éloÉditions du Rocher-Desclée de Brouwer Une chambre à Turin, 2001. Folio-Gallimard, 2002....

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  • élogedu

    mensonge

  • Dumêmeauteur(sélection)

    ÉditionsduRocher-DescléedeBrouwerUnechambreàTurin,2001.Folio-Gallimard,2002.Long-courrier,2005.L’atelierintime,2006.Unegigantesqueconversation,2008.Labelleendormie,2009.J’ailu,2011.Lapassiondelalanguefrançaise,2010.LeromandeHemingway,2011.Lapassiondeslivres,2011.Littératures,2011.

    ÉditionsAlbinMichelL’amourdanslaville,1993.LivredePoche,2005.Assam,2002.LivredePoche,2004.PrixRenaudot.Banditi,2004.LivredePoche,2006.Aventino,2005.LivredePoche,2007.FridaKahlo,labeautéterrible,2011.PierreBenoit,leromancierparadoxal,2012.

    ÉditionsGallimardHemingwayàCuba,Folio,2002.J.-M.G.LeClézio,levoyageurimmobile,Folio,2002.JorgeSemprun,l’écrituredelavie,Folio,2004.Spaghetti,2005.MissMonde,2007.PhilippeSollersoulavolontédebonheur,Folio,2007.Méli-Méloalatêteàl’envers,2007.Gitanesansfiltre,2008.

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  • Delabonnefoi

    J’ai faitmes études chez les Jésuites et les frères du Sacré-Cœur,unmondede soutanesplutôtbonenfant, avecunedosenécessaireetsuffisantedeperversionetd’intelligence,detravailacharnéetdetransgressionspossibles.Cetuniversn’étaitpasununiversde«curés».L’universde«curés», je leretrouvaisaucatéchismeetàlamessedominicale.C’estlàquejeperdislafoile jouroù leprêtre-ouvrierquinouspréparait à la communionsolennellemitmaparoleenquestion,doutademabonnefoi.

    Nous avions à l’époque une sorte de petit carnet de présencedans lequel, chaque dimanche, la dame de catéchisme, dotéed’unevolumineusepoitrineetd’unepairedefessesquimettaitle feu à la sacristie, imprimait à l’encre violette une croixattestantquenousavionsbienassistéàl’office.Unjourd’avril,magrand-mèreétant,unenouvellefois,à l’articlede lamort–c’étaitsamanièreàelledenousmontrerqu’elleétaittoujoursenvie–,nousnousréunîmestouschezelleafindeluiinsufflerlesouffle qui la ferait une nouvelle fois renaître jusqu’à laprochaine alerte. N’ayant pu assister à lamesse, je donnai auprêtre-ouvrierlemotifdemonabsence.Rienn’yfit,ilnevoulutpasendémordre:jementaiscommeunarracheurdedents!Mamère refusa de me disculper auprès du diacre satanique sous

  • prétextequ’elleavaitautrechoseà faire,etmonpère,utilisantson vocabulaire habituel, me dit que je n’avais qu’à medébrouilleravecmon«monsieurdelaCalotte»!

    Jeme souviens d’un profondmoment de tristesse et de doute.Personnenevoulait et nepouvaitm’aider.Comment ceprêtre,quicroyaitcequejeluidisaisenconfession,àgenouxdanslapénombre du con fessionnal, refusait de croire ce que je luidisais en pleine lumière ? Le mal était profond, et ne fit queredoubler le jour où, hilares et cependant malheureux, nousapprîmesqu’ilavaitjetésasoutaneauxortiesetétaitpartivivreàCalaisavecladamedecatéchisme!

    Concernantlaconfession, j’ajouteraiceci : lesÉtats-Unis,quicontinuentàavoirplusieurs longueursd’avancesur le restedumonde,ouàs’enfonceravantluidanslesténèbres–celadépenddel’œilaveclequelonobservecette«évolution»–,viennentdelancerlaconfessionparI-Phone.Chaqueappelcoûtelasommemodique de deux dollars. Ni vu ni connu, le temps de la confession virtuelle est arrivé.Ce n’estmême plus la peine de semettre à genoux dans le noir. Plus d’odeurs d’encens ni demoisi, de croisées d’ogives au-dessus de la tête, de Cœur duChristquitremblotederrièrel’autel,dansletabernacle.C’estlatransparenceàl’étatpur,oul’indifférence.Ainsi,onpeutmêmecroire s’adresser à Dieu directement, lui le grand maître dutéléphoneportable.EnattendantlaconfessionentroisD.

  • LestyledemonsieurPascal

    Àl’écoleSaint-Josephd’Asnières,nousfûmestrèstôtinitiésàl’art de la casuistique, c’est-à-dire à l’élaboration d’un certaincodemoral.Nosenseignantsétantdesjésuites,nousneretînmesde leurenseignementquecequiservaitnotrevisiondumondeendevenir :chercherpar touslesmoyens–c’estcequ’avaientfait avant nous certains penseurs du xviie siècle – à éviter lespéchés,enutilisantaubesoinunemoralequelquepeulaxiste.

    DesmaretsdeSaint-Sorlin,dansSecondepartiedelaréponseàl’insolente apologie de Port-Royal, ouvrage publié à Paris en1666, raconte que des religieuses jansénistes avaient, pour sedivertir intelligemment, imaginé de fabriquer deux poupées,l’une habillée en jésuite, l’autre en capucin, et de leur fairesoutenir des discussions théologiques. Immanquablement, lejésuite était confondu : «Alors toutes les pensionnaires et lesreligieusesbattaientdesmainsen signedevictoire, se levaiententumulteetemportaientcommetriomphanteslejésuitepoupéedans le jardin où il y a un étang, et l’y plongeaient plusieursfois,etenfinl’ynoyaient.Celasefaisaitavecdestransportsdejoie, avec des éclats de rire, avec des voiles volants et des

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  • Fauxrebelles

    La France médiatique bruisse de quantité de Malraux depacotille, de Che Guevara de salons, de Rimbaud encharentaises, de réfractaires du dimanche, de hors-la-loisyndiqués, de fonctionnaires enmarge, d’assis faisant accroirequ’ils vivent debout. Le curseur de la norme s’est déplacé. Lasociété,maligneetretorse,acréédesrebellessouscloche,sortede lions sans dents dont la contestation même estimmédiatement récupérée, ingurgitée, assimilée. Le pays desfauxrebellesneconnaîtpaslacrise,n’aniproblèmesd’identiténationaleniquestionsdesanspapiersàrégler.Aupaysdesfauxrebelles, la rébellion institutionnalisée fait loi. Qui sontils ?Sans doute faut-il les chercher du côté des tenants du savoirmédiatico-culturel. Il faut seméfier d’eux comme de la peste.Quoiqu’ilsfassent,quoiqu’ilsdisent,ilsexpliquentauquidamque nous sommes qu’ils sontmal aimés parce qu’ils disent lavérité–cesontlesseulsàladire–,parcequ’ilsdisenttouthautcequelesautrespensenttoutbas.

    En général, le faux rebelle est fort bien payé car il a de grosbesoins. Pour exercer sa rébel-lion, il doit être vu, entendu,pouvoir fomenter des scandales relayés par la presse et lesréseaux internet. À quoi bon jouer au rebelle si personne –

  • aucune caméra, aucun micro – n’est là pour assister à sonnuméro?Lefauxrebelleaunesurfacemédiatiqueimportanteetinterdit au vrai rebelle de venir s’y asseoir, même sur unstrapontin.Iln’yapasdeplacepourtoutlemondedanscepetitjeuauxrisquescalculés,limités,ouatés.

    On retrouve les faux rebelles comme chroniqueurs de certainsgrands journaux, à la télévision bien entendu, sur le Netévidemment–lechicdelarébellionsansrisques–,j’enaimêmecroisé un dans un grand restaurant parisien où un suppôt ducapitalismemondialistem’avaitinvitéàdéjeuner:quellenefutpas ma stupeur de constater que ce Robespierre del’information, ce Cicéron sans cesse à la recherche de sesCatilina pour les abattre, ce Brutus envoyant chaque soir àl’échafaud de son journal télévisé de nouveaux Louis XVI,déjeunait à lamême tablequ’unpuissant conseillé d’unprési-dent qu’il ne cessait de critiquer… Le faux rebelle qui, paressence, n’a pas de problèmes d’argent – le vrai, lui, en apuisque, exclu de la société, il doit vivre dans une sorted’excommunicationpermanente–nelitqu’unecertainepresse,nedévorequecertainslivres,neregardequecertainesémissionsàlatélévisionetconsomme«rebelle».

    Prenonsquelquesexemples:l’écrivainfauxrebellenerefusenileprixGoncourtni leprixNobel, lepeintre faux rebellevendsestoilesàtouslesministresdelaCulturesuccessifs,l’hommedemédia faux rebelle se doit d’être cumulard – il est chef derubrique dans un journal, a son émission télévisée qui parfoisportesonnom,estchroniqueuràlaradio,publiedeslivresquiontdenombreuxprixetpensequ’ilfiniraàlatêteduministèredelaruedeValois.Récemment,onamêmevuunécrivainfauxrebelleaccepterun«Globed’argent»pour l’ensemblede son

  • œuvre(cinqlivres),décernéparunjurycomposéd’unseuljuré,le patron d’un grand journal – une pratique qui ressembleétrangementàcellesenvigueurdanscequ’onappelaitjadislesrépubliquesbananières…

    Cequiétonnechezlefauxrebelle,c’estlafacilitéaveclaquelleil se vêt de son mensonge permanent. Son indignation, sonattention perpétuelles portées aux effets qu’il fabrique en fontunesortedeclownlamentable.Sonmensongequotidienestunaveu de faiblesse, comme s’il n’avait d’autres moyens pourexister que cette fausse résistance face à un ennemi qui semoquebiendeletraquer.Luiquisaittantdirenonentempsdepaix, qu’aurait-il fait en tant de guerre ? De quel côté auraitpenchélefléaudesabalance?

    En1944,danslavilledeHelsingfors,uncertainE.vonKraemerpubliaunlivreautitreétrange:Letypedufauxmendiantdansles littératures romanes depuis le Moyen Âge jusqu’au XVIIIesiècle.Cetessaiapportedenombreusesréponsesauxquestionsqueposentcesfauxrebellescontemporains,lesquels,lorsqu’ilsne possèdent plus les pouvoirs qui les rendaient intouchables,redeviennent dociles, obéissants, soumis, disciplinés, desmenteursdévorésparleurspropresmensonges.

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  • 1.

    événement comme fondateur de leur société. Et pourtant ilsl’acceptent.Pourquoi?

    Parce que l’acceptation de ce mensonge permet les échangesentre les peuples et la constructionde conventions communes.Ainsi le mensonge, une fois de plus réhabilité, est la pierrefondatrice des sociétés. Le mensonge du calendrier grégorienpermet la constitution d’un nous général. Pour que nouspuissionsdirenous,ilfautquenouspartagionslemêmesystèmecalendaireetlemêmesystèmecardinal.Sinousnepouvonspasnous référer au même calendrier, c’est-à-dire si nous nepartageons pas un temps commun, et si nous n’avons pas unereprésentation commune du monde spatial dans lequel nouspartageonsdesdispositifsd’orientation–parexemple, sinousnesavonspaslirelesnomsdesrues,lescartesoulespanneauxindicateurs–,noussommesétrangers.Nousnenoussentonsenfamiliaritéavecunnousqu’àlaconditiond’untelpartage.»

    BernardStiegler,Aimer,s’aimer,nousaimer,Galilée,2003.

  • Del’anamorphose

    Du grec ana, « renversement », et morphé, « forme »,l’anamorphose désigne en physique la déformation de l’imaged’un objet réfléchie dans certains miroirs. Ce goût pour ladistorsion des formes est une des constantes dumensonge.Lapeinture permet d’approcher le phénomène par des exemplesconcrets.LeGrecoallongesesfigures,Arcimboldoconstruitdesvisages à partir d’éléments extérieurs à eux – fleurs, fruits,légumes –, Borromini projette des ellipses qui sont autantd’anamorphoses du cercle, comme à San Carlino, Holbeindresse,aupremierplandesAmbassadeurs,uneconquemarinenacréeettangentielle.

    Sousuneconfusionapparente,l’anamorphosepermetenréalitédemettre en évidence la justesse cachée dumonde. Inégale etirrégulière,elleestensomme,par-delàsestraitsinformesetsesmélangesconfus, sesamalgamesdecouleursetd’ombrespêle-mêle, une pratique analytique. C’est Jacques Lacan qui nousinviteàunetellehypothèse:«L’actionthérapeutiquedoitêtredéfinie essentiellement comme un double mouvement par oùl’image,d’abordbrisée, est régressivementassimiléeàdu réel,pour être progressivement désassimilée du réel, c’est-à-direrestauréedanssaréalitépropre.»

  • Sans lemensongede l’anamorphose, c’est toute lacorporationdespsychanalystesquiseraitmiseauchômage,euxquinesontlàquepourremettred’aplombuneimageéclatée,déformée,unevérité cachée, inatteignable jusqu’à ce que les rebouteux del’inconscientnesoientvenusremettred’aplombcequinel’étaitplus.Allezexpliqueràunpsychanalystequevotrevœuuniqueestquevotremortneressemblepasàvotrevie,qu’ellesoitsansmensonge : il ne comprendra pas. Ce qui compte pour lui, etsans doute pour les hommes, c’est l’existence d’unmensongeinsubmersible, qui surnage à la surface de la vie, qui flotte,dérivecommeuniceberg,etquifinitparfondrelentement,sansqu’ons’enaperçoive.

    Unglaçondansunverredegin.

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  • Lebrouillardsépiadelaseiche

    OnsesouvientdelaphrasedeNietzsche:«Toutecivilisationcommencepar le faitqu’unequantitédechosessontvoilées.»C’estunfait:levoileestnécessaireetdispenseàl’hommesesbienfaits.La vérité ne gagne jamais à être dite hors de saison,horsdepropos;mieuxvautattendrelemomentopportun.Véritéd’hiverferascandaleauprintemps,véritéd’étéserainaudibleàl’automne. Il faut consentir à la fraude lorsqu’elle permet derecouvrir la vérité d’un voile propice – nous appellerons cettefraude:simulation.Lorsqu’unefemmesimuleleplaisir,ellelefait parfoispar amourpour sonpartenaire, parfoismêmepeut-elle y prendre aussi un certain plaisir. Cette simulationconscienteenverssoi-mêmeluipermetdesesoustraireàl’échecetaumalheur.

    TorquatoAccetto,dontnousavonsdéjàparlé,perçoitlemondecomme un théâtre où ne sont que pièges et faux-semblants,chaussetrapes,effetsdemiroirs.Unmondeoù,dit-il,la«grandeconfusiondesnégoces»obligeàlaprudenceetparfoisexigederecourir à des expédients. L’un de ces expédients est lasimulation. Elle permet d’envelopper une vérité trop cruelle

  • d’une gaze élégante et de faire bonne figure devant les«sinistresapparencesdusiècle».Ainsi,lasimulationpour-raitêtreunesortedesuitedupéchéoriginel.

    Adam et Ève, contraints de sortir du paradis, n’auraient eud’autreissuequedesimuler.D’ailleurs,lasimulationnerègne-t-ellepasenmaîtreabsolu?Prenezlebeau,n’est-ilpasqu’uneaimablesimulation?

    La simulationn’estpas le cynisme,bienaucontraire : elle estune arme pour le combattre. Le simulateur a pour modèle laseiche : il s’abrite, pour fuir et se dissimuler, derrière unbrouillard sépia. En réalité, la simulation est une forme deprudence. Elle recommande le secret. Sun Zu, le stratègechinois,conseilled’êtreaussiinsondablequelesnuages.Nousy sommes, la simulation, jetant le simulateur dans une zoneprotégéepardesténèbresimpénétrables,luisauvelavie,produitdel’illusion,unediversion.

    Simulationetdissimulationpeuventparfoisallerdepair.VirgiledonneàÉnéecesdeuxfacultés : leguerrierpeut toutà la foissimuler l’espoir sur son visage et dissimuler sa douleur. Lehéros, décrit à un moment de son périple, alors qu’il est enréalité profondément désespéré, manifeste sur son visage unespoir de pure apparence, de pure illusion. En revanche, sadouleurestbienréelle,l’habitetrèsprofondément,maisilnelamontre pas, la voile, la dissimule.Dissimulation et simulationont ici une valeurmorale. Énée doit dissimuler sa douleur, sasituationl’exige,ilsedoitaussi,pourdissimulersadouleur,desimuler l’espoir. L’une ne va pas sans l’autre. Il y a tant desituations dans la vie où nous devons – et cela devientmoralement obligatoire – taire ou cacher la vérité, c’est-à-dire

  • dissimuler;ettantdesituationsoùnousdevonsfairepasserlefauxpourlevraietlesapparencespourlaréalité,voirelenon-êtrepourl’être–c’est-à-diresimuler.

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  • Tabledesmatières

    Lesdeuxamisetlemensonge

    Classificationdumensonge

    Desridessurlefront

    Lesanchoisdestropiques

    Delabonnefoi

    LestyledemonsieurPascal

    L’huiledefoiedemorue

    Leroidesgaffeurs

    Lachansondesmensonges

    Delamauvaisefoi

    Médiamensonges

    Fauxrebelles

    Latoiledetouslesmensonges

    Del’infidélité

    Dumaquillage

    Del’ostentation

    Duplagiat

    Delalittérature

    Ducalendriergrégorien

    Del’anamorphose

  • Del’illusionbaroque

    Del’artifice

    Delapropagandeaupluriel

    Delapolitesse

    Del’honnêtedissimulation

    Lebrouillardsépiadelaseiche

    Duquiproquo

    Dumensongevertueux

    Dudroitdementir

    Del’émotion

    Dumasque

    Dujeusérieuxdelarumeur

    DuMensongeetdelaVérité

  • Déjàparusdanslamêmecollection

    Élogeducontraire,FrançoisBott.

    Élogedelavulgarité,ClaudeCabanes.

    Élogedumauvaisgoût,FrédéricRoux.

    Élogedelatrahison,JacquesAboucaya.

    Élogedel’arrogance,PhilippeVilain.

  • Dépôtlégal:mars2012

    Miseenpages: graphique