ÉDITO VIVE LA CURIOSITÉ...2019/06/17  · DE DOELEN, JURRIAANSE ZAAL FESTIVAL GERGIEV Boulez en...

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  • 03 ÉD ITO – Mat th ias P in t scher

    05 SA ISON 19_20

    08 DE HAUT VOL – en t re t ien avec E l i zabe th S t reb

    14 LE TEMPS DÉCHIRÉ – en t re t ien avec Mark Andre

    18 LE MÉT IER DE COMPOSITEUR – Luc iano Ber io

    22 COMME UN TREMBLEMENT INTÉRIEUR – en t re t ien avec James D i l lon

    28 CRISTAUX DE NOTES – en t re t ien avec Hans Abrahamsen

    32 UNE PET ITE MONTAGNE MAGIQUE – en t re t ien avec George Ben jamin

    34 DU P IXEL À LA NOTE – en t re t ien avec S teve Re ich

    38 À CONTRETEMPS – en t re t ien avec Marc Monne t

    45 MATIÈRE SONORE – en t re t ien avec Raphaë l Cendo

    48 LES RÈGLES DE L’AMIT IÉ – en t re t ien avec Renaud Capuçon e t Ber t rand Chamayou

    52 CORPS RÉSONNANTS – Saburo Tesh igawara

    57 LES SAVEURS CACHÉES DU SON – en t re t ien avec Marco Momi

    61 ACT IONS CULTURELLES

    65 MÉCÉNAT

    66 ENSEMBLE INTERCONTEMPORAIN

    67 MATTHIAS P INTSCHER, D IRECTEUR MUSICAL

    69 ÉQUIPES

    70 INFORMATIONS PRAT IQUES

    P A R T A G E R

    D É C O U V R I R

    1 9 _ 2 0

  • En avril dernier, alors que je marchais dans la rue au sortir d’une répétition publique, j’ai saisi au vol la conversation de trois personnes qui venaient de nous écouter. L’une d’elles racontait à ses amies qu’elle avait découvert la musique d’Helmut Lachenmann à l’un de nos concerts, deux ans auparavant : ça l’avait tout de suite intéressée, disait-elle, parce que c’était différent. Cette musique avait piqué sa curiosité. « La curiosité est un vilain défaut. » Voilà, je crois, l’un des proverbes les plus faux qui soient ! C’est au contraire une qualité, que nous devons encourager et garder constamment éveillée.

    Cette petite phrase sur Lachenmann m’a du reste rappelé ma propre réaction lorsque j’ai entendu pour la première fois Lonicera Caprifolium d’Olga Neuwirth. J’étais tout jeune, nous participions tous deux à une master classe de composition dirigée par Peter Eötvös. Et je me souviens encore de ma stupéfaction en découvrant cette musique à nulle autre pareille, curieuse à plus d’un titre. C’est d’ailleurs autour de cette œuvre, dont les développements s’inspirent de ceux d’une plante proliférante, que nous avons imaginé un Grand Soir intitulé « Cabinet de curiosités ». Un programme dont chaque œuvre est une « curiosité » en soi, et qui nous permet par exemple de créer une pièce de Gilbert Nouno pour trois triangles et électronique !

    Si l’on prend un peu de recul, cette saison 2019-2020 est un grand cabinet de curiosités. Et ce dès le début de la saison, en septembre, au Théâtre du Châtelet, à l’occasion de sa réouverture après deux années de travaux. Au cours de cette soirée vraiment extraordinaire, nous créerons un « ballet » d’un nouveau genre, avec une musique de Pierre-Yves Macé et une chorégraphie proprement renversante de l’Américaine Elizabeth Streb. Nous retournerons au Châtelet en mars 2020 avec la reprise d’un spectacle chorégraphique culte de Pina Bausch sur des textes de Bertold Brecht et une musique de Kurt Weill : Les Sept Péchés capitaux. Ces deux productions marquent le début d’une nouvelle collaboration au long cours sur des projets pluridisciplinaires avec cette grande institution parisienne.

    Pour notre premier concert à la Philharmonie de Paris fin septembre, nous jouerons deux œuvres aussi singulières que saisissantes : Ofanìm de Luciano Berio et la mystique et théâtrale Hiérophanie de Claude Vivier.En janvier 2020, nous consacrerons une soirée entière à… la neige avec le monumental cycle Schnee du compositeur danois Hans Abrahamsen !

    En février, le Grand Soir numérique livrera lui aussi son lot de curiosités en tout genre, comme, par exemple, une incroyable sculpture sonore cinétique de Moritz Simon Geist. Et pour le dernier concert de la saison, le compositeur italien Marco Momi s’intéressera quant à lui à… un goût et pas n’importe lequel : l’umami, cinquième saveur avec le sucré, l’acide, l’amer et le salé.

    Même nos concerts consacrés à nos « références » révèlent un grain de folie : ainsi du concert monographique consacré à Luciano Berio, au cours duquel nous interprèterons notamment Sinfonia, en collaboration avec les étudiants du Conservatoire de Paris. Sinfonia est une œuvre un peu « folle ». Berio lui-même la définissait comme un « documentaire sur un objet trouvé ». Et si nous jouons cette année le Pierrot lunaire de Schönberg et la Suite lyrique de Berg, c’est pour accompagner le chorégraphe japonais Saburo Teshigawara, que nous aurons l’immense plaisir de retrouver pour la troisième fois depuis l’opéra Solaris au Théâtre des Champs-Élysées en 2015.

    On ne compte plus cette saison les concerts où la musique sort de son pré carré pour aller à la rencontre d’autres disciplines : un concert axé sur la performance au festival Musica, une création vidéo-musicale (à moins que cela ne soit l’inverse), fruit de la rencontre entre deux géants de la création contemporaine, le compositeur Steve Reich et le plasticien Gerhard Richter, un voyage en famille dans le monde astral de Karlheinz Stockhausen avec la compagnie chorégraphique Les Ouvreurs de Possibles, L’Histoire du soldat de Stravinsky récitée et dansée etc.

    Une « saison des curiosités » en somme, au cours de laquelle sont exposées des « choses » rares, singulières, nouvelles aussi, avec de nombreuses commandes passées à des compositeurs de toutes les générations comme Beat Furrer, Yann Robin, Isabel Mundry, Raphaël Cendo, Clara Iannotta, ou encore Bastien David. Un savant mélange d’œuvres de toutes sortes et de toutes formes qui saura sans aucun doute éveiller la curiosité de chacun tout au long de cette saison.

    Matthias Pintscher, Directeur musical

    ÉDITO V IVE LA CURIOS ITÉ !

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  • S A I S O N _

    18.08.19

    22.06.20

    H

    D

    H

    D

    EUROPEAN CREAT IVE ACADEMY18-24.08.19ANNECY

    FEST IVAL GERGIEV 12.09.19ROTTERDAM

    PARADE13 + 14 + 15.09.19PARIS

    INCANTATIONS19.09.19PARIS

    OMBRE PORTÉE22.09.19BERLIN

    FEST IVAL MUSICA24.09.19STRASBOURG

    VERS LA LUMIÈRE15.10.19PARIS

    DONAUESCHINGER MUSIKTAGE20.10.19DONAUESCHINGEN

    S INFONIA12.11.19PARIS

    RA INY DAYS24.11.19LUXEMBOURG

    DEMEURE ET TREMBLEMENTS27.11.19PARIS

    LES DOUZE BO ÎTES DU DOCTEUR STOCK01.12.19PARIS

    HOMMAGE À OLLY10.12.19PARIS

    MAHLER ET LES RUSSES15.12.19PARIS

    EXPRESSIONS CONTEMPORAINES19.01.20DIJON

    BEETHOVEN +25.01.20PARIS

    CANONS D ’H IVER29.01.20PARIS

    GRAND SOIR NUMÉRIQUE07.02.20PARIS

    FEST IVAL PRÉSENCES16.02.20PARIS

    ÉMERGENCES27.02.20PARIS

    RE ICH / R ICHTER07.03.20PARIS

    GRAND SOIR CABINET DE CURIOS ITÉS13.03.20PARIS

    H ISTO IRE DU SOLDAT15.03.20LYON

    FROM WITHIN…19.03.20BRUXELLES

    IANNOTTA & VERUNELL I22.03.20PARIS

    LES SEPT PÉCHÉS CAPITAUX24 + 25 + 27 + 28 + 29.03.20PARIS

    P ICASSO, TYMPAN SUR TO ILE03.04.20PARIS

    ANT ISYSTÈME09.04.20GRENOBLE

    KAMMERKONZERT14.04.20AIX-EN-PROVENCE15.04.20PARIS

    CONCOURS INTERNATIONAL DE P IANO D ’ORLÉANS26.04.20ORLÉANS11.05.20PARIS

    LOST IN DANCE / P IERROT LUNAIRE13 + 14.05.20PARIS

    3 × 303.06.20PARIS

    O JA I MUSIC FEST IVAL11-14.06.20OJAI

    NUOVA STRADA22.06.20PARIS

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  • DU 18 AU 24 AOÛT

    ANNECY

    EUROPEAN CREAT IVE ACADEMY Passage de témoin

    On change de cadre, mais on garde la recette

    si bien éprouvée à Lucerne ces dernières

    années : après les Alpes suisses, les solistes

    de l’EIC prennent cette année leurs quartiers

    d’été côté français, à Annecy. Au programme :

    une intense et stimulante session de transmission

    entre les musiciens de l’Ensemble et de jeunes

    instrumentistes qui pourront profiter pendant

    toute une semaine de l’expérience de leurs

    aînés spécialisés dans le répertoire moderne

    et contemporain. La toute première édition

    de cette académie résolument tournée vers

    l’Europe se conclura par un concert alternant

    des œuvres pour ensemble et quelques pépites

    de musique soliste du xxe siècle.

    Concert de clôture, samedi 24 août, 20:30 à l'église Sainte-Bernadette Claude DEBUSSY Syrinx, pour flûte

    Peter EÖTVÖS Octet, pour instruments à vent

    Béla BARTÓK Danses populaires roumaines, pour piano

    Igor STRAVINSKY Trois pièces pour clarinette seule

    György LIGETI Ramifications, pour douze cordes solistes

    Pierre BOULEZ Mémoriale (…explosante-fixe… Originel) pour flûte et huit instruments Emmanuelle Ophèle flûte Ensemble de l’European Creative Academy Ensemble intercontemporain Daniel Kawka direction

    En partenariat avec l’Impérial Annecy Festival, l’Impérial Palace, Le Collège Contemporain Renseignements et réservations europeancreativeacademy.com

    JEUDI 12 SEPTEMBRE

    22:30 ROTTERDAM

    DE DOELEN, JURRIAANSE ZAAL

    FEST IVAL GERGIEV Boulez en solo

    Lancé en 1996 par Valery Gergiev, alors chef

    principal de l’Orchestre philharmonique

    de Rotterdam, le festival qui porte désormais

    son nom s’organise chaque année autour

    d’un thème précis. Pour cette édition 2019,

    le charismatique chef russe a choisi de mettre

    à l’honneur la musique de Pierre Boulez.

    L’occasion pour l’Ensemble de dépêcher tout

    spécialement trois de ses solistes pour interpréter

    un florilège d’œuvres en solo pour piano,

    clarinette ou violon, avec ou sans électronique.

    Pierre BOULEZ Dialogue de l’ombre double, pour clarinette, clarinette enregistrée et piano résonnant Douze notations, pour piano Incises, pour piano Anthèmes 2, pour violon et dispositif électronique Solistes de l'Ensemble intercontemporain Andrew Gerzso réalisation informatique musicale Ircam Renseignements et réservations gergievfestival.nl

    6 7

    VENDREDI 13 SEPTEMBRE, 20:00

    SAMEDI 14 SEPTEMBRE, 15:00 & 20:00

    DIMANCHE 15 SEPTEMBRE, 15:00 & 20:00

    PARIS, THÉÂTRE DU CHÂTELET

    PARADERéouverture en fanfare

    Pour sa réouverture après deux années

    de chantier, le Théâtre du Châtelet propose

    un spectacle immersif et en fanfare.

    Deux heures avant chaque représentation,

    sur le Parvis de l'Hôtel de Ville de Paris,

    l'Académie Fratellini propose des ateliers

    d'initiation au cirque, et un orchestre

    de percussions accompagne les Marionnettes

    Géantes du Mozambique pour un premier

    spectacle gratuit. Rejointes par la Cocteau

    Machine imaginée par le décorateur Francis

    O’Connor, les marionnettes emmèneront

    ensuite cette grande parade festive à travers

    les rues jusqu’au Théâtre du Châtelet.

    Les espaces du théâtre seront totalement

    investis pour reconstituer l’univers fantasque

    d’Erik Satie qui, il y a plus d’un siècle, entrait

    dans la légende du Châtelet avec le mythique

    ballet Parade.

    Entre attractions de cirque et animations,

    le public découvrira, toujours gratuitement,

    un monde étrange et facétieux, peuplé de clowns,

    d’acrobates, de musiciens et de comédiens.

    Le dernier temps fort de cette réouverture

    aura lieu dans la grande salle (accès payant

    sur réservation) où nous retrouverons les trois

    troupes de cirque. Les marionnettes reviendront

    au son des tambours puis laisseront la place

    à la troupe d’acrobates de Stéphane Ricordel,

    accompagnée par le groupe de musique

    ukrainien DakhaBrakha. Enfin, la compagnie

    Streb Extreme Action présentera des numéros

    vertigineux avec ses performeurs de haut vol,

    sur une création musicale de Pierre-Yves Macé

    spécialement commandée par le Théâtre

    du Châtelet et jouée par l’Ensemble

    intercontemporain.

    Deux heures avant chaque représentation depuis le parvis de l’Hôtel de Ville de Paris :

    Ateliers, spectacles des Marionetas Gigantes de Moçambique, « Cocteau Machine », parade festive jusqu’au Théâtre du Châtelet (accès libre)

    Dans les espaces du Théâtre :

    Découverte de l’univers d’Erik Satie (accès libre)Spectacle dans la grande salle (accès payant)

    ENTRÉE DU PUBLIC SUR Erik SATIE / Harrison BIRTWISTLE Mercure : poses plastiques ballet pour orchestre de chambre Création française

    PREMIÈRE PARTIE Boîte Noire Stéphane Ricordel direction artistique DakhaBrakha musique

    DEUXIÈME PARTIE Pierre-Yves MACÉ Nouvelle œuvre, pour ensemble, sur une performance de la compagnie Streb Extreme Action Création mondiale

    Commande du Théâtre du Châtelet

    Streb Extreme Action Elizabeth Streb direction artistique

    Ensemble intercontemporain Matthias Pintscher direction

    Tarifs 20€ à 89€ Réservations chatelet.com

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    De haut vol

    Des sauts dans le vide à dix mètres du sol,

    des machines qui mettent les corps en apesanteur…

    Avec sa compagnie Streb Extreme Action, basée

    à New York, la chorégraphe américaine Elizabeth

    Streb révèle l’incroyable potentiel des corps. Pour

    la réouverture du Théâtre du Châtelet, elle crée

    Parade, hommage au ballet d’Erik Satie avec une

    musique du compositeur français Pierre-Yves Macé.

    Elizabeth, d’où vient votre approche atypique de la chorégraphie ?Je me suis toujours demandé pourquoi les danseurs passaient leur temps à faire semblant de défier la gravité, alors que celle qu’ils affrontent est très faible. En revanche, quand vous vous laissez tomber de dix mètres de haut, vous sentez une vraie force qui vous attire. Si vous ne l’affrontez pas, alors selon moi, vous n’êtes pas profondément dans le mouvement, dans l’action. Vous êtes un danseur qui fait semblant. Ce que j’essaie de créer, c’est une sorte de danse non prédictive. Le public ne doit pas pouvoir anticiper ce qui se passe devant lui. La question centrale, c’est de réaliser des mouvements sincères dans la situation artificielle qu’est la théâtralité.

    Ce que vous faites avec votre compagnie est-il dangereux ?Oui. Mais c’est nécessaire. À mon avis, nous affrontons simplement notre condition physique d’être humain sur terre. Je ne comprends pas pourquoi les gens trouvent que ce que je fais est violent. Les danseurs de Streb Extreme Action sont d’accord pour se faire un peu mal, mais mon but n’est pas la souffrance. À force de répétitions, ils savent comprendre en une fraction de seconde quoi faire pour éviter les blessures graves.

    Comment recrutez-vous les danseurs ?Nous leur faisons passer une audition de trois jours, sans rien de vraiment dangereux. Il faut que leurs mouvements soient beaux mais aussi qu’ils soient curieux de ce qui meut leur corps. Savent-ils ouvrir leur cage pour en faire sortir l’animal sauvage ? C’est cela que je cherche. Il faut bien sûr qu’ils soient très costauds. Leur constitution doit leur permettre d’éviter les blessures. Ils doivent aussi être d’une nature à s’amuser dans leur travail. S’accroupir, tomber dans les airs et atterrir sur le ventre doit les faire sourire, pas grimacer.

    Mais ce sont des superhéros !C’est exactement cela. D’ailleurs, dans l’école que j’ai créée, où les danseurs de la compagnie enseignent, les enfants ont tous leur préféré. Ils ont créé des emojis de superhéros pour chacun d’entre eux. Les vendredis et samedis nous organisons des spectacles. Chaque danseur est accueilli par les acclamations de ses supporters !

    Parlez-nous de cette école…Je l’ai ouverte il y a seize ans, et aujourd’hui elle accueille environ 600 enfants par semaine, répartis en soixante cours. Les plus petits ont 18 mois. Les enfants sont des participants fondamentaux à notre expérience. Ils ne font pas semblant quand ils bougent, cela les rend joyeux. Après seize ans de ce programme, les danseurs de la compagnie se sont appropriés les mouvements des enfants. Comme eux, ils jouent. Qu’est-ce que vous voulez apprendre en premier lieu à ces enfants et à vos danseurs ? À voler.

    Vous utilisez des machines impressionnantes dans vos chorégraphies. Comment sont-elles mises au point ?Des ingénieurs travaillent avec nous, au cœur de la compagnie. Nous les laissons découvrir notre univers, comprendre nos enjeux, afin qu’ils mettent au point un matériel qui ne nous trahira pas. Pour Parade au Théâtre du Châtelet, nous inaugurons une nouvelle machine, unique au monde : la molinete. C’est une sorte de tube monté sur trépied qui tourne à 360 degrés, où trois danseurs peuvent s’accrocher grâce à des bottes spéciales.

    Quel est le rôle de ces machines dans votre recherche ?Elles permettent d’inventer un vocabulaire nouveau. Nous créons nos équipements un peu de la manière dont les instruments de musique ont été inventés : à l’aube de l’humanité, on s’est aperçu que la voix humaine n’était pas suffisante pour représenter tous les sons qui existent sur terre. C’est ce que nous faisons dans le domaine de la danse : nous décidons que le corps humain au sol n’est pas suffisant et nous inventons des machines pour aller plus haut, plus vite, plus fort.

    Vous n’avez pas voulu connaître la musique de Pierre-Yves Macé, inspirée par Parade, avant les premières répétitions. Pourquoi ?Je n’ai pas besoin d’entendre la musique car la musique ne me guide pas. Je bâtis avec les danseurs une structure sans musicalité. C’est la perception du public qui relie mouvement et musique. Cela n’empêche pas la musique de nous émouvoir quand nous bougeons mais je considère musique et chorégraphie comme deux univers distincts.

    Propos recueillis par Axelle Corty

    En lien avec le concert Parade, p.7

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    E L I Z A B E T H

    S T R E B

  • 11

    MARDI 24 SEPTEMBRE

    20:30 STRASBOURG

    THÉÂTRE NATIONAL DE STRASBOURG

    SALLE GIGNOUX

    FEST IVAL MUSICA Performances en tout genre

    Pour cette nouvelle invitation du festival Musica,

    les solistes de l’EIC s’offrent une petite récréation

    théâtrale, où la musique fête le corps et le corps

    fait de la musique. L’interprète n’y est plus

    seulement musicien, il est acteur, corps

    de lumière et de son. Mais théâtralité ne signifie

    pas uniquement « théâtre musical », genre dans

    lequel Mauricio Kagel ou François Sarhan se sont

    particulièrement investis. C’est également

    interroger le geste musical, dans une réinvention

    complète de la technique instrumentale,

    voire de l’instrumentarium lui-même. Comme

    par exemple Vinko Globokar qui, dans ?Corporel,

    entraîne le percussionniste dans une véritable

    performance : seul en scène, torse et pieds nus,

    assis par terre, face au public, il explore tous

    les bruits qu’il peut produire avec son corps.

    La théâtralité en musique, c’est aussi faire subir

    aux instruments tous les traitements imaginables.

    On tape la caisse de la contrebasse avec

    un maillet de timbale chez Jacob Druckman,

    on la désaccorde pour faire naître une atmosphère

    énigmatique chez Franco Donatoni.

    Mauricio KAGEL MM 51. Ein Stück Filmmusik, pour piano (et métronome)

    François SARHAN Home Work II, in the garage pour percussionniste corporel chantant

    Jacob DRUCKMAN Valentine, pour contrebasse

    François SARHAN Situations – IV. « Vice versa », pour deux interprètes

    Vinko GLOBOKAR ?Corporel, pour un percussionniste et son corps

    Natacha DIELS An Economy of Means pour batterie miniature et électronique Création française

    Franco DONATONI Alamari, pour violoncelle, contrebasse et piano Solistes de l’Ensemble intercontemporain

    Renseignements et réservations festivalmusica.fr

    Master classe, le mercredi 25 septembre à 15h à la Cité de la musique et de la danse

    DIMANCHE 22 SEPTEMBRE

    16:00 BERLIN

    PIERRE BOULEZ SAAL

    OMBRE PORTÉECréation et révélat ion à Berl in

    Depuis son ouverture en 2017, la Pierre Boulez

    Saal de Berlin s’est imposée comme un lieu

    de rencontre musicale de premier plan.

    L’EIC y est régulièrement invité et, cette année,

    avec un programme présentant notamment deux

    créations. À commencer par la première nationale

    de Shadow of the Future du Finlandais Magnus

    Lindberg, créée l’an passé à Paris. En réponse

    à une commande de l’EIC, Lindberg cherche

    à « explorer toute la dynamique chambriste

    de l’Ensemble en tentant de trouver une palette

    expressive maximale avec des forces minimales ».

    Pour Sasha J. Blondeau, ce sera une création

    mondiale, celle de Contre-espace qui devrait

    prolonger la réflexion du jeune compositeur français

    sur « les notions de distance, de voisinage,

    de continuité/discontinuité dans un même territoire

    de composition ». L’EIC propose enfin une grande

    redécouverte : celle de Hiérophanie du compositeur

    québécois Claude Vivier, titre emprunté à l’historien

    des religions Mircea Eliade pour désigner une

    manifestation ou révélation du sacré. Composée

    en 1970, Hiérophanie est une représentation

    scénique de l’existence humaine qui exige des

    interprètes des pratiques étranges et inattendues :

    improviser, jouer et chanter bouche fermée,

    crier les noms des dieux ou encore échanger leurs

    instruments…

    Claude VIVIER Hiérophanie, pour soprano et ensemble

    Sasha J. BLONDEAU Contre-espace, pour ensemble Création mondiale

    Commande de l’Ensemble intercontemporain

    Magnus LINDBERG Shadow of the Future, pour ensemble Création nationale

    Marion Tassou soprano Silvia Costa mise en espace Ensemble intercontemporain Matthias Pintscher direction

    Avec le soutien de la Fondation Meyer

    Renseignements et réservations boulezsaal.de

    JEUDI 19 SEPTEMBRE

    20:30 PARIS

    PHILHARMONIE DE PARIS

    SALLE DES CONCERTS – CITÉ DE LA MUSIQUE

    INCANTATIONS Scènes de r i tuels

    Voilà une soirée placée sous le sceau de l’antique,

    pétrie de mythes et de mysticisme ! Tour à tour,

    Gérard Grisey, Luciano Berio et Claude Vivier

    nous confrontent à notre finitude en même

    temps qu’à nos aspirations d’éternité, bref,

    nous mettent face à notre condition humaine.

    Quand Grisey évoque « l’image d’une énigmatique

    stèle découverte par des archéologues »,

    Berio s’empare de l’Ancien Testament, mettant

    en perspective le Cantique des cantiques

    et les visions fantastiques du livre d’Ézéchiel.

    Créé par l’historien des religions et des mythes

    Mircea Eliade à partir du mot hiérophante

    (du grec hierós (« sacré ») et phanios, « qui

    apparaît »), le terme hiérophanie désigne donc

    une manifestation du sacré. La Hiérophanie

    de Vivier est une vaste représentation

    de l’existence humaine. Théâtrale, l’œuvre exige

    des musiciens des pratiques insolites : improviser,

    chanter bouche fermée une musique qui leur

    rappelle leur enfance, crier les noms des dieux,

    échanger leurs instruments ; tout cela au cœur

    d’exhortations spirituelles. Pour sa redécouverte

    en France, Hiérophanie est spécialement mise

    en espace par Silvia Costa.

    Gérard GRISEY Stèle, pour deux percussionnistes

    Claude VIVIER Hiérophanie, pour soprano* et ensemble

    Luciano BERIO Ofanìm, pour voix de femme**, deux chœurs d’enfants, deux groupes instrumentaux et dispositif électronique en temps réel Noa Frenkel voix** Marion Tassou soprano* Silvia Costa mise en espace Maîtrise de Paris Edwige Parat cheffe de chœur Ensemble intercontemporain Matthias Pintscher direction Tempo Reale réalisation informatique musicale

    Coproduction Ensemble intercontemporain, Festival d’Automne à Paris, Philharmonie de Paris Tarifs 20€ / 25€ Réservations philharmoniedeparis.fr / 01 44 84 44 84

    10

  • 1312

    MARDI 15 OCTOBRE

    20:30 PARIS

    PHILHARMONIE DE PARIS

    SALLE DES CONCERTS – CITÉ DE LA MUSIQUE

    VERS LA LUMIÈRE Du spir i tuel dans la musique

    Avant le concert, à 19:00

    Rencontre avec Mark Andre et Matthias Pintscher

    Entrée libre

    L’un est allemand, mais vit entre Paris et

    New York, l’autre est français, installé à Berlin.

    Ils ont le même âge ou presque, sont proches

    l’un de l’autre, et partagent un même goût

    pour la spiritualité, qu’ils expriment, chacun

    à sa façon, dans leurs créations respectives.

    Mark Andre a trouvé dans l’exégèse du Nouveau

    Testament une intéressante source d’inspiration

    pour son triptyque riss. Le terme allemand

    renvoie au champ sémantique de la fissure :

    déchirure, fracture, interstice. Un concept clé

    pour la lecture de certains épisodes des Évangiles.

    Mark Andre le transpose musicalement en créant

    un « temps musical strié de déchirures », comme

    de fulgurantes et lumineuses révélations.

    Très présent dans la Genèse pour désigner l’aura

    ou la beauté d’un visage, le mot hébreu « mar’eh »,

    qui signifie « vision », « apparition », inspire

    à Matthias Pintscher un concerto pour violon

    solaire et prismatique. Absent de la Genèse

    mais présent dans le reste de l’Ancien Testament,

    « nur » signifie la « fournaise ardente » ou la

    « lumière » : ici, la fournaise de l’ensemble,

    dans laquelle le piano brûle de tous ses feux… Matthias PINTSCHER NUR, pour piano et ensemble Création française

    mar’eh, pour violon et ensemble

    Mark ANDRE riss 1, 2 et 3, triptyque pour ensemble Création française

    Dimitri Vassilakis piano Diégo Tosi violon Ensemble intercontemporain Matthias Pintscher direction

    Coproduction Ensemble intercontemporain, Festival d’Automne à Paris, Philharmonie de Paris Tarif 18€ Réservations philharmoniedeparis.fr / 01 44 84 44 84

    É C L A I R A G E

    Diégo Tosi, violoniste

    mar’eh de Matthias Pintscher

    mar’eh de Matthias Pintscher est un poème lyrique qui exige du violon solo une immersion totale dans le son. Celui-ci doit se dédoubler, devenir en même temps peintre ou poète, pour se plonger instinctivement dans cette œuvre. Il lui faudra effacer de son jeu toute trace de préparation afin d’envelopper le public d’une atmosphère très particulière, élaborée à partir d’une vaste palette sonore. Très subtile, alternant harmoniques artificielles pianississimo et traits excessivement virtuoses, l’écriture de Matthias Pintscher est comme un chant du cœur : elle nécessite une très grande maîtrise non seulement de l’instrument, mais aussi de son propre corps. Un calme intérieur inébranlable est primordial afin de laisser transparaître ces sonorités inouïes dans toute leur pureté. Dans un large passage de la pièce, qui semble une vaste improvisation mais n’en est pas moins extrêmement bien pensé et organisé, le violoniste se retrouve sur quelques crins de l’archet, sans trembler, comme un funambule sur son fil. J’aime jouer cette pièce, surtout quand l’acoustique de la salle s’y prête – comme à la Pierre Boulez Saal de Berlin où nous l’avons interprétée voilà deux ans. J’y ai fait l’expérience d’une véritable complicité entre notre jeu et l’acoustique. Je retrouverai certainement cette sensation dans la salle des concerts de la Cité de la musique.

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    Le temps déchiré

    Compositeur français installé en Allemagne,

    Mark Andre trouve dans l’exégèse des Évangiles

    un formidable réservoir d’idées de composition.

    En témoigne son triptyque riss, que l’Ensemble

    intercontemporain présente en création française

    cette saison à la Philharmonie de Paris.

    Mark, que signifie le mot « riss » ?C’est un terme allemand qui couvre une large polysémie, laquelle correspond en français au champ sémantique de la fissure : déchirure, fracture, interstice, anfractuosité. Dans un texte d’exégèse du Nouveau Testament, la théologienne Margareta Gruber voit dans le concept de « riss » l’une des typologies centrales les plus significatives de l’Évangile. Et ce dès le baptême de Jésus, qui a lieu dans la vallée du Jourdain, l’un des lieux les plus bas sur Terre, puisqu’il se situe à - 421 mètres en dessous du niveau de la mer. Et puis, il y a le ciel qui s’ouvre, laissant descendre l’Esprit saint. Plus tard, on retrouve le « riss » dans l’histoire du voyageur laissé pour mort par les bandits (donc dans une situation véritablement transitoire) puis sauvé par le Bon Samaritain, ou lors du renoncement de Pierre – qui ouvre une fissure d’importance dans les Évangiles et l’histoire de la foi puisque Pierre sera le premier Pape. C’est aussi la disparition de Jésus ressuscité, aussitôt que les pèlerins d’Emmaüs le reconnaissent dans la version de Luc, la tenture du Temple qui se déchire ou le tremblement de terre de la Passion… Margareta Gruber décline également le concept pour commenter des passages plus délicats ou complexes, comme ces trois « et » qui ouvrent chacun un « riss » dans l’Apocalypse.

    Comment ce concept se transpose-t-il dans votre travail de composition ?Le « riss » décrit pour moi une certaine typologie temporelle, dans laquelle la paralysie du temps laisse se déployer une forme de fracture qui peut, par exemple, être narrative, mais pas uniquement. Dans l’Évangile comme dans la vie, nombre de situations sonores concrètes peuvent en relever : le vent qui signale la présence de l’Esprit saint, les murmures et les bruits du feu pendant le renoncement de Pierre…Du point de vue compositionnel, il s’agit pour moi d’intégrer et de développer des situations sonores fragiles, instables. Concernant plus spécifiquement la composition de riss, c’est une musique en état de disparition, avant, pendant et après cette disparition – une disparition qui n’a rien de dramatique ou de pathétique ni même de poétique ou de lyrique. Le terme de « riss » ne doit pas non plus être entendu comme déconstructiviste ou négatif. C’est une donnée typologique. Ce qui m’intéresse, c’est la disparition en tant que types d’action ou de temps, en tant que familles de sons. Cela renvoie pour moi à des interstices compositionnels, auxquels je veux donner l’espace de respirer. Le défi étant d’atteindre par là le plus haut niveau possible d’intensité.Prenez un son qui appartient au temps métrique (celui du chef d’orchestre), mais qui déploie intérieurement une forme de granulation : ces granulations ne sont selon moi pas seulement des artefacts ou une coloration, ce sont aussi des rythmes qui appartiennent à un temps que je qualifierais de morphologique : c’est-à-dire la manière dont le son respire.

    L’exemple le plus évident est celui du silence. Un silence est généralement noté de manière chronométrique, mais le son lui-même a un temps morphologique, celui des résonances. Et ce temps morphologique est prédominant puisqu’il relève de la disparition d’énergie et de la distribution spectrale. Les « riss » dont je parle, ce sont donc tous ces gestes ou morphologies sonores, dont les informations structurelles – c’est-à-dire autant situationnelles qu’organisationnelles – constituent une signature temporelle du son (harmonique, inharmonique, bruité…).Dans le texte de Margareta Gruber, « riss » désigne le déploiement d’interstices rituels. Dans mon cas, ce déploiement se fait dans un contexte compositionnel.

    Votre œuvre, et pas seulement riss, se nourrit d’une riche spiritualité. Musique et spiritualité ont longtemps cheminé main dans la main. Si elle ne s’exprime plus aujourd’hui de la même manière qu’autrefois (par des motets ou des messes par exemple), quelle part de ce large héritage assumez-vous ?Je ne veux pas créer de malentendu. La seule commande que j’ai reçue d’une église (de la part de l’Église protestante et de l’Église catholique en même temps du reste) est une pièce d’orgue qui a été créée en 2018. Toutes les autres pièces sont destinées à un cadre séculaire, sans aucun prosélytisme. Ce sont des pièces de concert qui peuvent entrer en résonance avec le genre de rituel que vous évoquez, mais ce n’est pas l’objectif.Cela étant dit, l’Évangile est pour moi un enseignement, potentiellement compositionnel. Mon approche musicale n’en est ni allégorique ni métaphorique, mais complètement typologique. À cet égard, je pense qu’un tel texte devrait pouvoir interpeller des personnes qui ne sont pas directement concernées par la religion.

    Propos recueillis par Jérémie Szpirglas

    En lien avec le concert Vers la lumière, p.12

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    M A R K

    A N D R E

  • 1716

    É C L A I R A G E

    Clément Saunier, trompettiste

    Sequenza X, pour trompette

    et piano résonnant de Luciano Berio

    Cette Sequenza est très singulière dans le répertoire pour trompette, par sa forme, son exigence et sa durée, mais surtout par l’idée principale qu’a Luciano Berio de faire générer à l’interprète un halo acoustique comme prolongement de son instrument – à l’aide d’un piano dans la caisse duquel le trompettiste joue certains passages.Ce jeu de résonances donne au trompettiste le pouvoir de maîtriser le temps et l’autorise à sculpter davantage les moments où il ne produit pas de sons.Berio utilise et magnifie des techniques instrumentales explorées et développées par les grands jazzmen, allant du trémolo au « flatterzunge », des notes pédales aux « doodle tonguing », pour servir son discours. En utilisant la trompette de manière claire et directe, Berio la met à nu et fait de cette Sequenza X, selon ses propres mots, « la plus ambitieuse de toutes les Sequenze ».

    MARDI 12 NOVEMBRE

    20:30 PARIS

    PHILHARMONIE DE PARIS

    SALLE DES CONCERTS – CITÉ DE LA MUSIQUE

    S INFONIA Berio sous toutes ses facettes

    Le temps d’un concert, les solistes de l’EIC

    et les jeunes musiciens de l’Orchestre

    du Conservatoire de Paris explorent l’univers

    contrasté et haut en couleur de Luciano Berio,

    dévoilant les nombreuses facettes du

    compositeur. Des facettes qui, dans leur variété,

    manifestent un questionnement aussi intense

    qu’original sur la musique comme en attestent

    ses Sequenze, qui poussent les solistes

    dans leurs retranchements virtuoses, ou

    son Concerto pour deux pianos et orchestre,

    qui explose le genre concertant en un véritable

    labyrinthe musical.

    De Sinfonia, sa composition la plus connue,

    Berio disait : « Le titre doit être pris au sens

    étymologique désignant des instruments

    (ici huit voix et instruments) “ jouant ensemble ”

    ou, au sens large, de “ jeu collectif ” d'éléments,

    de situations, de significations, de références

    différentes. » L’œuvre brasse en effet

    de nombreux éléments en un gigantesque

    et fascinant « collage » : citations musicales,

    littéraires, noms de personnalités et même

    des slogans politiques de Mai-68 !

    Luciano BERIO Sequenza X, pour trompette et piano résonnant Concerto pour deux pianos et orchestre Sequenza VIIb, pour saxophone soprano Sinfonia, pour huit voix et orchestre Clément Saunier trompette Hidéki Nagano piano Julien Blanc piano Rui Ozawa saxophone Synergy Vocals Orchestre du Conservatoire de Paris Ensemble intercontemporain Matthias Pintscher direction

    Coproduction Ensemble intercontemporain, Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris, Philharmonie de Paris

    Tarif 18€ Réservations philharmoniedeparis.fr / 01 44 84 44 84

    É C L A I R A G E

    Johannes Boris Borowski, compositeur

    Allein, pour ensemble

    Dans Allein, commande de l’EIC, je joue avec le matériau musical en revisitant de manière plus ou moins fugace la Cantate religieuse BWV 33 « Allein zu dir, Herr Jesu Christ » de Jean-Sébastien Bach, composée à Leipzig en 1724. Je considère en effet que composer revient à s’approprier un matériau qui est la propriété de tous : ici, je le laisse libre de vivre une existence différente. Je l’altère et, au fil du processus, il est changé et se change lui-même. C’est notamment le rôle dévolu à l’alto, qui est placé à l’extérieur de l’ensemble instrumental, en retrait, tandis que les deux cors sont de part et d’autre de la scène. L’alto semble ainsi isolé, comme ostracisé, autant par sa localisation que par le discours musical.

    DIMANCHE 20 OCTOBRE

    11:00 DONAUESCHINGEN

    DONAUHALLEN, MOZART SAAL

    DONAUESCHINGER MUSIKTAGE Festiva l de création légendaire

    Fondés voilà presque 100 ans, les Donaueschinger

    Musiktage font aujourd’hui figure de rendez-vous

    incontournable de la création musicale. Invité en

    compagnie de Matthias Pintscher, l’EIC y présente

    pas moins de trois créations ! La première

    allemande de Rumorarium de Pierre-Yves Macé

    et deux créations mondiales : un concerto pour

    clarinette et ensemble de Beat Furrer composé

    spécialement pour Jérôme Comte, soliste

    à l’Ensemble intercontemporain, et Allein,

    commande passée à Johannes Boris Borowski

    qui revisite librement la Cantate religieuse

    BWV 33 « Allein zu dir, Herr Jesu Christ »

    de Jean-Sébastien Bach.

    Pierre-Yves MACÉ Rumorarium, pour ensemble et sons mémorisés Création nationale

    Johannes Boris BOROWSKI Allein, pour ensemble Création mondiale

    Commande de l’Ensemble intercontemporain

    et des Donaueschinger Musiktage

    Beat FURRER Nouvelle œuvre, pour clarinette et ensemble Création mondiale

    Commande de l’Ensemble intercontemporain

    et des Donaueschinger Musiktage

    Avec le soutien de Pro Helvetia

    Nina ŠENK Nouvelle œuvre, pour ensemble Création Mondiale

    Commande de l’Ensemble intercontemporain

    et des Donaueschinger Musiktage

    Jérôme Comte clarinette Ensemble intercontemporain Matthias Pintscher direction

    Renseignements et réservations swr.de/swrclassic/donaueschinger-musiktage

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    Le métier de compositeur

    Publiés pour la première fois en 1981,

    les entretiens que Rossana Dalmonte a mené

    avec Luciano Berio nous montrent le compositeur

    véritablement à l’œuvre. La vision qu’il offre

    de son propre processus créatif éclaire ses plus

    grands chefs-d’œuvre, dont les Sequenze,

    nées de sa fascination toujours amusée pour

    la virtuosité instrumentale. Des Sequenze dont

    on pourra entendre deux opus, pour trompette

    et pour saxophone, au cours du concert

    du 12 novembre à la Philharmonie de Paris.

    Il me semble que le moment est venu d’entrer dans ta « boutique ». Que sais-tu d’une de tes œuvres au moment où tu commences à l’écrire ? Jusqu’à quel point est-ce que tu t’en tiens à l’idée primitive pendant l’élaboration ?La première idée d’une œuvre est toujours, pour moi comme pour tout le monde, je pense, une idée globale et très générale, et peu à peu, au fur et à mesure que le travail avance, j’en précise les détails. Ce ne pourrait être plus simple. Je ne crois pas cependant qu’il existe des idées « de départ ». Quoi qu’il en soit, au cours de la réalisation, de la rédaction en somme et de la définition des détails, il peut arriver que je découvre de nouvelles possibilités et de nouvelles relations sur lesquelles je puis décider de m’arrêter, sans pour autant altérer la nature et la raison du projet. C’est un peu comme décider de partir en voyage, d’aller en Chine par exemple. Un tel projet ne peut surgir de rien, à l’improviste, et il n’y a pas non plus une seule manière d’y aller. Si, de plus, l’itinéraire du voyage n’a pas été fixé et décidé d’avance, à Pékin, par quelques bureaucrates de la République Populaire de Chine, et si je suis libre d’aller où bon me semble, alors ce voyage peut devenir une source de découvertes intéressantes ; chemin faisant, je peux décider de rester à un endroit plus longtemps que prévu,

    ou même de retourner un jour en Chine par une tout autre route. Et puis, aussi absurde que cela te paraisse, je reviendrai de Chine à pied ou tout au plus à bicyclette : je ne voudrais perdre aucun détail des villes et des paysages que j’aurai traversés à vol d’oiseau. Ou encore, j’y vais à pied et je reviens en avion. Je n’aime pas ces voyages stochastiques où l’on s’occupe uniquement de la forme globale, de l’enveloppe, mais non du détail, où les frontières sont définies mais non les rapports réels, qu’il faut prendre sur soi de réaliser à l’intérieur de ces limites. De même que je n’aime pas ces architectes qui deviennent scénographes : ils font un beau dessin et le donnent au théâtre en attendant impatiemment que les pauvres travailleurs de l’atelier du décor le réalisent. Et je n’aime pas non plus les architectures sans fonction précise, qui ne respectent pas la vie, l’idéal, le travail de l’homme. Je préfère un gratte-ciel sans idéaux (mais pas non plus sans un idéal) dans Park Avenue aux pyramides égyptiennes. Pendant la réalisation du projet initial, donc, c’est-à-dire pendant que je définis les détails, il peut arriver également que la découverte et la prolifération de l’imprévu deviennent tellement importantes que je modifie effectivement le projet, et j’accomplis alors le chemin inverse ; des détails, que j’étais venu recueillir et fixer, surgit un projet différent. En somme, je ne jette rien, en bon Ligurien. Voilà qui relie Allelujah I à Allelujah II, Sequenza II à Chemins I, Sequenza VI à Chemins II et III, Sequenza VII à Chemins IV, Sequenza VIII à Corale ou, dans la direction opposée, Chemins V à Sequenza IX.

    Ces projets qui se prolongent dans le temps, comme tes Sequenze justement (entre la première, pour flûte, et la dernière en date, pour clarinette, il y a à peu près vingt-deux ans), font-ils partie d’un plan ou sont-ils nés par hasard ?Ma première Sequenza pour flûte a été composée en 1958 pour Severino Gazzelloni, et ce n’était certainement pas

    1918

    un hasard si l’on se trouvait ensemble à Darmstadt en ces années-là, de même que ce n’est pas un hasard si j’ai rencontré la harpe de Francis Pierre ou, plus encore, la voix de Cathy Berberian. Dans l’ensemble des Sequenze, il y a différents éléments unificateurs, prévus ou non. Le plus évident et le plus extérieur est la virtuosité. J’ai un grand respect pour la virtuosité, même si ce mot peut provoquer quelques railleries ou encore évoquer l’image d’un homme élégant et un peu évanescent, aux doigts agiles et à la tête vide. La virtuosité naît souvent d’un conflit, d’une tension entre l’idée musicale et l’instrument, entre le matériau et la matière musicale. Le cas le plus évident et le plus simple dans le domaine de la peinture, c’est lorsqu’un peintre, avec ses pinceaux et ses couleurs, réussit à faire une toile qui semble être une photographie. En musique, les choses sont plus complexes parce qu’il y a le fameux problème de l’exécution et de la réinterprétation... Un autre cas bien connu de virtuosité peut se produire par exemple lorsque des préoccupations techniques et des stéréotypes de l’exécution prennent le dessus sur l’idée ; ainsi chez Paganini, dont l’œuvre, que j’aime beaucoup, n’a sans doute pas révolutionné l’histoire de la musique, mais a contribué au développement de la technique du violon. Un autre moment de tension a lieu quand la nouveauté et la complexité de la pensée musicale - avec des dimensions expressives tout aussi complexes et diversifiées - impliquent

    des changements dans le rapport à l’instrument, en imposant une solution technique inédite (comme dans les Partitas pour violon de Bach, les dernières œuvres pour piano de Beethoven, chez Debussy, Stravinsky, Boulez, Stockhausen etc.), où l’on demande à l’interprète de fonctionner à un niveau de virtuosité technique et intellectuelle extrêmement élevé. Finalement, comme je l’ai souvent dit et en y insistant : à notre époque, le virtuose digne de ce nom est un musicien capable de se placer dans une vaste perspective historique et de résoudre les tensions entre la créativité d’hier et celle d’aujourd’hui. Mes Sequenze sont toujours écrites pour ce type d’interprètes (je n’ai ni intérêt ni assez de patience pour les spécialistes de la musique contemporaine), ceux dont la virtuosité est avant tout une virtuosité de la conscience.

    Extrait de « Le métier de compositeur », in Luciano Berio.

    Entretiens avec Rossana Dalmonte / Écrits choisis,

    Éditions Contrechamps, octobre 2010

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    L U C I A N O

    B E R I O

  • 20 21

    É C L A I R A G E

    Steve Reich, compositeur

    Piano Phase

    Après Melodica (1966), j’ai très vite voulu écrire de la musique vivante. Melodica, qui est, la dernière de mes pièces réalisées exclusivement au moyen de bandes magnétiques, se composait de hauteurs musicales (et non de paroles) manipulées en boucles. C’était une sorte de transition entre la musique pour bande magnétique et la musique instrumentale. Il me semblait malheureusement impossible, à l’époque, que ce processus progressif de changement de phase puisse être exécuté par deux êtres humains : il avait été découvert avec des machines et leur était, pour ainsi dire, indigène. D’un autre côté, je ne voyais pas ce qu’il pouvait y avoir de plus intéressant à faire sur scène avec des musiciens que ce processus de déphasage. Finalement, durant l’hiver 1966, j’ai enregistré au piano un bref motif mélodique répété, j’en ai fait une boucle de bande et j’ai essayé de jouer moi-même sur la boucle, comme si j’étais un second magnétophone. À ma grande surprise, j’ai découvert que si je n’atteignais pas la perfection de la machine, je pouvais m’en rapprocher et jouer de façon nouvelle et très satisfaisante une pièce entièrement réglée à l’avance, sans avoir besoin de notation écrite. Cela me permettait, tout en jouant, de me laisser complètement absorber par l’écoute de la musique. Dans les mois qui ont suivi, j’ai travaillé avec Arthur Murphy, un ami musicien. Chacun chez soi, nous avons expérimenté ce processus de changement de phase avec un piano et une bande. Début 1967, nous avons enfin pu jouer ensemble sur deux pianos et nous avons découvert, que nous pouvions accomplir ce processus sans assistance technique d’aucune sorte.

    Steve Reich, Différentes Phases, La Rue Musicale, collection « Écrits de compositeurs », Paris, 2016

    DIMANCHE 24 NOVEMBRE

    20:00 LUXEMBOURG

    PHILHARMONIE

    RA INY DAYS En phase(s) avec Steve Reich

    En trois œuvres clés, l’EIC brosse un aperçu

    du parcours musical de Steve Reich – de Piano

    Phase, l’une de ses toutes premières œuvres

    dans laquelle il explore les possibilités

    du déphasage, jusqu’au tout récent Reich/Richter.

    Présentée pour la première fois à New York

    en avril 2019, cette création événement est,

    comme son titre l’indique, le fruit de la rencontre

    de Steve Reich avec l’œuvre de Gerhard Richter.

    Elle associe les structures musicales glissantes

    du compositeur américain à un film de la cinéaste

    Corinna Belz, d’après la série Patterns (2011)

    du peintre allemand. Les œuvres de ces deux

    géants de la création contemporaine

    s’entrecroisent pour mieux explorer la manière

    dont chaque art affecte l’expérience que nous

    faisons de l’autre.

    Steve REICH Piano Phase, pour deux pianos Eight Lines, pour ensemble

    Steve REICH/Gerhard RICHTER Reich/Richter, pour grand ensemble et installation de Gerhard Richter Création nationale

    Commande de The Shed – NYC ; de la Los Angeles

    Philharmonic Association Gustavo Dudamel Music & Artistic

    Director ; des Cal Performances – University of California

    Berkeley ; du Barbican Center – Britten Sinfoni ;

    de la Philharmonie de Paris et de l’Orchestre philharmonique

    d’Oslo

    Ensemble intercontemporain George Jackson direction

    Dans le cadre de rainy days - Festival de musiques nouvelles

    Renseignements et réservations philharmonie.lu

    MERCREDI 27 NOVEMBRE

    20:30 PARIS

    PHILHARMONIE DE PARIS

    SALLE DES CONCERTS – CITÉ DE LA MUSIQUE

    DEMEURE ET TREMBLEMENTS Coup de projecteur sur la musique britannique

    Avant le concert, à 19:45

    Clé d’écoute : La création contemporaine

    en Grande Bretagne

    Par Jean-Philippe Heberlé, musicologue

    Entrée libre

    « Après tout, les membres sont des pendules

    qui répercutent les mouvements du centre » :

    c’est avec cette citation du romantique

    allemand Heinrich von Kleist que James Dillon

    introduit Tanz/haus: triptych 2017. Une œuvre

    qui retranscrit « les tremblements intimes,

    l’agitation secrète d’un voyage intérieur ».

    Déployant un univers sonore envoûtant, Tanz/

    haus fait basculer « de l’autre côté du miroir »

    musical. C’est aussi vers « l’autre côté » que passe

    Benedict Mason dans drawing tunes and fuguing

    photos. Un titre qui se réfère « à la saisie d’une

    mélodie qui se déplacerait le long de différentes

    lignes ; à l’idée de poursuivre des photographies

    et des visions imaginaires ». Last but no least,

    ce programme 100 % britannique présentera

    également une création française de Rebecca

    Saunders, qui approche la matière sonore comme

    un sculpteur modèle l’argile, et qui imagine

    les structures comme un architecte conçoit

    des volumes.

    Benedict MASON drawing tunes and fuguing photos, pour ensemble

    Rebecca SAUNDERS Scar, pour ensemble Création française

    James DILLON Tanz/haus: triptych 2017, pour ensemble de chambre Création française

    Ensemble intercontemporain George Jackson direction

    Coproduction Ensemble intercontemporain, Festival d’Automne à Paris, Philharmonie de Paris Tarif 18€ Réservations philharmoniedeparis.fr / 01 44 84 44 84

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  • 2322

    Faisant sienne une conception cosmique de la

    musique, James Dillon laisse volontiers planer

    un certain mystère sur ses œuvres. Sophistiquée,

    complexe et organique, sa musique peut aussi

    être sensuelle et vibrante. Avec Tanz/haus:

    triptych 2017 qui lui a valu le prestigieux RPS Award,

    il explore le champ à la fois infinitésimal et abyssal

    du tremblement et du vibrato.

    Peut-on déduire du titre Tanz/haus et de l’étymologie que vous précisez (l’idée de tremblement pour le premier terme, celle de cacher pour le second) que le fondement formel de l’œuvre serait une dualité entre une activité rythmique dense mais de très faible amplitude et des plages plus mouvantes ?Le matériau est organisé autour de deux idées : la polarité – j’imagine ici une continuité le long d’un axe entre stase et mouvement – et la façon dont une qualité peut se transformer en une autre, la stase étant animée par un tremblement et les textures en mouvement pouvant quant à elles être statiques, comme les rayons d’une roue en rotation. J’imagine un continuum dense sur toute son étendue, bigarré, plein d’ondulations, de ruptures.Deux images principales ont émergé pendant le travail sur Tanz/haus : d’une part, l’idée d’« automates » et sa relation au mouvement, et d’autre part, une idée très particulière du mouvement, ce que l’historien d’art Henri Focillon appelle la « fragilité hésitante », une idée à la fois physique et conceptuelle du tremblement, du tremor, du vibrato. Au centre de Tanz/haus, et c’est là un moment symbolique, toute l’activité émane du frémissement des cordes de guitare, un tremblement idiomatique résultant du feedback entre les capteurs

    magnétiques de la guitare électrique. À cet égard, je ne pense pas à l’histoire de la guitare électrique, bien que j’en sois conscient, mais plutôt à un aspect plus pragmatique ou empirique qui consiste à tenter de créer un moment en équilibre entre immobilité et mouvement.

    Vous vous intéressez à l’alchimie et à la Kabbale. L’idée de « haus » dans le titre est-elle liée à l’ésotérisme ?Cela participe pour moi d’un intérêt plus général pour la langue, l’histoire, les idées ; en d’autres termes, les façons de penser. L’ésotérisme ne m’intéresse pas en soi, mais les étymologies, oui, notamment toutes ces qualités que nous qualifions de « musicales » et qui échappent à la détermination conceptuelle. De ce point de vue, tout est « caché ». En introduisant la barre oblique (/) dans le titre, je sépare et joins les deux termes, et ce signe typographique se reflète d’ailleurs dans l’utilisation du point d’orgue subito dans la pièce.

    L’utilisation assez répandue des bourdons dans Tanz/haus est-elle liée à votre intérêt pour la musique indienne, qui a été rendue explicite dans certaines de vos œuvres à la fin des années 1970 ?C’est probable, et elle est liée aussi à mes expériences antérieures avec la musique de cornemuse écossaise, mais ce n’est pas quelque chose de conscient en tant que tel. Je m’intéresse plutôt, d’une part, au maintien de points de repères ou de centres harmoniques et, d’autre part, à l’instabilité subtile des notes pédales, c’est-à-dire des bourdons.

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    Quels types de sons avez-vous inclus dans la partie électronique ? Ouvrent-ils un champ dramaturgique ?Là où les configurations analogique et numérique se rencontrent, le champ sémantique qui s’ouvre prend certainement un aspect dramaturgique. L’une des voix de la couche de matériel préenregistré est assez littérale puisqu’il s’agit d’un bref extrait d’un enregistrement audio d’une conférence donnée par Heidegger en 1952 sur les dangers de la technologie. Au-delà de l’ironie, les sons préenregistrés se répartissent pour moi en deux catégories fondamentales, symbolique et/ou sonore ; les sons sont choisis soit pour leur charge référentielle, soit pour leur potentiel mnémonique. Excusez-moi de ne parler que peu de poésie. Vous en conviendrez, il est plus facile de déguiser les « bégaiements » (Beckett) derrière le langage technique !

    Propos recueillis par Pierre Rigaudière

    En lien avec le concert Demeure et tremblements, p.21

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    Comme un tremblement intérieur

    J A M E S

    D I L L O N

  • 24

    DIMANCHE 1ER DÉCEMBRE

    15:00 PARIS

    PHILHARMONIE DE PARIS

    LE STUDIO – PHILHARMONIE

    SPECTACLE EN FAMILLE

    L ES DOUZE BO ÎTES DU DOCTEUR STOCK Découverte ludique de l ’univers de Stockhausen

    On connaît la fascination de Karlheinz

    Stockhausen pour le cosmos et l’astrologie.

    Tierkreis (littéralement « zodiaque »

    en allemand) en est la plus pure illustration,

    en même temps que la plus charmante :

    les douze mélodies de ce cycle de chambre

    figurent chacune un signe astrologique.

    Douze courtes mélodies dont la beauté toute

    simple a inspiré aux membres de la bien

    nommée compagnie des Ouvreurs de Possibles

    un spectacle pour les enfants de 3 à 7 ans.

    On y suit donc l’aventure de cinq personnages

    qui découvrent un lieu étrange où se trouvent

    douze boîtes de tailles différentes. Quel est

    ce mystère et où sont-ils ? Sur terre, dans

    l’eau, dans les étoiles ? Au fil des mélodies,

    qui résonnent comme des boîtes à musique,

    et du temps qui passe, deux danseurs

    et trois musiciens nous prennent par la main

    et nous emmènent à la découverte du monde

    astral de Stockhausen.

    Karlheinz STOCKHAUSEN Tierkreis, douze mélodies pour flûte, violon et percussion

    Solistes de l’Ensemble intercontemporain Compagnie Les Ouvreurs de Possibles

    Coproduction Ensemble intercontemporain, Philharmonie de Paris, Compagnie Les Ouvreurs de Possibles

    Tarifs 10€ (enfant) / 12€ (adulte) Réservations philharmoniedeparis.fr / 01 44 84 44 84

    Atelier de préparation au concert le dimanche 1er décembre de 11h à 12h Une initiation musicale et chorégraphique qui éveille le corps et les oreilles à l’œuvre de Stockhausen. En famille (enfants de 3 à 7 ans) Tarifs incluant le concert 12€ (enfant) / 16€ (adulte)

    DIMANCHE 15 DÉCEMBRE

    16:30 PARIS

    PHILHARMONIE DE PARIS

    LE STUDIO – PHILHARMONIE

    MAHLER ET LES RUSSES Héritage partagé

    Dans le cadre du grand week-end

    que la Philharmonie de Paris consacre

    à Gustav Mahler, les solistes de l’EIC se joignent

    aux musiciens de l’Orchestre de Paris pour

    explorer l’héritage mahlérien dans l’avant-garde

    musicale russe du xxe siècle. Un héritage

    manifeste et assumé par un Alfred Schnittke

    ou un Dimitri Chostakovitch – mais qui s’exprime

    aussi dans l’œuvre d’Edison Denisov, élève

    de Chostakovitch qui s’est passionné pour

    la Seconde École de Vienne.

    Gustav MAHLER/Alfred SCHNITTKE Quatuor avec piano

    Dimitri CHOSTAKOVITCH Trio n° 1, pour violon, violoncelle et piano en ut mineur, op. 8

    Edison DENISOV Sonate pour flûte et piano Sextuor, pour flûte, hautbois, clarinette, violon, alto et violoncelle Sonate pour clarinette Solo, pour hautbois

    Solistes de l’Ensemble intercontemporain Musiciens de l’Orchestre de Paris

    Tarif 32€ Réservations philharmoniedeparis.fr / 01 44 84 44 84

    MARDI 10 DÉCEMBRE

    20:30 PARIS

    PHILHARMONIE DE PARIS

    SALLE DES CONCERTS – CITÉ DE LA MUSIQUE

    HOMMAGE À OLLY Sur les traces du compositeur Ol iver Knussen

    Avant le concert, à 19:45

    Clé d’écoute : L’œuvre d’Oliver Knussen

    Par Pierre Rigaudière, musicologue - Entrée libre

    En juillet 2018, le compositeur et chef d’orchestre

    écossais Oliver Knussen, « Olly » comme

    le surnommaient ses amis, quittait ce monde

    prématurément, alors qu’il préparait le programme

    de ce concert avec l’EIC. Ce dernier lui rend hommage

    en resituant sa musique dans son réseau d’inspirations

    et d’amitiés artistiques. Disciple de Britten, Knussen

    fut un pilier de la scène contemporaine britannique.

    Orfèvre des timbres et des formes, il pouvait aussi

    chercher l’inspiration dans un ailleurs lointain comme

    pour ces « fragments d’un japonisme » dans

    O Hototogisu! Et dans son poignant Requiem, écrit

    en mémoire de sa femme, Knussen mettait en musique

    des poèmes d’auteurs du monde entier. Deux pièces

    présentées aujourd’hui en création française. C’est

    dire si l’œuvre de cette grande personnalité musicale

    reste encore à découvrir de notre côté de la Manche…

    Toru TAKEMITSU Rain Coming, pour orchestre de chambre

    Oliver KNUSSEN O Hototogisu! Fragment of a Japonisme pour soprano, flûte et grand ensemble Création française

    Requiem. Songs for Sue, op. 33 pour soprano et quinze instrumentistes Création française

    Elliott CARTER Triple Duo, pour six musiciens

    Hans Werner HENZE Ode an eine Äolsharfe pour guitare concertante et quinze instruments

    Claire Booth soprano Sophie Cherrier flûte Pierre Bibault guitare Ensemble intercontemporain Brad Lubman direction

    Coproduction Ensemble intercontemporain, Philharmonie de Paris Tarif 18€ Réservations philharmoniedeparis.fr / 01 44 84 44 84

    É C L A I R A G E

    Claire Booth, soprano

    O Hototogisu! et Requiem. Songs for Sue

    d’Oliver Knussen

    O Hototogisu! est la deuxième pièce qu’Oliver Knussen a composée pour moi, et, à bien des égards, elle figure comme un pendant à son Requiem. Songs for Sue, composé à la mémoire de sa femme, une œuvre que j’ai également créée. Le Requiem donne un sentiment d’enracinement automnal, la voix faisant office de narrateur. O Hototogisu!, en revanche, m’a toujours paru plus élusive, avec ce jeu entre la voix et la virtuose partie de flûte qui va et vient entre le premier et l’arrière-plan. L’univers timbral en est assurément « d’un autre monde ». Lors d’une tournée au Japon en 2016, Oliver s’était lancé corps et âme dans une véritable folie d’achat d’instruments de percussion japonais. Le son si remarquable des woodblocks, qu’on entend d’un bout à l’autre de la pièce, évoque un questionnement primordial. La pièce est portée par un sentiment d’espoir, d’émerveillement… ce qui, au vu des circonstances de la mort d’Olly (le surnom que ses amis lui donnaient), semble plus pertinent encore. Ce sont là de parfaits petits bijoux, qui méritent vraiment d’être entendus par le plus large public possible.

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  • 26 27

    DIMANCHE 19 JANVIER

    15:00 DIJON

    OPÉRA DE DIJON – AUDITORIUM

    EXPRESSIONS CONTEMPORAINES Concert éclectique

    Dans le Concerto de chambre composé en 1970,

    György Ligeti pousse jusque dans ses retranchements

    l’idée de micropolyphonie avant de l’abandonner

    dès l’année suivante. Alternant des polyphonies

    lisses et alanguies et des petites mécaniques

    rapides, infernales et détraquées, Ligeti veut y mettre

    « un certain ordre, mais un ordre un peu désordonné ».

    Devenu rapidement un « classique » du répertoire

    contemporain, ce Concerto de chambre a inspiré

    plus d’un compositeur, à l’instar de l’Islandaise

    Anna Thorvaldsdottir qui a voulu lui apporter

    un pendant avec Hrím (« rimer » en islandais) :

    s’appuyant sur le concept de dispersion, cette

    courte pièce est conçue comme un processus

    de diffusion (à la fois projection et résonance)

    de divers éléments musicaux à travers l’ensemble

    instrumental.

    Le programme présente également deux œuvres

    pour ensemble récemment créées : la première

    du jeune compositeur français Sasha J. Blondeau

    dont l’EIC avait créé le très remarqué Namenlosen

    en 2017, et la seconde de l’une des figures

    majeures de la scène musicale actuelle, le Finlandais

    Magnus Lindberg. György LIGETI Concerto de chambre, pour treize instrumentistes

    Anna THORVALDSDOTTIR Hrím, pour ensemble Création française

    Sasha J. BLONDEAU Contre-espace, pour ensemble Création française

    Magnus LINDBERG Shadow of the Future, pour ensemble Ensemble intercontemporain Dylan Corlay direction

    Avec le soutien de la Fondation Meyer

    Renseignements et réservations opera-dijon.fr

    SAMEDI 25 JANVIER

    15:00 PARIS

    PHILHARMONIE DE PARIS

    LE STUDIO – PHILHARMONIE

    BEETHOVEN + 250 ans et tou jours auss i ac tue l

    Le week-end « Beethoven et la modernité »

    de la Philharmonie de Paris est l’occasion

    de mettre en perspective l’œuvre visionnaire

    du grand maître prométhéen et la création

    contemporaine, dont il est toujours, deux

    siècles plus tard, l’une des figures tutélaires,

    à l’instar d’Helmut Lachenmann qui écrit :

    « C’est dans la musique de Beethoven que,

    pour la première fois, l’homme subjectif dit

    “je”. » Ainsi les solistes de l’EIC se joignent

    aux musiciens de l’Orchestre de Paris et nouent

    un dialogue par-delà les siècles, en tressant

    par exemple les mouvements du Septuor

    pour cordes et vents op. 20 et les Bagatelles

    contemporaines de l’Autrichien Friedrich Cerha.

    Ludwig van BEETHOVEN Septuor pour cordes et vents en mi bémol majeur, op. 20

    Friedrich CERHA Neuf Bagatelles, pour trio à cordes

    Michael JARRELL Assonance IVb, pour cor

    Iannis XENAKIS Charisma. Hommage à Jean-Pierre Guézec pour clarinette et violoncelle

    Helmut LACHENMANN Toccatina, pour violon

    Jean-Luc HERVÉ Rêve de vol, pour alto et clarinette

    Solistes de l’Ensemble intercontemporain Musiciens de l’Orchestre de Paris

    Tarif 32€ Réservations philharmoniedeparis.fr / 01 44 84 44 84

    MERCREDI 29 JANVIER

    20:30 PARIS

    PHILHARMONIE DE PARIS

    SALLE DES CONCERTS – CITÉ DE LA MUSIQUE

    CANONS D ’H IVER Quand la neige inspire les compositeurs

    Avant le concert, à 19:00

    Rencontre avec Kaija Saariaho, compositrice

    Entrée libre

    Le canon, c’est la fugue réduite à sa plus

    simple expression. Il ne cesse pourtant

    d’inspirer les compositeurs, pour beaucoup

    en réaction à ce que Jean-Sébastien Bach en

    a fait… C’est d’ailleurs ainsi que les dix canons

    de Schnee d’Hans Abrahamsen sont nés :

    dans les années 1990, le compositeur danois

    arrange des canons du Cantor de Leipzig pour

    ensemble et les fait tourner en tous sens.

    De cette circularité d’où émerge une esthétique

    quasi répétitive, Abrahamsen tire quelques

    principes pour la composition de Schnee.

    En ajoutant au mélange un jeu de questions/

    réponses, il cristallise le discours, comme

    si le temps était réversible – un paysage hivernal

    et figé, auquel répondent les « images de neige »

    de Matthias Pintscher et l’« aurore boréale »

    de Kaija Saariaho.

    Kaija SAARIAHO Lichtbogen, pour neuf instrumentistes et électronique en temps réel

    Anton WEBERN Cinq Canons sur des textes latins, op. 16 pour soprano, clarinette et clarinette basse Cinq Lieder spirituels, op. 15 pour soprano et ensemble

    Matthias PINTSCHER Lieder und Schneebilder, pour soprano et piano

    Hans ABRAHAMSEN Schnee, dix canons pour neuf instruments

    Yeree Suh soprano Ensemble intercontemporain Matthias Pintscher direction

    Coproduction Ensemble intercontemporain, Philharmonie de Paris

    Tarif 18€ Réservations philharmoniedeparis.fr / 01 44 84 44 84

  • 28 29

    Cristaux de notes

    Schnee d’Hans Abrahamsen est l’une des pièces

    les plus riches et les plus suggestives écrites sur

    le thème de la neige. Une rigueur formelle extrême

    (dix canons séparés par des intermezzi), neuf

    musiciens qui déploient une grande économie

    de moyens, comme pour étudier au microscope

    l’intérieur d’un flocon. Rencontre avec un compositeur

    épris de simplicité et de romantisme allemand.

    En 2006, Schnee signait votre retour sur la scène internationale après une décennie au cours de laquelle vous n’aviez pas ou peu composé, comme si le blanc du papier s’était transformé en neige. Comment est née cette œuvre ?D’une certaine manière, ma première pièce sur la neige était Winternacht (1978) pour sept instruments. Par hasard, j’avais trouvé dans une librairie d’occasion un livre de Georg Trakl. Ses poèmes, plein de couleurs et d’onirisme, m’avaient beaucoup ému. Au début de la pièce, on entend des petites ponctuations, comme des flocons de neige qui tombent, puis la ligne de neige qui s’amoncelle sur le sol, créant une surface de plus en plus gelée. Entre 1988 et 1998, c’est vrai, j’ai traversé une longue période de silence compositionnel. Je n’écrivais plus que des esquisses ou ne faisais que des arrangements de mes propres pièces ou d’œuvres d’autres compositeurs. L’image que vous suggérez entre le blanc du papier et le blanc de la neige est envisageable, mais le vrai déclenchement de la composition s’est opéré lorsque j’ai transcrit les Sept Canons de Bach. Des pièces très courtes, qu’on peut regarder de différentes manières si on les répète ou si on choisit d’en étudier l’avant ou l’arrière-plan. Rapidement, je me suis aperçu que la neige ressemblait aux canons. Une mélodie s’ajoutant à une autre mélodie créait une chaîne descendante, ou une ligne

    ascendante, si vous regardez la neige suffisamment longtemps pour avoir l’impression qu’elle monte.

    Schnee est l’une de vos pièces les plus longues et les plus complexes, composée de dix canons et trois intermezzi : pourriez-vous nous expliquer sa structure ?Dans un certain sens, la pièce est très simple : cinq mouvements symétriques que vous entendez chacun dans deux versions différentes. Le deuxième mouvement est quasiment un scherzo, le troisième, un mouvement lent. Les deux derniers canons sont plus courts, comme lorsqu’un épisode de neige s’arrête. D’une certaine façon, après ma pause dans la composition, j’ai senti que ma musique, après avoir été trop complexe, était redevenue simple. Schnee évoque de la musique minimaliste mais utilise des techniques très étendues, comme la microtonalité et beaucoup des techniques de la musique d’aujourd’hui.

    La neige a inspiré des compositeurs comme Claude Debussy, dont vous avez d’ailleurs orchestré The Snow is Dancing (avec le reste de Children’s Corner)… Voyez-vous des affinités entre votre musique et la sienne ?J’adore ces pièces de Debussy. Dans ma version de The Snow is Dancing, la neige tombe plus rapidement afin qu’on l’entende vraiment danser. Lorsque je composais Schnee, je me suis aussi aperçu que les deux notes de sa pièce pour piano Des pas sur la neige étaient revenues dans le tissu instrumental sans que je m’en rende compte. Comme Debussy, je pense que la musique est partout dans la nature. Mais je pense que la neige de Debussy est plus douce que la mienne, qui est plus germanique.

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    Durant la composition de Schnee, j’ai été bouleversé par la lecture de Neige d’Orhan Pamuk. Cet homme qui prend le bus pour se perdre dans les paysages enneigés d’Anatolie me rappelait certains tableaux romantiques.

    Depuis Schnee, la neige n’a pas cessé de vous inspirer, avec notamment votre pièce orchestrale Let me tell you et la prochaine création de votre opéra La Reine des neiges d’après Andersen.Winternacht et Schnee ont tracé la matrice pour les œuvres qui ont suivi. À l’époque, je lisais beaucoup de poèmes sur la neige ; ma femme m’a conseillé de lire La Reine des neiges de Hans Christian Andersen, et elle avait raison ! Dès 2006, j’ai écrit un livret, des esquisses où j’essayais d’utiliser toutes les phrases originelles d’Andersen. On retrouve ainsi beaucoup de Schnee dans mon opéra. Après ma pause dans l’écriture, j’ai retrouvé la joie de retravailler en tant que compositeur. Parfois, vous tombez dans une tempête de neige qui vous empêche d’avancer, puis vous continuez dans un paysage plus doux et apaisé. Mais entre-temps, vous avez appris ce que c’est que de lutter.

    Propos recueillis par Laurent Vilarem

    En lien avec le concert Canons d'hiver, p.27

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    H A N S

    A B R A H A M S E N

  • 30 3130

    VENDREDI 7 FÉVRIER

    20:30 PARIS

    PHILHARMONIE DE PARIS

    SALLE DES CONCERTS – CITÉ DE LA MUSIQUE

    GRAND SO IR NUMÉRIQUE Créer à l’ère des nouvelles technologies

    Des performances audiovisuelles, une sculpture

    cinétique, des « gestruments », de l’informatique

    musicale et même… des instruments acoustiques :

    pas de doute il s’agit bien d’un Grand Soir

    numérique. Présentée dans le cadre d’une

    nouvelle édition de la Biennale Nemo, la soirée

    propose un tour d’horizon de la création à la

    croisée des arts et des technologies. Et comme

    un Grand Soir sans nouvelle œuvre n’en serait

    pas vraiment un, le compositeur Yann Robin

    présentera Triades, le dernier volet de son

    grand triptyque autour de la contrebasse.

    Alex AUGIER/Alba G. CORRAL ex(O), performance audiovisuelle

    Simon STEEN-ANDERSEN String Quartet, pour quatuor à cordes

    Moritz Simon GEIST Tripods One, sculpture cinétique et dispositif électronique en temps réel

    Jesper NORDIN Sculpting the Air, Gestural Exformation pour ensemble et électronique

    Tadej DROLJC/Elías MERINO SYNSPECIES, performance audiovisuelle

    Yann ROBIN Triades, pour contrebasse, ensemble et dispositif électronique Création mondiale

    Commande de l’Ensemble intercontemporain

    et de l’Ircam-Centre Pompidou

    Nicolas Crosse contrebasse Ensemble intercontemporain Lin Liao direction Moritz Simon Geist, Alex Augier, Alba G. Corral, Elías Merino, Tadej Droljc électronique, vidéo live Manuel Poletti, Robin Meier réalisation informatique musicale Ircam

    Coproduction Ensemble intercontemporain, Arcadi, Philharmonie de Paris En partenariat avec l’Ircam-Centre Pompidou Dans le cadre de Némo – Biennale internationale des arts numériques d’Île-de-France

    Tarifs 10€ / 20€ / 25€ Réservations philharmoniedeparis.fr / 01 44 84 44 84

    JEUDI 27 FÉVRIER

    19:00 PARIS

    CONSERVATOIRE DE PARIS – ESPACE MAURICE FLEURET

    ÉMERGENCES Pépinière de ta lents

    Depuis plusieurs années, les solistes de l’EIC

    mènent un travail pédagogique approfondi

    avec les élèves des classes de composition

    et d’interprétation du Conservatoire de Paris.

    Une mission qui fait partie de l’ADN

    de l’Ensemble depuis sa fondation en 1976.

    Ce concert présentera plusieurs créations

    de jeunes compositeurs qui seront interprétées

    conjointement par les solistes de l’Ensemble

    et les élèves musiciens du Conservatoire.

    L’opportunité de découvrir les créateurs mais

    aussi les interprètes de demain.

    Créations des élèves de la classe de composition

    du Conservatoire de Paris

    Frédéric Durieux, Stefano Gervasoni, Gérard Pesson

    et Luis Naón, professeurs de composition

    Département écriture, composition et direction d'orchestre

    Ensemble intercontemporain Élèves en 3e cycle supérieur en Diplôme d’artiste interprète, répertoire contemporain et création du Conservatoire de Paris

    Coproduction Ensemble intercontemporain, Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris

    Entrée libre (dans la limite des places disponibles)Réservations [email protected]

    DIMANCHE 16 FÉVRIER

    18:30 PARIS

    MAISON DE LA RADIO – AUDITORIUM

    F EST IVAL PRÉSENCES Conte et créations

    Le compositeur anglais George Benjamin est cette

    année l’invité d’honneur du festival Présences

    de Radio France. Pour l’occasion l’Ensemble

    intercontemporain présentera son conte lyrique,

    Into the Little Hill. Une œuvre pour deux voix

    (soprano et contralto) et ensemble composée

    en 2006 en collaboration avec le dramaturge

    Martin Crimp, qui s’inspire librement de la célèbre

    fable allemande du xiie siècle, Le Joueur de flûte

    de Hamelin. Dans cette relecture contemporaine,

    le texte acéré de Crimp et l’instrumentation qui

    fait la part belle aux timbres inhabituels (cymbalum,

    flûte basse, banjo etc.) renforcent l’envoûtante

    étrangeté de cet opéra miniature. Présences étant

    un festival de créations, l’EIC en présentera deux.

    La première, un concerto pour percussion et

    ensemble de la compositrice allemande Isabel

    Mundry, la seconde du jeune compositeur français

    Bastien David, repéré il y a deux ans lors d’un

    atelier-concert au Conservatoire de Paris.

    George BENJAMIN Into the Little Hill, conte lyrique en deux parties pour soprano, contralto et ensemble de quinze musiciens

    Bastien DAVID Nouvelle œuvre, pour ensemble Création mondiale

    Commande de l’Ensemble intercontemporain et de Radio France

    Isabel MUNDRY Nouvelle œuvre, pour percussion et ensemble Création mondiale

    Commande de l’Ensemble intercontemporain et de Radio France

    Samuel Favre percussion Jennifer France soprano Helena Rasker mezzo-soprano Ensemble intercontemporain Pierre Bleuse direction

    Dans le cadre du festival Présences 2020, festival de création musicale de Radio France

    Tarifs 14€ / 16€ Réservations maisondelaradio.fr

  • 32 33

    George Benjamin faisait, il y a peu encore, partie

    des compositeurs pour lesquels l’opéra ne va pas

    de soi. Pourquoi chanter du théâtre ? Comment ?

    Il aura fallu une conjonction de circonstances, en

    l’occurrence une commande du Festival d’Automne

    et la rencontre avec un librettiste providentiel en

    la personne de Martin Crimp, pour que tombent

    les barrières et qu’il s’attèle à sa première œuvre

    scénique – d’après la vieille légende allemande

    du Joueur de flûte de Hamelin. Bien lui en a pris.

    George, dans le conte lyrique qu’est Into the Little Hill, le livret de Martin Crimp vous laisse de la place en tant que compositeur et aussi en tant que dramaturge musical.Absolument, et je suis certain que c’était l’intention de Martin ! Il aime profondément l’idée que quelqu’un écrive de la musique sur ses textes. Je pense qu’il apprécie que s’instaure entre nous un jeu et à chaque nouveau texte, il me met face à un défi structurel en me donnant des problèmes de plus en plus difficiles à résoudre. C’est vrai qu’il me laisse beaucoup d’espace. Pour moi, c’est une chose merveilleuse parce que je peux mettre l’accent sur ce que je crois être ses intentions, mais je peux aussi les contredire et aller dans une direction légèrement différente.

    C’est avec Into the Little Hill que commence pour vous le travail avec le principe d’auto-narration de Martin Crimp. Vous l’avez amplifié dans votre deuxième opéra, puis abandonné dans le troisième. Était-ce un échafaudage qui n’est plus nécessaire aujourd’hui ?C’est quelque chose que Crimp a inventé pour ses propres pièces, et notamment avec Attempts on Her Life où il n’y a aucune action conventionnelle, où tout est narration. Quand j’ai lu ça, juste avant de rencontrer Martin pour la première fois, j’ai pensé que c’était peut-être la clé que je cherchais : j’ai toujours voulu raconter des histoires, mais pas d’une façon conventionnelle. Nous avons alors développé cet aspect dans Written on Skin, où l’auto-narration concernait cette fois non pas deux mais cinq personnages. Mais à mesure que l’histoire progresse, la séparation entre naturalisme et narration commence graduellement à se dissoudre.

    Vous avez manifestement recherché des voix avec peu de vibrato. Est-ce pour vous éloigner du bel canto ?Je n’aime pas trop l’idée de beaux moments de chant alternant avec un peu de théâtre ! Au contraire, je crois que la tension théâtrale, à travers le chant, doit se maintenir de la première à la dernière mesure. Cela veut dire que les éléments théâtraux ont une fonction et que les mots doivent être intelligibles. Le public adhérera plus facilement s’il comprend la signification de ce qui se passe. Je veux que la langue soit entendue, mais aussi que la musique se concentre sur la voix. Je pense qu’un vibrato excessif est une distorsion cruelle de la nature de la voix. Bien sûr, il est parfois utile en tant qu’élément émotionnel et expressif, mais il ne doit pas être utilisé en permanence, et son amplitude doit être contrôlée de façon à ce que la note vibrée reste identifiable.

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    Le premier interlude commence avec un solo de flûte basse, qui incarne le jeu magique du joueur de flûte. L’ambiance un peu orientalisante est-elle référentielle ?Mes premières esquisses pour cette scène étaient écrites pour un piccolo jouant très fort, très haut, très vite, scherzando. C’est la première idée qui m’est venue, parce qu’elle correspond à l’image que cette histoire a forgée à travers les siècles : une musique joueuse et drôle telle que la décrit par exemple un poème célèbre de Robert Browning. Puis j’ai trouvé ça impossible à écrire, inintéressant, et je me suis dit que cette musique capable d’hypnotiser toute une population d’animaux devait être séduisante, au sens premier du terme, voire hallucinatoire et sensuelle. C’est là que j’ai pensé à la flûte basse. Si vous voulez trouver la source d’une partie de mon écriture pour la flûte, regardez du côté de la musique indienne, avec son ornementation et sa structure rythmique bien spécifiques. Il y a aussi une forte technique polymodale tout au long de cette scène.

    Propos recueillis par Pierre Rigaudière

    En lien avec le concert du Festival Présences, p.31

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    Une petite montagne magique

    G E O R G E

    B E N J A M I N

  • 34 35

    Du pixel à la note

    Créée en avril 2019 à New York, et repris cette

    saison par l’EIC, Reich/Richter est une véritable

    expérience filmique dans laquelle la vidéaste

    Corinna Belz a saisi la rencontre créative de deux

    géants de la création contemporaine : le plasticien

    allemand Gerhard Richter et le compositeur

    américain Steve Reich. Ce dernier revient pour

    nous sur la genèse et la composition de cette

    œuvre unique en son genre.

    Steve, comment ce projet a-t-il vu le jour ?Tout a commencé en 2009. Je jouais alors la première partie de mes pièces Drumming et Music for 18 Musicians avec l’Ensemble Modern basé à Francfort. Gerhard Richter, qui exposait alors au musée Ludwig à Cologne, a souhaité que je vienne y jouer Drumming avec des membres de l’Ensemble, puis Music for 18 Musicians à la Kölner Philharmonie, toute proche. Tout s’est parfaitement déroulé, et c’est alors que nous avons fait connaissance. Une rencontre brève mais chaleureuse, marquée par un respect et une admiration mutuels.Sept ans plus tard, en 2016, j’ai appris qu’il désirait discuter d’un nouveau projet. Il m’a proposé de le retrouver à la galerie Marian Goodman, l’endroit où il exposait à New York. C’est là qu’il m’a montré son livre Patterns. Divided – Mirrored – Repeated. Richter est parti de l’image d’un de ses tableaux abstraits de 1990 qu’il a divisée en bandes verticales : d’abord deux, puis quatre, huit, seize, trente-deux, jusqu’à obtenir quatre mille quatre-vingt-seize bandes, chaque bande devenant plus fine à chaque division et se reflétant individuellement selon un axe vertical. L’œil passe ainsi d’une peinture abstraite à une série de « figures » de plus en plus petites, puis à des abstractions « psychédéliques ». Gerhard, qui était en train de réaliser un film à partir de ce livre en collaboration avec Corinna Belz, m’a proposé d’en

    SAMEDI 7 MARS

    20:30 PARIS

    PHILHARMONIE DE PARIS

    GRANDE SALLE PIERRE BOULEZ – PHILHARMONIE

    RE ICH / R ICHTER Répéter, var ier

    Avant le concert, à 19:00

    Conférence : La musique et les autres arts

    Par Steve Reich, compositeur

    Entrée avec le billet pour le concert

    Gerhard Richter voue une grande admiration

    à Steve Reich. En hommage à celui-ci, il a réalisé,

    en 2002, une série d’œuvres peintes sur des

    photographies (réunies dans le livre City Life).

    En 2009, dans le cadre de son exposition

    au musée Ludwig à Cologne, le plasticien

    allemand a demandé au compositeur américain

    de jouer Music for 18 Musicians. Sept ans plus

    tard, ces deux géants de la création contemporaine

    se retrouvent à New York pour un nouveau projet

    associant une création musicale et un film réalisé

    en collaboration avec Corinna Belz à partir de la

    série Patterns (2011). Une nouvelle œuvre, tout

    simplement intitulée Reich/Richter, dans laquelle

    musique et images se fondent en une osmose

    totale, les variations des compositions de Reich

    répondant à celles des peintures de Richter.

    Également au programme, deux autres œuvres

    qui synthétisent le st