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Revue Belge de Statistique, d'Informatique et de Recherche Cpérationnelle, Yol.24, n° .4
Balgtsch Tijdschrift voor Statisttek, Informatica en Operattoneel Onderzoek, Yol.o4, Nr a+
LE TAUX D'ACTUALISATION SOCIAL EN UNIVERS
CERTAIN ET INCERTAIN
Myriam MORAY
Université Libre de Bruxelles,
Centre d'Economie Mathématique et d'Econométrie.
Abstract: The paper discusses the problem raised by the estimation of the social
discount rate. It presents a critical review of the literature by drawing upon
arguments from financial theory. We start with a simple model which is progressi-
vely generalized by lifting some of the restricting hypotheses. Building upon
existing results, we present an approach to compute the social discount rate for
an open economy with several consumers and producers, on n periods, with unem-
ployment and under uncertainty. In particular, we propose a method to estimate
a specific risk premium for a public investment.
1. Introduction
L'estimation du taux d’actualisation social (TAS) a été et reste un sujet
trés controversé. Ce taux est la rentabilité minimale que la collectivité attend
d'un -investissement public.
Ce texte présente des résultats de recherches du Programme national R-D Energie
(Services du Premier Ministre - Programmation de la Politique Scientifique}. La
responsabilité scientifique est assumée par son auteur .
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Un investissement public utilise des capitaux qui ne sont plus disponi-
bles pour le secteur privé. Si la rentabilité que peut générer le secteur privé
a partir de ces capitaux est p, la collectivité ne devrait accepter le transfert
de ces ressources vers un investissement public que si celui-ci génére au moins
p. Ce taux p ast le TAS, c’est-a-dire le coit d’opportunité du capital pour la
société.
C'est ce taux qui doit étre utilisé dans le calcul de la valeur actualisée
nette (VAN) d'un investissement public. L'utilisation de la VAN positive donnera
alors un critére de décision d'investissement public qui permettra d'atteindre
l’optimum social 4 partir de décisions décentralisées.
Nous commehcerons par expliquer les problémes que souléve la question du
calcul du TAS. Ensuite, nous proposerons une synthése critique des réponses qui
y ont été apportées dans la littérature, en empruntant notamment des arguments
A la théorie financiére. Nous compléterons cette synthése en développant 1’ana-
lyse du TAS en avenir incertain et en établissant une méthode d’estimation de la
prime de risque pour un investissement public.
Pour la clarté de cette synthése, nous partirons d'un modéle simplifié,
qui nous servira de référence, et nous léverons successivement les hypothéses
contraignantes. Par ailleurs, nous n'aborderons pas ici la trés large probléma-
tique des externalités et des analyses "coiits-bénéfices”.
2. Présentation du modete
Les controverses concernant le taux d'actualisation social se situent 4
deux niveaux. Le premier a pour origine la multiplicité des taux d'intérét obser-
vables dans le secteur privé. Le deuxiéme a trait au risque relatif que présente
un investissement entrepris par le secteur public plutét que par le secteur privé.
Nous présenterons successivement ces deux problémes.
2.1. Mubtiplicité des taux d'intérét
Dans un univers of l'avenir est connu avec certitude, of les marchés des
capitaux sont parfaits et of il n'y a pas de distorsions, le cofit d'opportunité
du capital est le m&éme pour tous. Par conséquent, le TAS est unique et directement
observable: c'est le taux du marché.
Supposons maintenant qu'il y ait des distorsions dans cette économie sous
la forme de taxes (non uniformes). Le codt d'opportunité du capital cesse alors
d’étre unique.
Tllustrons cette situation. Pour la simplicité, considérons deux types de
contribuables dans cette économie
(1) une entreprise privée qui paie 50% d'impéts sur les bénéfices;
(2) un particulier qui ne paie pas d'impéts.
Supposons par ailleurs que la rentabilité des obligations d'Etat soit de 10%.
Dans cet exemple, on détermine facilement le coft d’opportunité du capi-
tal pour l’entreprise privée. Elle doit fournir & ses actionnaires une rentabilité
aprés impét de 10%. Or, pour elle, une rentabilité de 10% aprés impét représente
20% avant impét. Donc, le coit d'opportunité du capital de cette entreprise est
de 20%, tandis que celui qui refléte les préférences temporelles du particulier
n’est que de 10%.
Cette constatation amena BAUMOL (1968) & écrire 4 propos du TAS que
"given our institutional arrangements, there is an avoidable indeterminancy in
the choice of that rate. The figure which is optimal from the point of view of
allocation of ressources between the private and the public sector is necessarily
higher than that which accords with the public's subjective time preference. As a
result (...) we find ourselves forced to hunt for a solution in the dark jungles.
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of the second best”.
A 1'époque ot BAUMOL écrivit ces mots, la controverse concernant deux
candidats-TAS était latente. Le premier était le taux social de préférence tempo-
relle ou taux d’intérét a la consommation (r). De nombreux auteurs l'ont assimilé
au taux d’intérét aprés impét de 1’épargne privée. Le second était le taux de
rentabilité brut des investissements privés, appelé aussi taux d’intérét des in-
vestissements (R). Ces deux taux sont de niveau fort différents: r est générale-
ment beaucoup plus faible que R.
BAUMOL a eu le mérite de mettre en évidence qu'en présence de taxes, il
n'y a pas de fondements théoriques pour défendre exclusivement l'un ou l'autre
candidat-TAS et que. d&és lors, il est nécessaire de chercher une solution de
"second best".
2.2. Prime de risque des investissements publics
D’éminents économistes considérent qu'un investissement public est moins
risqué qu'un investissement privé, voire non risqué (SAMUELSON (1964), VICKREY
(1964), ARROW et LIND (1970), ARROW et KURZ (1970)), tandis que d'autres écono-
mistes, non moins éminents, estiment qu'un méme investissement est aussi risqué
qu'il soit entrepris par le secteur public ou le secteur privé (BAUMOL (1968),
HIRSHLEIFER (1966a), HIRSHLEIFER et SHAPIRO (1969), DIAMOND (1967), SANDMO (19725),
voire plus risqué (BAILEY et JENSEN (1971)).
Nous commencerons par présenter les différents points de vue de ces éco-
nomistes. Ensuite, nous les interprétercns et mettrons en évidence les hypothéses
qui les sous-tendent.
Pour juger les arguments de ces économistes, quelques éléments de la théo-
rie financiére sont nécessaires. Pour le détenteur d'un actif isolé, le risque peut
@tre mesuré par la variance de la rentabilité attendue. Cependant, l'existence d'un
marché des capitaux permet une diversifigation des actifs détenus. Dans la mesure
ol ces actifs ne sont pas parfaitement corrélés, la diversification permet d'élimi-
ner une part du risque. La part du risque qui ne peut &tre éliminée par une diver-
sification est appelée "risque systématique”.
L'argument de SAMUELSON (1964) en faveur du taux sans risque comme TAS
est le méme que celui de VICKREY (1964): le marché des capitaux est imparfait
dans la mesure of l'ensemble des actifs de la société présenterait une diversifi-
cation parfaite mais & laquelle les particuliers ne pourraient pas accéder.
D’aprés eux, cette diversification parfaite permettrait a tout investissement
public d'étre non risqué. Ils en concluent que le TAS devrait étre égal au taux
sur le marché des obligations sans risque.
ARROW et LIND (1970) aboutissent A la méme conclusion par un raisonnement
un peu différent. Pour eux, le risque total supporté par le secteur public est
réparti entre tant d'individus que chaque risque individuel deviendrait négli-
geable. C'est le "pooling argument”.
HIRSHLEIFER et SHAPIRO (1969) font remarquer que "the pooling argument
rests ultimately for support. upon market imperfections which hinder the trading
that would otherwise tend to eliminate private risks not reflective of social
risk”.
BAUMOL, HIRSHLEIFER et SHAPIRO ainsi que SANDMO s'opposent aux points
de vue de SAMUELSON, VICKREY, ARROW et LIND et estiment, comme 1’écrit SANOMO
(1972) que dans une économie of il y a un marché boursier, "there are perfect
opportunities for pooling of risks in the private sector and the market risk
margins represent a social evaluation of the risk associated with each type of
investment (...). Thus, in this economy, the rule governing public investment
should be: imitate private investment”.
BAILEY et JENSEN (1971) exposent eux des raisons pour lesquelles
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"efficient allocation of risk bearing is usually more difficult for government
projects than it is for private ones”. Une de celles-ci étant que "the benefits
and costs of government projects belong to particular private households and firms
whom the project affects; it is their portfolio risk, not that of the portfolio
of government projects, that matters (...). Thus Samuelson not withstanding, it
is precisely "regional dams" and not "atomic bomb treaties” that are more likely
to need "strong discounting for risk” when undertaken in the public sector. In
contrast, if there were perfect risk market (and we assert that the present
equity markets seem quite efficient) and if the regional dam project were under-
taken in the private sector, its (zero variance} claims would sell with no risk
discount".
L'issue du débat repose clairement sur des éléments d'ordre empirique et
non analytique, puisque comme 1’écrit SANDMO (1972) "a close examination of the
set of arguments reveals that they are really based on entirely different assump-
tions concerning the relationship between private and public investment with
respect to risk”. HIRSHLEIFER et SHAPIRO (1969) font le méme type de remarques.
Considérons & présent les hypothéses sous-jacentes aux différents points
de vue exposés ci-dessus.
SAMUELSON, comme VICKREY, fait une double hypothése. La premiére consiste
a dire que le secteur public, et lui seul, a accés 4 une diversification parfaite.
Le deuxiéme suppose que la totalité du risque peut étre éliminée par cette diver-
sification. Pour le secteur public il n'existerait donc pas de risque systématique.
ARROW et LIND estiment eux, que les investissements publics et privés
ainsi que les investissements publics entre eux sont parfaitement non corrélés.
Dés lors, un investissement public a une contribution nulle au portefeuille d'actifs
de la société. Ils estiment done aussi qu’il n'y a pas de risque systématique pour
les investissements publics. Il est alors normal de considérer que le TAS correct
est le taux sans risque.
SANDMO, HIRSHLEIFER et SHAPIRO sont en Opposition avec les trois hypo-
théses ci-dessus. Pour eux, l’opportunité de diversification, qui est parfaite
pour tous, ne peut éliminer tout le risque. Il subsiste donc généralement un
risque systématique. Ils considérent de plus que, pour tout investissement public,
il est possible de trouver une entreprise dont la rentabilité serait trés corrélée
avec celle de cet investissement. Si on admet que cette entreprise présente un
risque, il faut donc aussi admettre qu'un risque existe pour 1’investissement
public. Pour présenter la situation théoriquement, ils utilisent le concept de
Classes de risque de MODIGLIANI et MILLER (1958) de telle sorte qu'on puisse
comparer la rentabilité de tout type d’investissement public avec celle d’inves-
tissements privés appartenant & la méme classe de risque.
Il nous semble que les hypothéses de SANDMO, HIRSHLEIFER et SHAPIRO s'adap-
tent le mieux aux réalités des économies mixtes d'Europe occidentale ot productions
privées et publiques coexistent fréquemment dans un méme secteur d'activité. Elles
sont aussi compatibles avec la théorie financiére moderne selon laquelle 1'opportu-
nité de diversification est parfaite pour tous mais la totalité du risque n'est
généralement pas diversifiable.
Tl est cependant possible d'aboutir aux conclusions de SANDMO, HIRSHLEIFER
et SHAPIRO tout en restreignant l'hypothése de non-corrélation entre les renta-
bilités de 1’investissement public et d'une entreprise privée, nécessaire pour
utiliser le concept de risque de MODIGLIANI et MILLER. En effet, on peut définir
des classes de risque au sens du CAPM (Capital Asset Pricing Model). Deux actifs
appartiendront & la méme classe de risque si la corrélation de leur rentabilité
attendue avec celle du portefeuille de l'ensemble des actifs de l'économie est la
méme. Si la rentabilité attendue de l'investissement public présente une corréla-
tion avec celle du portefeuille de marché, alors cet investissement présente
un risque et il faut tenir compte d'une prime de risque dans le calcul du TAS.
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3. Caleuk du TAS en avenir certain
3.1. Caleuk du TAS en prtsence de taxes
HARBERGER (1968), le premier, proposa une solution au probléme de "second
best” mis en évidence par BAUMOL. Il calcula le coft d’opportunité social des capi-
taux consacrés aux investissements publics (p) comme une moyenne des différents
cofits d’opportunité marginaux sectoriels, pondérée par la contribution relative
de chacun de ces secteurs aux fonds investis par le secteur public.
HARBERGER proposa également un mode de calcul de ces coefficients de pon-
dération. L’idée est qu'une augmentation des emprunts de 1'Etat affecte le taux
d’intérét (4) qui, en équilibre néo-classique, détermine l’allocation des ressour-
ces entre consommation et investissements. Cet emprunt de 1'Etat prive les inves-
tissements privés et la consommation privée de ressources dans des proportions
qui sont fonction de 1’élasticité au taux d'intérét de la demande d'investissement
et de l’offre d'épargne. Formellement:
oI/oi ac/oip= ———R + ———_
OI/di + 3C/di oI/ai + OC/di
1)
of P est le taux d’actualisation social
I est l'investissement privé
C est la consommation privée
i est le taux d’intérét du marché des obligations d'Etat
rest le taux d’intérét net de l'épargne privée
R est le taux de rentabilité brut des investissements privés.
SANDMO et DREZE (1971) obtiennent ce méme résultat 4 partir d'un modéle
formel. Il s'agit d’un modéle en avenir certain et sur deux périodes. On consi-
dére une économie fermée ot il y a un bien et un consommateur, un producteur
privé et un producteur public. Les ressouces initiales en période 1 (M) sont
détenues par le consommateur. Elles sont disponibles pour la consommation en
période 1 (c!), l'investissement privé CY) et l'investissement public (Z) de
telle sorte que:
Cley+zam (2)
En l'absence de taxes, la consommation en période 2 (C?) est la somme
des outputs des secteurs privé et public. La fonction de production du secteur
privé étant f(Y) et celle du secteur public étant g(Z), on a:
c? = #(Y) + g(Z)- (3)
ot f’ et g' >O et f™ et g” <0.
Finalement, tes préférences du consommateur sont représentées par une
fonction d'utilité dont les arguments sont les consommations en période 1 et 2:
U = utct, c?). (4)
En l’absence de taxes, il existe une solution de "first best" et l'optimum est
caractérisé par la relation suivante:
f'(Y) = gt(Z) = uly? (5)
od U! et U? sont tes dérivées partielles de U respectivement par rapport 4
ct fet 67,
Introduisons les taxes et séparons les décisions des secteurs public
et privé. En ce qui concerne le secteur privé, le consommateur qui dispose des
ressources M peut les utiliser en consommation, en investissements privés ou en
prét 4 l’Etat (b). La contrainte de budget du consommateur est donc
cle Y*#+bem (6)
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En période 2, les ressources du consommateur proviennent
(1) du rendement net de ses investissements privés. Le bénéfice du producteur
est de f(Y) - Y et est taxé au taux t. Le bénéfice net, f(Y) - t(F(Y) - Y),
est totalement distribué.
(2) du rendement de son prét a 1'Etat: b(1 +r).
(3) d'un forfait & payer par 1'Etat au consommateur qui représente le surplus
de la production de 1’Etat: a.
On a donc
ct» f(y) - t(#(Y) - Y) + b(1 +r) + a. 7)
Grace & (6) et (7), on obtient:
c2= f(y) - t(f(Y) - Y) + (M-C-Y) Wer) ta (8)
Dés lors, substituant dans la fonction d'utilité (4), la maximisation par rapport
a ct et Y conduit aux conditions du premier ordre:
uy =4+r (3)
f(y) = 1+ r/ (1 - t) (10)
Le systéme décrivant 1'équilibre du secteur privé est ainsi complet si
on ajoute la contrainte de ressources (2) qui, utilisant (6), peut étre écrite
sous la forme
Z.= ba (11)
—En ce qui concerne le secteur public, ayant fixé t, il déterihine a et Z
de maniére & atteindre, pour 1’économie, un optimum sous la contrainte de budget
en deuxiéme période:
2(Z) + t(f(y) - Y) = b(1 + r) + a. 412)
Finalement, le niveau d'investissement public doit étre déterminé par une équa-
tion de la forme
gi(Z) = 1+ 9,
ot P est précisément le taux d’actualisation optimal du point de vue de l'effica-
cité 4 utiliser pour les décisions d'investissements publics. Il s’agit du TAS
que nous voulons déterminer. On constate aisément qu’en l'absence de taxes (t=0),
la productivité marginale du capital est égale au taux marginal de préférence
temporelle et que la condition d’optimalité (5) est satisfaite pourper.
En l’absence de taxes, on obtient ainsi une solution de ‘first best”. En présence
de taxes, de plus amples calculs sont nécessaires.
Substituons (8) dans (4) et exprimons l'utilité des consommateurs de la
maniére suivante:
U = ufc’, f(y) - t¢f(y) - ¥) + (M- ch -¥) (141) + a} 14)
Le secteur public doit choisir a et Z de mani@re & maximiser cette fonction sous
sa contrainte de budget (12) qui, en substituant (11) dans (2) et en remplagant,
peut s'écrire:
g(M- Cl - y) + t(f(Y) - Y) = (+r) (M-Ch-y) +a (15)
Tl faut donc déterminer a et Z de maniére & maximiser (14) sous la contrainte (15).
Le Lagrangien correspondant s'écrit:
b= u{ct, fey) - t¢F(y) - ¥) + (Mm -cl- y) (4+ 17) + a}
~ Mg(m- ch - y) + t¢F(Y) - ¥2- (1 +r) (M-ch-y)- al (18)
La résolution conduit a:
ac} ry oyea 1 +r) Ay + (1+ 7) ore
4 ae F 1+ a7)(5, +rou or
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Cette expression se présente sous la méme forme que celle proposée par HARBERGER
si l'on remplace R par r/(1 - t) et si l'on considére que i = r.
La formule (17) peut s'écrire simplement sous la forme
1+p Ex (1+r) + 1 - x) 1+ 7/4 - t)) (18)
1
oun =
seDE
I00R et1- x= ayer représentent les impacts
act/or + 8Y/or ocl/ar + dY/ar
respectivement sur la consommation et l'investissement d'une augmentation du
taux d’intérét.
Les ressources étant limitées (M = constante), une augmentation unitaire
de Z provoque un "crowding out” de x au niveau de la consommation privée et de
(1 - x) au niveau des investissements privés, de telle sorte que dc} + dy + dZ = 0.
Ces glissements ont respectivement un coat d'opportunité de r et de r/(1 - t).
Ceci confirme que le cofit d’opportunité d'un investissement public se présente
comme une moyenne pondérée des cofits d'opportunité du secteur privé (cf. (18)).
ARROW (1966) et, plus tard, KAY (1972) ont également abordé ce probléme
et arrivent A des conclusions différentes. D'aprés eux, le TAS vaut r puisque
ARROW écrit "the optimal policy for taxation and public capital formation will
be that which equates the marginal productivity of public investment to the
consumption rate of interest”. En fait, comme le signale DREZE (1974), deux
hypothéses relatives au marché des capitaux sont 4 l'origine de ces divergences
D'une part, ARROW et KAY supposent que ce marché est imparfait au point que
la consommation est indépendante du taux d'intérét. Ils en déduisent que la con-
sommation privée s'exprime comme une fraction constante du revenu. D'autre part,
ils considérent que 1'Etat se finance exclusivement par l'impdt et, en conséquence,
qu'il n'emprunte pas. Cette derniére hypothése est cruciale. En effet, si on
considére l'autre branche extréme de l'alternative, of il n'y a pas de taxes
mais une épargne forcée en faveur de l'Etat, les conclusions sont totalement
différentes. Dans ce cas, le TAS est égal & la productivité marginale des inves-
tissements privés. En effet, dans le cadre d'hypothéses de ARROW et de KAY et
avec ce type de financement, tout franc supplémentaire de capital public prive
le secteur privé de exactement un franc.
Sous 1'hypothése d’un financement mixte, le TAS devient une moyenne pon-
dérée par la part des financements par taxes et emprunts dans le financement to-
tal.
Une différence essentielle apparait donc entre les deux types de modéles.
Le modéle d’ARROW et KAY donne un TAS qui est directement fonction du mode de
financement, tandis que le TAS de SANDMO et OREZE en est indépendant.
Un choix entre les deux mod@les peut étre effectué sur base d'un constat
relatif & l'effet des emprunts de 1’Etat sur le taux d’intérét. De plus, lorsqu’un
tel effet est observé, il convient de tester l'impact d'un accroissement du taux
d'intérét sur la propension des consommateurs 4 substituer une consommation pré-
sente A une consommation future. Dans le cas belge, les modéles macroéconomiques
("Breughel” du DULBEA et "Maribel” du Bureau du Plan) montrent que, sauf en pré-
sence d'un contréle sévére du marché des capitaux qui n’a lieu que dans des cir-
constances rares (périodes d'aprés-guerre par exemple), les emprunts de 1'Etat
affectent le taux d’intérét.
En ce qui concerne 1'influence du taux d’intérét sur la consommation, en
Belgique, elle semble faible ("Breughel") ou inexistante ("Maribel"). Par contre,
ces modéles montrent que des taux d’intérét élevés découragent la construction.
Or les taux des préts hypothécaires sont proches de ceux des obligations d'Etat.
Si des taux élevés n'ont pour seul effet que de décourager la construction,
le TAS devrait étre une moyenne pondérée du taux des emprunts hypothécaires et de
la productivité marginale du capital privé.
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Le modéle présenté ci-dessus repose sur plusieurs hypothéses. Ainsi, il
comporte un consommateur et un producteur, deux périodes. Il concerne une éco-
nomie fermée. Il ignore i'influence du marché du travail. Enfin, il s'énonce en
univers certain.
Dans la suite, nous léverons successivement chacune de ces hypothéses.
Nous nous attacherons 4 isoler 1'impact de chacune d'entre elles sur les conclu-
sions obtenues.
3.2. Caleuk du TAS avec n producteurs et n consommateurs
L’ approche est paralléle 4 celle suivie en section 3.1 (SANDMO et DREZE,
1971, annexe). On considére, pour faciliter la notation qu'a chaque consommateur
i correspond une entreprise i. Les contraintes de ressources agrégées de 1'écono-
mie sont:
ch+ey+zZ=mM (25)
caw Ss #,(¥,) + 2fZ) fats 2ecceen x 3")i
La fonction d'utilité du consommateur i s'écrit
‘ L pz 'U, Ujlc}, ch). (4")
Par définition:
i.e, 222, 2 ,Dar Cis B Cy ces BY, Y. (s')i dt i
La contrainte du consommateur i en premiére période est
1 = 'Co+Y, +b, =M (6")4 i
et l'expression de sa consommation future est
2 = Li .cy FV) tlh (¥4) Y) #601 tor) & ay: 7")
Aprés des calculs semblables & ceux présentés en section 3.1, on obtient:
ac} r, avM+ 1) ‘or wu, a cer or
g'(Z) = —————______________ = 4+ 9. tz"(ae), BYor WU, a
la similitude parfaite des expressions (17) et (17') entraine que le calcul du
TAS pour n consommateurs et n producteurs ne présente aucune difficulté nouvelle.
3.3. Calouk du TAS sur n périodes
Une généralisation 4 n périodes a été proposée par DREZE (1974). Nous
n'en présentons ici que l'interprétation des résultats.
La formule (17) s'exprime de maniére équivalente comme suit:
ay
,
act ry 8Y
5
,ac?M™ +9) Gr : 3D + (1+ qEe. or 2 By (18)
ac? actpuisque Gay =- (1 +r) or
Cette expression s'interpréte comme une condition nécessaire et suffisante
pour qu'une augmentation du taux d’intérét r soit profitable. En effet, en premi-
ére période, une variation de r libérera des ressources du secteur privé au profit
du secteur public pour un montant de:
ay , actGr or°u"
Ceci provoque une diminution de la consommation future de
+oy4-t° dr
due 4 l'absence d'investissement privé ainsi qu'une augmentation de la consomma-
tion future de
dy ,oc?U1 +p) Ge + orU
due & l'investissement public dont la productivité marginale est p. La somme
de ces deux effets doit étre au moins égale 4 l'augmentation de consommation
33
2future ce Wy qui compense exactement la diminution de consommation de premiére
période.
La généralisation de l'expression (18) a n périodes s'écrit:
1, dv? act chy ay?+p) Ga + ald @ + 7) an?
ac? D act, tt 4y-1>(2p,+¢ 5 He tm m+ or) (13)or’'u je or''U seo
ot r’ est le taux d'intérét en période 1
ot est la productivité marginale des investissements publics en période i
cd est la consommation en période j.
Comparons &4 présent les expressions (18) et (19). Il a été établi (HICKS, 1939,
appendice au chapitre II) que
n a a |
z a, T +r) #0. (30)j= iss
Tl s'ensuit que:
n acd n-41 i= (yn) T +r)
or'uU_ 3c 1) . J22 isj (20")get 1 rt) =SG
I (+r)in2
ac? D acd, Jt 1ey + s OS) mn ae rt.or “U 523 or’ 'U 525
En particulier, pour n 2, nous avons
act ‘ 2
Rp + rh) + x = 0.
de sorte que, moyennant le remplacement de P par r dans le second membre du terme
de droite de (19), nous obtenons, pour n-= 2, l'inégalité (18). La différence
entre les conditions (18) et (19) se limite donc uniquement au fait que dans (18)
on utilise le taux rt et dans (19) le taux oe. Ceci s’explique de la maniére
suivante : un consommateur acceptera de transposer sa consommation de la période
34
i A la période i+1 au prix tert, Mais cette privation en période i permet des
investissemants publics générant aot. En conséquence, priver la consommation
de période 2 d’un montant de
n Jo j-4oc dont
E (ea), I (t+ vr)523 or’ U i=?
permet, grace aux investissements publics, d’obtenir un flux de consommation de
JoC) =Gey $= 35 sous nx
L’expression (18) représente de ce fait le méme type de condition néces-
saire et suffisante d'efficacité d'une augmentation de Z que (18}. De plus, si
les termes de (18) peuvent étre mesurés facilement, il n'en va pas de méme pour
les a, de (19).et il convient de trouver une approximation du membre de droite
de {19).Le raisonnement mentionné ci-dessus suggére naturellement de substituer
rt a pl Cette solution a, par ailleurs, le mérite de la simplicité. Le membre
de droite de (19) s'écrit alors, grace & (20'):
ac?-U +r) Bay -
Cette approximation surestime le membre de droite de (19) puisque p doit
étre supérieur & r pour vérifier (19). Elle rend ainsi la condition d'efficacité
plus stricte.
En conclusion, la condition (18) est une approximation biaisée de (19)
mais qui, du point de vue pratique, peut étre considérée comme une approximation
raisonnable.
3.4. Calcuk du TAS en économie ouverte
Nous reprenons le modéle de SANDMO et DREZE. Il s'agit du modéle présenté
35
dans la section 3.1, complété par la possibilité d'achat par des investisseurs
étrangers d'obligations émises par l'Etat. Soit m le montant de ces préts de 1'ex-
térieur, ona
m= m(r) avec m'(r) > 0. (21)
La contrainte de ressources agrégées en premiére période devient
cl+ey+z=mMem. (22)
Les contraintes de budget des consommateurs demeurent:
ch+Y+be=m (23)
c? = #(Y) - t(f(Y) - Y) +b +r) +a. (24)
La contrainte de budget de 1'Etat devient
g(Z) + t(#(Y) - Y) = (1 + 17) (b + m(r)) + a. (25)
De (22) et (23), 11 vient:
Z= mr) +b=m(r) +m-ch-y. (28)
En substituant (26) dans (25), on a
g(m(r) + mM - cl - y) + tlf(y) - Y) (27)
= (er) (mr) +m-ch- yo +a
et le Lagrangien devient
t= ufct, ety) - tty) - ¥) © (M- ch-y) +r) +a}
~ Magtm(r) + m- ch - ¥) + tCF(Y) - ¥) - (1+ 4) (mir) - m-ch-y) - a}.
1En différentiant par rapport & Z et en utilisant les égalités te =41+ret
'(Y) = 1+ 25. on obtient
2m - ch. . ; ; _ ac) ay Fg: OYu?(m Cc Y) Mg(Z) (m'(r) Se get Ot a) ap
act ,++r) a - (1+ r) m(r) - Z} = 0. (28)
bg
En différentiant par rapport & a, on obtient
2 i actU? = M{-g'(Z) ++ rd) se - 1} = 0. (29)
1Considérons le systéme composé des équations (28) et (29). Comme x. 0 pour
da
U = constante, i1 vient:
act r, 8Y a ;: +r) GE lyt +7 oe (+r (1 + 29) m'(r)
g'(Z) = 73c oY :Gy ‘37m (r)
(30)z1+0
Dans cette expression apparait , l’élasticité de l'offre étrangére de capitaux:
, isemt) ay (© 0).
Le TAS g'(Z) s'exprime & nouveau sous forme de moyenne pondérée ot inter-
viennent les taux d’actualisation utilisés par les consommateurs et les entreprises
privées mais également le taux d'intérét sur les préts étrangers, pondéré par la
dérivée de la fonction d'offre étrangére de capitaux.
Les trois facteurs de pondération étant de méme signe, (1 + 0) se situera
entre (1 +r) et 1+ i 4qe ter tee
Pour déterminer le TAS numériquement, en présence de préts de 1'étranger,
1il faut donc des estimations empiriques des paramétres x , = et m'(r).
3.5. Calcuk du TAS en présence de chémage
Jusqu'ici, nous avons ignoré le marché du travail. Cependant les marchés
du capital et du travail sont susceptibles de s’influencer mutuellement. En
37
38
effet, une augmentation du taux d’intérét réduira généralement les investissements
du secteur privé, ce qui affectera la demande de travail de ce secteur.
MARCHAND, MINTZ et PESTIEAU (1982 et 1983) ont étudiié les problémes re-
latifs aux coits du capital et du travail utilisés par une entreprise publique
en présence de déséquilibre. Etant donné les conditions actuelles de l'emploi
en Belgique, une analyse détaillée des résultats concernant le cofit social du
capital en présence de chémage s'avére indispensable.
Reprenons le cadre d’hypothéses du modéle de la section 3.1. Nous y in-
cluons un marché du travail sur lequel l'offre est excédentaire et le salaire
(w) est rigide.
La fonction d'utilité que maximise le consommateur comporte 4 présent
un troisiéme argument, 1, la quantité de travail offerte:
U=uCl, ct, C7) avec x = ue <0. (31)
Le consemmateur est soumis A une contrainte de disponibilité de travail et a
une contrainte de budget. En l’absence de taxes, ces contraintes s’écrivent:
leLk ot L est le travail disponible (32)
r(M- cl) + wl +a-=C?. (33)
On en déduit les fonctions de demande C'(a, r, L} et C*(a, r, L) et la condition
reflétant l'offre excédentaire de travail - U® < Aw, of d représente l'utilité
marginale du revenu.
Le producteur privé maximise son profit
TM = y? - wi - ry? (34)Pp Pp
ot Y*, aS et ry? représentent respectivement l'output, la rémunération du
travail et la rémunération du capital investi. Il est soumis & une contrainte
de production:
y? = Feyt, 1) (35)
dans laquelle intervient la quantité de travail a
L'hypothése de rigidité du salaire w permet d'exprimer les fonctions
d’offre:
Y? « y7(r)
et de demande:
Yl = ylep)
1, #1 (5)Pp Pp
du secteur privé.
L'optimisation du bien-étre social exige que le producteur public maxi-
mise son profit:
M = 2? - wi - pz. (36)g g
Les colts marginaux du travail W et du capital p peuvent s'éloigner sensiblement de
ceux en vigueur dans le secteur privé wet r.
Les quantités zs 2 et =. désignent respectivement le capital investi
l’output et la demande de travail du secteur public.
On en déduit les fonctions d'offre :
2? = 27(R, W)
et de demande:
39
Z = Z (R, W)
1 = 1 (R, W).g g
Reprenons & présent le probléme du consommateur. Sa fonction d'utilité,
donnée par (31) peut aussi étre exprimée sous la forme
uti, cy, C4) = Vir, R, W, ade
Les contraintes imposées s'6noncent alors :
me=citr, a, 1) + Z'(R, W) + Y*r) ty) (38)
yer) + Z7(R, W) = C?(r, a, L) (vy) (39)
L= 1 (r) +1 (R, W) Cy?) (40Bp &
ot ¥°, y! et Y? sont les multiplicateurs de Lagrange.
La solution de ce probléme d'optimisation fournit les expressions du
TAS: R et du codt marginal du travail, W, en présence de chdmage :
ue, 2 acty ayty-1RertMw+Pl at Ge tg) o (41)
°Wew- Morse (42)
act'_ ac? ,ac?ot or = ae toa (mM - C!) représente l'effet de substitution pour le consommateur,
dE My?a1 al 1’ 1 1
=u ._4 : vomploi of 2 « B - Be? _ BY) aceta= 31 31 est le multiplicateur d'emploi ot IL ar ¢ aE or ) aL
Pot
Le multiplicateur d’emploi,a , indique dans quelle mesure l'emploi total
augmente quand le secteur public crée un emploi.
Le signe du multiplicateur oa n'est pas déterminé a priori. Ainsi, pour
a > 0, la création d'un emploi dans le secteur public s'accompagne de la dispari-
tion de plus d'un emploi dans le secteur privé.
40
Pour a > 0, ona:
p> resi a1/or <oO
p<rsi a1/or >0
et W<w.
En conclusion, en présence de chémage, tant que la création d'un emploi
supplémentaire dans le secteur public augmente l'emploi total, le cofit d’opportu-
nité social du travail sera inférieur au salaire. Dans les mémes conditions, le
coit d'opportunité sogial du capital sera supérieur au taux d‘intérét du marché
si une augmentation du taux d'intérét provoque une diminution de 1l'offre d'emploi
du secteur privé.
La présence de taxes ne modifie pas fondamentalement les résultats obtenus.
En effet, la seule modification de l'expression (41) du TAS réside en le remplace-
ment de r par une moyenne pondérée des coiits d'opportunité du capital. Elle est
1 1 1 Olobtenue en remplagant dans (17) = par = ~ 80 BP
La pondération fait intervenir les effets direct et indirect d'une augmen-
tation du taux d'intérét. L'élasticité a1 /or peut étre négative. Dans ce cas, la
moyenne pondérée ne sera convexe que quand l'effet direct de 1l'augmentation du taux
d'intérét sur la demande de travail du secteur privé ne compense pas l'effet di-
rect de diminution de la consommation de premiére période, c'est-&-dire lorsque
Et ce n'est que sous cette condition que le TAS sera forcément compris entre les
coits d'opportunité minimum et maximum.
4. Généralisation du calcul du TAS en univers incertain
Al
42
L'incertitude peut intervenir dans le calcul du TAS & trois niveaux:
(1) au niveau du secteur privé:
le codt d'opportunité peut varier au sein méme du secteur privé en fonction
du risque propre & chaque industrie. De telles variations peuvent aussi ré-
sulter de différences entre taux marginaux de taxation.
(2) au niveau du secteur public:
Dans la section 2.2, nous avons souligné la pertinence d'une quantification
du risque relatif au secteur public.
(3) au niveau intersectoriel:
La contribution de chacun des secteurs du privé au financement de l'investis~
sement public est généralement inconnue.
4.1. Dégfenence de coiit d'opportunité dans Les secteurs du privé
Jusqu'ici, nous avons toujours considéré que le codt d'opportunité du
capital des investissements privés était unique. En réalité, il n'en est rien.
Chaque investissement a un coit d'opportunité qui est fonction de son risque et
de plus le taux de taxation peut largement varier d’une entreprise 4 une autre.
Tenant compte de ces deux observations, nous proposons de remplacer le coiit d'op-
portunité unique des entreprises privées r/(1 - t) par (r+ Pav - ty)
ot P, est la prime de risque des entreprises du secteur i,1
t, est le taux de taxation marginal des entreprises du secteur i.
Ceci nous permet de généraliser la formule (17) de la maniére suivante:
(43)
ot a1,/or est fonction de l'élasticité des investissements du secteur i au taux
d'intérét.
4.2. Caleuk du TAS avec prime de risque
Dans la formule (43), nous calculons le TAS comme une moyenne pondérée
des cofits d'’opportunité des différents secteurs qui souffriraient d'un "crowding
out” suite & un investissement public. Comme le fait remarquer KOEUNE (1978), en
avenir incertain, cect suppose que le projet d’investissement public présente un
risque équivalent 4 la combinaison de risques de ces secteurs. Pour lever cette
hypothése, il faudra calculer 1’équivalent certain de la formule (43), et ensui-
te déterminer et y ajouter la prime de risque d'un investissement public spéci-
fique.
L'équivalent certain de (43) peut s'écrire :
oc£ Gut ‘
1+p (44)acSPu * u
molnmo
Nous proposéns d’estimer la prime de risque d'un investissement public & partir
du modéle d’équilibre des actifs financiers (Capital Asset Pricing Model : CAPM).
Le CAPM relie la rentabilité attendue d'un actif E(R) & son risque sys-
tématique ou non diversifiable 8 par la relation linéaire
E(R) = i+ B (ECR) - i) (45)
ot i est le taux d'intérét sans risque,
ECR) - i est la prime de risque unitaire du marché,
8B est le risque systématique de l’actif, mesuré par le rapport de la covariance
de la rentabilité de l’actif avec la rentabilité du portefeuille de marché sur la
variance de la rentabilité du portefeuille de marché :
8 = cov (R, R_J/ var(R_).m m
43
44
Lorsque ce 8 est calculé pour les actions d'une société endettée, il re-
fléte A la fois le risque industriel et le risque financier. On peut montrer que
la relation entre le B d'une société endettée et le B de cette société en 1'absen-
ce d'endettement (B) est la suivante :
Be 8. (1 + (1 - t) D/E) (46)
ot B est le risque systématique d'une société endettée,
8. est le risque systématique de cette société en l'absence d'endettement (il
refléte donc uniquement le risque économique),
D est la valeur de marché de la dette,
— est la valeur de marché de 1'entreprise,
t est le taux de taxation.
Pratiquement, l'estimation de la prime de risque impose une identifica-
tion a priori de sociétés présentant un risque industriel semblable 4 celui de
l'investissement public étudié.
On détermine ensuite le 8 des actions de ces entreprises par application
du CAPM (45). Connaissant le taux de taxation marginal et le coefficient d’endet-
tement de ces entreprises, on estime leur risque industriel 8, grace 4 la formule
(46). D&s lors, sur base de la rémunération unitaire du risque sur le marché, on
peut estimer la prime de risque spécifique 4 l'investissement public envisagé.
Finalement, on additionne cette prime de risque 4 1’expression (44) pour obtenir
le TAS applicable & un investissement public en incertitude.
n or,
® (22) + 2 seoor’ U dad 1- 1 or
1+ pF nor + 8, (E(R,) = +0) (47)
oc i
Gut 2,i=1
4.3. Incertitude sur Les parametres de pondération
Le TAS est une variable aléatoire par le double fait que ni le taux de
rentabilité des investissements privés, souffrant du "crowding out”, ni le part
contributive des différents secteurs ne sont connus avec certitude.
OREZE (1980) a développé un modéle qui tient compte de 1'imperfection de
l'information sur les paramétres. Reprenons le modéle de la section 3.1. Suppo-
sons que r, t et 9C!/8r soient connus avec certitude, tandis que 3Y/ar est une
variable aléatoire dont la distribution de probabilité est donnée. Dés lors, les
poids
1oY/or, ete ue oc’ /or
oc! /or + OY/or acl /or + 3Y/ar
sont également des variables aléatoires.
En généralisant les calculs de la section 3.1, on obtient :
14 - 2pGEU > 0 st g'(Z) 2>—Ewu *) ot UFEY OY) x) (48)dz < < EU?
Les termes EU’x/EU? et EU?x/EU? sont évalués & l'aide de développements en série
de Taylor :
EUlx = x EUP + op (UNC) - F°CY) Ul? OKI) + € (49)
EU2x = x EU? + a (U4 (x) - #'CY) U22¢K)) + €. (50)
En substituant (49) et (50) dans (48), on trouve :
> - 1 aa 2ae 2 0 si g'(Z) 2 Ua x) EUU + xf'(Y) EU
eu?
og? UG = 2erev) ut? G) + FtCy)? U22 Ex) (51)* eu ‘
Cette formule n'est valable que pour des investissements publics marginaux ne
2provoquant que de faibles variations de ct et C*°. De la sorte, les approximations
(49) et (50) sont admissibles.
45
46
On constate que (51) se réduit a (17) quand la variance de x tend vers
L'expression (49), difficile a estimer, peut 6tre approchée par:
GEU | : . rt >) (rt)? -u?2(x) 5az Det g(2) = 1+ r+ 7x + et, iG (52)Utx) *
“ 2ot -u??/y?> 9 est une mesure locale de l'aversion au risque.
En comparant (52) & (17), on constate que x a été remplacé par
= 2 _ y2z _5 (rt) ( U ) o2>xx(1-t)? ou?
L'incertitude sur 3Y/dr, et donc sur x, améne & remplacer x par x plus sa varian-
ce pondérée par une prime de risque appropriée.
En conclusion, plus la variance de x est importante, plus la productivité
marginale de l'investissement public envisagé doit &tre élevée pour qu’il soit
justifié .
Dans la méme optique, on peut envisager le cas of non seulement x mais
également r, f'(Y) et la fonction d'utilité U(C!, C2) sont aléatoires. On obtient
des résultats comparables : le TAS croit avec la variance des variables aléatoires
Lorsqu'on néglige 1'imperfection de l'information sur les paramétres, la
moyenne pondérée sous-estime le TAS optimal du point de vue de l'allocation des
ressources.
5. Conclusions
Nous avons pris pour point de départ un modéle simple : en avenir certain
sur deux périodes, dans une économie fermée & un bien, un consommateur, un produc-
teur privé et un producteur public. Le TAS se calcule alors comme une moyennne des
coits d'opportunité marginaux du consommateur et du producteur privé. Les coeffi-
cients de pondération représentent les effets (relatifs) d'un" crowding out” dai a
un investissement public.
Ce résultat : "moyenne pondérée des cots d’opportunité”, est robuste.
En effet, en présence de plusieurs consommateurs et producteurs sur n périodes,
l’expression du TAS conserve la méme forme.
En économie ouverte, on conserve encore une formule de moyenne pondérée
convexe. La prise en compte d'une troisiéme source de financement, les préts de
l'étranger, fait simplement intervenir un terme supplémentaire dans la moyenne.
Tl s'agit du taux d’intérét sur les préts étrangers, ajusté par l'élasticité au
taux d’intérét de ces préts et pondéré par la dérivée de la fonction d'offre
6trangére de capitaux.
L'introduction d'un marché du travail en déséquilibre modifie cette
moyenne. Il faut tenir compte des effets sur l'emploi d'une variation du taux
d'intérét due aux investissements publics. Dans le cas particulier (réaliste)
ot il y a chémage, od le multiplicateur d'emploi est positif et ot une: augmentation
du taux d'intérét provoque une diminution de l'emploi total. Ce cofit d'*opportu-
nité social du capital est alors supérieur a la moyenne pondérée des coits
d’opportunité des secteurs privés
L'incertitude élargit la multiplicité des coiits d’opportunité du fait de
différences entre primes de risque sectorielles. Le TAS calculé comme une moyenne
pondérée de ces codts d’opportunité inclut une prime de risque qui ne refléte pas
forcément la spécificité de l’investissement public étudié. C’est pourquoi nous
proposons une méthode de calcul du TAS partant de 1’équivalent certain de cette
moyenne pondérée et du calcul d'une prime de risque spécifique & 1'investissement
public considéré.
Finalement, 1'imperfection relative aux paramétres du modéle éléve, en
47
48
général, le seuil de rentabilité de l'investissement public.
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