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2009A086 TRIBUNAL D’ARBITRAGE CANADA PROVINCE DE QUÉBEC N o de dépôt : 2009-5683 Date : 30 juillet 2009 ______________________________________________________________________ SOUS LA PRÉSIDENCE DE : Me Gabriel-M. Côté, arbitre ______________________________________________________________________ ALLIANCE DU PERSONNEL PROFESSIONNEL ET TECHNIQUE DE LA SANTÉ ET DES SERVICES SOCIAUX Ci-après appelé(e) « le syndicat » Et CENTRE DE SANTÉ ET DE SERVICES SOCIAUX DE CHICOUTIMI (CSSS DE CHICOUTIMI) Ci-après appelé(e) « l’employeur » Plaignante : Madame Michelle Lavoie Griefs : 16735 et 16736 de Madame Michelle Lavoie Convention collective : 2000-2002 ______________________________________________________________________ SENTENCE ARBITRALE ______________________________________________________________________ LES GRIEFS ET LA PREUVE

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2009A086

TRIBUNAL D’ARBITRAGE

CANADA PROVINCE DE QUÉBEC

No de dépôt :

2009-5683

Date : 30 juillet 2009 ______________________________________________________________________ SOUS LA PRÉSIDENCE DE : Me Gabriel-M. Côté, arbitre

______________________________________________________________________ ALLIANCE DU PERSONNEL PROFESSIONNEL ET TECHNIQUE DE LA SANTÉ ET DES SERVICES SOCIAUX

Ci-après appelé(e) « le syndicat » Et CENTRE DE SANTÉ ET DE SERVICES SOCIAUX DE CHICOUTIMI (CSSS DE CHICOUTIMI)

Ci-après appelé(e) « l’employeur » Plaignante : Madame Michelle Lavoie Griefs : 16735 et 16736 de Madame Michelle Lavoie Convention collective : 2000-2002 ______________________________________________________________________

SENTENCE ARBITRALE

______________________________________________________________________

LES GRIEFS ET LA PREUVE

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[1] Le tribunal doit décider de deux (2) griefs déposés au nom de Madame Michelle

Lavoie, une technologiste médicale à temps partiel inscrite sur la liste de disponibilité de

l’établissement à l’époque pertinente (mai – juin – juillet 2005), depuis 2001.

[2] Il est en preuve que jusqu’au printemps 2005, Madame Lavoie, globalement, a

eu des assignations en biochimie.

[3] Au printemps ou au début de l’été 2005, l’employeur, considérant l’ancienneté de

la plaignante, lui a offert deux (2) programmes d’orientation, un premier en

microbiologie et un deuxième en pathologie.

[4] L’employeur a décidé dans chaque cas qu’elle n’avait pas démontré, durant les

périodes d’orientation – formation dont il s’agit, qu’elle était capable de satisfaire aux

exigences normales d’une tâche de technicienne en microbiologie ou en pathologie. Il

a donc refusé de l’inscrire sur la liste de disponibilité pour des assignations en

microbiologie (sauf pour un banc de travail bien particulier) et en pathologie. La

plaignante n’a donc jamais eu les assignations qu’elle aurait pu obtenir si l’employeur

avait jugé qu’elle avait réussi ses périodes « d’orientation – formation ».

[5] Par son premier grief (S-1, numéro 16735), daté du 19 juillet 2005, la plaignante

conteste donc « la décision de l’employeur de (lui) retirer l’affectation de travail en

microbiologie durant la période du 5 juin 2005 au 6 septembre 2005 ».

[6] Par son deuxième grief (S-2, numéro 16736), daté également du 19 juillet 2005,

elle conteste « la décision de l’employeur de (lui) retirer l’affectation de travail en

pathologie à compter du 15 juillet 2005 alors (qu’elle) y (avait) droit ».

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[7] En début d’audience, les parties ont demandé au soussigné de conserver

compétence, s’il accueillait un grief ou les deux, pour décider du droit de la plaignante à

une compensation ou des dommages et le cas échéant, fixer le montant dû en vertu de

sa sentence. Il va de soi que le soussigné a consenti à cette demande conjointe des

parties.

[8] Le tribunal tient à préciser dès à présent qu’il faut distinguer les programmes

d’orientation offerts à la plaignante à l’époque pertinente en microbiologie d’abord et en

pathologie ensuite de la période d’initiation et d’essai d’une durée maximale de trente

(30) jours auquelle a droit, en vertu de l’article 12.12 de la convention collective, le ou la

salarié(e) qui s’est vu(e) attribuer un poste selon les dispositions de l’article 12 de la

convention collective.

[9] En effet, la période d’initiation et d’essai dont il est question en l’article 12.12 a

pour finalité de donner l’occasion à la personne salariée de se familiariser avec les

diverses tâches de son nouveau poste et à l’employeur de vérifier sa capacité à les

exécuter avec au moins une compétence moyenne. Au cours de cette période, la

personne salariée peut décider de son plein gré d’abandonner son nouveau poste.

Quant à l’employeur, il a le droit de mettre fin à cette période d’initiation et d’essai pour

cause d’incapacité de la personne salariée de satisfaire aux exigences normales du

poste, et en cas de grief contestant sa décision, il a le fardeau de prouver cette

incapacité.

[10] Il est de jurisprudence constante (le tribunal n’a pas à la citer ici tellement elle est

abondante et connue des parties) que cette période d’initiation et d’essai ne doit pas

être confondue avec une période d’entraînement et de formation, c’est-à-dire une

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période qui sert à acquérir des connaissances, techniques et habiletés. En effet, la

personne salariée à qui le poste est attribué selon les termes de l’article 12 doit avoir au

départ la compétence réelle, actuelle – et non simplement potentielle – pour accomplir

les tâches attachées au poste dont il s’agit avec une compétence moyenne.

[11] Les périodes d’orientation offertes à la plaignante s’apparentaient, on le verra,

beaucoup plus à des périodes d’entraînement, d’apprentissage, bref de formation, qu’à

des périodes de simple familiarisation. Elles avaient pour but, c’est indéniable, de

permettre à la plaignante, dans le fond, d’acquérir les connaissances, techniques et

habiletés pratiques que doit posséder normalement une technicienne en microbiologie

ou en pathologie pour être en mesure d’accomplir adéquatement sa tâche.

[12] Concernant le programme d’orientation en microbiologie, le syndicat a fait

comparaître comme témoin la plaignante elle-même, Madame Lavoie. Quant à

l’employeur, il a fait témoigner les personnes suivantes, dans l’ordre, savoir :

- Madame Francine Morin, coordonnatrice technique par intérim en microbiologie, à l’époque pertinente;

- Madame Yolande Boivin, technicienne en microbiologie; - Madame Marielle Gagnon, chef technicienne en microbiologie et en pathologie.

[13] En ce qui a trait au programme d’orientation en pathologie, le syndicat a fait

témoigner, outre la plaignante, Madame Francine Savard, technicienne en pathologie.

Quant à l’employeur, il a fait comparaître comme témoins :

- Madame Chantale Bouchard, coordonnatrice technique en pathologie; - Madame Marielle Gagnon, chef technicienne en microbiologie et en pathologie.

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[14] L’enquête et audition en ce dossier a duré quelque neuf (9) jours. Plusieurs

témoins ont été entendus et longuement contre-interrogés, de nombreux documents ont

également été produits. Personne ne doit donc s’attendre à ce que le tribunal résume

dans le détail le contenu, souvent à caractère fort technique, de tous les documents et

les assertions de chacun des témoins. Le tribunal est d’avis que sa tâche est de rendre

compte de tous les faits pertinents sans en accentuer inutilement la complexité et de se

référer en effet à l’ensemble de la preuve plutôt que de s’attacher à des points de détail

qui risquent de lui faire perdre de vue l’essentiel.

LES FAITS LES PLUS PERTINENTS RELATIVEMENT À L’ORIENTATION DE MADAME LAVOIE EN MICROBIOLOGIE, PLUS PRÉCISÉMENT AU BANC DE TRAVAIL DES HÉMOCULTURES

[15] Il appert de l’ensemble de la preuve, des témoignages de la coordonnatrice

technique, Madame Francine Morin, et de la chef technicienne, Madame Marielle

Gagnon en particulier, qu’au printemps 2005, l’employeur avait besoin pour faire des

remplacements de techniciennes en vacances durant l’été d’une personne salariée de

la liste de disponibilité capable de travailler à la fois à deux (2) bancs (postes) de travail

en microbiologie, à savoir au banc « de la réception et des ensemencements »

(ensemencements) et au banc des hémocultures. La personne recherchée devait être

en mesure de travailler seule, d’une manière autonome, aux deux (2) bancs de travail,

tel que déjà dit. Comme il n’y avait personne sur la liste de rappel qui avait les

capacités de rencontrer les exigences normales des postes de travail dont il s’agit,

l’employeur a décidé d’offrir à la plaignante, considérant son ancienneté, un programme

d’orientation aux deux (2) bancs de travail en question.

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[16] Il s’agissait d’une formation d’une durée prévue de six (6) semaines, comme le

voulait la pratique, soit trois (3) semaines par banc de travail. Une formation donnée

par la coordonnatrice, Madame Morin, une salariée syndiquée, soit dit en passant, et

évaluée par la chef technicienne, Madame Gagnon, une employée cadre.

[17] Durant la première semaine d’orientation à un banc de travail, la coordonnatrice

travaille avec la personne orientée, celle-ci apprend donc en quelque sorte sur le tas,

sous la supervision directe et immédiate de celle-là.

[18] Durant la deuxième semaine, affirment les témoins produits par l’employeur, la

coordonnatrice ne travaille pas toujours avec la personne orientée, bref elle n’est pas

toujours à côté d’elle, car cette dernière est normalement sensée, après une (1)

semaine d’apprentissage, être en mesure de faire le gros du travail du poste, sans aide,

mais la coordonnatrice est tout de même disponible au laboratoire pour répondre aux

questions de l’orientée et lui enseigner les techniques qui n’ont pu l’être la première

semaine parce que l’occasion ne s’est pas présentée de les exécuter cette première

semaine-là. Donc, la deuxième semaine, la supervision de la coordonnatrice est plus,

pour ainsi dire, à distance.

[19] La troisième semaine, on s’attend à ce que la personne orientée soit en mesure

d’exécuter complètement, à toute fin pratique, d’une manière autonome, les tâches

attachées au poste.

[20] Depuis 2004, ont dit les témoins produits par l’employeur, donc un (1) an plus ou

moins avant l’époque pertinente, on utilise au laboratoire pour les orientations en

microbiologie un outil de travail, « des fiches d’orientation du nouveau personnel » en

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usage au Cégep de Chicoutimi, un outil qu’on a adapté pour les besoins spécifiques de

la formation des techniciennes en microbiologie au CSSS. Une fiche par semaine de

formation. Toujours la même formule (fiche) d’une semaine à l’autre. Les « attentes »

sont évaluées à chaque semaine : façon de faire, analyse des spécimens, collaboration,

éthique et déontologie, gestion de la qualité. Possibilité de cent (100) points. Note de

passage : 80% (note du tribunal : ce n’est pas si strict, comme il sera vu plus loin).

Écoutons Madame Gagnon à ce sujet (page 20 des notes sténographiques du 30 avril

2009) : « si la personne est capable de faire le travail à quatre-vingts pour cent 80%,

bien on dit, on est correct, elle est correcte ». Suivant Madame Gagnon, à la fin de la

deuxième semaine à un banc de travail, la personne « est supposée être rendue là »

(« à 80% »).

[21] La personne orientée, affirme Madame Gagnon, n’est pas « nécessairement

informée » que l’employeur utilise cet outil de travail, donc elle n’est pas informée des

attentes indiquées dans les fiches, soit avant le début de sa période de formation ou

dans le cours de sa période de formation.

[22] La chef technicienne fait son évaluation (pointage), normalement à la fin de

chaque semaine, à partir des observations qui lui sont transmises par la personne qui

dirige l’orientation et suite à des discussions avec cette dernière.

[23] Le tribunal retient du témoignage de Madame Gagnon que normalement, en

période de formation, elle rencontre la salariée orientée régulièrement, en tout cas elle

le faisait « quand ça allait mal ».

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[24] Il est en preuve que l’employeur a comme pratique de mettre fin à la période

d’orientation, généralement après deux (2) semaines de formation à un banc de travail,

lorsqu’il juge que la personne salariée orientée est en mesure de satisfaire aux

exigences normales de la tâche à ce banc de travail. Il le fait aussi lorsqu’il juge que la

personne orientée ne progressera pas suffisamment pour parvenir à ce niveau de

compétence.

[25] Dans le cas de Madame Lavoie, l’employeur a mis fin à sa formation aux

ensemencements, après la deuxième semaine, au motif qu’elle avait démontré sa

capacité de satisfaire aux exigences normales de la tâche à ce banc de travail.

L’employeur a attribué une note de 75% à Madame Lavoie, suite à sa deuxième

semaine de formation aux ensemencements (76% à la suite de la première semaine). Il

s’agissait d’une erreur de calcul, en réalité le score de Madame Lavoie était plutôt de

85%. Mais l’employeur pensait à l’époque pertinente que la véritable note, c’était 75%.

« Même si elle n’avait pas atteint une note de 80%, dit Madame Gagnon, ce n’était pas

si pire, parce que ça se rattraperait, ça, puis… puis… 75%, ça fait que ça se maintient

(c’était 76% la première semaine), puis on ne voyait pas de problème, là, à la garder ».

[26] Donc, en un mot comme en mille, Madame Lavoie a réussi sa formation, aux

yeux de l’employeur, aux ensemencements. Elle a donc été inscrite sur la liste de

disponibilité pour ce banc de travail.

[27] Concernant l’orientation – formation de Madame Lavoie aux ensemencements,

le tribunal ne dira rien de plus.

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[28] En revanche, l’employeur a mis fin à la période de formation de la plaignante au

banc des hémocultures (un « banc combiné », en fait, dit Madame Morin, « ça

comprend », outre les hémocultures « les L.C.R. [liquides céphalo-rachidiens], les

SARM, les sécrétions vaginales, les réactions transfusionnelles, sécrétions gastriques,

etc. ») après une présence de quelque huit (8) jours de celle-ci à ce poste pour les

raisons inverses. Il a jugé en effet que la progression de cette salariée était nulle ou

nettement insuffisante, de sorte qu’elle ne parviendrait pas, à son avis, même après

trois (3) semaines complètes de formation, en la forme et en la manière en usage au

CSSS, à répondre aux exigences normales de la tâche à ce banc de travail.

[29] Puisque l’employeur prétend que la plaignante, à l’époque pertinente, devait bien

être avantagée dans son apprentissage au banc des hémocultures du fait de ses

expériences antérieures dans des laboratoires de microbiologie, le tribunal croit utile

dès à présent d’établir ce qui suit.

[30] La plaignante, Madame Lavoie, témoigne que, oui, avant son embauchage au

CSSS en 2001, elle avait eu des expériences de travail dans des laboratoires de

microbiologie (E-1). En 2005, dit-elle, il s’agissait d’expériences anciennes, datant des

années ‘80 et du début des années ‘90, et elle soutient que, quoi qu’il en soit, elle

n’avait jamais eu l’occasion, dans ces laboratoires-là, de faire de l’identification de

bactéries, l’une des tâches fondamentales au banc des hémocultures du CSSS. Elle

reconnaît, certes, qu’elle avait déjà fait des antibiogrammes, une technique qui consiste

à vérifier la résistance d’une bactérie à différents antibiotiques, ce qui fait dire à

l’employeur que donc, forcément, elle avait déjà fait de l’identification de bactéries, mais

dans l’esprit du tribunal, cette expérience, à en juger strictement par la preuve, est trop

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ancienne et trop peu importante pour conclure, comme le suggère le procureur

patronal, qu’elle était loin, à l’époque pertinente, à la fin du printemps 2005, « d’être une

néophyte en microbiologie ».

[31] Le tribunal estime qu’il est en preuve qu’avant que ne débute sa période

d’orientation en microbiologie, Madame Lavoie a été avisée que durant sa première

semaine à un banc de travail, elle apprendrait les tâches propres à ce banc sous la

supervision directe et immédiate de sa formatrice, Madame Morin; que durant la

deuxième semaine, elle devait être en mesure de faire le gros du travail, sans aide,

mais que sa formatrice serait disponible durant cette deuxième semaine-là pour

répondre à ses questions et lui enseigner les techniques qui n’ont pu l’être la première

semaine; que la troisième semaine, elle devait être en mesure d’exécuter

complètement, à toute fin pratique, d’une manière autonome, les tâches attachées au

poste, en tout cas celles qu’elle a eu l’occasion d’exécuter sous supervision les deux (2)

premières semaines. On lui a dit probablement aussi, la plaignante semble le

reconnaître (voir la page 40 des notes sténographiques du 30 avril 2008), que

l’employeur se réservait le droit de mettre fin à la période de formation s’il n’y avait pas

de progression raisonnable dans l’apprentissage.

[32] L’employeur n’a pas dit cependant à la plaignante, à l’époque pertinente, ni au

début, ni en cours de période de formation, qu’il utiliserait pour l’évaluer l’outil de travail

(« fiches d’orientation du nouveau personnel ») dont il est question aux paragraphes 20

et 21 de la présente sentence arbitrale. Donc, on ne lui a pas parlé d’une note de

passage de 80%. Donc, on ne l’a pas rencontrée en cours de période de formation,

fiches en main, pour discuter des résultats qu’on lui attribuait, attirer son attention sur

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ses faiblesses et lacunes inscrites aux fiches et voir s’il n’y avait pas moyen de les

corriger, ces faiblesses et lacunes.

[33] La plaignante prétend que la chef technicienne, Madame Gagnon, la personne

responsable au premier chef de son évaluation, qui devait pourtant la rencontrer à

chaque semaine, c’est ce qu’on lui avait dit, ne l’a vue que quelques minutes une seule

fois, le vendredi 3 juin 2005, en milieu de journée, et qu’à cette occasion-là, Madame

Gagnon lui a simplement dit que son orientation au banc des hémocultures, c’était un

échec à cause d’un manque d’organisation, que donc l’employeur mettait fin à

l’orientation à ce banc de travail.

[34] Madame Gagnon, sur cette question des rencontres qu’elle a eues avec

Madame Lavoie, est moins précise que cette dernière. Elle l’a vue, oui, le vendredi 3

juin, c’est certain. Elle prétend l’avoir vue une autre fois, avant ce 3 juin, jour fatidique,

mais elle ne se rappelle pas quand, elle ne se rappelle pas non plus de ce qu’elle a dit à

cette occasion-là à Madame Lavoie.

[35] Le tribunal préfère donc, pour des raisons évidentes, retenir sur cette question

des rencontres, le témoignage clair et précis de Madame Lavoie au témoignage vague

et ambigu de Madame Gagnon.

[36] Voyons les faits les plus pertinents qui se sont produits durant les deux (2)

semaines d’orientation, une complète, la première, l’autre incomplète, la deuxième, de

Madame Lavoie au banc des hémocultures.

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[37] Puisque c’était congé le lundi 24 mai 2005, la première semaine (5 jours

ouvrables) a débuté le mardi 25 mai, s’est poursuivie les mercredi 26 mai, jeudi 27 mai

et vendredi 28 mai et s’est terminée le lundi 31 mai.

[38] Le tribunal comprend que la deuxième semaine a commencé le mardi 1er juin et

s’est terminée le vendredi 4 juin par l’annonce de l’employeur à la plaignante en mi-

journée ce 4 juin qu’il mettait fin à sa période de formation au banc des hémocultures.

[39] La première semaine, la coordonnatrice technique Madame Morin, la formatrice

a, comme prévu, travaillé durant toute cette semaine-là avec Madame Lavoie pour

permettre à cette dernière d’acquérir les connaissances, techniques et habiletés qui font

partie du quotidien d’une technicienne en microbiologie au banc des hémocultures. La

plaignante, tout en travaillant elle-même, avait la possibilité d’observer et de

questionner. Toutes les techniques et procédés n’ont pas été vus, car l’occasion

d’exécuter certaines tâches particulières ne s’est pas nécessairement présentée, c’est

le travail qu’il y avait à faire qu’il fallait accomplir.

[40] Madame Morin, le seul témoin, du côté patronal, qui a eu une connaissance

directe des faits pertinents durant cette première semaine, déclare dans l’ensemble, en

examen en chef, qu’elle a constaté durant cette semaine-là que Madame Lavoie « avait

beaucoup de difficultés à travailler avec l’informatique », (bref elle se trompait souvent

d’écran (par exemple entrer des données dans « l’écran média » au lieu de le faire dans

« l’écran test », elle l’a fait plusieurs fois malgré des avertissements répétés), que

Madame Lavoie perdait du temps inutilement dans l’exécution de certaines tâches (par

exemple lire le nom du patient sur une bouteille d’hémoculture au lieu de simplement la

scanner, cette bouteille, ce qui lui a été répété plusieurs fois, elle ne semblait pas

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comprendre), qu’elle avait des difficultés dans l’utilisation du pense-bête et des

protocoles propres à chaque technique, qu’elle lisait les SARM à la loupe au lieu d’en

faire une lecture macroscopique, qu’elle était lente en général dans l’exécution de ses

techniques, qu’elle prenait trop de notes, ce qui est un signe d’insécurité, qu’elle

mélangeait des étapes dans l’exécution d’une technique, qu’en général cette salariée

était « stressée, mêlée », qu’elle manquait de concentration, de méthode et

d’organisation, qu’elle ne s’intégrait pas à l’équipe parce qu’elle ne prenait pas ses

pauses repos et repas avec ses collègues, etc.

[41] À la fin de la première semaine, de poursuivre Madame Morin, on a attribué une

note globale à Madame Lavoie de 73% (E-7), soit 5 points sur 5 pour la « façon de

faire » (respect des consignes, travail sécuritaire, vigilance, méthode), 41 points sur 65

pour « analyse des spécimens » (on a noté particulièrement qu’elle avait des difficultés

avec l’informatique, qu’elle semblait stressée, qu’elle manquait de rigueur dans les

procédures du protocole, etc.), 12 points sur 15 pour la « collaboration » (elle a perdu

des points pour ses difficultés d’intégration à l’équipe, « propos superflus »), 10 sur 10

pour « éthique et déontologie », 5 sur 5 pour « gestion de la qualité ».

[42] Madame Morin témoigne que la deuxième semaine qui débutait le mardi 1er juin,

tel que déjà dit, elle n’a été présente au travail que les mardi et mercredi seulement, car

le jeudi et le vendredi, elle a pris des vacances. Le jeudi et le vendredi donc, elle a été

remplacée comme coordonnatrice (note du tribunal : pas nécessairement comme

formatrice, comme il sera vu plus loin) par la technicienne Jocelyne Gagné qui n’a pas

témoigné. Suivant Madame Morin, le mardi et le mercredi, la performance et le

rendement de Madame Lavoie ne s’étaient pas améliorés. Toujours les mêmes

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problèmes. On arrivait, dit Madame Morin, à accomplir les tâches du poste durant le

quart de travail, d’accord, « mais c’était parce que je l’aidais ».

[43] Le tribunal estime que le contre-interrogatoire de Madame Morin fait voir que

l’apprentissage de Madame Lavoie, sept (7) jours durant, entre le mardi 24 mai et le

mercredi 2 juin 2005 n’était pas aussi désastreux qu’a bien voulu le laisser croire ce

témoin en examen en chef.

[44] Ainsi, Madame Morin a reconnu – et ce ne sont que des exemples – que durant

la deuxième semaine, Madame Lavoie prenait correctement ses températures

journalières; qu’elle ne commettait pas d’erreurs dans l’émission de ses rapports;

qu’elle n’avait pas de problèmes avec les techniques de repiquage; qu’elle inscrivait

correctement à l’ordinateur les résultats de ses tests; qu’elle savait lire les GRAM et

que son interprétation des bactéries était satisfaisante; que dans l’ensemble ses tests

biochimiques étaient bien faits; qu’elle avait corrigé son habitude de faire des lectures à

la loupe quand ce n’était pas nécessaire; qu’elle était capable de faire des

antibiogrammes, etc.

[45] Bref, le tribunal comprend du témoignage de Madame Morin que Madame

Lavoie exécutait bien ses tâches, ses tests en particulier, « quand elle savait quoi faire,

elle le faisait bien », mais qu’elle avait des difficultés à prendre des décisions, à porter

un jugement sur le travail qu’elle avait à faire, à s’orienter pour aller chercher, au

besoin, de l’information.

[46] Cela nous amène au jeudi 3 juin, jour à marquer d’une pierre blanche en ce

dossier, l’après-midi en particulier, surtout entre 16H00 et 18H00.

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[47] Ce jeudi 3 juin, il ne faut pas l’oublier, Madame Morin n’était pas présente, elle

était en vacances les jeudi 3 juin et vendredi 4 juin. Elle était remplacée comme

coordonnatrice ces jours-là par la technicienne Jocelyne Gagné qui, il faut le répéter,

n’a pas témoigné à l’audience.

[48] Suivant la prépondérance de la preuve, ni Madame Gagnon, ni Madame Morin,

n’ont dit à Madame Gagné qu’elle aurait des responsabilités de formatrice vis-à-vis

Madame Lavoie les jeudi et vendredi, 3 et 4 juin. Elles ne lui ont même pas dit de

porter une attention particulière à cette salariée qui, à les entendre, était stressée,

nerveuse, déconcentrée, désorganisée, « mêlée ».

[49] Sur ce qui s’est passé le jeudi 3 juin, en après-midi, avant 16H00, le tribunal ne

peut compter que sur le témoignage de Madame Lavoie qui a reconnu qu’à 16H00,

heure normale de fin de son quart de travail, elle n’était pas parvenue à tout faire et

bien faire à son poste de travail et que c’est pour cette raison qu’elle a décidé de

prolonger sa prestation de travail jusqu’à 18H00, elle était disponible et ça ne

dérangeait personne, dit-elle.

[50] Madame Lavoie explique en effet que cet après-midi-là, elle a eu « un cas de

méningite de l’Hôpital de Jonquière », un cas exceptionnel, urgent et difficile, c’était du

nouveau pour elle, on ne lui avait pas montré comment faire le groupage qui s’imposait

en pareil cas. Elle est donc partie à la recherche de la coordonnatrice, Madame Gagné,

pour avoir de l’aide, mais elle ne l’a pas trouvée. « Ça fait, dit Madame Lavoie, que j’ai

demandé à une technicienne qui passait de me montrer la technique pour grouper le

cas de méningite ». La technique a été exécutée par cette technicienne. Il se peut que

les résultats du test n’aient pas été entrés à l’ordinateur, reconnaît Madame Lavoie,

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mais dans sa tête à elle, affirme-t-elle, elle croyait à l’époque qu’il revient à la

technicienne qui exécute un test de faire les entrées requises. Donc, ce cas de

méningite lui a demandé du temps. Ensuite, elle a dû répondre à un appel d’un

médecin qui lui a demandé des informations sur un protocole bien précis qu’elle ne

connaissait pas. Elle a dit à ce médecin qu’elle le rappellerait. Elle ne l’a pas trouvé le

protocole en question, encore-là c’était du nouveau pour elle. Elle est donc partie à la

recherche de la coordonnatrice remplaçante. Elle l’a trouvée et celle-ci a consenti à

rappeler le médecin. Madame Lavoie poursuit son témoignage en affirmant qu’il s’est

présenté cet après-midi-là plusieurs techniques à exécuter qu’elle n’avait jamais vues et

qu’il y a eu beaucoup d’hémocultures positives, « plus que tous les autres jours », ce

qui demande beaucoup de travail. Suivant Madame Lavoie, Madame Gagné « n’est

jamais passée (à son poste de travail) pour vérifier comment ça allait, si j’avais des

questions, si le travail avançait. Là, j’étais débordée, ça fait que je suis restée jusqu’à

18H00, parce que je ne voulais pas laisser le travail supplémentaire à la technicienne

en soirée ».

[51] Sur ce qui s’est passé de pertinent après 16H00, le témoignage à retenir est

celui de la technicienne en microbiologie, Yolande Boivin, qui travaillait aux

ensemencements en soirée.

[52] Madame Boivin raconte qu’après 16H00, la plaignante lui a apporté une

hémoculture positive « qu’elle avait commencée ». C’était normal, dit-elle, « c’est moi

qui devait continuer le test pour l’hémoculture. Le problème, c’est que Madame Lavoie

était mêlée, elle ne se rappelait plus si elle avait bien fait les boîtes de départ ».

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[53] Madame Boivin déclare qu’ensuite, elle a constaté qu’il y avait sur la table de

travail de Madame Lavoie un plateau de SARM, « des tests qui normalement se font le

matin ».

[54] À un moment donné, de poursuivre Madame Boivin, Madame Lavoie lui a dit de

venir voir, qu’il lui manquait un antibiogramme dont le résultat n’était pas inscrit à

l’ordinateur. On a fait des recherches, dit Madame Boivin, pour trouver la boîte

appropriée, celle-ci était dans l’armoire « des boîtes lues et à jeter ». Elle a dit à

Madame Lavoie de lire son antibiogramme et de l’inscrire à l’ordinateur.

[55] Plus tard, affirme Madame Boivin, Madame Lavoie est revenue la voir et lui a

dit : « Les disques qui sont sur l’antibiotique qu’on a fait, ce n’est pas les bons pour la

bactérie ». Madame Boivin dit qu’elle a vérifié et c’était correct. Elle a mentionné à

Madame Lavoie de faire ses inscriptions à l’ordinateur. Mais Madame Lavoie est

revenue la voir encore une fois en disant qu’il lui manquait un disque de clindamycine,

un disque qu’elle ne voyait pas sur sa boîte. Il y était pourtant, elle ne reconnaissait pas

l’abréviation pour le disque de clindamycine qui est « cc ».

[56] Madame Boivin déclare également que Madame Lavoie avait des problèmes

avec une « gélose sang de pureté ». Le but de cette gélose, c’est de faire pousser la

bactérie, c’est de connaissance de base. Madame Lavoie « était découragée de voir

que ça avait poussé ». Elle a dit à Madame Lavoie « qui avait l’air perdu » que c’était

normal.

[57] Madame Boivin déclare enfin que Madame Lavoie avait des difficultés à faire ses

entrées à l’ordinateur, c’était long, « elle avait de la difficulté à se rendre au bon

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écran »; qu’en résumé, Madame Lavoie semblait dépassée par son travail, qu’elle

n’avait pas l’air de comprendre, soit par nervosité soit par manque d’écoute. Elle a

téléphoné à Madame Morin pour lui rapporter les faits ci-dessus mentionnés, faits

qu’elle a constatés effectivement entre 16H00 et 18H00 ce jeudi 3 juin (il est en preuve

que Madame Morin a à son tour rapporté l’affaire à Madame Gagnon, probablement le

vendredi matin 4 juin, on peut d’ailleurs dire que c’est ce qui s’est passé, aux dires de

Madame Boivin, entre 16H00 et 18H00 ce jeudi-là qui a été la cause directe et

immédiate, en quelque sorte l’incident culminant, de la décision de Madame Gagnon de

mettre un terme à la formation de Madame Lavoie au banc des hémocultures, chose

qu’elle a faite effectivement le vendredi en milieu de journée). En contre-interrogatoire,

Madame Boivin déclare que l’employeur ne lui a pas demandé de jouer un rôle de

formatrice vis-à-vis Madame Lavoie; qu’elle n’a jamais eu de commentaires négatifs de

la part de collègues de travail concernant le rendement ou la performance de Madame

Lavoie au banc des hémocultures à l’époque pertinente; qu’elle a couché par écrit le 23

juin 2005 (E-20), à la demande de Madame Gagnon, les constatations qu’elle a faites le

jeudi 3 juin, entre 16H00 et 18H00; que c’est normal « qu’une jeune ne sache pas de

choses ».

[58] À ce témoignage de Madame Boivin, Madame Lavoie répond qu’en biochimie,

elle n’a jamais eu de problèmes avec l’informatique. Il faut comprendre que le logiciel

est différent en microbiologie et que ça demande un certain temps pour en apprendre le

fonctionnement. Elle affirme qu’entre 16H00 et 18H00 le jeudi 3 juin, il était normal

qu’elle demande l’aide de Madame Boivin, il s’agissait de tests à effectuer qu’elle

n’avait jamais vus, après huit (8) jours de formation. Elle déclare que le lendemain

matin, vendredi, vu la journée qu’elle avait eu la veille, elle a demandé en début de

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quart de travail de l’aide à la coordonnatrice remplaçante, Madame Gagné, pour

reprendre le dessus. Effectivement, Madame Gagné a passé l’avant-midi avec elle.

Elle maintient que lorsque Madame Gagnon l’a rencontrée le vendredi pour lui

annoncer qu’elle mettait fin à la période de formation, Madame Gagnon ne lui a donné

aucune explication, si ce n’est qu’elle manquait d’organisation. Elle maintient qu’elle n’a

pas eu l’occasion de dire grand-chose.

[59] Dans les premiers jours de la semaine qui a suivi le vendredi 4 juin, il fut procédé

par Mesdames Morin et Gagnon à l’évaluation de la deuxième semaine incomplète de

travail, en formation, de Madame Lavoie au banc des hémocultures. On a attribué à la

salariée une note de 65% (E-13), soit 5 points sur 5 pour la « façon de faire », 33 sur 65

au titre de l’analyse de spécimens (on a particulièrement noté que Madame Lavoie était

stressée, qu’elle avait des difficultés avec l’informatique, des problèmes avec l’usage

des protocoles, qu’elle était incapable de rencontrer les échéances [elle n’avait pas

terminé sa journée de travail à 16H00 le jeudi 3 juin]), 12 sur 15 en ce qui concerne la

« collaboration » (difficulté d’intégration à l’équipe), 10 sur 10 en rapport avec l’éthique

et la déontologie, 5 sur 5 pour la gestion de la qualité.

[60] Madame Gagnon a rempli un formulaire d’appréciation du rendement de

Madame Lavoie (E-21) fort négatif. Le tribunal y reviendra au besoin. Madame Morin a

couché elle aussi par écrit ses constatations (E-22). Le tribunal y reviendra également

au besoin.

[61] Voilà donc pour l’essentiel de la preuve en ce qui a trait à la période de formation

de Madame Lavoie au banc des hémocultures.

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PAGE : 20 LES FAITS LES PLUS PERTINENTS RELATIVEMENT À L’ORIENTATION EN PATHOLOGIE DE MADAME LAVOIE

[62] En ce qui concerne les programmes d’orientation en pathologie, l’employeur

n’utilise pas d’outil d’évaluation comme c’est le cas en microbiologie (E-4, E-5, E-7,

E-13).

[63] En gros, en pathologie, les prélèvements de tissus arrivent au laboratoire, ils

sont gelés dans une substance (le plus souvent dans la paraffine) pour qu’on puisse les

trancher en lamelles qui seront exposées à des marqueurs, trempés dans des solutions

etc.

[64] La durée du programme d’orientation est de six (6) semaines (2 semaines par

banc de travail) lorsque la personne salariée, semble-t-il, obtient un poste selon les

termes de l’article 12 de la convention collective. Elle est de trois (3) semaines lorsqu’il

s’agit d’entraîner une personne salariée de la liste de disponibilité pour effectuer des

remplacements à des bancs spécifiques. Effectivement, en pathologie, Madame Lavoie

a eu une période de formation de trois (3) semaines. La première semaine, c’était au

poste de « deuxième coupeuse », les deux (2) semaines suivantes au poste de

« première coupeuse ».

[65] Il se fait aux deux (2) postes de l’inclusion (introduction dans un tissu d’une

substance (paraffine) qui lui donne assez de dureté pour être découpé au microtome) et

de la coupe, effectivement, au microtome (c’est l’instrument qui sert à couper dans des

tissus des lames minces afin de les observer au microscope).

[66] Au poste dit de « première coupeuse », la technicienne fait en plus des

colorations spéciales, généralement en après-midi.

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[67] L’horaire du poste de deuxième coupeuse, c’est de 8H00 à 16H00. La salariée à

ce poste fait de l’inclusion de 8H00 à 10H00 et de la coupe le reste de la journée, ainsi

que du classement en fin de journée. Normalement, disent les témoins produits par

l’employeur, vu qu’il y a beaucoup de coupes à ce poste, c’est là qu’une nouvelle

salariée est d’abord orientée. Il en fut ainsi dans le cas de Madame Lavoie.

[68] L’horaire du poste de première coupeuse est de 7H00 à 15H00. La salariée

affectée à ce poste fait de l’inclusion de 7H00 à 8H00, puis de la coupe jusqu’à son

dîner, à 11H30. En après-midi, elle est affectée principalement aux colorations

spéciales et fait de la coupe encore, si elle en a le temps.

[69] Les premières coupes sont donc effectuées par la première coupeuse, à partir

de 8H00. Il y a un ordre à suivre dans la journée : les cas très urgents (STAT) d’abord,

les urgents ensuite, puis les prioritaires et enfin les cas de routine. Les biopsies sont

parmi les cas les plus urgents, en général. C’est normal, les biopsies sont

généralement prélevées par chirurgie, « on est à la recherche d’un diagnostic »

(témoignage de Madame Chantale Bouchard).

[70] Puisqu’il est question de chirurgie, il est en preuve qu’il y a moins de chirurgies

l’été, pour des raisons évidentes, donc moins de biopsies à couper.

[71] L’orientation de Madame Lavoie a débuté le 27 juin 2005 au poste de deuxième

coupeuse, tel que déjà dit. Une (1) semaine d’orientation à ce poste. Les deux (2)

semaines suivantes, elle a été orientée au poste de première coupeuse, il faut le

rappeler.

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[72] La responsable de sa formation, Madame Chantale Bouchard, coordonnatrice

technique en pathologie, affirme que l’employeur s’attend d’une personne qui n’a pas

d’expérience au microtome qu’elle soit en mesure au bout de la première semaine de

formation (au poste de deuxième coupeuse) de couper trente (30) blocs ou lames (peu

importe, estime le tribunal, il semble que ce soit blanc bonnet bonnet blanc, s’il lui est

permis de s’exprimer ainsi) à l’heure.

[73] Madame Bouchard estime que c’est raisonnable, elle qui a orienté au laboratoire

quatre (4) ou cinq (5) nouvelles salariées (en période d’initiation et d’essai selon les

termes de l’article 12 de la convention collective), à part Madame Lavoie, bien entendu.

Elle dit que normalement, à la fin de sa période d’orientation, une nouvelle salariée fait

« 40 à 50 lames à l’heure », que d’ailleurs une technicienne expérimentée en fait

facilement entre 50 et 60 à l’heure.

[74] Madame Bouchard déclare qu’elle a dit à Madame Lavoie au début de

l’orientation « qu’on s’attend à un minimum de 30, mais qu’il faut que ça augmente. Si,

après 3 semaines c’est encore à 30 ou 2 semaines c’est encore à 30, ce n’est pas bon.

Il faut qu’avant … c’est minimum 30 et toujours en s’améliorant, qu’on voit qu’il y a une

progression, qu’il y a une maîtrise de l’instrument, puis que la personne, là, elle va

vraiment être à l’aise, puis qu’elle va produire un bon rendement, puis des coupes de

qualité aussi. Alors, c’est ça, en gros, que je lui ai dit, là. ».

[75] Madame Bouchard affirme que depuis qu’elle est coordonnatrice, cette norme de

« 30 », au minimum, a toujours été la même.

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[76] Madame Bouchard affirme qu’une biopsie, ça demande beaucoup de dextérité

« parce que c’est petit », mais c’est facile à couper, « sur le couteau ça passe bien ».

Elle reconnaît que ça prend un peu plus de temps à couper qu’un bloc de routine.

[77] Madame Bouchard témoigne que la première semaine, elle a compté, certaines

heures, pas toutes les heures évidemment, les blocs à l’heure réalisés par Madame

Lavoie. Elle ne sait cependant pas à quelle heure de la journée, elle a fait ses

décomptes. La deuxième journée de cette première semaine, soit le 28 juin, elle a

compté « 15 à 20 » blocs à l’heure, c’était des blocs d’autopsie. Le 30 juin, la

quatrième journée de la première semaine, elle a calculé qu’en une (1) heure, elle ne

sait pas quelle heure, Madame Lavoie a coupé 21 blocs. Donc, dit Madame Bouchard,

après cette première semaine, c’était assez lent, les coupes, puis à l’inclusion « ça allait

doucement ».

[78] La deuxième semaine, de poursuivre Madame Bouchard, alors que Madame

Lavoie était au poste de première coupeuse, elle a fait un décompte presque à chaque

jour, un (1) par jour à toute fin pratique, à une heure donnée qu’elle ne peut préciser.

La première heure comptée, Madame Lavoie a fait 30 blocs, mais les blocs n’étaient

pas classés, la norme c’était des blocs « coupés et classés ». La deuxième heure

comptée, a donné 13 blocs à l’heure. La troisième, c’était jeudi, 17 blocs à l’heure. La

quatrième, le vendredi, 27 blocs à l’heure. Donc, déclare Madame Bouchard, le

rendement de Madame Lavoie ne répondait pas aux attentes, elle ne s’était pas

améliorée beaucoup à la coupe. En ce qui concerne les colorations spéciales, Madame

Lavoie avait des difficultés, elle était hésitante et insécure, suivait mal les étapes, les

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mélangeait, elle était incapable « de partir deux colorations en même temps », c’est

pourtant important, des fois il y en a plusieurs à faire, il faut savoir s’organiser.

[79] Madame Bouchard déclare qu’à la fin de la deuxième semaine, elle et Madame

Gagnon doutaient que la plaignante progresse, elles se sont donc demandées si ça

valait la peine de poursuivre la formation une troisième et dernière semaine. « Puis là,

dit-elle, on s’est demandé, justement, si on faisait la troisième semaine, parce que là on

ne pensaient pas que ça pouvait vraiment s’améliorer, là, au point de faire la troisième

semaine 45 blocs, là. Mais on a décidé quand même de donner une chance, on s’est

dit : on va donner une chance, comme ça si après la troisième semaine on … après la

troisième semaine on va avoir un meilleur jugement encore. Alors, on a décidé de faire

la troisième semaine d’entraînement au poste de première coupeuse, de poursuivre

l’entraînement ».

[80] La troisième semaine, celle du 11 au 15 juillet 2005, il n’y a pas eu d’amélioration

significative à la coupe, affirme Madame Bouchard. Le 11 juillet, dit-elle, elle a fait 2

décomptes : la première heure, elle a compté 30 blocs faits par Madame Lavoie, la

deuxième heure 28. Le 12 juillet, l’heure comptée, la seule, a donné 18 blocs. Le 13

juillet, 2 heures ont été comptées : la première a donné 26 blocs, la deuxième 30. Le

14 juillet, 2 heures également ont été comptées : le résultat de la première heure, c’était

24, la seconde 31. Enfin, le 15 juillet, encore 2 décomptes : le résultat de la première

heure comptée était 32, la deuxième 27.

[81] Cette troisième semaine-là, déclare Madame Bouchard, Madame Lavoie n’a pas

beaucoup mieux performée que la deuxième aux colorations spéciales. Madame

Lavoie a eu, la troisième semaine, il est vrai, à faire plus de colorations différentes que

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la deuxième « peut-être 6 ou 7 en même temps ». Suivant Madame Bouchard, il y avait

toujours chez Madame Lavoie « le même problème d’insécurité », elle commettait les

mêmes erreurs, suivait mal les étapes, les mélangeait, elle ne répondait donc pas aux

attentes.

[82] Le 20 juillet, de poursuivre Madame Bouchard, donc après la période de

formation non réussie de la plaignante, elle a dressé une liste des erreurs commises

par celle-ci la deuxième et la troisième semaine. Par exemple, une fois, Madame

Lavoie a rincé « les GIEMSA à l’alcool », il a donc fallu reprendre le test au complet…

tout, la coupe, le séchage, le déparaffinage et la coloration. Une autre fois, elle a omis

d’ajouter de l’acide au bleu de prusse, il n’y a pas eu de réaction, il a fallu reprendre le

travail. Encore une autre fois, elle a oublié le PAS dans le réactif de SCHIFF, encore-là

il a fallu reprendre le travail. Autre exemple d’erreur : lors d’une technique de

méthénamine de GRCOTT, la lame a été placée à l’envers, donc le tissu en dessous, il

n’y a pas eu bien sûr de réaction et il a fallu encore-là reprendre le travail.

[83] Madame Bouchard en a noté d’autres des erreurs : Des biopsies de seins

oubliées dans une étuve – c’était pourtant urgent – des PAS colorés « dans la

coloration de HPS », « des blancs de prostates … dans le portoir des colorations

HPS », bref des lames qui seraient parties « en colo si je les avais pas vues, de

préciser Madame Bouchard ».

[84] Madame Bouchard reconnaît qu’il est normal qu’une technicienne en formation

commette des erreurs, mais dans le cas de Madame Lavoie, « c’était beaucoup trop »,

« c’était trop dense », « c’était beaucoup trop pour une seule personne dans si peu de

temps ».

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[85] Même la troisième semaine, déclare Madame Bouchard, Madame Lavoie prenait

beaucoup trop de notes, cela démontrait qu’elle était insécure et qu’elle ne comprenait

pas ses techniques.

[86] Enfin, le témoin produit comme pièce E-28, le registre des spécimens traités à

l’époque pertinente.

[87] En contre-interrogatoire, Madame Bouchard déclare que lorsqu’elle donne une

formation de deux (2) semaines seulement à la coupe, la salariée à temps partiel

entraînée l’est au poste de deuxième coupeuse uniquement. Par contre, si la formation

est de trois (3) semaines, comme dans le cas de Madame Lavoie, la technicienne est

entraînée la première semaine au poste de deuxième coupeuse et les deux (2)

semaines suivantes au poste de première coupeuse, poste qui comprend les

colorations spéciales; qu’elle est incapable d’identifier les erreurs que Madame Lavoie

a commises la troisième semaine; que les coupes de Madame Lavoie la troisième

semaine étaient acceptables, qu’en fait le problème « c’était le rendement à la coupe »

et son manque d’organisation aux colorations spéciales.

[88] Madame Gagnon parle, elle, d’une exigence de « 28 à 30 blocs à l’heure » à la

coupe. Elle déclare qu’elle a rencontré régulièrement, durant sa période d’orientation,

Madame Lavoie pour discuter de son rendement; qu’effectivement, à la fin de la

troisième semaine de formation, elle a dit à la plaignante que l’employeur considérait

qu’elle n’avait pas réussi sa formation, pour les raisons mentionnées par Madame

Bouchard et qu’en conséquence elle ne serait pas inscrite sur la liste de disponibilité

pour faire des remplacements en pathologie.

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[89] Concernant sa période de formation en pathologie, Madame Lavoie a témoigné

deux (2) fois à l’audience, une première fois le 30 avril 2008 et une deuxième, le 27 mai

2009.

[90] Le 30 avril 2008, elle déclare qu’en début de période de formation, Madame

Gagnon lui a dit qu’à la coupe, l’objectif à atteindre était un rendement de 28 blocs à

l’heure. Elle a pensé, dit-elle, à des coupes de routine, « parce que ce n’est pas à une

nouvelle technicienne de prendre en charge les biopsies urgentes ou STAT ou … bien,

c’était mon… c’est mon idée ».

[91] Madame Lavoie soutient que durant la première semaine, les choses se sont

bien passées pour elle. À la fin de cette semaine-là, elle a vu Madame Gagnon qui lui a

dit que son rendement à l’inclusion était bon pour une débutante. Elle ne se souvient

pas si Madame Gagnon a fait des commentaires en ce qui concerne son travail à la

coupe.

[92] Après sa deuxième semaine (au poste de première coupeuse), de poursuivre

Madame Lavoie, Madame Gagnon l’a encore rencontrée. Madame Gagnon lui a dit

que sa moyenne à la coupe était de 24 blocs à l’heure durant cette deuxième semaine,

elle lui a donc mentionné qu’elle devait améliorer son rendement pour atteindre l’objectif

de 28 blocs à l’heure.

[93] La troisième semaine, dit Madame Lavoie, elle a fait plus de colorations

spéciales. À la fin de cette troisième semaine, Madame Gagnon lui a dit que l’objectif

de 28 blocs à l’heure, un objectif important pour l’employeur, que cet objectif-là elle ne

l’avait pas atteint, sa moyenne à la coupe n’étant que de 27 blocs à l’heure. Madame

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Gagnon lui a déclaré qu’elle ne s’était pas qualifiée pour être inscrite sur la liste de

disponibilité pour faire des remplacements en pathologie. Bref, Madame Gagnon lui a

dit que son orientation en pathologie, c’était un échec.

[94] Après cette dernière rencontre avec Madame Gagnon, elle a croisé Madame

Bouchard, sa formatrice, qui lui a dit : « J’ai tout essayé ». Madame Lavoie dit qu’elle a

compris de ces propos-là de Madame Bouchard que cette dernière avait tout essayé

pour convaincre Madame Gagnon de la faire passer. Elle a croisé un peu plus tard la

technicienne Francine Savard qui lui a dit que ce n’était pas possible qu’on la fasse

échouer, que c’était du harcèlement.

[95] Madame Lavoie prétend qu’aucune nouvelle technicienne en pathologie « n’a

été minutée » comme elle, « c’est-à-dire sur des biopsies urgentes ou STAT ». Suivant

Madame Lavoie, la coupe d’une biopsie exige de la précision, de la minutie, c’est plus

long.

[96] Témoignant le 27 mai 2009, Madame Lavoie déclare que la première et la

deuxième semaine, elle a été « minutée » pour Madame Bouchard de 8H30 à 9H30.

La troisième semaine, elle l’a été de 7H45 à 8H45 et de 8H45 à 9H45.

[97] Madame Lavoie affirme enfin que les erreurs notées par Madame Bouchard le

20 juillet 2005, elle n’en a jamais entendu parler avant l’audition.

[98] Reste le témoignage de Madame Francine Savard, une technicienne

d’expérience en pathologie, une technicienne qui doit prendre sa retraite en 2010.

Madame Savard déclare d’important que, selon elle, le travail au poste de première

coupeuse est plus difficile qu’à celui de deuxième coupeuse parce que la première

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coupeuse fait la coupe en début de journée des spécimens STAT et urgents, le plus

souvent des petites biopsies difficiles à couper. Couper une petite biopsie demande de

la minutie, du doigté, c’est plus long.

[99] Suivant Madame Savard, Madame Bouchard avait ses préférées au laboratoire,

elle les aidait. « Si c’est moi, dit-elle, qui est à la coupe, elle ne m’aide jamais, ça c’est

sûr. Bien c’est vrai que je suis assez rapide. ».

[100] En contre-interrogatoire, Madame Savard reconnaît, à toute fin pratique, qu’elle

n’a pas de reproches sérieux à retenir contre Madame Bouchard. Ses récriminations, à

l’époque, s’adressaient plutôt à l’ancienne direction du laboratoire.

[101] Voilà pour l’essentiel de la preuve.

ARGUMENTATION DES PARTIES

A) Argumentation de la partie syndicale

[102] Le procureur de la partie syndicale plaide d’abord que l’employeur qui décide,

comme ce fut le cas en l’espèce, de donner de la formation à une personne salariée,

assume des obligations plus grandes envers celle-ci qu’envers une nouvelle titulaire de

poste qui a droit à la période d’initiation et d’essai dont il est question en l’article 12.12

de la convention collective. On sait qu’une telle période d’initiation et d’essai sert à

donner l’occasion à la personne salariée de se familiariser avec les diverses tâches de

son nouveau poste et à l’employeur de vérifier sa capacité à les exécuter de façon

normale ou adéquate. Une période de formation ou d’entraînement elle, a pour but de

permettre à la personne salariée d’acquérir des connaissances, techniques et habiletés.

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[103] Si la personne en période d’initiation et d’essai au sens de l’article 12.12 de la

convention collective a droit, suivant la jurisprudence, à une période d’initiation et

d’essai loyale et convenable, à plus forte raison une personne en formation a droit à

une formation loyale et convenable.

[104] L’état du droit sur la question est bien résumé dans la sentence arbitrale

suivante : Syndicat national des employés-es du Centre hospitalier régional de Trois-

Rivières (FSSS-CSN) et Centre hospitalier régional de Trois-Rivières, griefs de Bruno

Houle, 2002A-194, le 19 août 2002, Me Carol Jobin, arbitre.

[105] Aux pages 17 et 18 de sa sentence, Me Jobin écrit ce qui suit :

« En cas de contestation d’une décision de l’employeur mettant fin à la période d’initiation et d’essai d’une personne salariée, l’employeur assume le fardeau de démontrer que celle-ci n’était pas en mesure de satisfaire aux exigences normales de la tâche.

Cette démonstration comporte deux éléments. En premier lieu, l’employeur doit établir que l’initiation accordée était loyale et convenable. De façon plus spécifique, l’initiation doit avoir comporté : (1) un accueil et une information sur les objectifs du service, la nature du travail et les attentes qu’il comporte et sur les procédures, méthodes et règles l’encadrant; (2) une assistance technique et une surveillance par une personne qualifiée permettant une familiarisation avec les attributs du poste de travail; et (3) une évaluation régulière accordant une possibilité raisonnable d’apporter, le cas échéant, des corrections à la prestation fournie.

En second lieu, s’il est établi que l’initiation fut loyale et convenable, il restera à prouver que l’évaluation concluant à une incapacité de satisfaire aux exigences normales de la tâche était raisonnable et fondée. Une évaluation empreinte de mauvaise foi, de discrimination, d’arbitraire ou d’abus sera invalide. Il est généralement reconnu qu’une évaluation effectuée par un supérieur hiérarchique à même d’observer le travail, faite avec objectivité et de façon motivée assure sa crédibilité. »

[106] Voir au même effet :

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- Hôpital Rivière-des-Prairies et le Syndicat canadien de la fonction publique (F.T.Q.), section locale 314, grief de Rosa Depelteau, 88-09538, le 24 août 1988, Me François Hamelin, arbitre;

- Syndicat national des employés de l’Hôtel-Dieu de Montréal et Hôtel-Dieu

de Montréal, grief de Daniel Hénault, 90A-308, le 6 juillet 1990, Me Marie-France Bich, arbitre.

[107] Pour le procureur syndical, la période d’entraînement offerte à la plaignante au

banc des hémocultures n’a pas été loyale et convenable.

[108] Concernant les attentes, la preuve révèle clairement que l’employeur n’a pas

informé la plaignante qu’elle serait évaluée en fonction de critères précis, qu’il utiliserait

pour l’évaluer un outil (E-4, E-5, E-7, E-13), qu’il y avait une note de passage à

atteindre (80%) etc. L’employeur cherche à excuser cette lacune en prétendant qu’il

s’agit d’un outil d’évaluation interne dont il ne parle pas aux personnes orientées, mais

ce n’est pas une excuse valable, ce n’est pas de discrimination dont il s’agit ici, il est

plutôt question de l’une des exigences d’une période de formation loyale et convenable,

une exigence qui consiste à informer la personne salariée des attentes. « Quand on ne

précise pas les attentes, dit le procureur de la partie syndicale, qu’on ne donne pas le

pourcentage à atteindre … on fait à peu près ce qu’on veut. ».

[109] Un bel exemple est celui de la salariée Esther Harvey. La première semaine, sa

note a été de 72%, la deuxième 74%, la troisième 89%. Donc, deux (2) semaines sur

trois (3), c’était un échec. Pourtant l’employeur a décidé d’une formation réussie dans

le cas de Madame Harvey.

[110] Le deuxième manquement de l’employeur consiste dans le fait que Madame

Lavoie n’a pas eu droit au banc des hémocultures à une période de formation complète.

La durée de la formation, on le sait, c’est trois (3) semaines (15 jours ouvrables),

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Madame Lavoie a eu huit (8) jours ouvrables de formation, soit à peu près la moitié de

la période normale de formation. Dans le fond, même pas. Il est en preuve que le jeudi

de la deuxième semaine, Madame Lavoie n’était même pas supervisée. En effet, la

coordonnatrice remplaçante de Madame Morin, suivant la preuve, n’avait pas été

avisée qu’elle devait s’occuper de la formation de Madame Lavoie ce jeudi-là et le

lendemain vendredi. De fait, cette coordonnatrice remplaçante a donné de l’aide une

fois à Madame Lavoie, mais c’était à la demande de cette dernière, elle ne s’est jamais

présentée au poste de travail de Madame Lavoie de son propre chef pour voir comment

ça se passait, répondre, le cas échéant, aux questions de la salariée, lui demander si

elle avait besoin d’aide etc. On ne peut donc par dire que la coordonnatrice dont il

s’agit a joué un véritable rôle de formatrice.

[111] Troisièmement, une période de formation loyale et convenable implique une

évaluation régulière pour permettre à la personne en formation d’apporter des

corrections à sa prestation. Il est en preuve que la chef technicienne, Madame

Gagnon, la responsable suprême de l’évaluation qui devait rencontrer Madame Lavoie

régulièrement, en tout cas au moins une fois par semaine, ne l’a vue qu’une fois, le

vendredi pour lui dire laconiquement que l’employeur mettait fin à la période de

formation parce qu’elle ne faisait pas l’affaire au banc des hémocultures. Pourtant,

Madame Gagnon a bel et bien témoigné qu’elle avait comme pratique de dire aux

personnes orientées qu’elle les rencontrerait « seulement si ça allait mal ». Donc, étant

donné que Madame Gagnon n’a vu Madame Gagnon qu’une fois, le vendredi fatidique,

pour lui dire que sa formation c’était un échec, il faut considérer que la formation de

Madame Lavoie allait bien jusqu’à la veille, jeudi, à 16H00. D’ailleurs, avant de prendre

ses deux (2) jours de vacances, le jeudi et le vendredi, Madame Morin, la formatrice,

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n’a pas dit à sa remplaçante comme coordonnatrice, Madame Gagné, de surveiller de

près Madame Lavoie, une débutante supposément stressée, mêlée qui commettait

beaucoup d’erreurs.

[112] Madame Lavoie ne pouvait donc pas s’expliquer, se corriger, pour la bonne et

simple raison qu’elle n’était pas rencontrée et évaluée régulièrement.

[113] Dans le fond, ce sont les événements du jeudi en fin de journée, rapportés par la

technicienne Yolande Boivin qui ont provoqué la décision intempestive de l’employeur

de mettre un terme, le lendemain vendredi, à la période de formation de Madame

Lavoie. Il est très important de noter que l’employeur n’a pas donné à Madame Lavoie

l’occasion de s’expliquer concernant les événements du jeudi dont il s’agit. Pourtant,

Madame Lavoie avait de bonnes explications. Elle était seule ce jeudi-là, elle qui était

pourtant en formation. À 16H00, son travail n’était pas terminé, mais il faut comprendre

qu’elle a été surchargée de travail en après-midi. Elle a eu un cas de méningite tout à

fait exceptionnel. Elle a eu des hémocultures positives beaucoup plus que les autres

journées, donc des tests à faire qu’elle n’avait jamais eu l’occasion d’exécuter. Suivant

la preuve, elle a dû « courir après la coordonnatrice », pour avoir de l’aide, elle n’a pu

compter sur l’aide de d’autres techniciennes. Bref, elle a été laissée à elle-même en

plein milieu de sa période de formation. Dans ces conditions, il était normal que

Madame Lavoie paraisse à la technicienne Yolande Boivin « mêlée, stressée et

nerveuse ».

[114] Le deuxième test qu’il faut faire consiste à se demander si l’évaluation de

l’employeur était loyale et fondée.

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[115] D’abord, il faut écarter les écrits E-20 et E-21, des listes d’erreurs, des

appréciations et commentaires dressés par l’employeur après la période de formation.

La plaignante n’a eu connaissance de ces écrits-là qu’à l’audience, quatre (4) ans plus

tard, l’employeur l’a donc privé de son droit à une défense pleine et entière.

[116] L’employeur n’a pas même appliquer avec cohérence les fiches E-4, E-5, E-7 et

E-13. Par exemple, au titre de la « collaboration », les deux (2) premières semaines

(E-4, E-5), il a donné une note de 15 sur 15 à la plaignante, la troisième, 12 sur 15 la

quatrième semaine 12 sur 15 (E-7, E-13). Comment se peut-il qu’une personne, en

changeant de secteur d’activités, perde 20% des points? Par exemple, au titre de

« l’autonomie » dans l’analyse des spécimens, les notes sont respectivement de 12 sur

15 (E-4), 12 (E-5), 11 (E-7) et 5 (E-13). La dernière semaine, Madame Lavoie est

donc devenue à ce chapitre complètement nulle. Ce n’est pas crédible, l’intention de

l’employeur, de toute évidence, c’était de couler Madame Lavoie. Dernier exemple : la

maîtrise de soi. Les notes sont respectivement de 6 sur 10 (E-4), 7 (E-5), 6 (E-7) et 4

(E-13). Quatre (4) à cause d’une mauvaise gestion du stress, non respect des priorités.

C’était moyen les premières semaines, désastreux la quatrième! L’évaluation E-13, la

quatrième et dernière, la plus désastreuse, l’employeur l’a faite après avoir pris sa

décision de mettre fin à la formation. Il fallait bien qu’elle soit mauvaise cette dernière

évaluation.

[117] Dans le document E-21, confectionné bien après les événements, Madame

Gagnon au titre de la qualité du travail écrit « peu satisfaisante » alors que « la gestion

de qualité », c’était presque parfait à en croire les documents E-4, E-5, E-7, E-13. En

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ce qui concerne l’éthique et la déontologie, c’était parfait dans les documents E-4, E-5,

E-7 et E-13 et tout à fait nul ou presque au document E-21.

[118] Qu’en était-il au juste de la prestation de travail de Madame Lavoie? Madame

Morin a reconnu qu’il est normal qu’une débutante commette des erreurs. Elle a même

reconnu que lors de la deuxième semaine au banc des hémocultures, Madame Lavoie

ne répétait plus les erreurs qu’elle commettait dans ses tests la première semaine.

Tout ce que Madame Morin a trouvé à dire, c’est que Madame Lavoie était « mêlée,

manquait d’organisation, qu’elle était stressée et nerveuse ». Mais proclamer, ce n’est

pas prouver. La preuve de l’employeur est dans le fond tout à fait impressionniste.

[119] Donc, pour toutes ces raisons, de conclure le procureur du syndicat, le grief S-1

devrait être purement et simplement accueilli.

[120] La période d’entraînement offerte à la plaignante en pathologie n’a pas les

mêmes défauts évidents qu’en microbiologie. Cependant, la plaignante n’a pas eu droit

pour autant à une période de formation loyale et convenable.

[121] Il faut noter que l’employeur a attaché beaucoup d’importance au nombre de

lames ou blocs coupé à l’heure. « C’est la clé du dossier ». Madame Bouchard, la

coordonnatrice, la formatrice, a fini par admettre que sa norme, par ailleurs très

confondante, elle l’a établie au poste de deuxième coupeuse et non pas de première

coupeuse.

[122] Madame Bouchard a comparé le rendement de Madame Lavoie (qui était

entraînée surtout comme première coupeuse) avec ceux de Mesdames Boissonneault

et Pellerin qui elles, ont été entraînées au poste de deuxième coupeuse. Il est clair que

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la première coupeuse a des cas plus difficiles, les cas STAT et urgents, donc beaucoup

de biopsies. Madame Lavoie, non contredite, l’a dit que la deuxième et dernière

semaine, elle était minutée entre 7H45 et 9H45, donc au moment de la journée où les

coupes sont les plus difficiles. Madame Bouchard a été incapable d’identifier les heures

de la journée où elle a minuté Madame Lavoie. Il faut donc croire Madame Lavoie.

Madame Bouchard, c’est important, a fini par reconnaître que couper des biopsies, c’est

plus difficile. Madame Savard a dit la même chose que Madame Lavoie, à savoir que le

travail de première coupeuse lui apparaissait plus exigeant, plus long, plus difficile et

plus complexe que celui de deuxième coupeuse. Madame Savard qui a beaucoup

d’expérience à la coupe a même dit : « moi, j’ai de l’expérience … pis quand je réussis

36 lames à l’heure comme première coupeuse, dans des cas de biopsies et des cas

plus difficiles, c’est bon ».

[123] Madame Lavoie devait bien rencontrer les exigences et les attentes de

l’employeur, puisque Madame Bouchard a admis que ses coupes étaient de qualité,

que Madame Lavoie parvenait à terminer son travail de coupe sans retard. Certes,

Madame Bouchard dit que si Madame Lavoie n’avait pas de retard, c’est parce qu’elle

l’aidait. Cependant, elle a mentionné que la troisième semaine, elle ne sait pas si elle a

aidé Madame Lavoie.

[124] Il est exagéré de prétendre comme le fait l’employeur que la plaignante n’a pas

progressé au fil de sa période de formation en pathologie, en ce qui concerne le

nombre de coupes à l’heure.

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[125] La norme, selon Madame Bouchard, c’était à l’époque pertinente 30 coupes à

l’heure. Madame Gagnon a dit « 28 à 30 ». Madame Lavoie a déclaré qu’on lui a parlé

d’un nombre de 28 blocs à l’heure.

[126] Quel que soit le chiffre retenu, l’important, tel que déjà dit, c’est l’affirmation (de

l’employeur) selon laquelle la troisième semaine, il n’y avait plus de progression

possible. Cette affirmation est fausse.

[127] La première semaine, Madame Lavoie a exécuté, selon les calculs de Madame

Bouchard, une moyenne de 19.5 coupes à l’heure. La deuxième semaine, cette

moyenne a été de 24 ou 25 lames à l’heure. Donc, il y a eu une progression

significative. La troisième semaine, la moyenne a été de 27 ou 28 blocs à l’heure. Il y a

donc eu une progression importante par rapport à la deuxième semaine. D’autres

techniciennes en formation ont vu leur période de formation prolongée ou acceptée,

même si elles n’avaient pas atteint la vitesse recherchée. L’employeur a jugé dans ces

cas-là qu’il y avait eu progression. Pourquoi ne pas avoir fait la même chose dans le

cas de Madame Lavoie?

[128] L’employeur a rendu une décision arbitraire et discriminatoire en refusant de

reconnaître que Madame Lavoie avait réussi sa formation en pathologie. Cette dernière

« aurait manqué la cible » pour une question de quelques minutes. Il va de soi que la

plaignante aurait acquis de la vitesse avec le temps et l’expérience (Le Centre

hospitalier universitaire de Sherbrooke et l’Association professionnelle des

technologistes médicaux du Québec, grief de Francine Faucher, 84A-285, le 26 juin

1984, Me Claude Lauzon président).

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[129] Il est en preuve que le travail de Madame Lavoie à l’incision était acceptable.

[130] Plusieurs des erreurs supposément constatées par Madame Bouchard (par

exemple des blocs mal classés etc.) n’ont pas été répétées, suivant la preuve par

Madame Lavoie.

[131] Quant aux colorations spéciales, les pathologistes n’ont fait aucune plainte

concernant le travail de Madame Lavoie. En outre, Madame Bouchard a été incapable

d’affirmer que Madame Lavoie ne réalisait pas ses erreurs elle-même.

[132] Parce que l’employeur a fait faire à Madame Lavoie des colorations de pratique

en après-midi, au lieu de l’affecter à la coupe, il n’a pas favorisé la progression de cette

salariée à la coupe quant au rendement.

[133] Finalement, le tribunal se doit de retenir que, suivant le témoignage de Madame

Savard, il régnait, à l’époque pertinente, au laboratoire, un certain climat de favoritisme

et de harcèlement.

[134] En pathologie comme en microbiologie, les allégations selon lesquelles Madame

Lavoie était stressée, nerveuse et manquait d’organisation, de jugement, sont

impressionnistes.

[135] Ce sont là des perceptions qui ne reposent pas sur des faits précis.

[136] En conclusion, le tribunal devrait retenir que Madame Lavoie n’a pas eu droit en

pathologie à une période de formation et une évaluation correcte, honnête et loyale.

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[137] Pour toutes ces raisons, de conclure le procureur syndical, le grief S-2 devrait

être purement et simplement accueilli.

B) Argumentation de la partie patronale

[138] Les prétentions du procureur de la partie patronale sont évidemment, on s’en

doute, d’une tout autre nature.

[139] Le procureur patronal rappelle d’abord au tribunal qu’il doit répondre, dans le

fond, à deux (2) questions. Première question : Est-ce que l’employeur était justifié de

mettre fin à l’orientation de la plaignante au banc des hémocultures? Deuxième

question : Est-ce que l’employeur était justifié de décider que Madame Lavoie n’avait

pas réussi sa formation en pathologie?

[140] Les orientations concernées par les présents griefs ne sont pas réglementées, à

toute fin pratique, dans la convention collective. Il faut donc que le tribunal prenne en

considération les objectifs poursuivis par l’employeur en décidant d’offrir une période

d’orientation. C’est à l’employeur de décider de ses besoins, des tâches devant faire

partie de l’orientation et de la durée de la période d’orientation.

[141] L’orientation en microbiologie d’abord. L’objectif poursuivi par l’employeur, c’est

que la personne orientée soit en mesure de travailler de façon autonome dès la

deuxième semaine, sous supervision, d’accord, mais à distance. Et la troisième

semaine, la personne devait être en mesure de travailler de façon autonome sans

supervision à toute fin pratique. La troisième semaine en effet, la personne salariée fait

partie de l’équipe comme les autres techniciennes, même si elle est susceptible de

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demander des conseils et de l’aide dans des circonstances spéciales plus

fréquemment, c’est normal, que les autres membres de l’équipe.

[142] L’orientation consiste à enseigner des techniques propres à la spécialité durant

la première semaine, attendu que la personne orientée est une technicienne médicale

qui est présumée connaître les règles de base applicables aux différentes spécialités.

La deuxième semaine, la personne orientée est supposée être en mesure de travailler

de façon autonome, dans le fond la personne qui oriente doit durant cette semaine-là

vérifier si le travail s’effectue correctement, montrer des techniques qui n’ont pu être

vues la première semaine pour une raison ou une autre.

[143] Donc, les attentes de l’employeur c’était cela. Madame Lavoie l’a compris que

dès la deuxième semaine, au banc des hémocultures, elle devait être en mesure de

travailler de façon autonome, sous supervision à distance et qu’à la fin de la deuxième

semaine, elle devait être en mesure d’être complètement autonome. Madame Lavoie

savait qu’elle devait faire des remplacements à ce banc de travail tout de suite après sa

formation, qu’elle devait donc travailler seule, seule en charge du service, l’été, de

16H00 à 22H00, qu’elle devait travailler une fin de semaine aux deux (2) semaines au

banc des hémocultures. Madame Lavoie s’est fait dire, elle l’a reconnu, que

l’employeur, c’était dans ses attentes, se réservait le droit de mettre fin à l’orientation s’il

n’y avait pas de progrès significatif.

[144] Madame Lavoie, c’est important, l’a admis qu’elle n’avait « pas assez

d’informations » pour faire le travail, même si elle a dit qu’elle pensait qu’elle était en

mesure de faire le poste de soir à cause que le soir, selon elle, 90% du temps de travail

est consacré aux ensemencements et 10% aux hémocultures. On ne sait pas où elle a

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pris ses chiffres. Quoi qu’il en soit, la preuve est à l’effet contraire. Par exemple, on

sait qu’une hémoculture positive doit être traitée dans les meilleurs délais, que donc, si

une hémoculture positive « sonne à 5H00 », il faut qu’elle soit traitée. Et puis les fins de

semaine, Madame Lavoie a témoigné qu’elle ne savait même pas si elle aurait été

capable de faire le travail aux hémocultures.

[145] À première vue, l’employeur était justifié d’avoir mis fin à la période d’orientation,

attendu que la plaignante a déclaré qu’après la deuxième semaine de formation au

banc des hémocultures, elle manquait « d’informations » pour faire le travail. Cette

affirmation est très surprenante parce que, suivant la preuve, Madame Lavoie, avant

son arrivée au CSSS avait travaillé de nombreuses années dans des laboratoires de

microbiologie et qu’elle avait fait des antibiogrammes, donc de l’identification de

bactéries (voir le témoignage de Madame Morin sur la question).

[146] Il est faux que Madame Lavoie n’a pas eu d’évaluation adéquate en cours de

formation. À chaque fois qu’un problème dans sa prestation se posait, Madame Morin,

sa formatrice, le lui soulignait, la corrigeait. Madame Morin, non contredite, a déclaré

que même la deuxième semaine elle aidait Madame Lavoie pour que le travail soit

terminé à 16H00.

[147] La question des fiches d’évaluation doit être relativisée. Avant 2004, il n’y en

avait pas de fiches. Lorsque Madame Morin est devenue coordonnatrice par intérim,

pour assurer une certaine uniformité, car ce n’était pas toujours la même personne qui

orientait, elle a emprunté au Cégep de Chicoutimi l’outil dont il s’agit pour avoir une

base de travail. Donc en 2005, c’était du nouveau cet outil, un outil à usage interne

seulement. Quant à la note de 80%, Madame Gagnon a expliqué à l’audience ce que

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ça signifiait : il fallait que la salariée orientée, après la deuxième semaine, soit en

mesure de fonctionner à 80%.

[148] Le fait que Madame Gagnon n’ait rencontré qu’une fois ou deux seulement

Madame Lavoie durant la période concernée est sans importance pour la bonne et

simple raison que le lundi de la deuxième semaine, elle, Madame Gagnon, était au

courant que ça n’allait pas tellement bien lorsque Madame Morin lui a remis la fiche

E-7. Cette fiche fait voir qu’à l’analyse des spécimens, un élément très important, la

performance de Madame Lavoie était nettement insuffisante, elle ne s’est méritée

qu’une note de 41 sur 65, soit plus ou moins 65%.

[149] C’est à tort que le procureur de la partie syndicale attache une grande

importance aux erreurs que Madame Lavoie aurait corrigées. Ni Madame Gagnon, ni

Madame Morin n’ont reproché à la plaignante d’être incapable d’exécuter une

technique. Quand Madame Lavoie savait qu’une technique était à faire, elle la faisait

bien. Son problème, a dit Madame Morin, c’est qu’elle n’était pas capable de décider

de la technique à faire, c’est qu’elle était incapable de savoir à quelle étape d’un travail

donné elle était rendue, son problème en était un de jugement, ce sont les raisons pour

lesquelles elle donnait au moins l’apparence d’une personne stressée et nerveuse.

[150] Cela dit, il est bien évident que ce sont les événements du jeudi soir qui ont

précipité la décision de l’employeur de mettre fin à l’orientation de Madame Lavoie au

banc des hémocultures. Ce qui s’est passé ce jeudi-là s’inscrit dans la foulée des

reproches que l’employeur avait à faire à Madame Lavoie.

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[151] Le jeudi après-midi en question, Madame Lavoie n’a eu que deux (2)

problèmes : un groupage de LCR qu’elle a fait faire par une autre technicienne et un

téléphone à un médecin qu’elle a fait faire par la coordonnatrice, Madame Gagné, parce

qu’elle était incapable de répondre à ce médecin. Madame Lavoie n’a jamais déclaré

qu’elle a eu dans l’après-midi plus d’hémocultures positives que les autres journées, en

tout cas elle ne l’a pas dit lors de son premier témoignage, le 30 avril 2008. Quoi qu’il

en soit, elle avait eu de la formation, elle savait ou aurait dû savoir quoi faire en

présence d’hémocultures négatives ou positives, peu importe. Madame Lavoie ne s’est

pas même aperçue qu’elle ne parviendrait pas à terminer sa journée à 16H00,

autrement elle aurait demandé de l’aide à la coordonnatrice, c’est ce qu’on appelle de la

débrouillardise. Elle ne s’est même pas aperçue qu’il était 16H00. Tout cela démontre

qu’elle ne savait pas s’organiser, ce qui est précisément ce qu’on lui reproche. À ce

sujet, le témoignage de la technicienne Yolande Boivin, non contredit, est très éloquent.

Tout ce que Madame Boivin a déclaré fait la démonstration que Madame Lavoie était

tout à fait incapable de faire le travail du poste alors qu’elle devait être cette semaine-là

en mesure de le faire d’une manière autonome, elle n’était même pas capable de se

démêler dans les écrans de l’ordinateur, ce qui s’apprend en deux (2) jours, elle ne

savait même pas que le but d’une gélose de pureté, c’est de faire pousser la bactérie.

[152] Madame Gagnon n’avait donc pas le choix, elle devait mettre fin à l’orientation le

vendredi parce que la semaine suivante, Madame Lavoie devait être capable d’exécuter

le travail de façon complètement autonome.

[153] Pour ces raisons, le grief S-1 devrait être rejeté.

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[154] En ce qui concerne l’orientation offerte à Madame Lavoie en pathologie, les deux

(2) arguments principaux de la partie syndicale sont mal fondés.

[155] Le premier argument, c’est que le poste de première coupeuse est différent de

celui de deuxième coupeuse et que c’était la première fois que l’employeur orientait une

personne durant deux (2) semaines au poste de première coupeuse.

[156] Mais il faut savoir que Madame Bouchard avait toujours fait des orientations

dans le cadre de la période d’initiation et d’essai accordée à une nouvelle titulaire de

poste, une orientation de six (6) semaines à trois (3) bancs de travail, deux (2)

semaines par banc. Pour entraîner à la coupe, il était donc pratique de le faire comme

deuxième coupeuse, l’employeur voulait que la personne fasse le plus de coupes

possible. Mais Madame Lavoie a été entraînée pour faire certains types de

remplacements, des remplacements nécessitant une compétence à la coupe et aux

colorations spéciales (première coupeuse). Quoi qu’il en soit, les autres techniciennes

orientées comme deuxième coupeuse coupaient quarante-quatre (44) heures en deux

(2) semaines. Madame Lavoie elle, a eu l’opportunité de faire cinquante-sept (57)

heures à la coupe, une (1) semaine comme deuxième coupeuse et deux (2) semaines

comme première coupeuse. Ce n’est pas vrai qu’elle a été désavantagée par rapport

aux autres salariées entraînées par Madame Bouchard. Il est abusif de la part du

syndicat de reprocher à l’employeur d’avoir fait pratiquer Madame Lavoie aux

colorations spéciales. Elle devait apprendre ces tâches-là, apprendre à faire plusieurs

colorations spéciales en même temps, c’est l’une des exigences du poste de première

coupeuse. Il faut être capable parfois de faire dix (10), douze (12) et même quatorze

(14) colorations en même temps.

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[157] On plaide, du côté syndical, que la première coupeuse fait plus de biopsies qui

sont des spécimens plus petits, plus difficiles à couper. Madame Bouchard a dit

cependant qu’il y a de grosses et petites biopsies, qu’il y a des biopsies qui sont de

routine, pas nécessairement urgentes ou STAT, et que donc la deuxième coupeuse en

fait aussi. Madame Lavoie a été orientée en juillet, au moment où l’activité chirurgicale

est à son plus bas. Et c’est ce que le document E-28 démontre. Ce document

démontre en particulier qu’il y avait, à l’époque pertinente, très peu de biopsies à faire.

[158] Madame Bouchard a bien dit que le rendement à atteindre, en orientation, dès la

première semaine, c’était trente (30) blocs à l’heure et qu’elle l’a mentionné clairement

à Madame Lavoie dès le début de l’orientation. Elle a dit également à Madame Lavoie

que si après trois (3) semaines, elle en était encore à un rendement de trente (30) blocs

à l’heure, ce n’était pas bon. C’est normal qu’elle lui ait dit cela parce que les autres

techniciennes orientées au laboratoire, après deux (2) semaines, coupaient entre

quarante (40) et quarante-cinq (45) blocs à l’heure.

[159] De fait, à la fin de sa troisième semaine d’orientation, Madame Lavoie n’avait

pas atteint un rendement de trente (30) blocs à l’heure. Il n’y a pas eu d’amélioration

significative entre la deuxième et la troisième semaine, c’est faux, Madame Lavoie est

passée de vingt-quatre (24) à vingt-sept (27) blocs à l’heure, ce n’est pas beaucoup,

quoi qu’on en dise du côté syndical.

[160] D’autre part, Madame Bouchard a déclaré qu’aux colorations spéciales, Madame

Lavoie faisait plus d’erreurs que les autres techniciennes qu’elle a orientées, que

Madame Lavoie se mêlait dans les étapes (un peu comme au banc de hémocultures),

qu’elle était désorganisée, incapable de faire plusieurs colorations en même temps.

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[161] Le procureur patronal reconnaît qu’au moins une (1) fois, l’employeur a accepté,

dans un cas particulier, de ne pas retourner à son ancien poste une nouvelle titulaire de

poste en pathologie qui n’avait pas bien performé à la coupe, durant son orientation.

Mais cette salariée avait très bien performé à la description macroscopique et à la

réception des spécimens. Comme en outre, l’employeur avait de bonnes raisons de

croire que cette technicienne s’améliorerait à la coupe, il a décidé de lui laisser son

nouveau poste. D’ailleurs, il y a eu une entente patronale – syndicale à cet effet.

[162] Enfin, le témoignage de Madame Savard n’est aucunement crédible. D’ailleurs,

en contre-interrogatoire, Madame Savard a admis que ses récriminations s’adressaient

à l’ancienne direction du laboratoire et que dans le fond, elle n’avait rien à reprocher à

Madame Bouchard.

[163] Donc, pour toutes ces raisons, de conclure le procureur patronal, le grief S-2

devrait être purement et simplement rejeté.

[164] Voilà pour l’essentiel de l’argumentation de chacune des parties.

MOTIFS ET DÉCISION

[165] Il est exact que la convention collective ne précise pas les obligations qu’a

l’employeur envers une personne salariée de la liste de disponibilité en période

d’orientation ou plutôt, tel que déjà dit, de formation, comme l’a été la plaignante,

Madame Lavoie, à l’époque pertinente, en microbiologie d’abord et en pathologie

ensuite.

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[166] La convention collective ne définit pas plus les obligations de l’employeur envers

une nouvelle titulaire de poste qui a droit à la période d’initiation et d’essai dont il est

question à l’article 12.12.

[167] Les décisions soumises par les parties, en particulier celles invoquées par la

partie syndicale, font voir que suivant la jurisprudence arbitrale, la nouvelle titulaire de

poste a droit à une période d’initiation et d’essai loyale et convenable. L’arbitre Carol

Jobin pour un, dans Centre hospitalier régional de Trois-Rivières, décision ci-dessus

citée, résume bien en effet l’état du droit sur la question :

« De façon plus spécifique, l’initiation (pour être loyale et convenable) doit avoir comporté : (1) un accueil et une information sur les objectifs du service, la nature du travail et les attentes qu’il comporte et sur les procédures, méthodes et règles l’encadrant; (2) une assistance technique et une surveillance par une personne qualifiée permettant une familiarisation avec les attributs du poste de travail; et (3) une évaluation régulière accordant une possibilité raisonnable d’apporter, le cas échéant, des corrections à la prestation fournie.

En second lieu, s’il est établi que l’initiation fut loyale et convenable, il restera à prouver que l’évaluation concluant à une incapacité de satisfaire aux exigences normales de la tâche était raisonnable et fondée. Une évaluation empreinte de mauvaise foi, de discrimination, d’arbitraire ou d’abus sera invalide. Il est généralement reconnu qu’une évaluation effectuée par un supérieur hiérarchique à même d’observer le travail, faite avec objectivité et de façon motivée assure sa crédibilité. »

[168] Les périodes d’orientation offertes à la plaignante, en microbiologie d’abord et en

pathologie ensuite, s’apparentaient davantage, le tribunal l’a déjà dit, à des périodes de

formation qu’à des périodes d’initiation. Pour cette raison, le tribunal est d’avis que

l’employeur, minimalement, devait accorder à la plaignante une période de formation

loyale et convenable selon la signification donnée à cette expression par la

jurisprudence arbitrale, ainsi qu’une évaluation loyale et fondée.

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[169] On sait qu’en microbiologie, l’employeur s’est servi pour faire son évaluation, une

en principe à la fin de chaque semaine de formation, d’un outil d’évaluation intitulé

« Orientation du nouveau personnel », comportant des « attentes » - si, si le mot est

écrit en toutes lettres – très détaillées concernant la façon de faire, l’analyse des

spécimens, la collaboration, l’éthique et la déontologie, la gestion de la qualité. La

notation des attentes est également très détaillée et fort précise. La plaignante n’a rien

su de cet outil d’évaluation, elle en ignorait, à l’époque pertinente, jusqu’à l’existence

même, elle ne savait même pas qu’elle devait se mériter globalement un score minimal

de 80% (enfin, en principe) pour se voir inscrire sur la liste de disponibilité pour les

bancs de travail idoines.

[170] L’employeur donc, c’est la preuve, n’a donné à la plaignante aucune information

sur son outil d’évaluation, en particulier sur les attentes qu’il comportait et sur la

notation prévue pour chacune d’elles. Il ne l’a jamais rencontrée pour attirer son

attention sur certaines faiblesses dans l’évaluation qu’il faisait de son savoir faire, de

son savoir être.

[171] Rencontrer des attentes qu’on ne connaît pas, améliorer un score qu’on ne

connaît pas, est chose difficile, sinon impossible. Par exemple, et ce n’est qu’un

exemple, l’employeur, en ce qui concerne la formation de la plaignante en

microbiologie, au seul banc pertinent, pour les fins de la présente décision, celui des

hémocultures, a fait perdre à cette dernière 3 points sur 15 (20%) au titre de la

« collaboration », jugeant qu’elle avait des difficultés d’intégration à l’équipe du seul fait

qu’elle ne prenait pas ses pauses repos et repas avec les autres membres de l’équipe!

La plaignante n’en savait rien de l’importance qu’attachait l’employeur à cette histoire

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de pauses et de repas. Si elle l’avait su, il est à parier que ses pauses et repas, elle les

aurait pris avec ses collègues, bref elle se serait arrangée pour ne pas perdre 20% de

ses points au titre de la « collaboration ». Et encore une fois, ce n’est qu’un exemple

qui n’est pas aussi anodin qu’il ne paraît à première vue, un exemple qui souligne, de

façon imagée, l’importance pour un salarié en formation de connaître les attentes de

l’employeur pour pouvoir les atteindre.

[172] La personne salariée, cela fait partie en effet de son droit à une période

d’orientation ou de formation, comme on voudra, loyale et convenable, doit avoir une

possibilité raisonnable d’apporter, le cas échéant, des corrections à son comportement

ou à la prestation qu’elle fournit. De fait, la plaignante n’a pas eu droit à une évaluation

régulière, elle n’a donc pas eu la possibilité raisonnable, tel que déjà dit, d’apporter des

corrections à sa prestation et son comportement, le cas échéant, ou de s’expliquer et

ainsi d’améliorer son score pour finalement réussir sa période de formation.

[173] Donc, en ne dévoilant pas à la plaignante qu’il utilisait pour l’évaluer un outil

comportant ses attentes et un système de notation, en ne la rencontrant pas

régulièrement pour lui faire part de son évaluation sur les points pertinents, la privant

ainsi d’une possibilité raisonnable d’apporter, le cas échéant, des corrections à sa

prestation de travail ou son comportement, l’employeur n’a pas respecté son obligation

d’accorder à cette personne salariée une période d’orientation ou de formation loyale et

convenable.

[174] Ces motifs sont suffisants pour accueillir le grief S-1. Mais il y a plus.

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[175] La formation n’a pas été loyale et convenable parce que la plaignante n’a pas eu

droit, sans raison valable, à toute la période de formation prévue (8 jours ouvrables

seulement des 15 prévus) et à une assistance technique et une surveillance par une

personne qualifiée tout au long de ses 8 jours de formation, en tout cas elle était à toute

fin pratique sans surveillance et assistance la journée la plus importante en ce dossier,

le jeudi à être marqué d’une pierre blanche.

[176] On sait que le jeudi dont il s’agit, la veille du jour où elle s’est fait dire

laconiquement par la chef technicienne, Madame Gagnon, que l’employeur mettait fin à

sa période de formation au banc des hémocultures parce qu’elle ne faisait pas l’affaire,

qu’elle manquait d’organisation, c’est globalement ce qu’il faut retenir de la preuve,

Madame Lavoie, a eu de gros problèmes, c’est un fait en après-midi, surtout entre

16H00 et 18H00, le témoignage de la technicienne Yolande Boivin le démontre bien.

[177] Jusqu’à ce jeudi-là, le tribunal ne croit pas, à en juger strictement par la preuve,

que la performance de Madame Lavoie, en formation au banc des hémocultures, une

technicienne diplômée, oui, qui avait une expérience de travail en microbiologie acquise

dans différents laboratoires, mais fort ancienne et qui n’avait pas eu grand chose à voir

avec l’identification des bactéries, était aussi désastreuse qu’on a bien voulu l’affirmer

du côté patronal, en tout cas il ne croit pas que cette performance était mauvaise au

point de faire perdre à l’employeur tout espoir raisonnable d’amélioration.

[178] Il faut souligner à gros traits que Madame Morin, la coordonnatrice chargée de la

formation de Madame Lavoie, a déclaré en contre-interrogatoire que la veille ou l’avant-

veille du jeudi en question, cette dernière ne répétait plus les erreurs normales de

débutante dans l’exécution de ses tests qu’elle commettait la semaine précédente, sa

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première semaine au banc des hémocultures, il est important de le rappeler. Certes,

Madame Morin a apporté des bémols à son affirmation, le tribunal y reviendra, mais il

n’en demeure pas moins qu’elle a pris des vacances, le jeudi en question et le

lendemain vendredi et qu’avant son départ en vacances, elle n’a pas averti – Madame

Gagnon ne l’a pas fait non plus – sa remplaçante, la coordonnatrice Jocelyne Gagné de

surveiller de près Madame Lavoie. Madame Gagné qui n’a pas témoigné à l’audience,

n’a même pas, le fait étant plus probable que son inexistence, été avertie qu’elle aurait

un rôle de formatrice auprès de Madame Lavoie durant l’absence de Madame Morin. Il

est de bonne logique de penser que si Madame Gagné n’a pas été avertie de porter

une attention particulière à Madame Lavoie, si elle n’a pas été avisée qu’elle devait,

comme formatrice, la surveiller de près et lui prêter une assistance technique

particulière car autrement le travail au banc des hémocultures ne se ferait pas

complètement ou se ferait mal, c’est que la performance de la salariée n’était pas aussi

mauvaise qu’on l’a dit, que celle-ci, aux yeux de l’employeur sous les espèces de

Madame Morin, était capable d’exécuter seule de façon autonome, quoique sous

surveillance à distance, l’essentiel des tâches au banc dont il s’agit.

[179] Certes, Madame Morin a déclaré que si vers le milieu de sa deuxième semaine

de formation, Madame Lavoie était capable d’exécuter les tests qu’elle avait à faire, elle

était incapable de prendre une décision, d’aller chercher l’information pertinente, elle

manquait de mémoire et de jugement, elle était désorganisée, prenait trop de notes

(signe d’insécurité), se mêlait dans les étapes de ses tests, elle était nerveuse et

stressée, donc incapable de faire le travail seule de façon autonome au banc des

hémocultures, ce qui faisait pourtant partie des attentes de l’employeur.

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[180] Supposé même que ces affirmations-là soient prouvées, ce qui reste à voir, elles

font fi de plusieurs éléments importants. Elles ignorent que Madame Lavoie était

encore en formation, quoi qu’on en dise du côté patronal, cette salariée en était à peine

au milieu de sa deuxième semaine de formation au banc des hémocultures. Elles

oublient que la méthode et le sens de l’organisation à un poste de travail sont des

choses qui viennent avec la pratique. Il est bien connu que le succès organise,

l’insuccès désorganise. Il est en preuve qu’au milieu de sa deuxième semaine de

formation, Madame Lavoie, tel que déjà dit, était capable d’exécuter les techniques

qu’elle avait vues la première semaine, elle se serait donc « organisée » avec le temps,

probablement dans un temps relativement court, puisque globalement elle en était au

point où elle maîtrisait ses techniques.

[181] Le tribunal estime qu’en outre, les allégations de Madame Morin demeurent,

pour l’essentiel, des allégations. Elles relèvent davantage du domaine de la

proclamation que de celui de la preuve. Elles ne reposent pas sur des faits concrets,

en tout cas pas assez. Mille perceptions, aux yeux d’un tribunal, n’ont jamais fait une

vérité.

[182] Le tribunal ne commentera évidemment pas bien longuement l’affirmation selon

laquelle Madame Lavoie prenait trop de notes, ce qui démontrait qu’elle était « mêlée »

et insécure. La prise de notes, lors d’un apprentissage, c’est une question de méthode

personnelle. Au demeurant, si l’employeur estimait qu’elle prenait trop de notes, des

notes inutiles, il n’avait qu’à le lui dire, un moyen de favoriser la formation (si, si, le

formateur doit favoriser la formation, c’est évident) c’est de rassurer.

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[183] On a reproché à la plaignante de ne pas avoir réussi à maîtriser, après huit (8)

ou neuf (9) jours de travail au banc des hémocultures l’informatique.

[184] La plaignante a expliqué que le logiciel en microbiologie était différent de celui

qu’elle utilisait en biochimie et qu’elle avait besoin, à l’époque, d’une certaine période

de temps pour se familiariser avec ce nouveau matériel informatique. L’explication de

Madame Lavoie se tient, croit le tribunal. Si elle était capable de maîtriser l’informatique

en biochimie, il n’y avait aucune raison pour qu’elle ne parvienne pas à le faire en

microbiologie.

[185] Donc, le mercredi de la deuxième semaine de formation, rien ne justifiait une

décision allant dans le sens de mettre fin à la période de formation de Madame Lavoie.

[186] Dans l’esprit du tribunal, il s’infère de l’ensemble de la preuve que ce sont

principalement, pour ne pas dire exclusivement, les événements du lendemain, jeudi,

en après-midi, surtout entre 14H00 et 16H00, qui ont provoqué cette décision patronale.

[187] Personne n’a pu nier le témoignage fort accablant pour la plaignante de la

technicienne Yolande Boivin. Le tribunal n’a aucun mal à croire qu’effectivement, vers

16H00, Madame Lavoie était en effet « mêlée » dans ses techniques, qu’elle était

stressée et nerveuse, désorganisée, peut-être même en état de panique.

[188] Mais elle avait des explications à donner et l’employeur a refusé, à toute fin

pratique, fort abusivement et arbitrairement, de les recevoir, le lendemain vendredi, vers

midi, lorsque sous les espèces de Madame Gagnon il lui a dit qu’il mettait fin à la

formation parce qu’elle ne faisait pas l’affaire, étant trop désorganisée etc. Ce n’est pas

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ainsi, estime le tribunal, que les choses doivent se passer, en plein milieu d’une période

de formation qui doit être loyale et convenable, tel que déjà vu.

[189] De fait, ce n’est qu’à l’audience, trois (3) ou quatre (4) ans plus tard, que ses

explications, Madame Lavoie, non contredite, force est au tribunal de le constater, a pu

les donner. On ne lui a même pas révélé à l’époque, les événements rapportés par

Madame Boivin.

[190] Le jeudi en question, Madame Lavoie, en plein milieu de sa période de

formation, n’avait pas de formatrice, à toute fin pratique, même « à distance ».

Madame Gagnon l’a dit que durant la deuxième semaine de formation, l’employeur

s’attend à ce que la personne orientée soit en mesure d’exécuter seule le travail d’une

manière autonome, mais que cependant il est du devoir de la formatrice de se rendre

de temps à autre au poste de travail de cette personne pour l’observer, voir comment

s’exécute le travail, répondre à ses questions et l’assister techniquement, le cas

échéant, surtout quand il y a une technique à exécuter qui n’a pas été vue durant la

première semaine de formation. Madame Gagné, la remplaçante de Madame Morin

comme coordonnatrice, parce que comme formatrice, il est à se demander si elle savait

seulement qu’elle avait cette charge, elle ne le savait probablement pas, le tribunal l’a

déjà dit, ne s’est pas présentée une seule fois de son propre chef au poste de travail de

Madame Lavoie. De fait, celle-ci, à chaque fois qu’elle a eu besoin d’aide ou

d’assistance, a dû partir à la recherche de Madame Gagné et elle ne l’a pas toujours

trouvée, tant s’en faut. Par exemple, elle a eu ce jeudi après-midi-là à faire un

groupage LCR, ce qui est rare, une technique qu’elle n’avait jamais exécutée. Elle est

partie pour se faire aider à la recherche de Madame Gagné, mais ne l’a pas trouvée.

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Elle a donc trouvé de l’aide auprès d’une autre technicienne, Madame Monique

Dallaire. C’est Madame Dallaire qui a fait le groupage. Soit dit en passant, comme

Madame Lavoie croyait qu’il appartenait à la technicienne qui fait un test de faire les

inscriptions requises à l’ordinateur, elle a pensé que Madame Dallaire les ferait, les

inscriptions. Celle-ci, semble-t-il, ne les a pas faites. On ne peut pas, croit le tribunal,

reprocher à Madame Lavoie de ne pas l’avoir fait.

[191] Une autre fois, ce jeudi après-midi, Madame Lavoie a eu un téléphone d’un

médecin qui voulait des renseignements pointus concernant un certain protocole qu’elle

ne connaissait pas. Encore-là, elle est partie à la recherche de Madame Gagné, elle l’a

trouvée cette fois-là. Madame Gagné a téléphoné elle-même au médecin, étant mieux

placée que Madame Lavoie, c’est naturel, pour lui répondre.

[192] Madame Lavoie dit qu’à deux (2) autres occasions, elle est partie à la recherche

de Madame Gagné, mais en vain. Elle ajoute que durant l’après-midi, elle a eu

beaucoup plus d’hémocultures positives que les autres jours, beaucoup plus de tests

biochimiques à faire qu’elle n’avait jamais vus. Tout cela explique qu’à 16H00, son

travail n’était pas terminé.

[193] Dans ces conditions, qu’à 16H00, Madame Lavoie n’ait pas terminé son travail,

soit fatiguée, stressée et nerveuse, « mêlée dans ses techniques, dépassée par la

tâche », est quelque chose, croit le tribunal, de parfaitement explicable, en tout cas

quelque chose de normal pour une technicienne en formation sans formatrice.

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[194] C’est donc abusivement et arbitrairement que l’employeur a décidé, le

lendemain, vendredi, sans même demander d’explications à la principale intéressée de

mettre un terme à la période de formation.

[195] Pour toutes ces raisons, le grief S-1 est accueilli.

[196] Le procureur du syndicat suggère, comme mesure de redressement, que le

tribunal ordonne à l’employeur de reprendre la période de formation de Madame Lavoie

en microbiologie parce que, c’est une simple question de bon sens, les événements

datent de 2005, quatre (4) ans avant la décision du tribunal et que donc, personne ne

peut s’attendre à ce que Madame Lavoie, qui n’a même pas eu une formation complète

au banc des hémocultures et qui a eu une formation ancienne au banc de la réception

et des ensemencements, soit en mesure de répondre aux exigences normales de la

tâche aux bancs dont il s’agit. Le tribunal est d’avis qu’il y a lieu d’accueillir cette

demande de la partie syndicale. Il a la compétence pour le faire, car l’arbitre chargé de

décider d’un grief peut adapter des solutions idoines aux problèmes qu’il a la mission de

résoudre (Proulx et Hôpital de Chibougamau Ltée, D.A., MSSS numéro 9804, le 30

mars 1998; dans cette décision, le soussigné cite une décision de la Cour d’Appel à cet

effet). Il est dans l’intérêt des deux (2) parties, estime le tribunal, de décider d’une telle

mesure de redressement.

[197] En pathologie, la formation offerte à Madame Lavoie ne souffre pas des mêmes

déficiences, s’il est permis au tribunal de s’exprimer ainsi.

[198] L’employeur n’a pas utilisé, en pathologie, d’outil d’évaluation comme en

microbiologie. Il a informé la plaignante de ses attentes, il lui a accordé une assistance

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technique et une surveillance par une personne qualifiée, la plaignante a été rencontrée

régulièrement, elle a eu droit à toute sa période de formation, soit trois (3) semaines.

[199] Il n’y a pas eu d’accroc, du moins quant à la forme attendue d’une orientation ou

formation loyale et convenable.

[200] Le tribunal comprend que le syndicat reproche surtout à l’employeur d’avoir

appliqué à la plaignante, entraînée principalement au poste de première coupeuse,

enfin deux (2) semaines sur trois (3), les deux (2) dernières, une norme de rendement à

la coupe qu’il a établie lors ou à la suite d’entraînements de personnes salariées au

poste de deuxième coupeuse, ce qui est, prétend-il, déraisonnable et discriminatoire en

soi. Il lui reproche ensuite de ne pas avoir considéré que d’une semaine à l’autre, la

plaignante s’est améliorée d’une manière significative, relativement à son nombre de

coupes à l’heure, elle qui « a manqué la cible de très peu », alors que dans d’autres

cas, similaires, il a accepté de considérer comme réussie l’orientation d’une personne

qui n’avait pas atteint le nombre de coupes à l’heure exigé, ce qui, soutient-il, est

encore-là déraisonnable et discriminatoire.

[201] La plaignante a retenu que l’employeur lui a dit que la norme à atteindre, c’était

une coupe de 28 blocs à l’heure.

[202] Madame Gagnon a parlé de 28 à 30 blocs à l’heure.

[203] La coordonnatrice, Madame Bouchard, la formatrice, a déclaré qu’elle a dit à

Madame Lavoie d’entrée de jeu que le rendement à atteindre, c’était au minimum 30

blocs à l’heure. Elle lui a précisé que si vers la fin de la période d’orientation, elle ne

dépassait pas ce minimum, « ce n’était pas bon ».

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[204] Quoi qu’il en soit, 28 ou 30, peu importe, c’est un fait que Madame Lavoie, après

trois (3) semaines de formation, n’avait pas réussi à atteindre un rendement de 28 blocs

à l’heure.

[205] Madame Bouchard a expliqué que la norme du nombre minimal de coupes à

l’heure, elle l’a établie en voyant performer des nouvelles titulaires de postes en période

d’initiation et d’essai. En pareil cas, l’orientation est de six (6) semaines, elle se fait à

trois (3) bancs de travail, deux (2) semaines par banc, donc deux (2) semaines à la

coupe, mais au poste de deuxième coupeuse. Après deux (2) semaines (au poste de

deuxième coupeuse), la technicienne orientée parvient facilement à faire quarante (40),

quarante-cinq (45) lames à l’heure. Une technicienne d’expérience, elle, par

comparaison, en fait de cinquante (50) à soixante (60).

[206] Il s’infère de l’ensemble de la preuve que Madame Lavoie a été orientée une (1)

semaine, la première, au poste de deuxième coupeuse et les deux (2) suivantes, les

deux (2) dernières, au poste de première coupeuse (un poste qui comprend de la

coupe, de l’incision, des techniques de colorations spéciales) à cause des besoins de

l’employeur. Il est dit en toutes lettres à l’article 13.21 de la convention collective que

lorsque l’employeur a un programme d’orientation à offrir, il « procède par ancienneté »

en tenant compte de certains « principes », notamment ses « besoins ». On ne peut

donc pas reprocher à l’employeur, croit le tribunal, d’avoir affecté, deux (2) semaines

sur trois (3), Madame Lavoie, en formation, au poste de première coupeuse.

[207] Le tribunal n’est pas d’opinion qu’il était déraisonnable ou discriminatoire, à

l’époque, pour l’employeur d’exiger de la plaignante qu’elle atteigne un rendement,

disons, dans l’hypothèse qui lui est la plus favorable, de vingt-huit (28) blocs à l’heure

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au minimum – norme qu’elle n’a pas rencontrée, même après trois (3) semaines

complètes de formation – et ce, notamment pour les raisons suivantes.

[208] Premièrement, Madame Lavoie a été entraînée, tel que déjà dit, la première

semaine de sa période de formation, au poste de deuxième coupeuse. Elle n’a réussi

cette semaine-là qu’à faire, en moyenne, un nombre de coupes à l’heure très inférieur

aux attentes, soit une vingtaine de coupes à l’heure. Très inférieur au nombre de

coupes à l’heure atteint normalement, à la fin de la première semaine, par une

personne orientée au poste de deuxième coupeuse.

[209] Deuxièmement, s’il est vrai que, selon la preuve, normalement la première

coupeuse, dans les premières heures de la journée, est affectée à des coupes

urgentes, des coupes notamment de biopsies, des spécimens généralement plus petits,

plus difficiles à couper et qui demandent plus de minutie, plus de temps, la première

coupeuse n’est pas la seule à faire de la coupe de biopsies, la deuxième coupeuse en

fait aussi, il y a « des biopsies de routine ». La deuxième coupeuse en fait peut-être

moins, mais elle en fait, tel qu’il appert du témoignage de Madame Bouchard,

témoignage non contredit.

[210] Troisièmement, la période de formation de Madame Lavoie a eu lieu

essentiellement en juillet. L’été, c’est la preuve, vu qu’il y a beaucoup moins de

chirurgies qu’aux autres périodes de l’année, il y a beaucoup moins de biopsies à

couper par le fait même. En tout cas, c’est ce que démontre le témoignage de Madame

Bouchard, non contredit et la pièce E-28, le registre des spécimens traités certaines

journées de la période pertinente. Soit dit en passant, il est important de retenir qu’une

personne salariée inscrite sur la liste de disponibilité pour des affectations en pathologie

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n’est pas rappelée seulement l’été pour remplacer des titulaires de postes en vacances,

l’été, elle peut l’être en tout temps durant l’année, donc à des époques où il se fait

beaucoup plus que l’été des recherches de diagnostics par chirurgies.

[211] Quatrièmement, durant sa période de formation de trois (3) semaines, Madame

Lavoie a fait de la coupe trois (3) semaines, comme deuxième coupeuse et première

coupeuse, elle a donc eu l’occasion fort probablement de faire plus d’heures de coupe

qu’une nouvelle titulaire de poste en période d’initiation et d’essai de deux (2) semaines

au poste de deuxième coupeuse.

[212] Pour ces raisons, le rendement à la coupe exigé de Madame Lavoie par

l’employeur durant sa période de formation n’avait rien d’abusif, de déraisonnable ou de

discriminatoire.

[213] Il appartient à l’employeur, en vertu de son droit de gérance, d’établir le niveau

de rendement exigé. La norme, c’est à lui de l’établir. Le tribunal ne peut pas exercer

un contrôle d’opportunité, mais seulement de légalité. C’est dire que l’arbitre ne peut

modifier par sa décision la norme fixée par l’employeur, il ne peut le faire qu’en cas de

preuve que la norme dont il s’agit est déraisonnable, abusive ou discriminatoire.

[214] Le rendement à atteindre, soit dans l’hypothèse qui est la plus favorable à la

plaignante, vingt-huit (28) blocs à l’heure, il est vrai que la troisième semaine, elle en

était près. Mais il faut bien tracer une ligne d’arrivée. Le rendement qu’on a exigé

d’elle, Madame Lavoie en a été informée dès la première journée, on lui a même dit

qu’un rendement de trente (30) coupes à l’heure après trois (3) semaines, ce n’était pas

bon (témoignage de Madame Bouchard).

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[215] Il y a bien eu un cas où, semble-t-il, l’employeur a accepté de ne pas retourner à

son ancien poste une nouvelle titulaire de poste en pathologie qui n’avait pas tout à fait

atteint le rendement à la coupe exigé. Mais les témoins produits par l’employeur ont

expliqué que cette salariée avait très bien performé aux deux (2) autres bancs de travail

où elle avait été entraînée. L’employeur croyait que dans le cas de cette salariée,

atteindre le rendement exigé à la coupe, ce n’était qu’une question de jours.

[216] Le cas de Madame Lavoie ne peut être comparé à celui de cette salariée, sinon

à son désavantage.

[217] Madame Lavoie n’avait pas seulement des problèmes à la coupe. Elle en avait

aux colorations spéciales, un domaine important au poste de première coupeuse.

Madame Bouchard, non contredite, a dit que la deuxième semaine de la plaignante aux

colorations spéciales n’était pas meilleure que la première. À peu près aucune

progression. Madame Lavoie, la deuxième semaine, commettait les mêmes erreurs, se

mélangeait, comme la première semaine, dans les étapes, elle était incapable de faire

plusieurs colorations à la fois etc.

[218] Et il faut attacher beaucoup d’importance à cette évaluation de Madame

Bouchard. Un arbitre qui n’a pas la compétence professionnelle ni d’attribution pour

porter son propre jugement sur la compétence d’une personne salariée, ou plutôt ses

capacités d’apprentissage à un poste de travail, dans le cas d’une salariée en

formation, doit accepter l’évaluation de la représentante de l’employeur si cette

évaluation est basée sur des faits, comme c’est le cas en l’espèce. Il n’y a aucune

raison de croire, à en juger strictement par la preuve, à une évaluation de la plaignante

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faite de mauvaise foi et d’une manière discriminatoire. Bref, tout a été loyal et

convenable en pathologie, la formation comme l’évaluation, estime le tribunal.

[219] Pour ces motifs, le grief S-2 est rejeté.

DISPOSITIF

[220] Donc, pour toutes les raisons et motifs ci-dessus indiqués, le tribunal décide :

- D’ACCUEILLIR le grief S-1;

- D’ORDONNER à l’employeur de reprendre en entier la période de formation de

la plaignante en microbiologie aux deux (2) bancs de travail pertinents, soit celui

dit de la réception et des ensemencements et celui des hémocultures;

- DE CONSERVER compétence pour décider du droit de la plaignante à une

compensation ou des dommages et fixer, le cas échéant, le montant dû en vertu

de la présente sentence arbitrale;

- DE REJETER le grief S-2.

__________________________________Me Gabriel-M. Côté, Arbitre

Pour le syndicat : Me Denis Bradet Pour l’employeur : Me Guy Wells Date(s) d’audience : 30 avril 2008, 1er mai 2008, 22 octobre 2008, 19 novembre 2008, 20 novembre

2008, 30 avril 2009, 12 mai 2009, 27 mai 2009 et 28 mai 2009 Date(s) de délibéré :