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L’impact économique du développement des marques de distributeurs
Fabian Bergés-Sennou, Philippe Bontems et Vincent Réquillart
Université de Toulouse (INRA, IDEI)
Juin 2003
Adresse postale :
Vincent Réquillart
INRA-ESR
BP 27
31 326 Catanet Tolosan Cedex
tel : 05 61 28 53 68
FAX : 05 61 28 53 72
Mail : requilla@toulouse.inra.fr
Résumé
Cet article constitue une synthèse de la littérature traitant des marques de distributeurs (MDD). Dans une première partie, nous faisons l’état des lieux statistiques sur l’importance des MDD dans les rayons et les pays. Nous tentons également de dégager les facteurs empiriques qui favorisent leur introduction à travers les études économétriques. Dans un second temps, les raisons ayant poussé les distributeurs à l’introduction des MDD sont analysées sur un plan théorique : gain en pouvoir de négociation et discrimination de la demande. Une troisième partie essaye de mieux cerner les conséquences empiriques sur les producteurs et les distributeurs. Par la suite, les lacunes des analyses théoriques pour décrire l’introduction des MDD en économie industrielle sont soulignées. Enfin, une réflexion sur les MDD et leur impact dans le surplus social est amorcée.
Mots clés : économie industrielle, relations verticales, marques de distributeurs, agro-alimentaire.
JEL : L22, L66
Summary
We survey the economic literature on private labels (PL). In the first section we provide some statistics about the development of private labels in different countries for different products. Using the results from econometric studies, we also analyse the empirical factors which favour the development of private labels. In the second section, we analyse, from a theoretical point of view, why the retailers introduce private label: increase in their bargaining power and discrimination of demand. The third section deals with the empirical consequences of private labels development on producers and retailers. The fourth section is devoted to less analysed questions. Finally section five draws some conclusions on the welfare impact of PL development.
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L’impact économique du développement des marques de distributeurs
L’issue de cette lutte ne semble ni prochaine ni même vraisemblable. Ce qu’il faut retenir, c’est que
marque et publicité ont mis entre les mains de l’industrie un atout maître qui lui a permis de se relever
de son ancienne infériorité vis-à-vis du commerce et de mesurer à armes égales avec lui. Elles lui
auraient même donné la suprématie si la naissance du grand commerce de détail n’était venue se
mettre en travers, en opposant un contrepoids sérieux à la puissance nouvellement conquise du
fabricant. Certains sont sûrs que l’industrie, de plus en plus concentrée, parviendra un jour à régir à
sa guise l’ensemble du commerce grâce à la publicité. C’est là, croyons-nous, méconnaître
singulièrement la puissance et les moyens d’actions du grand commerce de détail. Il ne peut être
question d’une victoire décisive d’une des deux parties. Continuellement se poursuivront attaques et
contre-attaques. Ici c’est la marque du fabricant qui s’imposera au commerce ; là c’est la marque du
commerce qui l’emportera. La suprématie de l’un des deux adversaires ne peut être que partielle et
d’importance variable suivant les branches et les régions. Le tout dépendra surtout de la valeur des
méthodes de vente employées par chacun. (Francis Elvinger, 1928, ‘La marque’ texte tiré de Baroux,
05/01/00 Les échos, Deux siècles de bras de fer entre l’industrie et le commerce).
Introduction
La Loi du 15 mai 2001 relative aux Nouvelles Régulations Economiques (NRE) définit la marque de
distributeur (MDD) dans son article 62 : ‘Est considéré comme produit vendu sous marque de
distributeur le produit dont les caractéristiques ont été définies par l’entreprise ou le groupe
d’entreprises qui en assure la vente au détail et qui est le propriétaire de la marque sous laquelle il est
vendu’. Selon l’entreprise Nielsen, les MDD sont des marques appartenant à une entreprise
commerciale de vente au détail, ou en gros, pour une ligne de produits distribuée exclusivement par
cette dernière ou sous son contrôle. PLMA (Private Label Manufacturers Association) en donne une
définition voisine: les produits MDD comprennent l’ensemble des marchandises vendues sous la
marque d’un distributeur.1 Cette marque peut être le nom du distributeur lui-même ou une appellation
créée exclusivement à l’usage de ce dernier. Dans certains cas, un distributeur peut appartenir à un
groupe grossiste propriétaire de différentes marques qui sont uniquement à la disposition des membres
de ce groupe.
Ces définitions mettent en avant deux points essentiels : d’une part, le contrôle de la marque par le
distributeur alors que ce contrôle est traditionnellement du ressort d’un producteur et d’autre part, la
notion d’exclusivité qui implique que les différents distributeurs ne fourniront pas les mêmes MDD, ce
qui n’est pas le cas lorsque les distributeurs distribuent des marques de producteurs. Ainsi les MDD
sont susceptibles de modifier d’une part les relations entre distributeurs et producteurs puisque le
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distributeur étend son rôle et d’autre part les relations entre distributeurs en introduisant un élément
supplémentaire de différenciation des distributeurs.
Différents angles d’approche sont possibles pour analyser les marques de distributeurs. Un premier
consiste à se focaliser sur les distributeurs sans porter d’attention à l’approvisionnement en amont. Les
travaux concernant l’oligopole, les choix de gamme optimale de produits s’appliquent. Le choix de
gamme pour des entreprises en concurrence résulte de deux effets opposés (Champsaur & Rochet,
1989). D’un coté, la gamme doit être la plus large possible afin de discriminer la demande des
consommateurs. Mais d’un autre coté, les gammes entre firmes concurrentes ne doivent pas coïncider
afin d’affaiblir la concurrence en prix sur des produits qui auraient sinon des caractéristiques proches.
En considérant également une différentiation du produit relative a la marque, Gilbert & Matutes
(1993) montrent alors que deux firmes vont se concurrencer en gamme en offrant un large éventail de
produits aux consommateurs, la différentiation en marques atténuant la concurrence en produits.
Néanmoins, avec cette vision, on élude les enjeux liés à l’approvisionnement et au partage du surplus
au sein d’une structure verticale. Une vaste littérature concerne l’analyse des relations verticales et
plus précisément l’impact des accords entre producteurs et distributeurs. Celle-ci assimile
généralement la marque au producteur amont et d’autre part elle considère le couple formé par un
producteur et son (ses) distributeur(s). Les problèmes traités relèvent alors d’une part de la
coordination au sein d’une structure verticale et d’autre part de la concurrence entre ces structures
verticales (voir notamment, Rey 1994). Les problèmes de coordination dans une structure verticale
concernent notamment la fixation des prix, le niveau optimal de services à offrir, le partage des
risques. De façon générale, les restrictions verticales permettent une meilleure coordination au sein des
structures verticales. Elles peuvent être bénéfiques pour le consommateur mais cela n’est pas
systématique et dépend notamment du niveau de concurrence en aval. Ainsi, si la concurrence est forte
la meilleure coordination bénéficiera également au consommateur. Le deuxième volet de la littérature
concerne l’impact des accords verticaux sur la concurrence entre structures verticales. Comme dans le
cas précédent, l’effet des restrictions verticales est ambigu lorsque la concurrence entre structures est
faible. En effet, ces restrictions peuvent alors avoir un impact fortement négatif pour les
consommateurs qui n’est pas totalement compensé par l’effet positif sur les structures verticales elles-
mêmes.
Comme cela est souligné par Comanor et Rey (1996), la littérature s’est surtout intéressé au cas d’un
producteur et d’un grand nombre de distributeurs. Elle a beaucoup moins exploré le cas de grands
distributeurs qui souhaitent exploiter leur position pour empêcher l’entrée de nouveaux distributeurs.
Par ailleurs, comme le souligne Rey (1994), une limite forte à l’utilisation de la littérature sur les
restrictions verticales pour l’analyse économique des MDD est qu’elle assimile généralement la
marque au producteur amont.
La première section de cet article fait l’état des lieux statistiques sur l’importance des MDD dans les
rayons et les pays. Elle tente également de dégager les facteurs empiriques qui favorisent leur
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introduction à travers les études économétriques. Dans un second temps, les raisons ayant poussé les
distributeurs à l’introduction des MDD sont analysées sur un plan théorique : gain en pouvoir de
négociation et discrimination de la demande. Une troisième section essaye de mieux cerner les
conséquences empiriques sur les producteurs et les distributeurs. Par la suite, les lacunes des analyses
théoriques pour décrire l’introduction des MDD en économie industrielle sont soulignées. Enfin, une
réflexion sur les MDD et leur impact dans le surplus social est amorcée. La dernière section conclue.
1. Importance du développement des MDD et facteurs empiriques qui favorisent l’introduction ou le développement des MDD
1.1 Quelques faits et chiffres
En Europe, l’importance du développement des MDD est variable selon les pays (Tableau 1). On
notera que dans tous les pays, les parts de marché en volume sont supérieurs aux parts de marché en
valeur signifiant que ces produits sont vendus en moyenne à un prix inférieur à la moyenne du prix de
vente de l’ensemble des produits. La comparaison entre pays européens n’est pas aisée car la
définition exacte peut varier d’un pays à l’autre (d’un institut à un autre, également, cf. les différences
d’estimation en France entre Nielsen et Secodip). En particulier, il est important de savoir si les
produits dits premiers prix2 sont inclus ou non dans les MDD.
Tableau 1 : Taux de pénétration des MDD dans quelques pays européens (%)
Volume Valeur Vol / Val
Allemagne 33,2 27,4 121
Belgique 34,7 26,0 133
Espagne 20,5 14,8 139
France 22,1 19,1 116
Italie 17,1 15,5 110
Pays-Bas 20,6 18,4 112
Royaume-Uni 45,4 43,5 104
Source : Linéaires (www.lineaires.com) d’après PLMA 2000/AC Nielsen
5
De façon générale, plus le secteur de la distribution est concentrée plus les MDD ont une place
importante (graphe 1).
Au sein d’un pays, l’importance des MDD est très variable selon les catégories de produits et au sein
des catégories selon les produits. De très nombreux facteurs peuvent jouer pour expliquer une plus ou
moins grande pénétration des MDD. Certains arguments renvoient à l’offre (structure de l’offre,
capacité d’entrer sur le marché, politique d’innovation,….) et d’autres aux caractéristiques de la
demande. Par exemple, les biens pour lesquels les attributs confiance semblent importants (produits de
beauté, alimentation infantile) enregistrent des taux de pénétration des MDD faibles (Tableaux 2 et 3).
Tableau 2 : Taux de pénétration des MDD dans quelques pays européens (D’après étude Nielsen,
1998).
Pays Alimentation (13 catégories) Boissons (7 catégories)
Valeur Volume Valeur Volume
Allemagne * 12,2 18,5 5,8 8,2
Belgique 23,9 34,5 25 35,3
Espagne 17,6 24,1 10,5 15,7
Finlande 8 9,7 2 2,1
France 16,5 20 11,8 15,4
Pays-Bas 20,9 25,3 11,5 16,6
Royaume-Uni 34 42 25,3 34,2
Suisse 50,7 59,6 36,7 45,9
* Chiffres sans Aldi qui ne vend pratiquement que des produits sous MDD. En incluant Aldi, le taux de pénétration des MDD serait de 10 points supplémentaires. Source AC Nielsen (1998) International Private Label Retailing – Indicators and Trends . Cités dans KPMG study : Customer Loyalty & Private Label Products
MDD et concentration de la distribution
0
10
20
30
40
50
60
70
0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50
Taux de MDD (%)
C5
(%)
BelgiqueEspagneFranceItaliePays-BasRoyaume-UniAllemagne
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Au cours des années récentes, les parts de marché des MDD sont en augmentation et ceci pour la
majorité des produits (Tableau 3)
Tableau 3 : Evolution des parts de marché des MDD par rayon en France
2000 1999 1998 1997 2000/1997
Epicerie 21,8 21,1 19,9 18,7 117
Liquides 19,9 19,1 18,9 18,6 107
Entretien 24,8 22,9 20,7 20,0 124
Hygiène – Beauté 7,3 7,1 6,6 5,9 124
Surgelés 33,8 31,7 29,7 29,0 117
Saurisserie 32,9 33,3 28,9 28,6 115
Crémerie 26,4 26,1 25,7 24,2 109
Fromage Libre Service 21,5 20,0 19,4 18,8 114
Charcuterie Libre Service 37,7 35,2 32,5 24,2 156
Traiteur Libre Service 26,4 23,1 19,2 17,2 153
Source : Linéaires (www.lineaires.com) d’après SECODIP
Les MDD sont produites par différents types de firmes. Selon PLMA, les producteurs de MDD sont de
trois types :
• Grandes firmes qui produisent à la fois leurs marques propres et des MDD ;
• Petites et moyennes entreprises qui se spécialisent dans la production de biens particuliers
et concentre leur production sur les MDD ;
• Distributeurs ou grossistes qui possèdent leurs propres usines de production et fabriquent
leur MDD pour leurs magasins.
Si l’on prend l’exemple des produits laitiers, on retrouve des firmes appartenant à chacune de ces
catégories. Ainsi, la plupart des grandes firmes laitières produisent des MDD (Besnier, Bongrain,
Nestlé, SODIAAL, Entremont), des PME se sont spécialisées, au moins un temps, dans la production
de MDD (Senoble qui produisait essentiellement des MDD et qui a maintenant créé ses propres
marques de produits) et enfin au moins un distributeur possède un site de production (Intermarché qui
possède l’unité de production de St Père).
1.2 Les facteurs qui favorisent l’introduction ou le développement des MDD
On a vu précédemment que les parts de marché des MDD différaient fortement entre catégories de
produits et aussi entre distributeurs. Ainsi, certains auteurs ont cherché à expliquer les facteurs qui
favorisent l’introduction des marques de distributeurs. Raju, Sethuraman et Dhar (1995) montrent que
l’introduction des MDD serait favorisée par un nombre élevé de MN présentes sur le marché. Ils
7
mettent également en évidence un effet positif du chiffre d’affaires de la catégorie. Dans une étude
récente Scott-Morton et Zettelmeyer (2000) montrent que l’introduction des MDD est plus probable
lorsque la marque nationale leader avait une part de marché importante (ils utilisent la part de marché
de la marque leader quelques années avant l’introduction de la MDD). Leurs résultats confirment aussi
l’effet positif du chiffre d’affaires global de la catégorie. En outre leurs conclusions suggèrent que le
ratio publicité / ventes totales a un effet positif sur la probabilité d’introduction des MDD. Enfin ils
trouvent également qu’un nombre important de producteurs présent sur le marché favorise
l’introduction d’une MDD. Ayant contrôlé l’effet de la part de marché de la marque leader, ce résultat
peut s’interpréter comme la traduction d’une plus grande facilité à trouver un producteur capable de
produire la MDD.
Dans une étude sur le taux de pénétration des MDD aux USA dans 34 catégories de produits
alimentaires et dans 106 lieux différents (magasins et zones géographiques), Dhar et Hoch (1997)
montrent que 40% de la variance de leur échantillon (variance du taux de pénétration des MDD entre
produits, magasins et lieu) est expliquée par les différences entre catégories de produits, et 17%
proviennent des différences entre distributeurs.
Les principaux facteurs qui favorisent un développement élevé des MDD sur un marché sont les
suivants :
Une qualité élevée par rapport à celle des MN ;
Une variabilité faible de la qualité entre les différentes MDD pour une même catégorie de
produits ;
Une catégorie de produits qui a un chiffre d’affaires important (cette conclusion n’est pas
systématique dans les études, ainsi Raju et al. (1995) ne trouvent pas d’effet significatif de
cette variable sur le taux de pénétration des MDD) ;
Des marges brutes relatives élevées ;
Un nombre limité de producteurs nationaux (ce résultat va dans le même sens que celui de
Raju et al. qui montrent que la part de marché des MDD augmente quand le nombre de
MN diminue) ;3
Des dépenses de publicité faibles.
Les 6 facteurs précédents expliquent 70% de la variance des parts de marché des MDD dans un
échantillon de 185 produits.
Les principales variables qui influent sur les parts de marché des MDD chez les différents distributeurs
sont les suivantes :
Le nombre de MN présentes chez le distributeur a un effet négatif important. Moins il y a
de marques nationales plus la MDD peut se développer. L’explication serait simplement
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liée à une répartition possible des ventes dans un contexte de capacité de distribution
fixée. Plus il y a de références, moins une référence obtient de part de marché.
L’hétérogénéité entre les parts de marchés des MN (mesurées chez chaque distributeur) a
un effet positif important. Une des explications est liée au fait qu’à une dissymétrie forte
dans les parts de marché des MN (un petit nombre dominant le marché) peuvent être
associés à des prix plus élevés laissant alors la possibilité d’un développement des MDD.
Les promotions sur la MDD et l’écart de prix avec la MN ont un rôle positif. De même, les
promotions sur les MN ont quant à elles un effet négatif même si leur impact est plus
limité que celui des promotions sur les MDD.
Les politiques mises en œuvre par les différentes enseignes (politique qualité, nom du
distributeur, existence d’une MDD en haut de gamme) ont un effet positif sur le
développement des MDD.
Le niveau de richesse des consommateurs a un effet négatif sur le développement des
MDD.
Enfin, selon une enquête LSA/Fournier, les principales motivations des distributeurs à l’égard des
MDD étaient en 1996 : Proposer des prix bas (33%), Améliorer les marges (25%), Renforcer l’image
(18%), Fidéliser la clientèle (16%).
Ces motivations renvoient à deux types d’arguments économiques : un argument de concurrence entre
distributeurs d’une part et à un argument de coordination verticale entre producteurs et distributeurs
d’autre part.
Dans le premier cas, les MDD, sont considérées comme un élément supplémentaire de différenciation
entre les distributeurs. En effet, étant par définition des produits spécifiques aux enseignes, l’offre de
produits ne sera pas identique entre les différentes enseignes. En l’absence de MDD, dans l’agro-
alimentaire où les accords d’exclusivité sont rares, les distributeurs vendent souvent les mêmes
marques. De ce point de vue, ils ne sont pas différenciés. L’introduction des MDD ajoute alors un
élément de différenciation puisque ces produits sont spécifiques à chaque distributeur. Ceci permet
donc de relâcher la concurrence entre distributeurs.
Dans le deuxième cas, l’idée centrale est que le distributeur en introduisant une MDD devient
concurrent de son fournisseur. La conséquence en est que le distributeur renforce son pouvoir de
négociation dans sa relation avec le producteur.
Ces deux éléments sont reliés car le niveau de concurrence en aval a des répercussions importantes sur
le partage des profits au sein des filières verticales. Ainsi pour Steiner (1985), le pouvoir relatif entre
producteurs et distributeurs est directement lié à l’attachement des consommateurs aux produits ou aux
magasins: ‘If consumers are more disposed to switch brands within store than stores within brand,
retailers dominate manufacturers. Retails margins will be relatively high and those of manufactures
relatively low. When consumers are more disposed to switch stores within brand than brands within
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store, the above market power and margin are reversed.’ (Steiner, 1985, 157-158). Le développement
d’une MDD en incitant des consommateurs à ne pas changer de magasin pour trouver ailleurs leur
marque ‘préférée’ est donc susceptible de renforcer le pouvoir de négociation du distributeur.
2. Quel intérêt les distributeurs ont-ils à développer des MDD ?
Bien que niveau de concurrence en aval et négociation avec l’amont ne soient pas totalement
indépendants, la littérature théorique s’est essentiellement focalisée sur l’aspect pouvoir de
négociation avec l’amont.
2.1. Les MDD renforcent le pouvoir de négociation des distributeurs
Les modèles théoriques analysant le développement des MDD se sont, pour la plupart, focalisés sur les
impacts au sein d’une structure verticale. Schématiquement, les MDD vont être un outil au main des
distributeurs pour d’une part discriminer la demande (en proposant un nouveau bien) et pour d’autre
part améliorer en leur faveur le partage des profits au sein d’une structure verticale. Nous verrons que
ces deux forces sont antagonistes et que le choix optimal résultera d’un compromis entre ces deux
objectifs.
Le cadre généralement utilisé est celui une structure verticale composée d’un producteur et d’un
distributeur tous deux en position de monopole. Le producteur produit un bien de qualité haute donnée
à coût marginal constant. Il vend ce bien au distributeur à un certain prix de gros (on suppose dans un
premier temps une tarification linéaire). Le distributeur, qui, pour simplifier l’analyse, ne supporte pas
de coût de transformation, revend ce bien au consommateur à un certain prix de détail.4 Dans ce cadre,
le prix au consommateur résulte d’une double marginalisation. En effet, chaque partie tarifie au dessus
du coût marginal pour tirer parti de son pouvoir de marché. Cette situation, favorable pour chaque
acteur, est défavorable d’un point de vue collectif. Si le distributeur introduit un nouveau bien,
substitut du bien existant, on peut assister alors à une augmentation des profits du distributeur au
détriment du producteur amont et à une réduction de la double marginalisation. En effet, la
concurrence exercée par le nouveau bien limite le pouvoir de marché du producteur amont qui réduit
alors son prix de gros ce qui réduit le phénomène de double marginalisation. Le surplus des
consommateurs augmente du fait de la diminution de la double marginalisation sauf à considérer un
coût d’introduction de la MDD trop important.
Dans le cadre de la littérature sur les MDD, le bien substitut est supposé être de qualité inférieure au
bien initial. Cela est souvent conforme aux faits dans la mesure où les consommateurs perçoivent
généralement les MDD comme étant de qualité moindre, ou tout au moins pas supérieure, aux
marques de producteurs que nous appellerons marques nationales (MN) dans la suite du document.5
10
Une enquête de l’INSEE (Chardon et Dumartin, 1998) fait apparaître que les consommateurs qui
achètent les MDD considèrent le bon rapport qualité-prix de ces produits comme étant l’avantage
premier de ces biens.
La littérature considère également que la MDD est achetée par le distributeur au coût marginal de
production ce qui représente soit le cas où celle-ci est produite par une frange concurrentielle de
petites firmes (ce qui est assez fréquent dans l’agro-alimentaire dans la mesure où, sauf exception, il y
a relativement peu de barrières à l’entrée), soit le cas où la firme est intégrée au distributeur et où le
prix de cession interne est le coût marginal.
Dans un tel cadre, le producteur amont propose un prix de gros pour la MN. Le distributeur a ensuite
le choix de référencer ou non la MN et de distribuer ou non la MDD. Enfin le distributeur fixe le prix
de vente du (des) bien(s) au consommateur. Trois possibilités s’offrent alors au producteur de MN :
• proposer un prix de monopole identique à celui en vigueur lorsqu’il n’y a pas de MDD ;
• proposer un prix de gros suffisamment bas qui dissuade le distributeur d’introduire
effectivement la MDD ;
• proposer un prix de gros qui tient compte de l’introduction de la MDD (il accommode
l’entrée) .
Deux hypothèses polaires concernant les coûts de production de la MDD ont été étudiées dans la
littérature. Elles ne conduisent pas exactement aux mêmes conclusions. Mills (1995) analyse le cas où
les coûts variables de production de la MN et de la MDD sont identiques. Les coûts de production des
deux biens diffèrent uniquement par les coûts fixes qu’ils nécessitent. Cela renvoie par exemple à des
coûts de publicité : les MN sont considérées par les consommateurs comme des biens de qualité
supérieure en raison de la publicité dont elles font l’objet. Les dépenses de publicité sont
indépendantes des volumes de vente et sont donc considérées comme des coûts fixes. Par contre, les
caractéristiques objectives sont identiques, mais la qualité perçue est différente (on parle dans ce
contexte de qualité subjective).
Dans ce cadre d’hypothèses, Mills montre :
• Si la qualité de la MDD est trop faible (par rapport à la qualité de la MN), le distributeur
n’introduit pas la MDD car celle-ci est un substitut de trop basse qualité par rapport à la MN. Le
producteur de MN demeure donc en situation de monopole et fixe le prix de gros au niveau du prix
de monopole.
• Au delà d’un certain seuil de qualité pour la MDD, le distributeur faisant face au prix de monopole
pour la MN aurait intérêt à introduire la MDD. Le producteur de MN est alors incité à baisser son
prix pour empêcher le distributeur d’introduire la MDD. Il pratique donc un prix limite qui
dissuade le distributeur d’introduire effectivement la MDD. Par contre, cette menace a pour effet
d’entraîner une diminution du prix de gros de la MN. Celle-ci est d’autant plus forte que la qualité
de la MDD est forte (relativement à celle de la MN).
11
• Enfin, au delà d’un second seuil de qualité, la qualité de la MDD est trop forte pour que le
producteur de MN ait intérêt à empêcher l’entrée de la MDD. Il est préférable pour lui de pratiquer
un prix de gros qui ‘accommode’ l’entrée. Les deux produits sont alors effectivement présents sur
le marché. Enfin, plus la qualité de la MDD augmente plus le prix de gros de la MN diminue.
Lorsque les qualités perçues sont équivalentes, le prix de gros de la MN est égal à son coût
marginal et le producteur amont réalise un profit nul.6
Ainsi, la menace ou l’introduction effective de la MDD conduit à une baisse du prix de gros. Celle-ci
est d’autant plus forte que la qualité de la MDD est élevée. Les profits de la structure verticale
s’accroissent (en raison de la diminution de la double marginalisation), le profit du distributeur
augmentant plus que la perte du producteur.7 Les consommateurs bénéficient également de
l’introduction (ou de la menace d’introduction) de la MDD : le prix à la consommation de la MN
diminue et la couverture du marché s’accroît.
La prise en compte des coûts fixes ne permet pas de conclure systématiquement sur l’intérêt de
l’introduction des MDD en terme de surplus social. Cela étant, tant que les coûts fixes sont faibles, les
MDD améliorent le surplus social.
Contrairement à Mills qui supposait que les coûts marginaux des biens étaient identiques, Bontems,
Monier et Réquillart (1999) suppose que MN et MDD se distinguent par les coûts marginaux de
production. Dans leur modèle, le coût marginal de production du bien augmente avec son niveau de
qualité. Si les mécanismes en œuvre demeurent les mêmes (effet sur la double marginalisation), les
résultats sont différents.
Ainsi, lorsque la MDD a un désavantage en coût (à qualité identique, il est plus coûteux de produire la
MDD que la MN), alors :
• Si la qualité de la MDD est faible, la MN ne peut empêcher l’entrée de ce concurrent à bas coût.
Le distributeur vend donc les deux produits. Le prix de la MN est d’abord décroissant avec la
qualité de la MDD puis, sous certaines conditions, il peut devenir croissant. En effet, plus la
qualité de la MDD augmente plus la MDD vient concurrencer le marché de la MN ce qui a pour
effet de faire baisser le prix de gros de la MN. Mais l’augmentation de la qualité implique une
augmentation du coût qui agit en sens inverse. La somme des deux effets peut conduire à une
augmentation du prix de la MN. Dans cette gamme de qualité, Il faut noter qu’une situation de non
référencement de la MN peut intervenir lorsque le coût de la MDD est faible et que les
consommateurs valorisent peu la qualité (la MN était de qualité trop élevée).
• Pour des valeurs intermédiaires, la MN pratique une stratégie de prix limite et dissuade donc
l’entrée de la MDD. Dans cette zone, le prix de la MDD est croissant avec le niveau de qualité de
la MDD. C’est une conséquence de l’augmentation du coût de la MDD qui rend la politique de
prix limite de plus en plus aisée. A partir d’un certain seuil (d’augmentation de la qualité), la MN
12
retrouve son monopole naturel (la MDD n’est pas compétitive). La MN pratique son prix de
monopole et le distributeur ne distribue qu’un seul produit.
Lorsque la MN n’a pas d’avantage en coût (c’est à dire qu’à qualité égale, le coût de la MDD est
identique à celui de la MN), la MDD est toujours introduite et le prix de la MN est décroissant avec la
qualité de la MDD. L’introduction de la MDD (ou la menace d’introduction) améliore le surplus
social, car il évite ou atténue le phénomène de double marginalisation.
Ce modèle qui repose également sur l’hypothèse de tarifs linéaires entre un producteur et un
distributeur permet de mettre en évidence le rôle important joué par la structure de coûts de production
sur les implications de l’introduction des MDD. Il conclut néanmoins de façon générale à l’intérêt du
développement des MDD en terme de bien-être.
Les deux modèles présentés jusqu’ici permettent également de montrer que le développement des
MDD (ou la menace de développement) est un facteur qui augmente le pouvoir de négociation du
distributeur si l’on considère le partage des profits au sein de la structure verticale.
Caprice (2000, ch.2) met également en évidence l’augmentation du pouvoir de négociation du
distributeur. Dans le cadre d’une tarification binôme entre un producteur amont et un distributeur
(l’effet lié à la double marginalisation disparaît ici car la tarification binôme permet justement d’éviter
cet effet, le producteur amont tarifant au coût marginal et la répartition du profit étant déterminée par
la partie fixe), il montre que le fait pour le distributeur de pouvoir vendre une MDD permet à celui-ci
de capter un profit plus élevé. Dans ce modèle, comme le producteur est supposé avoir tout le pouvoir
de négociation, le profit du distributeur est égal à son profit de réservation. En l’absence d’une MDD,
le distributeur dégage un profit nul. Dès que le distributeur a une alternative de profit (vendre la
MDD), le producteur amont est obligé de laisser au distributeur une rente dont le montant est égal au
profit que le distributeur ferait en ne distribuant que la MDD (ie son nouveau profit de réservation).
Ainsi, le distributeur accroît son pouvoir de négociation en augmentant le profit qu’il peut obtenir en
absence d’accord avec le producteur.
Certains travaux empiriques (voir infra) tendent à montrer que le développement des MDD s’est
accompagné, dans certains secteurs, d’une augmentation du prix des MN. Les modèles présentés
jusqu’alors, qui reposent tous sur une modélisation de la demande à la Mussa-Rosen (cadre supposant
notamment que les biens sont différenciés verticalement), ne mettent pas en évidence un tel effet. Il
est clair que la réaction en prix des MN est dépendante de la demande finale. Ainsi, certains auteurs
ont cherché à développer des modèles qui aboutissent, au moins dans certains cas, à une croissance des
prix des MN en réponse à l’entrée des MDD. Gabrielsen et Sorgard (2000) analysent l’impact de
l’introduction des MDD au sein d’une structure verticale pratiquant des prix linéaires. Leur modèle de
demande, qui gouverne finalement le résultat final, repose sur la distinction entre deux types de
13
consommateurs. Une partie des consommateurs est loyal envers la MN. Tant que celle ci est vendue à
un prix inférieur à un prix de réservation (qui est identique pour tous ces consommateurs), ces
consommateurs achètent la MN. La demande qu’ils adressent à la MN est donc inélastique. Un
deuxième groupe de consommateurs, à l’inverse, est opportuniste. Ils sont caractérisés par un coût de
changement (switching cost) positif, distribué selon une certaine densité. Ils n’achètent la MN que si
son prix n’est pas trop supérieur au prix de la MDD (lorsque celle-ci est distribuée). De plus, leur
utilité de réservation lorsqu’ils se procurent un bien n’est pas identique. La demande qu’ils adressent
est donc élastique au prix. Ainsi, lorsque seule la MN est distribuée, leur demande augmente lorsque le
prix de celle-ci diminue. Lorsque la part des consommateurs loyaux à la MN varie, les auteurs
montrent que l’impact des MDD a des effets différents sur les prix de la MN :
Lorsque la proportion des consommateurs loyaux est faible, le prix de gros et le prix de détail de la
MN diminuent. La MDD n’est pas introduite. Le producteur amont a donc une stratégie de prix limite
qui empêche l’entrée de la MDD. Cette stratégie le conduit à baisser son prix de gros pour que le
distributeur réalise suffisamment de profit sur la seule MN.
Lorsque la part de consommateurs loyaux augmente, cette politique de prix limite est trop coûteuse.
Le prix de gros et le prix de détail de la MN augmentent en réponse à l’entrée effective de la MDD.
Le producteur de MN se concentre alors sur les consommateurs loyaux. La demande de ces derniers
étant inélastique, prix de gros et prix de détail sont égaux au prix de réservation.
Enfin lorsque la part des consommateurs loyaux est élevé, l’entrée de la MDD n’a pas d’influence sur
le prix de la MN. En effet, avant l’entrée, seuls les consommateurs loyaux étaient servis. Les prix de
gros et de détail étaient déjà au niveau du prix de réservation des consommateurs.
Ces résultats contrastent avec les résultats des modèles précédents mais ils reposent sur un modèle de
demande très particulier qui distingue deux groupes de consommateurs. Les uns sont tous identiques et
ont des coûts de changement (vers la MDD) infinis. Les autres, au contraire, ont des coûts de
changement distribués selon une certaine loi de probabilité mais possèdent en plus un prix de
réservation non identique entre-eux. C’est de cette dichotomie que proviennent les résultats.
Les principaux effets économiques de l’introduction effective d’une MDD sont résumés dans le
tableau 6.
Ainsi, l’introduction de la MDD s’accompagne toujours d’une augmentation du profit du distributeur
(sinon il n’introduirait pas celle-ci) et d’une diminution du profit du producteur de la MN (sauf dans
un cas où il resterait constant). Dans le partage des profits au sein de la structure verticale, le
distributeur parvient à accroître la part qui lui revient. Le profit de la structure verticale augmente et
ceci pour deux raisons : d’une part une réduction de la double marginalisation qui préexistait (cas des
modèles de Mills et de Bontems et al) et d’autre part en raison de l’introduction d’un deuxième bien
qui permet de discriminer la demande (tous les modèles). Les consommateurs bénéficient également
14
de l’introduction des MDD pour les mêmes raisons (diminution de la double marginalisation dans
certains cas, accroissement du nombre de biens offerts).
Tableau 6 : Effet de l’introduction effective d’une MDD
Mills BMR Caprice Gabrielsen et Sorgard A B Prix de gros MN - - = + =
Prime fixe producteur np np - Np Np
Prix détail MN - - = + =
Profit MN - - - - =
Profit distributeur + + + + +
Profit structure + + + + +
Surplus Consommateurs + + + + +
BMR : Bontems, Monier et Réquillart.
Np : non pertinent dans ce modèle
A : proportion de consommateurs loyaux ni trop faible ni trop élevée
B : proportion de consommateurs loyaux élevée
Il apparaît donc que les MDD sont un outil aux mains des distributeurs qui leur permet d’accroître leur
pouvoir de négociation au sein des structures verticales. Ceci s’applique que la MDD soit
effectivement introduite ou non. L’absence d’introduction d’une MDD dans certains secteurs ne
signifie donc pas que le distributeur soit démuni de ce levier pour augmenter son pouvoir de
négociation.
2.2 Le choix des caractéristiques des MDD
Jusqu’alors nous avons considéré la MDD comme un nouveau produit, de qualité inférieure à celui
d’une MN, que le distributeur obtenait au coût marginal. Dans ce cadre, une MDD n’est pas vraiment
différente d’un produit de qualité basse (par ex. une marque sans notoriété) produite par une petite
firme. Une caractéristique essentielle de la MDD réside dans le choix par le distributeur (et non par le
producteur comme ce serait le cas d’une marque de producteur, quelle que soit sa notoriété) des
attributs du produit. Ce choix est stratégique car le distributeur positionne ce produit pour en tirer le
profit le plus grand possible. Dans les modèles présentés précédemment, ce choix sera guidé par un
arbitrage entre un souci de discrimination de la demande et un souci d’accroître son pouvoir de
négociation.
Ainsi dans le modèle de Bontems et al. (le coût marginal du bien augmente avec la qualité du bien), on
peut montrer que le choix du niveau de qualité du bien de qualité basse dépend de la structure de
15
marché considérée et de l’acteur qui fixe le niveau de qualité du bien.8 Les cinq situations suivantes
ont été classées selon l’ordre croissant du niveau de la qualité basse:
1. Monopole amont multiproduit qui choisit la qualité.
2. Duopole amont, le producteur de basse qualité choisit la qualité.
3. Structure verticale intégrée.
4. Monopole amont en haute qualité, industrie compétitive fournissant la basse qualité, le
distributeur choisit le niveau de qualité basse.
5. Duopole amont, le distributeur choisit le niveau de la qualité basse.9
Pour une même structure amont (comparaison des cas 1 et 4 d’une part, et 2 et 5 d’autre part), le
distributeur choisit une qualité plus élevée que celle choisie par l’amont. Le choix du distributeur
résulte d’un arbitrage entre discrimination et réduction du prix de gros de la marque nationale. La
discrimination des consommateurs pousse à maintenir une certaine différenciation entre les deux biens
offerts alors que la réduction du prix de gros est d’autant plus forte que la différenciation est faible. A
l’inverse, le producteur amont ne sera sensible qu’à la discrimination. Le distributeur est donc conduit
à choisir une qualité basse qui ne soit pas trop différenciée de la qualité haute.
Caprice (thèse ch2), dans le cadre d’une tarification binôme, a également étudié le choix de la qualité
optimale par le distributeur.10 On a vu (section 2.1) que le fait de pouvoir distribuer une MDD (un
deuxième produit) permettait au distributeur de capter une partie du profit de la structure verticale. La
possibilité pour le producteur amont de s’engager ou non va être cruciale dans le choix de qualité de la
MDD par le distributeur.
Si le producteur peut s’engager sur un contrat de vente préalablement au choix de la qualité par le
distributeur, ce dernier choisit la qualité qui maximise le surplus de la structure intégrée. En effet, dans
le cadre de la tarification binôme, le producteur amont vend au coût marginal son produit de telle sorte
que le distributeur se trouve dans la même position que la structure intégrée (monopole multiproduits).
Au contraire, si le choix de qualité de la MDD est irréversible ou inversement, si le producteur ne peut
s’engager sur un contrat de vente préalablement au choix de la qualité de la MDD, alors le distributeur
choisira une qualité plus haute que précédemment.11 En effet, le choix de qualité sera choisie de sorte
qu’en cas de désaccord le profit du distributeur soit maximum. En d’autres termes, le distributeur
choisira une qualité qui maximise son profit de réservation.
On notera que dans ce modèle, le distributeur obtient le même profit que son engagement sur la qualité
soit irréversible ou non. En effet, le profit du distributeur est égal à son profit de réservation qui dans
les deux cas est égal au profit qu’il tirerait de la vente de la seule MDD. Le producteur préfère la
situation où il peut s’engager sur le contrat avant le choix de qualité car le degré de différenciation
entre les produits est celui optimal du point de la structure intégrée et donc le profit récupéré est alors
plus élevé.
Selon les résultats de ces deux modèles, les distributeurs choisiraient, pour des raisons stratégiques, un
niveau de qualité des MDD supérieur à celui que choisiraient des producteurs. Diminuer la
16
différenciation entre la MN et la MDD permet au distributeur d’augmenter ses gains. Ces résultats sont
cohérents avec le développement très important des produits dits ‘me too’ qui sont des copies pures et
simples des produits de marque nationale. Dans une étude récente, Sayman, Hoch et Raju (2002)
montrent que lorsque les MDD suivent une politique de ciblage par rapport aux marques nationales,
elles le font en priorité en direction des marques nationales les plus fortes.
Scott Morton et Zettelmeyer (2000) développent un modèle où un distributeur négocie avec plusieurs
producteurs. Un premier producteur offre une marque nationale leader qui sera distribuée de toute
façon. Le distributeur, compte tenu d’une restriction sur le nombre de produits qu’il peut vendre (le
linéaire disponible agit comme une contrainte) doit choisir entre distribuer une deuxième marque
nationale ou une MDD. Les gains de la filière sont partagés entre les producteurs et le distributeur.
Chaque producteur gagne une proportion donnée (qui représente son pouvoir de négociation) du profit
incrémental de son produit. Le profit incrémental d’un producteur est calculé comme étant égal à la
différence entre le profit de la filière lorsque les deux produits sont distribués et le profit lorsque seul
le produit concurrent est distribué. Une première hypothèse importante est que le pouvoir de
négociation de chacun des producteurs est identique.12 Les biens offerts sont différenciés selon deux
caractéristiques, l’une correspondant à une différenciation verticale, l’autre à une différenciation
horizontale. Ainsi, les MN sont supposées de qualité supérieure à la MDD (les qualités sont exogènes).
De plus, les biens peuvent être positionnés pour satisfaire les goûts de l’un ou l’autre de deux types de
consommateurs. Un bien positionné sur un des deux segments procurera une utilité plus forte aux
consommateurs de ce segment qu’aux consommateurs positionnés sur l’autre segment. Sachant que la
MN leader est positionnée sur le segment le plus large, la question posée est : le distributeur a-t-il
intérêt à distribuer une seconde MN ou une MDD. Dans le cadre de ce modèle, par rapport à
l’introduction d’une seconde MN, l’introduction d’une MDD conduit à un profit total de la filière plus
faible. Mais l’introduction de la MDD conduit également à diminuer la contribution incrémentale de la
MN leader. La part de surplus qui revient au distributeur sera donc plus grande. Le choix du
distributeur dépendra alors de son pouvoir de négociation. Lorsque le distributeur dispose d’un ‘faible’
pouvoir de négociation (inférieur à une certaine valeur seuil), il introduira la MDD alors que s’il
dispose d’un fort pouvoir de négociation (supérieur à la valeur seuil), il introduira la seconde MN. En
effet plus son pouvoir de négociation augmente, plus l’effet surplus total de la filière prend de
l’importance. Les auteurs montrent également que la seconde MN serait introduite sur le deuxième
segment de consommateurs (ie celui que n’occupe pas la MN leader) puisque c’est finalement la
seule façon pour elle de se différencier de la MN leader. Inversement, la MDD est introduite sur le
premier segment de consommateurs puisque l’objectif est de diminuer au maximum le gain
incrémental de la MN leader.
Il apparaît une nouvelle fois que le choix des caractéristiques des biens est différent selon qu’il est
décidé par un producteur amont ou par un distributeur. Outre un souci de discriminer entre les
17
consommateurs, la MDD est également un outil dans les mains du distributeur pour s’accaparer une
part plus importante du surplus de la filière. Même si dans le strict cadre de ce modèle, les choix de
caractéristiques des biens sont limités (les qualités des biens sont fixes et exogènes), les mécanismes
mis en œuvre montrent que la MDD est positionnée de façon à concurrencer fortement la MN alors
que le producteur de la deuxième MN est moins enclin à le faire.
L’un des intérêts de l’approche de Scott-Morton et Zettelmeyer est d’introduire explicitement le
marchandage dans l’analyse de l’impact des MDD. Il n’en demeure pas moins que certaines
hypothèses retenues sont relativement restrictives et limitent donc la portée des conclusions. En effet,
les choix de caractéristiques des produits sont trop limités ; de même l’hypothèse d’égalité du pouvoir
de négociation entre chacun des producteurs ne rend pas compte des rapports qui peuvent être
différents entre un distributeur et les différents producteurs amont.
3 L’analyse empirique des conséquences de l’introduction des MDD
Les études empiriques cherchant à évaluer l’impact de l’introduction des MDD peuvent se regrouper
en deux grandes catégories selon le type de données utilisées:
• Des analyses basées sur des données en coupe ;
• Des analyses basées sur des données temporelles par produit
Les travaux de Putsis (1997), Cotterill, Putsis et Dhar (2000) appartiennent à la première catégorie.
Les données utilisées dans ce cadre concernent un grand nombre de catégories de produits et un grand
nombre de marchés locaux.13 Il apparaît que les fonctions de réaction en prix ont des pentes positives.
Une diminution du prix de la MN (MDD) s’accompagne d’une diminution du prix de la MDD (MN).
D’après les résultats de Putsis (1997) ces réactions en prix sont asymétriques. Le prix de la MDD
réagirait plus à une variation du prix de la MN que l’inverse. Ces résultats sur l’asymétrie des
fonctions de réaction ne sont toutefois pas confirmés par les travaux de Cotterill, Putsis et Dhar
(2000).
Les travaux de Putsis suggèrent également qu’une part de marché des MDD plus élevée entraîne une
baisse du prix des MN et une augmentation du prix de la MDD. Ce lien négatif entre part de marché
des MDD et écart de prix entre MN et MDD est pour le moins contre-intuitif. Si l’on admet qu’un des
éléments importants qui déterminent la concurrence entre MN et MDD est le niveau de qualité relatif
entre MN et MDD, ce résultat pourrait s’expliquer par le biais de cette variable non observée.14 Une
part de marché plus élevée de la MDD serait alors expliquée par un niveau plus élevé de qualité de la
MDD. Le tableau 7 donne pour deux modèles théoriques précédemment exposés, l’effet sur les
différentes variables d’un accroissement de la qualité de la MDD
18
Ainsi, lorsque la qualité augmente, le prix de la MN diminue puisque que la MN fait face à un
concurrent de plus en plus direct, le prix de la MDD augmente car l’utilité qu’elle apporte au
consommateur augmente. Enfin, la part de marché de la MN diminue car la baisse du prix de la MN
n’est pas suffisante pour contrebalancer l’effet négatif sur sa demande d’un accroissement de la qualité
de la MDD. On peut donc déduire que, dans une analyse entre catégories de produits, le taux de
pénétration du marché par les MDD est d’autant plus fort que l’écart de prix entre MN et MDD est
faible. En effet, un faible écart de prix entre MN et MDD traduit un faible écart de qualité entre MN et
MDD.
Par ailleurs, dans le cas des modèles de Mills et BMR, le distributeur réalise un taux de marge sur la
MDD supérieur à celui qu’il réalise sur la MN. Cette prédiction est en adéquation avec les
observations empiriques.
Tableau 7 : Effet d’un accroissement de la qualité de la MDD
Mills BMR A B
Prix de gros MN - - -
Prime fixe producteur Np Np Np
Prix détail MN - - -
Quantité MN (%) - - -
Prix détail MDD + + +
Quantité MDD (%) + + +
Prix moyen MN MDD +(verif) + +
Profit MN - - -
Profit distributeur + + puis - +
Profit structure + + puis - +
Surplus Consommateurs + + puis - +
A : Hétérogénéité des consommateurs faible
B : hétérogénéité des consommateurs élevée
Les travaux de Ward, Shimshack, Perloff et Harris (2002) d’une part et Gabrielsen, Steen et Sorgard
(2002) d’autre part relèvent de la deuxième catégorie, à savoir des analyses basées sur des données
temporelles par produit, éliminant ainsi les effets de structure. Ward et al. (2002) étudient l’impact du
développement des MDD aux USA. Ils utilisent des donnés mensuelles (29 périodes) sur les prix, part
de marché, dépenses publicitaires pour 34 catégories de produits. Pour chacune des 34 catégories
considérées, ils analysent la réponse des MN (en matière de prix, de promotions et de politique de
différenciation) au développement des MDD.15 Ils montrent que l’accroissement de la part de marché
des MDD s’accompagne :
i) d’un accroissement du prix des MN (ou sinon pas d’effet) ;
19
ii) d’une diminution du prix des MDD (ou sinon pas d’effet) ;
iii) d’un effet négatif ou nul sur le niveau général des prix.
Ils montrent également qu’un accroissement des parts de marché des MDD s’accompagne d’une
diminution des activités promotionnelles des MN, qu’ils s’agissent de promotions par les prix ou
d’autres moyens.
Gabrielsen, Steen et Sorgard (2002), étudient l’impact de l’introduction des MDD en Norvège. Ils
utilisent des donnés hebdomadaires (197 périodes) sur les prix et les parts de marché pour 83 produits.
Pour chacune des 83 catégories considérées, ils étudient l’évolution du prix des MN dans le temps. Ils
ne retiennent dans l’analyse que les marchés pour lesquels l’introduction d’une MDD intervient au
cours de la période d’observation. Cela leur permet donc de distinguer une période avant entrée et une
période après entrée.16 Lorsque l’effet de l’introduction des MDD est significatif sur l’évolution du
prix de la MN (17 cas sur 83), l’impact est généralement positif (15 cas). Ainsi, l’introduction d’une
MDD conduit à une augmentation du prix de la MN. L’augmentation du prix semble plus forte lorsque
la part de marché de la MDD n’est pas trop élevée. Enfin leurs résultats suggèrent que les réactions en
prix (augmentation du prix) des MN sont plus importantes pour les marques leaders et largement
distribuées que pour les autres.
Par ailleurs, certaines approches empiriques cherchent à déterminer les interactions entre producteurs
et distributeurs et à mesurer le partage des gains entre ces groupes d’acteurs. Ainsi, Kadialy,
Chintagunta et Vilcassim (2000) étudient le partage des gains entre producteurs et distributeurs sur
deux marchés (jus de fruits, thon) aux USA. Ils utilisent pour cela une modélisation basée sur des
variations conjecturales. D’après leurs résultats, les producteurs distribuant les produits perçus en haut
de gamme s’approprient une part du profit (dégagée par la vente de leurs produits) plus élevée que les
autres producteurs. Cela étant, ces estimations sont basées sur les prix de gros et de détail et ne
tiennent donc pas compte d’autres éléments de transferts tels les primes de référencement.
Chintagunta, Bonfrer et Song (2001) utilisant des données au niveau des différents magasins d’un
même distributeur étudient l’impact de l’introduction des MDD sur le marché de certaines céréales
pour le déjeuner (avoine). Ils montrent que l’introduction des MDD s’accompagne d’une baisse du
prix de la marque nationale, d’une diminution des actions de promotion sur cette marque et d’un
maintien des marges des distributeurs sur la marque nationale.
4 Les éléments théoriques peu intégrés dans les analyses
On a vu que les résultats empiriques ne confirmaient pas toujours les éléments théoriques mis en avant
dans les modèles présentés. Une mauvaise prise en compte de la ‘qualité’ des produits dans les
20
analyses peut permettre d’expliquer certains écarts. Les divergences peuvent également provenir
d’autres mécanismes ou éléments mal pris en compte dans les modélisations présentées
précédemment. Nous en développons principalement deux : la première est liée à la concurrence entre
distributeurs et la seconde à l’identité du producteur de MDD.
4.1 MDD, contraintes de capacité et concurrence entre distributeurs
Selon Allain et Flochel (2000), la limitation de l’offre de linéaires (comme le fait la loi Raffarin en
France) est susceptible de freiner le développement des marques de distributeurs. Ce résultat est
obtenu en se basant sur le même modèle de base que Bontems, Monier et Réquillart (1999). Dans un
tel cadre, la limitation du linéaire favorise la MN au détriment de la MDD car celle-ci dégage pour le
distributeur des marges absolues plus élevées. Cela étant, Allain et Flochel montrent également que la
limitation du linéaire est défavorable aux producteurs amont car elle réduit globalement les débouchés
(via l’augmentation des prix). Ce dernier résultat n’est valide qu’à structure constante de l’aval. En
effet, dans un cadre de libre entrée, la limitation du linéaire par firme peut conduire à un accroissement
du profit de l’amont car l’effet de limitation des débouchés (qui expliquait le résultat à structure de
distribution constante) est réduit du fait de l’entrée des firmes.
La plupart des travaux sur les MDD se situent dans un cadre de monopole de distribution. Si l’on
souhaite analyser les rapports de force entre producteurs et distributeurs, une telle hypothèse permet de
se concentrer sur les interactions stratégiques au sein d’une structure verticale. Par contre elle met de
côté les interactions qui existent entre distributeurs. Caprice (2000) a exploré cette question en
s’intéressant au choix d’un producteur de marque nationale face à deux distributeurs disposant chacun
d’une MDD. Il montre que pour un écart de qualité donné entre MN et MDD, le choix du producteur
amont dépend du différentiel de coût entre la MN et la MDD. Lorsque l’avantage concurrentiel est
faible (i.e. la MN est trop coûteuse vis-à-vis de la MDD), la MN n’est pas référencée. Lorsque le
différentiel est intermédiaire, le producteur amont n’a intérêt à offrir son produit que chez un seul
revendeur. Enfin lorsque l’avantage concurrentiel est élevé, alors il a intérêt à offrir son produit aux
deux distributeurs. Le choix du producteur amont dépend de l’arbitrage entre un partage plus ou moins
en sa faveur (il obtient un meilleur partage lorsque le produit est distribué par les deux distributeurs) et
un surplus à se partager plus ou moins important (une concurrence en aval diminue le surplus à se
partager).
4.2 Les MDD peuvent-elles être source de profits pour les producteurs de MN ?
Les MDD étant considérées comme un produit concurrent des MN, a priori, les producteurs de MN
perdent des bénéfices lorsqu’un distributeur introduit sa MDD. Ce n’est pourtant pas si simple. S’il est
21
vrai qu’au final, MDD et MN se concurrencent sur le marché aval, il reste tout de même l’enjeu de la
production de la MDD. Sur ce point, les producteurs MN peuvent encore tirer leur épingle du jeu.
Un argument souvent avancé par les grands producteurs aux marques bien établies est de dire que la
production de MDD leur permet d’utiliser des capacités de production excédentaires. Certes, ils vont
alors produire un bien qui leur fera directement concurrence, mais si eux ne la produisent pas, d’autres
le feront. Les revenus supplémentaires venant de la production de la MDD iraient alors à d’autres
firmes (que ce soient des grands producteurs concurrents ou des moyennes entreprises).
Ce raisonnement admet cependant une limite : il suppose implicitement que les entreprises isolées
susceptibles d’être choisies pour produire la MDD soient capables de fabriquer un produit aux
caractéristiques proches de celui du producteur de MN. Si tel n’est pas le cas, un grand producteur de
MN peut ne pas avoir intérêt a produire la MDD car il n’y aurait alors pas d’alternative crédible pour
le distributeur de trouver un concurrent « sérieux ». C’est le cas de Coca-Cola qui possède une assise
de marque telle qu’aucun concurrent MDD ne le gène vraiment. Aussi, Coca-Cola ne produit pas de
MDD.
Lorsque l’alternative de production d’une MDD proche de la MN existe, le producteur peut donc avoir
intérêt à produire son propre produit concurrent. Encore faut-il que le distributeur le lui demande…
Pour cette décision, le distributeur fait face a un arbitrage entre gain d’efficacité et rente de répartition.
D’un côté le producteur de la MN, s’il produit la MDD, va prendre en charge une partie des coûts
comme le packaging ou encore il va aider efficacement le distributeur dans la définition précise d’un
cahier des charges.17 Ceci va lui permettre de proposer au distributeur un coût de production plus
faible que ne le ferait une firme isolée issue d’une frange concurrentielle. D’un autre côté, en confiant
sa MDD au producteur de la MN, le distributeur donne les deux produits dont dépendent
majoritairement son profit à la même firme : le producteur de la MN. Ceci va donc avoir une influence
sur les conditions tarifaires de la MN.
Comme le montre Bergès-Sennou (2002), lorsque le pouvoir de négociation du distributeur face au
producteur de MN est faible, il préférera confier sa MDD à une entreprise indépendante. Ce résultat
est dû au fait que le distributeur, s’il confie la MDD au producteur de la MN, doit aussi partager avec
lui les gains qu’il fait sur la MDD. Or si son pouvoir de négociation est faible, il récupère moins sur la
MDD que le producteur n’a d’avantage en coût par rapport a la firme isolée. Un second résultat est que
plus la loyauté des consommateurs envers la MN est élevée, plus le distributeur aura intérêt à confier
sa MDD au producteur MN. En effet, une fidélité des consommateurs élevée pour la MN signifie que
la MDD n’est pas une véritable alternative. Dès lors, mieux vaut simplement profiter de l’avantage en
coût du producteur MN. Le modèle prédit de plus que la constitution de centrales d’achat par les
distributeurs joue favorablement pour les entreprises isolées.
22
5. Quelques conclusions
A court terme, la plupart des modèles présentés concluent à l’effet positif sur le bien-être de
l’introduction des MDD. Dans ces modèles, la MDD est le plus souvent considéré comme un bien
supplémentaire qui permet au distributeur d’augmenter ses profits au détriment de l’amont soit en
pesant sur les prix de gros soit en accroissant sa part des gains au sein de la filière. Dans ces modèles,
le consommateur bénéficie d’une part d’un accroissement du nombre des biens disponibles et d’autre
part de l’effet positif de la réduction de la double marginalisation (pour les modèles qui considèrent
une tarification linéaire).
Si l’on considère qu’en pratique les MDD viennent en substitution de marques ‘secondaires’ et non
pas en produits additionnels, l’effet bénéfique lié à l’augmentation du nombre de ‘qualités’ disponibles
pour le consommateur disparaît. Cela étant, on a vu que les choix de qualité opérés par un producteur
ou par un distributeur n’étaient pas identiques. La MDD étant généralement de ‘qualité’ plus proche de
la MN, le consommateur bénéficiera d’une concurrence accrue entre les produits mais inversement il
pourra pâtir de la moindre différenciation des biens auxquels il fait face. Ainsi dans ce cadre peut-être
plus réaliste, il n’est pas sûr que l’introduction d’une MDD aboutisse à un gain de bien-être. C’est
ainsi que Caprice (2000), dans le cadre d’une tarification binôme, montre que lorsque le choix des
caractéristiques de la MDD est fortement irréversible, l’introduction de la MDD détériore le surplus
social par rapport à une situation où soit la structure intégrée soit le monopole amont (à vérifier)
choisirait les caractéristiques du bien.
A plus long terme, l’impact des MDD pourrait être moins positif même si ce point n’a pas fait l’objet
de travaux spécifiques. En effet, le développement des MDD conduit à un partage différent des profits
des structures verticales producteurs-distributeurs. La diminution des profits de l’amont peut conduire
celui-ci à moins innover et à terme réduire les choix des consommateurs. Cela est renforcé par la
stratégie observée de mise en vente de produits ‘me-too’ qui sont une forme de free-riding sur les
dépenses de développement de nouveaux produits. Ce phénomène de free-riding décourage sur le long
terme les efforts de mise au point de nouveaux produits. A long terme, le développement des MDD
peut également modifier la concurrence entre distributeurs. Ainsi, la présence des MDD en rendant les
distributeurs plus différenciés peut diminuer l’intensité de la concurrence en prix entre distributeurs.
Un tel effet serait négatif sur le bien-être (pour une discussion de quelques effets à long terme, voir
Dobson, 1998).
Même si le développement des MDD a fait l’objet de recherches théoriques et empiriques depuis
quelques années, un certain nombre de questions restent ouvertes. Alors que la plupart des modèles
théoriques concluent à une diminution du prix des marques nationales en réponse au développement
des marques de distributeurs, les travaux empiriques récents mettent en évidence un effet inverse. Si
ces résultats empiriques étaient confirmés par d’autres études (par ex. sur d’autres pays), il deviendra
23
particulièrement nécessaire d’en comprendre la raison et cela nécessitera le développement de modèles
théoriques alternatifs à ceux développés jusqu’alors. D’une part, il sera important de s’affranchir de
l’hypothèse forte de tarification linéaire qui, compte tenu de l’existence de primes fixes, n’est pas
totalement adaptée ;18 d’autre part les MDD pourraient être considérées plus comme des produits
venant se substituer à d’autres et non comme des produits supplémentaires. La prise en compte du fait
que nombre de producteurs de MN produisent également des MDD est une autre piste à considérer. Le
producteur cherchant alors à mieux discriminer la demande.
Par ailleurs, la plupart des modèles développés jusqu’alors considèrent les relations entre un
producteur et un distributeur. Mieux intégrer l’impact des MDD sur la concurrence entre distributeurs
reste donc une question relativement peu développée.
Sur le plan empirique, il est souhaitable d’étendre les études à un plus grand nombre de cas pour
confirmer ou infirmer les résultats récents. Il est également important d’analyser l’impact des MDD
sur les différentes marques en distinguant les marques leader des autres. En outre, la prise en compte
de la ‘qualité’ des MDD (par rapport à celles des MN) reste un point important mais difficile à mener
compte tenu des informations disponibles.
24
References
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Revue économique, 52(3) :643-653.
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05/01/2000.
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Bontems Philippe, Monier Sylvette et Réquillart Vincent, 1999. Strategic effects of private labels.
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Linéaires, www.linéaires.com
PLMA, www.plmainternational.com
1 PLMA, voir www.plmainternational.com 2 Les produits premiers prix sont généralement définis comme des produits dont le prix est inférieur à 80% du
prix moyen des produits. 3 Ainsi selon Raju et al. (1995) les facteurs favorisant l’introduction d’une MDD et ceux favorisant son
développement ne sont pas identiques. 4 Les résultats restent valables si le distributeur supporte un coût de distribution. 5 Cette affirmation doit maintenant être nuancée avec l’apparition de MDD ‘haut de gamme’ tels que Reflets de
France, Saveurs étrangères. La majorité des MDD se situe néanmoins à des niveaux de qualité perçus inférieur
ou égal à celui des MN.
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6 Si la MDD a un avantage en coût sur la MN, pour des valeurs élevées de la qualité de la MDD, seule la MDD
est sur le marché et la MN n’est plus référencée (Voir Allain et Flochel, 2001). 7 Ne sont pas compris les coûts fixes liés à la production des biens (non modélisés). 8 Dans le cadre de ce modèle, la qualité de la marque nationale est exogène et n’est pas choisie stratégiquement. 9 Dans tous les cas, le distributeur est en situation de monopole. 10 Dans le cadre des prix linéaires, un seul outil (le niveau de qualité de la MDD) est disponible pour à la fois
réduire le problème de double marginalisation et discriminer les consommateurs par la qualité. Au contraire,
dans le cadre d’une tarification binôme, les parties disposent maintenant d’un second instrument, le niveau de
franchise. 11 On peut invoquer le caractère incomplet des contrats en général pour justifier cette impossibilité du producteur
de s’engager sur un contrat vis-à-vis du distributeur. 12 Il y a trois producteurs en présence : le producteur de la MN leader, le producteur de la seconde MN et le
producteur de la MDD. 13 Putsis (1997) étudie les relations entre MN et MDD pour 135 catégories de produits alimentaires sur les
années 1991 et 1992. Son étude repose sur une analyse entre catégories de produits dans 59 zones
géographiques. De même Cotterill, Putsis et Dhar (2000) utilisent des données pour 125 catégories de biens dans
54 zones géographiques. 14 Selon Cotterill, Putsis et Dhar (2000) ces résultats contre-intuitifs peuvent également provenir d’un traitement
économétrique inapproprié qui n’intègre pas la simultanéité de la demande et des interactions compétitives entre
les acteurs du marché. Travaillant sur des données du même type, et traitant le problème de simultanéité, ces
auteurs trouvent une relation positive entre la part de marché des MDD et l’écart de prix entre MN et MDD. 15 En pratique, pour les principales MN de chaque marché, le prix de la MN est régressé sur différentes variables
explicatives dont la part de marché des MDD. 16 Pratiquement, ils estiment une équation d’évolution du prix des MN (modèle AR(1)) dans lequel ils
introduisent une variable indicative de la présence ou non de MDD. Le coefficient de cette variable leur indique
l’effet prix de l’introduction (existence) d’une MDD. 17 Voir Le Borgne C. (1996) : La marque de distributeur : l'étude des relations fournisseur-distributeur, Mémoire
de DESS en Droit des Affaires, Université de Bourgogne, 53 pages; 18 Vilas-Boas (2002), dans un travail sur les interactions stratégiques producteurs-distributeurs (appliqué au
marché des yaourts) rejette l’hypothèse de prix linéaires.