Qu’est-ce que la lalangue - Université de...

1
Qu’est-ce que la lalangue ? Anne Cosyn & Bernard Harmegnies, 2011. Service de Métrologie et de Sciences du Langage, FPSE, Université de Mons [email protected] [email protected] Un concept psychanalytique de Jacques Lacan* Jacques Lacan (1901-1981) est un psychanalyste français. Son enseignement fût principalement oral, sous forme de séminaires, au début des années 50 : il lut et commenta Freud, le livre à la main. Il fondait sa démarche sur la clinique à partir de laquelle il articulait et élaborait la théorie. Le concept de lalangue apparaît en 1971, dans la deuxième partie de son enseignement marquée par la primauté de la jouissance, là où la première partie s’orientait du prima du signifiant. « Si vous avez compris, vous avez sûrement tort » (Jacques Lacan) Lalangue Inconscient Langage Langue Dits Dire Parole Vérité Jouissance Réel Linguistique Linguisterie Science Connaissance Répétition Logique Poésie Rhétorique Dictionnaire Grammaire Un « cas » littéraire : Michel Leiris, Biffures , Gallimard, 2005 « Sur le sol impitoyable de la pièce, (…) un soldat était tombé. (…) L’essentiel n’était pas qu’un soldat fût tombé : un soldat, cela n’éveillait aucune résonance définie en moi. L’essentiel, c’était qu’il y eût quelque chose m’appartenant qui fût tombé et que cette chose m’appartenant fût un jouet (…). L’un de mes jouets – et peu importait ce qu’il fût : il suffisait qu’il fût un jouet – l’un de mes jouets était tombé. (…) L’un de mes jouets, du fait de ma maladresse – cause initiale de la chute – se trouvait sous le coup d’avaoir été cassé. L’un de mes jouets, c’est-à-dire un des éléments du monde auxquels, en ce temps-là, j’étais le plus étroitement attaché. Rapidement je me baissai, ramassai le soldat, le palpai et le regardai. Il n’était pas cassé, et vive fût ma joie. Ce que j’exprimai en m’écriant : « … Reusement! ». Quelqu’un de plus averti (…) me fit observer (…) que c’est « heureusement » qu’il faut dire et non, ainsi que j’avais fait : « … Reusement! ». L’observation coupa court à ma joie ou plutôt (…) eut tôt fait de remplacer la joie (…) par un sentiment curieux. » D’où, déchirement d’un voile, éclatement d’une vérité : l’interjection privée, hors sens, bascule dans le langage socialisé. * Les citations et la conception du présent poster s’appuient sur les Ecrits et les Séminaires XIX à XXV et XXVII de Jacques Lacan, éd. du Seuil, coll. Champ Freudien. Sens Inconscient & Signifiant « L’inconscient est structuré comme un langage » « La jouissance est interdite à qui parle comme tel » : la jouissance est soumise au signifiant et aux lois de la métaphore et de la métonymie. L’analyste interprète et le sujet se voit délivrer une nouvelle signification. Importance du Symbolique (« le signifiant est le meurtre de la chose ») et de l’Imaginaire (le rapport au petit autre, stade du miroir) L’inconscient, comme la lalangue, ont un rapport étroit à la grammaire, la répétition, la logique, l’homonymie, l’équivoque. Fonction de la parole : permet d’approcher le Réel par l’intermédiaire des signifiants et ça s’articule dans lalangue. La parole est un « Dire » et l »le propre du dire, c’est d’exister par rapport à quelque dit que ce soit ». Signification – vrai – Vérité toute Schéma L Graphe du désir Inconscient & Jouissance « Là où ça parle, ça jouit, et ça sait rien » Champ du langage : constitué par lalangue, de l’incompréhension comme telle (exclut toute psychologie !), entours du Réel. Le Sujet interprète et en jouit : « L’inconscient interprète » (et ment à l’occasion). L’objet (a), avec le symptôme comme « le plus réel » du Sujet, fait événement de corps, nouage de la jouissance et de lalangue : « j’ouis sens », sens jouis. Le Réel est ce qui échappe à l’interprétation, le hors sens. L’analyste opère entre « citation et énigme ». L’interprétation est équivoque, un mi-dire qui vise la réduction du rapport du sujet à la jouissance et va contre le sens et le transfert. Elle est acte de l’analyste. Elle permet de cerner le Réel, cette impossible écriture du rapport sexuel (« ce qui ne cesse de ne pas s’écrire »). Référence faite à la poésie (sens double : effet de sens & effet de trou) Du dire aux dits : « Il n’y a de l’inconscient que du dit », « le propre du dire, c’est l’être », inter - dits. La vérité ne peut pas-toute être; elle est mi-dite. Rien ne prend sens que des rapports d’un discours à un autre discours. Lalangue prête à cette fonction que le sens y ruisselle. Jouissance, réel & lalangue Jouissance & Castration : L’étant parle. La jouissance sexuelle ne peut s’articuler que si elle rencontre ceci qui n’a dimension que de « lalangue » et qui s’appelle la castration (voir ex. de Michel Leiris) Jouissance & Parole : « Là où ça parle, ça jouit, et ça sait rien »; « Rapport de cet être parlant avec son corps » chez qui la jouissance sexuelle émerge plus tôt que la maturité (jouissance perverse). Le nœud, c’est lalangue et, dans le champ de lalangue, l’opération de la parole ». Le sexe, c’est un dire. Le sexe ne définit pas un rapport : il n’y a pas de rapport sexuel. Il n’y a avec le partenaire sexuel aucun rapport autre que par l’intermédiaire de ce qui fait sens dans lalangue. Les 3 registres de l’inconscient, Réel Symbolique Imaginaire : « la mention du dit à quoi nous permet d’accéder le nœud borroméen, c’est le réel ». Il y a corps : corps de l’Imaginaire, corps du Symbolique (c’est lalangue) et corps du Réel. Alors ? La lalangue, c’est … « La lalangue se distingue du structuralisme, pour autant qu’il intègrerait le langage à la sémiotique. ». Linguistique devient linguisterie : science dont l’objet est lalangue. Lalangue sert à tout autre chose qu’à la communication. L’expérience de l’inconscient, en tant qu’il est fait de lalangue dite maternelle, ne garantit pas que c’est bien d’eux-deux qu’il s’agit. C’est l’ensemble des femmes qui engendre lalangue. Lalangue nous affecte d’abord par tout ce qu’elle comporte comme effets qui sont affects. Lalangue se caractérise par l’équivoque. Le trait d’esprit dans l’inconscient est lié à l’acquisition de lalangue. « Le langage est une élucubration de savoir sur lalangue. Le langage n’est que ce qu’élabore le discours scientifique de ce que j’appelle lalangue. La connaissance de la science n’est pas le savoir de l’inconscient, le savoir faire avec lalangue. Accorder l’importance, dans la pratique analytique, au matériel de lalangue. Lalangue ek-siste ailleurs que dans ce que le Sujet croit être son monde. Elle est une affaire commune. Difficulté de traduire lalangue : résistance de lalangue anglaise, lalangue japonaise joue difficilement de l’inconscient, etc. Lalangue Symbolique Imaginaire CHA … PEAU Signification Savoir

Transcript of Qu’est-ce que la lalangue - Université de...

Page 1: Qu’est-ce que la lalangue - Université de Monshosting.umons.ac.be/aspnet/mdc2011/upload/739.pdf · 2011-03-21 · Jacques Lacan (1901-1981) est un psychanalyste français. Son

Qu’est-ce que la lalangue ?

Anne Cosyn & Bernard Harmegnies, 2011. Service de Métrologie et de Sciences du Langage, FPSE, Université de Mons [email protected][email protected]

Un concept psychanalytique de Jacques Lacan* Jacques Lacan (1901-1981) est un psychanalyste français. Son enseignement fût principalement oral, sous forme de séminaires, au début des années 50 : il lut et commenta Freud, le livre à la main. Il fondait sa démarche sur la clinique à partir de laquelle il articulait et élaborait la théorie. Le concept de lalangue apparaît en 1971, dans la deuxième partie de son enseignement marquée par la primauté de la jouissance, là où la première partie s’orientait du prima du signifiant.

« Si vous avez compris, vous avez sûrement tort » (Jacques Lacan)

Lalangue

Incon

scien

t

Langage Langue

Dits Dire

Parole

Vérité

Joui

ssan

ce

Rée

l

Linguistique

Linguisterie

Science

Connaissance

Répé

tition

Lo

giqu

e

Poésie

Rhétorique

Dictionnaire

Grammair

e

Un « cas » littéraire : Michel Leiris, Biffures, Gallimard, 2005 « Sur le sol impitoyable de la pièce, (…) un soldat était tombé. (…) L’essentiel n’était pas qu’un soldat fût tombé : un soldat, cela n’éveillait

aucune résonance définie en moi. L’essentiel, c’était qu’il y eût quelque chose m’appartenant qui fût tombé et que cette chose m’appartenant fût un jouet (…). L’un de mes jouets – et peu importait ce qu’il fût : il suffisait qu’il fût un jouet – l’un de mes jouets était tombé. (…) L’un de mes jouets, du fait de ma maladresse – cause initiale de la chute – se trouvait sous le coup d’avaoir été cassé. L’un de mes jouets, c’est-à-dire un des éléments du monde auxquels, en ce temps-là, j’étais le plus étroitement attaché.

Rapidement je me baissai, ramassai le soldat, le palpai et le regardai. Il n’était pas cassé, et vive fût ma joie. Ce que j’exprimai en m’écriant : « … Reusement! ». Quelqu’un de plus averti (…) me fit observer (…) que c’est « heureusement » qu’il faut dire et non, ainsi que j’avais fait : « … Reusement! ». L’observation coupa court à ma joie ou plutôt (…) eut tôt fait de remplacer la joie (…) par un sentiment curieux. »

D’où, déchirement d’un voile, éclatement d’une vérité : l’interjection privée, hors sens, bascule dans le langage socialisé.

* Les citations et la conception du présent poster s’appuient sur les Ecrits et les Séminaires XIX à XXV et XXVII de Jacques Lacan, éd. du Seuil, coll. Champ Freudien.

Sens

Inconscient & Signifiant

« L’inconscient est structuré comme un langage » •  « La jouissance est interdite à qui parle comme tel » : la jouissance est soumise au signifiant et aux lois de la métaphore et de la métonymie. •  L’analyste interprète et le sujet se voit délivrer une nouvelle signification. •  Importance du Symbolique (« le signifiant est le meurtre de la chose ») et de l’Imaginaire (le rapport au petit autre, stade du miroir) •  L’inconscient, comme la lalangue, ont un rapport étroit à la grammaire, la répétition, la logique, l’homonymie, l’équivoque. •  Fonction de la parole : permet d’approcher le Réel par l’intermédiaire des signifiants et ça s’articule dans lalangue. •  La parole est un « Dire » et l »le propre du dire, c’est d’exister par rapport à quelque dit que ce soit ». •  Signification – vrai – Vérité toute

•  Schéma L Graphe du désir

Inconscient & Jouissance « Là où ça parle, ça jouit, et ça sait rien »

•  Champ du langage : constitué par lalangue, de l’incompréhension comme telle (exclut toute psychologie !), entours du Réel. • Le Sujet interprète et en jouit : « L’inconscient interprète » (et ment à l’occasion). L’objet (a), avec le symptôme comme « le plus réel » du Sujet, fait événement de corps, nouage de la jouissance et de lalangue : « j’ouis sens », sens jouis. •  Le Réel est ce qui échappe à l’interprétation, le hors sens. •  L’analyste opère entre « citation et énigme ». L’interprétation est équivoque, un mi-dire qui vise la réduction du rapport du sujet à la jouissance et va contre le sens et le transfert. Elle est acte de l’analyste. Elle permet de cerner le Réel, cette impossible écriture du rapport sexuel (« ce qui ne cesse de ne pas s’écrire »). Référence faite à la poésie (sens double : effet de sens & effet de trou) •  Du dire aux dits : « Il n’y a de l’inconscient que du dit », « le propre du dire, c’est l’être », inter - dits. •  La vérité ne peut pas-toute être; elle est mi-dite. •  Rien ne prend sens que des rapports d’un discours à un autre discours. Lalangue prête à cette fonction que le sens y ruisselle.

Jouissance, réel & lalangue •  Jouissance & Castration : L’étant parle. La jouissance sexuelle ne peut s’articuler que si elle rencontre ceci qui n’a dimension que de « lalangue » et qui s’appelle la castration (voir ex. de Michel Leiris) •  Jouissance & Parole : « Là où ça parle, ça jouit, et ça sait rien »; « Rapport de cet être parlant avec son corps » chez qui la jouissance sexuelle émerge plus tôt que la maturité (jouissance perverse). Le nœud, c’est lalangue et, dans le champ de lalangue, l’opération de la parole ». •  Le sexe, c’est un dire. Le sexe ne définit pas un rapport : il n’y a pas de rapport sexuel. Il n’y a avec le partenaire sexuel aucun rapport autre que par l’intermédiaire de ce qui fait sens dans lalangue.

•  Les 3 registres de l’inconscient, Réel – Symbolique – Imaginaire : « la mention du dit à quoi nous permet d’accéder le nœud borroméen, c’est le réel ». Il y a corps : corps de l’Imaginaire, corps du Symbolique (c’est lalangue) et corps du Réel.

Alors ? La lalangue, c’est … •  « La lalangue se distingue du structuralisme, pour autant qu’il intègrerait le langage à la sémiotique. ». Linguistique devient linguisterie : science dont l’objet est lalangue. •  Lalangue sert à tout autre chose qu’à la communication. L’expérience de l’inconscient, en tant qu’il est fait de lalangue dite maternelle, ne garantit pas que c’est bien d’eux-deux qu’il s’agit. C’est l’ensemble des femmes qui engendre lalangue. •  Lalangue nous affecte d’abord par tout ce qu’elle comporte comme effets qui sont affects. •  Lalangue se caractérise par l’équivoque. Le trait d’esprit dans l’inconscient est lié à l’acquisition de lalangue. •  « Le langage est une élucubration de savoir sur lalangue. Le langage n’est que ce qu’élabore le discours scientifique de ce que j’appelle lalangue. La connaissance de la science n’est pas le savoir de l’inconscient, le savoir faire avec lalangue. •  Accorder l’importance, dans la pratique analytique, au matériel de lalangue. Lalangue ek-siste ailleurs que dans ce que le Sujet croit être son monde. Elle est une affaire commune. •  Difficulté de traduire lalangue : résistance de lalangue anglaise, lalangue japonaise joue difficilement de l’inconscient, etc.

Lalangue Sym

bolique

Imaginaire

CHA … PEAU

Signification

Sav

oir