(JO~RNu lRIBIJnfJXl'objectif du « Vlaamsch Genootschap » paraît plutôt restreint et est exprimé...

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18 FEVRIER 1967 lRIBIJnfJX HEBDOMADAIRE JUDICIAIRE Edmond Pi.eard 1s82- 1899 Léon Bennebieq 1900- 1940 Charles Van Reepinghen 1944-1966 Soixante- quinze années de présence flamande au barreau de Bruxelles ou le soixante-quinzième anniversaire du « Vlaams Pleitgenootschap » du barreau de Bruxelles Un problème d'importance se pose presque toujours à l'orateur de rentrée: le choix de son sujet. S'il choisit un sujet juridique, il risque pendant son exposé non seulement de n'intéresser que peu d'auditeurs, mais de plus, de voir ses connaissances juridiques livrées à la critique et jugées de peu de poids. D'autre part, il vaut mieux éviter le terrain politique national, ce qui, pour un avocat, s'avère souvent difficile. Mais à l'occasion du 75'e anniversaire du « Vlaams Pleitgenootschap » le sujet de mon discours était à mon humble· avis tout indiqué; il faut bien reco:Onaître que si l'on veut éclairer de plus près l'origine, l'organisation et l'exis- tence du « Vlaanis Pleitgenootschap " on ne peut s'écarter entièrement, ni du domaine juri- dique, ni du terrain politique. * ** Dans un article paru le 10 novembre 1929 dans le Journal ·des Tribunaux (1), le profes- seur Jozef Van Overbeke, ancien président du « Vlaams Pleitgenootschap », s'est montré très pessimiste à l'égard de l'action et du rayonne- ment de celui-ci. Me, Van Overbeke nous avait parlé «des trois désillusions de J'avocat flamand"· Concernant la seconde de celles-ci, il s'ex- primait ainsi: «C'est une cérémonie bien pauvre la rentrée de la Conférence flamande du barreau de Bruxelles, dans le décor sévère d'une salle d'audience .ordinaire, quelques rares sont venus écouter l'orateur (enfin trouvé !) et qui effectivement sacrifie son temps et gaspille ses facultés, tandis que ses auditeurs évoquent le spectacle grandiose de l'événement mondain de la rentrée de la Con- férence consoeur, dans la salle ·solennelle de la Cour suprême, haute, écarlate et illuminée où les illustrations du barreau, de la magistrature, de la politique, de la société et de la femme sont venues sourire à un talent fier sorti d'une élection agitée et patronner une activité con- stante dans son travail formateur et influente par sa tribune ! ». (1) J.T., 1929, col. 657 et s., J. Van Overbeke : «Les trois déceptions de l'avocat flamand». Voyez aussi : Rechts. W eekbl., 1932-1933, col. 266 et s., << Openingsvergadering van het Vlaamsch Pleitgenoot- schap der Balle van Brussel op 10 december 1932. Rede van prof. Van Overbeke ». * ** Ce fut cependant avec solennité et splendeur et en présence de nombreux magistrats et avo- cats que le « Pleitgenootschap " fut tenu sur les fonts baptismaux de la chambre de la cour d'appel (2). Quoique le barreau ne comptât alors que 721 avocats, 110 d'entreux étaient déjà à ce moment membres du Pleitgenootschap. Le nouveau-né vit donc le jour en pleine forme. Les douleurs de l'enfantement avaient cependant été très pénibles et longues. Les maladies infantiles furent nombreuses. Si je rècours à un vocabulaire quelque peu médical, c'est que la création des conférences flamandes aux divers barreaux doit vraiment son origine à la naissance d'un être humain. En effet, lorsqu'en octobre 1872, le relieur Joseph Schoep s'en fut déclarer la naissance d'un rejeton à l'employé de l'état civil de Molenbeek-Saint-Jean, il exigea la rédaction en flamand de l'acte de naissance. L'employé refusa, mais le père Schoep tint bon. Résultat : Schoep fut poursuivi en correction- nelle pour non-déclaration de naissanCe. Deux avocats anversois, désireux de plaider en· flamand, le en cour d'appel. La cour exigea la traduction mot à mot des plaidoiries. L'affaire fut portée en cassation, il fut interdit à Me De Laet d'Anvers de défendre son client en flamand. Edmond Picard, le grand Edmond Picard, déposa alors des conclusions et dans une re- marquable plaidoirie, basée sur la Constitution, exigea le droit de faire usage du flamand. L'avocat général fit remarquer, entre autres, à Edmond Picard que le flamand était « un idiome inintelligible » pour la Cour de cassa- tion; qu'il n'avait pas notion du plus élémen- taire savoir-vivre; qu'il exécutait « une vaine parade" et qu'il plaidait «pour la galerie"· Son admirable plaidoirie fut traitée de « divertissement » dont la cour était excédée. En termes moins violents, il est vrai, l'arrêt décidait qu'il n'est pas permis à un avocat de (2) J. T., 1891, col. 809 et s., «Inauguration de la Conférence flamande du Jeune barreau de Bruxelles». EDITEURS: MAISON FERD. LARCIER, S. A. 39, rue des Minime• BRUXELLES 1 s'exprimer en flamand devant la Cour de cassa- tion (3). Cette décision éveilla une vive agitation dans tout le pays flamand et surtout au barreau gantois. Portant la signature de 7 5 avocats gantois, un manifeste fut transmis à la Chambre des députés et eut pour \effet que la discussion d'un projet de loi sur l'usage du flamand en matière pénale .ne put être différé davantage La première loi linguistique - .très peu satis- faisante -fut promulguée le 17 août 1873. A Gand, un club flamand d'avocats existait déjà depuis 1864, fut fondée, la même année, la première conférence flamande en novembre (5). La première pierre était posée. Les premiers grains étaient semés. Sous l'impulsion de Gand, en 1885 fut fondé le « Bond der Vlaamsche Rechtsgeleer- den "• la « Vlaamsche Conferentie » d'Anvers naquit, la même année (6). Ce fut son premier président, Edward Coremans, qui réussit à faire passer en 1889, après des années de lutte, la deuxième loi con- cernant l'emploi des langues en matière judi- ciaire. * * * De nouveaux incidents judiciaires suryenant presque sans arrêt démontrèrent rapidement que les deux lois étaient loin d'avoir résolu de manière satisfaisante le problème de l'usage des deux langues. Un jeune stagiaire, Me Josson, eut l'audace de présenter un rapport flamand au bureau de la Consultation .gratuite du barreau de Bruxelles. Il fut traduit devant le Conseil de discipline, cet intrépide exigea d'être entendu en fla- .mahd. Sa témérité lui valut d'être rayé de la liste des stagiaires.· Quand la cour d'appel eut à juger le cas J asson, Edmond Picard se fit une fois de plus le défenseur des droits des Flamands. · Ce qui n'empêcha pas toutefois la cour de confirmer en guise d'étrennes - l'arrêt fut prononcé le 31 décembre 1890 - la décision du Conseil de discipline (7). Une nouvelle affaire Schoep, se déroula à la Cour de cassation lors de l'arrêt du 3 mai 1892. L'arrêt à peu de choses près, les acteurs aussi étaient les mêmes, ne changea pas davan- tage. (3) Brux., 21 mars 1873, Pas., II, p. 166; - Cass., 12 mai 1873, Pas., 1, 179; Rechts. Weekbl., 1933-1934, col. 178 et s.; - René Victor, Schets ener geschiedenis van de Vlaamse Conferentie, pp. 11 et s. (4) René Victor, Ben eeuw Vlaamsch Rechtsleven, pp. 32 et s. (5) René Victor, Schets, p. 14. (6) René Victor, Ben eeuw, pp. 39 et s. (7) René Victor, Ben eeuw, p. 47/48.

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18 FEVRIER 1967

(JO~RNu lRIBIJnfJX HEBDOMADAIRE JUDICIAIRE

Edmond Pi.eard 1s82- 1899

Léon Bennebieq

1900- 1940

Charles Van Reepinghen 1944-1966

Soixante- quinze années de présence flamande au barreau de Bruxelles

ou le

soixante-quinzième anniversaire du « Vlaams Pleitgenootschap » du barreau de Bruxelles

Un problème d'importance se pose presque toujours à l'orateur de rentrée: le choix de son sujet. S'il choisit un sujet juridique, il risque pendant son exposé non seulement de n'intéresser que peu d'auditeurs, mais de plus, de voir ses connaissances juridiques livrées à la critique et jugées de peu de poids.

D'autre part, il vaut mieux éviter le terrain politique national, ce qui, pour un avocat, s'avère souvent difficile.

Mais à l'occasion du 75'e anniversaire du « Vlaams Pleitgenootschap » le sujet de mon discours était à mon humble· avis tout indiqué; il faut bien reco:Onaître que si l'on veut éclairer de plus près l'origine, l'organisation et l'exis­tence du « Vlaanis Pleitgenootschap " on ne peut s'écarter entièrement, ni du domaine juri­dique, ni du terrain politique.

* **

Dans un article paru le 10 novembre 1929 dans le Journal ·des Tribunaux (1), le profes­seur Jozef Van Overbeke, ancien président du « Vlaams Pleitgenootschap », s'est montré très pessimiste à l'égard de l'action et du rayonne­ment de celui-ci.

Me, Van Overbeke nous avait parlé «des trois désillusions de J'avocat flamand"·

Concernant la seconde de celles-ci, il s'ex­primait ainsi: «C'est une cérémonie bien pauvre la rentrée de la Conférence flamande du barreau de Bruxelles, dans le décor sévère d'une salle d'audience .ordinaire, où quelques rares sont venus écouter l'orateur (enfin trouvé !) et qui effectivement sacrifie son temps et gaspille ses facultés, tandis que ses auditeurs évoquent le spectacle grandiose de l'événement mondain de la rentrée de la Con­férence consœur, dans la salle · solennelle de la Cour suprême, haute, écarlate et illuminée où les illustrations du barreau, de la magistrature, de la politique, de la société et de la femme sont venues sourire à un talent fier sorti d'une élection agitée et patronner une activité con­stante dans son travail formateur et influente par sa tribune ! ».

(1) J.T., 1929, col. 657 et s., J. Van Overbeke : «Les trois déceptions de l'avocat flamand». Voyez aussi : Rechts. W eekbl., 1932-1933, col. 266 et s., << Openingsvergadering van het Vlaamsch Pleitgenoot­schap der Balle van Brussel op 10 december 1932. Rede van prof. Van Overbeke ».

* ** Ce fut cependant avec solennité et splendeur

et en présence de nombreux magistrats et avo­cats que le « Pleitgenootschap " fut tenu sur les fonts baptismaux de la premi~re chambre de la cour d'appel (2).

Quoique le barreau ne comptât alors que 721 avocats, 110 d'entreux étaient déjà à ce moment membres du Pleitgenootschap.

Le nouveau-né vit donc le jour en pleine forme. Les douleurs de l'enfantement avaient cependant été très pénibles et longues. Les maladies infantiles furent nombreuses.

Si je rècours à un vocabulaire quelque peu médical, c'est que la création des conférences flamandes aux divers barreaux doit vraiment son origine à la naissance d'un être humain.

En effet, lorsqu'en octobre 1872, le relieur Joseph Schoep s'en fut déclarer la naissance d'un rejeton à l'employé de l'état civil de Molenbeek-Saint-Jean, il exigea la rédaction en flamand de l'acte de naissance.

L'employé refusa, mais le père Schoep tint bon.

Résultat : Schoep fut poursuivi en correction­nelle pour non-déclaration de naissanCe.

Deux avocats anversois, désireux de plaider en· flamand, le -dé.f~ndiren:t en cour d'appel.

La cour exigea la traduction mot à mot des plaidoiries.

L'affaire fut portée en cassation, où il fut interdit à Me De Laet d'Anvers de défendre son client en flamand.

Edmond Picard, le grand Edmond Picard, déposa alors des conclusions et dans une re­marquable plaidoirie, basée sur la Constitution, exigea le droit de faire usage du flamand.

L'avocat général fit remarquer, entre autres, à Edmond Picard que le flamand était « un idiome inintelligible » pour la Cour de cassa­tion; qu'il n'avait pas notion du plus élémen­taire savoir-vivre; qu'il exécutait « une vaine parade" et qu'il plaidait «pour la galerie"·

Son admirable plaidoirie fut traitée de « divertissement » dont la cour était excédée.

En termes moins violents, il est vrai, l'arrêt décidait qu'il n'est pas permis à un avocat de

(2) J. T., 1891, col. 809 et s., «Inauguration de la Conférence flamande du Jeune barreau de Bruxelles».

EDITEURS:

MAISON FERD. LARCIER, S. A.

39, rue des Minime•

BRUXELLES 1

s'exprimer en flamand devant la Cour de cassa­tion (3).

Cette décision éveilla une vive agitation dans tout le pays flamand et surtout au barreau gantois.

Portant la signature de 7 5 avocats gantois, un manifeste fut transmis à la Chambre des députés et eut pour \effet que la discussion d'un projet de loi sur l'usage du flamand en matière pénale .ne put être différé davantage (4)~

La première loi linguistique - .très peu satis­faisante -fut promulguée le 17 août 1873.

A Gand, où un club flamand d'avocats existait déjà depuis 1864, fut fondée, la même année, la première conférence flamande en novembre (5).

La première pierre était posée. Les premiers grains étaient semés.

Sous l'impulsion de Gand, où en 1885 fut fondé le « Bond der Vlaamsche Rechtsgeleer­den "• la « Vlaamsche Conferentie » d'Anvers naquit, la même année (6).

Ce fut son premier président, Edward Coremans, qui réussit à faire passer en 1889, après des années de lutte, la deuxième loi con­cernant l'emploi des langues en matière judi­ciaire.

* * *

De nouveaux incidents judiciaires suryenant presque sans arrêt démontrèrent rapidement que les deux lois étaient loin d'avoir résolu de manière satisfaisante le problème de l'usage des deux langues.

Un jeune stagiaire, Me Josson, eut l'audace de présenter un rapport flamand au bureau de la Consultation . gratuite du barreau de Bruxelles.

Il fut traduit devant le Conseil de discipline, où cet intrépide exigea d'être entendu en fla­.mahd.

Sa témérité lui valut d'être rayé de la liste des stagiaires.·

Quand la cour d'appel eut à juger le cas J asson, Edmond Picard se fit une fois de plus le défenseur des droits des Flamands. ·

Ce qui n'empêcha pas toutefois la cour de confirmer en guise d'étrennes - l'arrêt fut prononcé le 31 décembre 1890 - la décision du Conseil de discipline (7).

Une nouvelle affaire Schoep, se déroula à la Cour de cassation lors de l'arrêt du 3 mai 1892. L'arrêt à peu de choses près, les acteurs aussi étaient les mêmes, ne changea pas davan­tage.

(3) Brux., 21 mars 1873, Pas., II, p. 166; - Cass., 12 mai 1873, Pas., 1, 179; Rechts. Weekbl., 1933-1934, col. 178 et s.; - René Victor, Schets ener geschiedenis van de Vlaamse Conferentie, pp. 11 et s.

(4) René Victor, Ben eeuw Vlaamsch Rechtsleven, pp. 32 et s.

(5) René Victor, Schets, p. 14. (6) René Victor, Ben eeuw, pp. 39 et s. (7) René Victor, Ben eeuw, p. 47/48.

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llO.

Les confrères gantois, dont cependant seule une minorité approuvait la cause flamande, n'étaient pas de cet avis et accueillirent le sta­giaire rayé au barreau de Gand.

L'affaire Josson et celle d'un avocat anver­sois, Adolf Pauwels, déclenchèrent un courant irréversible en faveur d'une législation régle­mentant l'emploi du néerlandais à la cour d'appel de Bruxelles et de Liège (8).

Ce fut une fois de plus Coremans qui prit la tête du mouvement. La loi du 4 septembre 1891 prévoyait la création de chambres cor­rectionnelles flamandes ·.aux cours d'appel de Bruxelles et de Liège.

Il était normal, et ce n'était certes pas trop tôt, que les avocats de Bruxelles se réveillassent enfin.

L'expérience vécue d'un de leurs confrères leur avait révélé la mentalité de la magistra­ture et du barreau bruxellois; une loi nouvelle était prévue, qui devaJt avoir pour eux des conséquences importantes : ils ne pouvaient plus rester inertes.

Paul Gisseleire prit l'initiative. En Josson, déjà connu de tous, pour ne pas dire célèbre, il trouva un allié.

Josson était toutefois fort pessimiste. Il avait l'impression qu'ils ne pourraient réussir, croyant que la lutte pour la flamandisation de la vie judiciaire était désespérée.

Ce pessimisme est compréhensible, étant donné les expériences qu'il avait vécues.

Et cependant Gisseleire et Josson tentèrent l'aventure.

Deux .. caractères entièrement dissemblables : Gisseleire, conciliant, diplomate, catholique; Josson, irréductible et tenace, n'appartenant à aucun parti.

Décid~s tous deux cependant à persévérer obstinément et foncièrement attachés à la Flandre.

La tentative réussit.

* **

Pour éviter de donner une orientation poli­tique à l'association naissante, on décida d'élire deux présidents d'honneur.

Gisseleire reçut l'accord du ministre d'Etat Victor -Jaçobs; Josson obtint le consentement d'EdmoQ.d- Picard.

Ils trouvèrent un sérieux appui a1,1près du député Me Van der Linden. Celui-ci fut d'ail­leurs le premier président (9).

* * *

L'assemblée constitutive eut lieu · le jeudi 14 mai 1891, trois mois exactement après le cinquantième anniversaire. de la Conférence du Jeune barreau (10).

Je viens de dire que pour éviter toute orien­tation politique, le « Pleitgenootschap » s'était choisi deux présidents d'honneur.

Est-ce pour la même raison que les statuts de l'association exigeaient également deux pré­sidents?

Il est évident que des statuts sont rarement observés, et souvent modifiés. Ainsi voyons­nous, quelques années à peine après la fonda­tion, qu'on décide qu'un seul président dirigera dorénavant l'As~ociation et que, d'autre part,

(8) René Victor, Een eeuw, p. 49/50. (9) Rechtskundig Tijdschrift, 1906, pp. 398 et s.,

c Eén en ander over het Vlaamsch Pleitgenootschap van Brussel ».

(10) J. T., 1891, col. 676 et s.

la dénomination de « Vlaamsch Genootschap tot beoefening der Pleitkunst :. , après . d'homé­riques querelles et... même des escarmouches, est modifiée en « Vlaamsch Pleitgenootschap der Brusselsche Balie :~>.

* **

C'est sans doute à la situation encore très spéciale des avocats d'expression flamande du barreau de Bruxelles qu'il faut attribuer le fait que_dans les statuts primitifs, appelés à ce moment «lois» et adoptés le 1er février 1891, l'objectif du « Vlaamsch Genootschap » paraît plutôt restreint et est exprimé à tout le moins en termes fort prudents: «l'exercice de l'élo­quence judiciaire au moyen de la langue néer­landaise».

Il est vrai que l'article 2 mentionne que la conférence s'efforcera d'atteindre son but, no­tamment « par la discussion de problèmes qui concernent le développement moral et matériel du peuple flamand», et l'article 3 que, pour devenir membre, il faut admettre le principe suivant - très modéré - : les accusés et les inculpés flamands doivent être interrogés, ac­cusés, défendus et jugés dans leur langue.

L'article 13 prévoyait également que la di­rection présenterait tous les ans, «à l'occasion de l'assemblée extraordinaire de septembre un

- rapport complet concernant la situation du néerlandais en tant que langue judiciaire dans les milieux bruxellois ».

Ce fut grâce à la prudence et à la diplo­matie de ses fondateurs que le « Vlaamsch Ge­nootschap » ne fut pas étouffé dans son bei,"-ce au.

* * *

J'ai déjà dit que de nombreux magistrats et avocats avaient assisté à la séance solennelle d'ouverture du 20 juin 1891.

Nombreux étaient donc ceux qui mani­festaient leur sympathie (11). Le Journal des Tribunaux du 27 juin 1891 s'était, non seule­ment exprimé en termes très flatteurs, mais regrettait de plus l'attitude de la presse.

« Il semble que certains reporters conservent intact le vieux levain de haine ou de mauvais vouloir contre ce mouvement, pourtant si juste, et qu'ils se sont donné le mot pour amoindrir cette manifestation, appui si puissant pour cette œuvre d'équité commencée il y a 18 ans et à laquelle il ne reste presque plus rien à faire : la consécration du droit de nos concitoyens flamands à agir et à être défendus devant les tribunaux dans leur langue maternelle et na­tionale.»

Je ne doute pas que ce texte soit d'Edmond Picard.

En sa qualité de président d'honneur, il prit d'ailleurs la parole à cette séance solennelle du 20 juin 1891 et prononça un brillant réqui­sitoire contre l'oppression du peuple flamand et la méconnaissance de ses droits natu­rels (12).

On est cependant tenté de sourire, il est vrai, en relisant ces lignes : « ... cette œuvre d'équité commencée il y a 18 ans... et ·à laquelle il ne reste presque plus rien à faire ... ». Les inten­tions d'Edmond Picard étaient généreuses, mais peu de francophones, en ce temps-là, les par­tageaient.

* **

Donc, sympathie d'une part pour la Confé­rence nouvellement fondée mais, d'autre part, beaucoup d'opposition et même de la haine.

{11) J. T., 1891, col. 809/810. (12) J. T., 1891, col. 811 ·et s.

Le premier discours annuel d'ouverture pro­noncé par Paul Gisseleire, le 11 novembr~ 1891, dont le sujet ét~lt ;ç De l'origine de la langue flamande et de son influence esthétique, moraie et religieuse. sur la race», fut accueilli avec des sentiments très divers (13).

Pour faire opposition au « Vlaamsch Ge­nootschap :., un groupe de réactionnaires con­çut même le projet de fonder en marge de la Conférence du Jeune barreau un autre orga­nisme d'expression française, le « Cercle des Masuirs ». Le Journal des Tribunaux (14) appela cette tentative, car on en resta là, c une facétie d'un goût discutable ».

* **

Les hésitations et les timidités de la première heure furent assez rapidement dépassées.

En même temps qu'elle modifiait son titre en c Vlaamsch Pleitgenootschap der Brusselsche Balie :., l'Association stipulait plus clairement et plus ouvertement ses objectifs dans ses sta­tuts.

n ne s'agissait plus uniquement désormais de c l'exercice de l'éloquence judiciaire au moyen de la langue néerlandaise », mais de « l'exer­cice et de l'encouragement de la langue néer­landaise dans le domaine juridique », ce qui est tout autre chose.

De plus, à partir de ce moment, il fut exigé des membres qu'ils reconnaissent c le principe de l'égalité des deux langues en matière judi­ciaire».

Bon nombre de sympathisants de la première heure se retirèrent. Le nombre des membres, qui avait atteint à un moment donné 140 avo­cats, retomba en 1905 à 75.

* **

Comme toutes les associations, le c Vlaams Pleitgenootschap » connut des succès et des revers. Il y eut des années de grande activité, d'autres dont on ne sait même pas si elles eurent une séance de rentrée.

Comme dans toutes les conférences, l'acti­vité consistait le plus souvent dans l'organisa­tion d'exercices de plaidoiries, de conférences sur des thèmes juridiques, littéraires, philoso­phiques ou politiques, le discours d'ouverture traditionnel et le banquet qui l'accompagne, ainsi que l'excursion annuelle.

Activité au dedans et au dehors.

Il ·serait fastitieux de donner la liste com­plète des différents présidents et orateurs.

Permettez-moi cependant de vous dire que le « Vlaams Pleitgenootschap » connut des pré­sidents tels que le député Jules Van der Linden, président pendant de longues années du « Bond der VlaamscQ.e Rechtsgeleerden » et des c Vlaamsche Rechtskundige Congressen »;Joly, qui deviendra président du Conseil des mines; Me Dewinde, plus tard avocat à la Cour de cassation; Albéric Deswarte, le champion de la flamandisation de l'Université de Gand; Willem Thelen, qui s'identifia avec le « Pleitgenoot­schap » presque pendant plus de soixante ans; Duplat; Josse et Rik Borginon; Vliebergh; le professeur Van Overbeke; Piet Vermeylen; le regretté Maurice Van Hemelryck, et les nom­breux confrères que nous avons toujours le bonheur de rencontrer presque journellement en ce palais.

Des hommes tels que Maurits Sabbe, Hugo Verriest, August Vermeylen, -Pol Demont,

(13) J. T., 1891, col. 1332 et s. (14) J. T., 1891, col. 1335.

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Verschaeve, le professeur Meyers, le profes­seur Van Ginniken, Julius Hoste, Kamîel Huysmans et tant d'autres éminents orateurs, tant belge~ qu'étrangers, occupèrent notre tri­bune. .. ....

Il serait toutefois impardonnable de ne pas évoquer un instant, à l'occasion de ce jubilé, la figure de M'e Willem Thelen.

A l'époque où triomphaient surtout l'incom­préhension et l'opposition à notre égard, une association comme la nôtre n'était viable ou ne pouvait s'épanouir sans faire appel à des hommes dont toute la vie était consacrée et pénétrée de l'idéal recherché par les fonda­teurs.

C'est un homme pareil que le c Vlaams Pleitgenootschap » trouva en Me Willem Thelen.

Né à Maastricht le 26 janvier 1870, - son père était major de l'armée des Indes - il se retrouva tout jeune encore dans notre capitale.

Après avoir été à l'Athénée et à l'Université de Bruxelles, il prêta le serment d'avocat le 10 octobre 1892.

Les débuts de carrière du jeune stagiaire ne furent pas des plus faciles.

Etait-ce parce qu'ayant reçu ses premiers honoraires, d'un montant de 10 francs, il y découvrait quatre pièces fausses ou bien qu'il fallait· réaliser que pour un avocat flamand, la mentalité au barreau de Bruxelles était plutôt terrifiante, toujours est-il que ses premiers contacts, avec la carrière d'avocat l'avaient complètement découragé.

C'est grâce à Me Edmond Picard qu'il resta avocat.

Un soir, après dîner, Edmond Picard l'in­vita à l'accompagner chez lui. Jusqu'~ cinq fois, tous deux firent la navette entre la mai­son de Picard et celle de Thelen et ce fut l'aîné, le célèbre avocat,, qui fit entrevoir à son jeune confrère les difficultés de la profession, les déceptions, mais aussi l'intense satisfaction qui, par un travail acharné, serait son partage.

Dès son inscription au barreau, Thelen de­vint membre du « Vlaamsch Pleitgenootschap »

nouvellement fondé, ce qui, en sa qualité d'an­cien membre du Comité de « Geen Taal geen Vrijheid », était tout indiqué.

n joua immédiatement un rôle important.

En 1897, nous le retrouvons parmi les fon­dateurs du Rechtskundig Tijdschrift et il avait à peine trente-trois ans· quand il assuma la pré­sidence de notre Conférence.

En 1935, à l'âge de 65 ans, il fut à nouveau président pendant deux ~s.

Sous sa direction le « Pleitgenootschap »

connut chaque fois une grande activité.

Comme homme, avocat et comme Flamand, M'• 'Thelen était la personnification de la bonté, de la pitié, du sens du devoir, de la ponctualité et de la fierté nationale.

En sa qualité de civiliste et surtout de spé­cialiste du droit commercial, ainsi que des droits néerlandais et allemand, il était particu­lièrement apprécié au palais.

Sa connaissance des langues était remar­quable, ainsi que sa culture historique et géo­graphique. Sa mère, excellente pianiste, lui avait transmis un grand amour de la musique.

Voyageur passionné, il sillonna l'Asie et l'Afrique, visita le Canada, où il plaida en anglais et parcourut en 1900. l'Islande à che­val.

Ni le courage, ni l'abnégation ne lui fai­saient défaut.

Pendant la guerre de 1914-1918, il se mit volontairement à la disposition du bâtonnier pour défendre les intérêts de ses compatriotes - il se chargea de plus d'une centaine de cas - devant les tribunaux allemands.

Pendant la deuxième guerre mondiale, il avait alors plus de 70 ans, il fut désigné une nouvelle fois par le bâtonnier Braffort, ainsi que trois ou quatre confrères, pour défendre en allemand nos compatriotes devant les Conseils de guerre. Ces affaires, au nombre de près de 2.000, il les plaida toujours « pro Deo ».

Me Thelen fut aussi le premier avocat à plaider en néerlandais en 1903, devant le tri­bunal civil. Cet exploit l'amena devant le Con­seil de discipline, où, si mes renseignements sont exacts, il échappa à une voix près· à une sanction.

Il devait toutefois siéger plus tard, lui-même, au Conseil de discipline.

Lorsqu'en 1942 le « Vlaams Pleitgenoot­schap » fêta ses 50 années d'existence, le bar­reau tout entier rendit à Me Thelen un hom­mage mérité. TI était à ce moment avocat de­puis 50 ans.

Me Thelen décéda le 12 février 1958 à l'âge de 88 ans. n resta fidèle jusqu'à la fin au c Pleitgenootschap », son c Pleitgenoot­schap » (15).

.. ....

Dans la lutte pour la flamandisation de la vie judiciaire, le c Pleitgenootschap » a cer­tainement joué un rôle non négligeable.

Sans doute, ses interventions n'étaient ni aussi spectaculaires ni aussi efficaces que celles des conférences flamandes de Gand et d'An­vers.

Elles n'en avaient pas moins de mérite.

Je me permets de m'arrêter un instant à quelques dates et événements marquants de l'histoire du c Pleitgenootschap ».

1903 et les années suivantes furent marquées par une · très fructueuse activité.

Comment pouvait-il en être autrement ? Puisque Me Thelen tenait le gouvernail.

Le c Pleitgenootschap ». insista à plusieurs reprises auprès du ministre de la Justice pour une réforme des tribunaux correctionnels en vue d,e l'application des lois linguistiques.

n est intervenu dans les nombreux incidents linguistiques qui surgissaient èonstamment dans les affairès civiles.

En même temps que les conférences fla­mandes d'Anvers et de Gand, le « Pleitgenoot­schap » fut dans une certaine mesure reconnu officiellement.

En effet, le ministre de la Justice Van den Heuvel les invita à lui fournir un rapport an­nuel concernant leurs activités et à lui don­ner des renseignements au sujet des capacités juridiques et linguistiques de leurs membres. Le ministre avait l'intention de consulter ces rapports à chaque nomination de magistrat.

Cette excellente mesure fut malheureuse­ment abandonnée après quelques· années (16).

·Ce fut également en 1903 que le « Vlaams Pleitgenootschap » prit en charge l'organisation du second « Vlaams Rechtskundig Congres »

(17).

(lS) J. T., 1958, p. 136, Josse Borginon Cantoni, «William Thelen »; J. T., 1958, p. 617; «Conférence du Jeune barreau de Bruxelles. Séance solennelle de rentrée du 8 novembre 1958. Discours de M. Albert Nyssens, bâtonnier de l'Ordre des avocats ».

(16) René Victor, Schets, pp. 162/163. (17) René Victor, Schets, p. 162.

Ill

La même année, il insista auprès du Conseil de discipline pour envoyer des délégués au Bureau de la Consultation gratuite.

Nous établirons plus tard que le contraire se produisit souvent et que ce fut au Conseil de discipline d'insister auprès du « Pleitgenoot­schap » pour la même raison.

En 1911 notre association donna son con­cours à une série de conférences organisées par

·la Conférence du Jeune barreau au sujet du problème linguistique. ·

Lejeune, Destrée, Kurth, Pirenne d'une part, Alberic Deswarte, Camiel Huysmans, Frans Van Cauwelaert et Edmond Picard d'autre part, pouvaient donner libre cours à leurs con­ceptions souvent d'ordre affe.ctif. (18).

La première guerre mondiale eut sur l'acti­vité et le développement du « Pleitgenootschap »

un effet néfaste.

Il faut attendre la fin .de l'année 1920 pour voir la reprise d'une certaine activité.

Rien d'important n'arriva pendant des an­nées, si ce n'est un discours d'ouverture re­marquable et fort discuté de Rik Borginon, sur « L'emploi des langues devant nos cours et nos tribunaux » (19).

Si l'orateur lui-même taxe ses idées de révo­. lutionnaires, nous pouvons dire avec certitude

que la loi de 1935 sur l'emploi des. langues en matière judiciaire l'était aussi.

Depuis la fin de la première guerre mon­diale jusqu'en 1931, le c Vlaams Pleitgenoot­schap » ne suscita vraiment que très peu d'in­térêt, même chez les avocats flamands.

Aussi ce ne fut non sans raison qu'en 1929, Me Van Overbeke se soit montré si pessimiste dans son article déjà cité.

Deux événements d'importance incalculable cependant devaient très peu de temps après, insuffler une vie nouvelle au c Vlaams Pleit­genootschap » :

D'une part, la loi de 1935 était sur le point d'être vot~e, d'autre part le premier numéro du Rechtskundig Weekblad paraissait le 11 octobre 1931.

Aussi le « Pleitgenootschap » connut-il à partir de 1931 un épanouissement toujours grandissant.

Cela commença par un très courageux dis­cours de rentrée de Me Piet Vermeylen sur « La flamandisatioo de la consultation » et une réponse tout aussi courageuse du bâtonnier Soudan (20).

En 1932, Me Custers étant-l'orateur de ren­trée, le président Van Overbeke put rejeter à tout jamais son pessimisme d'autrefois.

La séance de rentrée eut lieu, pour la pre­mière fois, dans la salle des séances solennelles de la Cour de cassation (21).

Le combat livré pour l'emploi des langues en matière judiciaire fut très dur.

Alors que l'opposition en Wallonie était plu­tôt restreinte, la bourgeoise d'expression fran­çaise en Flandre réagit assez vivement.

(18) Rechts. Tijds., 1911, pp. 317 et s., L. Brulez, «Prof. G. Kurtb en Meester Edmond Picard over de Taalkwestie in de Conférence du Jeune barreau».

(19) Rechts. Tijds., 1925, pp. 25 et s., H. Borginon, « Het gebiuik der talen voor onze gerechtshoven en rechtbanken »; René Victor, Schets ... , p. 293 et s.

(20) Rechts. Weekbl., 1931-1932, col. 161 et s., P. Vermeylen, «De · Vervlaamsching van de Rechtspie­ging » et Rechts. Weekbl., 1931-1932, col. 33 et s., « Mr Soudan, Stafhouder der Balle van Brussel over de Vervlaamsching van bet Gerecht ».

(21) Rechts. Weekbl., 1932-1933, col. 266 et s., -« Openingsvergadering van bet Vlaamsch Pleitgenoot­schap der Balle in Brussel op 10 december 1932 »,

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112

C'est à Bruxelles malheureusement que la réaction fut la plus violente.

Si les francophones, tant en Wallonie qu'à Bruxelles, se souciaient peu de la solution ap­portée par la loi aux situations existant dans la partie flamande du pays, ils étaient toutefois unanimement d'accord pour maintenir à Bruxelles le «statu quo ».

Un referendum organisé parmi les avocats à la cour d'appel de Bruxelles révéla-l~option d'une majorité écrasante pour le maintien du régime existant.

Pour être exact~ il faut ajouter que sur 1.100 avocats, seuls 444 prirent part au vote.

La commission des langues du Conseil de l'Ordre rédigea un rapport qui, en bref, revient à ceci: 1'0 l'habitude acquise depuis cent ans, basée

sur un régime de liberté totale, a consacré l'usage quasi-exclusif de la langue française dans les juridictions civiles et commerciales à Bruxelles;

2° le referendum a été écrassant pour les par­tisans de la modification du régime existant;

3° le referendum des avocats vaut pour tous les membres du corps judiciaire (22).

Inutile de dire que le rapport souleva un violent tumulte dans le monde des avocats et dans la presse.

Le « Pleitgenootschap » adopta une attitude énergique (23).

* **

Maintenant que la loi de 1935 est vieille de plus de trente ans, il nous est difficile d'ima­giner la situation qui existait autrefois.

Nous ne pouvons guère nous représenter que ce n'est qu'en 1907 qu'un avocat osa émettre pour la première fois le vœu devant la cour d'appel de Bruxelles de prêter serment en néerlandais.

La cour a d'ailleurs dû délibérer sur son cas avant de donner satisfaction à Josse Borginon­Cantoni (24).

Pouvons-nous nous imaginer aujourd'hui que le même incident s'est reproduit douze années plus tard - en 1919?

Ce ne fut que grâce à la ferme intervention du premier avocat général De Hoon que Rik Borginon put alors prêter serment en néer­landais, (25).

Pouvons-nous croire encore, aujourd'hui, que M·e Thelen fut en quelque sorte traîné devant le bâtonnier par un confrère' indigné, parce qu'il avait osé, revêtu de sa toge, s'entretenir en néerlandais avec un autre avocat flamand.

Ne croyons-nous pas rêver en apprenant que ce n'est qu'en 1932 qu'un pourvoi en cassation en néerlandais est introduit pour la première fois par Me Paul Veldekens et que Me Edmond V an Dieren lui, naturellement, fut le ;premier à être autorisé à plaider en néerlandais devant la Cour suprême ? (26).

Aussi étrange que cela puisse paraître, la lutte qui précéda la loi de 1935 eut pour effet

(22) J. T., 1933, col. 329 et s.; J. T., 1933, col. 361 et s.; Rechts. Weekbl., 1932-1933, col. 651/652, J. V an Overbeke, « Antwoord op het Verslag van de taalcommissie van den Raad van de Orde van Advo­katen bij het Hof van Beroep te Brussel».

(23) Rechts. Weekbl., 1933-1934, col. 87/88, «De Vervlaamsching van het Gerecht. Dagorde van het Vlaamsche Pleitgenootschap der Brusselse Balie ».

(24) J. T., 1959, p. 618, «Conférence du Jeune barreau de Bruxelles. Séance solennelle de rentrée du 7 novembre 1959. Discours de M. Albert Nyssens, bâtonnier de l'Ordre des avocats)).

(25) Rechts. W eekbl., 1932-1933, col. 649 et s., H. Borginon, «De Brusselse Balle op het strijdpad ».

(26) Rechts. Weekbl., 1932-1933, col. 66 et s., «Onze taal voor het Hof van Verbreking ».

de rapprocher le « Pleitgenootschap » et le Conseil de l'Ordre.

Le « Pleitgenootschap » se montra de plus en plus décidé et acquit une plus grande place dans la vie professionnelle traditionnelle.

En 1935, le « Pleitgenootschap » fut chargé par le Conseil de l'Ordre d'organiser les exer­cices de plaidoirie des confrères flamands. Ainsi, le « Vlaams Pleitgenootschap » était of­ficiellement reconnu par le barreau.

* **

La deuxième guerre mondiale éprouva une nouvelle fois le « Pleitgenootschap », mais il réagit plus rapidement qu'après la guerre de 1914-1918.

Il convient d'ailleurs de dire que pendant les années de guerre, l'Ordre n'avait pas perdu confiance dans le « Vlaams Pleitgenootschap ».

MMes Boon, Verougstraete, V an Hemelryck, Fayat, Custers, Van Cauwelaert, Bayart, Van Waeg, Winderickx, Lindemans et Vanderleenen se succédèrent à la présidence.

La loi de 1935 a apporté une profonde mo­dification dans toute la vie judiciaire. Sans doute n'est-elle pas parfaite - songeons à la possibilité de changement de langue, dont cer­tains ont fait un système - on est cependant en droit d'établir un bilan très favorable.

Que dire de la situation au barreau ?

Il serait regrettable, à l'occasion de ce jubilé, de ne pas aborder un moment ce problème.

Après la loi de 1935, la situation des bar­reaux flamands était saine; tel n'était certaine­ment pas le cas à Bruxelles.

L'Ordre, et plus spécialement le Conseil de l'Ordre, a toujours fait preuve, il est vrai, d'une certaine sympathie pour le « Vlaams Pleitge­nootschap ».

Il fut d'abord toléré, et par après considéré comme une nécessité.

Les relations devinrent meilleures au cours des années.

Mais ceci ne changea cependant rien au fait que l'avocat flamand, fût-il ou non membre du « Pleitgenootschap », , se voyait systématique­ment évincé s'il tentait de poser sa candidature au Conseil de l'Ordre ou au Bureau de la Con-sultation gratuite. ~

S'il arrivait malgré tout qu'un avocat fla­mand fût élu, c'était en raison de circonstan­ces très spéciales ou parce qu'il jouissait d'un prestige exceptionnel, comme c'était le cas pour MMes Thelen, Josse Borginon et Arnold Bayart.

L'élimination systématique des candidats fla­mands eut finalement comme conséquence que le fonctionnement normal du Conseil de l'Ordre et du Bureau de la Consultation gra­tuite ne pouvait plus guère être assuré.

Le fait est que si les avocats flamands de Bruxelles formaient un barreau séparé, celui-ci se placerait, quant au nombre, environ au sixième rang parmi les 26 barreaux du pays. En outre, il y a proportionnellement plus de nécessiteux d'expression flamande, sur le total des « pro-deo », que d'avocats d'expression fla­mande sur le nombre total d'avocats.

Il était urgent pour le barreau de Bruxelles de trouver une solution si, décidé à remplir la tâche imposée par le législateur, il voulait réellement remplir son rôle de premier plan et maintenir son autorité morale parmi les autres barreaux du pays.

Depuis de nombreuses années, beaucoup s'en rendaient compté, mais les choses en restèrent là.

L'éviction en juin 1963 de trois candidats d'expression flamande au, Bureau de la Con-

sultation gratuite, et dont la présence à ce bureau était indispensable, eut comme consé­quence que le bâtonnier invita le « Vlaams Pleitgenootschap » à consacrer une étude à cette situation.

La direction du « Vlaams Pleitgenootschap »,

aidée par les anciens présidents disponibles à ce moment, s'attaqua immédiatement à la tâche imposée, et dès le 30 juillet 1963, un docu­ment avec des propositions très précises fut remis au bâtonnier (27).

Ce document forme la base des décisions importantes prises à l'unanimité par le Conseil de l'Ordre, et dont la conséquence fut que nous comptons désormais trois confrères d'expression néerlandaise au Conseil de l'Ordre; un ancien président et deux anciens vice-présidents de notre association. ,

Si au point de vue des institutions, l'idéal n'est certes pas encore atteint, il faut recon­naître que l'esprit qui règne en ce moment au Conseil de l'Ordre est, excellent.

Nous pouvons certes dire qu'il est heureux qu'en l'année où le « Vlaams Pleitgenootschap »

fête ses 75 années d'existence, pour la pre­mière fois au cours de l'histoire de notre bar-

. reau, le bâtonnier, après élection, au cours de l'assemblée générale de l'Ordre, prit également la parole en néerlandais (28).

J'ose dire qu'en 1966 il est en définitive tout à fait normal que le chef de l'Ordre s'adresse en néerlandais aux avocats flamands de Bruxelles, en d'autres circonstances; telles que lors du discours de rentrée et du banquet.

* * *

Depuis la fondation du « Vlaams Pleitge­nootschap », soixante-quinze années ont passé.

Il convient de se demander à présent s'il s'est conformé aux objectifs de ses fondateurs.

Nous répondrons franchement « oui » à cette question.

Tout ~u long des années, le « Pleitgenoot­schap » n'a jamais oublié qu'il est et reste une association flamande et qu'il a une tâche à accomplir au ·cœur même du barreau le plus important du pays.

Un des plus grands mérites du Conseil de l'Ordre aura été de résoudre le problème déli­cat de la représentation des avocats flamands ·au Conseil et au Bureau de la Consultation gratuite.

Plutôt que de porter ce problème hors du Palais, avec tous les dangers que cela com­porte en ce moment où notre pays divisé con­naît la passion linguistique, le « Vlaams Pleit­genootschap » garde les yeux fixés sur l'autono­mie et l'unité de notre barreau. N'est-ce pas la meilleure preuve de sa fidélité à ses objectifs ?

* **

C'est po.ur moi un grand honneur de prendre la parole en cette journée mémorable.

Je considère que c'est un honneur tout aussi grand de pouvoir dire, au nom de mes con­frères flamands, que le « Vlaams Pleitgenoot­schap » poursuivra son action, tant pour l'émancipation complète du peuple flamand, que pour l'établissement de rapports harmo­nieux, dignes du barreau de la capitale de notre pays, entre francophones et Flamands.

J aak. V AN DOORSELAERE.

(27) Rechts. Weekbl., 1963-1964, col. 2049 et s., J.V.W. «De Brusselse Balle en de Vlaamse Advo­katen ».

(28) J. T., 1966, p. 470, «L'assemblée générale de l'Ordre».

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LA VIE DU DROIT

Bail à ferme et terrains à bâtir

L'article 1774, paragraphe 3, tertio, fait ex­ception aux dispositions régissant la durée des baux à ferme dans le cas de terrains à bâtir ou à destination industrielle, à la condition qu'ils aient été déclarés tels dans le bail ou qu'ils soient reconnus tels par le juge.

En l'absence de déclaration dans la conven­tion, le juge doh-il fixer la qualification du terrain en se référant à la situation actuelle· ou à celle de la date du bail ?

La jurisprudence publiée est peu abondante. Le Recu.eil annu.el de jurisprudence belge,

année 1964, publié en 1965, fait mention du jugement du tribunal de paix de Nandrin du 13 juin 1961 relaté dans la lu.rispru.dence de Liège de 1964, page 295.

Suivant cette décision, le juge qui répare. l'omission des parties doit se reporter à la situation au moment de la conclusion du bail. Elle s'appuie sur l'ouvrage de Gourdet et Cio­son, Le bail à ferme, page 153 (éd. 1951). En réalité, ces auteurs n'étaient pas aussi explici­tes et se bornaient à dire que l'omission « pour­ra être réparée en s'adressant au juge, pour autant bien entendu que ce dernier constate que réellement les terrains ont cette qualité».

Dans l'édition de 1961, Gourdet se réfère cette fois à un jugement du tribunal civil d'An­vers du 31 mars 1960 (R.W., 1960-1961, 436) décidant que le juge doit tenir compte de la situation actuelle et non de celle existant au moment du bail.

Cette décision relève que tous les terrains ont pu être terrain de culture avant de devenir (( à bâtir)),

Brutsaert a publié un article sur le droit de préemption au Ti,idschrift voor Notarissen de 1964, page 129 .. Il adopte la position du tri­bunal d'Anvers du 31 mars 1960 précité : << bij zijn beoordeling houdt de rechtbank rekening met de huidige toestand >>.

Gourdet et Ranscelot, Le droit de préemp­tion, écrivent à propos de l'article 1774~ pa­ragraphe 3, tertio, que le juge doit tenir comp­te de la situation telle qu'elle se présente à l'époque où il doit statuer et non de. celle existant au moment de la conclusion du bail. Ils se réfèrent aux travaux préparatoires, rap­port de la Chambre : « eu égard aux nécessi­tés de l'habitat et de l'industrie qui peuvent se révéler au. cours du bail, il est prévu que le juge pourra reconnaître à tout ou partie du hien loué le caractère de terrain à bâtir ou à destination industrielle ».

Ce passage des travaux préparatoires de la loi du 7 juillet 1951 figure à la Pasinomie de 1951, p. 602, no 4 in fine (voir Doc. parl., Chambre. session 1945,1946, Exposé des motifs, n° 56 [3]).

Le texte légal lui-même distingue deux éventualités : les terrains à bâtir ou à desti­nation industrielle sont déclarés tels dans le bail ou. sont reconnus tels par le juge. Il n'im­partit pas à celui-ci de se référer à la situation initiale à l'effet de réparer une omission.

Ainsi, la plus récente décision publiée au R eweil précité est de nature à induire en er­reur sur l'interprétation donnée à cette dispo­sition. * **

Le droit de préemption en faveur des pre­neurs de biens ruraux a donné lieu en France à l'examen du point de savoir si ce droit est d'application en cas d'apport en société.

La Cour de cassation de Fran~e, chambre sociale, par arrêt du 16 février 1961 (Bulletin des arrêts de cassation de France, 4e partie, p. 167. n° 213) a décidé qu'en cas d'apport en société, effectué sans fraude, la préemption est écartée parce que le preneur ne peut pas (( offrir au bailleur les droits sociaux que ce­lui-ci désire acquérir ».

Il s'~gissait en l'espèce de l'apport d'un do­maine qui était exploité en fermage.

En Belgique, la loi du 1er février 1963 com­plète l'article 1778 par 1778bis à octies. Elle accorde le droit de préemption uniquement «en cas de ve_nte ».

Varticle 1778bis est très précis à cet égard : << · En cas de vente... le preneur jouit du droit de préemption suivant les règles ci-après dé­terminées )). La loi dit << vente>> et non << alié­nation>> quelconque, tel l'apport en société ou l'échange. ***

Le droit de préemption est toujours inexis­tant lorsque le bien loué est un terrain à bâ­tir ou à destination industrielle répondant aux conditions prévues par l'article 1774, paragra­phe 3, tertio.

Cette exclusion est expressément formulée par l'article 1778sexies, 8°.

Arthur DE MEULDER.

OBSERVATION. - On lira avec fruit l'arrêt de cassation du 4 novembre 1966, publié ci-après,

p. 117.

JURISPRUDENCE Cour européenne de.s droits

de l'homme, 9 février 1967. Prés. : M. R. CASSIN. Juges : MM. A. HoLMBACK, A. VERDROss, G. MA.RI­

DAKIS, E. RoDENBOURG, A. Ross, T. 'WoLD, G. BAL­LADORE PALLIER!, H. MosLER, M. ZEKIA, A. FAVRE, Sir Humphrey W ALDOCK, S. BILGE, G. WIARDA.

Juge ad !wc : M. A. MAsT. Greffier : M. H. GoLSONG.

(Affaire relative à certains aspects du regzme linguistique de l'enseignement en Belgique.)

I. COUR EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME.- Litige ayant trait à l'interpré­tation et à l'application de la Convention de sauvegarde. - Griefs déclarés recevables par la Commission. - Rapport de la Commission, faisant apparaître la nécessité « in specie » d'une interprétation de la Convention. -COMPETENCE DE LA COUR. - Moyen tiré de l'absence de rapport entre les griefs et la

Conv,ention.- REJET.- II. CONVENTION DE SAUVEGARDE ET PROTOCOLE ADDI­TIONNEL. - Objet : fixer des normes in­ternationales à respecter par les Etats Con­tractants sur leurs rapports avec les person­nes placées sous leur juridiction, en des matières qui r,elèvent normalement de l'ordre juridique interne. - Moyen tiré de la notion de domaine réservé. - REJET.

1. La Cour européenne des droits de l'homme est compétente « ratione mate­riae >> lorsque l'affaire qui lui est déférée a trait à une question d'interprétation ou d'application de la Convention de sauve­garde des droits de l'homme et des liber­tés fondamentales (article 45 de la Con­vention).

Il en est ainsi, notamment, lorsque les requérants font grief à l'Etat mis en cause d'avoir méconnu des droits qu'ils puise-

113

raient dans les articles 8 et 14 de la Con­vention, ainsi que dans l'article 2 du Protocole additionnel, et que la Commis­sion a, daru; l'exercice de sa compétence propre, déclaré ces griefs recevables et présenté un rapport qui fait apparaître à l'évidence la nécessité d'une interpré­tation des dispositions dont la violation est alléguée. -

Les problèmes ainsi posés relèvent du fond; doit dès lors être rejetée l'excep­tion préliminaire d'incompétence tirée, par l'Etat mis en cause, de l'absence com­plète de rapport entre les griefs des re­quérants et le texte de la Convention, ainsi que du Protocole additionnel.

II. La Convention et le Protocole addi­tionnel, portant sur des matières qui relè­vent n{Jrmalement de l'ordre juridique interne des Etats Contractants, sont des instruments internationaux ayant essen­tiellement pour objet de fixer certaines normes internationales à respecter par ces Etats dans leurs rapports avec les per­sonnes placées sous leur juridiction (ar­ticle 16

" de la Convention). Valablement saisie d'une affaire ayant

trait à l'interprétation et à l'application de ces instruments, la Cour européenne des droits de l'homme ne saurait dès lors reconnaître au moyen tiré de la notion de domaine réservé le caractère d'une ex­ception préliminaire d'incompétence.

Procédure.

1. Par une demande datée du 25 juin 1965, la .Commission européenne des Droits de l'Homme (d-après dénommée <<la Commission») a porté devant la Cour une affaire relative à certains as­pects du régime linguistique de l'ensei­gnement en Belgique (article 31, § 2, du Règlement).

A l'origine de cette affaire figurent six requêtes introduites devant la Commis­sion, en vertu de l'article 25 de la Con­vention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (ci-après dénommée <<la Convention»), et dirigées contre le Royaume de Belgi­que. Lesdites requêtes, dont la plus an­cienne remonte au 16 juin 1962 et la plus récente au 28 janvier 1964, ·émanaient d'habitants d'Alsemberg et de Beersel, de Kraainem, d'Anvers et environs, de Gand et environs, de Louvain et environs ainsi que de Vilvorde.

La demande de la Commission, à la­quelle se trouvait joint le rapport prévu à l'artiole 31 de la Convention, a été dé­posée au Greffe de la Cour dans le délai de trois mois institué par les articles 32, § 1er, et 4 7. La Commission s'y référait, d'une part, alix pouvoirs que .lui attri­buent les articles 44 et 48, a), et, d'autre part, à la déclaration par laquelle le Gou­vernement belge a reconnu, le 8 juin 1960, la juridiction obligatoire de la Cour (article 46).

2. Le Gouvernement belge, auquel le Greffier avait transmis la demande dès le 25 juin 1965, a fait savoir, le 22 juillet 1965, qu'iJ désirait comparaître comme Partie au procès (article 21, § 2, ancien, du Règlement).

3. Le Vice-Président H. Rolin, juge élu de nationalité belge, était appelé à siéger d'office dans la Chambre à consti­tuer pour l'examen de l'affaire (article 43 de la Convention). Par une lettre du 5 juiHet 1965, il a cependant déclaré se récuser par le motif qu'il avait personne!l­lement pris part, en qualité de sénateur, à l'élaboration des lois litigieuses (arti-

- _- -~

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cie 24, § 2, du Règlement). Le 1er sep­tembre 1965, le Gouvernement belge a nommé Juge ad hoc M. A. Mast, conseil­ler au Conseil d'Etat de Belgique et pro­fesseur extraordinaire à l'Université de Gand (article 43 de la Convention; arti­cle 23, § 1er, du RègleJ;IIent).

Le 14 septembre 1965, le Président de la Cour a tiré au sort le nom des six au­tres membres de la Chambre ainsi que de trois suppléants (article 43 de la Con­vention; article 2.1, § 5, du Règlement).

4. Le Président de la Chambre a re­cueilli, l·e 29 septembre 1965, l'opinion de l'Agent du Gouvernement belge, ainsi que celle des Délégués de la Commission, au sujet de la procédure à suivre. Par une ordonnance du même jour, H a dé­cidé que la Commission pourrait présen­ter un premier mémoire dans un délai devant expirer le 31 décembre 19,65 et que le Gouvernement belge disposerait, pour son mémoire en réponse, de six se­maines ou de trois mois, selon qu'il envi­sagerait ou non d'invoquer des exceptions préliminaires (article 35, § ter, du Rè­glement).

5. Le premier mémoire de la Commis­sion, dans 1lequel il était notamment fait état de certaines observations des requé­rants (artide 76 du Règlement intérieur de la Commission), est parvenu au Greffe le 17 décembre 1965. En le transmettant à l'Agent du Gouvernement belge, le Gref­fier a précisé, sur les directives du Prési­dent de la Chambre, que le délai accordé audit Gouvernement ne commencerait à courir que le 3 janvier 1966.

6. Par une lettre du 20 janvier 1966, le Gouvernement belge a prié la Chambre de se dessaisir au profit de la Cour p1ié­nière. II a fait valoir, en effet, que l'arrêt à rendre par la Gour << pourrait provoquer en Belgique des remous politiques extrê­mement violents q:ui, à leur tour, · pour­rai·ent exercer une influence considérable sur la structure de l'Etat belge». Il a ajouté que la Cour aurait à se prononcer sur le point de savoir «si les requérants (n'avaient) pas tenté de soumettre aux juridictions européennes des Droits de l'Homme des questions (appartenant) au domaine réservé» des Etats Contractants. Il a souligné enfin « que, dans son rap­port, la majorité de la Commission (avait) donné à ·l'article 14 de la Conven­tion une interprétation très précise qui, toutefois, d'après certaines opinions dis­sidentes consignées dans ce rapport (al­lait) dans un sens opposé à celui de plu­sieurs décisions antérieures de la Com­mission». Le Gouvernement belge en a déduit que l'affaire soulevait «des ques­tions graves (touchant à) l'interprétation de .la Convention», ce qui justifiait l'appli­cation de l'article 48 du Règlement. Il a demandé en outre, vu «la complexité de l'affaire», la prorogation du délai dont il disposait « pour introduire une ou plu­sieurs exceptions préliminaires», préci­sant qu'il avait besoin « d'au moins ·quatre mois» et qu'un délai expirant le 31 mai lui «serait agréable». ·

Consultés à ce sujet par le Président de la Chambre, les Délégués de la Com­mission ont répondu en substance, dans une lettre du 2 février 1966 :

qu'ils n'avaient <<rien à objecter», « eu égard au caractère particulier de l'af­faire», à la «suggestion» tendant au dessaisissement de la Chambre, sug­gestion sur laquelle il incomberait à la Chambre, et à elle seule, de statuer; -qu'ils s'en rapportaient à la décision du Président ou de la Chambre quant

au délai supplémentaire demandé par le Gouvernement belge;

- qu'ils ne pouvaient se prononcer sur l'exception préliminaire envisagée par le Gouvernement «aussi longtemps que la thèse (de ce dernier), plus am­plement développée (n'aurait pas) été portée à leur connaissance», d'autant qu'il ·leur paraissait s'agir d'une ex­ception «entièrement nouvelle», «le Gouvernement belge n'ayant jamais contesté la compétence de la Commis­sion, mais uniquement la recevabilité des requêtes ( ... ) ».

7. Par une ordonnance du 3 février 1966, le Président a prorogé le délai sus­mentionné jusqu'au 25 avril, date à la­quelle le premier mémoire du Gouverne­ment belg·e est parvenu au Greffe. Ledit ·mémoire contenait une exception préH­minaire ayant «pour but d'empêcher l'examen du fond du litige par la Cour» (article 46 du Règlement).

8. La Chambre a délibéré à Strasbourg les 2 et .3 mai 1966. EHe a décidé le 3 mai, en vertu de l'article 48 du Règlement,« de se dessaisir, avec effet immédiat, au pro­fit de la Cour plénière>>, parle motif<< que l'affaire p·endante devant eHe (soulevait) un ensemble de questions graves (tou­chant) à l'interprétation de la Conven­tion, notamment de ses articles 45, 8 et 14 .. et de l'artiCile 2 du Protocole addition­nel».

La Cour plénière a tenu, immédiate­ment après, une brève séance consacrée à un échange de vues sur la suite de la procédure. II a été constaté à cette occa­sion d'un commun accord, que M. ·C. Ma­guire, élu Juge le 27 septembre 1965, ne pourrait participer à l'examen de l'af­faire, étant donné qu'il avait déjà connu de celle-ci en qualité de membre de la Commission (article 24, § 2, du Règle­ment).

9. Après avoir recueHli l'opinion de l'Agent du Gouvernement belge ainsi que celle des Délégués de la Commission, le Président de la Gour a décidé, le 4 mai, que la ·Commission disposerait, pour pré­senter un second mémoire, d'un délai devant expirer le 15 juillet 1966 et que le Gouvernement aurait la faculté de· répon­dre par écrit à ce mémoire dans les deux mois (articles 35 et 48, § 3, combinés, du Règlement).

10. Le second mémoire de la Commis­sion (dans lequel il était notamment fait état de certaines observations des requé­rants) est parvenu au Greffe le 15 juillet 1966, celui du Gouvernement belge ·le 12 septembre.

Le 2ü septembre, les Délégués de la Commission ont fait savoir au Greffier qu'ils ne demanderaient pas l'autorisa­tion de déposer un nouveau mémoire, tout en se réservant le droit de formuler leurs observations dans la phase orale de la procédure.

11. Considérant que l'affaire était en état quant à l'exception préliminaire sou­levée par le Gouvernement belge, le Prési­dent de la Cour, après avoir consulté l'Agent du Gouvernement belge et les Dé­légués de la Commission, a rendu, le 23 septembre 196·6, une ordonnance fixant au lundi 21 novembre la date d'ouverture de la procédure orale relative à ladite ex­ception (articles 28, 36 et 48, § 3, du Règlement).

12. :L'audience publique concernant l'exception préliminaire s'est tenue à Strasbourg, au Palais des Droits de l'Hom­me, du 21 au 23 novembre 19-66. Ont com­paru devant la Cour:

- pour la Commission (article 29, § ter, du Règlement) : ~ G. Janssen-Pevtschin, M. M. S:6-rensen et M. F. Welter, Délégués;

- pour le Gouvernement belge, Partie (article 28 du Règlement) : M. A. Gomrée, Magistrat délégué au Ministère d~ ·la Justice de Belgique, Agent, assisté de M" A. Bayart, Avocat à_la_Cour de Cassation de Belgique, et M. P. Guggenheim, Professeur à l'Uni· versité de Genève, Conseils.

La Cour a entendu en Jeurs déclara­tions et conclusions : - pour la Commission : MM. F. Welter

et M. S:arensen; - pour le Gouvernement belge : M" A.

Bayart et M. P. Guggenheim.

Le 23 novembre, le Président a pro­noncé 1la clôture des débats consacrés à l'ex·ception préliminaire.

13. La Cour a délibéré eh chambre du conseil les 23 et 24 novembre 1966, puis les 31 jan vier et 1er février 196 7' après quoi elle a rendu le présent arrêt.

En fait: 1. ;La demande de la Commission a

pour objet de soumettre l'affaire à la Cour afin que celle-ci puisse décider si certaines dispositions de la législation linguistique belge en matière d'enseigne­ment répondent ou non aux exigences des artides 8 et 14 de la Convention ainsi que de l'article 2 du Protocole additionnel.

La Commision a consigné ses conclu­sions provisoires sur le fonq du litige au paragraphe 33 de son p.remier mémoire.

2. Les requérants, pères et mères. de fa­mille de nationalité belge, ont saisi la Commission tant pour leur compte per­sonnel que pour celui de leurs enfants mineurs dont le nombre dépasse huit cents. Soulignant qu'ils sont francopho­nes ou qu'ils s'expriment le plus fréquem­ment en français, ils désirent que leurs enfants soient instruits dans cette langue.

Alsemberg, Beersel, Anvers, Gand, Lou­vain et Vi!lvorde, où habitent les signatai­res de cinq des six requêtes (N°11 1474/62, 1691/62, 1769/63, 1994/63 et 2'126/64), appartiennent à la région considérée par la loi comme «de langue néerlandaise» tandis que Kraainem (requête No 1677 /62) relève, depuis 1963, d'un « arrondisse­ment administratif distinct'> doté . d'un «statut propre». La population de ces di­verses communes comprend une propor­tion variable, et parfois considérable, de francophones.

3. Quoique différant les unes des autres sur une série de points, les six requêtes se ressemblent à beaucoup d'égards. Aux fins de cet arrêt, il suffit de constater qu'elles reprochent à l'Etat belge, en sub­stance: - de n'organiser aucun enseignement en

langue française dans les communes où résident les requérants ou, en ce qui concerne Kraainem, de n'en orga­niser un que dans une mesure qu'ils jugent insuffisante;

- de priver de subventions les établisse­ments qui, dans les mêmes communes, ne se conformeraient pas aux clauses linguistiques de la législation scolaire; de refuser d'homologuer les certificats d'études délivrés par de tels établisse­ments; de fermer aux enfants des requérants l'accès aux classes françaises existant en certains endroits;

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d'obliger ainsi les requérants soit à placer leurs enfants dans une école lo­cale, solution qu'ils estiment contraire à leurs aspirations, soit à les envoyer faire leurs études dans l'« arrondisse­ment de Bruxel·les-:Gapita,le », où la lan­gue de 'l'enseignement est le néerlan­dais ou le français, selon la langue maternelle ou usuelle de l'enfant, ou dans la « région de langue française » (Wallonie). Or, pareille «émigration scolaire» entraînerait de graves ris­ques et inconvénients.

Les requêtes ont essentiellement pour objet de dénoncer la violation de certains articles de la Convention et de son Proto­cole additionnel en la personne des re­quérants et de leurs enfants, du fait de l'application à leur égard de diverses dis­positions de la ~oi du 14 juiHet 1932 «con­cernant le régime linguistique de l'ensei­gnement primaire et de l'enseignernent moyen», de la loi du 15 juHlet 1932 <<sur la collation des grades académiques», des lois des 27 juillet 1955 et 29 mai 1959, de la loi du 3.0 juillet 1963 « concernant le régime linguistique de l'enseignement» et de la loi du 2 août 1963 «sur l'emploi des langues en matière administrative». Les lois des 14 et 15 juillet 1932 ont été abro­gées par celle du 30 juillet 1963, mais el­les étaient en vigueur à l'époque où les requérants d'Alsemberg, de Beersel, de Kraainem, d'Anvers et de Gand ont saisi la Commission, et ces requérants conti­nuent à ·les incriminer tout en s'attaquant aussi à la législation actuelle

4. Devant la Commission, les. requé­rants ont dénoncé la violation des arti­cles 8, 9, 10 et 14 de la Convention ainsi que l'article 2 du Protocole additionnel.

Le Gouvernement belge a fait valoir, pour sa part, que les dispositions légales litigieuses respectent ou respectaient en­tièrement ces articles et, en conséquence, a demandé à la Commission de déC'larer les requêtes irrecevables pour défaut ma.;. nifeste de fondement (article 27, § 2, de la Convention).

La Commission a effectivement rejeté, pour ce motif, les griefs que les requé­rants (sauf ceux de Vilvorde) tiraient des artic:les 9 et 10 de la Convention; en re­vanche, elle a jugé recevables les six re­quêtes pour autant qu'eUes alléguaient la violation des articles 8 et 14 de la Con­vention et de l'article 2 du Protocole. Les décisions qu'elle a rendues à ce sujet s'échelonnent entre le 26 juillet 1963 et le 29 juin 1964. ·

5. La Commission ayant prononcé la jonction des six· requêtes, une Sous-'Gom­mission unique a établi les faits au moyen d'un examen contradictoire des requêtes et a recherché un règlement amiable en­tre les parties (articles 28 et 2.9 de la Convention).

Cette dernière tentative n'a pas abouti, de sorte que la Commission plénière a rédigé le rapport prévu à l'artiole 31 de la Convention. Adopté le 24 juin· 1965, ce rapport a été transmis le lendemain au Comité des Ministres du Conseil de l'Eu­rope .. Le même jour, la Commission a porté l'affaire devant la Cour en vertu de l'article 48, a), de la Convention.

6. Résumant, au paragraphe 6 de son premier mémoire, l'avis qu'elle a exprimé dans son rapport, la Commission a rap­pelé qu'elle estime : « - par 9 voix contre 3, que la législa­

tion litigieuse n'enfreint pas la pre­mière phrase de l'article 2 du Proto­cole additionnel, considérée isolé­ment;

» - à l'unanimité, que ladite législation respecte, la seconde phrase de cet article, considérée isolément ou en combinaison avec 1'article 14 de la Convention;

» - par 10 voix contre 2, qu'elle (la lé­gislation) ne méconnaît pas davan­tage l'article 8 de la Convention, considéré isolément ou en combi­naison avec :J'article 14, dans le cas des requérants;

'> - par 9 voix contre. 3, que le régime général de l'enseignement dans les zones légalement unilingues ne viole pas la première phrase de l'article 2 du Protocole additionnel, combinée avec l'article 14 de la Convention;

» - par 11 voix contre 1, qu'il en va de même du «statut propre» dont l'ar­tiole 7 de la loi du 2 août 1963 dote six communes bilingues de la péri­phérie de Bruxelles y compris Kraainem;

» ____, par 7 voix contre 5, que les lois de 1963 sont incompatibles avec la première phrase de l'article 2 du Protocole additionnel, combinée avec l'article 14 de la Convention, dans la mesure où elles ont pour effet le retrait total des subventions aux écoles provinciales, communa­les ou privées qui entretiendraient, à titre de classes non subsidiées et à côté de l'enseignement donné dans la langue que ·prescrivent les lois linguistiques, un enseignement com­plet ou partiel en une autre langue;

» - à l'unanimité, que les conditions auxquelles obéit, pour les enfants dont les parents résident en dehors de l'arrondissement de Bruxelles­Capitale, l'inscription dans les écoles de cet arrondissement (article 17 de la loi du 30 juilllet 1963), n'en­freignent pas, dans le cas des requ~ rants, la première phrase de l'arti­cle 2 du Protocole additionnel, com­binée avec l'article 14 de la Conven­tion;

» - que les lois de 1963 ne répondent pas aux exigences de la première phrase de l'artiole 2 du Protocole ad­ditionnel, combinée avec l'article 14 de la Convention, pour autant qu'el­les empêchent certains enfants, sur le seul fondement de la résidence de leurs parents, d'accéder aux écoles de langue française existant à Lou­vain (8 voix contre 4) et dans les six communes susmentionnées de la périphérie de Bruxe11es (7 voix contre 5); .

>> - par 8 voix co_ntre 4, que la législa-tion incriminée par les requêtes ne satisfait pas non plus à ces exigen­ces en ce qu'elle entraîne, depuis 19132, le refus d'homologuer les cer­tificats sanctionnant des études se­condaires non conformes aux pre­scriptions linguistiques·».

Au total, sur les douze membres de la Commission qui ont participé à l'adop­tion du. rapport, trois n'ont aperçu aucun manquement de la Belgique à ses obliga­tions. La majorité, cependant, a discerné pareil manquement sur trois .points; elle en a constaté l'absence pour' 1le surp~us. L'importance de la majorité et sa compo­sition ont varié sensiblement d'une ques­tion à l'autre; elle s'est divisée en outre, à certains égards, en deux ou plusieurs tendances. Aussi le rapport contient-il une série d'opinions individuelles, tantôt concordantes tantôt dissidentes.

115

7 .. Dans son premier mémoire,. la Com­mission a souligné qu'elle avait été una­nime à décider de saisir la Cour. Expo­sant les motifs qui l'ont déterminée à prendre cette initiative, elle a spéciale­ment insisté sur l'importance et la com­plexité juridiques, ainsi que sur l'intérêt humain et social de la pré sen te affaire.

8. Au cours de 'la procédure écrite, les conclusions ci-après ont été formulées au sujet de l'exception préliminaire soulevée par le Gouvernement belge :

par le Gouvernement belge, dans son premier mémoire : « 1. La Convention européenne pour la sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales et son Protocole additionnel assurent la jouissance des droits et' libertés énon­cés explicitement dans les articles 2 à 13 de la Convention et dans les arti­cles 1er à 3 du Protocole additionnel.

» 2. La notion de « minorité natio­nale» au sens- de l'article 14 de la Con­vention peut profiter aux membres d'un groupe social déterminé à l'oc­casion d'une violation d'un droit ou d'une liberté assurés par la Conven­tion ou son Protocole additionnèl. » 3. En l'espèce, une teLle protection conventionnelle n'existe cependant pas, parce que : » a) le droit à être instruit dans sa

propre langue ne se trouve pas dans le catalogue des droits et libertés consacrés par la Con­vention et son Protocole addi­tionnel; à fortiori n'est pas as­suré le droit de voir subvention­ner l'enseignement dans sa propre langue ou de voir cet enseignement donner accès. à toutes les professions,

» b) subsidiairement, les « requé­rants» n'appartiennent pas à une « minorité nationale » teHe que cette notion est comprise à l'article 14 de la Convention,

» c) en conséquence, la Gour n'a pas la compétence ratione materiae pour examiner le fond du litige qui lui est soumis.

» Plaise à la Cour » a) de donner suite à l'exception

préliminaire du Gouvernement belge et de débouter l'action ju­diciaire intentée contre ce Gou-. vernement;

» b) subsidiairement : de joindre l'exception préliminaire au fond»;

- par la Commission, dans son second mémoire: « La Commission :invite la Cour à re­

jeter l'exception soulevée par le ,Gouver­nement belge»;

- par le Gouvernement belge, dans son second mémoire : «Le Gouvernement be·lge confirme les

conclusions qu'il a prises à la fin de son premier mémoire et il se réserve en outre· le droit de les compléter et de les modi­fier dans la procédure ultérieure».

9. A !J'audience du 21 novembre 1966 ont été présentées les conclusions suivan­tes:

- par la Commission : «(La Commission) demande ( ... ) à la

Cour de rejeter .J'exception préliminaire».

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- par le Gouvernement belge : <<L'exception 'préliminaire du Gouver­

nement belge doit être admise et les plain­tes des requérants rejetées. Ce n'est que d'une manière subsidiaire que le Gouver­nement belge conclut à la jonction au fond de son exception préliminaire. Le Gouvernement belge se réserve le droit de comp,léter et de modifier ses conclusions au cours de cette procédure».

A l'audience du 22 novembre 1966, la Commission a formulé 1la conclusion re­produite ci-dessous :

«La Commission maintient ( ... ) sa de­mande que la Cour rejette, d'ores et déjà, l'exception préliminaire soulevée par le Gouvernement ~elge.

» En ce qui concerne la conchision subsidiaire du Gouvernement belge, ten­dant à la jonction de l'exception au fond, nous ne désirons pas exprimer une opi­nion. Nous nous référons à cet égard à la sagesse de la Cour».

A l'audience du 23 novembre 1966, le Gouvernement belge a demandé à Ja Cour, par voie de conCJlusions finales,

« - d'admettre son exception prélimi­naire et

l> - subsidiairement, de la joindre au fond~.

La Commission a précisé de son côté, avant la clôture des débats, qu'elle main­tenait «intégralement (sa) conclusion». En droit:

Arguments respectifs du Gouvernement belge et de la Commission.

1. Considérant que le Gouvernement bel­ge a soulevé, dans son premier mémoire, une exception préliminaire qui << a pour but d'empêcher l'examen du fond du li­tige par la Cour»; qu'H ~'a pas estimé devoir la « définir d'une manière ab­straite »; qu'il ressort néanmoins de ses deux mémoires, ainsi que des débats oraux, qu' « elle se ramène à une exception d'incompétence ratione materiae de la Cour»; que, dans ses conclusions finales prises à l'audience du 23 novembre 1966, le Gouvernement belge a demandé à la Cour, à titre principal, d'admettre ladite exception et, en ordre strictement subsi­diaire, de la joindre au fond;,

Considérant que le Gouvernement belge a fait valoir que l'incompétence de la Cour découle, essentiellement, de l'absen­ce complète de rapport entre les griefs des requérants et le texte de la Conven­tion et du Protocole additionnel; qu'il lui paraît nécessaire de distinguer avec soin entre le probJème de .J'applicabilité de ces deux instruments, qui, tout en pouvant amener la Cour à effleurer le fond, revêt un caractère préliminaire, et celui de leur application, dont l'examen approfondi appartient à la phase de la procédure consacrée au fond de l'affaire;

Qu'au sujet de I'inapplicabilité alléguée de la Convention et du Protocole, le Gou­vernement belge· a fait observer que les requérants reprochent à l'Etat de ne pas leur accorder certaines prestations et se plaignent, notamment, de ce que l'ensei­gnement francophone en pays flamand se voit refuser tout subside et l'homolo­gation des diplômes qu'il délivre; que de tels griefs sortent entièrement du cadre de la Convention et du Protocole addition­nel; qu'en effet, les libertés individuel,les impliquent pour les pouvoirs publics des devoirs purement négatifs (statut négatif, status libertatis); que, spécialement, Con­vention et Protocole ne créent en généraiJ. que des obligations de non-ingérence et

d'abstention à la charge des Etats con­tractants et au profit des personnes pla­cées sous leurs juridictions respectives; qu'en particulier, l'article 2 du Protocole (première et deuxième phrases) et l'arti­cle 8 de la Convention, dont se réCilament les requérants, donnent naissance à de simples obligations de ne pas faire; que' cette interprétation, seule compatible, aux yeux du Gouvernement, avec le libellé des deux dispositions dont il s'agit, est cor­roborée par les travaux préparatoires;

Que le Gouvernement belge a ajouté que l'on ne saurait déduire de l'article 8 de la Convention, qui entend préserver la vie familiale, des droits en matière d'en­seignement, ces droits se trouvant régis par l'article 7. du Protocole, . et que la deuxième phrase de cette dernière dispo­sition protège uniquement les « convic­tions religieuses ou philosophiques » des parents et non leurs préférences ou opi­nions culturelles ou linguistiques;

Que le Gouvernement belge a fait va­loir en outre que l'article 14 de la Con­vention, également invoqué par les ·requé­rants, n'a pas la portée que la ·Commis­sion lui a prêtée dans son avis; qu'en effet,, cet article ne figure pas dans le catalogue des droits et libertés énumérés au Titre 1er de la Convention (articles 2 à 13) et dans les trois premiers articles du Protocole additionnel, mais se borne à prohiber' toute discrimination dans la jouissance de ces droits et libertés; qu'il ne constitue dès lors, ni séparément ni en combinaison avec d'autres articles de la Convention ou du Protocole, la source de droits non consacrés par ces deux in­struments; qu'il ne transforme pas non plus, ce qui reviendrait au même, les obligations négatives découlant de ceux­ci en devoirs de prestation; qu'il a pour rôle de déterminer de manière précise le champ d'application ratione materiae des droits et libertés garantis; que la mécon­naissance de l'article 14 ne se concoit donc pas sans la violation simultanée d'un article protégeant un droit ou une liberté, du moins si cet article n'impose aux Etats contractants, comme en l'es­pèce, que des obligations négatives;

Qu'il en résulte, d'après le Gouverne­ment belge, que les griefs déférés à la Cour ne sont point couverts par la Con­vention et le Protocole additionnel, mais font partie du domaine réservé à l'ordre juridique belge; que la législation linguis­tique et scolaire se confond largement avec la structure politique et sociale de l'Etat, qui relève par excellence de ce domaine; que la eonvention, en tant que déclaration de droits, ne concerne pas l'organisation des pouvoirs publics; que le Conseil d'Etat et le Parlement belges l'ont bien entendu ainsi à l'époque où il s'est agi de la ratifier; que le fait que la réglementation linguistique est de la compétence exclusive des Etats se re­trouve dans les autres Etats européens, et par exemple en Suisse; qu'il existe par conséquent, en l'occurrence, une limita­tion inhérente à l'exercice de la juridic­tion de la -Gour, limitation si évidente qu'elle ne dépend ni d'une clause expres­se de la Convention, ni d'une réserve émi­se en vertu de l'article 64;

Que pour toutes ces raisons, et compte tenu de la jurisprudence de la Cour Per­manente de Justice Internationale et de la ·Cour Internationale de Justice, le Gou­vernement belge soutient que la Cour eu­ropéenne n'a pas compétence pour tran­cher le fond de la présente affaire; qu'a­vant de pouvoir rechercher, le cas échéant, si l'Etat belge a rempli ou non ses

engagements, il est logiquement néces­saire pour elle de statuer d'abord sur le problème de l'applicabilité de la eonven­tion et du Protocole additionnel; que ce problème conserverait d'ailleurs un ca­ractère préliminaire même si la Cour n'arrivait pas avec certitude à affirmer son incompétence; qu'en l'examinant, la Cour peut être amenée à effleurer le fond; qu'elle ne saurait se contenter du systè­me de la conc1usion provisoire, adopté par la Cour Permanente de Justice Inter­nationale dans le contexte très particu­lier de l'avis N° 4 sur les décrets de na­tionalité (Série B, No 4, p. 2·6; qu'elle doit plutôt utiliser, au besoin, la méthode suivie par ladite .cour ·dans son arrêt du 30 août 1924 et consistant à vérifier, avant de statuer sur le fond, que le dif­férend tombe sous l'application des clau­ses conventionnelles invoquées (affaire Mavrommatis, Série A, No 2, p. 16); que l'emploi de ·cette méthode se pustifie par le principe de l'économie de la procédure, par l'ordre logique dans le·quel se posent les différentes questions et ·par le fait que la Cour européenne, comme la Cour mondiale, ne possède qu'une juridiction d'attribution dérivant du seul consente­ment des Etats;

Que le Gouvernement belge estime avoir défendu une thèse semblable de­vant la Commission; qu'il rappelle en ef­fet avoir invité celle-ci à repousser les requêtes pour ·défaut manifeste de fonde­ment (articles 27, § 2 de la Convention) ; qu'à l'appui de ce moyen d'irrecevabilité, il avait développé des arguments voisins de ceux sur lesquels repose l'exception d'incompétence dont il a saisi ultérieu­rement la Cour; qu'il ne lui était du reste pas loisible de contester la compétence de la Commission, s'agissant d'un organe dépourvu de caractère juridictionnel;

2. Considérant que la Commission a demandé à la Cour de rejeter l'exception préliminaire; qu'elle a souligné qu'elle a été instituée, avec la ·Cour, pour veiller au respect des engagements résultant de la Convention pour les Etats contractants (article 19; qu'elle a soutenu que d'après l'économie de la .Convention, une excep­tion d'incompétence ratione materiae doit normalement être soulevée devant la Commission, au stade de l'examen de la recevabilité de la requête; qu'en l'espèce, le Gouvernement belge n'a formulé au­cune exception de cette nature auprès de la Commission; que sans en tirer un ar­gument juridique de forclusion ou de pro­rogation de compétence, la Commission estime que la Cour, une fois saisie par elle, n'a besoin que d'un examen som­maire pour vérifier que les griefs décla­rés recevables par la .Commission con­cernent l'interprétation ou l'application . de la Convention, au sens de l'article 4'5; que pour s'assurer de sa compétence, la Cour n'a point à apprécier l'avis exprimé par la •Commission sur le bien-fondé de ces griefs; que les vues respectives de la Commission et du Gouvernement belge divergent en l'occurrence quant à l'inter­prétation .et à l'application de la Conven­tion, et notamment de son article 14; que cela ressort nettement tant du rapport de la Commission que des arguments énoncés de part et d'autre devant la Cour tout au long de la procédure écrite et orale; que la Cour est donc compétente aux termes de l'article 45;

Qu'aux yeux de la Commission, dès qu'une affaire a trait, comme dans le cas présent, à l'interprétation ou à l'applica­tion de la •Convention, la notion de do­maine réservé ne trouve en principe pas

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de place dans le système de contrôle créé par la Convention; qu'une exception à ce principe ne se conçoit que si et dans la mesure où un Etat contractant a valable­ment exercé la faculté offerte par l'arti­cle 64, faculté dont l'Etat belge n'a point usé;

Qu'au surplus, les dispositions et la pratique relatives à la compétence d'au­tres juridictions internationales ne sau­raient régir intégralement, de l'avis de la Commission, une procédure engagée de­vant la Cour européenne en vertu des clauses spécifiques de la Convention;

3. Sur ce, la Cour : Considérant que l'arti~le 49 de la Con­

vention dispose qu' << en cas de contesta­tion ·sur le point de savoir si la Cour est compétente, la Cour décide »; que la Cour, appelée en l'espèce, dans les condL tions prévues à l'article 4·6 du Règlement, à apprécier sa compétence ratione mate­riae,. doit se reporter au texte de la Con­vention, et au premier chef aux articles 19 et 45; que l'article 19 la charge d'as­surer, avec· la Commission, le respect des engagements résultant de la Conven­tion pour les Etats Contractants; que l'ar­ticle 45 précise, de con côté, que << la compétence de la Cour s'étend à toutes les affaires concernant l'interprétation et l'application de la présente Convention que les Hautes ~Parties 'Contractantes ou la Commission lui soumettront, dans les conditions prévues à l'article 48 »;

Qu'il découle des termes exprès de l'ar­ticle 45 que la base de la compétence ratione materiae de la Cour est établie lorsque l'affaire dont il s'agit a trait à une question d'interprétation ou d'appli­cation de la Convention; et que, par suite, la Cour pourrait décliner sa compétence que si les griefs des requérants étaient évidemment étrangers aux dispositions de la Convention et du Protocole addi­tionnel;

Qu'en l'espèce, le Gouvernement belge, dans ses conclusions finales, a saisi la Cour d'une exception unique l'invitant à rejeter d'emblée l'ensemble de la de­mande de la Commission sans distinguer entre les différentes requêtes qui sont à la base de cette demande ni entre les divers griefs des requérants; que la Cour ne peut que constater que tous ces griefs soulèvent des questions concernant l'in­terprétation et l'application de la Con­vention; que, pour statuer sur ces ques­tions, elle devrait rechercher si les re­quérants sont titulaires des droits qu'ils prétendent puiser dans les articles 8 et 14 de la Convention, ainsi que dans l'ar­ticle 2 du Protocole additionnel, et si ces dispositions font naître, à la charge de l'Etat belge, les obligations dont les re­quérants allèguent la violation; que ce serait là non seulement toucher au fond, mais prendre position à l'égard de l'un de ses éléments essentiels, c'est-à-dire à l'égard de questions d'interprétation et d'application indissociables du fond (cf. Cour Permanente de Justice Internatio­nale, Compagnie d'Electricité de Sofia et de Bulgarie, arrêt du 4 avril 1939, Série A/B, N° 77, p. 83);

Que, d'autre part, la Commission, après avoir déclaré recevables, dans l'exercice de la compétence à elle attribuée par l'ar­ticle 27 de la Convention, les griefs ac­tuellement soumris à ·la Cour, a tenu des débats et présenté un rapport d'où res­sort à l'évidence la nécessité d'une inter­prétation de la Convention; qu'en outre, la Commission, et plus encore le Gouver-

nement belge, ont développé devant la Cour des arguments qui s'appuient avant tout sur l'interprétation qu'ils ont donnée aux trois articles invoqués par les requé­rants; qu'il en est ainsi, notamment, de la thèse du Gouvernement belge sur l'in­applicabilité de ces articles; que le Gou­vernement a souligné lui-même, en ce qui concerne l'article 14 de la Convention, que l'introduction de son exception pré­liminaire a pour but << de faire trancher par la Cour (la) différence d'interpréta­tion qui le sépare de la Commission » (second mémoire, § 1-4); que les problè­mes posés au stade actuel de 1la procédure relèvent par conséquent du fond et, par­tant, ne peuvent être résolus par un exa­men préliminaire; qu'il s'ensuit que la compétence ratione materiae de la Cour est établie avec une telle évidence qu'elle doit être affirmée d'ores et déjà;

Considérant, au surplus, que le recours à la notion du domaine réservé, avancée par le Gouvernement belge comme un au­tre aspect de 'la même exception préli:.. minaire d'incompétence (second mémoi­re, §§ 1-5 et 11-2), concerne également le fond et ne peut donc conduire à un ré­sultat différent; qu'en faisant appel à cette notion le Gouvernement belge tend, en effet, à démontrer l'absence, en l'es­pèce, de tout élément de droit conven­tionnel; que la Cour ne peut suivre ce raisonnement; que la Convention et le Protocole additionnel, portant . sur des matières qui relèvent normalement de l'ordre juridique interne des Etats Con­tractants, sont des instruments interna­tionaux ayant essentiellement pour objet de fixer certaines normes internationales à respecter par les Etats Contractants dans leurs rapports avec les personnes p 1lacées sous ·leur juridiction· (article 1er de la Convention); que la compétence de la Cour s'étend à toutes les affaires concer­nant l'interprétation et l'application de ces mêmes· instruments (article 45 de la Convention); que la présente affaire a trait, ainsi qu'il a déjà été exposé plus haut, à l'interprétation et à l'application desdits instruments; que la Cour ne peut donc reconnaître en l'occurrence au moyen tiré de la notion de domaine ré­servé le caractère d'une exception préli­minaire d'incompétence;

Consiljérant qu'en arrivant à cette dé­cision drordre procédural, qui écarte éga­lement Ht conclusion subsidiaire du Gou­vernement belge tendant à faire joindre l'ex•ception au fond, la 'Cour ne préjuge en aucune maniere le fond du litige; que le Gouvernement belge demeure libre de reprendre et développer au fond ses argu­ments sur la portée des· droits et libertés consacrés par la Convention et le Proto­cole;

Par ces motifs,

LA CouR, Rejette, à l'unanimité, les conclusions

tant principale que subsidiaire du Gou­vernement belge;

Décide, à l'unanimité, de passer à l'exa­men du fond de l'affaire.

Ainsi rédigé en français et en anglais, le texte français faisant foi, et prononcé en français à l'audience publique du neuf février mil neuf cent soixante-sept, au Palais des Droits de l'Homme à Stras­bourg.

(N.D.L.R - Le professeur Salmon a accepté de commenter cette importante décision à l'intention de nos lecteurs. Son étude paraitra dans une de nos prochaines li v raisons) .

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Cass. (Ire ch.), 4 novembre 1966. Prés. : M. BELPAIRE, prés. ff. Rapp. : M. DELAHAYE, cons. Mm. publ. : M. DEPELCHIN, av. gén. Plaid. : MMes V AN HECKE et PHILIPS.

(Verbrugghe et cons. c. Jacobs et cons.)

BIENS RURAUX. - DROIT DE PRE­EMPTION. - Terrain à batir. - Terrain à destination industrielle. - Bail. - Défaut de déclaration. - Reconnaissance par le juge de paix. - Doit êtr.e antérieure à la vente.

La reconnaissance par le juge de paix, à défaut de déclaration dans le bail, du caractère de terrain à bâtir ou de ter­rain à destination industrielle, doit, pour que l'exception prévue à l'article 1778sexies, 8° du Code civil (loi du ter février 1963 relative au droit de préemp­tion en faveur des preneurs de biens ru­raux) trouve son application, être anté­rieure à la vente.

Ouï M. le conseiller Delahaye en son rapport et sur les conclusions de M. De­pelchin, avocat général;

Vu le jugement attaqué, rendu en de­gré d'appel le 22 décembre 1964 par le tribunal de première instance de Cour­trai;

Sur le moyen pris de la violation des articles 1778bis, 1778ter, 1778quinquies, 1778sexies, plus spécialement les 8° et 9°, 1778octies et 1774, plus spécialement le paragraphe 3, 3°, du Code civil,

en ce qu'ayant à statuer sur l'action que le premier défendeur avait intentée en qualité de preneur d'une parcelle de terre, vendue par la demanderesse au demandeur suivant acte reçu par le se­cond défendeur, et qui tendait à enten­dre, le premier défendeur subroger, com­me acquéreur au demandeur en raison de la méconnaissance du droit de pré­emption du preneur, compte tenu de ce qu'en conclusions les demandeurs fai­saient valoir que, vu sa situation, ladite parcelle avait, le 9 juillet 1963, date de la vente, incontestablement le caractère d'un terrain à bâtir et de ce que le pre­mier défendeur n'avait pas contesté en conclusions que, vu sa situation, la par­celle était un terrain à bâtir, mais sou­tenait qu'à défaut d'avoir été déclarée · telle dans le bail, la parcelle ne pouvait avoir, en vue de l'exercice du droit de préemption, ce caractère qu'à la condi­tion qu'elle· soit reconnue telle par le juge de paix préalablement à la vente, le jugement, confirmant la décision du premier juge, reconnaît en faveur du premier défendeur,· ensuite de la mécon­naissance de son droit de préemption, le droit d'être subrogé à l'acquéreur, et considère que la demande d'expertise formulée par 1e demandeur, afin de fai­re constater que ladite parcelle devait, · vu sa situation, être considérée à la date du 19 juillet 1963 comme terrain à bâtir est tardive et en conséquence la rejette,

alors qu'en se référant à l'article 1774, paragraphe 3, 3°, du Code civil, l'article 1778sexies, 8°, de ce Code exclut le droit de préemption du preneur sur des ter­rains qui, vu leur situation, doivent être considérés comme terrains à bâtir ou à destination industrielle, à la condition qu'ils soient reconnus tels par le juge de paix, disposition qui ne requiert pas que la reconnaissance par le juge de paix soit préalable à la vente, les mots «soient reconnus» indiquant précisément qu'il ne s'agit pas d'un jugement constitutif d'un droit, mais au contraire d'un juge-

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ment déclaratif concernant le caractère de la parcelle au moment de la vente, et que pareil jugement, en raison de son caractère déclaratif, peut aussi interve­nir après la vente, de sorte qu'en exi­geant la condition supplémentaire d'une décision préalable du juge de paix, con­dition que la loi n'impose pas, le· juge­ment a, en méconnaissance de la loi, sou­mis des terrains à bâtir au droit de pré­emption :.

Attendu que le jugement constate que le terrain vendu au demandeur Verbrug­ghe par la demanderesse Lambert, sui­vant acte du 19 juillet 1963 reçu par le défendeur Devos, et qui était tenu à bail par le défendeur Jacobs, n'était pas dé­claré dans le bail comme étant un ter­rain à bâtir ou à destination industrielle et qu'il n'avait pas davantage été recon­nu tel par le juge de paix;

Attendu que la loi d:u ter février 1963 relative au droit de préemption en fa­veur des preneurs de biens ruraux, qui insère notamment certaines dispositions dans le Code civil à la suite de l'article 1778, érige en règle que le propriétaire ne peut vendre pareil bien à une personne autre que le preneur qu'après avoir mis celui-ci en mesure d'exercer son droit de préemption; que par l'article 1778 sexies, 8°, dudit Code, elle établit une exception à cette règle en ce qui concer­ne les terrains à bâtir ou à destination industrielle, mais à .la condition que ces terrains aient été déclarés tels dans lé bail ou soient reconnus tels par le juge;

Attendu que la reconnaissance par le juge dé paix, à défaut de déclaration. dans le bail, du caractère de terrain à bâtir ou de terrain à destination indus­trielle, . doit, pour que l'exception trou­ve son application, être antérieure à la vente;

Qu'il ressort, en -effet, de l'économie générale de la loi que celle-ci a pour objet d'assurer la stabilisation de la si­tuation du preneur; que c'est pour at­teindre ce but que le législateur n'a pas admis, lorsque le caractère du terrain n'est pas indiqué dans le bail, que la détermination en soit faite par le pro­priétaire; qu'il a entendu empêcher que le preneur apprenne à l'improviste que le bien loué a été aliéné à son insu, ce qui arriverait si la vente pouv·ait avoir lieu sans que le caractère du terrain ait été reconnu au préalable par le juge; que le preneur, dans ce cas, serait mis dans l'impossibilité d'exercer son, droit de préemption, avec la conséquence qu'il ne disposerait plus que des actions pré­vues à. l'article 1778quinquies du Code civil;

Attendu que cette interprétation est confirmée par les travaux préparatoires, au Sénat, de la loi du ter février 1963, au cours desquels il a été relevé notamment que lorsque le propriétaire désire ven­dre un terrain à bâtir << qui n'a pas été désigné préalablement comme tel dans le bail ou par le jug.e de paix, il devra en faire nqtification au fermier '>, et que le projet de loi exclut les terrains à bâtir, « mais. exige que, même dans le cas où tout doute est exclu, le caractère du terrain soit ·encore préalablement con­firmé par le juge de paix '>;

Attendu que le moyen manque en droit;

Par ces motifs

LA CouR, Rejette les pourvois. ,,k'

Liège ( 3e ch.)~ 27 octobre 1966. Siég. : MM. FIÉVET, prés. ff; BIDLOT THORN et LE~

GRAND, cons. Min. publ. : M. CHARLIER, subst. proc. gén. Plaid. : MMes LIGOT et DELFOSSE.

(Etat belge, ministre des Finances c. Ets Melkior.)

SOCIETE. - Exploitation commune.- Lo­cation de choses mobilières. - Contrat. -Location de voitures sans chauffeur. - Ne constitue pas un contrat de transport. -TAXESASSIMILEES AU TIMBRE.- Ar­ticle 77, 4°, du Code des taxes. -Non appli­cable. - Location de meubles corporels. -Article 76, 1°, du Code des taxes. - Applica­tion.

En matière commerciale, il ne peut y avoir d'exploitation commune que dans le cadre d'un contrat de société; autre­ment dit une exploitation commune ayant pour objet des actes de commerce ne peut être qu'une société commerciale, faute de quoi elle n'est pas une exp loi-

, talion commune, juridiquement parlant. Constitue un contrat de location de

choses mobilières la convention par la­quelle une société met ses véhicules à la disposition d'une autre moyennant un prix déterminable grâce aux éléments mêmes définis dans la convention qui les lie, et ce en contre-partie directe de ces mises à disposition.

Le fait que la clientèle est celle d'une des sociétés n'est pas incompatible avec une location, par celle-ci, de véhicules à l'autre, en vue du transport dans l'in­térêt de la première, de sa clientèle.

La location de voitures sans chauffeur ne constitue pas un contrat de transport, ce qui exclut l'applicabilité de l'article 77, 4° du Code des taxes assimilées au timbre.

En conséquence la taxe prévue à l'ar­ticle 76, 4° du Code des taxes assimilées au timbre est due sur la facturation de la location de véhicules.

Attendu que les éléments de fait sui­vants ne font l'objet d'aucune contesta­tion :

La société anonyme Melkior possède une clientèle, du personnel propre (dont des chauffeurs d'auto), et un matériel, automobiles notamment; elle supporte seule la charge des fournitures (spécia­lement essence et huile), des répara­tions et des assurances (mobilières et immobilières);

La société de personnes à responsabili­té limitée ~Melkior ne possède que du personnel (chauffeurs, mécaniciens, té­léphonistes) ;

La clientèle s'adresse donc, pour ses courses, à la société anonyme. Celle-ci met à la disposition du client soit un de ses chauffeurs propres, soit un chauf­feur de la société de personnes à res­ponsabilité limitée, suivant disponibili­tés, la recette de la prestation étant en­caissée par celle des deux sociétés dont dépend le chauffeur qui l'a exécutée;

Après quoi - ceci n'étant toutefois pas ce que disent les intimées dans leurs conclusions, mais résultant des pièces versées au débat - la S.P .R.'L. ristourne - par versements bancaires ou par vi­rements postaux - le solde de ses en­caissements, déduction préalablement faite des salaires de son personnel, aug­mentés forfaitairement de 37 % (char­ges sociales et fiscales afférentes aux­dits salaires) à la société anonyme;

Attendu que l'Etat estime qu'il y a ainsi location de véhicules,_ par la S.A. à la S.P .R.L., tombant dès ·lors sous le coup de l'article 76, 1° du Code des taxes as­similées au timbre;

Attendu qu'en dépit de la qualification ( « location d'autos ») employée par les factures échangées entre elles, il y a lieu de rechercher quelle est la nature, soit voulue par elles, soit juridiquement pos­sible, de leurs relations contractuelles.

Attendu d'abord qu'il ne peut s'agir d'un prêt à usage, dont les caractères es­sentiels (notamment celui d'être un acte à titre gratuit) sont définis aux articles 1875 et 1876 du Code civil; qu'en effet, ainsi qu'il a été relevé ci-avant, et qu'il résulte des procès-verbaux dressés par le contrôleur principal de la taxe de transmission à Liège, Emile Mignolet, le 6 juin 1957, et par le contrôleur princi­pal Oscar Paquay le 11 août 1961, la so­ciété de personnes à responsabilité Ii­mitée rémunère l'usage de voitures au­tomobiles qui lui est ~onsenti par la so­ciété anonyme;

Attendu qu'il ne peut donc s'agir que d'une << exploitation commune~ qui, en l'occurrence (voir ci-après) ne peut se concevoir que sous les espèces d'un con­trat de société ou d'une location;

Attendu que, en matière commerciale, comme c'est le cas en la présente espèce, il ne peut y avoir d'exploitation commu­ne que dans le cadre d'un contrat de so­ciété; qu'autrement dit une exploitation commune ayant pour objet des actes de commerce ne peut être qu'une société commerciale, faute de quoi elle n'est pas une exploitation commune, juridiquement parlant;

Attendu qu'il est de l'essence même du contrat de société que les associés par­tagent aussi bien ·les pertes que les bé­néfices (art. 1885 du Code civil);

Attendu que, en toute hypothèse et à tout le moins, il n'y a pas en l'occurrence de « partage des pertes '>; que la S.P .R.L. Melkior n'encourt aucun risque par la mise en œuvre du contrat qui la lie à la S.A. Melkior, puisqu'elle est assurée du paiement intégral de ses dépenses;

Attendu que s'il est vrai que la néces­sité - pour qu'il y ait contrat de so­ciété - de participer aux pertes, ne vise que les « sommes et effets » mis en so­ciété, autrement dit les apports en va­leurs, et que si dès lors il est permis d'en dispenser celui qui ne fait apport que de son industrie (ce qui comporte tout de même le risque d'avoir apporté cette industrie sans rémunération), encore est­il que, du moment qu'il doit recevoir -comme en l'espèce -.un. avantage cer-

. tain par prélèvement sur le montant de toute recette, il n'y a pas contrat de so­ciété, donc, et toujours en l'espèce, pas d'exploitation com:qmne, puisqu'encore une fois le problème posé par le contrat litigieux se situe en matière de commer­ce.

Attendu donc que ledit contrat ne peut que constituer, et constitue effectivement, un contrat de location de choses mobi· lières; qu'en effet la mise à la disposi· tion de la S.P.R.L. Melkior, de ses auto­mobiles par la S.A. Melkior, n'est pas gratuite, mais a lieu moyennant un prix déterminable grâce aux éléments mêmes définis dans la convention qui les lie, et ce en contre-partie directe de ces mi­ses à disposition (contrat synallagmati­que; art. 1709 du .Code civil);

Que le fait que la clientèle est celle de la société anonyme n'est pas incompati­ble avec une location, par celle-ci, de véhicules à la société de personnes à res­ponsabilité limitée en vue du transport dans l'intérêt de la première, de sa clientèle; que la S.P.R.L. avait - à tout le moins pour les véhicules pilotés par

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ses propres chauffeurs - la direction du matériel ainsi mis à sa disposition, durant le temps où il l'était; qu'enfin la location de voitures sans chauffeur ne constitue pas un contrat de transport, ce qui exclut l'applicabilité de l'article 77, 4° du Code des taxes assimilées au tim­bre·

Attendu dès lors que, sous. réserve de ce qui est dit ci-après de ·la prescription, la taxe litigieuse est due sur la factura­tion de la location de véhicules par la S.A. Melkior à la S.P.R.L. Melkior;

Attendu que la prescription prévue à l'article 208, 8 du Code des taxes assi­milées au timbre (6 ans), n'a été inter­rompue que par le commandement du 26 septembre 1957 (art. 202, 9); que la taxe n'est donc due qu'à partir du 26 septembre 1951;

Attendu que les sociétés intimées sou­tiennent à juste titre que les facturations intervenues entre elles portent sur d'au­tres postes que la location proprement dite de voitures automobiles; qu'il y a lieu d'ordonner la réouverture des débat quant à ce;

Par ces motifs : LA CouR,

Ouï en audience publique et en langue française M. le substitut du procureur général en son avis conforme,-

Reçoit l'appel; émendant le jugement entrepris, dit pour droit que la conven­tion litigieuse, intervenue entre la S.A. Melkior et la S.P .R.L. Melkior, en ce qu'elle comporte mise à la disposition de la seconde par la première de ses véhi­cules automobiles, moyennant versement des recettes de la seconde sous déduc­tion du salaire (et des charges sociales et fiscales y afférentes, forfaitairement fixées à 37 % desdits salaires) de son personnel, constitue un contrat de lo­cation de meubles corporels assujettis à la taxe établie par l'article 76, 1° du. Co­de des taxes assimilées au timbre; dit que cette taxe est due depuis le 26 sep­tembre 1951, la prescription, de 6 ans prévue par l'article 77, 4° du même Code, étant acquise pour la période antérieure à cette date.

Comm. Bruxelles ( 6e ch.), 5 décembre 1966.

Siég. : MM. CoRNETTE, prés.; DE DEYN et MoRts­sENs, juges.

Réf. : M. BoNBLED. Plaid. : MMeS Albert NYsSENS, Antoine BRAUN et

Antoine CoLENS.

(S.P.R.L. Ets Erwin Brenneisen c. Fù·ma Walter Hempel.)

DROIT EUROPEEN. - Infraction à l'ar­ticle 85 du traité. - Conditions. - Compé­tence du juge nationaL - Notification à la Commission de la C. E. E. - LOI DU 2'7 JUILLET 1961. - Vente exclusive à durée indéterminée. - Préavis. - Durée. - Plus­value· notable de clientèle. - Indemnités. -Estimation.

Le juge doit rechercher, dans chaque cas d'espèce, l'infraction éventuelle à l'article 85 du traité de Rome.

Il n'y a PflS d'infraction lorsque rien n'établit que la ·concession aurait freiné tant soit peu les échanges ou les possi­bilités d'échanges de machines et d'ou­tils pour le travail du bois entre l'Alle­magrie fédérale et la Belgique, ou entre l'Allemagne et la Belgique d'une part, et

les autres Etats membres du Marché com­mun.

Une convention ne doit être notifiée à la Commission de la C.E.E. que si elle enfreint l'article 85, paragraphe 1 .. du traité.

La loi du 27 juillet 1961 s'applique à un contrat de concession de vente ex­clusive dite ouverte ou imparfaite.

Pour déterminer le point de départ d'un contrat de concession de vente ex­clusiue, il faut tenir compte du. fait que le concessionnaire succède aux tenants d'une même unité d'exploitation écono­mique.

Le tribunal fixe à quinze mois le préa­vis qui aurait dû être donné à un con­cessionnaire de machines et outils pour le travail du bois lorsque la concession permet de réaliser un bénéfice net an­nuel de 248.000 francs et qu'elle ne re­présente que le quart de l'activité du concessionnaire.

Le tribunal accorde au concessionnai­re une indemnité de 300.000 francs lors­que la plus-value notable de clientèle apportée par celui-ci et qui reste acquise au concédant après la résiliation du con­trat est démontrée par le chiffre d'af­faires quasi sextuplé en dix ans et que le concédant a fait de l'ancien directeur de ventes du concessionnaire son nou­veau représentant ou concessionnaire.

Depuis 1948, la défenderesse avait con­fié à feu Erwin Brenneisen décédé en 195,2, à ses héritiers jusqu'en 1960 et à la requérante à partir de sa constitution la vente ininterrompue en Belgique de ses machines et outils pour le travail du bois;

La correspondance établit que confor­mément à l'article 1« de la loi du 27 juillet 1961, sur le ~ontrat de concession de vente exclusive, la demanderesse suc­cédant aux tenants d'une même unité d'exploitation économique avait acquis le droit de vendre en son propre nom et pour son propre compte les articles ou produits fabriqués ou distribués par la défenderesse;

Contrairement aux affirmations de la défenderesse, le contrat verbal de con­cession de vente e~clusive résulte :

du courant d'affaires entre parties li­tigantes, du fait que la demanderesse était le seul commerçant belge à vendre sur le territoire du royaume, les machines et outils de la défenderesse,

- de la reconnaissance explicite de la défenderesse qui, le 11 avril 1963 qua­lifiait proprement la demanderesse de représentant exclusif dans une let­tre adressée à un tiers, et qui le 18 décembre 1963 n'envisageait le main­tien de la concession que sous· cer­taines conditions; de la fin de la con­cession décidée le 20 décembre 1963, par la défenderesse moyennant un préavis de trois mois inconcevable en l'absence du contrat contesté, à durée indéterminée;

'* **

Pour faire échec à la demande, la dé­fenderesse soutient encore que la nullité du contrat de concession exclusive de­vrait être constatée par justice en ap­plication de l'article 85 du traité de Ro­me;

Lors des discussions au Parlement des textes contenus dans la -loi du 27 juillet 1961, le législateur s'était préoccupé de

119

ne pas contrevenir au traité de Rome. Le ministre des Classes moyennes décla­rait au Sénat : « Nous avons attiré spé­cialement l'attention du .Conseil d'Etat sur cet aspect de la question et c'est à la suite d'une réponse qui nous a paru rassurante que nous avons admis le tex­te de la proposition de -M. Wiard » (Ann. Sénat, session 1959-1960, séance du 5 juill. 1960, p. 2021) ;

Il est opportun de rappeler le texte de l'article 85 du traité de Rome, libel­lé en ces termes :

1. - Sont incompatibles avec... le Marché commun et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'as­sociation d'entreprises et toutes pratiques concertées qui sont susceptibles d'af­fecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet d'em­pêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun et notamment ceux qui consistent à ...

c) répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement;

Il. - Les accords ou décisions inter­dits en vertu du présent article sont nuls de plein droit... »

Chaque mot de ce texte a sa valeur, mais rien que sa valeur, .et le juge sous peine de s'égarer dans des théories car­tésiennes ou non, sources d'insécurité pour les justiciables décidera de manière aussi pragmatique que possible;

Les obligations découlant du contrat disputé n'existaient qu'entre parties; el­les ne concernaient pas les tiers qui pouvaient librement impor~er de l'étran­ger en Belgique des machines et outils de la défenderesse;

Il s'ensuit que l'on se trouve en pré­sence d'un contrat de concession exclu­sive dite ouverte ou imparfaite à laquel­le s'applique la loi du 27 juillet 1961;

En décider autrement aboutirait à res­treindre le champ d'application de la loi susvisée d'une manière qui n'a été préméditée ni par la loi nationale·, ni par le droit communautaire, ainsi aue les travaux préparatoires déjà cités de la loi le confirment, et que le texte du traité de Rome le révèle;

Les règlements d'applications 17/62 et 153/62 de l'article 85 du traité de Rome n'ont pû, par définition, élargir les in• compatibilités et interdictions édictées parle texte fondamental; en la matière il n'existe aucun automatisme faisant tomber toutes les concessions de vente exclusive sous le couperet d'un texte à qui on ferait dire ce qu'il ne prescrit point;

II importe de rechercher dans chaque cas d'espèce l'infraction éventuelle à l'ar­ticle 85;

Certes les parties au procès ont chacu­ne leur siège au sein du Marché com­mun;

Ces entreprises ont souscrit un accord. Mais ont-elles affecté le commerce entre Etats membres, ont-elles .empêché ou vou­lu empêcher, restreindre ou fausser le jeu de la concurrence en répartissant les marchés ou les sources d'approvisionne­ment?

Les auteurs du traité de Rome pour­suivent la création. d'un marché unique entre les participants au !Marché com­mun;

Rien n'établit que la concession liti­gieuse a freiné tant soit peu les échan­ges de machines et d'outils pour le tra­vail du bois .entre l'Allemagne Fédérale et la Belgique, ou entre l'Allemagne et

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Ja Belgique d'une part, et les autres Etats membres du Marché commun;

Concédant et concessionnaire ne se sont pas réservé la distribution exclusi­ve réciproque de produits concurrents essentiellement fabriqués par eux; ils n'ont pas réduit les possibilités pour des intermédiaires de s'approvisionner en produits concédés chez un autre conces­sionnaire; le concessionnaire ne se voyait pas interdire de vendre en dehors de sa zone contractuelle; le respect d'un prix minimal fixé par le concédant n'était pas imposé au concessionnaire;

L'objet de la concession incriminée demeurant exempt d'une protection ter­ritoriale absolue, ses clauses déduites de son exécution, ont laissé libre cours à la concurrence des industriels et des marchands du Marché commun;

Il faut raison garder et ne pas s'ob­nubiler de considérations étrangères à la pratique des affaires. Aussi paradoxal que cela puisse paraître,· un contrat de concession exclusive du type ouvert ou imparfait améliore la concurrence par l'irruption de produits encore inconnus dans une zone déterminée et par l'exten­sion d'une entreprise vivant jusqu'ores à l'intérieur de ses frontières nationales;

Il suit de tout ce qui précède que la demanderesse n'a pas contrevenu à l'ar­ticle 85, du traité de Rome;

Dès lors la convention analysée ne de­vait pas être soumise à la procédure de la notification à la commission de la Communauté économique européenne prévue par le règlement t7 /62 puisque ces règles d'application ne jouent que si l'accord entre entreprises enfreint l'ar­ticle 85, paragraphe ter;

* **

II est vrai que dès t960, la défenderes­se avait informé la demanderesse de ce qu'elle refuserait de lui fournir encore des machines si les délais de paiements n'étaient pas respectés, et que la deman­deresse prit l'engagement de ne pas dé­passer un découvert de plus de 15.000 D.M.

Mais les cocontractants y trouvant cha­cun leur profit, c.ette disposition resta lettre morte jusqu'à ce que la défende­resse en prit prétexte pour y trouver un nouveau et grave manquement dans le chef de la demanderesse;

Au moment de la rupture, le découvert ne s'élevait plus qu'à 1.069 D. M. bien que la demanderesse fut ·à la .merci de ses propres acheteurs, solliciteurs de crédits; '

Le principe du préavis effectivement accordé à la demanderesse serait dému­ni de toute justification si la demande­resse avait erré aux yeux du concédant;

Or, la correspondance précise fort bien les raisons de la rupture; la deman­deresse s'était refusé à maintenir à son service le sieur Luypaert et à conférer tous pouvoirs à ce dernier, son ancien directeur de ventes destiné dès le ter avril t964 à devenir le nouveau conces­sionnaire ou représentant de la défen­deresse. Entrer dans les vues de la dé­fenderesse aurait fait d'un employé su­bordonné, celui qui disposait de l'auto­rité sur son employeur;

* **

La défenderesse conclut que le préavis de trois mois était amplement suffisant;

La demanderesse aurait immédiatement représenté une firme «Locatelli»;

Le préavis est << destiné à permettre aux concessionnaires la découverte d'une situation nouvelle » (Doc., chambre, ses­sion extraordinaire, 1961, n°5 65 et s., p. 4) équivalente à l'ancienne en vue d'éviter des pertes . de bénéfice au con­cessionnaire qui subit la résiliation au­torisée par la loi;

Le bénéfice retenu sera le bénéfice net;

Le volume des affaires provenant de la concession de vente exclusive des pro­duits Hempel, représente un quart du montant total des affaires de la deman­deresse;

Depuis trois ans le tableau des achats chez la défenderesse s'élaborait suivant une courbe ascendante de bénéfices nets;

En effet, le bénéfice brut (2·8 % du prix de revente) était passé entre 196t et 1963 de 597.245 francs à 694.405 francs;

Les frais généraux absorbant au ma­ximum t8 % à en croire la défenderesse (voy. sa note de plaidoirie) et la deman­deresse ne prouvant pas le bénéfice net allégué de 1.2 %, il échet de chiffr~r à 10 % des achats de t963, le bénéfice net supputé pendant les quinze mois de préa­vis auxquels la demanderesse aurait dû avoir droit;

Les 24 mois suggérés par la demande­resse constituent une demande excessive compte tenu de ce que la concession ne représentait qu'une activité partielle de la demanderesse;

Dès lors déduction faite des trois mois de préavis effectif, l'indemnité de rési­liation que percevra la demanderesse s'élèvera à 248.000 francs;

Les pièces produites ne prouvent pas que sont inexactes les affirmations de la demanderesse répondant qu'elle ne dis­posait pas de la représentation exclusi­ve de Locatelli, pour qui elle n'a tra­vaillé que pendant six mois en raison de la qualité relative des nouveaux produits;

Cette circonstance convainc de la dif­ficulté déjà appréciée, a retrouver un concédant similaire au concédant perdu;

La loi du 27 juillet l9'6t, en son article 3 prévoit l'octroi d'une indemnité com­plémentaire s'il existe une plus-value notable de clientèle apportée par le con­cessionnaire et qui reste acquise au con­cédant après la résiliation du contrat;

Cette plus-value se démontre par le chiffre d'affaires quasi sextuplé en dix ans·

Et cette clientèle apportée par la de­manderesse restera d'autant plus acquise à la défenderesse que celle-ci a fait de l'ancien directeur de ventes de la de­manderesse, son nouveau représentant ou concessionnaire;

Une somme de 300.000 francs répare­ra suffisamment le préjudice ainsi subi par la demande·resse;

La demanderesse réclame encore un quart des frais de publicité exposés par elle en 1963, soit ·50.000 francs;

Mais cette publicité n'apparaît pas comme étant à ce point extraordinaire qu'elle dépasse le stade d'une publicité d'entretien de la notoriété de la marque de la défenderesse qui, au surplus, boni­fiait la demanderesse de t % pour ses frais de publicité;

Par ces motifs

LE TRIBlJNAL,

'Condamne la défenderesse à payer à la demanderesse les sommes de 248.000 francs et de 300.000 francs, plus les intérêts judiciaires et les dépens.

OBSERVATIONS. - Nous limiterons nos obser­vations à la question de droit communautaire abor­dée par le jugement annoté. Celui-ci met opportu­nément en évidence que l'infraction éventuelle à l'article 85 doit être recherchée dans chaque cas d'espèce.

Il n'y a pas de règle générale en la matière; tout au plus des tendances, des orientations que révèlent les solutions données par la Cour de justice à des cas d'espèces. Encore la Cour précise-t-elle avec soin que les contrats assortis d'une clause concédant un droit exclusif de vente doivent être individuelle­ment considérés étant donné qu'ils ne réunissent pas, par leur seule nature, les éléments constitutifs de l'incompatibilité avec le Marché commun, prévus à l'article 85, paragraphe Ier du traité (arrêt Maschi­nenbau du '30 juin 1966, J.T., 521 avec note Pierre A. Franck).

Sans que l'on puisse en faire un principe, il est toutefois permis de constater, en fait, que la Cour de justice considère que, dans la grande majorité des cas, il faut tenir pour interdits les accords qui organisent une protection territqriale absolue. En revanche, les exclusivités dites ouvertes ou impar­faites seront le plus souvent licites, même si elles contiennent l'engagement du concédant : a) de ne vendre directement qu'à un concessionnaire unique dans une zone déterminée et b) à vendre au con­cessionnaire des appareils dotés de caractéristiques adaptées spécialement au marché prospecté par ce dernier.

Analysant le contrat qui lui est produit, le juge doit vérifier s'il est susceptible d'affecter le commer­ce entre les Etats membres et s'il restreint la con­currence à l'intérieur du Marché commun (Liège, 8 juin rg66; J.T., 671 avec note Bricmont).

Le critère de l'accord « susceptible d'affecter le commerce entre les Etats membres » étant essentiel­lement un critère de compétence, celui-ci jouera pres­que toujours lorsque le contrat intéresse le commerce entre plusieurs Etats membres. Nous écrivons « pres­que toujours » car il est fait exception pour les ac­cords dont l'influence sur le marché est de peu d'im­portance. Cette dernière notion doit encore être pré­cisée par la jurisprudence.

Le critère des accords restreignant la concurrence commande d'abord un examen de l'objet du contrat. Celui-ci tombera sous l'article 85, paragraphe 1er si l'étude de ses clauses révèle qu'il tend à empêcher restreindre ou fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun.

Si l'analyse des clauses de l'accord ne révèle pas un degré suffisant de nocivité à l'égard de la concur­rence, il faut alors s'attacher aux effets de .l'accord. Le tribunal doit se demander si, en fait, le jeu de la concurrence est empêché, restreint ou faussé de facon sensible.

,Le jugement annoté n'a pas eu à procéder par le détail à cet examen de nature principalement écono­mique, sans doute parce que le concédant n'avait pas fourni d'éléments déterminants à l'appui de sa­demande de nullité. C'est qu'il ne suffit pas, com­me certains plaideurs le pensent, d'invoquer la nul­lité d'un contrat de concession qui n'a pas été no­tifié à la Commission de la C.E.E. Encore faut-il démontrer préalablement que le contrat tombe sous l'article 85, paragraphe 1er. Car, s'il échappe à cet article, il ne doit pas être notifié comme le relève, fort à propos, le jugement annoté.

La conclusion du jugement nous paraît exacte et digne de faire jurisprudence.

Bien sûr, suivant l'ardeur des plaideurs, la mo­tivation sera plus ou moins étoffée mais, dans la majorité des cas, il faudra écarter les demandes de nullités dirigées contre les contrats d'exclusivité. Ain­si les tribun~ux, par une exacte interprétation des dispositions communautaires, ne restreindront-ils pas le champ d'application que le législateur belge a voulu donner à la loi du 27 juillet 1961.

Georges BRICMONT.

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LA

Le rapprochement du droit des sociétés dans le cadre

du Marché commun.

Conférence de M. LOUSSOUARN, professeur à la Faculté de droit et des sciences éco­nomiques de Paris, à l'Institut d'Etudes Européennes de l'Université de Bruxenes, les 30 et 31 janvier 1967.

M le professeur Loussouarn était l'hôte, et • de qualité, de l'Institut d'études euro­

p~nnes, très impatient de recevoir son ensei­gnement.

Auditoire comble et comblé par la présence des autorités en la matière comme par la pré­sentation de M. le professeur Jean Van Ryn et l'enseignement reçu.

M. Loussouarn a parcouru le chemin qu'il s'était tracé, passant du droit international au droit commercial et, de :'ceux,-ci, à diverses questions dont l'avenir nous réserve les diffi­cultés et, le conférencier, les réponses.

Le droit international est certes concerné par la nationalité des sociétés ou la reconnaissance mutuelle de leur personnalité juridique, leurs fusions tant que par le transfert international de leur siège social. Le « laxisme » de l'article 58 du traité de Rome, dont le libéralisme géné­reux mais naïf est dangereux pour les sociétés vraiment communautaires, méritait une con­vention quelque peu restrictive écartant de son bénéfice toute société statutairement .« euro­péenne » dont le siège réel serait en fait hors Marché commun.

Abordant le droit commercial, plus particu­lièrement, M. Loussouarn nous présenta une étude claire et très complète du projet de pre­mière directive préparé par la Commission de la C. E.E. en vue de coordonner le droit des sociétés.

Arbitrant sagement la sécurité des tiers d'une part et le secret des affaires d'autre part, le projet énonce quels actes et documents de­vront être publiés, augmentant sensiblement les publicités obligatoires mais laissant aux Etats membres le choix des moyens.

Le projet de la Commission prône également l'unification du droit quant à l'opposabilité aux tiers des actes des organes de représentation des sociétés. Faute de publicité, les nomina­tions, révocations ou démissions seront inoppo­sables aux tiers de bonne foi mais ils pourront s'en prévaloir. Les formalités de publicité re­quises rendront inopposables aux tiers de bon­ne foi les éventuelles irrégularités de la nomi­nation, de la révocation ou de la démission. Ainsi la publicité met-elle à charge de la so­ciété les risques d'un acte irrégulier.

Toutefois, un tel effet n'est accordé qu'à la publicité régulière. Une publicité irrégulière laisserait malheureusement à l'acte irrégulier toute son opposabilité aux tiers. Regrettons cette légère lacune du projet et souhaitons qu'elle soit comblée.

L'opposabilité aux tiers des excès ou abus de pouvoir des organes est également traitée par le projet. La société sera engagée à moins que les statuts limitent les pouvoirs des organes; la limitation statutaire sera toutefois inopposa­ble aux tiers; les lois nationales établiront une stricte répartition des pouvoirs.

Tout acte dépassant l'objet social sera inop­posable aux tiers sauf si, de bonne foi, ce der­nier aurait pu croire que l'acte entrait dans l'objet social.

La société européenne obtint du conférencier la place d;honneur qu'elle méritait autant par le professeur que par l'Institut qui nous re­cevait.

Favorable notamment à la concentration, à l'obtention de capitaux. au maintien de la per­sonnalité morale en cas de transfert de siège, aux fusions et, plus théoriquement, à l'har­monisation du droit des sociétés par l' expé­rience pratique qu'elle incarne, la société eu­ropéenne mérite l'enthousiasme.

On la conçoit société de statut européen (un statut type incorporé dans les droits internes) ou société de droit européen (complètement dé­gagée des droits nationaux par un droit de création proprement communautaire dont la Cour de justice assurerait l'interprétation en toute unité).

M. le professeur Loussouarn observe à cet égard que la société de droit européen apporte seule la solution aux difficultés actuelles de fusion des sociétés.

ln cauda venenum, beaucoup de difficultés restent à résoudre : le conférencier les a sou­mises à notre timide réflexion. Une société doit-elle connaître une période nationale avant de devenir européenne ? La forme anonyme est-elle seule admissible ? Un ordre de dimen­sion minimale sera-t-il imposé ? J ouïra-t-elle de la liberté de constitution ou subira-t-elle un contrôle ? La personnalité morale de la société naîtra-t-elle avec son statut européen ou pour­ra-t-on dissocier? Combien d'associés exigera­t-on?

Merveilleux détours du droit européen, si neufs, si doux à la démarche et qui, très vite, conduisent aux inconnues juridiques. C'est un peu l'exploration du monde de demain.

Xavier MAGNÉE.

LA~OQ[-

Cycle de cours pour .stagiaires au Jeune barreau de Bruxelles.

Séànce du ~ février 1967.

C'EsT par une liaison toute naturelle que les accidents de la circulation, sujet d!l jour,

ont amené M~ Henry Dewit à entretenir son auditoire des rapports de l'avocat avec les com­pagnies d'assurances. Par une confrontation avec des situations précises et bien illustrées, les I'ésolutions du ·,,Conseil de 'l'Ordre ,s'ont apparues dans leur évidente logique~

Il est vrai que Me Dewit a su découvrir et cerner toutes les possibilités d'oppositions d'in­térêts dans ce domaine où l'avocat ne doit ja­mais oublier celui qui est son client... et ne pas vouloir en cumuler à tout prix !

Praticien éprouvé, Me Dewit n'a pas manqué de sélectionner les conseils pratiques qui trans­forment une situation apparemment très com­plexe en un simple fait journalier résolu par une seule lettre. Admirable solution qui n'est simple que parce que tout à fait adéquate !

Fixer les idées sur les différents procédés d'évaluation des dommages, en énumérant les critères qui doivent guider le choix, c'est à cela que s'employa Me Dewit dans la seconde partie de son cours.

Le caractère pratique de son enseignement en a fait un tremplin pour les stagiaires : désor­mais, les actions en réparation feront penser à Me Dewit, patron d'un jour et conférencier passionnant.

Charles UNIKOWSKI.

121

Un répertoire notarial est, on le sait, an­noncé par la maison qui accueille nos coups de règle. Trois de ses traités sont déjà sortis de presse. Ont-ils paru ou sont-ils parus ?

Telle est la question que soulève la pu­blicité qui leur est consacrée. Autrement dit, paraître se conjugue-t-il avec l'auxiliai­re être ou avec l'auxiliaire avoir, ou encore, selon les cas, avec l'un ou avec l'autre ?

A croire le rédacteur de l'annonce, ces traités seraient parus. Nous croyions plutôt qu'ils avaient paru.

C'est ce qu'enseignait Landais dans sa grammaire des grammaires. Grévisse estime, par contre, que paraître est l'un de ces ver­bes intransitifs qui se conjuguent, tantôt avec être, tantôt avec avoir : avec avoir, quand on veut exprimer une action qui s'est passée à l'époque dont on parle; avec être, quand on veut exprimer l'état résultant de l'action antérieurement accomplie.

Il cite Maurice Druon, aujourd'hui aca­démicien: c'est encore le thème d'un livre dont le premier tome est paru l'an dernier, et Robert Kemp : quand sera paru le second tome ...

Invoquant Le Bidois, Robert partage cet avis, mais y ajoute que .paraître s'emploie toujours avec avoir quand le sujet est une personne.

Qu'ils aient paru ou soient parus, l'essen­tiel est que les traités du répertoire notarial paraissent grâce aux soins des éditeurs qui nous composent, nous mettent en page, nous impriment et nous distribuent si complai­samment.

TERTIUS.

~

Les petits pois.

LES petits pois s'enferment en chaloupes qui par le chemin des· averses parviennent à

gravir des buissons printaniers, à s'y crampon­ner. Une fleur blanche les précède, annonce aux chenilles qu'ils désirent la paix, refusent de combattre, n'ont rien de commun malgré la forme, avec des balles de fusils.

Sous pression d'un ongle l'esquif s'incise, desserre la coque, s'ouvre sur l'extraordinaire spectacle d'un banc de rameurs, en perles ali­gnées, immobiles, que la larve se hâte d'at­teindre, heureuse de les percer, les enfiler, s'en faire un collier, dans l'espoir d'apprivoiser l'oiseau, chasseur d'insectes.

Marcel LA HAYE.

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122

BÏBLÏ061WHiE

A. M. EULER : c Europaisches Beamtensta­tut » (3 volumes, 909 pages). - Edité par l'« Institut für das Recht der Europaischen Gemeinschaften der Universitat Këln », Këln, Carl Heymanns Verlag, 1966.

L'apparition de nombreuses organisations interna­tionales a provoqué un développement considérable du droit administratif international. C'est dans le cadre de cette branche du droit que se situe l'étude de la fonction publique internationale.

Parmi les organisations internationa~es, les trois Communautés européennes occupent une place à part. Ceci se reflète, entre autres, dans l'aménage­ment de la fonction publique communautaire, c'est­à-dire du régime juridique auquel sont soumis les fonctionnaires des trois Communautés. L'étude de M. Euler, qui donne un tableau complet et fidèle de ce régime, commence par souligner que le droit communautaire de la fonction publique puise ses inspirations beaucoup plus dans les droits nationaux des six Etats membres et notamment le droit fran­çais, que dans celui d'autres organisations interna­tionales, telles que l'O.T.A.N., les Nations Unies ou les institutions spécialisées.

L'ouvrage se présente comme un commentaire dé­taillé et systématique des cent dix articles què com­prFnd le statut commun des fonctionnaires de la C.E.E. et de l'Euratom arrêté par le règlement n° 31 C.E.E. et n° II C.E.E.A., du 18 décembre 1961, (J. 0., p. 1385/62). A l'occasion de l'élabora­tion de ce règlement, le statut des fonctionnaires de la C.E.C.A. fut revisé pour le mettre en harmonie avec· celui des deux nouvelles Communautés. Il subsiste toutefois quelques différences que l'auteur ne manque pas de relever au début de son ouvrage et de commenter par la suite.

Respectant la suite des articles du statut, l'auteur commente successivement, dans neuf titres distincts, les dispositions générales (art. 1 à 10), les droits et obligations du fonctionnaire (art. II à :26), la car­rière du fonctionnaire (art. 27 à 54), les conditions de travail (art. 55 à 61), le régime pécuniaire et les avantages sociaux (art. 62 à 85), le régime disci­plinaire (art. 86 à 8g), les voies de recours (art. go à 91), les dispositions particulières applicables aux fonctionnaires des cadres scientifique ou technique du Centre commun de recherches nucléaires de l'Euratom (art. 92 à 101) et, finalement, les dispo­sitions transitoires et finales (art. 102 à 1 I o).

Un chapitre spécial est consacré au règlement commun n° 32 (C.E.E.) et n° 12 (C.E.E.A.) relatif à l'impôt sur les traitements, salaires et émoluments des fonctionnaires. (J. 0., p. q61/62).

Remarquons que l'auteur n'examine que le statut des fonctionnaires et non le régime applicable aux autres agents des Communautés, c'est-à-dire le ré­gime des agents engagés par contrat (J. 0., p. 1442/62). Il se propose d'y consacrer un volume complémentaire.

En vue d'analyser les principales notions juri­diques utilisées dans le statut, M. Euler fait souvent appel à des considérations de droit comparé, exami­nant par exemple le concept de nomination dans les commentaires consacrés aux articles Ier, 4, 17, ou sou­lignant les différences de fond et de forme du ré­gime disciplinaire dans les droits allemand et fran­çais. Des références aux ·précédents et aux motifs éclairent certains articles assez obscurs du Statut. L'ouvrage se caractérise en outre par de nombreux renvois à la jurisprudence, déjà abondante, de la Cour de justice, Le praticien du droit communau­taire appréciera notamment l'énumération chrono-

Doc·TEUR EN DROIT (Université de Salamanque)

<40 ans, sérieuse formation générale Français­Espagnol. cherche collaboration. - S'adresser:

Tél. 70.25.96 - toute la journée.

logique, au début de l'ouvrage, des litiges concer­nant les fonctionnaires avec mention de leur objet et renvoi au Recueil de jurisprudence de la Cour et au Journal Officiel.

Ce livre, écrit par un spécialiste du droit commu­nautaire, est incontestablement un guide pratique très précieux pour la connaissance du régime juri­dique des fonctionnaires européens. Dans cette ma­tière où la jurisprudence, bien que déjà abondante, n'a pas encore pu dégager des directives suffisam­ment générales et où les études doctrinales sont

.core rares, l'auteur nous offre un travail d'analyse remarquable qui facilitera aux intéressés, et notam­ment à l'administration communautaire, aux fonc­tionnaires et aux avocats, la solution des problèmes précis avec lesquels ils sont, au jour le jour, con­frontés. C'est en outre k premier ouvrage qui exa­mine sous tous ses aspects un secteur important du droit communautaire de la fonction publique : par là, il représente une contribution importante aux efforts actuels tendant à instaurer un statut unique pour les fonctionnaires des trois Communautés.

P. PEscATORE et J. HIPPERT.

Alain DURIEUX : c La condition de la femme mariée:..- La Renaissance du Li­vre, Bruxelles, 1966, 125 pages.

Voici le premier volume d'une collection nouvelle animée et dirigée par notre ami Pierre-Paul Ha­messe, sous le vocable d'un· modernisme délibéré de « Renaissance Droit ».

« Renaissance Droit », « Résistance Rail ».

La collection est, effectivement animée d'un esprit de résistance. De résistance à l'idée qu'il n'y a pas de milieu concevable entre les ouvrages proprement juridiques, destinés « à la clientèle docte et relative­ment limitée des praticiens et des chercheurs », « ou­vrages importants par leur volume, ardus par es­sence et relativement coûteux » et « les vulgarisa­tions faciles ».

Ainsi s'exprime la notice de lancement. Y a-t-il effectivement place aujourd'hui pour des

travaux accessibles aux profanes, mais scientifique­ment sûrs et qui leur permettraient de « s'instruire sans ennuis (le « s » final n'est pas du soussigné) ni difficultés » ?

L'avenir le dira. Nos vœux, en tout cas, accom­pagnent l'initiateur de ce projet et les jeunes pra­ticiens à qui il a pu insuffler son enthousiasme.

Il est de fait que le plus zélé d'entre eux s'exprime « en un langage clair et vivant », façon Carbonnier mutatis mutandis, et que c'est avec une suffisante sûreté d'information et de jugement qu'il a traité des nombreux problèmes soulevés depuis le jour loin­tain et sans doute symbolique où « Adam estima qu'une compagne lui serait agréable - n'avait-il pas déjà les animaux? » et où « Eve naquit d'une côte d'Adam », par la vertu de ce vœu périlleux.

La table des matières en témoigne : « Historique. Le nom et la nationalité. Le domicile. La profes­sion. Les devoirs des époux. ·Si l'époux manque à ses devoirs. Contribution de l'épouse aux charges du ménage, etc... ». Cela est bien complet. Et judicieu­sement analysé.

De loin en loin, une faille, il est vrai. Le mari n'est-il pas tenu, en vertu du mandat domestique de sa femme, que dans les seules limites des ressources apparentes du ménage? Je n'ai pas trouvé trace de cette opportune restriCtion dans le chapitre ad hoc du traité d'Alain Durieux.

Mais quid de ces vétilles, au prix des mérites évi­dents d'un travail « clair et vivant », en effet, et qui rappellera à bien des praticiens des principes, an­ciens, nouveaux souvent, qui devraient leur être fa­miliers?

J.D.

Du football ••• Il y a au palais, des avocats auxquels il ad­

vient de temps en temps de s'adonner à la pra· tique du football. Ils trouvent là sans doute de quoi oublier quelque peu leurs préoccupations juridiques journalières.

Mais il y a aussi les autres footballeurs. Ceux qui sans être nécessairement plus fervents ont fait du hallon rond leur métier.

Jusqu'à présent, le problème de leur situa­tion juridique vis-à-vis du club qui les em­ployait ne les avait guère agités. TI y avait cer­tes uri contrat qui les liait à leur employeur mais pour certains joueurs devenus des dieux du stade et des « idoles », les conditions du contrat pouvaient selon leur humeur du mo­ment, être assez aisément modüiées ...

Force était hien à leurs dirigeants de s'incli­ner hon gré mal gré.

Certains événements récents conduiraient à penser que ce hon vieux temps de l'improvisa­tion serait sur le point d'être révolu.

• •• à la liberté de travail. La validité de certaines règles coutumières

en vigueur dans le monde du football semble en effet sérieusement mise en question ces temps derniers.

Singulièrement le principe qui fait obstacle à ce que les footballer professionnels qui ont signé une carte d'affiliation dans un club, puis­sent s'embaucher ailleurs sans l'accord de leur employeur.

C'est contre cette règle qu'il estime asociale et contre d'autres aspects de la profession de footballeur que M. Blanpain, professeur à l'Université de Louvain, vient d'entreprendre une campagne ardente.

Il lui paraît en effet inadmissible qu'il n'exis­te aucune liberté de travail pour ces joueurs professionnels. · Pourquoi ces derniers ne pourraient-ils, à

l'instar des autres travailleurs salariés, conclu­re un contrat à durée déterminée et exercer à son terme le droit légitime de chercher un nou­vel employeur ?

M. Blanpain, dont certains journalistes spé­cialisés prétendent avec quelque acrimonie qu'il aimerait plus le droit que le football, a ainsi créé la Fédération internationale des foot­ballers ·professionnels.

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••• et aux droits de l'homme. Le comité directeur de cette fédération s'est

réuni récemment à Paris et a évoqué le cas d'un joueur marocain dénommé Salem.

Après avoir été affilié pendant deux ans au club du Daring à Bruxelles; ce joueur apparem­ment consciencieux et apprécié par ses diri­geants, leur a fait savoir à l'aube de la présente te saison footballistique, qu'il souhaitait re­joindre son ancien club de Sedan dans les Ar­dennes. Ce qui lui fut refusé.

Salem ne consentit cependant pas à défen­dre de nouveau la bannière de son club et s'en retourna dans son pays d'adoption.

Le comité directeur de la fédération chère à M. Blanpain vient de publier un communiqué aux termes duquel n. prend fait et cause pour ledit Salem empêché, selon lui, d'exercer son métier.

Et il ajoute qu'il n'hésiterà pas à poursuivre son action devant les instances judiciaires et même devant la Cour européenne des droit!! de l'homme à Strasbourg.

Voilà pour notre droit social et pour nos juridictions prud'homales la perspective de prolongements assurément nouveaux et impré­vus.

Quant à la Cour européenne, il n'y aura bientôt plus guère de domaine où son action ne trouve à s'exercer de manière vigilante et salutaire.

Reforme judiciaire. Le commissaire royal à la réforme judiciaire,

M. E. Krings, y consacrera, à l'invitation du Jeune barreau, quatre conférences (16 et 23 février - 2 et 9 mars) qui auront lieu à 11 h 15 dans la salle d'audience de la cour militaire.

Les travaux parlementaires sont près d'abou­tir. Il est temps de se préparer à un « recy­clage».

Montréal 67. On l'annonce. On le répète. On n'a ·pas fini

d'en parler : Montréal 67 a démarré. Personne n'est resté insensible à la magie

des villes-étapes dont les noms d'un bleu élec­trique trouent l'affiche détaillant le voyage.

Au programme : tourisme, nous le savions. Prix compétitif, nous l'espérions, il l'est. Nom­breux contacts avec les confrères d'Outre­Adantique : ils sont prévus.

Quant à ceux qui ne sont pas convaincus de prime abord, qu'ils interrogent ceux qui ont assisté à la séance de films du 14 février.

Les absents et les retardataires auront une fois de plus tort. C'est bien connu.

ASSOCIATION BELGE DES EXPERTS -ABEX. - (groupant les expert& de toutes le& disciplin.e&). Là liste· des experts avec le détail de leur& spécialités est envoyée gracieusement aux magistrats et aux avocats. Toute corres· pondance est à adresaer au secrétaire général, M. Elie POUPKO, 17, place Constantin Meu­nier, Bruxellea 18. Tél. 44.71.50.

DATES RETENUES * Conférence du Jeune barreau de Bruxelles. - 20 février 1967 à 20 h : Raymond Gérome :

Tradition et renouveau dans le jeu de l'acteur (Centre culturel d'Uccle). Prix des places :. membres 75 F; Etudiants : 50 F; Non-membres : 100 F. 2 mars 1967 à 12 h 30 à la Trattoria : Déjeuner des magistrats (prix : 200 F à payer au vestiaire ou au C.C.P. 610.55 de la Conférence du Jeune barreau avant le 28 février 1967).

- 13 avril 1967 : Conférence de M. le bâtonnier Thévenet : « Sainte-Hélène - Petite île ~-

- 26-27-28 avril 1967 : Prix Lejeune, Janson et du Président (s'inscrire avant le 31 mars auprès de Me Durieux).

- 29-30 avril et 1er mai 1967 : Voyage en Belgi­que. ·

* Section de droit européen et d'outre-mer de la Conférence du Jeune barreau. - Rappel. -Mardi 21 février : « le droit d'établissement ~- ques­tion particulière : droit d'établissement des sociétés ».

La conférence aura lieu à 1 1 heures précises au palais de justice, cour militaire.

* XX" congrès interuniversitaire flamand de droit à l'Université libre de Bruxelles.

Programme :

Vendredi 24 février 1967

I o h Academische opening

10h30 Prof. Dr. W. Brand, Hoogleraar aan de R.U. te Leiden en de G.U. te Amsterdam : « Het wereldbevolkingsvraagstuk »

12h30 Receptie aangeboden door de Heer Marcel Homes, Rector aan de Vrije Universiteit te Brussel

15 h De Heer Dr: Nathan 'Weinstock, Assistent aan de Rijksuniversiteit te Gent : « Kriti­sche bespreking van de Belgische wetgeving betreffende abortus en anticonceptie »

128

16h30 De Heer Dr. J.-A. Reymond, Assistent aan de Universiteit te Genève : « La législation suisse en matière d'avortement et de limita­tion des naissances »

20 h Banket.

Samedi 25 février 1967 10 h Mgr Victor Heylen, Hoogleraar aan de Ka­

tholieke universiteit te Leuven » « Abor­tus volgens de katholieke opvatting »

II h 30 Prof ... Dr. J. Kruithof, Hoogleraar aan de Rijksuniversiteit te Gent : « Een vrijzin­ning standpunt ten aanzien van de proble­men van geboortebeperking en abortus pro­vocatus ~

15 h Prof. Dr. René Vanden Driessche, Hoog­leraar aan de Vrije Universiteit te Brussel : « Abortus provocatus, Abortus op medi­sche indicatie en Geboorteregeling »

17 h Slotrede en besluiten

21 h Het congres danst op het jaarlijks Geuzen­bal, Hotel Plaza, Boulevard Adolf Max. A vondkledij gewenst.

Pour tous renseignements, s'adresser 22, avenue Paul Heger, Bruxelles 5, tél. 49.00.30 - ext. 2174.

SOCIÉTÉ GÉNÉRALE DE BELGIQUE Rapport de J'exercice 1966

Dans son introduction, le rapport annuel de la SOCIETE GENERALE DE BELGIQUE relève deux caractéristiques fondamentales de l'évolution économique du monde occidental en 1966 ·: la hausse très vive des taux d'intérêt et le fléchis­sement quasi général du rythme d'expansion.

Il traite ensuite d·e trois problèmes d'actualité concernant la Belgique : la rentabilité insuUi­sante des entreprises industrielles, le finance­ment des dépenses publiques et la reconversion des régions affectées par le déci1.1n ou les dlffi­cuJ.tés de certaines industries.

L'insuffisante rentabilité des entreprises bel­ges, imputable notamment à un accroissement des charges de salaires nettement supérieur à ce qu'autorisaient les progrès de la productivité dans le pays, remonte à plusieurs années. Déjà dans son rapport de 1962, la SOCIETE GENE­RALE DE BELGIQUE exprimait la crainte que le développement des entreprises nationales en pâtit. Les f•aits ont ·malheureusement confirmé ces appréhensions; diverses statistiques citées dans le rapport qui vient d'être publié le démon­trent. L'une d'eLles compare le rendement moyen des sociétés industrielles belges cotées en bourse à celui des 500 plus importantes sooiétés indus­trielles américaines. Le premier est inférieur, de­puis 1963, à 6 p.c. des capitaux propres; le se­cond s'est élevé en moyenne, en 1965, à 13 p.c. des fonds inv.estis.

On comprend dès lors aisément l'attrait que le Marché commun a exercé sur les grandes entre­prises américaines, dotées de moyens financiers considérables. C'est ce qui explique l'ampleur des investissements qu'elles ont réalisés et réalisent encore en Europe, et particullèremen t dans no­tre pays.

De leur côté, les entil."eprises belges n'ont guère la possibilité de faire encore appel au marché des capitaux à risque. Beaucoup se sont endet­tées jusqu'à la limite de leur capacité; leur as­sise financière, constituée par leur capital-ac­tions ne leur permet pas d'aJ.ler au-delà.

A ce propos, le rapport souligne la portée li­mitée de l'octroi de 'crédits à taux réduit, tel qu'il est prévu par la loi de reconversion régio­nale de juiUet 1966. Il évoque l'opportunité de recourir à des détaxations pour renforcer les dis­ponibilités propres des entreprises. C'est ce que fit le Gouvernement a.méricain en 1964. Hélas, la liberté de manœuvre des pouvoirs publics belges est fort réduite en cette matière, en raison de la mauvaise situation budgétaire.

Les dépenses publiques ont pris partout une ampleur considérable. Dès lors, leur affectation a une très large incidence sur le niveau de vie. Il faut donc - souhaite le rapport - que l'ad­ministration entreprenne un effort parallèle à celui que le secteur privé a accompli en contri­buant à l'accroissement rapide de la productivité. D'autres mesures sont suggérées en vue de ré­soudre les problèmes de financement de l'Etat,

telle l'instauration du péage· sur certaines auto­routes, à l'instar de ce qui s'est fait avec succès en Italie.

La reconversion régionale est l'une des ques­tions le plus âprement débattues dans notre

. pays. Il faut savoir toutefois que la disparition d'entreprises et même d'industries, est un phé­nomène normal à une époque de développement rapide et d'augmentation accélérée des revenus. L'élimination d'activités devenues non rentables est le prix que le pays a dü payer pour bénéficier d'une a.mélioratlo·n du niveau de vie atteign·ant 45 p. c. depuis 1953, et pour augmenter dans le même délai, de plus de 300.000 le nombre de personnes au travail.

Trois provinces sont particulièr·ement touchées par le recul de il.'industrie charbonnière. Comme, auparavant, deux d'entre elles faisaient réguliè­rement appel à la main-d'œuvre d'autres provin­ces ou d'autres pays, les problèmes d'emploi qui s'y posent sont moindres que ne le laisse a.ppa.­raitre le nombre des licenciements. Il n'empêche qu'au-delà de cet aspect de la question, subsis­tent les autres conséquences d'un certain déclin économique, notamment sur le plan psycholo­gique.

Analysant les moyens susceptibles d'améliorer la vitalité économique des régions en cause, le rapport montre le rôle primordial d'une bonne infrastructure routière : la. route est le moyen de transport le plus employé, surtout au moment où l'industrie lourde voit son importance rela­tive décliner. IJ. est noté que le Hainaut, situé à l'intersection des axes Amsterda.m-Pa.ris et Ruhr­Dunkerque, dispose à cet égard d'un atout prin­cipal qui, malheureusement, n'a pas encore été mis en valeur

Mats l'existence d'une bonne infrastructure rou­tière n'est pas suftisante. La poursuite du déve­loppement industriel et l'éclosion d'initiatives dépendent en ordre principal - et c'est sur ces mots que se termine l'exposé général du rapport annuel - «des conditions d'activité des entre­prises, en particulier de leur faculté de rémuné­·rer· adéquatement tous les concours auxquels el­les doivent faire appel».

Le document contient en outre, comme de coutume, un aperçu de la situatio:Q des diffé­rents secteurs auxquels la SOCIETE GENERALE DE BELGIQUE est intéressée.

Dans le commentaire consacré à l'évolution économique de la République démocratique du Congo, on attire l'attention sur la dégradation progressive, en 1966, de la situation financière des entreprises installées dans ce pays, sous le poids des charges d'impôts et de salaires en ma­joration sensible. Les négociations infructueuses qui se sont déroulées avant le 31 décembre der­nier, entre le Gouvernement congolais et les principales sociétés industrielles établies sur place, y sont évoquées.

Février 1967.

Page 16: (JO~RNu lRIBIJnfJXl'objectif du « Vlaamsch Genootschap » paraît plutôt restreint et est exprimé à tout le moins en termes fort prudents: «l'exercice de l'élo quence judiciaire

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* Vlaams Pleitgenootschap. - 6 mars 1967 à 20 h 30 : M. W De Clercq, vice premier ministre et ministre du budget parlera de : « Sociale fictie, so­ciale wetenschap, sociale werkelijkleid » (salle des audiences solennelles de la cour d'appel au palais de ustice de Bruxelles).

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SOMMAIRE du 18 février 1967.

DOCTRINE:

Jaak Van Doorselaere. - Soixante-quinze an­nées de présence flamande au barreau de Bruxel­les.

LA .VIE DU DROIT :

Arthur De Meulder. - Bail à ferme et terrains à bâtir.

JURISPRUDENCE : 1. COUR EUROPEENNE DES DROITS DE

L'HOMME. - Litige ayant trait à l'interpréta­tion et à l'application de la Convention de sauve­garde. - Griefs déclarés recevables par la Com­mission. - Rapport de la Commission faisant ap­paraître la nécessité "' in specie » d'une interpréta­tion de la Convention. - COMPETENCE DE LA COUR. -Moyen tiré de l'absence de rapport en­tre les griefs et la Convention. - REJET. -Il. CONVENTION DE SAUVEGARDE ET PRO­TOCOLE ADDmONNEL. -.Objet : fixer des normes internationales à respecter par les Etats Contractants sur leurs rapports avec les personnes placées sous leur juridiction, en des matières qui relèvent normalement de l'ordre juridique interne. - Moyen tiré de la notion de domaine réservé.·­REJET (Cour européenne des droits de l'homme, 9 février 1967).

BIENS RURAUX. - DROIT DE PREEMP­TION. - Terrain à bâtir. - Terrain à destina­tion industrielle. - Bail. - Défaut de déclaration. - Reconnaissance par le juge de paix. - Doit être antérieure à la vente (Cass., 1re ch., 4 novem­bre 1966).

SOCIETE. - Exploitation commune. - Loca­tion de choses mobilières. - Contrat. - Loca­tion de ·voitures sans chauffeur. - Ne constitue

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Cours et conférences : Le rapprochement du droit des sociétés dans le cadre du Marché com­mun, par Xavier Magnée. - La Robe prétexte : Cycle de cours pourstagiaires au Jeune barreau de Bruxelles, par Charles Unikowski. - Coups de règle, par Tertius. - Thémis et. les Muses : Les petits pois, par Marcel La Haye. - Bibliographie : A. M. Euler : « Europaïsches Beamtenstatut "• par P. Pescatore et J. Hippert. - Notes bibliographi­ques : Alain Dw·ieux : "' La condition de la fem­me mariée,., par J.D. -Echos.- Dates retenues.

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rie-Thérèse CUVELLIEZ. Chronique judiciaire : Bernard VAN REEPINGHEN. Comité de direction : Cyr CAMBIER, Robert PmsoN, Ro­

bert HENRION.

ADMINISTRATION : Maison Perd. LARCIER, s.a., 39, rue des Minimes.

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J.-M. RYCKMANs, docteur en droit.

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