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Emilie SALVI ISARA-Lyon 31, Place Bellecour 69288 LYON CEDEX 02 Agriculteur en Soule : un métier attractif ? facteurs de renouvellement des exploitations souletines. Mémoire de Fin d’Etude réalisé pour la Communauté de communes de Soule. Sous la direction de : Jacques Rémy, directeur de recherche à l’INRA-Unité MONA, Ivry-sur-Seine et, Jean-Marc Arranz, ingénieur recherche et développement au CDEO, Ordiarp, Soule. Enseignant responsable : Annie Dufour, enseignant-chercheur, Pôle Sciences Sociales et de Gestion, ISARA-Lyon. Octobre 2005 - 1 -

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Emilie SALVI ISARA-Lyon 31, Place Bellecour

69288 LYON CEDEX 02

Agriculteur en Soule : un métier attractif ?

facteurs de renouvellement des exploitations souletines.

Mémoire de Fin d’Etude réalisé pour la Communauté de communes de Soule.

Sous la direction de :

Jacques Rémy, directeur de recherche à l’INRA-Unité MONA, Ivry-sur-Seine et,

Jean-Marc Arranz, ingénieur recherche et développement au CDEO, Ordiarp, Soule.

Enseignant responsable :

Annie Dufour, enseignant-chercheur, Pôle Sciences Sociales et de Gestion, ISARA-Lyon.

Octobre 2005

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Ce document ayant été réalisé par des Elèves-Ingénieurs de l’ISARA-Lyon dans le cadre d’une convention avec la Communauté de communes de Soule-Xiberoa, toute mention, communication ou diffusion devra faire état de l’origine de l’ISARA-Lyon.

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Nombreux sont ceux qui m’ont aidée à la réalisation de ce mémoire de fin d’étude, et je tiens

à ce que ces personnes trouvent ici, l’expression de ma reconnaissance.

Je tiens d’abord à remercier Jean-Marc Arranz, Annie Dufour et Jacques Rémy pour leur

encadrement et le soutien qu’ils m’ont apporté au cours des diverses étapes de ce travail.

Leurs remarques et suggestions m’ont été d’un grand secours tout au long de l’étude et ont

contribué à l’aboutissement de ce mémoire.

Je tiens ensuite à remercier les membres de la Communauté de communes de Soule,

notamment Jean-Baptiste Quéheille et Anne-Marie Thornary, qui ont souhaité la réalisation

de cette enquête et qui m’ont accordé leur confiance. J’adresse également mes remerciements

aux membres du Centre Ovin qui ont su nous faire une place dans leurs locaux et

particulièrement à Claude Soulas qui a accepté de se voir doté d’une stagiaire supplémentaire.

Je remercie également les proviseurs et les enseignants des lycées qui ont adhéré à notre

démarche en acceptant de faire passer des questionnaires à leurs élèves.

Enfin, ma reconnaissance s’adresse à toutes les familles souletines qui m’ont reçue et qui

m’ont confiée leur récit de vie. Je les remercie pour leur accueil chaleureux et la confiance

qu’ils m’ont accordé. J’espère qu’ils se retrouveront dans les lignes qui suivent.

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SOMMAIRE

SOMMAIRE ........................................................................................................ 4

INTRODUCTION GENERALE ....................................................................... 5

PARTIE I : EVOLUTION DE LA SOCIETE SOULETINE......................... 6

CHAPITRE 1 : LA SOULE, UN TERRITOIRE DYNAMIQUE ENCORE MARQUÉ PAR SA TRADITION

AGRICOLE ................................................................................................................................6

CHAPITRE 2 : UNE ÉTUDE SOCIOLOGIQUE POUR ANALYSER L’ATTRACTIVITÉ DU MÉTIER

D’AGRICULTEUR ....................................................................................................................19

CHAPITRE 3 : ELÉMENTS DE MÉTHODE ..................................................................................23

PARTIE II : LA DETERMINATION DU CHOIX DU METIER AGRICOLE ....................................................................................................... 32

CHAPITRE 1 : L’INSTALLATION PAR GOUT POUR LE MÉTIER...................................................32

CHAPITRE 2 : LA « SUCCESSION FAMILIALE » TRADITIONNELLE............................................39

CHAPITRE 3 : LE RÔLE DE LA FAMILLE DANS LA CONSTRUCTION DU CHOIX :..........................45

PARTIE III : LA PERCEPTION DU METIER AU SEIN DES FAMILLES D’AGRICULTEURS ........................................................................................ 53

CHAPITRE 1 : LE METIER DANS SON ENVIRONNEMENT............................................................53

CHAPITRE 2 : LA PERCEPTION DU METIER...............................................................................69

CHAPITRE 3 : REGARDS DE FILLES D’AGRICULTEURS SUR L’AGRICULTURE EN SOULE...........82

PARTIE IV : PROPOSITIONS ET OUVERTURE...................................... 86

CHAPITRE 1 : L’INSTALLATION DES JEUNES AGRICULTEURS..................................................86

CHAPITRE 2 : LE DÉTOUR ......................................................................................................87

CONCLUSION GENERALE .......................................................................... 89

SIGLES ET ABREVIATIONS UTILISES..................................................... 93

FICHE BIBLIOGRAPHIQUE ........................................................................ 94

TABLE DES MATIERES ................................................................................ 98

ANNEXES........................................................................................................ 102

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INTRODUCTION GENERALE

Le métier d’agriculteur est en pleine évolution, et la question de son attractivité se pose en

termes sociaux : attire-t-il encore suffisamment les jeunes générations pour assurer la propre

reproduction sociale du groupe agricole ? Par ce questionnement, nous touchons aux

problèmes de l’installation en agriculture : thème d’ampleur générale qui fait l’objet d’une

forte intervention professionnelle collective mais qui se joue encore au cœur même des

familles agricoles1.

En Soule, les principes traditionnels de transmission inégalitaire perdurent depuis des temps

très anciens, mais ils présentent aujourd'hui certains signes de faiblesse. Le système de

transmission préférentiel, en attribuant l’intégralité du patrimoine familial à l’aîné, garantit le

non morcellement des exploitations et permet la conservation et la transmission du patrimoine

des familles souletines. Aujourd'hui, malgré un relatif maintien du nombre annuel

d’installations, la conservation des lignées ne semble plus être l’objectif défendu par tout le

groupe : des familles se retrouvent sans successeur et de nombreux « aînés » sont célibataires.

Dans ce contexte, la Communauté de communes de Soule a souhaité lancer une étude sur « le

métier d’agriculteur » afin de comprendre les représentations sociales qu’il véhicule et

d’appréhender la manière dont il est vécu par ceux qui se sont installés. Il s’agit de mettre en

évidence les facteurs qui rendent le métier d’agriculteur « attractif » aux yeux des jeunes et

d’identifier dans quelles conditions les familles agricoles souletines parviennent à s’assurer

une succession.

La première partie présente le contexte dans lequel s’inscrit la démarche de cette collectivité

territoriale et décrit les évolutions auxquelles est confronté le monde agricole souletin. La

seconde partie s’intéresse aux facteurs qui motivent l’installation agricole : Pourquoi

s’installe-t-on en Soule ? Dans quels contextes, le métier d’agriculteur apparaît-il comme

« attractif » ? La troisième partie est consacrée aux représentations et aux stratégies des

agriculteurs souletins et la dernière partie propose une mise en perspective des suggestions

faites par les personnes rencontrées lors de l’étude.

1 Le métier d’agriculteur présente encore aujourd'hui le plus fort taux d’endo-reproduction sociale c'est-à-dire que les agriculteurs de demain sont principalement recrutés parmi les enfants issus de familles agricoles.

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PARTIE I : EVOLUTION DE LA SOCIETE SOULETINE

Le Pays Basque est une terre particulière, de luttes, de légendes et de tradition. Pour mener

une étude sur un tel territoire, il est essentiel de présenter le contexte de manière précise afin

d’approcher les phénomènes observés avec plus de profondeur.

Le domaine agricole qui nous intéresse ici, est l’un des piliers de la société traditionnelle

basque. Les pratiques coutumières sont encore profondément ancrées et sont importantes à

connaître pour comprendre par la suite, les représentations des agriculteurs sur leur métier ou

leurs façons d’envisager la transmission.

Cette première partie se propose donc de présenter le contexte de la société souletine avec ses

caractéristiques économiques et sociales, son agriculture et les pratiques coutumières. Nous

présenterons ensuite la démarche de la Communauté de communes de Soule qui a décidé de

mener cette étude sur le métier d’agriculteur, et la façon dont nous avons choisi de traiter le

sujet.

CHAPITRE 1 : LA SOULE, UN TERRITOIRE DYNAMIQUE ENCORE MARQUÉ PAR SA

TRADITION AGRICOLE

La Soule a fait l’objet de nombreux écrits et a inspiré un grand nombre d’universitaires,

historiens, sociologues, ethnologues, géographes… Elle est souvent présentée comme la plus

atypique des provinces du Pays basque avec son parler propre, ses traits culturels et

économiques particuliers. Nous allons tenter ici de décrire cette terre, berceau d’innovations

et mue par un fort esprit d’adaptation ; terre qui nous a accueillie pour ce travail. Cette

présentation du contexte d’étude est le résultat d’une analyse statistique (recensements

agricoles publiés par la statistique agricole Agreste et recensements de population édités par

l’INSEE) et bibliographique.

1. Un territoire en déclin démographique touché par une crise du secteur

industriel

1.1 La Soule plus petite province du Pays Basque

La Soule est la plus petite et la plus orientale des sept provinces du Pays Basque, située au

cœur du département des Pyrénées-Atlantiques, entre le Béarn au Nord et à l’Est, l’Espagne

au Sud et la Basse Navarre à l’Ouest (voir annexe 1). Morphologiquement, il s’agit d’une

vallée orientée Sud-Nord le long du Saison et présentant un verrou naturel à la hauteur de

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Mauléon Licharre. On parle donc communément de la « Haute Soule » pour la partie au sud

de ce verrou qui est représentée au niveau administratif par le canton de Tardets, et de la

« Basse Soule » pour la partie nord représentée par le canton de Mauléon. Ce découpage

administratif en deux cantons pour trente-cinq communes ne respecte pas exactement les

tracés de la Soule historique qui comptait quarante-trois communes. Cependant, c’est sur ce

tracé que l’intercommunalité souletine s’est créée et que siège aujourd'hui la Communauté de

Communes.

Le territoire de Soule compte 13 471 habitants (source : INSEE 1999) pour une surface de

697 kilomètres carrés, ce qui fait une densité moyenne de vingt habitants au kilomètre carré.

La population n’est pas répartie de manière homogène sur le territoire, de nettes différences

de peuplement sont observables entre le territoire de Haute Soule montagneux, et la zone de

plaine du canton de Mauléon. Ainsi, on remarque une densité de 8,7 habitants au kilomètre

carré en Haute Soule contre 32 habitants au kilomètre carré en Basse Soule.

Par l’ensemble de ses aspects géographiques, démographiques, économiques et même

politiques, le territoire souletin présente une nature bi-polaire ; bipolarité qui a joué un rôle

dans l’histoire des rapports entre le « haut » et le « bas ».

1.2 Une déprise démographique notable, un taux de célibat élevé

A l’image des zones intérieures du Pays Basque et du Béarn, la Soule a connu au cours du

siècle dernier, une forte déprise démographique. Depuis 1836, sa population s’est réduite de

moitié. Deux phases sont identifiables dans ce processus de dépeuplement. Jusqu’au milieu du

XXème siècle, la natalité l’emportait sur la mortalité mais le pays était touché par une

émigration massive de la population (essentiellement masculine) vers les Amériques. Dès les

années 1950, la tendance démographique s’est inversée et la Soule a commencé à présenter un

déficit naturel important, avec une natalité bien en deçà des taux nationaux (7,9 naissances

pour 1000 habitants en Soule contre 12, 8 pour 1000 de moyenne française) et une mortalité

importante (15,8 décès pour 1000 habitants contre 9,2 de moyenne nationale).

Ces caractéristiques démographiques, qui concourent à une diminution du nombre

d’habitants, sont renforcées par un solde migratoire négatif. En conséquence, on assiste à un

vieillissement important de la population ; les personnes de plus de soixante ans comptant

pour un tiers du nombre total d’habitants en 1999.

Au niveau de la situation matrimoniale des souletins, le taux de célibat est très élevé sur le

canton de Tardets. D’une moyenne de 34%, c'est-à-dire comparable au taux national, il

s’élève à 45% dans la population masculine de ce canton. Les femmes sont à l’inverse peu

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touchées par le célibat sur cette zone : seules 22% d’entres elles ne sont pas mariées. Ce

nombre élevé de célibataires peut être en partie lié à une caractéristique démographique qui

touche la Haute Soule. On observe sur ce canton, un déséquilibre du sexe ratio en faveur des

hommes. Alors qu’il y avait un déficit d’hommes dans la population souletine lors de

l’émigration de la fin du XIXème siècle, nous assistons aujourd'hui à une sous représentation

des femmes. Par exemple, pour la tranche d’âge des 15-29 ans, on compte 191 femmes pour

250 hommes sur ce canton.

1.3 La Soule reste marquée par son passé industriel

Sur le plan économique, la Soule est caractérisée par la prédominance du secteur tertiaire qui

regroupe 46,5 % des emplois. Cette tertiarisation est récente, l’économie souletine a

longtemps été basée sur les secteurs industriel et agricole.

Contrairement à l’évolution à laquelle nous avons assisté au niveau national, avec une chute

de la place occupée par l’agriculture (4,2% des emplois en 1999) dans le paysage

économique, la Soule reste encore marquée par son secteur agricole qui représente 22, 5 %

des emplois.

Le profil d’emploi est différent entre les deux cantons. Mauléon, pour avoir été la capitale des

produits chaussants (notamment l’espadrille) jusqu’à la fin des années soixante-dix, reste

fortement marqué par le secteur industriel qui représente 27 % des emplois. Le canton de

Tardets présente une vocation plus agricole avec 33 % des emplois (voir annexe 2).

Le chômage lié à la crise de l’industrie chaussante a été quelque peu résorbé par la

diversification des industries de transformation et la croissance du secteur tertiaire mais le

taux reste élevé (10,6 % sur Mauléon et 8,1 % sur Tardets en 1999, INSEE), surtout dans la

population féminine. L’un des éléments importants du secteur industriel est le renforcement

de l’agroalimentaire avec notamment l’implantation en Soule de la Fromagerie des Chaumes

qui à partir des années quatre-vingt, est devenu le collecteur quasi exclusif du lait de brebis

en Soule.

2. Une agriculture traditionnelle encore active aujourd'hui

2.1 Une terre d’élevage basée sur une tradition pastorale ancestrale

L’agriculture en Soule est caractérisée par l’élevage ovin-lait sous une forme partiellement

extensive avec une utilisation accrue de l’espace pastoral. La surface des exploitations

souletines est assez faible, bien qu’elle ait fortement augmenté au cours des vingt dernières

années passant de 17 hectares en 1979 à 30 hectares en 2000 (source RA2000). Les terres

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d’estive ont toujours été utilisées pour compenser cette faible superficie des exploitations de

base.

Comme sur le reste du Pays basque intérieur et de la montagne béarnaise, l’économie agro-

pastorale de subsistance s’est maintenue jusqu’au milieu du XXème siècle en Soule, pour

s’orienter progressivement vers l’élevage mixte (lait-viande). La déprise agricole y a été plus

modérée que dans la plupart des autres zones défavorisées : il en résulte une surcharge

animale qui participe, aujourd’hui, à la fragilisation des systèmes de production.

2.2 La filière ovin lait en Soule :

On ne parle de « filière ovin-lait » dans les Pyrénées Atlantiques que depuis une trentaine

d’années. Jusqu’au début des années soixante-dix, la production laitière du département

servait à la fabrication du Roquefort. Le désengagement des industriels du rayon Roquefort va

modifier profondément la donne, en obligeant les producteurs à trouver de nouveaux

débouchés. Ainsi, lorsque la collecte du lait par la Société des Caves de Roquefort a cessé, la

production de tommes en pâte pressée non cuite s’est développée passant d’une

transformation de douze millions à cinquante millions de litres de lait en moins de trente ans

(Arranz, 2003).

Les producteurs se lancent alors dans une démarche qualité pour faire reconnaître la

spécificité de leur produit. En 1981, la tomme acquiert l’appellation d’origine contrôlée Ossau

Iraty. L’AOC est créée sur un territoire qui comprend les zones pyrénéenne et piémontaise du

Pays Basque et du Béarn et sur la production laitière des trois races locales de brebis : manex

tête noire et tête rousse et basco-béarnaise. Sur les neuf mille tonnes de tommes à pâte pressée

non cuite fabriquées, seules un tiers le sont sous signe de qualité AOC Ossau Iraty. Le tissu

dense de la production laitière ovine en Pyrénées-atlantiques est basé sur un réseau

d’entreprises agroalimentaires2 et sur des démarches collectives de valorisation des

productions.

En Soule, la filière s’est organisée autour de l’implantation de l’usine du groupe Chaumes à

Mauléon. Cette structure collecte près de 80 % du lait produit sur le territoire souletin. Au

niveau de la filière carnée, la création de la coopérative Axuria a permis le développement de

la vente des agneaux de lait sous label rouge. La production d’agneau s’est tournée vers une

mise en marché « d’agneau de lait festif » lors des périodes de Noël et de Pâques, l’Espagne

étant le principal importateur. La Soule dispose d’un avantage concernant la production de

viande puisque que l’un des sept abattoirs agréés (normes européennes) du département est

2 On peut citer Berria, Chaumes, Irulegi, Lur Berri, CAOSO, 3A, Pyrénéfrom…

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localisé à Mauléon. Il occupe la deuxième place au niveau du tonnage annuel traité sur le

département avec trois mille tonnes en 2002 (source SCEES).

La sélection collective des trois races locales s’est organisée dès les années soixante-dix avec

la création en 1975 sur la commune d’Ordiarp en Soule, de la coopérative d’insémination des

Pyrénées (CIOP). Sur ce site, le contrôle laitier et la recherche se sont ensuite développés avec

l’implantation de l’UPRA en 1976 et la création de la SICA CREOM en 1980. Aujourd'hui,

ces différentes coopératives ont été regroupées sous le nom de « centre départemental de

l’élevage ovin » (CDEO) : une unique coopérative qui comprend un service de génétique et

un bureau de recherche, le tout géré par un service administratif. Le bureau de recherche vient

récemment de prendre en charge l’animation et le secrétariat du nouveau groupement

scientifique d’intérêt général (GIS) créé officiellement en Octobre 2003 entre différents

acteurs de la filière lait et des partenaires techniques ( l’association régionale des éleveurs

ovins viande et lait d’Aquitaine, l’Interprofession lait de brebis, le CDEO, la chambre

d’agriculture 64, le syndicat de défense AOC Ossau Iraty, le groupement de défense sanitaire

64, l’INRA, l’Institut de l’élevage…).

2.3 L’agriculture basque résiste mieux à la baisse du nombre d’exploitations que le reste de la France

Au niveau national, entre les deux derniers recensements (1979 et 2000), le nombre

d’exploitations a pratiquement été divisé par deux (diminution de 47 %). En Soule, cette

baisse est moindre puisque seulement 32 % des fermes ont disparu en vingt ans. Si l’on

considère les autres zones du département comme la Basse Navarre ou le Haut Béarn, la

diminution du nombre de chefs d’exploitation sur cette période est à peu près semblable à

celle de la Soule avec une baisse de - 28 % en Soule, -21 % en Basse Navarre et de - 27 % en

Haut Béarn.

Au niveau de la structure d’âge des chefs d’exploitations souletins on observe une répartition

homogène entre les différentes classes d’âge. Les chefs d’exploitation de moins de 40 ans

représentaient encore 28 % de l’ensemble en 2000.

Concernant le nombre annuel d’installations il semble que le taux se maintienne à environ

vingt démarches par an. Quand on considère l’évolution du nombre de DJA demandées

depuis la création de cette aide à l’installation en 1973, on remarque de légères variations

annuelles, mais pas de chute caractéristique du nombre de demandes (voir annexe 3). Ainsi, le

nombre de dossiers déposés en 2003 correspond exactement à la moyenne des demandes

enregistrées sur les trente dernières années, à savoir : dix-huit dossiers. Les installations non

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aidées représentent environ 16 % du total des installations souletines. Lorsque l’on s’intéresse

aux chiffres départementaux, on remarque que sur les cent onze demandes de DJA

enregistrées par l’ADASEA en 2003, 63 % le sont en zone de montagne et les trois quarts sur

le Pays Basque. Face à ce constat, on peut se demander pour quelles raisons les installations

sont plus nombreuses dans des zones qui présentent plus de handicaps à la production. Est-ce

la force de l’attachement à la montagne basque qui assure le maintien de ce taux

d’installation ?

2.4 La population agricole souletine marquée par le célibat

La population agricole souletine est marquée par le célibat dont le taux est deux fois plus

élevé qu’à l’échelle nationale (voir annexe 3). En Soule, un chef d’exploitation sur trois est

célibataire alors qu’au niveau national le célibat ne concerne que dix-huit pour cent des chefs

exploitants. Le canton de Haute Soule est le plus touché par ce phénomène avec quarante-

deux pour cent de célibataires parmi les agriculteurs de sexe masculin.

La succession de ces exploitations conduites par des célibataires demeure incertaine. Le

célibat chez ces agriculteurs est une source de fragilisation, d’isolement social et

professionnel et il est difficile de prévoir le devenir de leurs fermes.

Les élus de la Communauté de communes, ont engagé une démarche sur les installations de

personnes hors du cadre familial (IHCF) pour tenter d’éviter qu’un trop grand nombre de

sièges d’exploitations ne disparaisse, les terres étant reprises par les voisins. Cependant, le fait

de céder à des personnes étrangères à la famille ou étrangères au peuple basque, semble

difficile à envisager par les agriculteurs, dans une région où la maison « exte », constitue

l’institution de base de la société et doit rester aux mains de la famille.

3. La subsistance des pratiques coutumières

3.1 Une exploitation collective des estives

Les activités pastorales en Soule sont primordiales puisqu’elles contribuent à compenser les

faibles superficies des exploitations de base. Au recensement agricole de 2000, 66 % des

exploitations souletines utilisaient des parcours collectifs.

Le Pays basque dispose d’un système particulier quant à l’utilisation et l’appartenance des

territoires d’estive. Ainsi, depuis l’Antiquité (Lafourcade, 1997), les Basques conservent le

régime de la propriété indivise des terres. Cela signifie que les terres vacantes appartiennent à

tous les membres de la communauté. Le terme de « propriété » est donc attaché à la qualité

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« d’habitant du pays ». Jusqu’en 1789, c’est la communauté qui administre les terres

collectives. La Révolution française simplifie les dispositifs et met en place le découpage

administratif en communes, en affectant les estives aux communes les plus proches. Les

souletins s’opposent à ces affectations arbitraires qu’ils jugent contraire à leurs principes

ancestraux de propriété indivise, et se battent pour faire reconnaître leur coutume.

L’ordonnance du 3 juin 1838 vient rendre raison à leur contestation en attribuant la gestion du

foncier des estives à des commissions syndicales de vallée, ou syndicats de vallée. La

Commission syndicale du Pays de Soule est composée de quarante-trois communes et

gère environ 15000 hectares de terrains indivis, répartis sur sept communes dites « communes

supports ». Dans ce système, l’herbe appartient à l’éleveur du pays, le gros bétail a le droit de

libre parcours sur l’ensemble du territoire syndical alors que les brebis sont restreintes à des

territoires limités : « les cayolars » ou « olha ».

En Soule, le cayolar est l’unité de base du système de transhumance. Il correspond à une

cabane plus quelques ares. Le groupe d’éleveurs à qui appartient le cayolar, s’associe pour

l’entretien de la cabane et autrefois pour la fabrication du fromage. Le système était très

collectif et basé sur la réciprocité des tâches.

Selon la Coutume, les rôles sur l’estive étaient très bien définis entre les différents éleveurs et

chacun se voyait attribuer une tâche particulière : garde des agneaux, garde des brebis en

lactation, traite, fabrication fromagère... Jusqu’au début du siècle, on comptait six rôles

traditionnels ordonnés hiérarchiquement selon leur importance relative3. Dans les années

soixante, le nombre de rôles est tombé à trois. Aujourd'hui, du fait de la diminution de la main

d’œuvre l’institution traditionnelle de l’ohla n’existe plus, seul le principe de rotation reste en

vigueur, ordonnant à chacun des cayolaristes de monter garder à tour de rôle. Chaque éleveur

se retrouve donc seul à la cabane pour garder le troupeau de brebis. En général, les brebis sont

montées taries ; la traite et la fabrication fromagère ne se font plus (ou guère) en estive du fait

de la surcharge de travail pour l’unique berger, et du déficit de ressource fourragère dû au

surpâturage.

D’autres problèmes liés aux droits de propriété apparaissent aujourd'hui car de plus en plus de

possesseurs de parts (txotx) de cayolar ne sont plus agriculteurs. Cela génère des conflits

d’usage pas toujours aisés à résoudre.

3 Sandra Ott, Le cercle des montagnes, 1993. Cette recherche anthropologique sur le village de Sainte Engrâce porte sur les systèmes coutumiers, religieux et sur la gestion collective de la transhumance.

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3.2 L’indivisibilité des patrimoines familiaux

3.2.1 « L’etxe », clé de voûte de la société basque

La maison est la première institution au sein de laquelle s’insère l’individu dans la société

basque. Elle représente une entité économique, politique et familiale fortement hiérarchisée

accueillant sous son toit, une famille élargie ou « famille souche ».

La famille souche est un modèle qui a été décrit par de nombreux auteurs, comme F. Le Play

à la fin du XIXème siècle4. Traditionnellement, cette famille était composée d’un couple de

chaque génération (deux ou trois), des enfants mineurs, et parfois des frères et sœurs

célibataires de l’un des couples. A chacune de ces générations, la maison était administrée par

un responsable : le chef de maison ou « etxeko jaun » au Pays basque, qui en assumait la

gestion et la représentait dans les assemblées paroissiales. Tous les biens meubles et

immeubles, le domaine agricole, les droits sur les communaux, le jarleku (place à l’église

pour les femmes), la place de sépulture liés à cette maison, formaient un tout intangible,

propriété de la famille et dont nul n’avait le droit de disposer seul, pas même le chef de

maison.

La famille était symbolisée par sa maison dont elle empruntait le nom. Les occupants étaient

nommés du nom de celle-ci même s’il ne correspondait pas à leur patronyme. Lorsque la

famille qui détenait cette maison partait, le nom restait : « les familles passent mais la maison

demeure ». Ainsi, « l’etxe » basque était davantage qu’une cellule sur quoi se fondait la vie

familiale et sociale. Selon Philippe Veyrin, la maison était une véritable entité morale

exerçant des droits et imposant des devoirs qui dépassaient de fort loin la personnalité

éphémère de ses possesseurs5 (1947).

La survivance durant des siècles des noms de maisons et de l’ensemble des patrimoines

familiaux, a pu être possible grâce à un mode de transmission particulier qualifié

« d’inégalitaire » ou de « préférentiel » car un seul enfant héritait à chaque génération.

3.2.2 La conservation des patrimoines familiaux assurée par la transmission inégalitaire

Le droit basque s’inscrit dans un droit plus élargi qui concerne l’ensemble de la chaîne

pyrénéenne et qui s’articule autour de l’objectif de la protection du patrimoine. Pour J.F

4 Frédéric Le Play et al., Les Mélouga une famille pyrénéenne au XIXème siècle, 1994. 5 Philippe Veyrin, Les Basques, 1947.

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Soulet « aucun droit occidental ne poussait plus loin la protection du patrimoine que le droit

pyrénéen »6 ( 1974).

Selon la Coutume, seul l’enfant aîné était héritier de la maison et cela quel que soit son sexe.

En Soule et Basse Navarre, le privilège de la masculinité était plus étendu et l’héritier était

bien souvent le premier enfant de sexe masculin. Cependant, la définition de l’aîné s’est

modifiée au cours du temps selon les groupes et les époques : l’aîné fut tantôt le premier né,

tantôt le premier né garçon, ou un « aîné » décrété par le père indépendamment de son rang de

naissance.

Le rôle de l’héritier était d’assurer la reproduction du patrimoine familial sur différents

aspects :

- sur le plan humain car il avait en principe lui-même des enfants, futurs héritiers,

- sur le plan économique car il gérait le patrimoine financier et foncier,

- sur le plan social car il assurait la cohésion de la maisonnée.

Le transfert du patrimoine à un seul enfant permettait d’éviter le morcellement des

exploitations. En contrepartie de la transmission de ce patrimoine, l’héritier était tenu de

respecter certaines obligations sociales envers sa famille. Il devait notamment prendre soin de

ses père et mère jusqu’à leur mort ainsi que des enfants célibataires restés à la maison. Il était

également tenu d’accueillir ses frères et sœurs partis de la maison, lorsqu’ils y revenaient pour

cause d’infortune. Selon le droit basque, les cohéritiers étaient dotés et exclus de la succession

de leurs parents. Ils avaient le choix entre un départ de la maison familiale moyennant une

compensation pour leur renoncement à la terre, ou une vie à travailler pour leur frère aîné en

s’engageant à rester célibataire. Deux conditions étaient donc nécessaires pour que ces formes

de transmission préférentielle puissent exister :

• qu’au moins un enfant puisse être agriculteur.

• que les autres enfants concèdent l’intégralité du patrimoine familial à leur aîné.

De plus, pour que ce système puisse fonctionner et que les cohéritiers souhaitant partir soient

dotés, le mariage de l’héritier devait respecter un certain nombre de conditions. Avant 1914

les mariages étaient régis par des règles très strictes (Bourdieu, 2002) auxquelles l’héritier

devait se plier pour que la continuité du lignage soit assurée. Un héritier devait s’unir

obligatoirement avec une cadette (et inversement) pour que le droit d’aînesse intégral soit

6 Jean-François Soulet, La vie quotidienne dans les Pyrénées sous l’Ancien Régime, 1974.

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respecté. A cette époque, le mariage était donc l’affaire d’un groupe plus que celle d’un

individu « c’est la famille qui mariait et on se mariait avec la famille »7.

Aujourd'hui, le système de transmission coutumier n’est plus appliqué aussi strictement, il

n’existe plus d’ossature juridique pour qu’il le soit et c’est grâce à l’habilité de notaires locaux

que cette transmission peut continuer à se faire sans morcellement du patrimoine. Au niveau

des familles agricoles, la non division de l’exploitation n’est plus forcément l’objectif

commun de tous les membres : il n’est plus aussi évident pour les autres enfants de renoncer à

leurs droits et certains réclament leur dû.

3.2.3 Les problèmes actuels de transmission

Comme nous venons de le voir, la garantie du maintien de l’indivisibilité du patrimoine tient

au fait qu’il doit exister une forte solidarité au sein des familles et qu’au moins l’un des

enfants accepte de reprendre l’exploitation familiale. Aujourd'hui, le fait d’avoir des enfants

ne garantit plus automatiquement la reprise. Les études se sont allongées et les mœurs ont

évolué, il arrive qu’aucun des enfants ne soit intéressé par l’agriculture. Ramon Barcelo

remarque dans un travail réalisé en 1988 en Soule, que les changements de l’agriculture

régionale font naître des problèmes nouveaux dont l’augmentation du nombre d’exploitations

sans successeur est une conséquence directe8. Selon lui, les familles agricoles ne parviennent

plus toujours aujourd'hui, à concilier les intérêts contradictoires qui existent entre l’enfant

« héritier » et les autres, du fait des nouvelles exigences de ces derniers. Il arrive désormais

que les cohéritiers réclament la part du patrimoine à laquelle ils ont droit ou que les parents

souhaitent une répartition plus équitable entre leurs enfants. Ces aspects nouveaux rendent le

processus de reprise de l’exploitation plus délicat pour l’enfant qui s’installe.

Les éléments de la transmission des biens selon le droit coutumier basque sont importants à

saisir car ils ont modelé les esprits des familles d’agriculteurs. La coutume est ancrée

profondément dans les pratiques et son empreinte demeure encore très visible aujourd'hui. Les

7 Pierre Bourdieu, Le bal des célibataires : crise de la société paysanne en Béarn, 2002. Cette recherche sociologique porte sur l’évolution du célibat des agriculteurs dans la société paysanne béarnaise où le principe de transmission inégalitaire attribuait à l’aîné des enfants la gestion de l’ensemble du patrimoine. Les trois articles rassemblés dans cet ouvrage présentent la recherche menée par Pierre Bourdieu sur l’évolution du célibat agricole dans cette société. Comment expliquer que le célibat concerne aujourd'hui les ‘aînés’. Pierre Bourdieu revient sur les systèmes d’échanges matrimoniaux d’autrefois, qui étaient très codifiés et représentaient une transaction économique entre deux familles. Ce système d’échange matrimonial, en raison du droit d’aînesse intégral, devait se faire entre un héritier et une cadette et inversement car la continuité du lignage pouvait se faire indifféremment par une femme ou un homme. 8 Ramon Barcelo. Transmission héréditaire et systèmes de production : le cas de la Soule, 1988.

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manières de penser, de concevoir le métier, ou d’envisager la transmission des exploitations à

l’heure actuelle, témoignent de la puissance de cet héritage.

4. Une dynamique « développementaliste » forte

4.1 Origine du développement local en Soule

Une autre caractéristique de la Soule tient à sa capacité de générer des initiatives de

développement local. Au Pays Basque, le développement local est considéré comme un

mouvement coopératif qui trouve son origine à la croisée de quatre inspirations : l’idéologie

participative, le catholicisme, le sentiment identitaire basque et les pratiques coutumières de

l’échange réciprocitaire (Itçaina, 2005).

En Soule, la dynamique « développementaliste » a trouvé l’une de ses applications dans les

démarches de « Contrat de Pays ». Ce territoire fut l’un des premiers en France à s’engager

dans ce type de contrat en 1973, sous l’égide de la DATAR. A cette époque, la Soule

constituait un exemple de référence dans la démarche d’auto développement. C’est justement

au niveau de la démarche elle-même que ce premier Contrat de Pays a fait preuve

d’originalité, car il y a eu une volonté de faire participer la population à la définition des

objectifs prioritaires d’action. L’idée était que la population devienne « partie prenante active

du développement et qu’elle se constitue force volontaire »9 (Dalla Rosa Gilbert, 1986).

Au niveau agricole, c’est dans le syndicalisme que l’idéologie participative se développe à

partir des années 1970. C’est ainsi qu’est créé le syndicat ELB (Union des Paysans Basques)

en 1982 par esprit de contestation du syndicalisme majoritaire et pour affirmer des

revendications identitaires. Aujourd'hui, ELB est la branche basque de la Confédération

paysanne, sortie majoritaire au Pays Basque, lors des élections consulaires de 2001.

L’empreinte du catholicisme est également présente dans la genèse de ces mouvements de

développement. C’est au niveau agricole que cette empreinte est la plus visible car ce sont au

sein de mouvements d’Action catholique spécialisée : la JAC ou le MRJC que les fondateurs

du syndicat ELB se sont socialisés.

En Soule, la JAC est bien implantée depuis le début des années 1960. De nombreux jacistes

ou anciens jacistes participent aux contrats de pays et sont à l’origine de la création des

coopératives présentes en Soule. Sans volonté d’être exhaustif, on peut citer la Coopérative

d’Insémination Ovine des Pyrénées (CIOP) créée en 1975 ou la coopérative d’agneau de lait

Axuria créée en Novembre 1983. Ces structures implantées au cœur de la Soule font

9 Gilbert Dalla Rosa. La Soule à la recherche d’un autre développement, 1986.

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aujourd'hui partie intégrante de la filière ovin-lait des Pyrénées-Atlantiques et ont contribué à

son développement.

Sur le plan de la formation, la province souletine a également été la terre d’implantation du

centre de formation en milieu rural (AFMR) à Etcharry, véritable creuset d’expérimentation

du développement local. Ce centre, créé en 1960 proposait un enseignement basé au départ

sur l’agriculture mais qui s’est étendu à d’autres sphères du monde rural depuis. Il a été mené

par de nombreux formateurs de renom et a permis d’accélérer la mise en réseau des structures

de développement.

Aujourd'hui, les dynamiques de développement ont été reprises par le milieu associatif, très

actif en Soule. On citera par exemple, la démarche de l’association Azia (la graine) créée en

1998 par six étudiants dont l’action est tournée vers les jeunes (création en particulier d’un

CLEJ : Club Local d’Epargne pour les Jeunes).

Il est important de garder à l’esprit ces différents aspects de la Soule pour comprendre

l’origine de notre étude. La Soule est ainsi un territoire très dynamique au niveau du

développement local qui présente une grande capacité d’adaptation. Dans un contexte où

l’agriculture est encore vivace et active, la demande d’une telle étude ne témoigne-t-elle pas

que les souletins sont toujours dans cette démarche de réactivité, d’adaptation qui a fait leur

force ?

4.2 Réactions des élus face à certains signes inquiétants

Après les années de 1975 à 1990 où le développement économique de la Soule s’est appuyé

sur la force de son agriculture, nous sommes entrés dans une période où on assiste à un

désengagement des agriculteurs vis-à-vis du collectif. Les élus s’interrogent sur ce

phénomène et s’inquiètent quant à l’avenir de l’agriculture sur le territoire souletin.

Certains signes d’un récent déséquilibre sont venus renforcer leur inquiétude. Ainsi le

territoire de Soule est depuis peu touché par des problèmes de concurrence foncière, opposant

pour l’achat de fermes souletines agriculteurs et touristes (voir annexe 4). Les questions de la

transmission, de l’installation et de la gestion du foncier sont devenues centrales aux yeux des

agriculteurs et des élus qui tentent de réagir.

Un autre phénomène plus diffus touche la Soule aujourd'hui. Il s’agit d’abandons anticipés

d’exploitations (c'est à dire cessation d’activité avant 55 ans) par des personnes qui ne

souhaitaient pas poursuivre dans ce métier. A l’échelle nationale, ces abandons précoces

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correspondent à environ un tiers du total des départs de l’agriculture (données datant de 99)10.

Ces statistiques indiquent que le métier d’agriculteur commence à emprunter les

caractéristiques des autres métiers comme la mobilité professionnelle, c'est à dire le fait pour

un individu de changer d’activité professionnelle au cours de sa vie. En Soule, ce phénomène

est très anecdotique au niveau du nombre de cas, puisque dans la période récente un seul

abandon précoce a été recensé. Cependant, c’est au niveau culturel et social que le fait pose

question car dans cette région, le métier correspond à une identité profonde liée à la famille et

à l’attachement culturel. La personne qui s’installe comme agriculteur contribue à la pérennité

de la maison et l’un de ses rôles consiste à transmettre à la fin de sa période d’activité,

l’ensemble de ce patrimoine à l’un de ses enfants.

Enfin, le dernier risque de voir l’agriculture souletine décliner vient de la situation

démographique des chefs d’exploitations dont un pourcentage élevé est touché par le célibat.

La succession des célibataires reste incertaine et il est probable que leurs sièges

d’exploitations disparaissent. L’ADASEA a mené en 1999, un recensement auprès des chefs

exploitants souletins de plus de 55 ans, afin de connaître leurs perspectives en matière de

succession et de compléter le répertoire départemental à l’installation (RDI). Cette étude n’a

pas abouti aux résultats escomptés car peu d’agriculteurs ont accepté de recevoir les

enquêteurs. Au niveau régional, le département des Pyrénées Atlantiques fait figure de

mauvais élève quant au RDI, car le rapport entre l’offre et la demande est égal à 18 %, soit

quatre-vingt seize candidats pour dix-sept offres en 2003. Il est donc difficile pour l’instant de

prévoir et d’anticiper la non-reprise des exploitations souletines menées par des célibataires.

Si la Communauté de communes s’engage comme il est prévu dans un travail en partenariat

avec l’ADASEA, le repérage des cédants potentiels sera plus aisé et les moyens d’action plus

efficaces.

Face à ces constats : d’éventuel malaise quant à l’exercice du métier, de risque de déprise lié

au célibat ou de concurrence foncière, les élus souhaitaient engager une réflexion sur le métier

d’agriculteur afin de comprendre la façon dont il était perçu aujourd'hui, et d’identifier les

raisons qui motivaient les jeunes à reprendre ou non la ferme familiale. En Avril 2004, une

commission agricole a été créée à la Communauté de communes pour travailler sur les thèmes

du foncier, de la gestion de la montagne et de l’attractivité du métier d’agriculteur. C’est cette

commission qui a souhaité la réalisation de la présente étude. 10 Valérie Bernardi et François Lefebvre, « Les départs précoces en agriculture : mythe ou réalité ? » Cahiers du CNASEA 2002. Etude statistique réalisée sur l’ensemble du territoire national puis complétée par une enquête par questionnaire dans quatre départements de l’Ouest de la France (le Finistère, le Morbihan, la Sarthe et la Loire-Atlantique).

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CHAPITRE 2 : UNE ÉTUDE SOCIOLOGIQUE POUR ANALYSER L’ATTRACTIVITÉ DU

MÉTIER D’AGRICULTEUR

S’attacher à comprendre un système de pratiques, (c'est-à-dire les pratiques des agriculteurs et

ce qui les relie les idéologies, les normes et les symboles) implique nécessairement une

enquête de terrain et la conduite d’une série d’entretiens. Dans ce chapitre, nous présenterons

la démarche mise en oeuvre pour traiter cette étude ou comment de la question initiale, nous

sommes arrivés à l’analyse globale.

1. La mise en place d’une commission agricole à la Communauté de Communes

de Soule

L’intercommunalité est un fait ancien en Soule. Dès les contrats de Pays des années 70 était

constitué un syndicat intercantonal du Pays de Soule qui regroupait les deux cantons

souletins. Cependant, la création de la Communauté de communes de Soule n’a pas été sans

créer de difficultés. De nombreuses réticences de la part des communes de Haute Soule ont

été exprimées, notamment sur le sujet de la mutualisation des ressources financières.

Finalement, cette nouvelle structure intercommunale a vu le jour le 1er Janvier 2000, avec

trois objectifs de départ : le développement économique, les services aux habitants et

l’attractivité du territoire souletin. Les compétences exercées par l’intercommunalité

concernent l’aménagement de l’espace, le développement économique, l’environnement

(protection et mise en valeur), l’habitat, la construction l’entretien et le fonctionnement des

équipements sportifs culturels et d’enseignement et enfin le social, les équipements et les

services à la population. L’agriculture ne constitue donc pas une compétence obligatoire prise

par l’intercommunalité mais leur réflexion s’inscrit dans une démarche de « projet collectif de

développement » (PCD) à l’échelle du « pays » Pays basque (annexe 1). Ce genre d’initiative

de la part d’une collectivité territoriale est de plus en plus fréquent en France. Aujourd'hui de

nombreuses collectivités reprennent des thèmes agricoles à leur compte, dans le but de

coordonner ou de renforcer l’action des organismes professionnels.

Lors de la création de la commission agriculture en Avril 2004, la volonté était clairement

affichée de sortir des débats syndicaux et de travailler main dans la main avec les différents

acteurs du monde agricole local. Différents agriculteurs, responsables d’organismes ou

personnes travaillant dans l’enseignement ont été invités à participer à cette réflexion.

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Dès les premières réunions et débats, les réflexions ont porté sur des aspects jugés « intimes »

d’exercice du métier, liés aux valeurs sociales, familiales et souvent négligés dans le cadre des

actions menées par les organisations professionnelles agricoles. L’idée a donc été lancée que

la réflexion sur le métier d’agriculteur en Soule devrait passer par une approche sociologique

de la question. Les membres de la commission ont donc fait appel à un sociologue, Jacques

Rémy dont une partie du champ de recherche s’inscrit dans l’étude des pratiques et

représentations des formes de transmission et de reproduction.

Acceptant cette proposition, Jacques Rémy a donc réalisé une pré enquête de quelques jours

en Soule pour mieux appréhender les caractéristiques de cet espace social. A l’issue de la

présentation de cette première approche, il a suggéré à la commission agricole de la

Communauté de communes de la Soule que soit entreprise une enquête de six mois qui serait

confiée à un ou une étudiant(e).

2. Juger de l’attractivité du métier d’agriculteur en Soule : choix d’une approche

sociologique

2.1 Résultats des entretiens réalisés en pré-enquête

Pour introduire la restitution de ses résultats d’enquête, Jacques Rémy a rappelé les

interrogations qui avaient émergées de la première réunion de la commission agricole.

L’inquiétude des membres de la commission portait sur six points : la modernité des outils de

production, l’association entre plusieurs associés, les relations entre parents et enfants parfois

difficiles, la solitude des jeunes agriculteurs, « le détour » et les nouveaux venus d’origine non

agricole.

Le travail exploratoire de Jacques Rémy a permis de soulever différents problèmes liés à

l’exercice du métier en Soule. Il a notamment rappelé que l’installation était l’affaire des aînés

autant que celle des jeunes, que les rapports étaient parfois difficiles entre les deux

générations. Dans le lien qu’il a pu observer entre parents et enfants, Jacques Rémy a noté le

rôle important que jouait la famille dans la transmission du goût pour le métier. Il suggère que

l’analyse menée par l’étudiant creuse ces divers aspects sociaux sans se borner aux

problématiques de l’installation classiquement étudiées par les organismes agricoles.

2.2 Problématique : préciser la notion d’attractivité du métier d’agriculteur en Soule

Comme nous l’avons vu précédemment, la transmission traditionnelle au Pays basque se

faisait en faveur d’un héritier unique. Il s’agissait généralement de l’aîné des enfants ou du

moins l’aîné des fils, comme en Soule où le privilège de masculinité existait. La présence

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d’enfants dans un couple garantissait donc, la continuation de l’exploitation et le maintien du

patrimoine familial dans son intégralité. Aujourd'hui, ce modèle ne semble plus aussi

systématique, car de plus en plus de familles se retrouvent sans successeur.

La question de l’attractivité du métier d’agriculteur avec en amont le problème de la

reproduction sociale du monde agricole, constitue un thème général non spécifique au Pays

Basque ou à la Soule. Pour Sylvain Maresca et Patrick Champagne qui ont travaillé en

Bresse11, le secteur agricole constitue un cas de figure exceptionnel pour étudier la

reproduction sociale, qu’ils préfèrent nommer la « non-reproduction sociale ». Ainsi, depuis la

fin de la seconde guerre mondiale, le nombre d’agriculteurs a fortement décru passant de

2 284 000 chefs d’exploitations en 1955 à 763 953 en 2000 soit une baisse de 66,5 % des

effectifs de chefs exploitants. C’est là justement que le fait pose question en agriculture :

comment se réalise aujourd'hui la reproduction de la paysannerie ?

L’agriculture est le secteur qui présente le taux le plus élevé d’endo-reproduction familiale

c'est-à-dire que le recrutement des nouveaux agriculteurs se fait encore majoritairement au

niveau de la famille. Dans le département des Pyrénées-Atlantiques, le recrutement suit cette

règle, puisque les installations agricoles correspondent dans presque 90% des cas à des

successions familiales. En 2003, le taux d’installation HCF au niveau départemental ne

s’élevait qu’à 11,2 %12.

Les responsables de la Communauté de communes de Soule ont décidé de lancer une

réflexion autour de cette question « d’attractivité du métier d’agriculteur », afin de

comprendre ce qui influence la décision des jeunes à reprendre ou non la ferme familiale. La

question centrale de ce mémoire porte donc sur l’identification des facteurs contribuant à

rendre le métier attractif pour les jeunes souletins, et d’analyser la façon dont le métier est

envisagé par ceux qui ont décidé de s’installer.

La problématique de l’étude a été formulée de la façon suivante :

« L’attractivité du métier d’agriculteur en Soule ou les facteurs de la reproduction des

exploitations ».

11 Sylvain Maresca et Patrick Champagne, De la succession familiale à l’installation professionnelle, 1986. 12 Chiffres ADASEA issus du rapport d’activité 2003. La moyenne régionale de 2003 ne figure pas dans le document car il y a des données manquantes. En 2002, le taux d’installation HCF était de 18, 5 % pour les Pyrénées-Atlantiques alors que la moyenne régionale s’élevait à 25, 1%. Ce département est celui qui présente les plus bas taux d’installation HCF de la région.

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Autour de cette question centrale, nous tenterons de répondre à deux objectifs principaux :

• Comprendre les raisons qui ont motivé les personnes à s’installer.

• Identifier comment le métier est vécu par les agriculteurs.

Notre réflexion s’est appuyée sur deux hypothèses principales qui ont permis d’orienter le

guide d’entretien et la façon de mener les interviews avec les agriculteurs.

La première hypothèse de ce mémoire est que l’installation n’est pas un phénomène coupé

d’autres réalités mais qu’il s’agit d’un processus, construit sous l’influence d’un

ensemble de facteurs sociaux, comme l’histoire personnelle de l’individu, l’expérience

antérieure ou l’entourage familial. L’ensemble de ces expériences que l’on pourrait regrouper

sous le terme de « vécu » de l’individu ou de « capital social13 », influence les modalités de la

succession, son rythme et la forme qu’elle prend. Par exemple, nous formulons l’hypothèse

que les expériences de travail salarié ou les expériences issues de la formation, jouent un rôle

dans la façon d’envisager la reprise de l’exploitation.

La deuxième hypothèse découle en partie de la première. Nous pensons en effet que la

manière dont un individu perçoit son installation, va influencer la manière dont il vit son

métier et dont il se compare aux autres catégories socioprofessionnelles. Nous formulons

donc l’hypothèse que le « vécu » de la personne, joue également un rôle sur la représentation

que les agriculteurs se font d’eux-mêmes et des autres et donc en définitive sur la perception

qu’ils se font de leur position sociale (Champagne et Maresca, 1986).

13 Le « capital social » est considéré comme l’ensemble des relations sociales que l’individu va entretenir avec sa famille, mais aussi avec les organisations professionnelles, la formation, les voisins. Nous nous distinguons ici de la définition que Sylvain Marecsa et Patrick Champagne ont construite dans leur étude sur la Bresse car nous ajoutons également les expériences qu’a connues la personne avant de s’installer et son niveau de formation.

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CHAPITRE 3 : ELÉMENTS DE MÉTHODE

La méthode de l’étude a été choisie en concertation avec les membres de la commission

agricole et c’est justement lors d’une de ces réunions qu’a été émise l’idée de traiter la

question centrale par une double approche : d’une part, une enquête auprès d’agriculteurs

souletins pour voir de quelle façon ils vivent leur travail et les raisons qui les ont incités à

s’installer et d’autre part, une enquête auprès de lycéens pour connaître leurs représentations

du métier.

1. Collecte de l’information

1.1 Une enquête par entretiens semi-directifs auprès d’agriculteurs de trois communes de Soule

1.1.1 Déroulement des entretiens

Les entretiens en face à face avec les agriculteurs souletins constituent l’essentiel de notre

démarche. De type semi-directif, ils s’appuyaient sur un guide d’entretien construit grâce aux

apports bibliographiques et aux entretiens exploratoires. Ils ont été enregistrés et

intégralement retranscrits. Dans la plupart des cas (onze entretiens sur dix-neuf), l’entretien se

déroulait en présence du chef d’exploitation seul, mais il est arrivé (huit entretiens sur dix-

neuf) que les parents ou le conjoint du chef d’exploitation soient présents. La durée des

interviews était d’environ deux heures. Le guide d’entretien (présenté en annexe 5) se

déclinait en six parties :

- L’histoire et la description de l’exploitation.

- Le parcours ou la trajectoire professionnelle de l’individu.

- La perception du métier.

- Les relations de socialité de l’individu.

- La vision de l’avenir dans ce métier et ses projets.

- L’avenir de l’agriculture en Soule.

L’objectif de ces entretiens était de mettre en évidence les raisons qui avaient incité la

personne à s’installer et de souligner les représentations qu’elle se faisait de son métier afin de

comprendre les stratégies mises en œuvre sur son exploitation.

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1.1.2 Une enquête à échelle communale

Pour cette enquête par entretiens semi-directifs, nous avons choisi d’opter pour une échelle

communale et non une enquête dispersée sur les trente-cinq communes de Soule. L’échelle

communale permet ainsi de mieux appréhender certains aspects comme les problèmes de

foncier, ou de voisinage. Cette échelle permet également d’effectuer un contrôle croisé des

informations recueillies : un fait peut être raconté d’une façon particulière par un individu,

mais pourra prendre une toute autre tournure en étant évoqué par un autre…

Considérant l’aspect bipolaire de la Soule avec ses deux cantons, nous avons décidé de mener

une approche comparée Haute Soule/ Basse Soule. Pour des raisons d’organisation

temporelle, il paraissait plus pertinent de ne choisir que deux communes comme terrain

d’investigation. Le choix des communes a été guidé par l’étude de leurs caractéristiques

démographiques et agricoles, établies selon les recensements généraux de la population

(INSEE) et les recensements agricoles (Agreste). Nous avons établi une série de critères

auxquels les communes d’étude devaient répondre pour être choisie. Le choix a ensuite été

soumis aux membres de la commission. Ces critères étaient :

- des communes où l’exode rural n’avait pas été plus important que dans le reste de

la Soule.

- des communes encore actives au niveau agricole, avec un nombre suffisant

d’agriculteurs.

- des communes où la structure d’âge des chefs d’exploitations était équilibrée, à

l’image de celle observée en Soule.

Il s’agissait de trouver deux zones où les situations agricole et démographique permettaient de

représenter l’ensemble du canton, afin de s’assurer que l’étude ait une portée plus générale et

que l’on puisse étendre les résultats au niveau de l’ensemble du territoire souletin. Nous

avons opté en commission pour deux communes qui sont apparues adéquates aux différents

membres : la commune d’Ordiarp pour la Basse Soule et la commune d’Alçay pour la Haute

Soule. Après réflexion, il semblait intéressant d’élargir la zone en Haute Soule à l’ensemble

de la vallée d’Alçay, c’est à dire à la commune de Lacarry, car ensemble elles forment une

entité géographiquement homogène, la vallée d’Ibar Eskün (zones d’études présentées en

annexe 1).

1.1.3 Les personnes rencontrées

Au sein de ces trois communes, un travail a été mené avec les maires pour répertorier les

agriculteurs en activité. Ensuite, il a fallu établir une liste de personnes à enquêter parmi

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l’ensemble des agriculteurs installés. Le choix des personnes à interviewer s’est fait de

manière aléatoire au départ puis en orientant les choix au fil des entretiens pour augmenter le

nombre de situations rencontrées. Ainsi, il paraissait important de prendre en compte l’âge des

personnes pour rencontrer des familles où le problème de succession se posait concrètement.

Nous avons décidé de retenir les familles où le chef d’exploitation était plutôt jeune installé

c'est-à-dire où la reprise de l’exploitation était récente et des familles où le chef d’exploitation

était plutôt en fin de carrière donc concerné par sa propre succession. Nous avons donc

privilégié les entretiens avec les personnes âgées de moins de quarante ans et celles de plus de

cinquante ans.

Au total, nous avons rencontré dix-neuf familles d’agriculteurs se répartissant respectivement

en onze familles sur les communes d’Alçay et Lacarry et huit sur la commune d’Ordiarp. Le

nombre de personnes ayant participé aux entretiens s’élève à vingt-neuf car dans huit cas, le

chef d’exploitation n’était pas seul mais accompagné par son conjoint ou ses parents. Les

entretiens où plusieurs générations sont présentes sont intéressants dans le sens où les

différents récits permettent de dresser une comparaison entre les modes de succession. En

interrogeant les anciens sur leur propre reprise, sur la façon dont ils ont pris la suite de leur

père, on a pu observer leurs opinions et pratiques et les mettre en liaison avec ce qu’ils

vivaient aujourd'hui avec leurs enfants.

Un récapitulatif des agriculteurs rencontrés est présenté en page de gauche. Au total,

« l’échantillon » concerne vingt chefs d’exploitation puisque dans l’une des dix-neuf

familles, nous avons rencontré « deux chefs exploitants» : un fils en phase d’installation et

son père qui allait prendre la retraite.

1.1.4 Situation des agriculteurs rencontrés

Pour ce travail, nous n’avons pas cherché à construire un « échantillon représentatif »

d’agriculteurs, au sens statistique du terme. Compte tenu du nombre limité d’entretiens, il

importait avant tout de mener une série d’enquêtes en raisonnant le choix des exploitations de

façon à rencontrer une diversité de cas. Cependant, il est important de situer les exploitations

retenues par rapport à l’ensemble des exploitations souletines, selon les caractéristiques

établies par le recensement agricole de 2000. Cette comparaison permet de montrer dans

quelles catégories se placent nos interlocuteurs.

Au niveau de la surface exploitée, on observe une sur-représentation des exploitations de 20 à

35 hectares dans le groupe rencontré. Cela signifie que la proportion de fermes exploitant une

« surface moyenne » (la SAU moyenne de Soule s’établissant à 30 hectares) est plus

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importante dans notre étude. A l’inverse, les exploitations où la SAU est inférieure à 20

hectares sont moins représentées dans le groupe enquêté. Cette caractéristique est liée au

choix des communes. Ainsi, sur Alçay et Lacarry, les deux communes qui constituent la

plaine d’Ibar Eskün en Haute Soule, la SAU moyenne correspond respectivement à 38,5 et 33

hectares. Ces moyennes sont supérieures à la SAU cantonale qui s’élève à 29 hectares (voir

carte des SAU en annexe 1).

Soule Echantillon SAU14

effectif pourcentage effectif Pourcentage De 5 à moins de 20 ha 311 35,9 4 21,0 De 20 à moins de 35 ha 250 28,8 9 47,5 De 35 à moins de 50 ha 181 20,9 4 21,0 De 50 à moins de 75 ha 104 12,0 2 10,5 De 75 à moins de 200 ha 21 2,4 0 0 TOTAL 867 100 19 100

Concernant l’âge des personnes rencontrées, nous avons fait le choix de privilégier les

agriculteurs que l’on jugeait plus directement concernés par la transmission et la reprise d’une

exploitation c'est-à-dire des personnes de moins de quarante ans et de plus de cinquante ans.

Le tableau suivant prouve que nous avons rempli cette condition puisque la moitié de

l’échantillon concerne des agriculteurs de moins de quarante ans.

Soule Echantillon AGE effectif pourcentage effectif Pourcentage

Moins de 30 ans 58 6,3 5 25 De 30 à 39 ans 229 25,0 5 25 De 40 à 49 ans 282 30,8 4 20 De 50 à 59 ans 238 26,0 5 25 Plus de 60 ans 109 11,9 1 5 TOTAL 916 100 20 100

Pour juger de la pertinence de notre étude, on ne peut s’attacher à sa seule sa validité

statistique car on s’intéresse ici à des processus sociaux. Les mécanismes qui déterminent

l’attractivité exercée par le métier, sont des processus globaux non réductibles à ce que nous

14 Source : RA2000. De par sa portée nationale, les classes de SAU données par le recensement agricole sont larges et surtout peu détaillées pour les exploitations dont la surface est inférieure à 20 hectares. Dans notre cas, cela est problématique car les exploitations souletines sont de tailles modestes et nombreuses sont celles possédant une superficie comprise entre 10 et 20 hectares. Il aurait été intéressant d’avoir accès à plus de détail pour les exploitations de cette catégorie de surfaces.

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avons pu observer à l’échelle des trois communes. Nous pensons que nos résultats sont

susceptibles d’aider à la compréhension des problèmes qui se posent à l’échelle de toute la

Soule et pas seulement sur la zone enquêtée.

1.2 Une enquête par questionnaires auprès de lycéens de Soule et des environs

L’idée a été proposée en réunion de la commission agricole de mener une enquête auprès des

lycéens de Soule pour connaître leurs perceptions du métier d’agriculteur. Après réflexion, il

paraissait intéressant de mener cette enquête comparée auprès de lycéens issus de

l’enseignement agricole et de lycéens issus l’enseignement général pour appréhender les

différences dans les représentations de chacun des groupes.

Nous avons donc bâti un questionnaire (présenté en annexe 6) et proposé à huit lycées

d’adhérer à la démarche. Sept lycées ont accepté de travailler avec nous et nous avons pu

recueillir 161 questionnaires.

1.3 Des entretiens complémentaires auprès de personnes qui ne travaillent pas dans le milieu agricole

Toujours lors d’une des réunions de la commission agricole a été émise l’idée de réaliser des

entretiens avec des personnes extérieures à la profession pour connaître leur vision de

l’agriculture et du métier d’agriculteur. J’ai repris cette idée mais en la précisant puisqu’il me

paraissait intéressant d’interroger des femmes issues de familles agricoles qui avaient fait le

choix de ne pas s’installer. Cette partie de l’enquête est celle qui présente le plus de limites

car, par manque de temps seules trois filles d’agriculteurs souletins ont pu être rencontrées.

Cependant, leurs témoignages sont intéressants car ils apportent une vision plus extérieure que

celle de leurs parents ou frères chefs d’exploitation. Le guide d’entretien de ces filles

d’agriculteurs (présenté en annexe 5) comprenait cinq parties :

- La trajectoire personnelle.

- Leur enfance en Soule.

- Les raisons de leur départ de Soule.

- Leur vision du métier d’agriculteur.

- L’histoire et la présentation de l’exploitation familiale.

Par ces entretiens, nous cherchions à comprendre la place que pouvait occuper ces femmes

dans leur famille : si par exemple, elles avaient dû quitter l’agriculture par manque de

débouché sur la ferme familiale.

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1.4 Impressions d’enquête

« Devenir enquêteur, c’est nécessairement devenir un peu « bizarre » pour autrui dans la vie sociale ordinaire. […] L’enquêteur est celui qui regarde ou qui voit des choses qu’il n’aurait peut-être pas dû voir, qui pose des questions parfois embarrassantes, qui peut donner aux autres (les enquêtés) l’impression de « s’incruster »15 ». (Stéphane Beaud, Florence Weber, 2003, p99).

Malgré mon statut d’enquêtrice dans cette zone où le niveau d’interconnaissance est très élevé

(j’ai tout de suite été repérée), j’ai toujours été très bien reçue par les personnes enquêtées qui

m’ont livré leur histoire et m’ont raconté leur métier. Certains entretiens se sont révélés

éprouvants car j’ai rencontré des personnes très isolées socialement et professionnellement,

qui vivaient très mal leur situation. Dans ce cas, les personnes ne parvenaient pas à se projeter

dans l’avenir, parler de leur vie dans ce métier était très douloureux. Les expériences qui

m’ont été confiées sont des expériences personnelles. L’analyse des entretiens a permis

d’appréhender la façon dont le parcours d’installation s’était construit pour ces personnes,

dans leurs trajectoires personnelle et professionnelle.

2 Le traitement des données

L’enregistrement d’un tel type d’entretiens était la condition sine qua non pour obtenir un

matériau riche permettant une analyse rigoureuse et pertinente du contenu. Nous avons donc

enregistré tous les entretiens avec l’accord de la personne interviewée. Nous avons ensuite

retranscrit intégralement les entretiens afin de produire un matériau écrit sur lequel pouvait

porter l’analyse. Cette étape est fastidieuse mais néanmoins importante car elle permet de

rendre par écrit la parole des personnes rencontrées. Comme l’expliquent Florence Weber et

Stéphane Beaud : « l’écoute attentive de la parole vous permet de saisir les propriétés les plus

corporelles, les plus personnelles et en même temps les plus sociales de la personne

interviewée », (2003, p243). En rendant cette parole par écrit, on fait « apparaître la tonalité

d’un entretien » c'est-à-dire ce qui lui confère sa singularité.

L’entretien n’est pas une fin en soi mais un support permettant d’aboutir aux résultats de

l’enquête. Après la retranscription, nous avons donc comparé les différents discours entre eux.

Pour réaliser ce travail, nous avons procédé par une double approche: une analyse de contenu

longitudinale de chaque entretien suivant une grille d’analyse, et une analyse horizontale de

l’ensemble du corpus en fonction de thèmes transversaux.

15 Stéphane Beaud et Florence Weber. Guide de l’enquête de terrain (2003). Cet ouvrage est destiné aux étudiants qui souhaitent réaliser une enquête de terrain dans des disciplines comme la sociologie, l’ethnologie ou les sciences politiques. Le guide suit le déroulement chronologique de l’enquête et donne des éléments de méthodes, des exemples et conseils liés à chacune des phases menées par l’étudiant.

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La première étape a été de classer les informations de chaque entretien dans la grille

d’analyse. Ce système privilégie le traitement rapide de l’ensemble des récits et l’émergence

des thèmes transversaux, mais ne permet pas de rendre compte de l’architecture de l’entretien.

Notre grille comporte quatre parties : la première portant sur les pratiques sociales de

l’individu, la deuxième sur le système de représentations (pensées construites), la troisième

portant sur le discours et la dernière constituant une synthèse. Cette grille d’analyse est

présentée en page de gauche. Nous avons également qualifié chaque entretien d’un titre

permettant de faire ressortir sa spécificité.

Le deuxième travail a consisté en une analyse de l’ensemble des entretiens en fonction des

thèmes transversaux mis en évidence par les analyses individuelles. Nous avons classé ces

thèmes en deux grands groupes : le premier permet de comprendre le choix du métier et le

second renseigne sur la perception du métier. Ces deux grandes lignes constituent

respectivement la deuxième et troisième partie de ce mémoire.

3 Limites de l’étude

Cette étude présente certaines limites qu’il convient de signaler. La limite principale concerne

le nombre très restreint d’entretiens réalisés auprès des femmes issues de familles agricoles. Il

aurait fallu préparer et mener ces entretiens dans le même temps que les entretiens avec les

agriculteurs. Notamment durant certaines semaines de beau temps du mois de mai et début

juin, les agriculteurs étaient très peu disponibles en raison de la surcharge de travail qu’ils

vivent en cette période de l’année (semis des maïs, premiers foins, montée des bêtes à

l’estive…). Il aurait été plus judicieux de prévoir les entretiens avec les femmes lors de cette

période.

La deuxième limite de cette étude est liée à l’analyse statistique qui a été faite lors de la

première phase du travail. Nous disposions des recensements agricoles de 1979, 1988 et 2000

où les données sont classées sous forme de listes, selon des critères sur les productions

(cheptel, cultures principales) ou la population agricole (âges des chefs d’exploitation,

situation matrimoniale des chefs d’exploitation). Ce classement ne permettait pas un

croisement des données entre elles. Nous avons fait une demande au service statistique de la

DDAF du département afin d’obtenir les fichiers de base qui auraient pu nous permettre de

croiser les informations. Cette demande est restée sans suite et nous n’avons donc pas pu

établir de liste sur la situation matrimoniale des chefs d’exploitation souletins en fonction de

leur âge. Il aurait été intéressant de connaître les caractéristiques des chefs exploitants

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célibataires afin d’établir leur répartition géographique sur le territoire. Ceci aurait permis

d’identifier les zones les plus vulnérables au niveau de la transmission.

Enfin, on peut regretter le fait que les questionnaires distribués aux lycéens n’aient pas été

dépouillés à ce jour. L’analyse croisée des représentations de lycéens issus de l’enseignement

agricole avec celles de lycéens issus de l’enseignement général, nous aurait permis de donner

plus de relief à la présente étude.

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CONCLUSION : EVOLUTION DE L’AGRICULTURE SOULETINE La Soule est une province du Pays Basque, une terre d’élevage, où la tradition agricole

ancestrale est basée sur des principes coutumiers d’exploitation du foncier ou de gestion

pastorale. La « maison » constitue encore aujourd'hui une entité morale, à la base de la société

souletine et qui se doit d’être transmise de génération en génération sans connaître de

morcellement. Pour assurer cette condition, le principe de transmission préférentielle perdure

bien qu’il soit plus difficile à appliquer aujourd'hui en raison notamment de l’augmentation du

prix du foncier qui rend plus délicate la convergence des intérêts des co-héritiers. Cependant,

la situation agricole de la Soule est loin d’être désespérée, le nombre annuel d’installation

demeure élevé et la filière ovin-lait reste forte.

Les faits qui posent question sont plutôt d’ordre social. Ainsi, une incertitude plane sur la

transmission des exploitations menées par les agriculteurs célibataires, nombreux en Soule.

De plus, des récents abandons précoces d’exploitations ont révélé que le métier pouvait

parfois être mal vécu par les agriculteurs souletins. Dans ce contexte, une étude sociologique

sur le thème de « l’attractivité du métier d’agriculteur » a été proposée par les élus de la

Communauté de communes de Soule afin d’éclaircir les motivations des jeunes qui

reprenaient les fermes parentales et de comprendre la façon dont était vécu le métier par les

personnes déjà installées.

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PARTIE II : LA DETERMINATION DU CHOIX DU METIER AGRICOLE

Cette partie se propose de répondre aux interrogations concernant le choix du métier

d’agriculteur en Soule. Pourquoi s’installe-t-on comme agriculteur sur ce territoire ? Dans

cette partie, nous avons tenté de déterminer les facteurs qui influencent le fait de choisir ou

non de reprendre la ferme familiale16, en d’autres termes il s’agit de comprendre à quelle

période de la trajectoire personnelle des individus, l’installation se décide-t-elle et surtout qui

en décide (Maresca et Champagne, 1986).

L’installation peut suivre plusieurs logiques différentes, voire opposées : par exemple, nous

verrons que la moitié des agriculteurs rencontrés (neuf sur vingt) a fait le choix de s’installer

par goût pour le métier, concrétisant ainsi une volonté personnelle. Dans ce cas, le goût

correspond à une attirance pour le métier mais peut aussi être lié à un attachement culturel à la

société basque. Pour d’autres, l’installation représente avant tout la succession des parents ou

l’héritage d’une situation sociale ; il s’agit de conserver le patrimoine familial c’est-à-dire en

toile de fond, de perpétuer la tradition.

CHAPITRE 1 : L’INSTALLATION PAR GOUT POUR LE MÉTIER

La moitié des personnes rencontrées se sont installées par vocation parce qu’elles étaient

attirées par le métier d’agriculteur. Dans leur cas, il semble que la démarche de reprise

constitue « une installation » proprement dite, au sens où l’entend la profession agricole17.

Leur installation est le résultat d’un choix motivé par un ensemble de facteurs comme l’amour

pour les bêtes, un parcours de vie avec des expériences hors agriculture, l’attachement à leur

maison… Pour parler de l’agriculture, ces personnes emploient un vocabulaire de l’ordre de

l’affectif, prouvant leur attachement à ce travail et à cette vie.

16 Il paraît important de rappeler ici que l’installation en Soule correspond essentiellement à des successions familiales. Le taux d’installation de personnes hors du cadre familial reste faible et c’est pour cette raison, que nous nous permettons de parler de reprise de la ferme familiale. Dans notre étude, nous n’avons rencontré qu’un seul cas de personnes ayant repris une ferme qui ne venait pas de leur famille. 17 Le terme d’ « installation » renvoie à une terminologie professionnelle et administrative : « La notion d’ « installation » ou, selon une autre expression courante dans les milieux dirigeants agricoles, l’ « accès des jeunes à la responsabilité de chef d’exploitation » relève d’une conception professionnaliste qui voit dans cet acte, pourtant purement juridique, une étape capitale qui regrouperait en un seul instant le choix du métier d’agriculteur et la création d’une entreprise agricole. L’installation est donc définie par principe comme un acte d’indépendance, voire de rupture vis-à-vis de l’environnement familial ; elle est synonyme de projet professionnel et à ce titre, mais à ce titre seulement, mérite aide et encouragement » (Maresca, 1986, p77).

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1. L’expression du goût pour le métier

1.1 Une attirance pour l’agriculture en général

Pour exprimer leur attachement au métier d’agriculteur et justifier leur installation, certaines

personnes parlent de leur goût pour l’agriculture en général : « moi l’agriculture j’aime que

ça » (A7) ; « pourquoi je l’avais choisi mon métier ? Parce que j’aimais ça, bon j’aime

toujours » (A15). Dans la suite de leurs propos, ces personnes explicitent leur pensée et

montrent comment s’exprime leur attachement pour l’agriculture. Ainsi, dans le contexte

d’élevage de la Soule, l’amour de l’agriculture passe souvent par un attachement particulier

aux animaux.

1.2 Le rapport affectif avec les bêtes

Le rapport affectif avec les bêtes est un élément retrouvé dans la majorité des entretiens. Seuls

quelques agriculteurs ont mis en avant leur goût pour le côté mécanique du travail et les

machines… Pour les autres, l’amour du métier est lié au fait d’élever et de travailler avec des

brebis ou des vaches : « j’aime pas tout ce qui est machine, tracteur ; je m’en sers parce que il

le faut mais, j’y connais rien. Moi c’est les bêtes, les machines je m’en sers parce qu’il faut »

(A9). Certains expriment même une préférence pour l’un ou l’autre des deux ateliers

d’élevage : « moi j’adore les vaches, j’adore ces bêtes » (A10) ; « Moi mes vaches depuis

tout petit j’avais que ça» (A7).

1.3 Le goût pour la traite et la fabrication des fromages

Deux autres tâches ont été mises en avant pour justifier le choix de l’installation et expliquer

l’attirance pour le métier : il s’agit de la traite et de la fabrication fromagère. Par exemple, A6

ne songe pas à l’installation de la machine à traire pour l’instant, car elle aime traire ses brebis

à la main : « J’aime bien traire à la main ; et même l’idée d’avoir une machine je sais pas… ».

Le fait de transformer son lait en fromage, lui procure également beaucoup de plaisir :

« j’adore faire le fromage, c’est le plaisir, j’aime ça, ça apporte plein de choses. Ca apporte de

voir du monde, ça apporte de faire les foires ». On retrouve le même engouement chez A12 :

« moi j’aime bien traire à la main », ou vis-à-vis du fromage « c’est l’agrément d’avoir le

produit fini ».

1.4 L’attachement à la maison

Parmi les raisons évoquées pour expliquer le choix du métier, certaines personnes ont parlé de

leur attachement à la maison et de leur volonté de garder ce patrimoine en état et dans la

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famille. On peut citer A11, un jeune agriculteur qui est revenu sur l’exploitation parentale

après avoir travaillé à l’extérieur : « En fait j’avais pas envie de laisser tomber la maison […],

le projet c’était de pas laisser la maison d’habitation, l’exploitation au moins de base ».

1.5 La liberté offerte par le métier

D’autres personnes, comme A10, ont choisi ce métier pour la liberté qu’il offrait au niveau de

l’organisation du travail ou de la prise des décisions : « Moi quand je me suis installé, je me

disais : l’avantage de notre métier c’est la liberté, de pouvoir choisir, […] de pouvoir gérer

comme on voulait ».

Conclusion :

La moitié des personnes de notre échantillon, affirme s’être installée par goût pour le métier

d’agriculteur. Le vocabulaire employé par ces agriculteurs se situe dans le registre de l’amour,

avec des emplois de ‘j’aime’, ‘j’ai envie’ ou ‘j’ai été attiré’. Pour eux, le métier d’agriculteur

présentait un caractère attractif qui les a incité à reprendre la ferme familiale. Ces agriculteurs

ont le goût du travail bien fait et de la valorisation de leurs produits.

Afin de comprendre les mécanismes qui mènent à cet état d’esprit par rapport à l’agriculture

et au métier, il est important de connaître les caractéristiques sociales des individus de ce

groupe qui semblent s’être installés par choix.

2 Le rôle des expériences antérieures dans la détermination du choix

L’installation en agriculture peut se déterminer très tôt et se concrétiser dès la fin des études

pour certains ou prendre un certain temps pour d’autres. Dans ce chapitre, nous allons

présenter les parcours de vie des personnes qui ont été attirées par le métier et qui ont choisi

de reprendre la ferme familiale. Dans ce groupe qui compte neuf agriculteurs, sept d’entre eux

ont connu autre chose avant de s’installer comme une expérience professionnelle salariée, un

stage, ou une formation. Il est intéressant de s’intéresser à la manière dont ils parlent de cette

période antérieure à la reprise et de mettre en évidence ce que ces expériences leur ont

apporté.

Nous avons décidé de nommer cette période antérieure à l’installation « le détour », car il

s’agit en quelque sorte d’un allongement ou d’une modification de la trajectoire initiale de vie

de l’individu. Les personnes de ce groupe, issues nous l’avons vu, en majorité de familles

agricoles, ont retardé de quelques années, le moment de la reprise pour acquérir d’autres

expériences. Certains ont même momentanément quitté leur milieu d’origine, pour exercer

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une activité hors agriculture. Le « détour » est perçu de manière positive par ces personnes qui

l’ont souvent vécu comme une motivation supplémentaire à la reprise.

2.1 Le choix de s’installer, motivé par les expériences antérieures

Le « détour » peut prendre différentes formes selon les personnes : une expérience

professionnelle salariée, une formation, un stage dépaysant… Dans tous les cas, ce genre

d’expérience est considéré comme très bénéfique car il leur a permis d’envisager le métier

différemment, de faire d’autres choix et d’élargir leur horizon social. Les personnes qui ont

fait un détour en sont souvent revenues changées et parlent de cette expérience de façon très

positive : « Ca sert toujours. Quand on est jeune, il faut essayer de voir ailleurs, c’est tout à

fait normal ça. Et puis ça t’aide beaucoup pour après » (père d’un jeune installé).

Pour ceux qui aujourd'hui ont laissé une activité salariée à l’extérieur pour s’installer en

agriculture, on peut réellement parler de choix d’installation. Leur démarche motivée par

l’expérience antérieure « prend la tournure d’un choix de profession avant de représenter

l’héritage d’une situation » (Champagne et Maresca, 1986). Pour A2, ce choix a fait l’objet

d’une longue réflexion mais il ne le regrette pas du tout aujourd'hui : « on a cogité pendant

deux ans, […]. Oh c’est pas …c’est pas un coup de tête ; c’est une décision mûrie donc

pendant deux ans. Et au bout de deux ans, j’ai signé la démission et je suis venu ici… […].

J’ai jamais regretté non ».

2.2 Une prise de recul par rapport au métier d’agriculteur

Chez certaines de ces personnes, le « détour » a déclenché une réflexion sur le métier

d’agriculteur et a permis une prise de recul :

« Ca a relativisé beaucoup de choses et là je me suis dit : je m’engage ça y est, j’y vais, mais avec tout à fait un autre œil que deux ans avant, quand j’étais parti pour m’engager après le cursus normal que j’avais fait. […] ça m’a permis aussi de rentrer en agriculture en faisant d’autres choix aussi » (A10).

L’emploi du terme « relativiser » sonne comme pour rappeler que traditionnellement le

milieu agricole est relativement fermé18 et que de s’en éloigner momentanément peut faire

prendre conscience de sa réalité. D’autres pensent que la prise de recul par rapport à

l’agriculture est nécessaire pour percevoir le métier d’agriculteur de manière plus positive :

« j’essaie de donner une image positive de l’agriculture. Mais peut-être parce que j’ai travaillé

en usine dix ans » (A2). 18 Cet agriculteur insiste sur le fait que la formation agricole ne permet pas d’acquérir une prise de recul suffisante mais qu’elle enferme quelque peu dans « un carcan ». Selon lui, le système scolaire agricole est conçu de manière à ne pas laisser suffisamment transparaître les aspects humains du métier, les enfants qui sortent d’un cursus agricole ont trop souvent « le nez dans le guidon ».

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La condition ouvrière que certains ont connue pendant leur « détour », a été mal perçue et

l’expérience salariale en usine a motivé le retour vers l’agriculture :

« C’est bien aussi parce que tu vois la vie à l’usine et ça t’apprend beaucoup de choses aussi quoi. Parce que quand tu y es pas, tu te dis : ouais eux ils font huit heures dans la journée et après ils sont tranquilles. Tu penses pas qu’il y a les patrons et tout ça derrière. » (A7).

L’élargissement de l’espace social des familles agricoles a permis aux agriculteurs de se

comparer aux conditions de vie des autres catégories sociales. Pour les personnes de ce

groupe qui ont effectivement connu une expérience hors agriculture, la comparaison n’a pas

été douloureuse mais au contraire a renforcé leur volonté de reprendre la ferme familiale.

2.3 Le rôle de la formation dans la détermination du choix d’installation

Parmi les diverses formes de « détour », on peut citer la formation qui a permis à certaines

personnes de s’ouvrir sur autre chose : sur l’agriculture présente dans d’autres régions, ou

d’autres pays. Par exemple, quelques jeunes agriculteurs ont particulièrement apprécié leur

stage six mois comme A7, qui considère ce stage comme une dernière occasion de partir

avant l’installation :

« J’ai vraiment vu autre chose que ce que je faisais ici […] ça m’a beaucoup plu, beaucoup beaucoup. Le stage six mois, comme je dis à tous les jeunes, de partir quoi. D’aller voir ailleurs, tu sais que c’est momentanément et puis c’est maintenant ou jamais quoi. Parce qu’une fois que tu es installé, t’es bloqué, quand tu es à la maison c’est bon… » (A7).

Le stage de pré-installation, dont la réalisation représente l’une des conditions d’obtention de

la DJA, est un moyen mis en place par la profession agricole19 pour contrôler l’accès au

métier et également pour ne pas précipiter l’installation de nouveaux agriculteurs trop jeunes.

L’objectif de ce stage est de permettre l’ouverture des nouveaux candidats sur d’autres types

d’agriculture et d’encourager les jeunes « à s’extraire de leur cellule familiale, mais pour

mieux rester dans le milieu agricole » (Champagne et Maresca, 1986). Cependant, cette vision

du « stage six mois » ne fait pas l’unanimité parmi les candidats à la DJA ; ils ne sont pas tous

convaincus de l’intérêt qu’ils peuvent gagner en réalisant le stage dans un contexte différent

de celui dans lequel ils évoluent, et certains perçoivent cette condition d’accès comme une

contrainte. Il est vrai que la majorité des jeunes agriculteurs interrogés a fait ce stage près de

la Soule, respectant au plus juste l’exigence des cinquante kilomètres minimum. Le stage est

alors perçu comme une étape obligatoire pour accéder à la DJA et non comme une

19 La « profession agricole » est entendue ici comme l’ensemble des organisations professionnelles agricoles et comme la conception qu’elles développent du métier d’agriculteur.

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opportunité de voir autre chose : « Je l’ai fait de bon cœur, mais je l’ai fait parce que il y avait

à le faire. Y’aurait pas eu à le faire c’est sûr que je l’aurais pas…c’est pas moi qui serais parti

à l’étranger ! » (A9).

Conclusion :

Il semble que le « détour » permette de prendre du recul par rapport au milieu agricole

d’origine jugé comme relativement clos. Il permet une certaine autonomisation des personnes

vis à vis de leur famille et vis à vis d’une trajectoire quelque peu prédestinée en Soule: la

reprise de l’exploitation familiale. Dans ce groupe, l’installation sur la ferme parentale est

moins une destinée qu’un choix motivé par une expérience antérieure. Le « détour » tel que

nous l’avons défini, a été vécu comme une expérience positive par les personnes car il a

comme « réveillé » leur goût pour le métier d’agriculteur et les a incitées à s’installer.

Nous ne pouvons conclure que l’expérience antérieure est l’unique condition pour que le

métier d’agriculteur apparaisse « attractif » aux yeux des enfants issus de famille agricoles,

mais nous avons mis en évidence qu’elle pouvait jouer un rôle dans la détermination du choix

de s’installer. Nous confirmons ainsi l’une de nos hypothèses de travail.

3 La culture comme un moteur de l’agriculture, des installations…

Pour un tiers des agriculteurs de ce groupe, le fait de s’installer représente également un

engagement culturel. Leur attachement à la culture basque constitue l’un des facteurs qui a

motivé le choix de s’installer. Pour eux le lien entre l’agriculture et la culture

est positif20.

3.1 Un attachement « viscéral » à la culture basque

Ces personnes (trois sur neuf) sont profondément attachées à leur culture et emploient des

images très fortes pour exprimer ce lien : « ma culture c’est ma passion, ma langue c’est ma

passion, l’identité c’est mon truc » (A15), « Mes racines étant très très fortes, mon

attachement culturel étant encore plus fort » (A10). Pour eux l’agriculture est indissociable de

la culture basque et ils sont tous des agriculteurs engagés au niveau culturel ou syndical. Sur

20 Le terme de « culture » est pris ici au sens où l’entend Tylor dans son ouvrage Primitive Culture de 1871, à savoir (extrait de la page 126 du Dictionnaire de Sociologie de André Akoun et Pierre Ansart, 1999) : « culture ou civilisation, pris dans son sens ethnologique le plus étendu, est ce tout complexe qui comprend la connaissance, les croyances, l’art, la morale, le droit, les coutumes et les autres capacités ou habitudes acquises par l’homme en tant que membre de la société. […] La culture désigne donc tout ce qui est créé et transmis par l’homme, tout ce qui n’est pas donné par la seule nature et par l’hérédité biologique. De plus, ainsi conçue, elle renvoie non à des savoirs exceptionnels et individuels mais bien à la vie sociale et collective dans toutes ses formes ».

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leurs fermes, ils ont raisonné leur travail dans le but de se dégager du temps pour mener leurs

engagements extérieurs :

« J’ai toujours mené l’agriculture avec une autre passion […] et pour moi c’est indispensable, je me ressource là-dedans ; et ça me laisserait peut-être un peu plus de temps pour ce domaine là aussi » (A15).

3.2 Les racines basques qui font qu’on s’installe

Pour ces personnes, l’agriculture en Soule est donc fortement liée à la culture. Ils pensent que

si la société souletine parvient à conserver sa culture alors, elle réussira également à maintenir

son agriculture qu’ils considèrent comme un élément constitutif de cette culture. Leur choix

d’installation est un choix que l’on peut qualifier d’idéologique, lié à leur attachement

culturel :

« Y’a l’attachement. Quoi qu’on dise, je pense pas qu’on puisse dissocier le fait que ces agriculteurs s’installent ; du fait qu’ils ont des racines basques et qu’ils ont un attachement à leur culture et à leur langue. Pour moi c’est indissociable. […] je suis sûr qu’il n’y a pas d’autre explication : l’attachement, le pays, les racines, la langue, la culture qui est encore vivante fait que tout ça vit quoi. Quand tout ça sera parti, ce sera fini … » (A10).

L’emploi du terme « racine » souligne que ces agriculteurs ressentent un profond attachement

à la terre, qu’ils nourrissent des liens étroits avec le territoire de Soule.

La moitié (neuf sur vingt) des agriculteurs souletins rencontrés a « fait le choix » de

s’installer, concrétisant ainsi un projet. Leur démarche d’installation s’est construite et

développée en rapport à ce qu’ils avaient vécu précédemment : l’influence de l’entourage

familial, les expériences antérieures ou la formation. Pour ces personnes, le métier

d’agriculteur représente une activité ou un mode de vie « attractif » vers lequel ils se sont

tournés, après pour certains avoir connu des expériences salariées. En cela on considère leur

acte comme indépendant, même si la famille joue tout de même un rôle dans la détermination

du choix.

Les expériences antérieures à l’installation, que nous avons choisi de nommer « détour » ont

souvent beaucoup compté dans la formulation de leur projet d’installation. Le fait de voir

autre chose les a souvent amenés à revenir vers l’agriculture dans une optique et avec des

objectifs différents. Le rapport à la culture et l’attachement ressenti envers les coutumes et

traditions basques, constituent également des facteurs qui ont pesé pour certains, dans la

détermination du choix de s’installer.

Ce groupe concerne des personnes d’une moyenne d’âge de trente-six ans, où plus de la

moitié (cinq sur neuf) a moins de quarante ans. Ces agriculteurs ont presque tous un conjoint

et c’est dans ce groupe que l’on retrouve les trois femmes « chef d’exploitation » interrogées.

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CHAPITRE 2 : LA « SUCCESSION FAMILIALE » TRADITIONNELLE

La culture est si prégnante en Pays Basque qu’elle s’est insinuée jusqu’à des niveaux très

personnels chez les individus. Au niveau du choix du métier, nous avons remarqué que

l’aspect culturel pouvait constituer l’un des facteurs explicatifs de l’installation, certains

agriculteurs étant profondément attachés à leur culture. Pour d’autres, l’héritage culturel est

perçu plus négativement comme un poids. Leur installation s’inscrit plus dans une logique

respectant les schémas traditionnels établis que dans une démarche concrétisant une volonté

personnelle d’installation. Pour eux, il conviendrait de parler de « succession familiale »

plutôt que « d’installation » car l’indépendance de leur décision est incertaine.

1. Le poids de l’héritage culturel

L’autre moitié des agriculteurs rencontrés (onze sur vingt) parlent de leur installation comme

d’une continuité du travail entrepris par leurs parents, comme s’il n’y avait aucune rupture,

aucune différence depuis la reprise de l’exploitation. Pour eux, il s’agit d’une évidence : une

personne doit reprendre l’exploitation familiale à chaque génération.

Confrontés aux questions concernant leur installation et leurs motivations ces personnes ont

eu du mal à s’exprimer. Le sujet semblait douloureux, comme en témoignent certaines

formules employées qui sont significatives du malaise occasionné.

1.1 « Il fallait un chef d’exploitation »

Certains agriculteurs évoquent leur installation en employant un vocabulaire qui relève du

registre du devoir : « il fallait un chef d’exploitation » (A1), « il fallait que je m’installe »

(A9), « il fallait quelqu’un qui reprenne de toutes façons » (A19), « il fallait quelqu'un avant »

(A16). Pour eux, cette installation sonne comme une logique, doublée d’un caractère

immuable, qui respecte l’ordre des choses. Ils s’expriment sur ce point avec une profonde

résignation: « c’était comme ça » (A1), « je ne me suis pas posé la question. Je me suis

installé, enfin c’était logique » (A19). La reprise présente un aspect systématique lié à la

tradition ou à l’accomplissement d’un devoir.

On pourrait croire que la résignation ne touche que les agriculteurs les plus âgés, qui ont

connu l’évolution du monde agricole ou qui ont vu des membres de leur famille partir vers

d’autres métiers. Il n’en est rien puisque sur les onze agriculteurs qui s’inscrivent dans une

logique de « reprise par devoir », quatre ont moins de quarante ans. En effet, dans ce groupe

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on observe une grande hétérogénéité dans la structure d’âge avec de très jeunes chefs

d’exploitation et des agriculteurs proches de la retraite.

Il convient de noter une autre caractéristique de nature sociale qui concerne les personnes de

groupe : sur les cinq agriculteurs célibataires rencontrés, quatre se situent dans cette logique

de « reprise forcée ». Cette caractéristique semble confirmer qu’il existe un lien entre le

célibat et la résignation ressentie par ces personnes, mais nous ne pouvons en établir la nature

car nous touchons ici à des phénomènes sociaux qui dépassent la portée de notre étude. La

seule hypothèse que nous pouvons envisager peut se résumer ainsi : peut-être que le fait de ne

pas choisir sa condition d’agriculteur est si douloureux pour ces personnes, qu’il leur est

difficile de se tourner vers l’extérieur et les autres.

1.2 Le « déterminisme » de la reprise

Autrefois, le système de transmission voulait que l’héritier soit l’aîné de la famille : en

naissant le premier, l’enfant avait une vie déjà toute tracée même si ses aspirations étaient

autres. Pour qu’il y ait succession, il suffisait qu’il y ait « un héritier ayant envie

d’hériter », ou qui accepte de le faire sur demande plus ou moins explicite de ses parents. Les

désirs professionnels des enfants étaient moins pris en compte par les familles qui imposaient

leur volonté que l’exploitation soit reprise : « c’est vrai qu’avant c’était systématiquement

l’aîné, tout n’était pas bien non plus, hein. Y’avaient des gens qui avaient peut-être plus la

notion de l’agriculture qui n’était pas forcément l’aîné » (A2).

Aujourd'hui, les personnes qui reprennent par esprit de continuité, ne sont pas nécessairement

les aînés de leur fratrie. L’étude de leur position dans la famille est intéressante, car elle

permet de souligner que la « production de l’héritier », si elle ne respecte plus le droit

d’aînesse intégral, semble suivre d’autres logiques. Sur les onze agriculteurs que compte ce

groupe, la moitié est représentée par des fils uniques ou des hommes qui n’ont que des sœurs.

Dans ce cas, la logique de transmission semble accorder le droit ou le devoir d’hériter, à

l’unique enfant de sexe masculin. L’épouse d’un agriculteur fils unique, pense que dans le cas

de son mari, il y a eu une pression liée à la reprise :

« Oui y’a un poids déjà pour le gosse je pense, pour lui…Déjà lui d’office je pense qu’il n’avait pas le choix. C’était ça, et ses parents je pense pas qu’ils auraient bien accepté qu’il laisse l’exploitation. Et puis le seul gosse, ça doit faire mal au cœur aussi de laisser une exploitation » (A6).

L’autre moitié des agriculteurs de ce groupe n’avait pas de formation particulière quand le

père est arrivé en âge de prendre sa retraite ; ils travaillaient pour la plupart à l’usine ou

terminaient leur service militaire. C’est à ces enfants « sans formation » que les parents ont

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demandé de revenir sur la ferme pour s’installer : « y’avait que moi sans métier, alors.. ».

Dans ce cas, l’expérience antérieure n’a pas été considérée comme déterminante dans le choix

d’installation car le fait de revenir sur l’exploitation ne constitue pas une démarche volontaire

de leur part indépendante des volontés familiales. Au contraire, il semble que l’intervention

familiale soit à la base du retour vers l’agriculture.

D’autres expressions évocatrices ont été employées par les agriculteurs pour indiquer la façon

dont la reprise a été vécue. Il s’agit des expressions : « j’étais prévu pour la suite », « j’étais

pas ‘programmé pour reprendre’ mais un petit peu quelque part… » (A19) ou « c’était prévu

depuis tout le temps » (A9).

1.3 La difficulté pour ces agriculteurs de parler de leur « choix »

Les entretiens des personnes qui ont repris pour ne pas laisser l’exploitation familiale,

présentent un grand nombre de contradictions. Comme pour mesurer les propos qu’ils sont en

train de confier, ces personnes se contredisent presque aussitôt après avoir évoqué leurs

pensées : « on était restés quoi. Et puis bon envie de rester aussi… » (A16), « y’avait cette

possibilité alors j’ai fait ça. Bon que j’aime bien aussi ; c’est vrai que j’aime bien les bêtes

alors » (A9), « il fallait quelqu’un qui reprenne de toutes façons puis bon moi aussi j’aimais

ça de toutes façons » (A19). Ces contradictions semblent cacher un malaise, une certaine

douleur. C’est l’analyse du discours qui nous a amenée à penser que l’installation pour les

personnes de ce groupe, correspondait plus à un « non choix » qu’à un choix volontaire et

motivé. Quand le choix correspond à un projet mûri, les agriculteurs ont moins de difficultés à

exposer leurs motivations.

1.4 Comment les autres agriculteurs parlent-ils de ces reprises « programmées » ?

Pour les agriculteurs qui assument plus ouvertement leur choix d’installation, il est plus facile

de parler de l’héritage culturel dans ses aspects positifs mais aussi dans ses points négatifs

(voir encadré 1 en page de gauche). Ils sont lucides sur le fait que certains de leurs collègues

ont repris ou reprennent les fermes parentales pour satisfaire une volonté familiale ou suivre

la tradition, et que leurs choix n’en sont peut-être pas. Par exemple, A15 trouve anormal que

ces agriculteurs souffrent de leur métier : « je trouve que certains, ils portent un fardeau :

voilà il faut continuer l’exploitation…Ben non, on est pas là non plus pour en souffrir ».

Conclusion :

La culture joue encore aujourd'hui un rôle important dans le processus de transmission des

exploitations souletines. Dans certaines familles, le modèle de transmission coutumier est

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encore d’actualité aux dépens quelque fois des projets de l’héritier qui ne se voyait pas

forcément agriculteur. Dans ce cas, l’héritage culturel est perçu comme un poids lourd à

porter par les repreneurs, qui n’ont pas voulu se dresser contre le système et contre leur

famille.

2 La crainte vis à vis de l’extérieur :

2.1 Ne pas « goûter à l’extérieur »

Une autre caractéristique des agriculteurs qui ont repris par non-choix, tient au fait qu’ils

expriment tous une crainte vis à vis du « détour » c'est-à-dire aux expériences antérieures à

l’installation, surtout quand elles sont effectuées en dehors du milieu agricole. Pour eux, il y a

un gros risque à laisser les jeunes s’éloigner de l’agriculture car ils ne reviendraient pas après

avoir connu autre chose : « je me demande s’il y aura quelqu'un. Y’a un garçon qui a un BTS

agricole mais enfin il travaille à l’extérieur et quand on goûte à l’extérieur un peu…Habitué à

voir la fiche de paye… » (A8). Ils utilisent une image évocatrice pour parler de ce risque :

l’expression « goûter à l’extérieur21 » : « j’espère qu’ils vont revenir, après avoir goûté au

travail extérieur… » (A17).

C’est comme si pour eux, l’extérieur était une sorte de fruit défendu qu’il ne fallait surtout

pas goûter sous peine de ne pas revenir. Cette image est intéressante car elle oppose -dans

leurs esprits- « l’intérieur » représenté par la maison, qui correspond au domaine du connu et

à la tradition, à « l’extérieur » qui constitue l’inconnu, sources de toutes les craintes. Par cette

expression, les agriculteurs rappellent la situation sociale qui était autrefois la plus fréquente

(Champagne et Maresca, 1986). L’agriculture était le lot commun, et la condition agricole

souvent l’idéal de la plupart des personnes. Aujourd'hui les familles sont de moins en moins

« agricoles » et les exploitants connaissent tous des personnes salariées, des artisans ou des

commerçants dans leur entourage. Il est plus facile pour eux de faire la comparaison entre

leurs conditions sociales respectives. On peut s’interroger sur la signification de cette crainte

envers le détour : finalement, n’expriment-ils pas un regret de ne pas être partis eux-mêmes ?

« Y’a un fils là qui a commencé à travailler à l’extérieur et il paraît que maintenant ça commence à lui passer l’envie de travailler à la maison. L’argent en fin de mois arrive de l’extérieur et à la maison on le voit pas de suite l’argent rentrer… Faut pas partir. A la fin du mois y’a la paye qui arrive tandis qu’à la propriété, à la fin du mois, qu’est-ce qu’on a : rien du tout… » (A5).

21 Dans leur étude en Bresse, Sylvain Maresca et Patrick Champagne, ont rencontré eux aussi un vieil agriculteur qui employait cette formule : « pour qu’un jeune ait envie aujourd'hui de devenir agriculteur, il ne faut pas qu’il ait goûté à autre chose ».

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2.2 Des préjugés sur les activités salariées

La quasi-totalité des personnes qui redoutent le détour, n’ont pas eu d’autre expérience avant

l’installation. En ce sens, on peut considérer que leurs perceptions sur les activités salariées

correspondent à des préjugés : ils formulent des opinions stéréotypées.. Il y a un décalage

entre leurs représentations des conditions que connaissent les salariés, et la réalité. Les

agriculteurs ayant fait un « détour » sont conscients de cette différence de perception. Ils se

rendent compte que nombre de leurs voisins ont des préjugés sur l’emploi salarié, le travail à

l’usine ou les 35 heures : « ce qui me choque énormément c’est que je vois, …d’entendre

parler des agriculteurs qui jalousent les salariés. Mais pour l’essentiel ce sont des gens qui

n’ont pas connu cette vie en usine » (A2).

2.3 Un manque de confiance en l’agriculture ?

Par l’expression de leur crainte vis-à-vis de l’extérieur et en raison des sentiments de jalousie

qu’ils expriment face aux conditions sociales des autres catégories, nous pouvons penser que

ces agriculteurs ne croient plus assez en leur métier, qu’ils n’ont eux-mêmes plus confiance en

l’agriculture. C’est pour cette raison qu’ils ont du mal à imaginer que d’autres puissent y

revenir par choix, après avoir fait autre chose. Souvent dans les entretiens, il leur était difficile

d’expliquer les raisons qui avaient motivé leur installation. Aucun ne s’est risqué à dire « je

me suis installé pour… » ou « mon projet d’installation était … ».

On peut donc se demander si ces personnes ont eu le choix de s’ouvrir sur autre chose au

cours de leur vie. Finalement, en s’exprimant de cette manière, ces agriculteurs ne cherchent-

ils pas à montrer qu’ils regrettent quelque peu leur propre parcours ?

Conclusion :

Pour les agriculteurs de ce groupe, il a été plus douloureux de s’exprimer sur les raisons qui

les ont poussés à s’installer. Ils parlent plus difficilement de « goût pour le métier », et

craignent énormément de voir les jeunes « en détour », ne jamais revenir vers l’agriculture. Ils

redoutent cette démarche mais leurs propos ne sont sans doute pas exempts de regrets.

Du côté des politiques ou responsables professionnels, les expériences antérieures à

l’installation sont parfois perçues comme négatives. Elles apparaissent souvent comme un

risque, car on pense que les jeunes vont « prendre goût à l’extérieur ». Cependant, l’enquête

révèle que le détour peut être très positif dans le parcours des agriculteurs. Il semble que cette

étape n’ait pas à être crainte, les personnes qui sont motivées par l’installation sortent encore

plus fortes de ces expériences et reviennent avec plus d’enthousiasme.

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L’autre moitié des agriculteurs rencontrés semble vivre l’installation agricole comme une

succession familiale s’inscrivant dans une logique dictée par la coutume ou les parents. Ils

justifient la reprise de l’exploitation par des termes empruntés au registre du devoir (« il fallait

un chef d’exploitation »), comme pour signifier qu’ils ne sont pas les uniques décideurs dans

cette démarche. On peut s’interroger sur le moment à partir duquel l’installation s’est décidée

dans leur cas, et surtout qui en a fait le choix. Il est difficile de percevoir si ce sont les parents

qui ont créé une pression plus ou moins subtile autour de la reprise, ou si les enfants ont eux-

mêmes intériorisé cette pression et se sont installés dans l’unique but de perpétuer le

patrimoine familial. Dans tous les cas, la notion même de « choix » est discutable et nous

avons donc décidé de parler de « non choix » pour ce genre d’installation.

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CHAPITRE 3 : LE RÔLE DE LA FAMILLE DANS LA CONSTRUCTION DU CHOIX :

La famille en Pays basque joue un rôle important dans la socialisation des enfants. Elle reste

encore aujourd'hui le vecteur principal de la langue basque et de la culture bien que les

milieux scolaire et associatif aient pris le relais depuis quelques années.

Dans les familles agricoles, l’apprentissage du métier se faisait traditionnellement « sur le

tas » dès le plus jeune âge : les enfants et principalement les garçons, aidant le père aux

travaux de la ferme. La reprise de l’exploitation se faisait par la suite, quand le père atteignait

l’âge de prendre sa retraite. Aujourd'hui, bien que la socialisation des enfants soit exercée par

d’autres instances, l’installation est encore très dépendante de la famille. De même, le

principe d’indivisibilité des patrimoines familiaux, qui impose la présence d’un héritier

unique à chaque génération a marqué si fortement les esprits qu’il influence encore le

phénomène de reprise.

Nous verrons dans ce chapitre, le lien particulier qui existe entre la famille basque et

l’installation en agriculture. Nous avons pu observer que l’entourage familial jouait encore un

grand rôle dans la détermination du choix de s’installer en Soule et ceci de deux manières

différentes : soit par création d’une pression plus ou moins explicite autour de la reprise, soit

par la transmission de l’amour pour le métier.

1. L’incitation à reprendre l’exploitation

1.1 Le rôle autoritaire du père dans la transmission

La famille en Soule et en Pays Basque est l’un des vecteurs de la culture car elle constitue la

cellule de base de l’organisation de la société. Jusqu’à la fin des années soixante-dix, la

cohabitation entre générations était généralisée et la famille « contrôlait » plus facilement

l’avenir professionnel de ses enfants. Dans ce cas, c’est au père que revenait le devoir de

régler les affaires familiales et de prendre les décisions concernant l’exploitation. Il était sans

doute aussi de son ressort de décider lequel de ses enfants serait le plus apte à reprendre la

ferme.

Dans mes entretiens, peu de personnes ont directement évoqué le rôle du père dans le choix de

la reprise. Un seul couple proche de la retraite m’a expliqué ouvertement que le fait de

cohabiter à l’époque avec les parents, a pesé dans leur installation. Ainsi, A16 et sa femme

pensent que s’ils étaient partis vivre ailleurs, le père n’aurait pas eu la même autorité sur eux :

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« même quand on s’est mariés […] on a habité avec les parents ici, voilà on est jamais partis

quoi. C’était plus facile certainement pour rester ensuite…je sais pas ».

Dans leur cas, le père avait fait comprendre qu’ils devaient revenir sur la ferme. A16 était le

seul de ses frères et sœurs à ne pas avoir appris de métier donc c’est à lui qu’on a demandé de

reprendre l’exploitation :

« y’avait que moi sans métier, alors. (rire) Non mais j’aimais les bêtes et tout ça dès le départ…Mais bon on avait hésité quand même. Sa femme : On avait été parler de partir mais pouuu…On avait senti qu’il ne fallait pas. Et puis bon comme c’était pas comme maintenant, on était restés quoi. Et puis bon envie de rester aussi. Mais bon c’est vrai que si on était partis, c’est pas dit qu’on serait revenus, non certainement » (A16).

Pour eux ce n’est donc pas l’envie de s’installer qui a motivé leur choix. A16 dit même qu’il

n’avait pas très envie de s’installer à l’époque : « Oui moi j’avais pas tellement envie de faire

mes 200 heures et de m’installer ».

Leur cas n’est pas isolé mais ce sont les seuls à me l’avoir clairement exprimé. Un autre

agriculteur du même âge a connu une situation semblable mais pour lui il est plus difficile de

raconter le rôle du père dans son installation. Il préfère opposer les verbes « rester » (dans son

métier précédent) et « revenir » (sur la ferme) pour montrer que la reprise de la ferme

parentale n’était pas son idée première:

« je suis parti à l’armée, j’avais pas trop l’intention de revenir […]ça me plaisait beaucoup et j’aurais préféré rester. Je suis revenu, remplacer mon frère qui lui devait partir à l’armée. Puis lui mon frère, il a fini l’armée, il a trouvé du boulot et il est pas revenu. Alors moi je suis resté » (A11).

Ces deux cas concernent des agriculteurs proches de la retraite qui ont entre 55 et 59 ans et

dont les récits se situent dans les années soixante-dix. A cette époque, l’image du père était

celle d’un homme très autoritaire qui semblait pouvoir imposer le retour sur la ferme à ses

fils. Cependant, les termes employés par les jeunes chefs d’exploitation du second groupe

présenté, qui parlent d’une installation par devoir plus que par envie (« il fallait un chef

d’exploitation », « je ne voyais personne d’autre reprendre »…), indiquent que la pression non

dite exercée par le père existe encore dans quelques maisons.

1.2 « Moi je vais pas leur dire : toi tu dois rester. C’est à eux de voir »

Aujourd'hui, du fait de la séparation partielle ou totale des ménages, l’autorité paternelle n’est

plus aussi forte. Les mœurs ont évolué, les enfants ont plus facilement accès aux études et

partent plus vite de la maison familiale (principalement les filles22). Bien que le respect des

parents soit encore très perceptible, les enfants hésitent moins aujourd'hui à contredire les 22 Chez la totalité des chefs d’exploitation rencontrés, les sœurs s’ils en avaient, été parties de la maison familiale pour leurs études et leur métier.

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décisions prises et à choisir eux-mêmes leur voie. Un agriculteur proche de la retraite ayant

connu de la part de son père, le même type de pression que les deux agriculteurs précédents,

pense qu’aujourd'hui on ne peut plus rien faire si les enfants ne sont pas intéressés par la

reprise. Il fait clairement la différence entre les deux époques en opposant les mots « avant »

et « maintenant » et souligne ainsi le décalage qui existe entre son parcours et celui de ses

enfants : « Il fallait quelqu'un avant, tandis que maintenant... Moi je vais pas leur dire : toi tu

dois rester. C’est à eux de voir ». Il semble que cet agriculteur regrette le système de

transmission traditionnel où le père pouvait fortement pousser à la reprise ; car dans ce

modèle de reproduction sociale, le seul fait d’avoir un enfant garantissait d’avoir un

successeur. En même temps, on sent qu’il ne souhaite que le bonheur de ses enfants, et qu’il

se rend bien compte qu’on ne peut plus forcer la main. Il s’attache donc à penser que la

situation est mieux telle qu’elle est: « on ne peut pas les forcer non plus. C’est comme ça et

c’est très bien comme ça. S’ils ont le boulot… ».

En réalité, les parents ne savent plus toujours aujourd'hui ce qu’ils doivent vouloir pour leurs

enfants ou alors ils ne disposent plus des moyens de leur imposer (Champagne et Maresca,

1986). A6, mère de trois enfants se situe dans ce paradoxe par rapport à la transmission de son

exploitation. Elle sait que la condition agricole doit se choisir car elle n’est pas toujours facile

à supporter, mais en même temps elle rêverait qu’un de ses enfants poursuive le travail

accompli (voir encadré 2 en page de gauche).

La famille joue un rôle dans la détermination du choix pour le métier. Jusqu’à une vingtaine

d’années en arrière, le rôle du père était important dans le processus de reprise et le terme

même de « choix » d’installation pouvait être discuté. Il s’agissait alors d’une quasi-obligation

de rester ou de revenir sur la ferme. Aujourd'hui, l’autorité paternelle est moins prononcée

dans la majorité des familles d’agriculteurs et l’entourage familial intervient différemment

dans le processus d’installation. Plus que de forcer la main aux jeunes, de nombreux parents

sont maintenant dans une optique de « transmission », en tentant de leur faire passer l’amour

pour le métier.

2 La transmission du goût pour le métier

La famille joue un rôle de transmission à plusieurs niveaux. Elle est le garant de la

transmission du patrimoine, mais participe également à la transmission de l’amour pour le

métier. Aujourd'hui, il semble que certains parents tentent de susciter l’envie de s’installer

chez leurs enfants, ne serait-ce que par l’image qu’ils leur donnent vis à vis du métier. Ainsi,

la façon dont le métier est perçu par une génération peut déterminer la façon dont il sera perçu

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par la génération suivante. L’exemple donné par les parents peut inciter ou non les enfants à

s’installer et rendre à leur yeux, le métier plus ou moins attractif et envisageable.

2.1 La modernisation de l’exploitation par les parents incite à la reprise

L’un des premiers critères qui semble pris en compte par les jeunes agriculteurs comme

facteur d’incitation à l’installation est de nature économique puisque lié à la structure de

l’exploitation parentale. Une ferme jugée « viable » économiquement, selon les critères

socialement et localement convenus, semble être plus « attractive » pour les enfants

d’agriculteurs souletins : « quand les parents n’ont pas trop essayé d’investir dans des outils

de …dans des étables fonctionnelles ou des bergeries fonctionnelles alors ça donne pas trop

trop de courage quoi » (A18, jeune agriculteur installé récemment). Ainsi la modernisation de

l’exploitation avant la transmission semble importante pour les jeunes agriculteurs. Ceux dont

les parents n’ont pas du tout investi avant de céder, sont moins encouragés et regrettent que

rien n’ait été fait. Ainsi A9 qui s’est installé il y a 8 ans, se serait passé d’avoir autant

d’investissements à faire dès le départ :

« Quand je me suis installé, c’était tout des vieux bâtiments et c’était pas fonctionnel du tout […]. Je m’en serais passé d’avoir tout ça dès le départ. Parce qu’il y en a qui arrive, des jeunes je suppose qui arrivent, et qui n’ont pas tant d’investissements que ça. » (A9).

Du côté des parents, certains tiennent le même type de discours comme A10 qui souhaite

donner un bon exemple à ses enfants : « Et si un jour ils veulent s’installer, de voir leurs

parents peut-être travailler dans une certaine facilité, c’est peut-être plus motivant que de voir

des parents travailler comme des noirs ».

Cette relation causale entre l’attractivité du métier et la modernisation de l’exploitation peut

se lire aussi dans le sens contraire, c'est-à-dire qu’un agriculteur qui n’a pas d’héritier (un

célibataire sans enfant, ou un couple avec enfant mais dont aucun n’est intéressé) aura moins

de motivation à moderniser son exploitation. Dans le groupe des agriculteurs qui se sont

installés « par non choix » (onze personnes), six sont sûrs de ne pas avoir de successeur car ils

n’ont pas d’enfants ou que leurs enfants ne souhaitent pas reprendre. Sur ces six personnes,

aucun n’a par exemple fait installer de machine à traire pendant sa carrière professionnelle et

tous continuent la traite manuelle23. Dans une société où l’objectif de tout le groupe est la

survie des exploitations de génération en génération sans aucun morcellement des structures,

le fait de ne pas avoir de successeur est vécu comme un échec. D’abord ressenti comme un

23 « On a hésité pour la machine à traire et puis si y’a personne. Pour nous c’est pas…on va, on va d’ici pas trop longtemps, on va arrêter avec les brebis et on va arriver à la retraite avec les vaches ». (A16).

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échec personnel en raison de l’incapacité à transmettre le goût de l’agriculture à ses enfants (si

il y en a ), il est ensuite vécu comme un échec social car on n’a pas su remplir ses obligations

envers le groupe et ainsi participer à sa reproduction.

2.2 Aimer son métier pour que les enfants s’y intéressent

Certains parents pensent que le fait de bien vivre son métier est très important dans le

processus de transmission : quand on aime ce que l’on fait, on parvient plus facilement à le

transmettre. Pour A2, l’amour de l’agriculture est contagieux : « je crois que c’est très

contagieux ; l’agriculture, la perception de l’agriculture, la perception de la montagne,

l’amour de la montagne, de l’agriculture ; si on l’aime on arrive à le faire passer plus

facilement ».

Les parents qui tiennent ce genre de discours sont souvent des personnes qui se sont installées

par choix après avoir connu d’autres expériences avant l’installation. On peut se demander

s’ils sont de nature optimiste ou si le fait d’avoir vu autre chose avant de s’installer, a rendu

leur projet plus construit et les a amenés à percevoir leur métier plus positivement. Il serait

intéressant de voir aussi, ce qu’il adviendra de leurs exploitations dans le futur : si le fait

d’aimer leur métier aura suffi à le rendre plus attractif aux yeux des enfants et aura suscité

chez eux l’envie de prendre la suite. Dans certains cas, il semble que cela ait fonctionné,

comme pour le père de A18 (jeune agriculteur) qui a cherché à moderniser l’outil de travail

dans le but de garder son fils sur l’exploitation :

« J’avais une seconde motivation, j’avais le fils et puis mon objectif, ce que je faisais c’était pour essayer de le garder avec moi quoi. Et de le motiver à rester…et bon il a perçu le message. Je sais pas si j’ai été bon dans ce qu’on a fait mais, il a quand même perçu le message en tant que tel, et ça a continué à nous encourager » (A18).

L’utilisation du terme « message » par ce père, traduit l’effort de persuasion que la famille

agricole exerce aujourd'hui sur ses enfants. En d’autres termes, « les parents doivent fournir

un travail spécifique d’incitations à succéder pour éviter que leurs enfants […] ne partent vers

d’autres professions » (Champagne et Maresca, 1986).

Conclusion :

En vingt ans, du fait de l’évolution au sein des structures familiales en Soule avec la

diminution de la cohabitation des ménages et l’ouverture de l’espace social, l’environnement

familial a vu sa place évoluer quant au processus de socialisation des enfants et donc vis à vis

de son rôle dans la reproduction sociale du groupe. Aujourd'hui la majorité des parents prend

plus en considération les aspirations professionnelles de ses enfants. Les principes qui

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fondaient la transmission traditionnelle ne sont plus systématiquement appliqués et les parents

préfèrent agir plus par incitation que par obligation, en suscitant chez leurs enfants le goût

pour le métier. S’ils sont optimistes et renvoient une image positive de leur métier, celui-ci

apparaîtra comme plus « attractif » aux yeux de leurs enfants qui seront plus motivés à

reprendre l’exploitation.

3 La place de la famille dans l’installation effective :

Nous avons mis en évidence que la famille intervenait dans la détermination du choix du

métier. Quand un enfant est décidé à reprendre l’exploitation (ou que l’on a décidé pour lui),

la famille suit le processus d’installation, bien qu’il constitue aujourd'hui une démarche

professionnelle, encadrée par les organismes agricoles.

3.1 Le rachat du capital d’exploitation

Certains agriculteurs ont insisté sur le caractère compliqué de l’installation actuelle, regrettant

les systèmes de transmission traditionnels où « c’était de père en fils et ça passait

automatiquement » (A13). Aujourd'hui, le rachat du capital d’exploitation est obligatoire et si

l’on croît certains discours, il constitue une étape qui vient compliquer le processus

d’installation. Dans les faits, aucun des jeunes installés rencontrés n’a eu de problème

concernant ce rachat. Il ne s’agissait finalement que d’un jeu d’écriture pour que la somme

allouée passe en comptabilité. Dans quasiment tous les cas rencontrés, le montant versé par le

jeune à son père lui était reversé par la suite :

« Maintenant il faut obligatoirement faire un emprunt pour faire le rachat du capital et obligatoirement le payer à ses parents. Bon tant que ça se passe bien, tant que les parents, vous aident c’est très bien mais supposons que les parents ils disent : ben c’est très bien on encaisse tout ça, il se retrouve avec un gros emprunt, s’il veut faire autre chose, il doit en faire un autre » (père de A13).

3.2 Les arrangements de famille

Les arrangements de famille des personnes rencontrées n’ont pas créé de difficultés

particulières mais des cas conflictuels ont été contés. D’après de nombreux agriculteurs, les

arrangements de famille vont devenir de plus en plus une source de conflits du fait de

l’augmentation du prix du foncier. Pour eux, cette hausse du prix des terres pèse comme une

menace sur le système de transmission traditionnelle car ils se demandent quelle va être

l’attitude de leurs frères et sœurs lors du calcul des soultes à verser. Ils craignent que le jeune

désireux de s’installer soit confronté à un très grand investissement financier, pour assumer le

rachat de la maison et des terres aux co-héritiers qui acceptent de moins en moins les

inégalités de partage dictées par la coutume dans l’intérêt de la perpétuation de la maison.

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Ainsi, le maintien de l’exploitation n’est plus forcément l’intérêt défendu par toute la famille

et chaque personne cherche son intérêt personnel dans la succession :

« Si vous le faites tant que les parents vivent ça passe encore. Nous on l’a fait tant qu’on était vivant, donc c’est plus difficile pour un gosse de se rebiffer. Tandis que dès que vous avez fermé les yeux, c’est la guerre, c’est la guerre. Et celui qui a travaillé toujours il se retrouve en caleçon. C’est pour ça qu’on avait fait de suite » (A14).

La famille souletine joue encore aujourd'hui un rôle très important dans les stratégies de

reproduction sociale du monde agricole. Vis à vis de la transmission du patrimoine, les

familles continuent de faire appliquer la coutume locale en dépit du Code civil, considérant

que les principes coutumiers s’inscrivent dans l’intérêt de la conservation des lignées.

Par rapport à la socialisation des enfants, le monopôle dont disposait la famille autrefois s’est

trouvé modifié et de nombreux parents ne savent plus vraiment quelle position adopter face

aux choix professionnels de leurs enfants. De plus en plus, ils tentent de susciter le « goût

pour le métier », de rendre le métier plus « attractif » aux yeux de leurs enfants, ne serait-ce

qu’en véhiculant une image positive de l’agriculture. Cependant, la pression exercée sur les

futurs héritiers par l’entourage existe encore dans certains cas, sous une forme sans doute plus

intériorisée.

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CONCLUSION : POURQUOI S’INSTALLE-T-ON EN SOULE ?

L’installation agricole en Soule n’est pas un processus uniforme, vécu de la même façon par

tous les agriculteurs. Il semble que l’installation ne soit pas exclusivement une réponse au fait

de percevoir le métier d’agriculteur comme « attractif ». Nous avons ainsi distingué deux

logiques de reprise différentes : l’une s’apparentant plutôt à une installation au sens

professionnel du terme c'est-à-dire une démarche qui valide un projet, et l’autre qui

correspond plus à une succession familiale, à l’héritage d’une situation. Ces deux schémas

d’installation nous amènent à distinguer deux groupes d’agriculteurs :

- d’une part, ceux qui croient en leur métier et qui ont fait le choix d’être agriculteur ;

leur installation concrétise un choix motivé.

- d’autre part ceux qui subissent leur métier et qui ont repris l’exploitation familiale

plus par « non choix » que par choix réel ; leur installation correspond avant tout à une

« succession familiale ».

Nous avons également mis en évidence que le choix du métier pouvait être lié à la défense

culturelle : certains agriculteurs percevant leur héritage culturel comme un tout dont

l’agriculture reste un élément structurant. Nous sommes donc en présence de trois profils

d’installation différents. Un premier que nous qualifierons de « subi » car les personnes ont

succédé sans avoir forcément le choix. Un second profil dont les installations se sont faites

par « goût pour le métier » et un dernier qui est plus « idéologique » car au goût du métier

viennent s’ajouter des considérations culturelles. Dans ce contexte, la notion « d’attractivité

du métier d’agriculteur » semble moins être liée à une perception personnelle de la part des

enfants issus de famille agricoles, qu’à une construction sociale engendrée par

l’environnement familial et culturel.

La « politique agricole » menée en Soule par la Communauté de communes devrait tenir

compte de ces différences entre les profils d’installation afin de ne laisser personne en marge.

Nous verrons que le public le plus fragilisé est celui qui subit sa condition d’agriculteur. Pour

travailler avec ces personnes et notamment aborder avec elles le problème délicat de leur

transmission, il sera important de ne pas négliger l’aspect humain.

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PARTIE III : LA PERCEPTION DU METIER AU SEIN DES FAMILLES

D’AGRICULTEURS

Cette partie expose la façon dont le métier est vécu par les agriculteurs de Soule et leurs

familles, tentant d’apporter des réponses à la deuxième question principale de ce mémoire :

« Comment les agriculteurs souletins perçoivent-ils leur métier ? »

Nous commencerons par étudier les pratiques des agriculteurs souletins afin de mettre en

évidence les liens existant entre le métier et son environnement : le lien à la famille qui est

toujours très présente dans l’exercice du métier, et le lien au voisinage (chapitre 1). Dans un

deuxième temps, nous analyserons les représentations des agriculteurs sur leur métier et la

manière dont ils en parlent avec les atouts et les contraintes qu’ils lui attribuent (chapitre 2).

Nous verrons aussi la façon dont ils se comparent aux autres catégories socioprofessionnelles.

Enfin nous présenterons une analyse de la perception de femmes issues de familles agricoles

sur le métier d’agriculteur et la Soule (chapitre 3).

CHAPITRE 1 : LE METIER DANS SON ENVIRONNEMENT

Avant de présenter les représentations des divers groupes d’agriculteurs sur le métier, il

convient de présenter les particularités du métier d’agriculteur en Soule avec le lien à la

famille et au voisinage.

1. Le lien à la famille

1.1 Le travail sur les exploitations reste très familial

1.1.1 L’importance de la main d’œuvre familiale

Au dernier recensement agricole, on comptait en moyenne 1,64 UTA par exploitation en

Soule dont 1,54 UTA familiale. Ces chiffres indiquent que le travail effectué sur les

exploitations souletines reste très largement assuré par de la main d’œuvre familiale :

conjoints, parents retraités, collatéraux célibataires…Tous les agriculteurs rencontrés lors de

cette enquête travaillaient en famille que ce soient des jeunes chefs d’exploitation aidés par

leurs parent, que des personnes plus âgées travaillant en fratrie ou en couple…

1.1.2 La double-activité des couples garantit la survie des petites exploitations souletines

Pour certaines exploitations, le travail extérieur d’un des deux membres du couple est

primordial. Le maintien des petites structures est donc très fortement lié à la bonne santé de

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l’espace économique souletin car le conjoint doit pouvoir trouver du travail sur le territoire ou

dans un rayon relativement proche (Oloron, Saint Palais…). Parmi les familles rencontrées,

onze personnes vivent réellement en couple24. La moitié de ces couples sont double-actifs (six

sur onze) c'est-à-dire que l’un des conjoints exerce une activité à l’extérieur. Dans certaines

zones de Soule où les exploitations sont petites, la double-activité des couples est perçue

comme une condition essentielle au maintien des structures agricoles : « C’est ou le mari ou la

femme, mais de toutes façons y’en a pas plus qu’un sur les exploitations. On peut pas sinon,

c’est impossible ou alors faut vraiment être une grosse exploitation » (A6).

1.1.3 Le travail des anciens reste primordial

L’entretien des haies et des clôtures

Le travail des aînés est important pour la pérennisation d’un certain nombre de pratiques ; ils

sont souvent responsables sur la ferme de l’entretien des haies et des clôtures, tâches

extrêmement coûteuses en temps mais néanmoins importantes25 aux yeux des agriculteurs

souletins. Pour beaucoup, l’entretien du paysage fait partie intégrante du métier et ils sont très

attachés au fait que leurs terres restent propres et belles.

Les anciens garants de la double activité des chefs d’exploitation

Aujourd'hui en Soule, pour que vivent certaines très petites exploitations, les agriculteurs sont

double actifs c'est à dire qu’ils exercent un travail salarié en plus de leur travail sur la ferme.

Dans ces cas précis, les parents jouent un grand rôle de surveillance des animaux, au niveau

de la traite ou de l’alimentation. Ces systèmes, qui fonctionnent essentiellement grâce au

travail des aînés sont assez précaires car liés à la bonne santé des parents ou grands parents

parfois très âgés. Tous les agriculteurs dans cette situation, savent que leur système ne peut

être durable et s’interrogent sur la suite de leur activité : « Ca peut pas durer longtemps notre

affaire, le père est vieux, enfin il a de l’âge oui […] on prendra d’autres dispositions ; c’est sûr

que les brebis c’est…on pourra continuer en blonde ou comme ça » (A8).

24 Au total nous comptons quinze personnes ayant un conjoint mais certains ont moins de trente ans et vivent encore chez leurs parents sans leur compagne ou compagnon. 25 « Ici ça c’est très important, dans des exploitations ici ; les parents aident beaucoup beaucoup. Ils participent à pérenniser l’exploitation que ce soit au niveau main d’œuvre ou… Y’a même des maisons où même les retraites arrondissent les fins de mois » (A17), « mon père travaille, il nous aide pas mal. C’est pas les gros travaux mais c’est tous les petits travaux autour : les haies, l’entretien, les mauvaises herbes, tous ces petits travaux manuels qui demandent énormément de temps et qui sont méticuleux. On s’en rend pas compte parce que c’est pas le gros travail qu’on voit en fin de journée mais bon c’est un travail énorme, énorme » (A10).

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Le travail réalisé par les générations aînées est primordial au maintien de ces petites structures

(souvent de SAU inférieure à vingt hectares, peu mécanisées, avec la traite manuelle, des

bâtiments vétustes…) car les parents assument le travail d’astreinte pendant que les enfants

travaillent à l’extérieur. L’avenir de ces situations est néanmoins incertain, car les agriculteurs

double-actifs doivent un jour (lorsque les parents ne peuvent plus assumer le travail) faire un

choix entre le fait de rester dans l’agriculture en agrandissant et modernisant leur petite

exploitation ou le fait de conserver leur emploi à l’extérieur en abandonnant le travail sur la

ferme.

« Mon père vieillit et normalement il faudrait que je continue un peu sur l’exploitation mais pour moi je sais pas si ça va être viable […]mais je sais pas ce que ça va être, je sais pas quoi faire, je sais pas quelle solution trouver. On va voir » (A1).

Les anciens garants du système de transhumance

Souvent dans les familles où un jeune a repris l’exploitation, c’est lui qui se charge de faire

les tours de garde à la montagne car beaucoup apprécient ce travail, cette tradition de

gardiennage à tour de rôle dans les cayolars. Cependant, les jeunes peuvent se permettre de

partir garder à la montagne car leurs parents sont présents sur les exploitations et gèrent à leur

place les travaux estivaux de fenaison. A9 adore faire ses tours de garde lui-même dans le

cayolar mais il se rend bien compte que sans l’aide de son père, cette période deviendrait vite

un cauchemar : « j’adore ça, mais bon j’adore ça parce que j’ai quelqu'un ici pour me faire les

foins quoi. Parce que quand je suis là–bas je suis pas ici quoi J’adore ça mais pour l’avenir ça

me posera des problèmes ça c’est sûr ».

Dans le cas où la famille ne peut assumer les travaux de fenaison en plaine, le système de

gardiennage traditionnel devient extrêmement contraignant pour l’éleveur, qui doit être

présent à deux endroits en même temps :

« J’ai un collègue qui est avec moi, il est tout seul et bien fait que les navettes quoi […] Et donc le gars là il vient les chercher le matin, enfin les voir, il les parque, il fait les soins, et puis il redescend chez lui. Il fait les foins, il remonte en fin d’après-midi, il les surveille jusqu’à neuf heures du soir jusqu’à la nuit, enfin ça dépend de la saison quand la nuit tombe et il redescend chez lui. » (A9).

La main d’œuvre familiale est encore aujourd'hui, essentielle au maintien des exploitations

souletines. Le travail des aînés (parents ou grands parents) qui restent sur les fermes, constitue

l’une des garanties de la conservation de certaines pratiques traditionnelles, comme le

gardiennage en estive ou l’entretien du territoire. Cependant, la transmission des exploitations

ne se passe pas forcément dans la douceur entre les deux générations ; il arrive que des

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conflits éclatent et que le jeune chef d’exploitation ne trouve pas sa place sur la ferme

parentale.

1.2 Les conflits de générations toujours douloureux pour les agriculteurs

1.2.1 Une place parfois difficile à trouver pour le jeune repreneur

L’installation des agriculteurs rencontrés n’a pas toujours assuré l’autorité à la personne, le

statut de chef d’exploitation n’étant pas toujours synonyme de pouvoir de décision. Ainsi, il

est parfois difficile pour le jeune repreneur de trouver une place aux côtés de son père sur la

ferme familiale, même lorsqu’il est officiellement chef exploitant depuis un certain temps :

« on devient pas décideur comme ça d’un seul coup » (A1). L’un des agriculteurs rencontrés

pense que la difficulté de la transmission du pouvoir de décision tient au fait que

l’exploitation possède une forte valeur patrimoniale : « en agriculture, on hérite de

l’exploitation, mais on hérite d’une chose qui a été très très importante pour la génération qui

nous précède et qui est soucieuse de nous le donner mais en même temps de nous dire un

peu ».

Dans certaines familles, les enfants arrivent en âge de reprendre la ferme alors que les parents

sont encore en activité. Dans ce cas, la période de transition avant la retraite des parents revêt

plusieurs formes selon les maisons : parfois, le père et le fils forment un GAEC (formule

encore très peu développée), parfois le statut de l’enfant correspond plus à celui d’un aide

familial26. Dans ce dernier cas, l’enfant « héritier » occupe une position inférieure à celle de

son père ; le compromis est plus difficile à trouver entre les deux générations car la situation

est plus déséquilibrée.

1.2.2 L’image du père :

Dans quelques entretiens, la référence faite au père était quasi-permanente, l’image brossée

étant : « autoritaire », « patriarche », « de l’ancienne génération ». A19 un jeune agriculteur,

décrit son père comme quelqu’un qui a toujours été habitué à commander : « Lui a toujours

été habitué à commander. Ca a toujours été le chef de famille et que quelqu’un d’autre

commence à lui prendre sa place ça ne lui plaisait pas sans doute ».

26 Parmi les agriculteurs rencontrés, ceux qui se sont installés le plus tard ne correspondent pas seulement, comme on pourrait le supposer, à des agriculteurs ayant connu d’autres expériences professionnelles avant l’installation ; mais à ceux qui ont été pendant plusieurs années « aide familiale » sur la ferme parentale. Cette situation concerne les agriculteurs âgés de plus de 50 ans à la date de l’étude, qui se sont installés en moyenne à l’âge de 34 ans.

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Il est arrivé lors de deux entretiens, que le père s’exprime intégralement à la place de son fils

que j’étais venue rencontrer. Dans ce cas, il était impossible que le fils évoque les problèmes

de conflits générationnels puisqu’il ne pouvait pas intervenir, mais la situation d’entretien, par

elle-même témoignait de la réalité des relations familiales.

1.2.3 Les conflits de génération

Les conflits entre parents et enfant repreneur semblaient très fréquents il y a une vingtaine

d’années. Cette période de forte mécanisation de l’agriculture était sans doute mal perçue par

les « anciens » car cela venait chambouler les habitudes agricoles. De ce fait ils se montraient

méfiants envers cette mécanisation et le « progrès » qu’elle était censée apporter: « Il

comprenait pas que tu veuilles un tracteur, lui il avait sa charrue avec ses vaches guidées (sa

femme raconte). C’était des disputes. » (A11 agriculteur proche de la retraite).

Aujourd'hui dans certaines familles, le non-partage du pouvoir de décision et la difficulté pour

les anciens de lâcher les rênes de leur exploitation, font que le jeune repreneur a parfois du

mal à trouver sa place (voir encadré 3 en page de gauche). Il est quelque fois délicat pour

l’enfant de faire entendre ses idées à son père ou de faire admettre le bien fondé de son

travail : « Il est toujours là ; il est encore là à dire des choses…Ben oui ! C’est jamais bien ce

que je fais alors ! » (A1).

Cette situation de conflits est lassante et douloureuse pour des personnes qui n’avaient pas

forcément envie de reprendre la ferme parentale à l’origine. Parfois, le caractère répétitif de

ces conflits use les jeunes27 à un point tel, qu’ils finissent par abandonner l’exploitation et son

métier d’agriculteur.

1.2.4 L’abandon de l’agriculture

L’abandon du métier d’agriculteur en cours de carrière (lorsqu’il est volontaire c'est-à-dire lié

à des raisons autres qu’économiques) est souvent le résultat d’une accumulation de difficultés

vécues par la personne. Dans l’étude menée par le CNASEA sur les abandons précoces28,

quarante-deux des cent quatre « anciens agriculteurs » interrogés, ont donné deux à plusieurs

raisons pour justifier leur départ signifiant ainsi qu’ils avaient agi suite à un réel « ras-le-bol »

par rapport à leur métier. 27 Pour A18, un jeune agriculteur qui ne ressent pas de difficulté vis à vis de ses parents, les conflits de génération sont bien souvent des engrenages qui épuisent les jeunes car ils ne parviennent pas à s’imposer vis-à-vis de leur père : « prendre le dessus ou s’imposer, avoir un caractère qui…qui puisse …voilà s’imposer sur certaines choses quoi. Dire non alors que l’autre dit oui, parfois c’est pas évident hein. Parfois c’est pas évident… ». 28 Valérie Bernardi et François Lefebvre, « Les départs précoces en agriculture : mythe ou réalité ? » Cahiers du CNASEA 2002.

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Dans notre étude en Soule, nous avons pu observer que les rapports conflictuels avec le père

intervenaient dans le processus d’abandon du métier : en raison du caractère répétitif de la

mésentente ils créaient parfois un sentiment d’usure chez le jeune : « je me faisais

engueuler… c’est des broutilles. C’était pas quotidien mais c’était régulier…. », « je

commençais un peu petit à saturer du fait de la mésentente avec mon père ».

L’imbrication de deux générations sur les exploitations peut être une source de conflit ;

chacune des deux parties ayant des difficultés à trouver sa place. Souvent, les conflits de

génération liés au caractère familial de l’exercice du métier, sont amplifiés par le fait que les

générations cohabitent sous le même toit.

1.3 La cohabitation ; le problème du logement

1.3.1 Très mal vécue par les femmes

Dans la majorité des cas en Soule, ce sont les hommes qui héritaient des exploitations et qui

faisaient venir leur femme chez leurs parents quand ils se mariaient. Les femmes ont souvent

mal vécu cette cohabitation avec les beaux-parents car elles avaient du mal à se trouver une

place au sein de la famille. Il leur fallait aussi accepter de faire des concessions affectives, de

partager l’éducation des enfants ou l’affection du mari avec les autres femmes de la maison.

A7 qui souhaite décohabiter plus tard, pense que sa mère a très mal vécu la cohabitation avec

sa belle-mère car elle était comme surveillée en permanence : « Elle savait qu’elle ne pouvait

pas faire ce qu’elle voulait tant qu’elle était là [la grand-mère]. On retrouve le même discours

chez A11, un jeune agriculteur qui se rappelle de la période où ses grands-parents étaient

encore à la maison :

« Maman l’a mal vécu c’est surtout ça ; on va le dire comme ça. Parce que cohabiter avec -c’étaient pas ses parents, c’étaient ses beaux-parents- c’est pas évident. C’est les deux portes, on tombe nez à nez ; si on s’entend pas, si on s’entend ça va, si on s’entend pas… » (A11).

Souvent les jeunes agriculteurs qui ont vu leur mère souffrir de situations de cohabitation,

sont eux-mêmes très sensibles au problème et souhaitent partir de la maison familiale dès que

possible.

1.3.2 L’importance de la décohabitation

L’agriculture est un métier à forte valeur patrimoniale et familiale qui implique un travail où

plusieurs générations se côtoient avec un partage des décisions sur l’exploitation qui n’est pas

toujours aisé à gérer. Le fait de partager l’espace intime de la maison avec ses parents,

renforce le risque de mésentente et le conflit entre les deux couples. Ces éléments soulignent

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l’importance que revêt la décohabitation pour que les relations au sein de la famille ne

s’enveniment pas :

« On n’a jamais vécu là-bas et heureusement […], il vaut mieux [décohabiter] dès le début à mon avis. Parce que je vois déjà les conflits qu’on a eus par rapport à l’exploitation, en décisions, je pense que si on avait vécu ensemble, ça aurait été beaucoup plus catastrophique. Je pense qu’il y aurait eu un clash à un moment donné et on serait parti pour de bon » (A10).

La cohabitation est vue par les jeunes agriculteurs rencontrés, comme une barrière à la vie de

couple.

1.3.3 La décohabitation qui entre dans les mœurs de la société souletine :

Il y a une trentaine d’années, lorsque les premiers couples ont parlé à leurs parents de

décohabitation, il s’agissait presque d’un scandale, d’un déshonneur pour la famille qui n’était

pas ouverte à ce type de changement. Lorsque A11 et sa femme ont exprimé aux parents leur

désir de faire un appartement séparé à l’intérieur de la maison, la mère a pleuré toute la

journée : « Dans le coin je pense qu’on était les premiers. On a été critiqués. Mémé qui avait

pleuré tous les jours pendant une semaine… : qu’est-ce qui vont dire les gens ? ».

A l’époque la société souletine était basée sur une imbrication forte entre la sphère privée des

familles et la sphère villageoise. Tout fait qui s’écartait de la pratique coutumière était donc

connu par les voisins et vivement critiqué : les décohabitations faisaient parler les gens car ces

procédures constituaient autant de ruptures avec le mode de vie traditionnel où les générations

restaient dépendantes les unes des autres. Dorénavant, l’envie de décohabiter apparaît comme

légitime aux yeux de la majorité des souletins.

1.3.4 Le problème du logement en Soule : « les appartements ici ça court pas les rues »

Aujourd'hui, la décohabitation est entrée dans les mœurs et quasiment tous les jeunes

rencontrés disent qu’ils aspirent à vivre séparément de leurs parents. Le problème n’est plus

d’ordre social mais plutôt économique et structurel. Ainsi, certains jeunes aimeraient vivre en

logement locatif proche de leur exploitation avant de faire construire, ou de rénover un

bâtiment ancien. La difficulté qu’ils doivent affronter est le manque d’offres de logement en

location dans les villages :

« Autour de moi je vois quand même, des jeunes agriculteurs qui ne décohabitent pas parce qu’ils n’ont pas les moyens de faire quelque chose chez eux et qui ne trouvent pas non plus, un appartement à côté puisque bon, on ne peut pas aller habiter très loin quand on a une exploitation. Voilà. Donc j’en connais comme ça » (A15).

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Conclusion :

Le modèle de la « famille souche » si amplement décrit ne constitue plus l’unique référence

de la famille souletine. Aujourd'hui les situations familiales sont plus variées du fait de la

décohabitation des ménages. Presque tous les agriculteurs rencontrés durant cette enquête

avaient décohabité ou songeaient à le faire dans le futur.

Cependant, au niveau de l’exploitation agricole et du travail sur les fermes, la famille est

omniprésente puisque la main d’œuvre familiale représente 97 % de la main d’œuvre totale.

Le travail des aînés (parents ou grands parents) reste essentiel au maintien des pratiques

coutumières comme le gardiennage à tour de rôle en estive ou l’entretien systématique des

prairies, mais cette co-gestion entre les chefs d’exploitation jeunes et leurs parents provoque

parfois de graves conflits. Ainsi, la transmission du pouvoir de décision sur les fermes n’est

pas toujours évidente entre père et fils et peut générer un certains nombre de conflits de

génération pouvant mener à l’abandon du métier par le jeune.

2 Lien au voisinage ou « premiers voisins »

Après la famille, le deuxième cercle au sein duquel s’insérait l’individu dans la société basque

était le village ou communauté paroissiale. Au sein de cette communauté, les relations entre

voisins étaient très codifiées et basées sur des principes d’échange réciprocitaire. La frontière

entre village et famille était très perméable ; le village s’intéressait aux histoires familiales et

les individus participaient à la vie collective. Aujourd’hui, du fait de l’évolution des pratiques

familiales en Soule, le lien au groupe s’est quelque peu estompé mais l’esprit d’entraide et

d’échange perdure. La référence au groupe et aux voisins est quasiment une constante de tous

les entretiens de cette étude, même si ce lien prend des modalités différentes selon les

personnes.

2.1 La notion de « premiers voisins »

Selon Lopelmann (1968), le groupe de voisinage basque se définit comme un groupe de

personnes liées par des intérêts et des obligations mutuels qui agissent solidairement pour

satisfaire des besoins communs. Dans la coutume, il existe un certain nombre de pratiques

vicinales codifiées mais celle ‘du premier voisin’ est la plus visible et la plus poussée.

Ce lien est une relation qui lie une maison à une autre désignée comme ‘premier voisin’ par sa

proximité ou sa position. Le ‘premier voisin’ est la famille à qui on s’adresse en cas de

problèmes (rôle très particulier lors des décès) ou dans la vie courante. Le lien qui lie une

famille à ses ‘premiers voisins’ est basé sur la réciprocité, l’assistance mutuelle ou entraide.

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Ces principes s’appliquaient lors des tâches saisonnières de l’activité agricole comme la

récolte du maïs, le soutrage (récolte des fougères), le battage du blé…

Aujourd'hui, les valeurs qui scellaient ce lien famille-voisins se sont un peu estompées mais

l’esprit d’entraide existe encore très fortement.

Dans les entretiens, certains agriculteurs ont fait référence à leurs premiers voisins quand ils

expliquaient avec qui ils travaillaient ou étaient en relation pour les prêts de matériel. Ainsi,

A18 et A17 parlent de leurs premiers voisins et de l’entraide importante qui existe entre eux :

« je travaille avec le premier voisin et le beau-frère […], il y a le lien très fort encore entre

voisins ». Si le terme de « premier voisin » n’est plus forcément employé par les personnes

interrogées, il reste que dans les faits, les agriculteurs s’entraident par quartier et assument

certains travaux de manière collective.

2.2 Une entraide importante par quartier

Le « quartier » est l’unité spatiale dans laquelle s’insèrent les groupes locaux d’agriculteurs.

La référence est faite au « quartier » et non au « hameau » bien que cet espace soit délimité

par son isolement spatial comme le serait un hameau, mais aussi par des pratiques sociales qui

lui sont propres (Jacqueline Candau, 1994). Ainsi, il existe une très grande entraide entre les

différents membres d’un quartier. La plupart des agriculteurs rencontrés ont dit travailler avec

le voisinage en s’entraidant : « c’est déjà un gros atout, un gros avantage on s’entend avec

quasiment tous les voisins du quartier ». Pour certains, le collectif et le travail en commun

sont même ‘la’ condition de survie de l’agriculture souletine.

2.2.1 Les CUMA : « un outil qui est loin d’être anodin pour nous ici » :

La Soule compte beaucoup de CUMA, qui se sont à la base organisées par quartier, pour le

matériel de base ; le gros matériel se trouvant plutôt au niveau des deux CUMA cantonales.

Ces structures locales sont très importantes car elles permettent aux agriculteurs qui ont de

petites structures, d’utiliser un matériel récent et performant sans que l’investissement soit

trop lourd. Certains agriculteurs s’appuient beaucoup sur ces CUMA dans leur travail car elles

réduisent les charges au niveau individuel. Pour eux, les CUMA sont indispensables à la

survie de leurs petites structures d’exploitation : « y’a ces petites CUMA, qui ont aidé

beaucoup. Non ça aide beaucoup » (A14).

2.2.2 L’entraide entre voisins

Dans les liens avec le voisinage, on retrouve deux types d’attitude opposée. Certains

agriculteurs disent beaucoup travailler avec leurs voisins, ils parlent d’entraide, de solidarité,

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de collectif. D’autres semblent plus isolés et ont développé peu de liens avec le voisinage.

L’attitude de repli sur soi est souvent le fait de personnes qui se sont installées par « non

choix » : les six personnes qui n’ont pas évoqué l’entraide existant dans leur quartier ou qui

ont précisé qu’ « ils ne travaillaient pas beaucoup avec les voisins » appartiennent à ce groupe

d’agriculteurs. Cela ne signifie pas pour autant qu’une personne qui reprend la ferme

parentale en cédant à la pression exercée sur elle, va obligatoirement se renfermer et bouder le

travail collectif ; ni qu’une personne qui s’installe par choix motivé va travailler assidûment

avec ses voisins. Simplement il semble que les personnes moins motivées par la reprise de

l’exploitation, soient également moins intégrées dans les réseaux de voisinage locaux.

Pour les autres, l’entraide entre voisins est primordiale car elle permet des investissements de

groupe: « ce qu’il y a ici c’est qu’il faut pas se mettre contre les voisins. Déjà qu’on est pas

beaucoup, il faut s’entraider. […] On a acheté du matériel en commun, ça aide quand c’est du

matériel que tu utilises pas tous les jours » (A7). Le lien avec le voisinage est une sorte de

ciment qui lie les exploitants souletins, qui créé « l’ambiance » :

« Je suis très très attaché au collectif parce que c’est une des solutions de la survie de l’agriculture. Avant ça se faisait automatiquement ; y’avait les battages de blé, y’avait le pèle-porc, mais aujourd’hui c’est plus, ou c’est de l’ensilage ou des coups comme ça mais bon…ou la tonte de brebis » (A2).

Les personnes qui aujourd'hui croient beaucoup en ces notions d’entraide et de solidarité,

craignent la disparition du lien entre voisins et sont soucieuses de voir la campagne souletine

se vider.

2.3 La peur de l’isolement évoquée par certains agriculteurs

Beaucoup d’agriculteurs se montrent pessimistes vis à vis de l’avenir de ces relations de

voisinage. Ils craignent que cette entraide qui existe encore aujourd'hui, soit menacée par les

abandons d’exploitation ou par les problèmes de spéculation foncière…

2.3.1 « Cette notion de collectif elle vit de sales moments là »

Les agriculteurs qui utilisent les CUMA ou qui considèrent le travail collectif comme une

garantie du maintien des exploitations en Soule, sont les mêmes qui craignent de voir

disparaître les liens entre agriculteurs. Il leur semble que la période récente est caractérisée

par un retrait de certains agriculteurs vis à vis du collectif29 et que beaucoup se replient sur

29 « on s’est bien fondu dans la société ; on est devenu de plus en plus individualiste, voilà. Alors qu’on était, dans les années 70, je pense qu’il y avait encore une certaine solidarité […].Cette solidarité là il faudrait qu’on la garde. Au lieu de se battre entre nous, il faudrait qu’on commence un peu à récréer des liens parce que on aura d’autres ennemis en face de nous ».

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eux-mêmes. Selon eux, les agriculteurs souletins seraient de plus en plus individualistes en

raison d’une amélioration des conditions de vie et de travail. Pour A2, les agriculteurs ont

toujours tendance -quand leurs exploitations se portent bien- à devenir individualistes :

« l’autre aspect négatif du monde agricole c’est… on a une fâcheuse tendance à devenir très

très égoïste. Egoïste je sais pas si c’est le mot mais individualiste au moins oui ».

Au niveau social également, ces agriculteurs ont peur de l’isolement ; ils ont peur que trop de

fermes ne disparaissent et que les liens entre agriculteurs ne se dissipent.

2.3.2 La peur de l’isolement

Certains agriculteurs rencontrés ont très peur de l’isolement social dans l’exercice de leur

métier. A11 a peur qu’il n’y ait plus « d’ambiance » un jour :

« Y’a aussi le problème de la désertification. Parce que bon ils auront des terres plus qu’ils n’en voudront mais y’aura plus l’ambiance, y’aura plus l’entraide, y’aura plus le voisin à qui demander un coup de main. Le problème ce sera ça. Aujourd'hui y’a encore l’ambiance…quand tu n’as plus personne ! » (A11).

On peut remarquer que les agriculteurs qui expriment des craintes vis à vis de l’isolement sont

ceux qui justement apprécient de pouvoir s’entraider entre voisins, ceux qui ont une attitude

plus ouverte sur l’extérieur (voir encadré 4 en page de gauche).

Conclusion :

Le lien "quasi sacré" qui unit un agriculteur à ses voisins est une force permettant d’assurer

encore aujourd'hui, une forte cohésion sociale au sein du monde agricole souletin. Cependant,

il existe une contrepartie à cette institution du voisinage. Le fait d’être sans cesse soumis aux

su et vu du de ses voisins, d’être lié à eux par des engagements de réciprocité donne un

caractère plus immuable aux choses. Un agriculteur aura ainsi plus de difficultés à aller contre

le gré de ses voisins et à prendre des décisions qui vont à leur encontre de leurs intérêts,

comme de faire reprendre son exploitation par une personne hors cadre familial.

3 L’ouverture sur l’extérieur

L’extérieur représente tout ce qui ne concerne pas la famille ou l’exploitation, c'est-à-dire les

activités extraprofessionnelles que l’agriculteur va avoir, les liens avec les autres… L’analyse

de cette ouverture sur l’extérieur est intéressante car elle permet de comprendre la façon dont

les agriculteurs envisagent leur métier par rapport aux autres, à l’environnement social qui les

entoure.

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Deux groupes d’agriculteurs se distinguent par rapport à leurs perceptions de l’ouverture ou

des loisirs. Ces deux catégories coïncident avec celles que l’on a précédemment cernées à

savoir les personnes « s’étant installé par choix motivé » et celles « ayant repris par choix

subi ». Nous verrons ensuite que les choix faits sur les exploitations de ces agriculteurs sont

raisonnés en fonction de leur besoin ou envie de faire autre chose.

3.1 Le lien avec l’extérieur

3.1.1 : « Il faut que jeunesse se fasse »

Une partie des jeunes agriculteurs rencontrés pense qu’il est primordial de s’ouvrir sur

l’extérieur, de continuer à pratiquer certaines activités pour conserver le lien social avec les

autres jeunes de leur âge : « il faut être à la maison mais il faut pas non plus être esclave, il

faut faire la part des choses […] il faut pas se renfermer sur soi » (A7). Les garçons,

conscients du problème de célibat en Soule voient ces sorties comme un moyen de garder le

contact avec les autres et notamment avec les filles :

« Il faut bien que je sorte d’ici s’il faut combattre contre le célibat aussi […]. Faut voir des filles, faut voir les copains, parce que bon. Y’a toujours quelque chose à prendre des autres » ; « Alors que moi comment je fais si je veux trouver une femme si je travaille tout le week-end, si… je sais pas si je peux pas prendre le temps d’aller avec les copains, avec… comment on fait ? » (A11 et A18, jeunes agriculteurs).

Cependant, ces sorties sont envisageables par les jeunes chefs d’exploitation quand leurs

parents acceptent qu’ils sortent et leur permettent de le faire en les remplaçant dans le travail

sur la ferme.

3.1.2 Les parents garants de l’ouverture sur l’extérieur des jeunes

Le travail réalisé par les parents et les grands parents contribue à l’ouverture des jeunes chefs

exploitants, car en les remplaçant dans leurs tâches quotidiennes et notamment le week-end,

ils leur permettent de faire autre chose et de rencontrer leurs amis. Ce « remplacement

familial » est souvent la condition essentielle des loisirs et des sorties : « je peux sortir parce

que j’ai mon père. […] C’est vrai, c’est un truc, s’il était pas là, il faudrait assumer, il faut

assurer quoi ». Certains parents acceptent tout à fait ce rôle et assument la fonction de

remplacement pour le bien-être de leurs enfants. Il s’agit d’un état d’esprit de la famille

entière vis-à-vis de l’ouverture : si les parents n’encouragent pas le jeune à sortir en acceptant

de le remplacer, il ne pourra le faire et restera chez lui isolé :

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« C’est un état d’esprit…et puis j’ai eu la chance d’avoir des parents qui comprenaient ça aussi, […] ils ont toujours toléré mes activités. C’est aussi l’entourage familial qui veut que. Une mère qui ne tolère pas qu’il aille à une fête ou comme ça, ça facilite pas évidemment » (A15).

L’ouverture sur l’extérieur est également importante pour certains agriculteurs plus âgés. Bien

souvent, ces agriculteurs réfléchissent leur exploitation, raisonnent leur production en

fonction de la part de temps libre qu’ils souhaitent s’accorder.

3.1.3 Contre la logique du « toujours plus »

Notre enquête a permis de mettre en évidence que les agriculteurs qui voyaient un intérêt au

fait de s’ouvrir sur l’extérieur, appartenaient au groupe que nous avons précédemment défini

par « installés par choix motivé » (9 personnes). Ces agriculteurs ont même parfois raisonné

leur exploitation dans l’objectif d’alléger le travail, et de garder du temps pour faire autre

chose. Ces personnes sont en général opposées à la logique du « toujours plus », considérant

que c’est un engrenage infernal de toujours chercher à faire plus que le voisin : « Ils vivent

mal leur métier parce qu’ils veulent faire plus que leur voisin, donc je ne rentre pas dans ce

système là » (A15). Ces personnes expliquent le taux élevé de célibat par le fait justement,

que certains agriculteurs ne prennent jamais le temps de faire autre chose :

« Y’en a plein ils ont passé leur vie à bricoler, avec leurs bêtes, et puis ils ont pas de femme, y’a personne sur l’exploitation et ils vont arriver à la retraite, y’a rien… Y’a rien parce que bon ben ils ont pas pris le temps » (A18).

Sur leurs exploitations ils ont fait le choix d’aller plus vers la qualité que la quantité, de ne pas

rentrer dans un système productiviste : « on a fait le choix surtout pas rentrer dans le système

productiviste, surtout pas, d’éviter ça ; d’aller plutôt vers un choix de qualité plutôt que de

quantité » (A10), « Essayer de faire au mieux mais sans pousser » (A17).

3.2 Les activités extra professionnelles

Parmi les activités extra professionnelles des agriculteurs rencontrés on dénombre les loisirs,

les responsabilités syndicales, les implications culturelles ou le sport…

Certaines personnes sont très attachées à la culture basque et mènent l’agriculture en parallèle

à des activités culturelles30 comme le chant, la danse ou la pelote. Pour elles, l’agriculture est

complémentaire de leurs activités culturelles. L’attachement culturel peut également

30 « j’ai toujours mené l’agriculture avec une autre passion […] pour moi c’est indispensable, je me ressource là-dedans. Ces échanges, c’est primordial. […]Donc voilà ma culture c’est ma passion, ma langue c’est ma passion, l’identité c’est tout mon truc ; voilà bon. Voilà, c’est complémentaire » (A15).

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s’appliquer au niveau syndical chez les agriculteurs qui croient au lien culture-agriculture

(trois personnes) :

« Moi je me suis engagé au niveau d’un syndicat agricole. […] Je veux défendre certaines idées, mais je veux aussi les mettre en pratique chez nous et vice versa. […] Moi c’est vrai j’aime bien, j’ai envie ou j’ai besoin ; je sais pas comment je le dire ; de m’investir ailleurs que sur l’exploitation » (A10).

Au niveau des loisirs on retrouve la chasse, pratiquée par de nombreux agriculteurs. Il ne

s’agit pas du loisir le plus difficile à mener car la période de chasse correspond à la période de

l’année (l’automne) où le travail d’astreinte sur les exploitations est le moins élevé.

Conclusion :

L’ouverture sur le monde est là encore sous l’influence de l’entourage familial. Tout d’abord

car c’est la famille qui peut inciter et montrer les intérêts d’un engagement professionnel ou

culturel. Mais l’ouverture sur l’extérieur n’est de plus pas envisageable pour le jeune chef

d’exploitation si ses parents n’acceptent pas de le remplacer et d’assumer une partie du

travail à sa place. La façon dont les agriculteurs sont investis dans des actions

professionnelles, culturelles, sportives ou même leur ouverture sur les autres est donc liée à

leur vécu et à l’environnement social dans lequel ils ont évolué.

3.3 Le rapport à la technique et avec les OPA :

3.3.1 « Y’a une paperasse infernale »

Certains agriculteurs même des jeunes installés, considèrent que le processus d’installation est

complexe et qu’il y a beaucoup de formalités administratives à remplir (voir encadré 5 en

page de gauche). Dans quelques cas, les difficultés administratives et les exigences de la DJA,

sont mises en avant pour expliquer la non-demande de cette aide publique : « comme y’avait

beaucoup de complications, papiers, tout ce qui était papier ouais et puis ouais donc j’avais

décidé de me passer de la DJA » (A1).

Pour d’autres qui ont fait une demande d’installation avec DJA, c’est la formation qui est mal

perçue. A9 considère que le stage 50 heures obligatoire pour l’obtention de la DJA est

inintéressant : « y’a les 50 heures […]. Donc là c’est une formation beaucoup de blablabla

bliblibli ; pour rien quoi…Enfin blablabla, non il faut pas dire ça non plus, mais c’est de la

paperasse quoi ».

Il est intéressant de constater que les agriculteurs qui ont mal perçu leur installation font

souvent partie de la catégorie ayant repris l’exploitation parentale par non choix. On peut

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penser que la perception de cette étape est liée au degré de motivation de la personne. Lorsque

la motivation à la reprise est moindre, le processus d’installation semble plus difficile aux

yeux des repreneurs ; il est perçu plus négativement. Dans leur étude en Bresse, Sylvain

Maresca et Patrick Champagne ont souligné qu’il existait également un lien entre le bénéfice

de la DJA et l’intégration à la profession agricole. Pour les bénéficiaires de la DJA, l’opinion

vis à vis des OPA est plutôt favorable pour la moitié d’entre eux et un quart y sont hostiles. La

tendance s’inverse chez les non bénéficiaires de l’aide, avec un tiers (27,5%) de personnes

hostiles à l’action menée par les OPA, un quart favorable (26,1%) et un tiers indifférent

(33%).

3.3.2 Le rapport aux OPA :

L’agriculture française est caractérisée par un réseau important d’organismes encadrants. En

Pays Basque le nombre d’entités au service du monde agricole est encore plus important, avec

de nombreuses structures parallèles31.

La distance des agriculteurs avec le développement agricole est un sujet longuement étudié

par les sociologues. L’action de l’appareil encadrant et des organisations professionnelles

agricoles a été importante dans la formation de la « nouvelle élite sociale agricole » dans les

années suivant la loi d’orientation 1960-1962 (Jacques Rémy, 1982). Par son étude dans la

Sarthe sur « le métier d’agriculteur », Jacques Rémy32 a souligné que ce sont les actions des

OPA qui, dans une large part, ont déterminé cette nouvelle « couche sociale dominante »

d’agriculteurs, ces « paysans modèles » qui ont su adopter les modèles de production ou de

développement. En opposition à cette classe dominante, il met en évidence un autre groupe

plus distant envers les OPA et dont les exploitations ont été peu modifiées et peu intensifiées.

Nous retrouvons cette dichotomie générale dans notre étude en Soule : la distance relative

qu’entretiennent les agriculteurs avec les OPA se répercutent sur les stratégies qu’ils mettent

en œuvre donc sur les structures de leurs exploitations.

Parmi les agriculteurs rencontrés au cours de notre étude, ceux qui portent un avis négatif sur

le travail des OPA sont des personnes qui se sont installées pour faire suite à leurs parents,

sans que cette démarche constitue un projet personnel et motivé. Ils critiquent notamment le

fait d’être accablés par les organismes au moment de l’installation, d’être poussés à

l’investissement. Pour eux, ce rejet vis à vis des OPA s’est parfois traduit par un refus de

31 On peut citer l’exemple de Euskal herriko Laborantza Ganbara, association créée à l’initiative du syndicat ELB le 15 Janvier 2005 et dont l’objectif serait d’être reconnue comme Etablissement Public Chambre d’Agriculture. 32 Jacques Rémy. Le métier d’agriculteur : façon d’être et de produire des agriculteurs sarthois. 1982.

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bénéficier de la DJA (trois personnes n’ont pas bénéficié des aides) qui apparaît à leurs yeux

comme inintéressante par les normes professionnelles qu’elle véhicule : niveau de formation

et investissements préalables (Champagne et Maresca, 1986).

D’autres parlent d’incompétence des techniciens : « la Chambre a fait […] leur calculs

savants : une bergerie tant. Ils font une étude sur ça, mais les pauvres, ils sont complètement à

la masse parce qu’on peut multiplier presque par deux » (A9) ou « Y’a trop de gens sur le dos

des exploitations… Et puis qui connaissent pas grand chose sur le terrain » (A13).

L’avis négatif que ces agriculteurs portent sur les techniciens des organismes agricoles se

reporte sur leur attitude vis-à-vis de la technique sur leurs exploitations. Les exploitations les

moins modernisées, avec des troupeaux non sélectionnés génétiquement ou avec des

bâtiments non rénovés, sont des exploitations menées par des agriculteurs de ce groupe. Neuf

agriculteurs sur dix qui élèvent des brebis n’ont pas investi dans la traite mécanique,

continuant à traire leurs brebis à la main et un seul adhère au contrôle laitier. Ce groupe

d’agriculteurs se trouve plus en marge des processus de modernisation et finalement du

mouvement de « professionnalisation » induit par les OPA qui ont sélectionné « la population

cible de la politique agricole33 » par l’établissement de critères d’éligibilité (Rémy, 1990).

L’analyse de l’exercice du métier d’agriculteur en Soule et des liens avec son environnement

a permis de mettre en évidence l’importance de la notion de « travail collectif ». Ainsi, il

existe une forte cohésion au sein des familles d’agriculteurs où le travail est réalisé en

communauté, mais également une cohésion entre les familles qui créé une organisation du

travail par quartier.

La répartition des tâches au sein de la famille est primordiale pour garantir la survie de

certaines pratiques coutumières, mais la présence des aînés sur les fermes peut entraîner

parfois de lourds conflits entre les générations. La prise d’indépendance et d’initiative par les

jeunes chefs d’exploitation n’est pas toujours évidente.

Le même constat peut être fait au niveau de la sphère supérieure. Les liens de réciprocité qui

unissent les voisins agissent parfois comme des éléments bloquant le système car ils confèrent

un côté plus immuable aux pratiques et aux représentations.

33 Jacques Rémy. Qui est agriculteur ? 1990.

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CHAPITRE 2 : LA PERCEPTION DU METIER

Après avoir présenté le contexte dans lequel s’inscrit l’exercice du métier d’agriculteur en

Soule, nous allons étudier la perception que s’en font les agriculteurs et leurs familles. Pour

juger du caractère « attractif » du métier, il est important d’analyser la manière dont les

personnes rencontrées en parlent. Dans un premier temps, nous allons étudier le rapport au

travail avec les atouts et les inconvénients qui apparaissent comme principaux aux yeux des

interviewés. Nous aborderons ensuite l’attitude des personnes face à l’avenir, qui constitue un

bon indicateur pour appréhender la confiance dont les agriculteurs font preuve vis à vis de

leur activité. Enfin, nous présenterons la perception de femmes issues de familles agricoles

mais qui n’ont pas choisi d’être agricultrice, sur le métier et l’agriculture en Soule.

1. Le rapport au travail

1.1 Attraits et contraintes attribués par les agriculteurs souletins au métier

Notre enquête a permis de mettre en évidence que les agriculteurs souletins ne détenaient pas

une représentation unique de leur métier mais qu’il existait de multiples représentations du

métier qui induisaient la mise en œuvre de différentes stratégies. La différence dans les

représentations ne peut s’expliquer par des natures de métier multiples, car nous avons vu que

l’agriculture de Soule s’était relativement spécialisée vers les ateliers ovin lait et bovin

viande, donc que les systèmes d’exploitation étaient assez semblables.

Deux logiques opposées se dégagent de l’analyse des perceptions des agriculteurs sur leur

métier. Un premier groupe d’agriculteurs perçoit le métier sous un angle négatif et considère

qu’il présente plus d’inconvénients que d’avantages. Pour les personnes de l’autre groupe, le

métier est perçu avec plus de recul et il est décrit dans ses aspects négatifs mais aussi dans ses

côtés positifs.

1.1.1 La liberté offerte par le métier

Le premier groupe d’agriculteurs met toujours en avant le ou les avantages qu’il attribue au

métier. Parmi les tâches qui les attirent et qu’ils jugent agréables, on retrouve le travail avec

les animaux, qui parfois a été la motivation première à leur installation. Un autre aspect est

souvent cité comme « l’avantage » du métier : il s’agit de la liberté offerte en terme

d’organisation du temps de travail. Ainsi A15 pense que malgré le nombre total d’heures à

fournir dans ce métier, il y a une liberté dans l’organisation du temps : « C’est sûr qu’on fait

beaucoup d’heures, c’est sûr mais où est la solution ? C’est sûr mais en même temps on a

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cette liberté ». D’autres agriculteurs soulignent le côté « constructif » du métier d’agriculteur

et le fait que les tâches variées empêchent la monotonie de s’instaurer34.

Parmi les contraintes attribuées au métier, on retrouve l’astreinte de l’atelier lait qui est citée

par une personne de ce groupe : « j’ai une vie de famille, je trouve que les brebis me prennent

beaucoup de temps Ca demande beaucoup de temps, la traite de brebis me demande beaucoup

de temps » (A15). Un autre agriculteur a mis en avant le caractère imprévisible du métier qui

rendait la tâche difficile et un dernier regrette que l’image de l’agriculture aux yeux de la

société soit aussi négative. L’aspect administratif du métier ressort dans quelques entretiens,

dans le sens où ces agriculteurs regrettent la fonctionnarisation de leur métier et craignent une

trop grande dépendance aux aides publiques.

Ces personnes privilégient les formules positives pour s’exprimer sur leur métier. Le temps de

travail n’est pas vécu comme une barrière à leur enthousiasme. Pour eux le fait d’être « son

propre patron » permet une organisation du travail assez libre, qui rend le métier attractif par

rapport aux expériences salariées qu’ils ont pu connaître avant. Les agriculteurs de ce groupe

ne sont autres que ceux installés par choix motivé ; c'est-à-dire un groupe dont la moyenne

d’âge est relativement faible (de trente-six ans) et dont la surface agricole utile moyenne des

exploitations correspond à celle de Soule (31, 8 hectares pour le groupe et 30 hectares pour la

Soule). On pourrait penser que leurs fermes soient plus « viables » économiquement que

celles de l’autre groupe d’agriculteurs ce qui pourrait expliquer en partie leur enthousiasme et

le fait qu’ils aient moins de difficultés à exercer leur métier. En fait, cinq agriculteurs sur neuf

travaillent une surface agricole inférieure à la moyenne souletine et six agriculteurs sur les

huit qui élèvent des brebis n’ont pas fait installer la machine à traire sur leur exploitation. On

ne peut donc pas justifier leur conception du métier par une seule raison économique car

même si cela peut participer à entretenir un certain optimiste, ce ne peut être la seule

explication.

1.1.2 Les nombreuses contraintes attribuées au métier

D’autres agriculteurs ont eu plus de difficultés à attribuer des aspects positifs à leur métier.

Leur discours reste plus focalisé sur les contraintes comme la quantité de papiers

administratifs à remplir (« la paperasse »), l’astreinte, le manque de temps libre… Chez A13

34 A11 a été salarié avant de revenir sur la ferme de ses parents. Pour lui, l’avantage du métier d’agriculteur réside dans son côté constructif par opposition à d’autres activités qui ne le sont pas du tout : « Ca prend des formes, ça devient comme t’as envie que ce soit. Puis les idées elles changent et on a envie de faire ça aussi. […] C’est pas constructif (conduire des camions) quoi. Tu conduis bon. Un bon salaire quand même mais y’a rien de construit quoi tandis qu’à la ferme on voit ce qu’on a fait ».

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qui est récemment installé, toute la famille s’accorde à penser que le métier d’agriculteur est

contraignant :

« Chez les paysans, il faut travailler toute la semaine, y’a pas de week-end là. […] C’est trop contraignant. Il faut y être né ! Y’a pas le temps libre…c’est ça, c’est pas la même façon. […] Et puis quand on a un salaire, c’est autre chose que quand on est chez les paysans. Parce que les paysans, c’est juste, limite et puis les retraites pareil » (A13).

Dans cette famille dont tous les membres sont présents le jour de l’entretien, la cohésion du

groupe semble très forte. Un message commun teinté de pessimisme est divulgué :

« l’agriculture est un métier contraignant ». Il est étonnant d’observer que des parents qui

peuvent regretter les temps anciens où l’agriculture était plus collective, la comparaison avec

les autres moins douloureuse, soient aujourd'hui de concert avec leur successeur pour critiquer

le métier et lui trouver de multiples défauts. Quelle attractivité peuvent-ils susciter chez « leur

héritier » par rapport à un métier en lequel ils ne croient plus ?

Une autre caractéristique des agriculteurs de ce groupe, concerne leur focalisation sur « la

paperasse » que tous ont évoquée au cours de l’entretien. Pour beaucoup, il s’agit de la

principale difficulté liée à l’exercice du métier35 . Dans ce groupe le travail est vécu comme

très contraignant. La majorité regrette de ne pas avoir plus de temps libre. Ce groupe

correspond à celui des reprises par « non choix » c'est-à-dire des agriculteurs dont la moyenne

d’âge se situe à quarante-six ans mais dont la structure d’âge n’est pas homogène avec des

agriculteurs proches de la retraite qui côtoient des jeunes de moins de trente ans. Sur le plan

économique -que l’on juge en rapport à la SAU moyenne et au troupeau moyen- il semble que

leurs exploitations soient moins « viables » que celles du groupe précédent. Ainsi, la surface

moyenne exploitée par les agriculteurs de ce groupe s’élève à 23,4 hectares avec trois

agriculteurs qui disposent de moins de quinze hectares de surface et le troupeau ovin moyen

correspond à 120 brebis, soit moins de la moyenne souletine (144 brebis). Il est difficile

d’établir que le lien entre leur perception du métier et la structure économique de leur

exploitation, doive se lire dans ce sens ; car sur les six personnes de plus de cinquante ans que

compte ce groupe cinq n’ont assurément pas de successeur pour leur ferme. On peut se

demander si la certitude ancienne (certains sont célibataires sans enfant) pour ces agriculteurs

de ne pas avoir de successeur sur leur exploitation, n’aurait pas agi sur leur manière de se

positionner vis-à-vis de la modernisation et qu’ils n’auraient pas jugé utile par exemple,

35 Par exemple A3, à la question sur les contraintes qu’il attribuerait à son métier : répond en poussant un cri du cœur : « La paperasse ! Avec le PAC là maintenant on a des papiers faire ils veulent simplifier mais…je sais pas si c'est pas le contraire. pffuu….y’aura des contrôles sûrement ».

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d’améliorer les conditions de travail ou de s’agrandir. Les études conduites par les

sociologues sur le célibat paysan soulignent que la moindre probabilité de se marier ne

concerne pas les agriculteurs sur les grandes exploitations ; elle est exclusivement le fait des

petits exploitants et des fractions basses des moyens (Jégouzo, 1991). Dans cette étude datant

de 1991, Guenhaël Jégouzo explique que l’une des explications du fort taux de célibat observé

dans la population agricole masculine est d’ordre économique car « la faible taille de

l’exploitation est plus souvent une cause –mais ni nécessaire ni suffisante- qu’un effet ».

Dans le paragraphe suivant, nous allons voir que l’élargissement de l’espace social a été mal

vécu par ces agriculteurs, qui se comparent douloureusement avec les autres.

1.2 Avec qui et comment se compare-t-on ?

L’analyse de la manière dont les agriculteurs souletins se comparent avec les autres catégories

socioprofessionnelles ne permet pas de mettre aussi nettement en évidence les deux groupes

décrits précédemment. Cependant, certaines caractéristiques sont propres à chacune des deux

catégories.

1.2.1 Une comparaison difficile: le choc des 35 heures

Pour les personnes appartenant au groupe des reprises par « non choix », la comparaison aux

autres catégories socioprofessionnelles est douloureuse. On ressent plus d’aigreur et de

douleur dans leurs propos. C’est dans ce groupe que certains agriculteurs comparent leurs

horaires et leurs conditions de travail aux salariés qui sont aux 35 heures. La loi sur la

réduction du temps de travail semble avoir augmenté le décalage qu’ils percevaient déjà entre

eux et les salariés, agissant comme la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Le père de A11,

qui est retraité pense que le métier d’agriculteur n’attire plus à cause des 35 heures :

« Les gens maintenant voient beaucoup les 35 heures, le week-end et l’après midi…à 5 heures de l’après midi ils sont libres et puis les vacances, les loisirs. C’est pas du tout la même vie… […] Et puis c’est le fait de ces horaires : les ouvriers, ils sont heureux. Moi je vois […] ils ont le salaire, l’après midi avec ce changement d’horaire, ils sont là de bonne heure…Le week-end tranquille, ils commencent à 8 heures le matin pénards » (père de A11).

L’emploi des adjectifs « heureux ou « peinards » semble signifier intérieurement que eux-

mêmes ne se sentent ni « heureux » ni « peinards », comme s’ils voulaient signifier que seuls

les ouvriers pouvaient se sentir bien. Par rapport à la loi de réduction du temps légal de

travail, il est intéressant de remarquer que l’annonce de la mesure sur « les 39 heures de

travail hebdomadaire » promulguée par le gouvernement socialiste de 1981, a suscité déjà le

même type de réactions d’hostilité de la part du monde agricole, alors que cela ne les

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concernait pas directement (Champagne et Maresca 1986). Pour ces agriculteurs, il semble

que la comparaison avec les professions salariées soit devenue insupportable. Les propos

employés par les interviewés traduisent des sentiments de jalousie qui témoignent d’une

perception d’eux-mêmes comme de personnes défavorisées36. Sans généraliser, il semble

donc que ce soit sur la base du temps de travail que les agriculteurs de ce groupe se comparent

aux autres catégories de travailleurs. Evidemment leur travail est alors perçu comme

astreignant vis à vis des salariés qui travaillent 35 heures.

Les agriculteurs de ce groupe parlent souvent d’emploi ou de conditions de travail qu’ils n’ont

pas eu la possibilité de connaître. La plupart d’entre eux n’a pas eu l’occasion de travailler à

l’extérieur de la ferme avant la reprise et ne connaît donc pas les conditions réelles d’un

emploi salarié. On peut s’interroger sur les raisons d’une telle contradiction. Comment se fait-

il que des agriculteurs en arrivent à envier des conditions de travail et de vie qu’ils ne

connaissent pas ? De nouveau, il semble que le débat mérite une réflexion sur l’importance

accordée au détour. Peut-être qu’en incitant plus de personnes à s’extraire de leur cellule

familiale avant l’installation, on parviendrait à casser l’image de la « vie facile des salariés »

et on permettrait à plus d’agriculteurs de relativiser leur condition ?

1.2.2 Les personnes du premier groupe comparent le métier d’agriculteur aux expériences

qu’ils ont connues avant de s’installer

Pour les agriculteurs du groupe que nous avons qualifié de « reprise par choix motivé », la

comparaison aux autres catégories socioprofessionnelles n’est pas perçue de la même

manière, elle est beaucoup moins douloureuse. Ces personnes évoquent le temps de travail,

regrettant parfois de ne pas avoir plus de temps libre, mais c’est surtout au niveau des

conditions de travail qu’ils font la comparaison entre le métier d’agriculteur et leurs activités

antérieures. Ainsi, la majorité des personnes de ce groupe a eu une expérience professionnelle

avant de s’installer par le biais de la formation ou en tant que salarié. Ils comparent donc ce

qu’ils vivent au moment de l’entretien à ce qu’ils ont vécu en usine ou ailleurs avant

l’installation37 :

36 Par exemple, A1 un jeune agriculteur pense que les salarié sont bien plus tranquilles que lui qui assure accomplir 35 heures de travail en trois ou quatre jours : « Les 35 heures nous on les fait pas en deux jours mais presque en trois jours. Trois quatre jours. Y’a pas de week-end et ah c’est sûr qu’un salarié est beaucoup plus tranquille ». 37 Pour A7 qui a également travaillé en usine, le fait d’être chef d’exploitation présente le gros avantage d’être son propre patron et de gérer son temps plus ou moins comme on le souhaite : « Tu as personne derrière, tu sais que tu as le boulot à faire mais bon. Mais tu peux te permettre aujourd'hui de prendre deux heures et demain tu commences une heure avant et puis tu y arrives. C’est pas pareil, t’as pas le rendement à faire comme en usine et les patrons aussi derrière ».

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« Moi pour avoir travaillé en usine alors que je gagnais bien […] mais avoir quelqu’un au cul pendant quarante heures par semaine, c’est pas marrant non plus […]. Je préfère travailler le dimanche et puis si besoin est, le mercredi ou le jeudi je me le prends aussi quoi. Y’a une liberté» (A2).

De l’analyse de la façon dont ces agriculteurs se comparent aux autres travailleurs, on pourrait

déduire que le « détour » avant l’installation permet de relativiser la condition sociale

agricole. Peut-être tout simplement parce que ces expériences permettent de démythifier la

condition des salariés que certains agriculteurs envient. Comme le rappelle plusieurs fois A10

dans l’entretien, les expériences antérieures à l’installation « ça permet de relativiser pleins de

choses. Parce que quand on est agriculteur et qu’on a vu que ça on se dit qu’ailleurs c’est

beaucoup mieux mais c’est pas vrai qu’ailleurs c’est beaucoup mieux, ailleurs y’a toujours

quelque chose ».

1.3 Le rapport à l’évolution du métier

Les agriculteurs rencontrés ont souvent pris l’initiative de s’exprimer sur l’évolution de leur

métier sans que cela fasse l’objet d’une question. L’élément qui les a le plus marqués quant à

l’évolution du métier d’agriculteur est l’augmentation du temps qu’il faut aujourd'hui

consacrer à la partie administrative du métier. Cette perception est une constante dans la

majorité des entretiens, quelle que soit l’histoire de l’agriculteur. Certains parlent même de

fonctionnarisation : « on devient presque des fonctionnaires, c’est vraiment pas valorisant et

ça pousse pas l’agriculteur à vraiment bien travailler. Ca pousse plutôt à être des chasseurs de

primes ». Beaucoup ont exprimé un grand ras-le-bol par rapport aux nouvelles exigences des

politiques agricoles et estimé que le temps passé à réaliser la partie administrative était

devenu équivalent au temps passé à l’extérieur38.

Parmi les agriculteurs plus âgés, l’évolution du métier mise en avant est une évolution

positive liée à la mécanisation. Ces personnes ont connu l’arrivée des premières

motofaucheuses et des premiers tracteurs et considèrent que la pénibilité du travail a

énormément été réduite depuis : « c’est plus facile de travailler, c’est plus opérationnel. On

travaille avec des tracteurs, tout a changé, c’est ça la mécanisation. Nous on a travaillé avec

des bœufs, des vaches attelées. Après on a connu les chevaux, et les premières

motofaucheuses étaient venues ».

38 A18 qui pense qu’aujourd'hui la partie administrative du travail correspond à un mi-temps : « aujourd’hui celui qui ne manie pas le stylo, on est obligé quoi, on nous y oblige avec la nouvelle PAC […]. C’est quasiment c’est plus qu’un mi-temps en papier. Là je vois sur l’exploitation en ce moment, c’est un mi-temps qu’il faudrait, avec un stylo constamment ».

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D’autres agriculteurs « âgés » évoquent l’évolution du métier sur un mode plus nostalgique,

regrettant l’agriculture traditionnelle d’autrefois et notamment le système de transhumance39.

1.4 L’attachement à la terre

Une autre constante des entretiens, qui témoigne plus de l’importance de la culture agricole et

pastorale de la Soule, est l’attachement que les agriculteurs présentent pour la terre. Ils

expriment cet attachement au travers des notions d’entretien du paysage ou de gestion de la

montagne.

1.4.1 La notion d’entretien du paysage

Le système agricole traditionnel en Soule était basé sur l’autosuffisance des bêtes et des

personnes et passait par l’utilisation accrue et organisée de différents espaces : les champs

plats autour de la maison, les landes des zones intermédiaires, et les estives. Aujourd'hui, du

fait de la diminution du nombre d’agriculteurs et de la diminution de la main d’œuvre sur les

fermes, l’entretien de l’ensemble de ces espaces devient plus délicat, les zones les plus

difficiles d’accès ont été abandonnées. Les agriculteurs rencontrés sont très sensibles à la

fermeture du paysage, ils ne veulent pas que les parcelles « se salissent » et continuent à

entretenir ce qu’ils peuvent, souvent à la main. La notion d’entretien est si forte dans leur

façon d’envisager leur métier, que certains agriculteurs ne souhaitent pas avoir de terres

supplémentaires même si on les leur donnait, car ils pensent qu’ils ne parviendraient pas à les

entretenir correctement (voir encadré 6 en page de gauche). Comme le rappelle A3 « prendre

des terres c’est facile mais il faut les entretenir après ».

1.4.2 L’amour de la montagne

Un deuxième aspect lié au territoire est l’attachement des agriculteurs pour la montagne. Cet

aspect constitue également un héritage de la tradition pastorale de l’agriculture souletine : les

agriculteurs étant très attachés aux pratiques coutumières de gardiennage. Pour A17,

l’attachement à la montagne est lié à l’attachement à la culture basque puisque son utilisation

est une coutume ancestrale : « Bon ici y’a la culture, y’a un attachement quand même

important. Tout ce qui est montagne, je vois même ces jeunes, tout ce qui est transhumance,

y’a un attachement à ça ». Pour tel éleveur qui transhume encore à pied, le jour de la

transhumance est chargé d’émotion et représente pour lui le plus beau jour de l’année. 39 « Oui le changement c’est tout ça…je sais pas si c’est dans le bon sens. L’histoire de perdre les bergers, pour moi c’est pas une bonne chose. C’était des traditions ancestrales…[…], c’était des coutumes, c’était des travaux qu’on faisait régulièrement. Personne ne bronchait » (père de A13)

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Conclusion :

L’analyse du rapport au travail nous permet de confirmer notre seconde hypothèse selon

laquelle la manière dont un individu perçoit son installation influence la manière dont il

perçoit son métier et dont il se compare aux autres catégories socioprofessionnelles. Nous

avons pu mettre en évidence deux groupes aux perceptions différentes qui se superposent aux

groupes précédemment identifiés. Ainsi, les personnes qui ont « fait le choix » de s’installer

ont moins de difficultés à s’exprimer sur les côtés positifs de leur métier et pour elles, la

comparaison avec les autres catégories socioprofessionnelles n’est pas douloureuse.

Pour ceux qui ont repris par « non choix », le travail est mal vécu et ils perçoivent plus de

contraintes que d’attraits. La comparaison aux autres est plus difficile, on sent une certaine

jalousie ou aigreur vis à vis des personnes salariées. Au sein de ce groupe d’agriculteurs,

l’arrivée de la loi sur la réduction du temps de travail à 35 heures a été très mal perçue car elle

est venue renforcer le malaise et rendre la comparaison insupportable avec les salariés.

Un sujet relie tout de même ces deux groupes de personnes ; sujet auquel tous accordent

beaucoup d’importance. Il s’agit du rapport au territoire, du lien que tous ressentent avec la

terre. Les notions d’entretiens et de gestion de la montagne font partie de leur culture du

métier.

2. La perception de l’avenir

2.1 L’avenir de l’agriculture souletine : pessimisme des uns contre optimisme des autres ?

La perception des agriculteurs souletins sur l’avenir de l’agriculture locale ne peut se résumer

à l’opposition des deux groupes de personnes mis en évidence précédemment dont l’un serait

plutôt composé d’agriculteurs ayant une vision pessimiste de l’avenir de l’agriculture

souletine et l’autre plutôt constitué par des personnes croyant en l’avenir. En fait, la majorité

des agriculteurs rencontrés est consciente de la dépendance de l’agriculture de Soule par

rapport aux aides européennes et cet aspect les inquiète beaucoup.

2.1.1 L’incertitude liée à l’évolution de la PAC

Les agriculteurs rencontrés perçoivent l’avenir comme très incertain car ils ne savent pas

encore vers quoi va évoluer la politique agricole commune. Les personnes qui imaginent une

agriculture vivante en Soule, qui sont optimistes sur le maintien du tissu agricole modèrent

toujours leurs propos en rappelant que tout dépendra de l’évolution des politiques agricoles :

« il y aura moins de monde, on sera moins nombreux, ça c’est sûr. Mais je pense que …il me

semble qu’il y aura quand même une agriculture vivante. […] Mais il faudra absolument qu’il

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y ait ces aides ; sinon ça va être dur » (A17). L’évolution de la PAC est considérée comme

une épée de Damoclès qui pèse sur leurs épaules40.

2.1.2 La peur de la désertification

Toutes les personnes rencontrées pensent que le nombre d’agriculteurs installés en Soule va

chuter fortement et rapidement. Ils craignent tous cette évolution soit parce que l’isolement

leur fait peur, soit par rapport à l’entretien du paysage. Cette crainte de la désertification

touche indistinctement les personnes des deux groupes. Pour A14, l’avenir de l’agriculture en

Soule est « noir ». Alors qu’aujourd'hui il y a une concurrence foncière il pense que dans le

futur il y aura trop de place pour ceux qui resteront : « D’ici dix ans…Aujourd'hui on se vole

les terres mais d’ici dix ans, y’aura de la place ».

2.1.3 Peur de l’effondrement de la filière lait

Parmi les évolutions qui inquiètent les éleveurs souletins, on retrouve la crainte de voir la

filière lait s’effondrer en raison d’une surproduction laitière. De nombreux agriculteurs ont

évoqué ce problème, craignant une surproduction qui provoquerait le désengagement des

industriels laitiers comme la Fromagerie des Chaumes qui ne collecteraient plus l’ensemble

du territoire souletin mais seulement les zones les plus rentables (proche de Mauléon). Cette

crainte se matérialise par un rejet des races de brebis lacaunes qui produisent plus que les

races locales et qui pour eux constituent une menace pour l’avenir de la filière (voir encadré 7

en page de gauche). A9 craint l’arrivée d’une nouvelle crise au niveau de la production

laitière car l’utilisation de l’aliment unique et la « conversion aux lacaunes » ne laissent rien

présager de bon :

« Je sais pas l’avenir…j’ai peur que ça pète oui. Au niveau du lait au moins. Les agriculteurs ils ont diminué mais les litrages ils ont explosé. Avec ces races de lacaunes […]. Mais même ces aliments uniques : qu’est-ce que ça va donner ? Tout ce qui est miraculeux, ça n’a jamais rien donné de bon ! Qu’est ce qui va sortir ? Pareil dans dix ans ils vont nous sortir une saloperie de maladie avec ça ! » (A9).

40 A15 est lui aussi un agriculteur optimiste envers l’avenir de l’agriculture souletine. Son village compte encore de nombreux agriculteurs et pour lui il s’agit d’un signe de vitalité. Sa crainte est plus liée à l’incertitude vis à vis de la PAC : « on n’est jamais sûr de nous. On ne sait ce que la politique agricole nous réserve. Ce qui m’inquiète c’est toujours ça, pour les petits agriculteurs….y’a que ça. C’est au niveau de l’Etat, au niveau de l’Europe, je sais pas ».

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2.2 L’avenir de leur propre exploitation

Par rapport à l’avenir de leur propre exploitation, les agriculteurs rencontrés se scindent

nettement en deux groupes. D’un côté on retrouve ceux qui parviennent à se projeter dans le

futur et de l’autre ceux qui ne peuvent pas du tout s’exprimer sur ce point.

2.2.1 Quand avenir rime avec projets :

Les personnes qui n’ont pas de difficultés à aborder le thème de l’avenir sont des personnes

qui n’ont pas de complexe vis-à-vis de leur métier. Lorsqu’elles évoquent le futur c’est pour

expliquer leurs projets : construction de bâtiment, construction d’une salle de traite,

transformation laitière… Les agriculteurs de ce groupe, qui croient en leur métier et qui ont la

possibilité de se projeter dans le futur, sont ceux « installés par choix ». Au sujet de l’avenir,

nous avons remarqué que l’ensemble des agriculteurs s’accordait à penser que la situation

était incertaine du fait de l’évolution des politiques agricoles. Face à cette incertitude, les

agriculteurs de ce groupe se sont inscrits ou s’inscrivent dans une démarche active ; cherchant

à modifier leur système pour évoluer et s’affranchir d’une trop grande dépendance envers les

aides publiques. Ainsi, c’est au sein de ce groupe que nous retrouvons les sept démarches de

valorisation de la production ou de diversification (transformation laitière, vente directe,

tourisme…).

2.2.2 Quand avenir est synonyme de fin :

Pour d’autres, la projection dans le futur est trop douloureuse pour qu’ils réussissent à en

parler. Parmi les personnes de ce groupe, on retrouve des célibataires proches de la retraite qui

n’ont pas de successeur mais aussi de jeunes chefs d’exploitation.

Ces jeunes chefs d’exploitation font partie du groupe d’agriculteurs dont la reprise de la ferme

familiale semble s’être faite sous pression. Concernant l’avenir, ils font preuve de résignation

mais expriment également des sentiments d’incertitude, de doute (voir encadré 8 en page de

gauche) par des expressions comme « le temps dira », « peut-être on va voir », « c’est comme

ça », « c’est à voir ». Au niveau des projets, ils n’envisagent pas de changer beaucoup leurs

exploitations même lorsqu’ils ne possèdent pas la machine à traire.

Le thème de l’avenir -tout comme l’était celui de la comparaison aux autres catégories

socioprofessionnelles- est douloureux pour ces personnes car il les renvoie face à leur propre

image, qu’ils n’assument pas forcément. Ce constat est assez préoccupant car certains

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(4 sur 11) de ces chefs d’exploitation a moins de quarante ans. Malgré leur jeune âge, ils

semblent mal vivre leur métier au point de n’être plus en mesure de formuler des projets41.

Pour les célibataires âgés, arriver à l’âge de la retraite signifie la fin de leur exploitation et ils

préfèrent nier l’évidence plutôt que de s’exprimer sur ce point. Deux personnes de 57 ans ont

répondu lorsque a été abordé le thème de la retraite « la retraite j’y suis pas encore » et

« l’avenir je sais pas quoi dire, j’ai trois ans encore ». Est-ce pour eux un échec de n’avoir pas

pu assurer la perpétuation de la maison tel que le prévoyait leur condition d’héritier ? Sans

doute, mais le traumatisme est tel qu’il leur est impossible de l’exprimer ou du moins de

l’exprimer devant une étrangère venue s’entretenir avec eux.

Cet aspect social de fragilisation de ce groupe devrait être pris en compte lors de la réflexion

menée sur les installations hors cadre familial. Il ne faudrait pas minimiser leur souffrance

mais au contraire y être réceptif pour envisager une reprise de ces exploitations.

2.2 Les installations hors cadre familial : l’avenir des fermes sans successeur ?

Les agriculteurs rencontrés ont évoqué d’eux-mêmes les installations hors cadre familial

lorsque le thème de l’avenir a été abordé et notamment quand ils parlaient de l’avenir des

fermes des célibataires sans successeur. Il semble que pour la majorité d’entre eux,

l’installation de « gens venus d’ailleurs » (A5) ne soit pas la solution idéale pour enrayer la

diminution du nombre d’exploitations.

2.3.1 « céder son exploitation à quelqu'un de l’extérieur, c’est pas encore dans l’esprit de

gens d’ici »

Le principal frein à l’installation de personnes hors cadre familial est d’ordre culturel. Dans

d’autres régions de France, la question du logement est souvent perçue comme un frein

bloquant les projets de ce type. En Pays basque cette question prend une tournure particulière

car la maison n’est pas qu’un simple habitat, mais représente une réalité sociale que ses

habitants sont en devoir de conserver. Comme le rappelle A14 : « On va vous donner les

terres, on va pas vous donner la maison ! ».

Le second blocage que les agriculteurs souletins identifient est le rapport quasi sacré qui

existe avec le voisinage envers lequel ils sont tenus de respecter un certain nombre

d’obligations (voir encadré 9 en page de gauche). Dans ce contexte, la prise d’initiative est

41 A1 ne sait pas ce qu’il adviendra de lui dans quelques années, il n’arrive pas du tout à se projeter dans l’avenir : « je me vois pas… je sais pas, peut-être je peux faire ce métier encore quelques années. Euh ça peut durer comme ça peut…je sais pas… c’est par rapport au moral. Des fois tu as envie de tout casser, tu as envie d’investir, tu as envie de vraiment foncer et finalement pourquoi ? Alors que je suis là et que j’avance pas quoi ».

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alors délicate car on craint le regard des autres, le poids de la rumeur. A17 raconte lors de

l’entretien un cas d’installation HCF qui n’a pas fonctionné et pense que la raison est à

chercher du côté des voisins :

« C’était une chance, ou une occasion mais bon après qu’est-ce qui s’est passé ? Je sais pas, est-ce qu’il y a eu des pressions, je sais pas. […] Est-ce qu’il ne voulait pas déplaire à ses voisins ; peut-être aussi est-ce qu’il avait la crainte aussi, peut-être… Parce qu’il y a le lien très fort encore entre voisins » (A17).

2.3.2 « L’idée de l’étranger »

Les personnes qui ont été touchées de près ou de loin par les problèmes liés à l’installation

hors cadre familial pensent que les autochtones craignent quelque part « l’étranger », « la

personne venue d’ailleurs ». Si l’on en croit certaines expressions utilisées par des

agriculteurs rencontrés pour évoquer les personnes installées hors du cadre familial, il semble

qu’il y ait une crainte. Pour eux, ces personnes sont « des pèlerins », « toujours les premiers à

vouloir imposer leur loi » ; pour être agriculteur, « il faut y être né ». Cette dernière

expression sonne comme pour rappeler le rôle de la famille dans le processus de socialisation

et d’installation des enfants. L’agriculture est un métier qui selon eux doit s’apprendre « sur le

tas » grâce à la famille.

Du fait de leur système de transmission fortement normé et basé sur la reproduction du

patrimoine au sein de la famille, « l’étranger » à l’image de « l’extérieur » que nous avons vu

précédemment, véhicule un certain nombre d’images souvent des préjugés. A6 pense en effet

que les souletins se font une idée particulière des personnes installées hors du cadre familial:

« L’étranger, c’est l’étranger quoi. Déjà si un le fait, accepter un étranger et tout ça…c’est ça qui coince quoi. Ils se font une idée de l’étranger… La mentalité elle est comme ça. La preuve on peut très bien être étranger et vouloir faire comme eux et je sais pas c’est dans les mentalités, on les changera pas de toutes façons. Peut-être dans les jeunes ça va évoluer un peu…peut-être » (A6).

Conclusion :

L’avenir de l’agriculture souletine inquiète la majorité des personnes rencontrées. Elles sont

conscientes que leur système d’élevage très spécialisé est lié non seulement à la vitalité de la

filière ovin-lait, mais également aux aides européennes dont la part dans le revenu reste

élevée. Tous ont exprimé leur crainte vis à vis de l’évolution prochaine de la politique

agricole commune. Concernant l’avenir de leur exploitation, nous nous retrouvons de nouveau

face aux deux groupes d’agriculteurs. D’un côté ceux qui ne craignent pas l’avenir et

parviennent à formuler des projets et de l’autre côté ceux qui n’ont pas la capacité de se

projeter dans le futur car ils n’ont pas suffisamment confiance.

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Le métier d’agriculteur est perçu de deux manières très contrastées par les agriculteurs

souletins selon la forme prise par leur installation.

Lorsque l’installation du jeune ne correspondait pas un choix personnel, le métier est mal

vécu ; les personnes lui attribuent beaucoup plus d’aspects négatifs et contraignants que de

points « attractifs ». La comparaison avec les autres catégories est d’autant plus douloureuse

que ces personnes assument assez mal leur métier. A l’opposé, les agriculteurs rencontrés qui

se sont « installés par choix », perçoivent mieux leur activité et prennent plus de recul par

rapport à leur position sociale.

Cette dichotomie se retrouve lorsqu’on étudie les pratiques adoptées par les exploitants et leur

attitude vis-à-vis de l’avenir. Pour les uns, l’avenir est perçu négativement, ils le jugent trop

incertain et préfèrent ne pas modifier leurs pratiques ou celles mises en œuvre du temps de

leurs parents. Pour les autres, le caractère incertain de l’avenir est à la base de leur stratégie de

développement. Face à l’incertaine évolution des politiques agricoles, ils cherchent à mettre

en place des ateliers de valorisation de leurs produits ou à se diversifier pour s’affranchir

d’une trop forte dépendance aux aides.

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CHAPITRE 3 : REGARDS DE FILLES D’AGRICULTEURS SUR L’AGRICULTURE EN

SOULE

Le thème de la position des femmes en agriculture a suscité de nombreuses études

sociologiques et historiques au sein desquelles s’inscrivent les travaux d’Alice Barthez42. En

1982, cette chercheuse s’est placée à contre-courant de la pensée professionnelle selon

laquelle l’agriculture familiale allait être remplacée par « une entreprise industrielle ». Pour

elle, l’évolution de la place des femmes en l’agriculture ne s’est pas faite sans heurt mais reste

liée à une histoire complexe, d’affirmation et de reconnaissance de leur travail et de leur

position sociale.

Par cette courte analyse d’entretiens « de filles d’agriculteurs », nous avons pu approcher la

réalité de la position des femmes dans la société souletine et son évolution.

1. Au niveau du métier une grande amélioration des conditions de travail

Les femmes rencontrées constatent que depuis une vingtaine d’années, les conditions de

travail se sont nettement améliorées sur les exploitations de leurs parents et en particulier les

tâches assumées par leurs mères.

Ces femmes pensent que leurs mères ont eu des vies assez difficiles, et cela dès leur arrivée

sur la ferme de leur maris : « ma mère a commencé à travailler très dure dès son arrivée sur la

ferme de mon père ». Ainsi selon Alice Barthez43, « par tradition le mariage est la voie

essentielle pour les femmes de leur reconnaissance sociale en tant qu’adulte ». La femme en

agriculture que l’on désigne comme « aide familiale ou conjointe collaboratrice » est

reconnue à partir de conventions empruntées à la famille et non à la profession. Seul le mari

est reconnu comme chef d’exploitation c'est-à-dire détenteur de la capacité décisionnelle.

Dans les cas observés en Soule, la cohabitation avec la belle-mère n’a pas toujours été

évidente. Les filles rencontrées pensent que leurs mères ont souffert de cette situation : « je

crois que ma mère aussi c’était pas évident (…), c’était pas évident la cohabitation » ; « les

femmes n’avaient pas trop d’indépendance ». Il est vrai que la structure de l’agriculture en

fermes familiales implique souvent une cohabitation des ménages comme c’était le cas en

42 Chercheuse à l’INRA de 1972 à 2004, Alice Batrhez a travaillé au sein du département d’ Economie et Sociologie Rurales de l’INRA. Les thèmes centraux qui ont guidé ses travaux d’étude concernent la famille avec les relations au travail et l’étude de la division du travail entre les sexes. La condition des femmes en agriculture tient une grande place dans ses recherches. 43 Alice Barthez, Femmes en agriculture : de l’aide familiale à l’agricultrice. 2002.

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Soule jusque dans les années soixante-dix où les premiers couples ont décohabité. La nouvelle

installation de la jeune femme chez son mari « la place d’emblée sous la dépendance non

seulement de son mari mais de sa belle-mère selon des rapports de générations le plus souvent

conflictuels » (Barthez, 2002).

Face à l’histoire vécue par leurs mères, on peut se demander si par leur départ, ces jeunes

n’auraient pas cherché à exprimer un refus à reproduire cette condition. Alice Barthez

remarque que l’un des moyens justement utilisé par les femmes pour rejeter leur sort en

agriculture a été de se détourner de ce milieu : « les femmes fuient l’agriculture ».

2. Une place parfois difficile à trouver sur les exploitations

Si l’on croit le récit des femmes rencontrées, le privilège de la masculinité semble encore être

présent dans l’esprit de certains pères souletins. Ainsi, l’une des femmes interrogées a

envisagé au début de sa vie professionnelle de reprendre l’exploitation parentale, projet

qu’elle a exposé à son père. Ce dernier n’a pas tenu cas de la volonté de sa fille : « c’était

comme parler à un mur, il ne m’a pas du tout écoutée ». Selon elle, c’est son frère qui dès la

naissance était destiné à reprendre et rien ne pouvait changer cette réalité.

3. Un attachement culturel important mais une difficulté à trouver un emploi en

Soule

Les femmes rencontrées ont toutes exprimé leur attachement profond au territoire souletin.

Cet attachement passe par un lien à leur culture et à leur famille. Toutes ont cherché à

travailler le plus près possible de la Soule, de ne pas trop s’éloigner de leur village d’origine:

« si je partais, ça me manquerait. Ca tient une place importante. » ; « quand on peut, on reste.

Mais bon on va en général pas trop loin » ; « je ne me serais pas vue vivre hors du

département ». Pour ces femmes, tout pousse à rester en Soule la culture, le cadre de vie, la

famille. Le problème tient au fait que peu d’emplois « féminins » sont disponibles sur ce

territoire et que même si on souhaite rester, on est contraint professionnellement à partir plus

loin : « tu es obligée de partir » ; « y’a pas grand chose pour les femmes : c’est en déclin

quand même ».

Aucune ne regrette néanmoins d’avoir choisi une autre voie car elles jugent que le métier

d’agriculteur est tout de même trop contraignant. Leurs frères se plaignent souvent de

l’astreinte de leur travail : « il doit toujours être là ; il n’a pas de vacances. C’est vrai que c’est

difficile. (…) Je pense que ça lui pèse quand même ; comme il dit, il doit toujours être là

quoi ».

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Conclusion :

L’interprétation de ces trois entretiens ne permet guère une généralisation des points de vue

exprimés. Cependant, ces femmes qui restent très attachées à leur terre d’origine, ont évoqué

certains aspects qui n’apparaissaient pas souvent dans les entretiens des agriculteurs. En

faveur de l’emploi, elles pensent que des efforts pourraient être faits pour développer l’emploi

féminin qui fait défaut en Soule et qui constitue bien souvent «la » raison du départ vers

d’autres lieux.

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CONCLUSION : COMMENT LE MÉTIER D’AGRICULTEUR EST-IL PERCU EN SOULE ?

L’enquête a permis de mettre en évidence que la forme prise par l’installation dans le parcours de la personne, influençait sa façon de percevoir le métier et de se comparer aux autres catégories socioprofessionnelles. Nous confirmons ainsi notre seconde hypothèse ; à savoir que le vécu de la personne, son « capital social », joue un rôle sur la représentation que les agriculteurs se font d’eux-mêmes et de leur position sociale. La famille, qui influence encore beaucoup le processus de socialisation de ses enfants, reste très présente dans l’exercice du métier. Le travail réalisé par l’entourage familial est indispensable à la survie de certaines pratiques ancestrales, mais l’association de plusieurs générations sur les exploitations ne va pas toujours sans poser de problèmes. Certains chefs exploitants ont du mal à trouver leur place aux côtés des parents et des conflits de générations peuvent parfois éclater. Nous avons remarqué que la manière qu’avaient les agriculteurs de s’affirmer ou de travailler avec les parents, la façon dont ils envisageaient l’ouverture sur l’extérieur ou la coopération avec le voisinage était liée à la forme prise par leur installation. Les deux manières contrastées de percevoir et d’exercer le métier d’agriculteur en Soule sont donc liées aux deux types d’installation identifiés précédemment :

- pour les agriculteurs qui ont repris en cédant à la pression implicite exercée par la famille, le métier n’est pas considéré comme « attractif » mais au contraire présente beaucoup d’inconvénients. Ces personnes ne croient plus suffisamment en l’agriculture pour réagir, ils sont en marge des réseaux professionnels et craignent beaucoup l’avenir. La comparaison avec les autres catégories socioprofessionnelles est douloureuse, ils se perçoivent comme une minorité défavorisée par rapport aux salariés. C’est au sein de ce groupe que l’arrivée de la loi sur la réduction du temps de travail a suscité le plus de réactions négatives.

- pour les agriculteurs qui se sont installés par envie, le métier d’agriculteur est « attractif ». Bien qu’ils lui attribuent des défauts, les personnes de ce groupe croient en leur métier et prennent plus de recul concernant leur position sociale. Ils n’envient pas les salariés car la majorité d’entre eux a connu une expérience salariale avant l’installation et a choisi « d’être agriculteur » justement pour l’indépendance offerte par ce statut. Dans l’exercice de leur métier, ces agriculteurs ont cherché à réagir face à l’évolution des politiques agricoles et de s’affranchir d’une trop grande dépendance aux aides par la mise en place d’ateliers de diversification. Ils sont en général plus tournés vers l’extérieur et vers l’avenir et plus impliqués dans les réseaux professionnels locaux. L’installation agricole et la manière dont elle est considérée par l’agriculteur, représente donc un point de départ dans la construction de la perception de soi-même et du métier. C’est une étape clé qu’il faut donc envisager avec beaucoup de précaution.

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PARTIE IV : PROPOSITIONS ET OUVERTURE

La vocation de ce présent rapport n’est pas d’apporter des solutions, toutes faites aux

membres de la Communauté de communes ayant souhaité la réalisation de ce travail, mais de

nourrir leur débat en exposant une réalité sociale observée sur le terrain. Cependant, il parait

intéressant de rapporter ici, les diverses suggestions faites par les agriculteurs ou les autres

personnes rencontrées. Nous avons choisi d’axer cette présentation sur deux thèmes

principaux : l’installation des jeunes agriculteurs souletins et les difficultés d’ordre social et le

thème du « détour ».

CHAPITRE 1 : L’INSTALLATION DES JEUNES AGRICULTEURS

Nous avons mis en évidence que certains « jeunes » chefs d’exploitation, avaient repris

l’exploitation familiale sous le poids de la tradition ou le poids de la famille, la personne

s’étant enfermée dans la reproduction de ce que faisait le père sans avoir de projet personnel.

Ces agriculteurs qui semblent « porter » le poids de l’héritage culturel, sont quelques fois

exclus car en marge de l’évolution de leur métier. Au niveau social, ils ont tendance à adopter

une attitude de repli sur eux et ont du mal à se tourner vers l’extérieur et vers l’avenir. Se pose

alors le problème de leur motivation au travail et de leur motivation envers l’agriculture. La

vision de l’avenir très pessimiste qu’entretiennent ces agriculteurs laisse à penser qu’ils ne

croient plus en l’agriculture. Comment dans ce cas peuvent-ils être motivés à poursuivre et à

s’investir dans des projets collectifs alors qu’ils n’ont plus vraiment confiance ?

Des entretiens réalisés avec des personnels de la MSA (assistantes sociales) ont permis

d’avancer une suggestion vis-à-vis de ce problème. Partant du constat qu’un jeune en

procédure d’installation se retrouve vite intégré par les différents organismes dans la

définition « économique » de son projet (« tous ces organismes qui vous sautent dessus »),

nous émettions l’idée que les aspects sociaux étaient finalement peu pris en compte et que

cela pouvait constituer une lacune dans la démarche. Il serait en effet intéressant d’imaginer

que le jeune en phase d’installation puisse rencontrer une personne (assistante sociale,

employé « agricole » de la communauté de communes…) à qui il puisse exposer ses

motivations à la reprise et ses projets d’avenir. De cette manière, on pourrait déterminer si son

intention de s’installer est réellement personnelle et si cela constitue un vrai « choix ». Dans

une optique d’écoute, ces entretiens pourraient servir à identifier les personnes qui présentent

un risque d’être fragilisées ou exclues dans l’exercice de leur métier.

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CHAPITRE 2 : LE DÉTOUR

Nous avons remarqué que le « détour » c'est-à-dire toute expérience antérieure à l’installation

(stage dépaysant, expérience salariée, formation…), pouvait permettre aux agriculteurs de

prendre plus de recul par rapport à leur métier ou aux volontés familiales. Pour les personnes

rencontrées qui ont connu l’expérience du détour, cette période a été l’occasion de définir un

projet d’installation, de formuler des choix. L’intérêt d’une telle démarche n’est envisageable

que lorsqu’elle émane d’une décision personnelle ; l’objectif serait donc de susciter chez les

jeunes désireux de s’installer, l’envie d’aller voir ailleurs momentanément. Cependant, le

« détour » n’est pas accepté par tous en tant que tel. Certaines personnes craignent de voir

partir les jeunes hors de l’agriculture car elles perçoivent le risque de ne pas les voir revenir.

Plusieurs suggestions sont nées autour de cette « notion du détour » lors d’entretiens réalisés

avec des agriculteurs, des enseignants ou des agents de la MSA.

1. Transmettre un message commun :

Nous avons vu que la socialisation des enfants basques était encore en grande partie assurée

par la famille, bien que le relais ait été pris par l’école et d’autres institutions. Il existe encore

aujourd'hui une forte cohésion sociale au sein des familles souletines et dans la sphère

supérieure qui regroupe les voisins d’un même quartier. Ces caractéristiques sociales

représentent une force de l’agriculture souletine qu’il faudrait tenter d’utiliser comme levier

pour redynamiser le développement agricole.

Ainsi sur le plan des reprises d’exploitations ou des installations HCF, la mise en place

d’actions pilote réussies permettrait sans doute de créer un effet d’émulation nécessaire pour

s’affranchir des logiques de « qu’en dira-t-on ? » ou « je ne veux pas déplaire aux voisins ».

Pour faire comprendre l’intérêt que peut présenter « le détour » dans une carrière agricole,

certains lycées (comme le LARPS) ont mis en place des journées de rencontres entre anciens

lycéens ayant connu une expérience intéressante avant son installation, et des jeunes encore

scolarisés. Cette initiative n’est sans doute pas suffisante lorsque l’on sait que le discours

circulant dans la sphère familiale, peut être totalement opposé à celui de l’école : les parents

ne percevant pas l’intérêt d’une telle démarche ou pire, la considérant comme risquée. L’idée

serait alors de réunir ces deux sphères (famille-école) dans lesquelles le jeune évolue afin que

soit mené un travail commun. Il serait par exemple intéressant de faire participer les parents

aux réunions qui existent déjà avec les anciens lycéens en détour afin de faire évoluer leurs

propres représentations sur cette période.

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Parmi les suggestions qui ont été faites pour faciliter le « détour », l’idée du partenariat ou de

la mise en réseau semblait intéressante à développer. Il s’agirait par exemple de créer des

réseaux entre lycées agricoles, permettant d’aboutir à des échanges.

2. Garder la main d’œuvre locale :

La deuxième suggestion concerne la forme salariale que peut pendre le « détour ». Il est vrai

qu’aujourd'hui, les enfants qui souhaitent reprendre arrivent souvent en âge de s’installer alors

que les parents sont encore en activité. Une question se pose alors : que proposer à ces jeunes

en attente de l’exploitation familiale ? Que peuvent-ils faire durant cette période ?

Le fait que des jeunes partent hors de l’agriculture exercer des emplois salariés représente une

crainte des générations aînées, qui sont soucieuses de voir ces jeunes « prendre trop goût à

l’extérieur ». Une idée a été émise par l’un des agriculteurs rencontrés pour garder « cette

main d’œuvre locale » au pays. Pour lui, l’idéal serait d’employer ces jeunes en attente au sein

de groupements d’employeurs, afin qu’ils restent dans le milieu agricole tout en étant salarié.

Il suggère que soit lancée une réflexion sur ce thème car pour lui il y aurait un double intérêt à

développer des groupements d’employeurs avec embauche de jeunes issus de familles

agricoles : compenser le manque de main d’œuvre sur les fermes et assurer l’embauche d’une

personne compétente qui connaisse le monde agricole local. Pour le jeune, un tel emploi

pourrait constituer l’occasion de se former à différentes techniques, de rencontrer des

personnes qui travaillent et pensent différemment. Actuellement, les groupements

d’employeurs sont encore diffus en Soule. L’une des difficultés premières au bon

fonctionnement d’une telle association réside dans la nécessité de bien s’entendre entre

associés mais également de trouver un employé qui face preuve de polyvalence et d’une

bonne adaptation au contexte local.

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CONCLUSION GENERALE

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Pour mieux juger de « l’attractivité » exercée par le métier d’agriculteur en Soule, et afin

d’apporter des éléments de réflexion sur le mode de reproduction de l’agriculture souletine,

nous avons élaboré une problématique qui questionnait l’installation agricole en tant que

processus social, partant de l’hypothèse que l’attrait pour le métier se déterminait en fonction

du vécu de la personne et de son capital social.

L’attractivité que représente le métier pour des jeunes issus de familles agricoles n’est pas

moins le fruit de leur propre représentation de cette activité, que de celle véhiculée par leur

entourage familial. Le métier apparaît d’autant plus « attractif » ou « envisageable » quand les

parents ont eux-mêmes une perception positive de leur condition et qu’ils sont confiants vis-à-

vis de l’avenir. A l’inverse, le pessimisme ou l’immobilisme dont font preuve certaines

familles face au métier, sont autant de facteurs qui concourent à la création d’une image

négative dans l’esprit du jeune qui, inconsciemment ou non, va chercher à ne pas reproduire

cette condition sociale et « fuir » vers d’autres activités professionnelles.

La famille en Soule, reste le principal vecteur de la socialisation des enfants et son rôle dans

la reproduction sociale du groupe reste primordial. Nous avons souligné deux stratégies

familiales contrastées : l’une visant à créer une pression plus ou moins explicite autour de la

reprise par le jeune, et l’autre basée sur un travail d’incitation de la part des parents qui

cherchent à convaincre plus qu’à imposer, en « transmettant le goût pour le métier ». Ces

deux logiques de transmission se répercutent sur la façon dont le repreneur va percevoir son

métier et détermine également les pratiques qu’il va mettre en œuvre sur l’exploitation :

- dans le premier cas, l’installation ne constitue pas un acte indépendant qui

concrétise un projet professionnel, mais il s’agit plutôt de l’héritage d’une situation

sociale. On préfèrera parler de « succession familiale ». C’est dans ce groupe que

le statut de chef d’exploitation a parfois des difficultés à être transmis entre les

deux générations : le jeune « héritier » restant souvent sous l’autorité forte de son

père.

- dans le second cas, le terme « d’installation » peut être utilisé car le repreneur

« n’hérite pas », mais il construit son propre projet et ses perceptions du métier

plus indépendamment de son entourage familial. Pourtant même au sein de ce

groupe, l’influence de la famille est indéniable car c’est au sein de cette sphère

familiale qu’ils ont construit leurs représentations du métier. Ils disent s’être

installés « par goût » ou avoir repris « par envie » mais cette expression d’une

inclination pour l’agriculture constitue en partie « le processus de réappropriation,

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par les enfants, des contraintes des incitations familiales […] qu’ils ont subies pour

reprendre l’exploitation » (Champagne et Maresca, 1986, p142).

L’entourage familial exerce donc un grand rôle dans le processus d’installation mais son

action peut prendre diverses formes, plus ou moins explicites et positives.

La forme sociale prise par l’installation va se répercuter sur les représentations que la

personne élabore sur son métier, sur son niveau de motivation au travail, et détermine ses

pratiques sur l’exploitation. Nous distinguons à nouveau deux groupes d’agriculteurs selon

l’attractivité qu’ils accordent au métier et leur degré d’ouverture sur l’extérieur :

- ceux qui ont « succédé à leurs parents » expriment une certaine nostalgie du passé,

ils se sentent menacés et défavorisés. Ils sont relativement peu tournés vers

l’extérieur, hormis dans le cadre de relations professionnelles et craignent l’avenir.

C’est dans ce groupe que l’on retrouve les structures d’exploitation les plus petites

et les moins modernisées. Ces agriculteurs sont tous des hommes et certains sont

restés célibataires (quatre sur onze). La moyenne d’âge est de quarante-six ans.

Pour eux, le métier présente peu d’attraits et ils en soulignent les caractères

astreignant, répétitif et contraignant. La comparaison avec les autres catégories

sociales devient douloureuse dans cette « société des 35 heures » et nombreux

répètent que seuls les enfants d’agriculteurs peuvent s’accommoder de telles

conditions de travail : « il faut y être né ».

- ceux qui ont fait une « installation professionnelle » sont plus intégrés dans les

réseaux agricoles ou les réseaux culturels locaux, et font preuve d’une plus

importante capacité d’adaptation par rapport à l’évolution du métier. Leurs

exploitations ne sont pas nécessairement plus grandes mais certains ont mis en

place des ateliers de valorisation de leurs produits en circuits courts pour pallier la

probable diminution des aides publiques (sept sur neuf). Leur travail est raisonné

dans l’objectif de se dégager du temps pour faire autre chose (activités dans le

domaine de la culture ou responsabilités syndicales). Ces agriculteurs ne sont pas

amers vis-à-vis des autres catégories socioprofessionnelles et font preuve d’une

plus grande prise de recul par rapport à leur condition sociale en raison de leur

connaissance de la réalité du travail salarié. Ils croient en leur métier, pensent qu’il

peut encore être « attractif » pour les jeunes et s’attachent à donner une image

positive de l’agriculture à leurs enfants. Dans ce groupe, nous comptons trois

femmes « chefs exploitantes » et la moyenne d’âge s’élève à trente-six ans.

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Notre étude a mis en évidence deux modèles d’agriculture en Soule, basés sur les mêmes

principes culturels de base (transmission des patrimoines familiaux, indivisibilité des terres,

réciprocité…) mais interprétés différemment par les familles. Le développement d’une

politique agricole spécifique sur ce territoire, nécessite une prise en compte de ces différences

et devra s’appuyer sur la forte cohésion sociale de la société locale pour faire évoluer les

représentations des familles agricoles.

Ainsi, il semble que l’ouverture sur l’extérieur et la confrontation à d’autres catégories

sociales permettent une évolution des représentations sur le métier d’agriculteur. Cette idée

rejoint les conclusions du travail de Angelucci, Bernard et Dufour, qui confirment que

« l’existence de relations diversifiées concourt à l’évolution des représentations et favorise

l’innovation »44 (2004). La capacité de réaction et d’adaptation au contexte nouveau en

dépend et on peut donc imaginer que la « sélection » des exploitations du futur se fera

naturellement par élimination de celles qui n’auront pas su s’adapter.

Cependant, les souletins ont déjà fait face à d’autres évolutions en se montrant entreprenants.

La Soule est un territoire dynamique, où la force de l’agriculture tient avant tout à ses

hommes qui ont su s’adapter aux changements précédents en créant une filière forte. Ils

sauront sans doute gagner le combat de la reproduction sociale du groupe.

44 Etude sociologique réalisée en territoire péri-urbain (région Rhône-Alpes) sur les « stratégies différenciées de multifonctionnalité agricole dans un territoire péri-urbain ». Les résultats cités sont issus d’une communication que les auteurs (Marie-laix Angelucci, Cécile Bernard et Annie Dufour) ont donnée au colloque de la SFER « les systèmes de production agricoles : performances, évolutions, perspectives » des 18 et 19 Novembre 2004 à Paris.

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SIGLES ET ABREVIATIONS UTILISES

ADASEA Association Départementale pour l’Aménagement des Structures des Exploitations Agricoles

AFMR Association pour la Formation en Milieu Rural

AOC Appellation d’Origine Contrôlée

CDEO Centre Départemental de l'Elevage Ovin

CIOP Coopérative d'Insémination des Pyrénées

CLEJ Club Local d'Epargne pour les Jeunes

CREOM Centre de Recherche de l’Elevage Ovin en Montagne

CUMA Coopérative d'Utilisation de Matériel Agricole

DATAR Délégation à l'Aménagement du Territoire et à l'Action Régionale

DJA Dotation Jeune Agriculteur

ELB Euskal herriko Laborarien Batasuna

HCF Hors Cadre Familial

IHCF Installation « Hors Cadre Familial »

INSEE Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques

INRA Institut National de la Recherche Agronomique

JAC Jeunesse Agricole Catholique

LARPS Lycée Agricole et Rural Privé de Soule

MRJC Mouvement Rural de la Jeunesse Chrétienne

OPA Organisation Professionnelle Agricole

PAC Politique Agricole Commune

PCD Projet Collectif de Développement

RA2000 Recensement Agricole 2000

RDI Répertoire Départemental à l’Installation

SFER Société Française d’Economie Rurale

UPRA Unité de Promotion des Races Animales

UTA Unité de Travail Annuel

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FICHE BIBLIOGRAPHIQUE

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LÖPELMANN Martin, 1968. Etymologisches Wörterbuch de baskischen Sprache. Berlin : Walter de Gruyter. MARESCA Sylvain, Novembre 1986. Le théâtre de la profession: le contrôle collectif de l’installation des jeunes agriculteurs, Actes de Recherches en Sciences Sociales. Numéro 65, pp 77-85. OTT Sandra, 1993. Le cercle des montagnes: une communauté pastorale basque. Paris : Comité des Travaux Historiques et Scientifiques, 267 p. PIMIENTOS, Avril 2001. Dictionnaire thématique de culture et civilisation basques. Bayonne.178 p. QUEHEILLE Catherine, Mai 1985. La transhumance en Pays de Soule: perspectives d'avenir d'un système traditionnel. Mémoire de fin d'étude ISAB, commission syndicale du Pays de Soule, Mauléon, 68 p. Rapport d'activité 2003. ADASEA DES PYRÉNÉES ATLANTIQUES, Juin 2004. Pau. 42 p. RATTIN Solange, Juillet 2002. L'agriculture au féminin se professionnalise, Les cahiers Agreste, n°2, pp 15-22. RATTIN Solange, Décembre 1999. Deux exploitants sur cinq vivent seuls ou uniquement avec leur conjoint, Les cahiers Agreste, n°46, pp 45-54. RÉMY Jacques, 1982. Le métier d’agriculteur : façons de produire et façons d’être des agriculteurs sarthois (tome 3). Paris : Inra, 239 p. RÉMY Jacques, 1987. La crise de la professionnalisation en agriculture: les enjeux de la lutte pour le contrôle du titre d'agriculteur, Sociologie du travail, n°4-87, pp 415-441. REMY Jacques, 1990. « Qui est agriculteur ? », Les agriculteurs et la politiques. Paris. SCEES (ED), Juin 2002. La cohabitation entre les générations persiste: les ménages agricoles fidèles à leurs traditions, Agreste Primeur, n°112, 4 p. SICA CREOM, Septembre 1996. Vivre des ovins lait en Béarn et Pays Basque: des diversités concrètes de la diversité des systèmes d'élevage. Ordiarp. SOULET Jean-François, 1974. La vie quotidienne dans les Pyrénées sous l'ancien régime (du XVIème au XVIIIéme siècle). Paris : Hachette, 300 p. Statut de conjoint collaborateur et le rôle de la femme en agriculture en 2001 (Le), Novembre 2003. Travaux et Innovations, n°102, Forum, 6 p. SYNDICAT INTERCANTONAL DE TARDETS ET MAULÉON, Mars 1978. Contrat de Pays de la Soule. Mauléon :108 p. VEYRIN Philippe, 1947. Les Basques. Paris, Grenoble : Arthaud, 350 p.

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ZUMAGLINI Corinne, 1993.Diagnostic pastoral en vallée de Soule. DESS "Aménagement et développement transfrontalier de la montagne" : Toulouse le Mirail, Toulouse. 69 p + annexes.

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TABLE DES MATIERES

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SOMMAIRE ........................................................................................................ 4

INTRODUCTION GENERALE ....................................................................... 5

PARTIE I : EVOLUTION DE LA SOCIETE SOULETINE......................... 6

CHAPITRE 1 : LA SOULE, UN TERRITOIRE DYNAMIQUE ENCORE MARQUÉ PAR SA TRADITION

AGRICOLE ................................................................................................................................6

1. Un territoire en déclin démographique touché par une crise du secteur industriel ..6 1.1 La Soule plus petite province du Pays Basque..................................................................... 6 1.2 Une déprise démographique notable, un taux de célibat élevé ............................................ 7 1.3 La Soule reste marquée par son passé industriel.................................................................. 8

2. Une agriculture traditionnelle encore active aujourd'hui..........................................8 2.1 Une terre d’élevage basée sur une tradition pastorale ancestrale ......................................... 8 2.2 La filière ovin lait en Soule :................................................................................................ 9 2.3 L’agriculture basque résiste mieux à la baisse du nombre d’exploitations que le reste de la France....................................................................................................................................... 10 2.4 La population agricole souletine marquée par le célibat .................................................... 11

3. La subsistance des pratiques coutumières ...............................................................11 3.1 Une exploitation collective des estives .............................................................................. 11 3.2 L’indivisibilité des patrimoines familiaux ......................................................................... 13

4. Une dynamique « développementaliste » forte.........................................................16 4.1 Origine du développement local en Soule.......................................................................... 16 4.2 Réactions des élus face à certains signes inquiétants ......................................................... 17

CHAPITRE 2 : UNE ÉTUDE SOCIOLOGIQUE POUR ANALYSER L’ATTRACTIVITÉ DU MÉTIER

D’AGRICULTEUR ....................................................................................................................19

1. La mise en place d’une commission agricole à la Communauté de Communes de Soule .................................................................................................................................19 2. Juger de l’attractivité du métier d’agriculteur en Soule : choix d’une approche sociologique......................................................................................................................20

2.1 Résultats des entretiens réalisés en pré-enquête................................................................. 20 2.2 Problématique : préciser la notion d’attractivité du métier d’agriculteur en Soule............ 20

CHAPITRE 3 : ELÉMENTS DE MÉTHODE ..................................................................................23

1. Collecte de l’information..........................................................................................23 1.1 Une enquête par entretiens semi-directifs auprès d’agriculteurs de trois communes de Soule......................................................................................................................................... 23 1.2 Une enquête par questionnaires auprès de lycéens de Soule et des environs.............. 27 1.3 Des entretiens complémentaires auprès de personnes qui ne travaillent pas dans le milieu agricole.......................................................................................................................... 27 1.4 Impressions d’enquête................................................................................................. 28

2 Le traitement des données ........................................................................................28 3 Limites de l’étude .....................................................................................................29

PARTIE II : LA DETERMINATION DU CHOIX DU METIER AGRICOLE ....................................................................................................... 32

CHAPITRE 1 : L’INSTALLATION PAR GOUT POUR LE MÉTIER...................................................32

1. L’expression du goût pour le métier.........................................................................33

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1.1 Une attirance pour l’agriculture en général................................................................. 33 1.2 Le rapport affectif avec les bêtes........................................................................................ 33 1.3 Le goût pour la traite et la fabrication des fromages.......................................................... 33 1.4 L’attachement à la maison .......................................................................................... 33 1.5 La liberté offerte par le métier .................................................................................... 34

2 Le rôle des expériences antérieures dans la détermination du choix.......................34 2.1 Le choix de s’installer, motivé par les expériences antérieures .................................. 35 2.2 Une prise de recul par rapport au métier d’agriculteur ............................................... 35 2.3 Le rôle de la formation dans la détermination du choix d’installation........................ 36

3 La culture comme un moteur de l’agriculture, des installations… ..........................37 3.1 Un attachement « viscéral » à la culture basque ......................................................... 37 3.2 Les racines basques qui font qu’on s’installe.............................................................. 38

CHAPITRE 2 : LA « SUCCESSION FAMILIALE » TRADITIONNELLE............................................39

1. Le poids de l’héritage culturel..................................................................................39 1.1 « Il fallait un chef d’exploitation ».............................................................................. 39 1.2 Le « déterminisme » de la reprise ............................................................................... 40 1.3 La difficulté pour ces agriculteurs de parler de leur « choix ».................................... 41 1.4 Comment les autres agriculteurs parlent-ils de ces reprises « programmées » ? ....... 41

2 La crainte vis à vis de l’extérieur :...........................................................................42 2.1 Ne pas « goûter à l’extérieur » .................................................................................... 42 2.2 Des préjugés sur les activités salariées........................................................................ 43 2.3 Un manque de confiance en l’agriculture ?................................................................. 43

CHAPITRE 3 : LE RÔLE DE LA FAMILLE DANS LA CONSTRUCTION DU CHOIX :..........................45

1. L’incitation à reprendre l’exploitation.....................................................................45 1.1 Le rôle autoritaire du père dans la transmission.......................................................... 45 1.2 « Moi je vais pas leur dire : toi tu dois rester. C’est à eux de voir » .......................... 46

2 La transmission du goût pour le métier....................................................................47 2.1 La modernisation de l’exploitation par les parents incite à la reprise ......................... 48 2.2 Aimer son métier pour que les enfants s’y intéressent................................................ 49

3 La place de la famille dans l’installation effective : ................................................50 3.1 Le rachat du capital d’exploitation.............................................................................. 50 3.2 Les arrangements de famille ....................................................................................... 50

PARTIE III : LA PERCEPTION DU METIER AU SEIN DES FAMILLES D’AGRICULTEURS ........................................................................................ 53

CHAPITRE 1 : LE METIER DANS SON ENVIRONNEMENT............................................................53

1. Le lien à la famille ....................................................................................................53 1.1 Le travail sur les exploitations reste très familial............................................................... 53 1.2 Les conflits de générations toujours douloureux pour les agriculteurs ....................... 56 1.3 La cohabitation ; le problème du logement................................................................. 58

2 Lien au voisinage ou « premiers voisins » ...............................................................60 2.1 La notion de « premiers voisins » ............................................................................... 60 2.2 Une entraide importante par quartier .......................................................................... 61 2.3 La peur de l’isolement évoquée par certains agriculteurs ........................................... 62

3 L’ouverture sur l’extérieur .......................................................................................63 3.1 Le lien avec l’extérieur................................................................................................ 64 3.2 Les activités extra professionnelles............................................................................. 65 3.3 Le rapport à la technique et avec les OPA : ................................................................ 66

CHAPITRE 2 : LA PERCEPTION DU METIER...............................................................................69

1. Le rapport au travail ................................................................................................69 1.1 Attraits et contraintes attribués par les agriculteurs souletins au métier ............................ 69

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1.2 Avec qui et comment se compare-t-on ?..................................................................... 72 1.3 Le rapport à l’évolution du métier .............................................................................. 74 1.4 L’attachement à la terre............................................................................................... 75

2. La perception de l’avenir .........................................................................................76 2.1 L’avenir de l’agriculture souletine : pessimisme des uns contre optimisme des autres ? 76 2.2 L’avenir de leur propre exploitation................................................................................... 78 2.2 Les installations hors cadre familial : l’avenir des fermes sans successeur ? ............. 79

CHAPITRE 3 : REGARDS DE FILLES D’AGRICULTEURS SUR L’AGRICULTURE EN SOULE...........82

1. Au niveau du métier une grande amélioration des conditions de travail.................82 2. Une place parfois difficile à trouver sur les exploitations .......................................83 3. Un attachement culturel important mais une difficulté à trouver un emploi en Soule 83

PARTIE IV : PROPOSITIONS ET OUVERTURE...................................... 86

CHAPITRE 1 : L’INSTALLATION DES JEUNES AGRICULTEURS..................................................86

CHAPITRE 2 : LE DÉTOUR ......................................................................................................87

1. Transmettre un message commun : ..........................................................................87 2. Garder la main d’œuvre locale : ..............................................................................88

CONCLUSION GENERALE .......................................................................... 89

SIGLES ET ABREVIATIONS UTILISES..................................................... 93

FICHE BIBLIOGRAPHIQUE ........................................................................ 94

TABLE DES MATIERES ................................................................................ 98

ANNEXES........................................................................................................ 102

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ANNEXES

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ANNEXE 1 : CARTES

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Localisation de la Soule au sein de la France La Soule, ancienne province du Pays Basque et aujourd'hui territoire d’une Communauté de

communes du même nom, est située au Sud Est du département des Pyrénées Atlantiques. Ce

territoire est composé de deux cantons : le canton de Mauléon au Nord et celui de Tardets au

Sud.

Source : www.valleedesoule.com/CARTE-ACCES-noir.jpg

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Localisation de la Communauté de communes de Soule au sein du Pays basque

r

Source : Carte réalisée par Le Conseil de développement du Pays Basque modifiée par l’auteu

Mauléon : chef lieu de canton de la Basse Soule

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SOULE

Tardets : chef lieu de canton de la Haute Soule

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Le projet collectif de développement (PCD) au Pays basque

Source : Carte réalisée par Le Conseil de développement du Pays basque

Le Pays basque s’est vu doté, après deux ans de réflexion autour d’un projet commun de développement (la prospective Pays basque 2010), de deux instances spécifiques: le Conseil de Développement en 1994 et le Conseil des Elus en 1995. La première instance correspond à un organe de réflexion qui émet des propositions et des avis sur les projets, le « Conseil des élus » constituant l’organe décisionnel. La réflexion sur le projet collectif de territoire se poursuit de 1995 à 1997 au niveau du Pays basque, qui en Janvier 1997 est reconnu « pays » sur arrêté préfectoral. Les actions retenues sont mises en place sur quatre zones distinctes dont la Soule. Sur le territoire souletin, le PCD est porté par l’intercommunalité.

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Localisation des trois communes choisies pour l’enquête au sein de la Soule

Source : Traitement SIG Emilie Salvi données Agreste RA 2000.

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Les SAU communales moyennes en Soule

Source : Traitement SIG Emilie Salvi données Agreste RA 2000.

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ANNEXE 2 : PRÉSENTATION SOCIO-ÉCONOMIQUE DE LA SOULE

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Démographie : Depuis 1836, la population souletine s’est réduite de moitié. Le canton de Tardets a été le plus

touché par cette déprise démographique puisqu’il a perdu 58 % de sa population depuis le

début du siècle.

Evolution de la population en Soule depuis 1836

02000400060008000

10000120001400016000

1836

1876

1911

1936

1954

1962

1975

1982

1990

1999

MAULEONTARDETS

« Le pays de Soule », Pierre Bidart, Editions IZPEGI Saint Etienne de Baigorri, 1994 et Recensement Général de la population

Une personne sur trois a plus de 60 ans en Soule (données 1999)

En Soule, on assiste à un vieillissement de la population qui résulte d’une baisse de la natalité

accentuée par une immigration sur le territoire de personnes de plus de 50 ans qui

« reviennent » s’installer sur le territoire.

Sur le graphique, on observe une augmentation de la part des personnes de plus de 60 ans

entre 1982 et 1999 en Soule (de 26 % en 1982 à 33 % en 1999). La part occupée par ces

personnes dans la population totale est largement supérieure à la moyenne nationale en 1999.

Composition des populations souletine et française

0,00

5,00

10,00

15,00

20,00

25,00

30,00

0-19 ans 20-39ans

40-59ans

60-74ans

75 ansou plus

tranches d'âge

pour

cent

age

19821999France en 1999

« Le Pays Basque à mi-parcours entre 1999 et 2010 », Comité de développement du Pays Basque, 2003.

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Economie :

Seul le nombre d’emplois dans le secteur tertiaire progresse en Soule entre 1990 et 1999 :

Le nombre total d’emplois diminue sur la péri de 1990-1999. Le secteur tertiaire qui compte

même période, les emplois du secteur agricole diminuent de 21 % et ceux du secteur

Evolution de la structuration de l’emploi en Soule sur la période 1990-1999

o

1912 emplois en 1990, progresse à 2214 emplois en 1999 soit une augmentation nette de 15 %. Sur la industriel de 23 %.

1356

364

1476

1912

1072

345

1136

2214

0

500

1000

1500

2000

2500

Agriculture Construction Industrie Tertiaire

19901999

En 1999, le secteur tertiaire concentre envir n la moitié des emplois sur les cantons de

« Le Pays Basque à mi-parcours entre 1999 et 2010 », Comité de développement du Pays Basque, 2003.

oTardets et Mauléon (respectivement 44% et 47%). Le canton de Tardets présente une vocation plus agricole que le canton de Mauléon où le secteur industriel conserve une plus grande part des emplois. Agriculture

Agriculture 33%

Construction12%Industrie

11%

Tertiaire44%

Structuration de l’emploi sur le canton de Tardets en 1999

20%

Construction6%

Industrie27%

Tertiaire47%

Structuration de l’emploi sur le canton de Mauléon en 1999

Source : Recensement général de la population 1999.INSEE

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ANNEXE 3 : L’AGRICULTURE SOULETINE

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Installation

En 2003, dix-huit demandes de DJA ont été déposées à l’ADASEA pour des exploitations souletines, dont douze sur le canton de Mauléon et six sur le canton de Tardets. Depuis 1973, la moyenne du nombre de dossiers déposés chaque année est égale à dix-huit. On estime que la part des installation sans aide s’élève à environ 15 % de l’ensemble des installations.

Evolution du nombre de dossiers DJA déposés en Soule

05

10152025303540

1973

1976

1979

1982

1985

1988

1991

1994

1997

2000

2003

MAULEONTARDETSSOULE

Source : ADASEA 64 Pau.

Evolution du cheptel

Le cheptel global souletin augmente entre 1988 et 2000 mais le rapport entre les bovins et ovins se trouve modifié :

1979 1988 2000UGB ovin/UGB bovin 1,11 1,13 0,97

En 20 ans, le nombre de brebis a augmenté de manière moins importante que le nombre de vaches nourrices (+ 17 % contre + 33 % entre 1988 et 2000). Cela traduit une orientation vers l’élevage bovin.

L’exploitation souletine type (RA2000) : L’exploitation « type » souletine est une exploitation de 29,7 hectares de SAU dont 94,6 % correspond à la SFP. La moitié de la surface exploitée est en faire-valoir direct (45,8 %).Le cheptel ovin s’élève à 144 têtes en moyenne et l’atelier bovin compte 18 vaches nourrices.

SAU (ha) 29,7

dont SFP (ha) 28,1 dont STH (ha) 21 ,9

dont fermage (ha) 16,1 Brebis (effectif) 144

Vaches nourrices (effectif) 18

- 113 -

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Population agricole Evolution du nombre de chefs d'exploitation entre

1979 et 2000

30702791

2437

916

2033

14751805

1278 1099

0

500

1000

1500

2000

2500

3000

3500

1979 1988 2000

Ht BearnNavarreSoule

Le nombre de chefs d’exploitation diminue de 28 % en Soule entre 1979 et 2000. Cette diminution est plus forte que dans les provinces voisines (-21 en Basse Navarre et –28 % en Haut-Béarn).

Source : Données RGA2000, fiche comparative département 64, traitement logiciel SAS. En 2000, les chefs d’exploitations âgés de moins de quarante ans représentent 28 % de l’ensemble des chefs exploitants.

Evolution de la population des chefs d'exploitation entre 1979 et 2000

0

10

20

30

40

50

<40 ans 40-55 ans >60 ans

tranches d'âge

pour

cent

age

197919882000

Source : Données RGA2000, fiche comparative département 64, traitement logiciel SAS.

En 2000, 1 chef d’exploitation sur 3 est célibataire en Soule.

Divorcés2%

Veufs2%

Célibataires32%

Mariés (y compris

assimilés)64%

Veufs4%

Mariés (y compris

assimilés)75%

Célibataires18%

Divorcés3%

Veufs4%

Mariés (y compris

assimilés)67%

Divorcés3%

Célibataires26%

Source: RGA 2000, Agreste, Inventaire.

France Pyrénées-Atlantiques Soule

- 114 -

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ANNEXE 4 : CAS DE SPÉCULATION FONCIÈRE EN SOULE.

- 115 -

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.

Source : Laborrari, du 09 Juin 2004

- 116 -

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ANNEXE 5 : LES GUIDES D’ENTRETIEN

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Guide d’entretien avec les agriculteurs

Bonjour, je suis Emilie Salvi, étudiante dans une école d’agriculture et je réalise un stage pour la Communauté de communes de Soule. Depuis avril 2004, la Communauté a engagé une réflexion sur l’agriculture en créant une commission agricole. Pour répondre à certaines interrogations, les membres de la commission ont souhaité lancer une étude sur « l’attractivité du métier d’agriculteur ». Je suis en charge de cette enquête et c’est dans ce cadre que j’aurais souhaité m’entretenir avec vous. Si cela ne vous dérange pas, je souhaiterais enregistrer notre conversation. L’enquête est bien sûr strictement anonyme et sera traitée de manière confidentielle. Je suis la seule à avoir accès à la conversation que nous allons avoir ensemble. HISTOIRE : Pouvez- vous me raconter l’histoire de votre exploitation et me la décrire ?

- Parcours d’installation. - Attitude et ressenti vis à vis de la reprise : enthousiasme,

résignation… - Reprise du patrimoine familial ; arrangements de famille, soultes aux

frères et sœurs, tensions éventuelles. - Investissements réalisés sur l’exploitation depuis la reprise. - Personnes intervenant sur l’exploitation : famille, personnel salarié… - Aide des frères et sœurs pour certains travaux. - Frères et sœurs, métiers, lieux de vie. - Organisation du travail sur l’exploitation (prise des décisions, à qui

en parlez-vous). - Sentiment de satisfaction par rapport à l’état actuel de

l’exploitation - Histoire de son père ou de sa mère et de leur installation. Savoir si

selon lui les conditions de reprise ont été les mêmes. - Activités de diversification (existantes, envisagées). - Gestion de la montagne (lieux de transhumance, tours de garde,

berger salarié…). La main d’œuvre diminue sur les exploitations. Quels aspects de l’agriculture souletine vont selon vous être modifiés ? PARCOURS : Pouvez-vous me parler de votre trajectoire professionnelle ?

- Formation, agricole et générale. - Rôle des parents dans le choix de l’orientation scolaire. - Stages en exploitation ou en entreprise. - Exercice d’autres activités professionnelles. - Période avant la reprise. - Statuts sur l’exploitation. - Double activité.

Pensez-vous qu’il soit important d’aller voir ailleurs pour se faire une idée de ce qui existe ? METIER : Que pensez-vous du fait que l’exploitation agricole soit aujourd’hui vue plus comme une entreprise, que comme une exploitation familiale ? Quelle vision avez-vous de votre métier ?

- Conception de son métier, comment se voit-il. - Imbrication exploitation-famille. - Argent gagné par rapport au temps passé sur l’exploitation. - Pluriactivité de l’exploitant, pluriactivité du couple ; intérêts et

inconvénients.

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- Opinion vis à vis de l’association, des formes sociétaires. - Epanouissement, fierté d’exercer ce métier. - Aspects positifs et négatifs de ce métier. - Place de la femme aujourd’hui sur les exploitations

La place de la femme sur les exploitations a t’elle changé par rapport à la génération précédente ? RELATIONS DE SOCIALITE: Quelles relations entretenez-vous avec votre voisinage, les personnes de votre quartier? - Entraide entre agriculteurs.

- Relations amicales avec les voisins. - Engagement politique (mairie, conseil) ou syndical ou professionnel

ou culturel… - Contacts avec l’extérieur aujourd’hui ; contexte des rencontres,

personnes rencontrées (agriculteurs, jeunes du même âge…), sujets des discussions engagées.

- Vacances ou des dimanches. - Loisirs éventuels. - Projets envisagés pour le logement.

Les générations précédentes et dans quelques familles encore aujourd’hui, plusieurs générations vivent sous le même toit et l’installation agricole n’implique pas systématiquement une décohabitation entre les parents et les enfants. Que pensez-vous de ce phénomène et de son évolution ? AVENIR/PROJETS : Pouvez-vous m’expliquer vos projets, si vous en avez ?

- Projets au niveau de l’exploitation. - Successeurs potentiels sur l’exploitation. - Transmission envisagée, déjà réfléchie. - Projets plus personnels (au niveau de votre retraite, au niveau de

votre famille…) - Quand vous pensez à votre exploitation dans l’avenir, comment

l’imaginez-vous.

AVENIR SOULE : Comment voyez-vous l’avenir de l’agriculture en Soule ?

- Structures des exploitations (orientations, tailles…) - Population agricole (situation familiale des exploitants). - Gestion de la montagne.

Pourquoi pensez-vous qu’autant de jeunes femmes partent de Soule ? CARACTERISTIQUES GENERALES : Age :

Situation familiale : Utilisation de la montagne : SAU moyenne : Effectifs d’animaux, races :

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Guide d’entretien utilisé avec les femmes issues de familles agricoles Bonjour, je suis Emilie Salvi, étudiante dans une école d’agriculture et je réalise un stage pour la Communauté de communes de Soule. Depuis avril 2004, la Communauté a engagé une réflexion sur l’agriculture en créant une commission agricole. Pour répondre à certaines interrogations, les membres de la commission ont souhaité lancer une étude sociologique sur l’attractivité du métier d’agriculteur. Je suis en charge de cette enquête et c’est dans ce cadre que j’aurais souhaité m’entretenir avec vous. Si cela ne vous dérange pas, je souhaiterais enregistrer notre conversation. L’enquête est bien sûr strictement anonyme et sera traitée de manière confidentielle. Je suis la seule à avoir accès à la conversation que nous allons avoir ensemble. PARCOURS : Pouvez-vous me parler de votre trajectoire professionnelle ?

- Formations, études, stages, emplois - Lieux de vie et de travail - Voyages

ENFANCE : Pourriez-vous me parler de votre enfance en Soule ? - Parents, métiers, village - Rapports avec la famille, frères et sœurs - Rapports avec votre mère ; poussée à partir ? - Education reçue pour vous et vos frères et sœurs - Poids d’une tradition ressentie - Position vis à vis de la reprise de l’exploitation

DEPART : Pourriez-vous m’expliquer les raisons de votre départ de Soule ?

- Travail, raisons sociales, familiales - Choix personnel, résignation - Volonté de revenir - Attachement, contacts en Soule,

Pensez-vous que la Soule soit un territoire attractif pour des jeunes couples ? HISTOIRE EXPLOITATION : Pouvez- vous me raconter l’histoire de l’exploitation de votre famille et me la décrire?

- Reprise, héritier, condition de reprise - Arrangements de famille - Métiers des parents - Structure actuelle de l’exploitation et évolutions - Chef d’exploitation actuel, âge, projets - Logement - Histoire de la vie sa mère

Pensez vous que celui qui reste sur la ferme parentale le fasse toujours par choix personnel ? Que pensez-vous de la cohabitation entre plusieurs générations ? AGRICULTURE : Quelle vision avez-vous du métier d’agriculteur ?

- Attirance, - Côtés négatifs - Vie des femmes d’agriculteurs aujourd’hui

Pensez vous que le métier d’agriculteur ait évolué ?

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AVENIR : Quels sont vos projets pour les années à venir ? - Au niveau de votre travail - Au niveau de votre cadre de vie - Au niveau de votre famille

CARACTERISTIQUES :

- Age : - Situation familiale : - Métiers des parents : - Nombre de frères et sœurs : - Métier : - Lieu de vie : - Village d’origine :

- 122 -

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ANNEXE 6 : QUESTIONNAIRE POUR LES LYCÉENS

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Les perceptions du métier d’agriculteur : enquête auprès des jeunes

Dans le cadre des travaux du PCD Soule, la Communauté des communes de Soule a démarré une étude sur l’attractivité du métier d’agriculteur en Soule. Ce travail est mené par Emilie Salvi, étudiante dans une école d’agriculture, sous la responsabilité de Jacques Rémy, sociologue à l’INRA et de Jean-Marc Arranz ingénieur au centre Ovin d’Ordiarp.

Pour comprendre les changements en cours, nous nous intéressons à la façon dont est perçue l’agriculture par les jeunes, par ceux qui sont originaires du milieu agricole, mais aussi par ceux qui vivent en milieu rural ou urbain de la même zone géographique. Cette enquête est donc proposée, en parallèle, à des élèves de l’enseignement général et de l’enseignement agricole. Elle est bien sûr strictement anonyme et sera traitée de manière confidentielle. Nous vous remercions pour le temps que vous accorderez à ce questionnaire.

GENERALITES

1. Situation scolaire : 1ère Tale séries ES L S STI STT

BEP :………………………………………………….

Bac Pro :………………………………………………

BTS :………………………………….……………….

2. Commune de résidence (parents):…………………………………………………………… 3. Commune de naissance :………..…………………………………………………………….. 4. Sexe : Féminin

Masculin

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RAPPORTS A L’AGRICULTURE

5. Quelle est la profession de tes parents ?

Mère Père

Agriculteurs exploitants Artisans Commerçants et assimilés Chefs d’entreprise Professions libérales Cadres de la fonction publique Cadres d’entreprise Professions intermédiaires de l’enseignement, de la santé, de la fonction publique Professions intermédiaires administratives et commerciales des entreprises Techniciens Contremaîtres Employés de la fonction publique Employés administratifs d’entreprise Employés de commerce Personnels des services aux entreprises Ouvriers Retraités Autre, sans activité professionnelle

6. Si tes parents, ou l’un de tes parents est agriculteur, quelle est l’orientation principale de l’exploitation ? Ovin-lait/Bovin-viande Bovin viande Bovin viande/Grande culture Ovin lait spécialisé Bovin lait Autres : ……………………. 7. Y a-t-il d’autres activités sur l’exploitation ? transformation de produits vente directe restauration activités d’artisanat travaux agricoles autres :………………….. 8. As-tu des contacts avec le monde agricole par d’autres biais? oui non Par des personnes de ta famille ou de ton entourage qui sont agriculteurs : grands-parents maternels frère ou sœur autre :………… grands-parents paternels voisins oncle ou tante amis Par des stages que tu as pu faire chez des agriculteurs ou des gens que tu as rencontrés: stage en exploitation agricole rencontre pendant des vacances

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PROJET PROFESSIONNEL

1. As-tu une idée sur ton orientation professionnelle ? oui pas encore (directement question 7)

2. Si oui, que voudrais tu faire plus tard ?

installation en agriculture dès la fin de tes études installation quelques temps après la fin des études emploi dans un organisme lié à l’agriculture emploi non agricole : ………………………………………………………………………..

(aller question 5) 3. Si tu as un projet d’installation agricole, quelle orientation de production choisiras-

tu ? Ovin-lait/Bovin-viande Bovin viande Bovin viande/Grande culture Ovin lait spécialisé Bovin lait Autres : …………………….

Ne sais pas encore

4. Souhaites-tu mettre en place des activités de diversification sur l’exploitation? Oui Non Ne sais pas

Si oui, laquelle ou lesquelles ?…………………..………………………………………….

5. Quelle modalité envisages-tu pour cette installation ?

reprise de l’exploitation familiale installation sur une autre exploitation

6. Souhaites-tu t’installer seul ou envisages-tu de créer une association ? seul associé à l’un de tes parents

associé à un frère ou une sœur associé autre

7. A quelles caractéristiques doit répondre ton futur métier ? Indique l’importance que tu accordes à chacun de ces critères : ( 1= pas important, 5= très important)

L’argent que tu vas gagner Son utilité Le temps libre que tu pourras avoir L’ambiance de travail (contact avec les autres) Sa localisation géographique Autre :………………………………………

PROJET PERSONNEL

8. Souhaiterais-tu vivre dans ta région d’origine? oui non ne sais pas

9. Si oui, où souhaiterais-tu vivre et pourquoi ? ……………………………………………………………………………………………………

……………………………………………………………………………………………………

……………………………………………………………………………………………………..

10. Si non, peux-tu expliquer pourquoi ? tu n’aimes pas cet endroit tu ne penses pas pouvoir y trouver un travail tu veux découvrir d’autres régions autres : ……………………………………………………………………

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VISION DU METIE Le métier d’agriculteur :

1. Le métier d’agriculteur selon toi (cochTout à fait d’accord / Plutôt d’acco

Est difficile physiquemen Est astreignant au niveau Est diversifié car les tâche Permet une liberté dans l’ Ne permet pas d’avoir su

activités (loisirs, responsa 2. Penses-tu qu’il soit difficile de partir e

agriculteur : oui non ne sais pas ç

3. A combien d’heures moyennes par sem

< à 39 h de 39 à 50 h de 50 à

4. Par rapport à ce temps de travail, com

faible moyen élev

5. Penses-tu que le métier d’agriculteur s oui non ne sais pas ç

6. Si oui, qu’est-ce qui change dans ce m

………………………………………………

………………………………………………

7. Penses-tu que le métier d’agriculteur v

société ? oui non ne sais pas ç

8. L’installation agricole est selon toi (co

Tout à fait d’accord / Plutôt d’acco

Avant tout une histoire de Un vrai « parcours du com Très difficile quand on n’

R D’AGRICULTEUR

er une case par affirmation) : rd / Plutôt pas d’accord / Pas d’accord

t. du temps passé sur l’exploitation. s sont variées. organisation du travail. ffisamment de temps libre pour exercer d’autres bilités professionnelles, associatives).

n vacances ou de voyager quand on est

a dépend (préciser) :……………………………...

aine évalues-tu le travail d’un agriculteur :

70 h > 70 h

ment estimes-tu le revenu des agriculteurs :

é très élevé

oit en évolution actuellement? a dépend (préciser) :…………………………..…

étier, selon toi?

…………………………………………………

…………………………………………………

éhicule une image positive aux yeux de la

a dépend (préciser) :…………………………..…

cher une case par affirmation): rd / Plutôt pas d’accord / Pas d’accord

famille. battant ».

est pas originaire du milieu agricole.

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Le rapport au territoire :

1. L’agriculture : Tout à fait d’accord / Plutôt d’accord / Plutôt pas d’accord / Pas d’accord

Permet le maintien d’activités économiques en zones difficiles. Permet de limiter l’urbanisation du territoire. Permet de limiter la fermeture des paysages (embroussaillement, avancée

de la forêt…).

2. Penses-tu que l’impact de l’agriculture sur les paysages soit plutôt:

positif négatif ça dépend (préciser) :…………………………………………………………………. ne sais pas 3. Quelle fonction principale attribues-tu à l’agriculture ?

………………………………………………………………………………………………….

………………………………………………………………………………………………….

4. Penses-tu que l’avenir de l’agriculture en zone difficile se trouve plutôt dans

(plusieurs réponses possibles) : les activités de diversification (vente directe, agrotourisme, transformation des produits…) la pluriactivité ; c’est à dire avoir un emploi à côté de l’activité agricole (saisonnier ou non) l’association entre plusieurs exploitants (en GAEC*, EARL*, Société de fait,….) autres (préciser) : …………………………………………………………………… ne sais pas

5. Qu’évoque pour toi la « multifonctionnalité de l’agriculture» ?

……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

Les relations avec les autres :

1. Le rapport aux autres : Tout à fait d’accord / Plutôt d’accord / Plutôt pas d’accord / Pas d’accord

Les rapports avec les autres utilisateurs de l’espace sont parfois conflictuels

(randonneurs, chasseurs…). Quand on décide d’être agriculteur, on se destine à vivre dans un grand

isolement (travailler seul, vivre à l’écart, vivre en milieu rural). En zone rurale, l’agriculture maintient un tissu social.

2. Famille et agriculture :

La vie de famille d’un agriculteur n’est pas facile à gérer (par rapport aux enfants, pour exercer des activités avec sa famille…).

La reprise de l’exploitation familiale est souvent un frein à la prise d’indépendance (logement séparé, décisions sur l’exploitation, fondement d’une famille…)

Il est difficile de trouver un(e) conjoint(e) quand on s’est installé seul. * GAEC : Groupement Agricole d’Exploitation en Commun EARL : Exploitation Agricole à Responsabilité Limitée

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• Peux-tu en quelques mots, décrire ce qui t’attire dans le métier d’agriculteur ?

………………………………………………………………………………………………… …………………………………………………………………………………………………. ………………………………………………………………………………………………… ………………………………………………………………………………………………… ………………………………………………………………………………………………… ………………………………………………………………………………………………… …………………………………………………………………………………………………

• Si ce métier ne t’attire pas du tout, pourrais-tu évoquer la ou les raison(s) principale(s) ?

………………………………………………………………………………………………… ………………………………………………………………………………………………….. ………………………………………………………………………………………………….. ………………………………………………………………………………………………….. …………………………………………………………………………………………………. …………………………………………………………………………………………………. ………………………………………………………………………………………………….

• Les membres de la commission agricole de la Communauté de communes de Soule s’interrogent sur l’avenir de l’agriculture en Soule. As tu une idée sur l’évolution de l’agriculture dans cette zone, ou plus généralement sur la montagne pyrénéenne?

……………………………………………………………………………………………….. ……………………………………………………………………………………………… ………………………………………………………………………………………………. ………………………………………………………………………………………………. ……………………………………………………………………………………………….

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ANNEXE 8 : LES VERSOS DU RAPPORT.

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Verso de la page 21

Figure 1 : Présentation des d’agriculteurs rencontrés

Les vingt agriculteurs rencontrés :

Sur dix-neuf exploitations, onze sont situées dans la vallée d’Ibar Eskün sur les communes

d’Alçay et de Lacarry et huit se trouvent sur Ordiarp.

Les structures d’âge des chefs d’exploitation :

Moins de 40 ans 10 Entre 40 et 55 ans 6 Plus de 55 ans 4

Situation matrimoniale : quinze agriculteurs sur vingt ont un conjoint (marié ou assimilé).

Inférieure à 15 hectares 4 De 16 à 25 hectares 5 De 26 à 40 hectares 5 Plus de 41 hectares 5

Surface agricole des exploitations : Productions : La totalité des exploitations présente une orientation de production traditionnelle « Ovin-lait et Bovin-viande », ou seulement l’un de ces deux ateliers et on dénombre sept démarches de diversification (vente directe, transformation fromagère, tourisme…) Statut : La quasi-totalité des exploitations est sous statut individuel.

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Verso de la page 25

Figure 2 : Grille d’analyse des entretiens avec les agriculteurs

PARTIE I : DESCRIPTION I. PRÉSENTATION :

II. OUVERTURE SUR L’EXTÉRIEUR ET EXPÉRIENCE ANTÉRIEURE :

Rapports à la formation : Expérience professionnelle antérieure : Loisirs, sorties : Isolement, relations :

III. IMBRICATION FAMILLE/EXPLOITATION :

Statuts sur l’exploitation : Logement : Liens avec le reste de la famille :

IV. ANALYSE DES NORMES ET DES CODES :

Normes professionnelles : Normes sociales :

PARTIE II : POURQUOI AVOIR CHOISI CE MÉTIER, QU’EST-CE QUI EST ATTIRANT ?

I. VISION DU MÉTIER :

Le goût pour le métier : pourquoi s’être installé ? Le rapport au travail : Avenir : Rapport au territoire :

II. RÉSEAUX SOCIOPROFESSIONNELS :

Responsabilités syndicales : Rapports au voisinage : Rapports aux techniciens :

III. ATTITUDES ET PROJETS VIS À VIS DU MÉTIER :

Investissements réalisés : Projets sur l’exploitation :

PARTIE III : LE DISCOURS PARTIE IV : SYNTHESE

- 132 -

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Verso de la page 37

Encadré 1 : La lourdeur de l’héritage culturel, responsable du célibat ?

C’est aussi beaucoup de ça que vient le célibat ici je pense, c’est… des choix qui n’étaient pas

des choix…des choix que nos parents ont fait -enfin pas moi je peux pas dire pour moi- mais

pour beaucoup c’étaient des choix que nos parents ont faits pour nous qu’on a jamais voulu

contrarier et ils se sont laissés embarquer doucement. Sans faire de bruit. C’était la facilité,

c’était ne pas contrarier les parents, c’était garder un équilibre avec les parents aussi quelque

part, c’était …. C’était être en phase aussi avec le fait que la maison ne doit pas être

démantelée qu’il faut une continuité. Tout ça c’est lourd, cet héritage y’a des avantages mais

y’a une partie qui est lourde, qui est très lourde. Donc ils se sont laissés embarquer petit à

petit là dedans, ils se sont enfermés là dedans…et puis …je pense qu’ils arrivent à un moment

donné…je pense que le suicide en agriculture ça peut aussi s’expliquer par ça. Par

l’endettement aussi mais par ça aussi. De toutes façons n’importe quel métier qu’on fasse, je

pense que si on ne le fait pas avec enthousiasme, l’agriculture en particulier je crois que c’est

pas la peine. Je pense que si on aime ce qu’on fait, on s’applique beaucoup plus quoi. Je pense

pas je pense quoi. Moi c’est vrai que le métier en lui-même …oh y’a des moments de

découragements, je crois qu’il y en a partout ça.

- 133 -

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Verso de la page 43

Encadré 2 : Le paradoxe de la transmission

Non mais c’est l’idéal ce que je dis « reprendre la ferme », n’importe quel paysan, je suppose,

espère qu’il y en ait au moins un qui va reprendre […]. Ca serait bien oui, mais d’un autre

côté je me dis quand même, c’est tellement…Est-ce qu’il faut souhaiter cette vie ? Bon c’est

pas de l’esclavage mais quand même, quand même un petit peu quand même […].

Oui mais ça c’est normal quelque chose qu’on a monté…[…] c’est vrai qu’on avance et que

ça m’embêterait que ça reste vide…mais d’un autre côté je me dis aussi que « est-ce qu’on la

force pas un peu ?». C’est partagé, on avance pour nous mais aussi pour eux et c’est vrai

qu’on aurait envie d’aller un peu plus loin pour leur donner plus, qu’ils reprennent une

exploitation un peu plus facile. Mais aussi, d’un autre côté je me dis « bon sang, si elle fait

autre chose elle sera bien plus heureuse ».

- 134 -

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Verso de la page 53

Encadré 3 : « Conflit de génération »

Je sais qu’avec mon père aussi y’avait souvent des mésententes, très souvent on n’était pas

du tout d’accord…[…] Je voyais, lui était bien sûr assez… pas conservateur mais il était

de sa génération et moi j’arrivais avec mes idées et tout ça et ça lui plaisait pas forcément

et on était souvent en désaccord. C’est presque pas au quotidien mais…oui oui.. […]. Des

fois je commandais dans son dos des engrais et ça lui plaisait pas...je sais pas pfffuu…

Plein de petits trucs. […] Ca lui plaisait pas alors je me faisais engueuler…c’est des

broutilles mais c’était pas quotidien mais c’était régulier….

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Encadré 4 : « la peur de l’isolement »

La spéculation qui fait qu’on va se retrouver isolés. Les agriculteurs y’en a de moins en

moins, la spéculation va faire en sorte qu’il y en ait encore de moins en moins. Et cet

isolement me fait peur : que encore beaucoup d’agriculteurs vont disparaître, que la

spéculation qu’il y a actuellement va peut-être accélérer la chose. Ca me fait très très peur,

très très peur. […] Je sais pas, ça me fait très peur. L’isolement, le fait que d’années en années

on voit les exploitations qui disparaissent ; c’est toute une économie qui fout le camp parce

que quand les agriculteurs foutent le camp, c’est tout le reste qui …C’est un tout ces petites

régions. Là c’était une région agricole, on a vu que quand le nombre d’agriculteurs a

commencé à baisser, c’est toute la région qui a commencé à…eh oui c’est tout qui…ça se

répercute sur le commerce, sur l’artisanat…tout est lié de toutes façons, tout est lié. Et je

pense qu’ici en Soule, l’activité encore la plus importante, c’est quand même

l’agriculture.[…] Quand une entreprise ferme à Mauléon avec cinquante employés : c’est

dramatique, c’est vrai c’est dramatique. C’est cinquante personnes qui perdent un emploi dans

un bassin d’emploi qui est déjà…(pfffuu) laminé. Mais quand chaque année y’a dix-vingt

exploitations qui disparaissent sans faire de bruit, sans suite ou des gens qui partent. C’est

autant d’emplois qui disparaissent, c’est autant d’emplois induits qui disparaissent […]. C’est

toute une petite économie qui fout le camp sans bruit ; c’est chronique, c’est sans bruit. Et

puis l’isolement, l’isolement des gens qui restent : l’isolement.

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Verso de la page 62

Encadré 5 : « Y’a une paperasse infernale »

Les reprises aussi, c’était de père en fils ça passait automatiquement et plus facilement que

maintenant je pense. Les parents ils aidaient les jeunes ; ils se passaient la main de l’un à

l’autre. Maintenant, ça devient compliqué, tout devient compliqué. Ca donne pas envie de

continuer. Et puis bon y’a une paperasse infernale. […] Il faut tous les jours, tous les jours, il

faut tout regarder, il faut passer plus de temps à faire les papiers que dehors. Et puis dès qu’il

y a une installation, y’a tous ces organismes qui sont là pour vous aider heureusement, ils sont

tous liés. Ils vous sautent dessus, ils sont obligés de faire un emprunt pour faire ceci pour faire

cela ; alors que dans le temps, on se passait de l’un à l’autre sans faire d’emprunt. Maintenant

il faut obligatoirement faire un emprunt pour faire le rachat du capital et obligatoirement le

payer à ses parents. Bon tant que ça se passe bien, tant que les parents, vous aident c’est très

bien mais supposons que les parents ils disent « ben c’est très bien on encaisse tout ça », ils se

retrouvent avec un gros emprunt, s’il veut faire autre chose, il doit en faire un autre.

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Verso de la page 71

Encadré 6 : L’entretien des terres.

Moi personnellement j’en assez des terres. C’est bien beau d’avoir des terres mais c’est pas

les terres de Pau quoi….où on voit à perpète. Ici il faut entretenir, ici c’est des petits

morceaux, c’est vachement morcelé, malgré qu’il y ait eu le remembrement de fait quoi. Mais

c’est pas les terres de Pau, ici on a un morceau, il faut entretenir tout ça, il faut aller un peu

plus loin pour entretenir un autre. C’est ça quoi y’a beaucoup d’entretien quoi…Des clôtures

pfffuuu, et puis bon y’a des terrains en pente, il faudrait faire à la main enfin moi j’en ai assez.

J’en ai partout c’est assez morcelé, quelques unes aussi éloignées…ça demande du temps.

C’est pas ouvrir la porte du hangar, il faut les suivre, il faut aller les chercher le soir, y’a vite

une demi-heure de perdu…c’est une demie heure pour les brebis des fois un quart d’heure

pour les vaches…non personnellement j’en ai assez.

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Verso de la page 73

Encadré 7 : La peur de la surproduction laitière.

A la longue y’aura quelques gros fournisseurs et les autres ils vont disparaître. Parce que bon

ceux qui sont en bordure de ramassage, ceux qui sont à côté à la limite ils vont les prendre

mais ceux qui sont éloignés, qui n’ont pas de gros litrages, ils sont contraints …moi j’ai peur

pour ça. L’inconvénient de ces races, c’est ça. Ca donne énormément de lait, s’ils en trouvent

assez sans venir dans ces coins de campagne, ils vont pas se déplacer. S’ils en trouvent sur

Mauléon et …Là on entendait sur la seule commune d’Ainharp, ils font .. .dans la tournée

d’Ainharp, ils font autant de lait que ici dans toute la Haute Soule. A une seule commune.

Donc …oui oui ça donne à réfléchir, ils vont plus nous le prendre le lait d’ici. Les petites

quantités c’est plus la peine.

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Verso de la page 74

Encadré 8 : La difficile projection dans l’avenir.

Je me vois pas… je sais pas, peut-être je peux faire ce métier encore quelques années. Euh ça

peut durer comme ça peut…je sais pas…C’est par rapport au moral. Des fois tu as envie de

tout casser tu as envie d’investir tu as envie de vraiment foncer et finalement pourquoi ? Alors

que je suis là et que j’avance pas quoi. […] Franchement je me fais pas de projets. Et …peut-

être que j’aurai arrêté dans ce métier peut-être que je continuerai comme un vieux pépé là, à

batailler, à survivre, je sais pas, je sais pas.

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Verso de la page 75

Encadré 9 : L’héritage culturel, facteur bloquant les installations hors cadre familial ?

Voilà les inconvénients de notre culture y’a ça aussi quoi. C’est se dire mon exploitation je la

vends à quelqu'un qui n’est pas de ma lignée, qui n’est peut-être pas basque, qui …ça c’est

pas évident non plus. Peut-être qu’on préfère le donner au voisin ; il a été gentil le voisin,

c’est plus facile et on s’attire moins les regards des gens de l’extérieur. [..]

C’est la maison qui posera le problème, ici « etxaltia » c’est…les racines, c’est tout quoi.

C’est en même temps un héritage mais c’est lourd quoi ; c’est très lourd ; c’est des héritages

très très lourds. Il faudrait une réflexion là-dessus. […]

En même temps ils doivent prouver deux fois plus que les autres ; et puis bon c’est des

gens…il a un point de vue de l’agriculture qu’on a pas non plus. Ils ont des choix que nous on

n’a pas non plus. Il faut qu’ils arrivent à faire leur preuve, c’est souvent des gens qui ne sont

pas, qui sont plutôt contre le système productiviste, donc ils seraient presque taxés de

fainéants parce que lorsqu’on ne produit pas...

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