques et deraccourcis. Il faut doncapprendre à anticiper uneréponse à une requête. Onpart des données brutes maison cherche des corrélations.Il faut déterminer les causesles plus probables d'uneobservation surprenante.C'est tout l'enjeu du raisonnement dit "abductif". Grâceà ces nouvelles techniques,le marketing a l'opportunitéde se renouveler. Il fautfaire évoluer la discipline etses techniques afin derépondre aux nouveauxconsommateurs dans unnouveau monde.

(1)Bruno Teboul en, avec Jean-MarieBoucher, l'auteur du livre Tout savoir surl'absolu marketing, aux éditions Kawa.Titulaire d'une maîtrise d'Êpistémologie,d'un DEAde Sciences cognitives à l'écolePolytechnique/EHESS etd'un ExecutiveMBA HEC, ilest actuellement doctorant enSciences degestion à l'universitéParis-Dauphine, où il enseigne le marketing.

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l'expert

Marc Salomone, directeur associéchez Brand Advocate, propose derevenir à desfondamentaux pouraffronter le phénomène big data.Il est stupéfait de voir que l'onpuisse répondre à des appelsd'offres big data en «abordantune compétition sur le coin d'unetable». Marc Salomone proposeune approche fondée sur "le brandprofiling", une philosophe assezsimple où ce qui est mis en avantest «l'humilité d'aller voir sesclients». Une méthode articulée

selon trois principes : une visioninterne (interview des acteurs-

clés au sein de l'entreprise), et unevision business, fondée sur larécupération de l'ensemble desdonnées que l'on peut collecterafin d'analyser les clients et leurshabitudes de consommation.Avec pour objectif la mise enplace de scores d'appétencedestinés à optimiser, par exemple,des budgets pour segmenter,activer, fidéliser... Le tout reposesur des techniques statistiques

qui s'appuient sur l'analyse deplusieurs années d'activité.Enfin, une vision client. MarcSalomone ne croit pas aux focus

group car pour lui, l'achat d'unemarque est irrationnel. Et depréférer faire parler les clientssur les « relations à la marque »pour avoir de vrais insights. Carpour lui «le big data passe par laconnaissance client, ce n'est pasde l'art pour l'art, car ce qui estdéterminant, c'est de déclencherdes opportunités business».

«Onarhumilitéd'aller voir qui Isont vos clients»Marc Salomone

plus pessimiste sur la réalité dela bigdata, car selon lui «seul 1 0Zodesentreprisesa misenplace unestratégiede ce type».Bref,cettequerellede chiffres,puisque IDCtable sur un chiffred'affairesgénérépar le big data de 23,8milliards dedollars en 2016au niveaumondial,contre 8,9milliards cette année(selonle cabinet TransparencyMarket Research)montre qu'il y a làune forteappétence. Où est la vérité?Ne s'agit-ilpassimplement d'unedivergence dedéfinition?Lebig datase résume-t-ilà la seuledéfinitiondes 5V (volume,vitesse,variété,visibilitéetvéracité)?Enlamatière,levéritable"V"à retenir neserait-ilpas celuide la "vanité"?MichelBruleyconstateque travaillerà partir degros volumesde donnéesn'estpascommun pour uneentreprise. Surles1150clientsquecompte son entreprise,«seuls30fontpartie du clubde ceuxqui

aujourd'hui manipulentdesvolumesdépassant lepétatoctet(NDLR:1pétaoctetéquivautà 1024téra-octets).»Et dans ce top 30,pasuneentreprisen'estfrançaise.Le"big" dela data n'estdonc pasà laportée detout lemonde. Un à un, nouspouvons fairetomber les"5V"deleurpiédestal.EtMichelBruleyderappelerque lefosséentre lesentreprises françaiseset américainesest immense. Eneffet,quand lesgrands distributeursaméricainsengrangent desdonnées consommateurs sur des«sériestemporellesdesixà huitans, lespaniersde la ménagèrefrançaise ne sontconservésquesur despériodesd'environ65semaines».Marc Salomoneenfoncele clou:«Lamoitiédesmarquesn'exploitepas sesdonnéescorrectement.»

Pourtant, lesexpériencesvontbon train pour démontrerqu'iln'y a qu'à creuserpour

trouverde la valeur.IBMaainsi révélé,en collaboration avecFrance Télé

visions,qu'il étaitpossibled'analyseren temps réellesentiment desspectateursde la

57efinalede l'Eurovision.Etdeprédire 72heures à l'avanceàpartirde 710000tweetset de 255000articlcsde blo«ueursen 56langues les

trois finalisteset legagnant. L'exploitcen'estpas tant ici l'enjeude l'électionmais la capacitéà déployeruneplateformebigdata en troissemaines,letout avecunbudget présentécomme "limité".Demanièrepragmatique,ladémarchebig dataestessentiellementemployéesur desmodèlesd'attrition afinde savoir,parexemple,comment retenir etrattraper sesclients.Lesopérateurstéléphoniquesen seraientainsifriands.La grande forcedubigdataseraittoujours,selonMichelBruley,de «s'attaquerà desdonnéesqui,jusque-là, n'étaientpas travailléesencarrelantla qualitéd'un servicedetélévisionfourni par unfournisseurd'accèsàInternet» à un clientmécontent. Mais,pour y arriver,«parfois,60sourcesdifférentessontnécessairespour avoirune bonneconnaissanceclient».Le"V" de lavariété estdonc bienprésent,maisildonne parfoisle vertige.MichelBruleyinvitelesentreprisesàsemontrer pragmatiques.Travaillersesdonnées digitalesapermis augroupefinancierWellsFargodedécouvrir- à l'instar d'un opérateurtélécomssuisse- «qu'ildépensait tropd'argenten achetantdesmots-cléssurInternet».Touteslesdonnées, àconditiond'avoirune idéeprécise -^

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de cequel'on recherche,apportent dusens. Etparfois, leROI est aubout dela pelle d'une action big data !Maispas toujours.

Unenjeupour leshommes

Pourquoi, alors, cela coince-t-il côtémarketing? L'acculturation seraitgrande: travailler son big datarevient seulement à utiliser autrement lesdonnées. C'est-à-dire àréfléchir en dehors des sentiersbattus desrequêtes dites "SQL",end'autres termes, structurées. Cetterévolution implique de travailler etde croiser des données qui - commenous l'avons évoqué - n'étaientjusqu'ici jamais exploitées. Saufparlesgéants du Web qui, depuis cesdix dernières années, en ont fait leurcheval de bataille, à l'image d'Amazon, de Linkedln, d'eBayet, bienentendu du champion, en la matière:Google!Bruno Teboul, en charge dela recherche chezKeyrus, qualifie de«multistructuré» l'or numérique àtraiter. Et d'insister sur un fait:«Nous sommes à l'aube de la sciencedescorrélations. »Nous sommes donc confrontés àune complexité inattendue pour lesorganisations. Sile phénomène dubig data impose aux directionsgénérales de revoir les stratégiespouren saisir les opportunités de business,il entraîne également une réorganisation structurelle importante del'entreprise. À tous lesniveaux, et enparticulier entre lesdirectionsmarketing et les directions informatiques (DSI).Dialogue et collaboration doivent donc s'installer pourfaire un bon usage de ces données.Et JérômeBesson, directeur associéde Sentelisde nous inviter à êtrepatient car «pour pouvoir passer d'unpilote bigdata (proofof concept,ouPOC) à l'industrialisation, ilfauts'assurer que la DSJet lesmétiersgrandissent ensemblesur le sujet,c'est-à-direqu'ils separlent leplus tôtpossible».Au sein de Microsoft,Darnien Cudcl, en charge dumarketing produit des solutions

interview Bernard Ourghanlian(1)directeurtechniqueet sécuritéMicrosoftFrance

«Faire le moins d'expériences possiblespour expliquer un phénomène »

mCommentvoyezvousle bigdata?

Dans cette perspective, oncollecte tout. On cherches'ilexiste descorrélations entreleschoses. Peut-être qu'aprèson en trouvera la raison. Maisl'objectif c'estde faire le moinsd'expériences possiblespourexpliquer un phénomène. Lapréoccupation ne porte plussur la qualité de la donnée.D'ailleurs nous devrions plusparler de "machine learning"

que de big data.

mQu'est,pourvous,cette "machine

learning"?On a faitdes progrès en"machine learning" dans lesannées 1990-95,époque oùl'on ne parlait pas encoredebig data. Attention, le"machine learning" ne serésume pas àfaire apprendre

des données à la machine. Ici,on est dans une logiquededétermination, avecunecertaine probabilité qu'unphénomène soit liéà un autre.On se trouve dans une logiqued'apprentissage. Il s'agit deprendre un ensemble dedonnées et voir comment varéagir "la machine".

mQuelest leconstat?On a obtenu des

résultats assezextraordinaires.On estcapablede prévoir lefutur. On l'a observésuiteàl'analysede 20 ans de Unes duNew YorkTimes.Avecuneprobabilitéde 800Zo,on aconstaté que l'on pouvaitdéterminer lesépidémiesimportantes et lesgrandesrévolutions.On estdonccapablede prévoir le comportement d'individus. C'est unsujetpréoccupant. Quesepasserait-ilside tellesdonnéesétaient arrivéesentre lesmainsd'un état totalitaire? Ontouche icidu doigt lepotentieldu big data mais également laproblématique éthique.

(1)Bernard Ourghanlian est docteur enmathématiques et est l'auteur de plusieursouvrages spécialisésrelatifs aux statistiqueset à l'informatique, lia commencé sacarrière comme enseignant et chercheur àl'université d'Orsay.

dédiés à la business intelligence,insiste sur le fait que «la bigdatamet en place une relation conflictuelle entre la DSI et lesmétiers ». Lasolution consisterait à «déplacer lesdébats, être agile et donner la mainaux porteurs de projets, quitte àoutsourcer pour créer lePOC».Toujours selon Damien Cudel, «unprojet bigdata réussi, c'est une coreteam constitué d'un statisticien,

d'un profil IT et du métier qui vaavoir la curiosité business». On estdonc loin des profils uniques detype data scientists, dont McKinseyestime le besoin aux États-Unis à500000 et en Europe à 200000.Lasensibilité nécessaire seraitdonc aussi et surtout "business". Ceserait donc aussi ànos professionnels du marketing de s'y coller !Et cela ne semble pas illogique. -*

«Lespaniers de laménagèrefrançaisene sontI conservésque durant environ65semaines»

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«Suivre ses visiteurssur toutesles interactionsdigitales»

rnaud Massonnie

ArnaudMassonnie,cofondateuretdirecteurgénéraldelasociétéFifty-five,estaucœurdudéveloppementproduitsdesonentreprise.Entrepreneurdansl'âme,ila àsonactifunbrevetettroisstart-upinternet,dontunpassagechezGoogle.Sonambitionest de«décom-plexifierunedirectionmarketingsurl'activationdata».Cequ'il proposeàsesclients,c'estde«travaillersonordonnancementproduits»,«detravaillersonmédia»,«d'adapterleCRMaudatamining».Pourlui, le«bigdataestunepromessedevaleurd'usage».Maispouryarriver,ilfautselonluidisposeraussibiend'uneexpertisemétierqued'unetrèsbonneconnaissancetechnologique.Etderésumercequ'il proposeparunepromessesimple:«Enrichirlaconnaissanceutilisateurpouraméliorerleparcoursclient.»

Lebigdata,un enjeude société

La mésaventure de notre jeune fille,relatée en début de dossier, met enlumière l'enjeu sociétal que pose lebig data. D'autant plus que cettecollecte ne s'effectuepas que sur lesindividus. Elle concerne égalementl'ensemble des données publiques.L'actionaujourd'hui dirigée enFrance par Henri Verdier au sein

)fflineSelonArnaudMassonnie,laréussited'un projetbigdataimplique«d'êtremodérédansl'ambitiondesesprojets».Etdemettreledoigtoùçacoincechezsesclients,carsouvent,«onestaudébutde lafin dessilosduoffline etduonUne».Pouraccompagnerlatransformationdigitaledesentreprises,il fautdéfinirdescyclesd'accompagnementavecdesprojets.Etsurtout,nepasoublierqu'unprojetdoit «aboutiràunbonpilotagedesdonnéesbusiness».Cen'estqu'aprèsqu'ilest possible«d'alleruncranplusloin».11nes'agittout demêmepasdepartird'unepageblanche:«Ledébatportesurl'expertiseetlesoutilsassociéspourenrichiroucompléterl'écosystèmetechnologiquedenosclients.»Etderappelerque«ledigitalestunoutilfantastiquepourl'analysedesdonnéesmarketing».

d'Etalab a pour vocation d'accélérerla mise à disposition d'une familled'informations gratuites estimées àplus de 350000, lesquelles sontorganisées sous la forme de "jeuxde données". Les données publiquessont variées et concernent aussibien l'État que les collectivitéslocales. Leséléments de la vie detous les jours y figurent également:points d'intérêt, liste des prénomsrecensés au sein d'une commune,arbres remarquables. . . Brel,nous

décrivonsnotre sociétésous la formede données.Nous sommes iciaucœur du big datapublic.Ces donnéesont pour vocationd'être croiséeslibrementavecd'autres collectéesàdesfins privées.Cesdernières,nousl'avonsvu, peuventposer directementou indirectementpréjudicesauxpersonnesconcernées.Nous n'allonspas ici entrer dans lechamp juridique car lesdonnées,comme leur usage,bénéficientnormalement de nombreusesprotections et de tout un ensemblede dispositifs légaux (droitsd'auteur,concurrence déloyale,contrefaçondesdroits de la propriété intellectuelle,protection de la vieprivée. . ,)résumé parfaitement par l'avocatGérard Haas dans un Livre Blancrécemment publié et intitulé

"Marketing digital: loi, confiance et

«Lebigdata créeunerelation conflictuelleentre la DSIet le marketing»performances" (4).Mais est-cesuffisant? Bernard Ourghanlian,directeur technique et sécurité deMicrosoft France, aimerait que l'onn'oublie pas «la responsabilitédeceluiqui manipule le bigdata». Pourlui tous les acteurs doivent «adhérerau principe d'éthique et de responsabilité».Toutefois,notre spécialistede la sécurité constate qu'il existe unénorme vide juridique. «Lalogiquedu consentement initial a explosé.»Et d'inviter lespolitiques à trouverdessanctions, sans lesquellestouslesexcèsseront permis. Car nousn'aurions encore rien vu !«Vis-à-visdupublic, la transparence estaussile meilleurgageque cesdonnéespuissent être valoriséessans quecelaprovoqueun rejet», note JérômeBesson.Toutefois,les initiativesconcernant la transparence des -^

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«On essaye,on se trompe,on recommence )Damien CudelMicrosoft

DutintezMicrosoft,l'approchebigi estassezpragmatique.PourlienCudel,elleconsisteàvoirquellessontlesdonnéest vousavezbesoinpourtivitédevotreentreprise.Lesesdonc,maisaussicellesqui

sontextérieuresà votreentreprise.»CeresponsablemarketingenchargedessolutionstournantautourdelaBusinessIntelligenceavouerencontreravanttoutdeshomologuesmarketingainsiquelesresponsablesd'opérationsavantdediscuteravecles

directionsinformatiques.ChezMicrosoft,l'ambitionaffichéeestde«toutintégrerdansMicrosoftExcel».Carl'enjeun'estpasuneaffaired'outils,il s'agitde«validerdeshypothèses,commederaconterdeshistoires».PourDamienCudel,labusinessintelligenceadéjàfait sespreuves.Lesmétiersveulentaujourd'huide l'agilité,del'autonomieainsiquedesoutilscollaboratifs.Lesutilisateursontavanttoutbesoinde«trouver,d'analyseretderestituer»toutenfaisanttomberlesbarrières

technologiques.EtaveclasolutionproposéeparMicrosoft,PowerBl,«onpeutcommencerpetitetitérervite».C'estdoneunesolutionquia l'avantaged'utilisercequel'onconnaîtdéjà.CequeproposeMicrosoftn'estpaslaréponsebigdataà tout.Maisellea lemérited'essayerd'enfiniraveclacomplexitéapparentedusujetpourmettreensellel'utilisateur.L'avantagedecettesolutionseraitderassurer«innover,c'estaccepterdesetromper»etd'aborderlebig datasousunjourplushumain.

données sont hélas bien faibles,comme celleproposée enAngleterre avecMidata et en FranceavecMesInfos(5).Mais c'est un sujetsur lequelun marketeur ne pourra àl'avenir plusfaire l'impasse. Saufàrisquer d'anéantir la relation deconfiance engagéeavec sesclients.Vousvoilà prévenus !

Desoutilsmaissurtoutdesméthodes

Dans cette histoire de big data, unmarketeur ne se trouve-t-il pascomme une poule devant uncouteau suisse quand il est question

desoutils pour passer à l'action ?Comme toujours, dans ces

histoires à valeur hautementtechnologique, c'est là que

l'on parle "gros mots":NoSQL,Hadoop,MapReduce, BigTable,Cassandra, Storm,Kafka,Voldemort. ..Autant de termes quidésignent la mêmechose: des technolo

giesbig data. Maisdevons-nous lesévoqueret confondre l'outil avecl'usage?Chez Brand

Advocate, Marc Salomone préfèreparler de «brand profiling»,c'est-à-dire d'une «philosophieoù l'on sepose desquestions avant de se donnerdesréponses».Etplutôt qued'attaquer la donnée, MarcSalomone préfère avoir «l'humilitéd'aller voirqui sontsesclientspour yconstater cequi marche et cequi nemarchepas», puis «d'analyser lesclientset leurs habitudes de consommation». Sommes-nous dans uneaction de big data, de small data, deSmart data ?Bernard Ourghanlian,pour sa part, préfère évoquer le«ail data». Et Marc Salomone derappeler que parfois, ceque l'onrecherche est sous nos yeux: «LaMadeleine de Proust n'apas deprix. »Le terme "big

data" relèverait ainsid'une mode. Mais pas la démarchequi l'accompagne, laquelleest, pourMarc Salomone, «une vraieévolutiondans le marketing».Ilinvite à «faire du smart et de la dataavant défaire du big».Et préciser:«Techniquement,on sait toutfaire.Mais quelssont lesmoyens,lastratégieet lesobjectifs?L'investissement? Il est nécessairede voir ceque l'onfait de la donnée.»Chezlïfly-five, même discours de la partd'Arnaud Massonnie: «L'actionbigdata est unepromesse de valeur

d'usage, le digitalestun outilfantastique pour l'analysededonnées»à condition de «réconcilierlesdonnéesdigitales et lesdonnéesoffline». Et de rappeler qu'il faut«être modéré dans l'ambition desesprojets». Commencer petit pourfinir grand ?Nous laisserons le motde la conclusion à Michel Bruley,pour qui lebig data «c'estdu talent,plus que desoutils».Une bigambition, donc. « THIERRYDEROUET

(1)"HowCompaniesLearnyour Secrets",par CharlesDuhigg,publiéle 16février 2012.(2)Observatoiredel'évolutiondes métiersliésà latransformationdu numérique. IDCFrance,janvier 2014.Enquête téléphoniqueréaliséeauprèsd'un échantillonreprésentatifde225décideurs métiersissusd'entreprisesdéplus de500salariés baséesen France,dont75départements marketing.(3)"Bigdata: theNextFrontierfor Innovation,Compétitionand Productivity",mai 2011,par JamesManyika, Mkhael Chui, Brad Brown,JacquesBughin,Richard Dobbs,CharlesRoxburghetAngelaHungByers.(4)Réalisépar Jean-PaulLieux, cofondateurdeDolist, etGérardHaas, avocatà la Cour.http://www.dolist.net/lb-loi-performance(5)L'initiativeMeslnfos,de laFing (Fondation internetnouvellegénération),proposeà unpetit nombred'entreprises etd'administrationspionnièresd'expérimentercequipourrait constituerla based'unetransformationprofondedela relationentre lesorganisations et leursclientsou usagers:lepartage et laréutilisationdesdonnéespersonnellesaveclesindividusqu'ellesconcernent.

«Fairedu smartet de la data avant~~de fairedu big»

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Date : 01/03/2014Pays : FRANCEPage(s) : 50-52;54;56;58Rubrique : En couvertureDiffusion : 8948Périodicité : MensuelSurface : 418 %

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