n° 284 la revue internationale de la DANSE

68
1 4,90 (France et autres pays Euro) • UK 5,00 £ • Switzerland 8,00 CHF • USA 8,00 $ • Canada 7,00 $; TOM 650 CFP) n° 284 la revue internationale de la DANSE FRANCE Pina à jamais

Transcript of n° 284 la revue internationale de la DANSE

Page 1: n° 284 la revue internationale de la DANSE

1

4,90 €

(Fra

nce

et au

tres

pays

Eur

o) •

UK 5

,00 £

• Sw

itzer

land

8,00

CHF

• USA

8,00

$ •

Cana

da 7

,00 $

; TOM

650

CFP

)

n° 284 • la revue internationale de la DANSE

FRA

NC

E

Pinaà jamais

Page 2: n° 284 la revue internationale de la DANSE

2

Page 3: n° 284 la revue internationale de la DANSE

3

Page 4: n° 284 la revue internationale de la DANSE

4

Page 5: n° 284 la revue internationale de la DANSE

5

En couverture, la dernière pièce(2009) de Pina Bausch: “Como el

musguito en la piedra, ay, sí sí sí...”interprète Anna Wehsarg,

Tanztheater Wuppertal, Santiago duChili, 2009. Photo © Ninni Romeo

Ballet de Hambourg: “Duse”

Het Nationale Ballet: “Frida”

Staatsballett Berlin: “LIB”

Directeur - rédacteur en chefAlfio Agostini

CollaborateursErik AschengreenLeonetta BentivoglioDonatella BertozziValeria CrippaClement CrispGerald DowlerMarinella GuatteriniElisa Guzzo VaccarinoMarc HaegemanAnna KisselgoffDieudonné KorolakinaKevin NgJean Pierre PastoriMartine PlanellsOlga RozanovaRoger SalasSonia SchoonejansRené SirvinLilo Weber

Rédacteur principalCristiano MerloTraductionsSimonetta AllderCristiano MerloServices d’édition, graphique, webLuca Ruzza

Publicité[email protected]ée de communication et publicitépour la FranceAnne-Marie Fourcade 06.99.55.96.52 [email protected]

[email protected]

n° 284 - II. 2020

BALLET 2000B.P. 1283 – 06005 Nice cedex 01 – Ftél. (+33) 09.82.29.82.84

Éditions Ballet 2000 Sarl – FranceISSN 2493-3856Commission Paritaire P.A.P. 0723K91919Distribution : Messageries Lyonnaises dePresse, 76 rue de Reuilly, 75012 ParisImprimé en France/Printed in France byImprimerie Trulli - 06140 Vence

www.ballet2000.come-mail: [email protected]

la revue internationale de la danseédition FRANCE

6 Echos – nouvelles du monde de la danse

22 La couverture :Pina à jamaisLe retour de Barbe-Bleue

30 En scène – critiques :The Royal Ballet, LondresLes Ballets de Monte-CarloBallet de HambourgHet Nationale Ballet, AmsterdamEnglish National BalletPaul Taylor Dance CompanySão Paulo Dance CompanyLe Ballet de La Scala, MilanStaatsballett BerlinBallet du Théâtre Stanislavsky de MoscouCannes Jeune BalletBallet de l’Opéra de ParisTatiana JulienConservatoire NSMD Paris

47 Prix de Lausanne

50 Multimédia : TV, Web, Dvd, Cinéma...

56 Programmes TV

58 Calendrier international

Page 6: n° 284 la revue internationale de la DANSE

6

Anna Tsygankova – Het Nationale Ballet:“Grosse Fuge”, c. Hans van Manen

(ph. A. Sterling)

Page 7: n° 284 la revue internationale de la DANSE

7

ECHOS • ECHOS • ECHOS • ECHOS • BREVI • ECHOS • ECHOS • ECHOS • ECHOS • ECHOS • ECHOS • ECHOS • ECHOS NEWS • ECHOS • BREVI • BREVES • NEWS • ECHOS • BREVI • BREVES • NEWS • ECHOS • BREVI • BREVES • ECHOS

BalletBoyz: “Bradley 4:18”, c. Maxine Doyle (ph. G. Piper)

Compagnies

La Hollande pour BeethovenGeorge Balanchine dit: «La danse devrait laisserde côté Beethoven; sa musique ne se prête pas àêtre chorégraphiée». Mais ce n’est pas l’avis detout le monde. Un certain nombre d’auteursmajeurs ne sont pas d’accord avec celui qui estconsidéré comme le plus grand chorégraphe duXXe siècle. C’est ainsi qu’en juin prochain, HetNationale Ballet (la compagnie nationalehollandaise) d’Amsterdam présente une soiréede ballet en hommage au génie de Bonn. Leprogramme s’ouvre avec Grosse Fuge de Hansvan Manen, pièce historique de 1971 avec sesgarçons en jupe qui évoquent l’images dessamouraïs. Suit un autre chorégraphe hollandaisimportant, Toer van Schayk, avec sa compositionchorégraphique de 1986 sur la SeptièmeSymphonie. Et, finalement, une création sur LesCréatures de Prométhée, la seule musique pourballet que Beethoven ait composée au début duXIXe siècle: ce ballet d’action allégorique(chorégraphié à l’origine à Vienne par SalvatoreViganò) sera recréé par trois jeunes chorégraphesémergents, Wubkje Kuindersma, Ernst Meisneret Remi Wörtmeyer. Dans une dimensionabstraite, ils évoquent le mythe de Prométhée –l’ami du progrès qui vole le feu aux dieux pour ledonner aux hommes. Par la réunion de ces troisauteurs, Het Nationale Ballet se propose dereformer un autre trio, après l’historique des trois«van»: Hans van Manen, Rudi van Dantzig etToer van Schayk, vedettes de l’époque dorée duballet moderne hollandais.

Toulouse-Lautrec à ToulouseKader Belarbi (57 ans, ancien danseur-étoile del’Opéra de Paris) dirige depuis 2012 le Balletdu Capitole de Toulouse et a aussi créé pourcette compagnie quelques ballets. Le prochainsera présenté à Toulouse au mois de mai. Il estconsacré à Henri de Toulouse-Lautrec et à sonunivers pictural bariolé représentant la fureur etles mélancolies du Paris de la Belle Époque. Pourmettre davantage en relief la composante visuellede la production, la technologie en 3D entreradans le spectacle, de sorte que le public devraporter des lunettes spéciales. Bruno Coulais estl’auteur de la partition musicale.

Les BalletBoyz ont 20 ansSi autrefois les danseurs (on ne parle que desgarçons) de renom se comptaient sur les doigtsd’une main, aujourd’hui la danse masculine agagné en popularité et intérêt et fait concurrenceaux danseuses et aux ballerines. La techniqueclassique masculine a beaucoup évoluée parrapport à celle d’autrefois et la danse contempo-raine a offert aux hommes de nouveaux rôles etde plus grandes possibilités. Ce n’est pas unhasard si les BalletBoyz ont été fondés il y avingt ans. Créé par deux danseurs du Royal Ballet,Michael Nunn et William Trevitt (qui se

produisirent aussi avec Sylvie Guillem, laquellecontribua sans aucun doute à leur notoriété), legroupe a ensuite enchaîné plusieurs formationsmais avec une constante: la compagnie ne secompose que de garçons. D’autres danseurs ont

ensuite formé occasionnellement des groupessimilaires pour célébrer la danse masculine, sapuissance, son athlétisme et sa dynamique. Finmars, un nouveau spectacle des BalletBoyzarrive au Sadler’s Wells Theatre de Londres à

En ces mois où les conditions de travail et de vie dus au confinement sont difficiles, unpréjudice terrible est porté au monde de la danse, fait de public, de théâtres, de compa-

gnies, d’écoles et de libres activités, ensemble. Tout est annulé pour un temps inconnu.Dans ce contexte, BALLET2000 doit changer le plan de ses parutions.

Ce numéro 284 paraît avec un certain retard, mais ses contenus sont ceux auxquels leslecteurs sont habitués. Les nombreux comptes-rendus des spectacles récents et que

l’on verra dans les saisons à venir restent à l’ordre du jour; mais de nombreux événementsont été annulés au moment même où ce numéro se rédigeait. On a cependant cherché àgarder le plus possible ce qui était d’actualité et à nous projeter dans le futur; aussi lecalendrier des spectacles est plus court et l’incertitude de leur programmation demeure.Le «Spécial Photos 2020» prévu, prendra la place du numéro 285. Avec le suivant, le 286(juin), la cadence reprendra sa régularité. Naturellement, les abonnés ne perdront rien etrecevront les 7 numéros prévus de leur abonnement.

Maintes compagnies de ballet et de danse moderne et contemporaine du monde entiercherchent à garder le contact avec leur public en offrant à tout le monde, gratuite-

ment, leurs spectacles les plus récents sous forme ‘virtuelle’, c’est-à-dire sur le web, surleur site en streaming ou sur leur chaîne YouTube. Voir article à la p. 50.

La couverture et les pages principales de ce numéro sont consacrées à Pina Bausch, 80ans après sa naissance et 10 ans après sa mort, à l’occasion de la récente reprise, à

Wuppertal et à Londres (et ensuite en tournée), de Blaubart, une pièce de 1977 de la grandechorégraphe allemande.Leonetta Bentivoglio, spécialiste parmi les spécialistes de Bausch, nous parle de ce specta-cle et nous offre une vive fresque de l’œuvre de «sa» Pina.

Cette couverture n’est pas une photo d’archives parmi tant d’autres; c’est une image dela dernière création de Bausch, Como el musguito en la piedra, ay, sí sí sí... captée par

Ninni Romeo, photographe inspirée et pendant trente ans fidèle amie de Pina et de la com-pagnie de Wuppertal. La photo a été prise à Santiago du Chili en 2009, quelques moisaprès la disparition de la chorégraphe. Un sourire, une pose à la séduction ironique, un caféservi à on ne sait qui, une sortie de scène qui conduit on ne sait où. Bref, le monde de Pina.Peut-être, le nôtre encore, dans ces temps inouïs, vingt ans après.

A.A.

Page 8: n° 284 la revue internationale de la DANSE

8

NEWS • ECHOS • BREVI • BREVES • NEWS • ECHOS • BREVI • BREVES • NEWS • ECHOS • BREVI • BREVES • ECHOS•

Les quatre-vingts ans deVladimir VassilievLe 18 avril Vladimir Vassilievfête ses 80 ans, mais le granddanseur russe, symbole mas-culin de toute une époque duballet soviétique, n’a aucuneintention de quitter la scène.Le Théâtre Bolchoï de Mos-cou, sa maison artistique (théâ-tre dont il a même été direc-teur général) le célèbre commeil se doit, précisément le jourde son anniversaire. À l’affi-che, And the eternal light willshine (“Et la lumière éternelle brillera”), une création de Vassiliev lui-même sur le Requiemde Mozart pour les danseurs, les chanteurs et l’orchestre du Théâtre de l’Opéra de Ka-zan, capitale de la république russe du Tatars-tan (le spectacle sera présenté en avant-première à Kazan quelques jours auparavant). Le grand ‘Volodia’ se réserve le rôle princi-pal et monte ainsi à nouveau sur les planches de son théâtre. Quelques jours plus tard, ilsera sur scène aussi à Perm (dans la Russie centrale). Au Théâtre de l’Opéra qui porte lenom de Tchaïkovsky, il campera le père d’Anyouta, dans son vieux ballet inspiré du récitd’Anton Tchekhov, où, dans le rôle-titre, brillait, en son temps, sa partenaire historique etépouse Ekaterina Maximova (disparue en 2009). La ‘première’ de ce ballet à Perm a lieu àl’occasion de l’ouverture du prestigieux concours Arabesque, présidé aujourd’hui par Vla-dimir Vassiliev (et autrefois par Maximova). C’est un moment important pour la grandefamille russe du ballet: elle se réunit tous les deux ans pendant deux semaines, sous l’égidede Vassiliev, dans cette ville lointaine de Russie (mais importante pour le ballet) et y invitedes artistes et des journalistes des quatre coins du monde.

Olessia Novikova et Léonide Sarafanov àl’Opéra de Rome dans “Le Corsaire”,

version de José Carlos Martínez(ph. Y. Kageyama)

Vladimir Vassiliev au Théâtre Bolchoï de Moscou

Wiener Staatsballett: “The Second Detail”, c. William Forsythe (ph. M. Pöhn)

l’occasion des célébrations pour leurs vingt ans.Le programme s’intitule «Delux» et prévoit descréations du Chinois Xie Xin et de l’AnglaiseMaxine Doyle.

Triptyque romainAprès Le Corsaire dans la version chorégra-phique de José Carlos Martínez, le Ballet del’Opéra de Rome devrait revenir sur scène aumois de mai, sauf en cas de nouvelles restric-tions dues à l’épidémie en cours. En ouverturede la nouvelle soirée, on affiche Suite en blanc(1943), le ballet de Serge Lifar le plus connu etle plus représenté, sur des extraits de Namounad’Édouard Lalo: une suite d’études de techni-que de la danse d’école remaniées de façon trèsoriginale dans un contexte scénique; sur un pla-teau à plusieurs niveaux, domine le blanc, lacouleur traditionnelle de l’‘acte abstrait’ du bal-let romantique. Suit Serenade de Balanchine(1936): avec son atmosphère lunaire et con-

Page 9: n° 284 la revue internationale de la DANSE

9

ECHOS • ECHOS • ECHOS • ECHOS • BREVI • ECHOS • ECHOS • ECHOS • ECHOS • ECHOS • ECHOS • ECHOS • ECHOS NEWS • ECHOS • BREVI • BREVES • NEWS • ECHOS • BREVI • BREVES • NEWS • ECHOS • BREVI • BREVES • ECHOS

McGregor, en Enfer ou au Paradis?La prochaine création de Wayne McGregor (50 ans) est très ambitieuse. Entre mai et juinprochain, le chorégraphe résident du Covent Garden de Londres crée à nouveau pour leRoyal Ballet et tire son inspiration de rien de moins que de la Divine Comédie de Dante.The Dante Project est en effet le titre de cette pièce sur toute une soirée, la deuxième duchorégraphe anglais, après Woolf Works, autre ballet de grande envergure créé pour AlessandraFerri et basé sur la vie et des œuvres de Virginia Woolf.On dirait donc une seconde phase créatrice du chorégraphe, après ses pièces courtes quis’imposaient le plus souvent pour une danse désarticulée, nerveuse et presque acrobatiqueet pour un contexte théâtral et visuel lié à des études souvent à caractère neurologique.Cette danse peu «classique» (McGregor n’ayant pas une formation académique) et l’atmosphèrecérébrale de ses pièces ont été les raisons soutenues par une partie de la critique britanniqueselon laquelle McGregor ne devrait pas être le chorégraphe résident d’une grande compagniede ballet. C’est peut-être suite à ces critiques que le chorégraphe est allé à la recherched’une gestuelle chorégraphique plus harmonieuse (ayant probablement subi l’influence desa collaboration avec Ferri); il a eu aussi recours à des librettistes pour puiser davantagedans le domaine littéraire que dans le domaine scientifique. Toutefois ce nouveau genre nesemble pas avoir réconcilié le chorégraphe avec ses détracteurs anglais. Wayne McGregorcontinue de partager le public et la critique. D’un côté, ses admirateurs qui voient en lui unnovateur audacieux et brillant et, de l’autre, ceux qui le considèrent tout simplement comme«déplacé». Ce qui ne l’empêche pas d’être programmé dans de grands théâtres, de l’Opérade Paris à La Scala de Milan: certaines fuites laissent penser que Milan devrait présenterune de ses créations la saison prochaine.Pour l’instant, nous savons que le nouveau ballet présenté au Covent Garden sera divisé entrois actes, correspondant aux trois chants de l’œuvre de Dante (Enfer, Purgatoire et Paradis),sur une création musicale du compositeur et directeur d’orchestre Thomas Adès. Les décorset costumes sont de Tacita Deanet les éclairages de Lucy Carter,collaboratrice fidèle et appréciée deMcGregor.

“The Dante Project (Hell)” de Wayne McGregor, présenté en avant-première l’annéedernière à Los Angeles; sur la photo, Francesca Hayward et Matthew Ball du Royal Ballet

de Londres (ph. C. Mann)

Wayne McGregor(ph. L. Nylind)

templative, cette œuvre semble plonger dans latradition du “ballet blanc” ou du “ballet azur”,qu’elle revisite dans un cadre visuel essentiel etpar son inventivité chorégraphique novatrice.Finalement, une entrée au répertoire pourl’Opéra de Rome: la création de 2012 du choré-graphe polonais Krzysztof Pastor sur Bolérode Maurice Ravel, déjà donnée, entre autres, àAmsterdam et à Varsovie.

LaMov et l’Espagne de BuñuelLaMov, compagnie active à Saragosse (Espa-gne) depuis 2008, dirigée par Víctor Jiménez,ancien danseur principal du Béjart Ballet Lau-sanne et de l’Opéra de Lyon, a centré sa pro-grammation 2020 sur le travail de jeunes choré-graphes pour un programme qui débutera enjuin au Teatro Principal de sa ville. Par la suite,il sera présenté en tournée dans le sud de laFrance grâce au projet Pyrenart financé parl’Union Européenne, et puis encore dans toutel’Espagne avec Terrenal et Tempus Fugit, deuxcréations de l’année dernière. Le nouveau spec-tacle en préparation s’intitule Exit-Buñuel, unepièce chorale de ballet contemporain inspiréede l’esthétique du grand réalisateur espagnolLuis Buñuel.

Nuances de balletEntre avril et mai, le Ballet de l’Opéra deVienne est sur scène avec un programme quise présente comme un hommage aux différen-tes variantes qui peuvent caractériser la danseacadémique de nos jours. Études (1948) du cho-régraphe danois Harald Lander déploie les co-des de la «classe de danse classique» dans uneforme scénique fort originale qui souligne le brio

Page 10: n° 284 la revue internationale de la DANSE

10

NEWS • ECHOS • BREVI • BREVES • NEWS • ECHOS • BREVI • BREVES • NEWS • ECHOS • BREVI • BREVES • ECHOS•

Ashley Hod – New York City Ballet:“A Midsummer Night’s Dream”,

c. George Balanchine (ph. P. Kolnik)

Catherine Hurlin e Aran Bell – American Ballet Theatre: “Of Love and Rage”, c. Alexei Ratmansky (ph. E. Baiano)

technique et le style raffiné d’une chorégraphietrès difficile à exécuter. Beaucoup plus récent,1991, The Second Detail, l’une des pièces deWilliam Forsythe qui montre au mieux l’audacede ce grand réformateur du ballet contempo-rain, capable de mener à l’extrême les formeset la dynamique de la danse classique. Le pro-gramme sera complété par une pièce de NataliaHorecna (46 ans, slovaque) qui, avec ContraClockwise Witness, se propose de faire surgirune atmosphère pétrie d’humour noir.

Du nouveau et du solide à NYEntre avril et mai, la «Spring Season», la saisonde printemps, du New York City Ballet auLincoln Center est nettement séparée en deux.D’un côté, on trouve une série de programmesconsacrés à la chorégraphie du XXIe siècle avecdes créations signées récemment pour la com-pagnie new-yorkaise par des chorégraphes derenom du panorama international ou révélés parles ateliers ou les projets pour nouveaux choré-graphes du NYCB. Comme on le sait, la com-pagnie est une pépinière de jeunes auteurs. Ainsi,aux côtés de Lauren Lovette ou Gianna Reisen(qui a créé pour le NYCB pour la première foisà l’âge de 18 ans seulement en 2017), on afficheJustin Peck, actuel chorégraphe résident de latroupe mais désormais avec une carrière inter-nationale à succès, et les noms célèbres du pa-norama chorégraphique internationald’aujourd’hui, de Christopher Wheeldon àAlexei Ratmansky. L’autre programme de lasaison est consacré aux valeurs confirmées duNYCB: Jerome Robbins et surtout le père fon-dateur George Balanchine, avec trois program-mes ‘monographiques’ et la reprise, qui clôturela saison, de son Songe d’une nuit d’été.

80 ans d’ABTCette année, l’American BalletTheatre fête ses 80 ans.L’habituelle saison de printempsau Metropolitan (entre mai etjuin) devient donc une occasionpour célébrer cet événement.Alexei Ratmansky, chorégrapherésident de l’ABT, présente àNew York sa dernière créationpour la compagnie: Of Love andrage («De l’amour et de lacolère») qui s’inspire d’Achéréaset Callirhoé, une histoired’amour, ouvrage de l’écrivaingrec Chariton d’Aphrodise (IIesiècle). Cette dix-septième piècede Ratmansky pour l’ABT, régléesur des musiques d’AramKatchatourian, a été présentée enavant-première en mars à CostaMesa (Californie), désormaissorte de seconde ville de lacompagnie new-yorkaise. Lasaison est aussi l’occasion pourreprendre la célèbre (bien quecontroversée) versionchorégraphique de NataliaMakarova de La Bayadère, crééeprécisément pour l’ABT il y aquarante ans et représentéedepuis dans plusieurs théâtres dumonde. Elle a certainement lemérite d’avoir diffusé en

Occident, dans sa forme intégrale, ce ballet durépertoire russe du XIXe siècle, dont jusqu’alorson ne connaissait que ‘l’Acte des Ombres’. Leprogramme new-yorkais enchaîne ensuite une

Page 11: n° 284 la revue internationale de la DANSE

11

Page 12: n° 284 la revue internationale de la DANSE

12

NEWS • ECHOS • BREVI • BREVES • NEWS • ECHOS • BREVI • BREVES • NEWS • ECHOS • BREVI • BREVES • ECHOS•

Berlin, fin de lacodirectionSasha Waltz e t JohannesÖhman (voir photo) ont faitsavoir qu’i ls qui t teront ladirect ion du StaatsballettBerlin (la compagnie de balletde l’Opéra de Berlin), fin 2020.Quand la chorégraphe allemandeSasha Waltz, figure de proue dela danse contemporaine en Allemagne et ailleurs avait été nommée en poste, de fortespolémiques se déclenchèrent: un bon nombre redoutait que Waltz transforme la compagniede ballet d’une grande maison d’opéra en une sorte de compagnie d’auteur pour sescréations. Le fait d’avoir mis à ses côtés Johannes Öhman, en son temps directeurdu Ballet Royal Suédois à Stockholm, devait empêcher cette éventualité. La codirectionse proposait précisément le maintien de la tradition académique de la troupe, et d’yassocier des créations de chorégraphes actuels (dont Sasha Waltz elle-même), selonle modèle suivi actuellement par la plupart des compagnies de ballet. Après laprésentation de la première saison en 2018, les polémiques se calmèrent lentementprécisément parce qu’on continuait d’afficher des ballets du répertoire classique etde grands chorégraphes du XXe siècle, sans trop altérer l’identité de la compagnie.Toutefois, Johannes Öhman a fait savoir qu’il a accepté la direction de la DansensHus (Maison de la Danse) de Stockholm à partir de 2021 et va donc devoir quitterses fonctions à Berlin (la Dansens Hus est un théâtre avec une programmation dedanse contemporaine suédoise et internationale, semblable dans sa conception à laMaison de la Danse de Lyon). De son côté, Waltz a déclaré qu’elle ne veut pas pour-suivre toute seule un projet de direction qui dès le début avait été conçu ‘en tan-dem’, et qu’elle se concentrera sur son activité créatrice. Pour l’instant, on n’a pasannoncé les noms d’éventuels successeurs.

Roberto Bolle en répétition avec MauroBigonzetti (ph. Brescia/Amisano)

Richard Alston avec ses danseurssur la scène du Sadler’s Wells Theatre de

Londres pour le dernier spectacle de laRichard Alston Dance Company

(ph. T. Kenton)

série de grands titres du ballet où alternent lesnombreux principals de la compagnie. À re-marquer la présence des ‘invités’ NataliaOssipova (du Royal Ballet de Londres), OlgaSmirnova (Théâtre Bolchoï de Moscou) et KiminKim (Ballet Mariinsky de Saint-Pétersbourg).Par ailleurs, Stella Abrera quitte la compagnie àla fin de la saison et fait ses adieux dans unereprésentation de Giselle en juin.

Chorégraphes

Une femme kamikaze à laScalaMauro Bigonzetti (60 ans), sans doute lechorégraphe italien le plus connu au niveauinternational, aurait dû présenter à La Scalade Milan, entre mars et avril, une création oùRoberto Bolle était censé tenir la vedette;mais, suite à l’urgence sanitaire, l’événementa été reporté; tous les théâtres ont été ferméset la création n’a pas pu voir le jour, pourl’instant tout au moins. La pièce, qui oc-cupe toute la soirée, s’intitule Madina: ellemet en scène une histoire inspirée d’un ro-man de l’écrivaine Emmanuelle de Villepin,un succès de 2009 qui raconte l’histoired’une femme kamikaze, mais qui n’a paschoisi de l’être, et qui décide, en fait, de nepas vouloir tuer et de ne pas vouloir se tuer.Le livret du ballet de Bigonzetti a été mis aupoint par l’écrivaine elle-même. Le compo-siteur Fabio Vacchi est l’auteur de la parti-tion, commandée par La Scala pour ceMadina, présenté comme une pièce qui alliedanse, textes, musique et chant.

Alston, adieu à la compagnie, pasau chorégrapheLa danse à Londres a perdu l’une de ses compa-gnies modernes les plus importantes. En mars, laRichard Alston Dance Company s’est produitedans son dernier spectacle au Sadler’s Wells Theatreavant de fermer à jamais. Son fondateur Richard

Alston a 71 ans et demeure l’un des chorégraphesanglais les plus aimés et appréciés des quarantedernières années, pour la musicalité raffinée de sescréations et l’inventivité chorégraphique originalequi remanie de manière personnelle et moderne lematériel de la danse d’école. Il a créé pour de nom-breuses compagnies britanniques, du Royal Balletde Londres au Scottish Ballet, de la compagnie de

Page 13: n° 284 la revue internationale de la DANSE

13

ECHOS • ECHOS • ECHOS • ECHOS • BREVI • ECHOS • ECHOS • ECHOS • ECHOS • ECHOS • ECHOS • ECHOS • ECHOS NEWS • ECHOS • BREVI • BREVES • NEWS • ECHOS • BREVI • BREVES • NEWS • ECHOS • BREVI • BREVES • ECHOS

Le double monde d’Akram KhanAkram Khan, 45 ans, Anglais originaire du Bangladesh, représenteparfaitement, par sa double identité, le métissage culturel qui acaractérisé de nombreux chorégraphes de son âge, ceux qui appartiennentà la danse ‘post-occidentale’, comme on l’appelle. Aux techniques dedanse, à la culture et aux esthétiques de l’Occident, ils ajoutent, eneffet, celles du monde oriental dont ils sont issus. Ce dialogue d’élémentsen contraste constitue la singularité de leur art, se caractérisant par unprocédé de fusion identitaire typique de la société mondialisée.Maintenant que Khan a quitté la scène en tant que danseur, touteson activité est concentrée sur la création, mais pas que pour les artistesde sa compagnie, la Akram Khan Dance Company.En mars, le chorégraphe a signé une pièce pour la cérémonie d’ouverturedes célébrations pour les cent ans de la naissance de Sheikh Mujibur,l’homme qui guida la lutte pour l’indépendance du Bangladesh duPakistan et qui est aujourd’hui considéré comme le père de la patrie.Une pièce pour 30 danseurs de son pays où Khan a mis en scènel’histoire de son enfance et de la fierté nationale que sa famille lui atransmise.Ensuite, début avril, dans l’autre partie du monde, au Sadler’s Wellsde Londres, le chorégraphe présente sa nouvelle pièce sur touteune soirée pour l’English National Ballet, après sa Giselle, une «relecture» à très grand succès, à l’ambiance spectrale et étoffée decitations chorégraphiques et musicales d’après le ballet romantique originel. À présent, pour son Creature, il s’inspire du récit Frankensteinde Mary Shelley, du mythe grec de Prométhée et du drame Woyzeck de Georg Büchner; et c’est peut-être sur l’«altérité», sur le rapportentre des dimensions culturelles et esthétiques «autres», que Khan s’appuie pour transposer sur scène l’ampleur «étrangement inquiétante»de ses sources occidentales d’inspiration. Vincenzo Lamagna, habituel collaborateur du chorégraphe, signe la partition musicale.

Akram Khan répète avec Jeffrey Cirio “Creature”, sa dernièrecréation pour l’English National Ballet (ph. L. Liotardo)

Une scène de “West Side Story” avec la mise en scène et la chorégraphie d’Anne Teresa DeKeersmaeker (ph. J. Versweyveld)

Michael Clark à la Rambert, compagnie historiquede la Grande Bretagne dont il a été chorégrapheprincipal et aussi directeur; en outre, il a connu unvif succès public et critique au niveau international.Quand, en 1994, il fut nommé directeur artistiquede The Place, haut lieu de la danse contemporaine àLondres, il y fonda justement la Richard AlstonDance Company. Aujourd’hui, elle est obligée defermer, faute de financements, suite au choix deThe Place d’entamer d’autres projets et de s’ache-miner sur d’autres voies. Alston a accepté avechonnêteté et discrétion les décisions de The Place;il a déclaré qu’il comprend la nécessité de cette«maison de la danse» de laisser la place à d’autresmais il a aussi dit que, si la compagnie touche à safin, lui n’est pas encore prêt à interrompre sonactivité artistique. Les adieux de la compagnie n’ontdonc pas été des adieux au chorégraphe. Unecréation d’Alston, sur la musique de ClaudioMonteverdi, a enrichi le spectacle au Sadler’s Wells,Voices and Light footsteps.

De Keersmaeker à BroadwayLa chorégraphe Anne Teresa De Keersmaekeret le metteur en scène Ivo Van Hove sont depuis le6 février à l’affiche de Broadway avec une nouvelleversion de West Side Story, la célèbre comédiemusicale composée par Leonard Bernstein etchorégraphiée par Jerome Robbins. Si l’histoirede Roméo et Juliette transposée en Amérique telleque l’avait conçue le tandem Bernstein/Robbinsreste au centre de l’actuelle réalisation, DeKeersmaeker a proposé une tout autrechorégraphie, en voulant tenir compte deschangements survenus au cours des cinquante

dernières années. C’est ainsi que les «Jets» nesont plus tous blancs et les «Sharks» ne sont plusexclusivement hispaniques. Après avoir abordé legrand opéra avec le Così fan tutte de Mozart,Keersmaeker n’hésite pas à affronter unmonument de la comédie musicale américaine.

Centaures artificielsCentaure, le titre de la nouvelle création de PontusLidberg pour le Ballet Royal Danois, pourraitfaire penser à l’évocation d’un ancien monde grecet de sa mythologie. Mais pas du tout, car la nouvelle

Page 14: n° 284 la revue internationale de la DANSE

14

NEWS • ECHOS • BREVI • BREVES • NEWS • ECHOS • BREVI • BREVES • NEWS • ECHOS • BREVI • BREVES • ECHOS•

Liam Scarlett dans la tempêteLes esclandres sexuels sont désormais de mise aussi dans le monde du spectacle. Après lecas Harvey Weinstein aux États-Unis, à l’origine du mouvement féministe #MeToo, etcelui de Joffrey Epstein qui a impliqué de nombreuses personnalités connues de la hautesociété internationale, on a assisté à l’affaire Gabriel Matzneff (écrivain pis en cause pourabus sur mineur de 15 ans) et aux polémiques pour le César à Roman Polanski pour sonfilm J’accuse, inspiré de l’affaire Dreyfus mais avec des références autobiographiques évidentes(depuis longtemps, Polanski a des problèmes avec la justice américaine pour harcèlementsexuel).Le monde du ballet ne fait pas exception, même si ce genre de nouvelles dans le milieuchorégraphique a moins de résonance. Au début ce furent, entre autres, Peter Martins, ex-directeur du New York City Ballet, et Marcelo Gomes, principal de l’American Ballet Theatrequi ont été mis en cause pour des «comportements sexuels inappropriés».À présent, c’est le Covent Garden de Londres qui a suspendu, à titre préventif, son plusjeune chorégraphe résident, Liam Scarlett (35 ans), après des accusations de harcèlementsexuel de la part de quelques-uns des danseurs et élèves. Toutefois, le Royal Ballet gardeau répertoire ses pièces et reste sur scène jusqu’au mois de mai sa récente version du Lacdes cygnes, l’un des ballets les plus importants qu’il ait créés à Londres. Par contre, d’autrescompagnies ont déjà retiré les pièces du chorégraphe, comme le Queensland Ballet en Aus-tralie et le San Francisco Ballet; depuis quelques années, en effet, le chorégraphe anglaismène une carrière largement internationale.

Liam Scarlett(ph. C. McAndrew)

Bradley Waller, Ida Praetorius: “Centaur”,c. Pontus Lidberg (ph. R. F. Solholm)

Compañía Nacionalde Danza: “Pulcinella”,c. Blanca Li (ph. A. Muriel)

pièce est centrée sur le sujet de l’intelligence artifi-cielle qui pourrait transformer l’homme en un semi-robot, d’où la référence à la nature double du cen-taure, mi-homme mi-cheval. Lidberg, chorégrapheet réalisateur suédois âgé de 43 ans, parmi les figu-

res de proue de l’effervescente danse contempo-raine suédoise, se lance dans cette nouvelle aven-ture, une création pour toute une soirée; elle seraprésentée en mai dans le théâtre moderne de l’Opérade Copenhague (associé à l’historique Théâtre Royalde la ville, siège depuis toujours de celle qui restel’une des compagnies de ballet les plus prestigieusesau monde). Précisément cette double identité del’homme nouveau oscillant entre sa nature humaineet la machine constitue l’inspiration chorégraphi-que de la pièce et le défi de son auteur.

Le Pulcinella de Blanca LiSur invitation du nouveaudirecteur de la CompañíaNacional de Danza deMadrid, Joaquín de Luz,Blanca Li a créé une pièce surPulcinella d’Igor Stravinsky, quia été présentée début mars àl’Auditorium Nacional deMúsica de la capitaleespagnole. Blanca Li a 56 ans.Espagnole de Grenade, elle acommencé à se faire remarquerdans le milieu chorégraphiquefrançais, après s’être formée auflamenco et puis, à New York,à la danse moderne, auprès deMartha Graham et MerceCunningham, et au hip hop. En

Page 15: n° 284 la revue internationale de la DANSE

15

Page 16: n° 284 la revue internationale de la DANSE

16

NEWS • ECHOS • BREVI • BREVES • NEWS • ECHOS • BREVI • BREVES • NEWS • ECHOS • BREVI • BREVES • ECHOS•

Eleonora Abbagnato quitte Paris mais reste àRomeEleonora Abbagnato aura 42 ans le 30 juin prochain. Elle doit donc quitter l’Opérade Paris, dont elle est danseuse étoile: en effet, à l’âge de 42 ans, la vénérablemaison parisienne impose la retraite pour tous ses danseurs, mais certains, notammentquand ils sont célèbres, choisissent tout de même de continuer leur carrière en dehorsdu théâtre.Les étoiles de l’Opéra de Paris jouissent du privilège d’une soirée d’adieux, enchoisissant une représentation de la saison en cours. Dans un premier temps,Abbagnato aurait dû prendre congé le 23 décembre dernier dans un rôle de Le Parcd’Angelin Preljocaj, chorégraphe qu’elle aime beaucoup et avec lequel elle a établiun lien artistique réussi au cours de sa carrière parisienne. Mais, suite aux grèvescontre la réforme des pensions de retraite, la soirée a été annulée et la direction duthéâtre a donc permis à la danseuse italienne de saluer son public dans un programmeexpressément conçu, le 18 mai prochain. L’ouverture, en grande pompe, prévoit lecélèbre défilé de la compagnie et de son école de danse, les élèves et les danseursavançant du magnifique Foyer de la Danse jusqu’au proscenium. Abbagnato seproduira ensuite dans In the Night de Jerome Robbins (dans le troisième pas dedeux, accompagnée par Audric Bezard); encore avec Bezard, dans La Rose maladede Roland Petit, chorégraphe qu’elle considère comme son mentor; avec StéphaneBullion, dans le pas de deux en noir de La Dame aux camélias de John Neumeier,autre ballet qu’elle a dansé de nombreuses fois; et, encore, avec Bullion, dans lepas de deux final, celui de l’envol, de Le Parc. Et pour l’accompagner, ses amisdanseurs se produiront dans de nombreux extraits: il faut remarquer entre autres lepas de deux tiré de Daphnis et Chloé de George Skibine que la petite Eleonoradansa quand elle était élève de l’école de l’Opéra.En dépit des polémiques pour une présumé attitude peu professionnelle à l’égarddes danseurs, Abbagnato continue de diriger la compagnie de l’Opéra de Rome etpoursuivra sa carrière de danseuse. Prochainement, elle incarnera le personnage té-nébreux, selon une certaine tradition historique, de Lucrezia Borgia, dans une piècedu chorégraphe Luciano Peparini, au programme dans plusieurs théâtres italiensau cours de 2020, avec la Compagnie Daniele Cipriani.

Eleonora Abbagnato dans “In the Night” de Jerome Robbins

Virna Toppi – Bayerisches Staatsballett: “Die Kameliendame”, c. John Neumeier(ph. S. Gherciu)

effet, ses pièces éclectiques sont à la croisée deplusieurs genres, tout comme ses collaborations:elle a créé pour des compagnies de balletprestigieuses, celle de l’Opéra de Paris ou duStaatsoper de Berlin, mais aussi pour des artistesrock et pop, comme Paul McCartney ou Beyoncé,ou pour des réalisateurs comme Pedro Almodóvar.Pour ce nouveau Pulcinella, la chorégraphe a surtoutpuisé son inspiration dans l’espace de cette salle deconcert de Madrid: elle a mis les solistes sur ledevant de la scène, l’orchestre au centre et le restedes danseurs où le chœur trouve habituellement saplace. Son intention déclarée est celle d’exploitersur le plan chorégraphique le grand brio et l’énergiequi jaillissent de la partition. La CND reprendra lanouvelle création au cours de ses tournées.

Festivals

Semaine bavaroiseFin mai, a lieu la traditionnelle «Ballettfestwoche»du Ballet de l’Opéra de Munich: une sorte devitrine internationale qui, au cours d’une semaine,propose plusieurs titres qui ont été donnéspendant la saison. En quelques jours, donc, le publicpassionné et la critique allemande et étrangèrepeuvent se faire une idée de l’état de la compagnie,de son répertoire et de ses dernières créations ou

Page 17: n° 284 la revue internationale de la DANSE

17

ECHOS • ECHOS • ECHOS • ECHOS • BREVI • ECHOS • ECHOS • ECHOS • ECHOS • ECHOS • ECHOS • ECHOS • ECHOS NEWS • ECHOS • BREVI • BREVES • NEWS • ECHOS • BREVI • BREVES • NEWS • ECHOS • BREVI • BREVES • ECHOS

Un nouveau nom descend de NorvègeQui est-ce Alan Lucien Øyen auquel l’Opéra de Paris a confié une création entre avril et maiprochain? C’est un artiste norvégien de 41 ans; une tête d’intello et d’épaisses lunettes noiresannées 1960 lui donnent un côté truculent et font que l’on se souvient de son visage. Il n’estpas que chorégraphe, il est aussi metteur en scène de pièces de théâtre et d’opéras, écrivain etartiste visuel: bref, une figure éclectique et inhabituelle dans le monde chorégraphique. Depuisquelque temps, il est considéré comme une figure de proue de l’art post-moderne scandinave.Øyen s’est formé à la danse contemporaine à Oslo. Ensuite il a travaillé en Allemagne, estrevenu dans son pays où il a signé quelques créations pour la compagnie ‘Carte Blanche’ etest devenu chorégraphe résident de l’Opéra d’Oslo; notamment, il a fondé en 2006 ‘WinterGuests’. Ce groupe présente des pièces où s’entremêlent des textes de théâtre (en anglais),des vidéos, de la danse ou, plus généralement, du mouvement, à partir d’expérience de vieréelle: bref, un théâtre qui allie jeu, images et corps en mouvement. Øyen a signé une douzainede pièces qui ont été représentées dans une quinzaine de pays.Néanmoins son nom dans le milieu international de la danse a commencé à circuler en 2018quand le Tanztheater Wuppertal lui a confié une création dans le cadre du projet de lacompagnie de Pina Bausch de s’ouvrir à de nouveaux chorégraphes contemporains(parallèlement, en effet, on présentait aussi Since She de Dimitris Papaioannou). Bon voyage,Bob est une pièce de trois heures et demie(Øyen aime les pièces de longue durée)qui a été construite à partir de l’histoirepersonnelle des danseurs de Wuppertal,en se concentrant surtout sur des sujetsexistentiels. En plus, elle montre lesaffinités entre l’esthétique de Bausch etcelle de ce jeune artiste norvégien.Pour l’instant, on n’a pas beaucoup denouvelles sur la pièce qu’il créera à l’OpéraGarnier pour les danseurs de la compagnieparisienne, sauf qu’il s’agit d’uneproduction qui occupe toute une soirée.

New York City Ballet: “Pictures at anExhibition”, c. Alexei Ratmansky

(ph. P. Kolnik)

Alan Lucien Øyen

acquisitions les plus récentes. En effet, le pro-gramme d’ouverture comporte quelques nouveau-tés: Alexei Ratmansky présente à Munich sonballet sur Tableaux d’une exposition de ModestMoussorgsky qu’il avait créé en 2014 pour leNew York City Ballet, en utilisant des projec-tions de tableaux de Wassily Kandinsky. L’Israé-lienne Sahron Eyal reprend Bedroom Folk, unepièce qu’elle avait créée en 2015 pour le NederlandsDans Theater et qu’elle règle maintenant pour ungroupe plus nombreux de danseurs. Et,finalement, David Dawson signe une créationsur Afffaires of the Art, concerto pour violon etorchestre de Marjan Mozetich: le chorégrapheanglais s’y propose de surmonter les frontièresde la danse classique dont il exaspère les formes etla dynamique, selon le principe esthétique centralde son œuvre artistique. On affiche ensuite plusieursreprises de titres célèbres: Spartacus, Le Lac descygnes, La Dame aux camélias de John Neumeier,Coppélia de Roland Petit (dans le cadre des 150 ansde la création de ce titre du ballet à l’Opéra deParis), et Alice’s Adventures in Wonderland deChristopher Wheeldon. L’une des attractionsmajeures de ces reprises sera sans faute la distribu-tion des artistes principaux de la compagnie et denombreux invités célèbres, russes le plus souvent,habitués de Munich depuis que la compagnie estdirigée par Igor Zelensky (50 ans, danseur russe enson temps au Ballet Mariinsky et puis au NewYork City Ballet, directeur de la compagnie bavaroisedepuis 2016 et confirmé jusqu’en 2026). Toutefois,les distributions seront annoncées plus tard.

Page 18: n° 284 la revue internationale de la DANSE

18

NEWS • ECHOS • BREVI • BREVES • NEWS • ECHOS • BREVI • BREVES • NEWS • ECHOS • BREVI • BREVES • ECHOS•

Ballet de l’Opéra de Leipzig: “Dornröschen, Once Upon a Dream”, c. Jeroen Verbruggen(ph. I. Zenna)

David Hallberg(ph. O. Beasley)

Fête du ballet à Saint-PétersbourgDans l’attente du grand festival de musique,opéra et ballet lors des Nuits Blanches à Saint-Pétersbourg, en mai et en juin, le ThéâtreMariinsky présente d’autres séries de pro-grammes musicaux et de ballet. Le mois demars est en effet consacré à la 19e édition duFestival International du Ballet, une occasionpour réunir quelques pièces du répertoire aucours de quelques semaines et les meilleursdanseurs de la prestigieuse compagnie russeainsi que des invités internationaux. La soiréed’ouverture est consacrée à Alexei Ratmanskyavec Pierrot Lunaire (2009) et ConcertoDSCH, outre quelques extraits de ses balletsque la compagnie danse fréquemment:Cendrillon ou Le Petit Cheval bossu, ou encoreLes Illusions perdues. Lors d’une autre soiréeRatmansky, on présentera aussi une pièce quele chorégraphe russe avait créée il y a quelquesannées pour l’American Ballet Theatre, SevenSonatas, sur la musique de Domenico Scarlatti.À remarquer aussi les débuts de Daphnis etChloé du chorégraphe Vladimir Varnava sur lamusique de Ravel dirigée par Valery Gergiev.Parmi les invités, Lauren Cuthbertson du RoyalBallet de Londres danse aux côtés de soncompatriote Xander Parish, anglais maisprincipal de la compagnie de Saint-Pétersbourg, dans La Belle au bois dormant;d’autres titres du répertoire permettront devoir, dans les rôles principaux, Diana Vishneva,Oxana Skorik, Alina Somova, EkaterinaKondaurova et les autres «étoiles» de lacompagnie.

Saint-Pétersbourg Open. Versl’OccidentDance Open est programmé du 14 au 27 avril àSaint-Pétersbourg. Ce festival pétersbourgeois, quia lieu au Théâtre Alexandrinsky, a été conçu commeune sorte de fenêtre sur l’occident et ses nouvellestendances chorégraphiques. Saint-Pétersbourg, an-cienne capitale du ballet russe, gardienne d’unetradition fort noble, s’ouvre ainsi chaque année,pour deux semaines, au monde chorégraphiqueactuel en provenance de l’Ouest et elle invite descompagnies et des chorégraphes illustres quipassionnent le public russe du ballet, ouvert auxnouvelles esthétiques et aux nouveaux langages.Ainsi, Alexander Ekman présente-t-il son Songed’une nuit d’été surréaliste et débordant de blé,

avec le Ballett Dormund; le Nederlands DansTheater de La Haye réunit son couple dechorégraphes Paul Lightfoot et Sol León etl’Allemand Marco Goecke; on affiche aussi ungrand titre du ballet russe, La Belle au boisdormant, mais dans la recréation de JeroenVerbruggen, une production visuellement très richepour le Ballet de l’Opéra de Leipzig. Habituédésormais du festival, Het Nationale Balletd’Amsterdam met sur scène la charmante filiationqui porte de George Balanchine à WilliamForsythe en passant par Hans van Manen.Aujourd’hui doyen du ballet moderne, Van Manena été «découvert» en Russie au cours de cesdernières années, précisément grâce à ce festivalqui lui a rendu hommage, à juste titre, plusieursfois. En outre, le Ballet Nacional de Españaprésente les dernières tendances des dansesnationales espagnoles, dont l’ancienne traditionne cesse d’être revisitée. Deux riches soirées degala ouvrent et ferment le festival avec une suitede compagnies, artistes et chorégraphes en prove-nance de toute l’Europe.

Directeurs

Hallberg en route pour l’AustralieDavid Hallberg sera le prochain directeur del’Australian Ballet, la plus grande compagnieaustralienne de ballet, installée à Melbourne etfondée dans les années 1960. Le danseur améri-cain (37 ans) prendra la place de David McAllister(56) qui part à la retraite fin 2020. Principal del’American Ballet Theatre de New York, souventinvité au Royal Ballet de Londres, David Hallbergest, en réalité, aussi un habitué de l’AustralianBallet où il se produit régulièrement depuis 2016.Danseur à la belle technique et aux lignesélégantissimes, idéal en tant que ‘danseur noble’,il figure parmi les danseurs classiques actuelsles plus connus au monde, partenaire de grandesdanseuses, de Svetlana Zakharova à NataliaOssipova. Il passera à l’histoire comme lepremier danseur américain à avoir été nomméprincipal du Ballet du Bolchoï de Moscou, qu’ila intégré de 2011 à 2017.

Page 19: n° 284 la revue internationale de la DANSE

19

ECHOS • ECHOS • ECHOS • ECHOS • BREVI • ECHOS • ECHOS • ECHOS • ECHOS • ECHOS • ECHOS • ECHOS • ECHOS NEWS • ECHOS • BREVI • BREVES • NEWS • ECHOS • BREVI • BREVES • NEWS • ECHOS • BREVI • BREVES • ECHOS

Vasily Tkachenko, SvetlanaSavelieva – Mariinsky Ballet:

"Porcelain" , c. Alexander Sergeev(ph. V. Baranovski)

Page 20: n° 284 la revue internationale de la DANSE

20

NEWS • ECHOS • BREVI • BREVES • NEWS • ECHOS • BREVI • BREVES • NEWS • ECHOS • BREVI • BREVES • ECHOS•

Quand le moderne se veutclassiqueMois d’avril consacré aux «grands classiquesd’aujourd’hui» à l’Opéra de Bordeaux. En touscas, c’est le titre qu’a choisi ce théâtre pourprésenter sa nouvelle soirée de danse. En ouver-ture, William Forsythe revient à l’affiche avecson Herman Schmerman, une pièce de 1992composée d’un pas de cinq et d’un pas de deux,où le chorégraphe américain déploie son art dela manipulation de la danse classique. AngelinPreljocaj reprend son duo Un trait d’union,une création de 1989 sur l’amour, la folie etl’incommunicabilité. En conclusion, Celestial,une récente création du chorégraphe américainGarrett Smith pour le Ballet du Mariinsky deSaint-Pétersbourg ; il la remonte maintenantpour la compagnie de Bordeaux avec une distri-bution plus nombreuse.

Rencontres chorégraphiquesDu 13 mai au 20 juin, on programme les Ren-contres Chorégraphiques Internationalesde Seine Saint-Denis. Ce festival est l’héri-tier du célèbre concours de Bagnolet qui révélade nombreux artistes de la florissante nouvelledanse française à partir de 1969 et qui connutun véritable essor international entre les années1970 et 1980. Un coup d’œil rapide à la listedes noms invités lors de cette édition montrequelques artistes connus et de nombreux artis-tes à découvrir. Les chiffres: 9 créations, 25œuvres d’artistes en provenance de 17 paysdu monde sans compter les Français, qui seproduiront dans 12 théâtres et autant de villesdu département. Parmi les artistes français lesplus connus: Julie Nioche présente VagueIntérieur Vague, un travail où le mouvementextérieur est conditionné par le mouvementintérieur, par les sensations de la vie et lesrenversements de notre identité.

Stanislavsky à ParisDans le cadre de TranscenDanses, à la mi-avril,le Théâtre des Champs-Élysées de Parisprogramme le Ballet du ThéâtreStanislavsky de Moscou. La venue de cettecompagnie dans la capitale est très attendueen raison du fait qu’elle est dirigée par LaurentHilaire depuis plus de trois ans. Hilaire (57ans) demeure certainement l’un des danseurs-étoiles les plus aimés de celle que l’on appellela ‘génération Noureev’ et son public parisienest certainement curieux de voir ses résultatscomme directeur de compagnie (le BalletStranislavsky entre-temps s’est produit aussidans le cadre du festival de danse de Cannesdans Giselle ; nous en rendons compte dansces pages). À Paris, le programme prévoitVariation sur un thème de Bizet de VladimirBourmeister (1904-1971), l’artiste russe quidirigea la compagnie moscovite pendant trenteans et que le public parisien connaît bien pourson Lac des cygnes qui fut longtemps aurépertoire de l’Opéra. La soirée est complétéepar deux chorégraphes actuels: AngelinPreljocaj avec Les Noces et Alexander Ekmanavec une pièce très visuelle, Tyll, comme l’estle style de ce chorégraphe suédois de 36 ans.

Une Horde à MarseilleTerminée la phase sous la houlette du chorégra-phe italien Emio Greco et de son collaborateurPieter Scholten, rentrés en Hollande à la tête deleur propre compagnie, le Ballet de Marseille,qui est un centre chorégraphique national, cor-respond désormais avec le collectif(LA)HORDE. Fondé en 2013 et depuis quel-ques mois installé au Centre ChorégraphiqueNational de Marseille, c’est un collectif qui réu-nit trois artistes: Marine Brutti, JonathanDebrouwer et Arthur Harel. Ils se proposentde réaliser des œuvres dans des domaines artis-tiques différents. Auteurs de films, vidéos-ins-tallations et performances, ils questionnent tou-jours le mouvement et le corps, sorte de fil rougede leur œuvre multidisciplinaire, mais restenttoujours ancrés dans les problèmes du mondecontemporain. Les tournées de la compagniedevraient reprendre à partir du mois de mai enFrance et à l’étranger avec To Da Bone, uneœuvre centrée sur la révolte intime de la jeu-nesse et sur le monde virtuel d’internet et desréseaux sociaux.

Akadi Zaides engagéParmi les thèmes fréquemment abordés par lesartistes, celui des migrants est un des plus ac-tuels, et plusieurs chorégraphes s’en sont saisisà leur tour. Après le récent Outwitting The Devild’Akram Khan, c’est au tour de l’Israélien ArkadiZaides à se pencher sur ce drame. Engagépolitiquement, Zaides s’apparente audocumentaire, semblable à ce qu’a pu fairel’Anglo-australien Lloyd Newson et son groupeDV8 ou plus récemment Rachid Ouramdane, l’undes directeurs avec Yoann Bourgeois du CentreChorégraphique National de Grenoble. C’estd’ailleurs en résidence au CCN de Grenoble queZaides prépare sa pièce Necropolis, qui sera crééeen mai 2020 à Paris. L’idée de ce spectacle vientde l’extrême attention que cet artiste porte à toutce qui touche au déracinement et à l’espoir d’unevie meilleure. (S.S.)

“Vague Intérieur Vague”c. Julie Nioche

Texas Ballet Theater: “Celestial”, c. Garrett Smith

(La)Horde: “To Da Bone”

Page 21: n° 284 la revue internationale de la DANSE

2121

Page 22: n° 284 la revue internationale de la DANSE

22

Pina à jamaisQue reste-t-il vraiment de Pina Bausch (80 ans après sa naissance et 10 ans après sa

mort)? Son legs est important et nombreux sont les titres qui continuent d’êtrereprésentés par «son» Tanztheater Wuppertal ou par des compagnies internationales

et que remontent ses anciens interprètes. Le rôle révolutionnaire qu’a joué cettechorégraphe est indéniable. Elle appartient à la «famille» des rares créateursformidables qui ont su réinventer la scène de la dernière partie du XXe siècle

par Leonetta Bentivoglio

Pina Bauschen répétition(ph. PinaBauschFoundation)

EN COUVERTURE

L’anniversaire des dix ans de la disparition de la cho-régraphe allemande Pina Bausch a été célébré l’annéedernière. Elle décéda en effet le 30 juin 2019 dans la villede Wuppertal, en Allemagne, où elle travaillait depuisles années soixante-dix (elle est née à Solingen en 1940).

Un grand nombre de ses spectacles sont encore pré-sents et vivants, repris, sans cesse et avec succès, dansles théâtres du monde entier, par la compagnie TanztheaterWuppertal, aujourd’hui dirigée par Bettina Wagner-Bergelt.L’effectif actuel du Tanztheater réunit les interprètes âgéset de nouveaux danseurs, c’est-à-dire les nombreux jeunesqui ont intégré la troupe pendant la dernière décennie etqui évidemment n’ont pas pu travailler directement avecla fondatrice. Mais l’énergie et la valeur de son œuvresont telles que le vaste répertoire Bausch s’avère solide,puissant et transmissible d’une génération à l’autre.

Même si, en douceur, la politique du TanztheaterWuppertal est d’accueillir des chorégraphes qui règlentdes créations inédites pour la troupe, pour que celle-cine soit pas qu’un musée de l’œuvre de Bausch. On l’avu avec l’accueil réservé à l’excellent artiste grec DimitrisPapaionannou, qui en 2018 a réalisé pour la compagniede Wuppertal le spectacle Since She. Entre-temps, laFondation Bausch, dirigée par Salomon Bausch, fils dePina, a commencé à mener une gestion assez généreusedes droits des titres «bauschiens»; ils ont été cédés à degrandes compagnies internationales qui s’aventurent dansla reprise de pièces constituant le patrimoine historiquede la chorégraphe. Et cela grâce à la collaboration des

membres les plus âgés du Tanztheater Wuppertal (la ver-sion Bausch du Sacre du printemps, par exemple, voyagedepuis quelque temps dans plusieurs compagnies, de cellede l’Opéra de Paris à l’English National Ballet).

Il est difficile de parler de ce qui nous reste en prioritéde Bausch, car son héritage culturel est immense. Il estdifficile d’expliquer ce que signifie son souvenir et ce qu’ellea représenté. Pour le faire, il faut rappeler le rôlerévolutionnaire qu’a joué cette auteure dans le théâtre etdans la danse avant et après l’an 2000. Tous ceux quiaiment les formes contemporaines de l’art vivant saventque Pina appartient incontestablement, et au premier plan,à la «famille» des formidables créateurs de la dernière partiedu XXe siècle. On pense, entre autres, à Robert Wilson,metteur en scène encore très actif, et à l’inoubliable génieMerce Cunningham, disparu lui aussi en 2009: un créateurabstrait diamétralement opposé à l’univers concret de genreexpressionniste qui caractérise la danse-théâtre«bauschienne». Mais certaines révolutions ont eu lieu au-delà des différences des langages: le panorama est diversifiéet la qualité n’a rien à voir avec les domainesd’appartenance. Ce n’est pas un hasard si Bausch etCunningham, l’une aux antipodes de l’autre, se respectaientet s’admiraient réciproquement.

Pina l’interdisciplinaire, qui a «plongé» la danse, avecune fougue sans précédent, dans le domaine du théâtre,s’est distinguée pour sa griffe qui, en dehors de la choré-graphie, a profondément influencé le développement detous les arts. C’est l’un des aspects les plus évidents de

Page 23: n° 284 la revue internationale de la DANSE

23

Silvia Farias Heredia,Christopher Tandy

Tanztheater Wuppertal:“Blaubart”, c. Pina Bausch

(ph. M. V. Abeele)

Page 24: n° 284 la revue internationale de la DANSE

24

TanztheaterWuppertal:

“Vollmond”,c. Pina

Bausch (ph.L. Philippe)

Andrey Berezin – Tanztheater Wuppertal:“Palermo Palermo”, c. Pina Bausch

(ph. K. Dilger)

anztheaterWuppertal:“PalermoPalermo”, c.Pina Bausch(ph. K. Dilger)

son héritage. Elle n’a pas exercé son influence que surles codes chorégraphiques (par exemple, elle a permis auxgestes d’entrer dans la danse) mais son œuvre a touchéde manière déterminante aussi au théâtre tout court, deplusieurs points de vue: emploi décentré et asymétriquede l’espace scénique et centralité du corps expressif.

Ces dernières années, l’art «total» de Pina a touchéaussi les mises en scène d’opéras qui, pour les décors etl’ambiance, ont emprunté des suggestions à des specta-cles signés par la grande dame du Tanztheater. Le do-maine de la «performing art» et des arts visuels en géné-ral n’a pas été, lui non plus, épargné de l’influence de

Bausch: son message a été, là aussi, intégré et réélaboré.Son imagination et sa curiosité, unies à un sens pure-ment artistique, ou bien ludique et presque enfantin, quilui permet de jouer avec la réalité qui nous entoure, ontdépassé le seul public de la danse et le Tanztheater Wup-pertal a conquis un public nombreux et nouveau. La manièredont même le cinéma a célébré son œuvre (grâce à desréalisateurs tels que Fellini, Almodóvar et Wenders) peutnous donner la mesure de son rayonnement.

Selon le philosophe Gilles Deleuze, le corps n’est ja-mais déclinable au présent, car il garde en soi le passé etl’avenir, la fatigue et l’attente. Dans la danse-théâtre de

Page 25: n° 284 la revue internationale de la DANSE

25

TanztheaterWuppertal:“TwoCigarettes inthe Dark”,c. PinaBausch (ph.L. Philippe)

TanztheaterWuppertal:

“1980”, c. PinaBausch

Pina Bausch, on aperçoit ces décalages temporels: danschacune de ses pièces, les corps des danseurs se confrontentà des émotions, des sentiments et des fragilitésreconnaissables et échappent à la beauté objective. Chaquevie s’écoule dans un réseau de mouvements communsliés à notre quotidien, comparable à une cérémonie degestes. Pina a traduit ces rituels coutumiers dans uneécriture filtrée, distillée et recomposée par sa griffe dechorégraphe très musicale et imaginative. C’est ainsi queses spectacles ne nous proposent, pas vraiment des corpsen harmonie dansante et structurés selon les canons d’unebeauté idéale, mais plutôt des personnes «vraies» et riches

en humanité, prêtes à pleurer et à rire, à s’aimer et à s’agres-ser, à se retrouver pour se perdre à nouveau, ou à sedéfendre d’on ne sait trop quels ravages (face aux spec-tacles du Tanztheater Wuppertal, on a souvent l’impressionque les interprètes bougent sur le bord d’un gouffre); ouencore à enchaîner des danses surprenantes, drôles, dé-chirantes et familiales comme des couches de notre in-conscient.

Pendant plus de quarante ans de dévouement total àl’art (sa vocation était dévorante et absolue), Pina n’apas créé que des spectacles mémorables, mais elle a surestituer une idée de la représentation, et de la vérité du

Page 26: n° 284 la revue internationale de la DANSE

26

JulieShanahanTanztheaterWuppertal:“MasurcaFogo”, c. PinaBausch

JulieShanahan,Héléna Pikon,Ditta MirandaJasjfiTanztheaterWuppertal:“1980”,c. PinaBausch(ph. Meyer)

corps sur scène, dans laquelle le sens de l’existence hu-maine pouvait être reconnu et raconté à l’infini. En effet,ses pièces racontent des histoires de solitude, de vieillesse,d’innocence, de perversion, d’enfance, d’exploitation del’homme par d’autres hommes et de la femme par deshommes. El les dénoncent les catas t rophesenvironnementales, parlent des obstacles à la cohabita-tion et cherchent des moyens pour réduire les distancesentre les individus. Tout cela a lieu dans des paysagesdominés par la matière: herbe, eau, amas de feuilles, terre,sable, argile, briques fêlées, arbres secs, bois de cactus.Et ce qui a lieu dans ces ambiances reflète peurs, espoirs,nostalgies, désirs frustrés et anxiétés de conquête ou dedomination des autres. Pina porte le regard des spectateursvers des sentiments subjectifs, mais rendus objectif parle biais de sa poétique rigoureuse; elle façonne des pièces(«Stücke») qui sont de solides constructionschorégraphiques. Jamais chaotique ou décomposée, leurstructure est toujours exacte. Rien à voir avec les happeningset les improvisations, termes qui engendrent desmalentendus et qui sont inacceptables si on les appliqueà la «dramaturgie chorégraphique» de Pina Bausch.

Élève du chorégraphe expressionniste Kurt Jooss à laFolkwang Hochschule d’Essen, Bausch commença àtravailler à Wuppertal en 1973, après une période d’ap-prentissage à New York, où elle étudia et travailla avecdes auteurs tels que José Limón, Paul Taylor et AntonyTudor. Jooss (qui lui apprit «l’honnêteté et la précision»:des mots de Bausch elle-même) la rappela en Allemagnepour l’inviter dans le Folkwang Tanzstudio, où elleprésenta ses toutes premières chorégraphies. Puis elle pritla direction de la compagnie de ballet de Wuppertal: jusqu’àson arrivée, la troupe était utilisée pour les danses desopéras à l’affiche de l’Opéra de la ville. Au début, PinaBausch mit en scène deux opéras dansés («Tanzoper»)de Gluck, Iphigénie en Tauride, 1974, et Orphée etEurydice, 1975, et, cette même année, elle régla sa célèbrelecture du Sacre du printemps de Stravinsky. Une nouvelleforme de danse expressive s’y révéla, ponctuée decrescendos à haute tension émotionnelle. Arrivèrent ensuite

la soirée Brecht-Weill (Les Sept Péchés capitaux, 1976),le Blaubart basé sur l’opéra de Bartók Le Château deBarbe-Bleue (1977) et une relecture visionnaire de Macbethde Shakespeare, créée en 1978 à Bochum sous le titre Ernimmt sie an Hand und führt sie in das Schloss, dieanderen folgen («Il la prend par la main et la mène auchâteau, les autres suivent»). Jusqu’à la fin des annéessoixante, enfin, Bausch travailla à partir de textes et musiquespréexistants. Ensuite elle eut envie d’une recherche pure:

Page 27: n° 284 la revue internationale de la DANSE

27

Une audition pour “Le Sacre du printemps” de PinaBausch à l’École des Sables à Dakar au Sénégal

(ph. M. Vanden Abeele)

OpheliaYoung

TanztheaterWuppertal:

“Viktor”, c.Pina Bausch

(ph. MeyerOriginales)

elle était animée par l’intention de «parler de nous» sansla médiation d’une partition musicale ou d’un texte dethéâtre. Ainsi les fresques «bauschiennes» se sont-ellesmultipliées, l’une après l’autre, au rythme de presqueune création par an. Les chefs-d’œuvre demeurent 1980,Bandoneón, Walzer, Nelken, Two Cigarettes in the Dark,Viktor, Palermo Palermo, Der Fensterputzer, MasurcaFogo, gua, Ten Chi, Vollmond et bien d’autres. Soncatalogue est fort riche, et la dernière pièce, une productionintitulée, …como el musguito en la piedra, ay sí, sí, sí…,débuta le 12 juin 2009, à savoir seulement quelques joursavant son décès: elle fut active et féconde jusqu’au bout.

Leonetta Bentivoglio

Page 28: n° 284 la revue internationale de la DANSE

28

Tsai-Wei TienTanztheaterWuppertal:“Blaubart”,c. PinaBausch (ph.L. Philippe)

Barbe-Bleue sur #Metoo, etd’autres reprisesBlaubart – chor. Pina Bausch, mus. Béla BartókLondres, Sadler’s Wells Theatre

En février dernier, le Sadler’s Wells Theatre de Londresa affiché avec succès Blaubart de Pina Bausch réglé sur lapartition de l’opéra de Béla Bartók et créé par la chorégrapheallemande en 1977. Après ses débuts, l’œuvre qui avaitété présentée dans plusieurs villes du monde, avait disparude la scène en 1985 à cause de problèmes concernant lesdroits de la partition musicale. Aujourd’hui, elle a été reprise,d’abord à Wuppertal et maintenant à Londres. Elle a étéremontée pour les jeunes danseurs du TanztheaterWuppertal par Jan Minarík et Beatrice Libonati, qui enétaient les vedettes lors des débuts «scandaleux» dans lesannées soixante-dix. Le titre-fleuve est en réalité: Blaubart.Beim Anhören einer Tonbandaufnahme von Béla BartóksOper “Herzog Blaubart Burg” («Barbe-Bleue. En écoutantun enregistrement de l’opéra Le Château du duc Barbe-Bleue de Béla Bartók»). Il s’agit d’une pièce tout à faitnéo-expressionniste, où la figure menaçante de Barbe-Bleue,homme qui tue ses femmes, fait face à la dernière survivante,Judith, mais aussi à toute une foule inquiétante de projectionsféminines émanant d’elle, qui incarnent des simulacres oula mémoire des épouses assassinées. L’homme, lui aussi,se présente sous la forme de dédoublements masculins.

La scène est une sorte d’énorme tombeau impression-nant débordant de feuilles sèches, et la multiplication descorps séduit les spectateurs par un effet de magnétismeobscur. La musique de l’opéra de Bartók, chantée à l’origineen hongrois, mais pour laquelle Pina Bausch choisit unenregistrement en langue allemande (voix de l’immenseDietrich Fischer-Diskau et de Hertha Topper), a été brisée,

fragmentée et répétée en phrases musicales par un magné-tophone. Sur un chariot que le héros brutal déplace surscène, le magnétophone est arrêté et redémarré sans cesseen dilatant ainsi la durée de l’opéra. Le spectacle évoquedes abus et des violences sexuelles, des obsessions et desmeurtres dans un climat cauchemardesque et angoissant.Comme si Pina, dans les années soixante-dix, avait prévu#Metoo, un élément que les journaux anglais ont beaucoupsouligné.

Suivent d’autres reprises importantes d’anciens spec-tacles de Pina Bausch. Au Théâtre du Châtelet de Paris,pour la saison du Théâtre de la Ville, reviennent sur scèneses Sept Péchés capitaux, sur le texte de Brecht et la musiquede Kurt Weill, créé en 1976. C’est un spectacle de dansebouleversant avec de nombreuses parties chantées, à revoircomme l’une des pierres angulaires du parcoursinterdisciplinaire de Pina.

Entre-temps à Dakar, au Sénégal, débute Le Sacre duprintemps dans la célèbre version de la chorégraphe alle-mande, confiée à un ensemble d’interprètes africains. Leprojet a été réalisé dans le cadre d’une collaboration entrel’École des Sables de Germaine Acogny et la FondationBausch, qui a réuni des danseurs choisis au Burkina Faso,au Sénégal et en Côte d’Ivoire. Dans la même soirée, figureaussi une nouvelle pièce de deux «monstres sacrés» féminins:Germaine Acogny, danseuse et professeure, considéréecomme l’une des femmes les plus illustres du panoramaartistique et culturel de l’Afrique, ainsi que comme la «grandemère» de la danse contemporaine africaine, et MalouAiraudo, interprète de la première heure du TanztheaterWuppertal – héroïne, avec Pina elle-même, de Café Müller(1978), considéré comme un manifeste de la danse-théâtre«bauschienne». Le même programme, avec le Sacre africainet le duo de ces grandes dames (les deux sont âgées deplus de soixante-dix ans), sera donné à Londres au Sadler’sWells et à Paris au Théâtre de la Ville.

Leonetta Bentivoglio

Page 29: n° 284 la revue internationale de la DANSE

29

Page 30: n° 284 la revue internationale de la DANSE

30

Simone Tribuna, Anna BlackWell, Matej Urban – Les Ballets de Monte-Carlo: “Coppélia”, c. Jean-Christophe Maillot (ph. A. Blangero)

• critiques • comptes-rendus • EN SCÈNE ! • critiques • comptes-rendus •

Les Ballets de Monte-Carlo

Coppélia new lookCoppél-i.A – chor. Jean-Christophe Maillot.mus. originale et arrangements BertrandMaillot (d’après Léo Delibes)M o n a c o ( M o n t e - C a r l o ) , G r i m a l d iForum

Apogée du ballet du Second Empire,Coppélia résiste vaillamment aux outragesdu temps. En collaboration avec Danilova,Balanchine en a donné une version trèsconforme, tandis que, dans des registresdifférents, Roland Petit et Maguy Marin ontfait souffler sur elle un air de jeunesse. Parsa nature même, mélange d’académisme etde « futurisme », Coppélia se prête à desingulières relectures.

Celle que Jean-Christophe Maillot offreavec ses Ballets de Monte-Carlo n’est pasla moins réussie. Il est vrai qu’il s’est donnél e s m o y e n s d e s e s a m b i t i o n s . U nimpressionnant décor inspiré du diaphragmedes appareils photographiques, des costumesdans la veine de ceux d’Oskar Schlemmer,de subtils éclairages qui magnifient lescamaïeux, une étonnante musique (Léo De-libes « recomposé » par Bertrand Maillot),et une vigoureuse chorégraphie du maître deslieux. Au final, une réelle réussite et un grandsuccès public.

Sous le titre très tendance de Coppél-i.A,Jean-Christophe Maillot met en scène «deuxfiancés dont l’amour serait remis en questionpar l’apparition d’une intelligence artifi-cielle». Celle-ci se manifeste sous les espècesd’une créature aux lignes de liane paraissantsortir de «Metropolis», le film de Fritz Lang,mais à laquelle Katrin Schrader donnebeaucoup d’humanité. Coppélius (JaeyongAn) joue un jeu trouble: il pousse quasimentson androïde dans les bras de Frantz(Francesco Mariottini) avant de céder à unaccès de jalousie. Mais Coppélius n’est pasun inventeur pervers. Il aime sincèrementson automate. Et lorsqu’au terme du bal-let, celui-ci, se rebellant, le tue (en décalagecomplet avec le livret original), on ne peutqu’éprouver de la compassion pour la dé-pouille qui gît sur le devant du plateau. Saliberté conquise, Coppélia disparaît dans lelointain. Dans l’intervalle, Frantz et safiancée Swanilda (la belle AlessandraTognoloni) ont pu célébrer joyeusement leurnoce.

Dans la remarquable partition de BertrandMaillot, les harmonies cuivrées de Delibessont soumises à des traitements de choc quine la dénaturent pas pour autant. Ils ajoutentdu mystère et étoffent la dramaturgie.Oubliées la danse espagnole et la gigueécossaise du second acte, ainsi que le granddivertissement de la «Fête de la cloche»,cette recomposition va à l’essentiel tout enpréservant la magie de l’ouvrage.

Jean Pierre Pastori

The Royal Ballet

Coppélia, 150 ans aprèsCoppélia – chor. Ninette de Valois d’aprèsMarius Petipa et Enrico Cecchetti, mus. LéoDelibesLondres, Covent Garden

Quel est le ballet qui plus que Coppélia dis-trait les spectateurs de leurs soucis quotidiens?Le Royal Ballet de Londres a voulu rompreavec la tradition d’afficher Casse-Noisette àchaque Noël mais il n’a pas voulu non plusreprésenter la Cendrillon de Frederick Ashtondans sa récente production. Il a préféré misésur le retour de Coppélia, à l’occasion des 150ans de sa création à Paris: un ballet qui est aurépertoire du Covent Garden depuis 1954 dansla précieuse version de Ninette de Valois is-sue directement de celle pétersbourgeoise dePetipa et Cecchetti de 1894. Cette reprise s’estrévélée un choix heureux: elle a rempli chaquesoir le théâtre du Covent Garden et redonnévie, une fois de plus, à la délicieuse musiquede Delibes et à une chorégraphie enchanteresse.

Ce ballet est l’idéal pour mettre en valeurde jeunes danseurs. En effet, on a proposé plu-sieurs distributions et pas toujours avec desdanseurs principaux dans les rôles des deuxhéros. Coppélia sied parfaitement à la compa-gnie du Royal Ballet à cause de son style demi-caractère, et plusieurs artistes ont ainsi pu pro-

Page 31: n° 284 la revue internationale de la DANSE

31

Lou Beyne – Les Ballets deMonte-Carlo: “Coppélia”,c. Jean-Christophe Maillot

(ph. A. Blangero)

Page 32: n° 284 la revue internationale de la DANSE

32

Vadim Muntagirov, Gary Avis –The Royal Ballet: “Coppélia”,

c. Ninette de Valois (ph. B. Cooper)Francesca Hayward e Alexander Campbell – The Royal Ballet: “Coppélia”,

c. Ninette de Valois (ph. B. Cooper)

fiter des opportunités offertes par les rôles dela tenace Swanilda et du jeune coureur de ju-pons Franz. Des répétitions méticuleuses onteu raison de jambes généralement positionnéesà la mi-hauteur, pour laisser place à un travailde pieds précis, une pantomime claire et unedanse musicale.

Les décors et les costumes bariolés d’OsbertLancaster sont tout à fait appropriés à cettecomédie légère.

Dans le rôle de Franz, nous avons vu deuxdanseurs excellents. Alexander Campbell, forttechniquement et à la personnalité brillante etqui, par son attaque, compense un certain man-que de ‘poids scénique’. César Corrales, quivient de quitter l’English National Ballet, a sudonner à son personnage un côté latino et amontré la qualité extraordinaire de son saut dansla variation du premier acte. Laura Morera aété la meilleure Swanilda. Bien qu’ayant inté-gré la compagnie en 1995, ce n’est que main-tenant qu’elle fait ses débuts dans ce rôle. Sonapproche de la chorégraphie a été très soignéeet les finesses du phrasé ont été rendues avec

une musicalité de très haut niveau: il faut vrai-ment considérer cette interprétation comme uneleçon magistrale sur la manière de danser ce rôle,du jeu et de la pantomime du premier acte auxdanses nationales du deuxième et jusqu’auxprouesses techniques du divertissement final.

Le rôle mimique du docteur Coppélius estcertainement le plus élaboré et complexe de l’his-toire du ballet. À Londres, dans le passé, quel-ques grands ‘acteurs’ du Royal Ballet y ontbrillé, comme Robert Helpmann et FrederickAshton. Gary Avis, aujourd’hui maître de balletde la compagnie, se place pleinement dans latradition de ses prédécesseurs et affiche le mêmetalent. On l’a apprécié dans tous les rôles mi-miques mais nous avons assisté ici à une deses meilleures interprétations; drôle, extrava-gant, touchant, il a su rendre chaque geste etpensée avec clarté.

Cette série de représentations de Coppéliaa été très appréciée.

Gerald Dowler

Ninette de Valois (1898-2001)

Page 33: n° 284 la revue internationale de la DANSE

33

Alessandra Ferri – Ballet de Hambourg: “Duse”, c. John Neumeier (ph. K. West)

John Neumeier à l’avant-scène du Théâtre La Fenice de Venise, avec son Ballet de Hambourg,à la fin d’une représentation de “Duse” (ph. K. West)

Ballet de Hambourg

Ferri, une grande DuseDuse – chor. John Neumeier, mus. BenjaminBritten, Arvo PärtVenise (Italie), Teatro La Fenice

Les «fantaisies chorégraphiques» que JohnNeumeier a dédiées à la légendaire actrice EleonoraDuse sont arrivées à La Fenice de Venise, villequi garde des archives précieuses de la ‘divine’ auprèsde la Fondation Cini. BALLET2000 avait renducompte du spectacle de Neumeier à la création àHambourg en 2015 (n° 256).

Neumeier est un conteur qui s’intéresse auxbiographies: il aime les histoires de vies exception-nelles, comme dans son mémorable et exemplaireNijinsky, ballet presque médiumnique. Le terme‘ballet’ sied aussi à son Duse, où la compagnie deHambourg déploie sa haute qualité de danse.Néanmoins, le cachet d’auteur de Neumeier ne s’ymanifeste pas tellement dans l’originalité des pasou des combinaisons, mais plutôt dans la dimensionculturelle dans laquelle il nous mène, à la rencontredes personnages qui séduisent son imagination.Neumeier leur donne une nouvelle vie sur scèneet il montre son amour pour ce passé, pour cesmondes éloignés de son Amérique natale, desmondes européens, élégants, mythiques. Pour ce

faire, il dispose des moyens nécessaires au niveaude la production et d’une compagnie de danseursdévots qui le secondent magnifiquement (il dirigele Hamburg Ballett depuis 1973 et sera en fonctionjusqu’en 2023). Il sait très bien mettre en valeurdes interprètes racés, uniques, justes, spéciaux, pourfaire rejaillir ses mondes idéaux.

Duse a été créé pour Alessandra Ferri, danseuseplastique, flexible, dramatique, tout en élansémotionnels. Ses atouts sont sa conviction intimeet la capacité de se métamorphoser tout en restantelle-même. Sa conception de l’éros est, au fond,encore celle d’une jeune fille – timide, à la tête

penchée – mais elle montre sa maturité dans lescaresses maternelles et dans la passion qui la faitchavirer lors d’un duo enflammé avec l’ArménienKaren Azatyan (le poète coureur de juponsD’Annunzio). Elle apparaît drapée dans de richesrobes ou moulée dans ses collants, parmi ses amoursqui apparaissent comme des esprits bienheureuxdans l’au-delà.

À ses côtés, Silvia Azzoni est une belle rivale,charmeuse et battante. Elle campe le rôle piquantde Sarah Bernhardt, l’autre actrice au faîte de lavie théâtrale et mondaine de la société internationalede l’époque. Anna Laudere est une magnifique

Page 34: n° 284 la revue internationale de la DANSE

34

Maia Makhateli – Het Nationale Ballet: “Frida”, c. Annabelle Lopez Ochoa (ph. H. Gerritsen)

AnnabelleLopez Ochoa

Isadora Duncan. Avec son voile bleu clair et unesouplesse extatique, elle danse légère et pleure,tendrement, ses enfants perdus.

Au premier acte, rien ne manque: les grandsrôles de Duse – Juliette et la Dame aux camé-lias (chevaux de bataille de Ferri aussi); la pre-mière guerre mondiale; le public des théâtres, lemonde des coulisses, celui des salons et celuiplus intime des chambres à coucher. Le toutcommence par le film muet Cenere. Une narra-tion à plusieurs niveaux, débordante de choseset de personnes, de références et d’intrigues. Mais,au second acte, tout s’esthétise dans une lumièrebleue et sereine et par une danse pure et raffinéepour Duse et ses grands amours. On entend lecélébrissime Fratres d’Arvo Pärt, compositeurprésent dans ce Duse avec son Cantus dédié àBenjamin Britten, l’autre musicien que Neumeiera choisi (Variations on a theme of Frank Bridge).

Alessandra Ferri est portée en triomphe: c’estelle la danseuse miraculeuse qui justifie ces fan-taisies à la couleur fanée et les obsessions sub-tilement décadentes de son chorégraphe.

Elisa Guzzo Vaccarino

Het Nationale Ballet

L’univers (peuchorégraphique) de FridaFrida – chor. Annabelle Lopez Ochoa, mus. PeterSalem, Chavela VargasAmsterdam, Muziektheater

Ted Brandsen, directeur artistique de HetNationale Ballet (la compagnie nationale hol-landaise d’Amsterdam), a demandé à la cho-régraphe belgo-colombienne Annabelle LopezOchoa (46 ans) de rallonger son court ballet surl’artiste-peintre mexicaine Frida Kahlo et d’enfaire une production qui occupe la soirée. Crééau début pour l’English National Ballet en 2016(BALLET2000 en a rendu compte en son temps,ndlr), Broken Wings est devenu un ballet en deuxactes intitulé tout simplement Frida et a débutéà Amsterdam en février dernier.

Lopez Ochoa a à nouveau collaboré avecla dramaturge Nancy Meckler et le compositeurPeter Salem; à la partition à la couleur latinode ce dernier, on a ajouté des enregistrementsde chansons de Chavela Vargas.

Des tragédies et une grande douleur ont tra-versé la courte vie de Frida Kahlo: sa polio-myélite, un accident de voiture qui l’a renduehandicapée à 18 ans, un mariage à l’épiloguedramatique avec le peintre Diego Rivera, faus-ses couches, opérations chirurgicales qui ontmal tourné, dépendances et solitude. Pas vrai-

ment des sujets qui conviennent au ballet, di-rait-on. Cependant, Lopez Ochoa et Meckleront transposé l’histoire de la vie de Kahlo endanse et en pantomime d’une manière pres-que cinématographique, en 18 tableaux.

Le décorateur et costumier Dieuweke vanReij a puisé dans l’imaginaire extravagant etsymbolique de Kahlo, de ses alter ego et deses autoportraits (sur scène dansent aussi deshommes en longues robes mexicaines barioléeset avec des coiffures voyantes): ce sont autantde transpositions des malaises physiques etpsychiques de l’artiste.

C’est le ballet le plus long que Lopez Ochoaait réalisé. Mais à cette occasion son inventivitéchorégraphique est restée ce qu’elle était, peuimaginative. Finalement, en effet, les meilleursmoments du ballet sont dus à la transpositionscénique de l’univers pictural de Kahlo. Etl’idée de représenter, tel un chœur de la tragédiegrecque, les fantômes (17 danseurs) de la cé-lébration mexicaine du Jour des Morts pourraitmême être une bonne idée, si elle ne duraitpas si longtemps.

Heureusement qu’il y avait l’excellente in-terprétation de Maia Makhateli pour soutenirle poids d’un ballet si long. Elle a su allier lavulnérabilité et l’esprit combatif de Kahlo. Dupoint de vue de la danse, le moment le plusréussi a été le duo avec James Stout, parte-naire toujours solide, ici dans le rôle de sonépoux Rivera. Le reste des 50 danseurs, eux,n’a pas été mis dans les conditions de fairetout aussi bien. Les personnages apparaissentet disparaissent de manière inattendue: les en-

Page 35: n° 284 la revue internationale de la DANSE

35

Page 36: n° 284 la revue internationale de la DANSE

36

À gauche, Alina Cojocaru dans “Glasmenagerie”, c. John Neumeier;ci-dessous, le Ballet de Hambourg dans une scène d’ensemble (ph. K. West)

sembles sont des cérémonies de jupes vire-voltantes ou des tableaux vivants répétitifs.Quelques danseurs principaux et quelquessolistes jouent plusieurs rôles à la fois. Mais,surtout, quel gaspillage de les voir dans unedanse peu attrayante et dans des rôles bâclés!

En plus, si l’on considère que la productionmise surtout sur le côté visuel, quelques dé-cors apparaissent trop petits sur la grande scènedu Muziektheater d’Amsterdam. Notamment,les cubes noirs aux multiples fonctions qui en-cadrent les tragédies de Kahlo auraient produitun meilleur effet dans un espace scénique plusintime. Un autre inconvénient de ce ballet estle fait que les événements les plus tragiquesde la vie de Kahlo soient transposés sur scèned’une manière qui laisse peu d’espace à l’ima-gination. Voir, par exemple, la scène de l’avor-tement, avec ses longs fils rouges et ses crâ-nes de bébés, ou celle de l’opération chirurgicaleavec ses deux énormes moelles épinières quitrônent sur scène en style Jan Fabre.

L’‘abondance’ n’est pas nécessairement unequalité. En mettant l’accent sur la composantevisuelle au lieu de créer des parties chorégra-phiques intéressantes pour les personnagesprincipaux, ce ballet de tout une soirée auradu mal à s’imposer dans le répertoire.

Marc Haegeman

Ballet de Hambourg

Sentiments fragiles commele verreDie Glasmenagerie – chor. John Neumeier, mus.variéeHambourg (Allemagne), Staatsoper

John Neumeier a lu l’écrivain américain Ten-nessee Williams et a créé un autre de ses brillantsballets narratifs.

Le chorégraphe, qui a aujourd’hui 80 ans, enavait 17 quand il vit pour la première fois TheGlass Menagerie («La Ménagerie de verre») deTennessee Williams. Il en resta charmé au pointque pendant des années il a pensé à la manièrede transposer ce drame en danse – comme il lerappelle lui-même, soixante ans après, dans la pla-quette pour son nouveau ballet DieGlasmenagerie.

En effet, ce drame n’est pas vraiment l’idéalpour une pièce chorégraphique. Tout d’abord, ilne prévoit que trois acteurs et John Neumeierdoit utiliser plus de soixante danseurs de son Balletde Hambourg; ensuite, il s’agit surtout d’un dramecentré sur l’évocation et la mémoire.

Tom Wingfield est le héros de l’histoire et enmême temps le narrateur; il est assis à la table desa salle à manger avec sa mère et sa sœur boi-

teuse. Tous les trois restent concentrés sur leurunivers intime: Amanda Wingfield évoque sa jeu-nesse dans le sud des États-Unis et ses nombreuxsoupirants; Tom écrit des poèmes; Laura joueavec sa collection d’animaux en verre, son zoo.Quand Amanda songe à un ami de Tom, Jim,comme possible fiancé pour Laura, la visite setransforme en une catastrophe.

John Neumeier fait converger des situations peupropres à la danse et des morceaux musicaux dif-ficiles dans un grand ballet. Die Glasmenagerie,sur un collage de musique de Charles Ives, PhilipGlass, Ned Rorem et des extraits tirés du drame,est un ballet magnifiquement ficelé, qui suit l’in-trigue de la pièce théâtrale et en même temps serattache à la vie de son auteur, dense et touchante.

Le mérite majeur de cette réussite revient à l’ex-pressivité et aux subtilités de l’interprétationd’Alina Cojocaru. Dans le rôle de Laura, la célè-bre danseuse roumaine danse sur un chausson depointe et sur une chaussure à roulette. Le plussouvent on la voit boiter dans la pièce; mais, quandses rêves et ses désirs prennent corps, elle dansesur sa pointe, la qualité du mouvement étant lé-gère, fragile, éphémère.

John Neumeier exploite le fait qu’une piècechorégraphique puisse raconter simultanément deshistoires différentes. Le chorégraphe montre ceque les personnages du drame racontent mais aussice qu’ils taisent. On voit ainsi, par exemple, lajeune Amanda avec ses admirateurs ou Tom quise presse pour aller au travail mais qui fréquente

Page 37: n° 284 la revue internationale de la DANSE

37

Page 38: n° 284 la revue internationale de la DANSE

38

Alison McWhinney, Brooklyn Mack, Julia Conway – English National Ballet: “Le Corsaire”,c. Anna-Marie Holmes (ph. L. Liotardo)

Paul Taylor nel 1964(ph. Jack Mitchell)

aussi un bar gay. Et qui, tout comme sa sœur,est attiré par Jim.

John Neumeier a lu The Glass Menagerie commeun drame autobiographique, comme beaucoupd’autres lecteurs par ailleurs. Le narrateur s’ap-pelle ainsi Tennessee et Laura devient Laura Rose,le deuxième nom de la sœur de l’écrivain qui souf-frait de troubles psychiques: elle fut déclarée schi-zophrène et subit une lobotomie. S’il est vrai quele texte présente plusieurs allusions à la vie deTennessee Williams, l’association entre auteur etnarrateur/personnage est peut-être un peu auda-cieuse, du point de vue de l’analyse du critiquelittéraire, bien entendu. John Neumeier, en tantqu’artiste, a le droit d’utiliser tous les moyensqu’il croit bons pour réaliser son ballet, qui, parailleurs, est une parfaite réussite. DieGlasmenagerie est construit de manière magis-trale, d’une main expérimentée: en effet, on peutcroire que c’est une chance que Neumeier ait at-tendu si longtemps avant de réaliser cette œuvre.

Lilo Weber

English National Ballet

L’autre visage du balletanglaisLe Corsaire – chor. Anna-Marie Holmesd’après Marius Petipa et Konstantin Sergueev,mus. Adolphe Adam, Riccardo Drigo etd’autresLondres, Coliseum

Cela n’a pas été un parcours de tout repos,mais l’English National Ballet n’a jamais cesséde piaffer pendant 70 ans. Et aujourd’hui il estdans une forme qu’on ne lui connaissait pasdepuis longtemps.

La compagnie a récemment déménagé dansun grand bâtiment qui a été expressément réa-lisé dans l’East End de Londres. En plus, sadirectrice, Tamara Rojo, a promu une politi-que artistique claire qui allie de nouvelles piè-ces et des productions importantes des clas-siques. Par ailleurs, elle vient d’annoncerqu’elle réalisera elle-même une version deRaymonda dans le courant de l’année, où l’ac-tion sera transposée à l’époque de la Guerrede Crimée.

Le Corsaire de Petipa (dans la versiond’Anna-Marie Holmes créée pour l’ABT et aurépertoire aussi de La Scala de Milan) dé-montre que Rojo se propose de former unrépertoire composé aussi de ballets que l’ENBest le seul à danser en Grande Bretagne. C’estune très belle production et la compagnie s’yengage à fond dans les péripéties d’un balletqui offre aux danseurs maintes opportunités.

De nombreuses représentations ont con-firmé l’évident dynamisme artistique de l’ENBet le large éventail de talents qu’il possèdeaujourd’hui: de jeune danseurs enthousiasteset intéressants que la direction a mis sur ledevant de la scène. Rojo a formé une équipeformidable qui garantit un haut niveau tech-nique et artistique dans ce Corsaire aussi.

Shiori Kase est une interprète magnifique:

elle se joue de toute embûche dans le rôle deMédora : mouvement rapide, nonchalance etgrâce à la clef, et elle prend son temps pourdonner de la couleur à son personnage, sansse limiter à un simple étalage technique. Ellenous a paru une partenaire parfaite pour Broo-klyn Mack dans le rôle de Conrad, danseurpas toujours élégant mais à l’attaque témé-raire et très efficace dans le rôle du chef despirates (on pourrait très bien l’imaginer dansle grand rôle de Spartacus). L’un des momentsculminants est le célèbre pas de deux à troisavec Médora, Conrad et Ali, l’esclave, où nousavons vu l’un des danseurs émergents de lacompagnie, Erik Woolhouse. Déterminé à sefaire remarquer, il a montré son saut excep-tionnel et ses tours phénoménaux.

Et, même si tout le monde n’atteint pas laperfection technique, les danseurs de l’ENBcommuniquent une vitalité et un plaisir de dan-ser contagieux. Une particularité qui les dif-férencie de ceux plus académiquement correctdu Royal Ballet. En comparaison, ces derniersapparaissent en effet presque ‘timides’.

La soirée de gala pour les soixante-dix ansde la compagnie a, elle aussi, démontré que l’ENBest du ‘théâtre vivant’. Le spectacle réunissaitplusieurs extraits du répertoire de l’ENB (heu-reusement, ce n’était pas un gala de pas dedeux), outre Études, qui a été présenté inté-gralement. Ici les parties des rôles principauxont été partagées entre les différents danseursde la compagnie, ce qui a fait de ce temps fortde Harald Lander une saine et enthousiaste com-pétition. Joyeux anniversaire, ENB!

Gerald Dowler

Page 39: n° 284 la revue internationale de la DANSE

39

Paul Taylor Dance Company: “Dust”, c. Paul Taylor (ph. P. B. Goode)

Natalia Ossipova – The Royal Ballet:“Onéguine”, c. John Cranko (ph. T. Kenton)

Paul Taylor Dance Company

Paul Taylor après PaulTaylorDust – chor. Paul Taylor, mus. Francis Poulenc;Private Domain – chor. Paul Taylor, mus IannisXenakis; Piazzola Caldera – chor. Paul Taylor,mus. Astor Piazzola, Jerzy PeterburshkyNew York, Lincoln Center, David H. KochTheater

Parmi les grands ténors de la modern danceaméricaine, Paul Taylor était sans doute le cho-régraphe le plus éclectique, le plus syncrétiqueet aussi le danseur le plus athlétique. Durantses années de compagnonnage avec la MerceCunningham Dance Company et avec lescontestataires post-modernes, il éprouva d’embléela liberté d’un geste indépendant; de son passagechez Martha Graham, il gardait une forceexpressive résultant de la tension entre le torseet les jambes; enfin, quand George Balanchinecréa pour lui un rôle dans Episodes, il intégra larichesse de l’héritage classique.

Taylor ne négligeait rien, ne refusait rien, dela simple marche à la danse la plus élaborée. Etses 147 ballets, créés entre 1954 jusqu’à peude temps avant sa mort en 2018, parcourentallègrement toute une gamme allant des piècesabstraites à des ballets lyriques ou dramatiques.

L’habituelle saison new-yorkaise de sa com-pagnie, qui avait lieu d’abord au City CenterTheatre et dès 2012 au prestigieux Lincoln Centerdans le David H. Koch Theatre, s’est dérouléeen novembre dernier avec plusieurs programmesmettant en relief l’éclectisme de Taylor, parfoisserein, parfois sauvage, toujours poétique. Leprogramme auquel j’ai assisté se composait detrois pièces parcourant une trentaine d’annéesde sa longue carrière.

Dust, créé en 1977 est une de ses pièces som-bres, qui distille une inquiétude latente. Les neufdanseurs traversent la scène, le corps contracté,

les pieds flex, comme s’ils cherchaient à éviterune menace qui les guette. À d’autres moments,ils tremblent, sont traversés par des spasmesnerveux et semblent soumis à des chocs électri-ques. Taylor qui définissait sa pièce comme «Unflux d’actions qui surgissent de l’inconscientcomme des bulles» faisait preuve ici d’unpessimisme grinçant, peu courant dans ses autrespièces.

En contraste Private Domain, créé en 1969,se veut plus ductile et devait sans doute revê-tir une certaine importance pour Taylor puis-qu’il a intitulé du même nom son autobiogra-phie, parue en 1987. C’est pourtant une pièce,elle aussi, inattendue de la part d’un chorégra-phe plutôt malicieux et solaire. Sans être an-goissante, l’atmosphère n’en est pas moins ten-due. Les danseurs sont le plus souvent au sol,avec des mouvements saccadés, anguleux danslesquels on peut reconnaître l’influence deMartha Graham. La scénographie du peintreAlex Katz, faite de grands panneaux amovibles,et derrière lesquels les danseurs disparaissentrégulièrement, renforce l’atmosphère étrange dePrivate Domain.

Avec Piazzola Caldera, on retrouve le ta-lent si particulier à Taylor de saisir l’essencedes choses sans démonstration. En effet, surla musique sophistiquée d’Astor Piazzola, lesdanseurs ne dansent pas le tango, ils en évo-quent le parfum. Taylor s’intéresse moins auxpas du tango qu’à ses origines et choisit de re-créer l’ambiance dans laquelle il est né: les barspopulaires de Buenos Aires avec les solidaritésde la classe ouvrière mais aussi la solitude et latension sexuelle évoquée dès l’entrée en scènedu groupe de garçons fixant le groupe de filles.

Dans ce programme de pièces assez singuliè-res dans l’œuvre protéiforme de Taylor, la PaulTaylor Dance Company s’est montréedynamique et athlétique. Et elle est déterminéeà «prolonger la vision de Paul Taylor en honorantles maîtres de la modern dance et en encourageantles jeunes créateurs», selon les mots de leurdirecteur artistique actuel, Michael Novak.

Sonia Schoonejans

The Royal Ballet

Ossipova, nouvelle TatianaOnéguine – chor. John Cranko, mus. Piotr I.TchaïkovskyLondres, Covent Garden

Une reprise de l’omniprésent Onéguine deJohn Cranko n’a rien d’exceptionnel. À Lon-dres, ce ballet y est représenté depuis longtempsdéjà. Mais un spectacle avec Natalia Ossipovadans le rôle de Tatiana est, lui, quelque chosed’exceptionnel. Toutefois, la vedette russe estune interprète tellement imprévisible quepersonne ne savait s’il fallait parier sur un triom-phe, comme pour sa Giselle, ou sur un échec,comme pour son Aurore; à dire vrai: ni l’un nil’autre et un peu les deux.

La puissance expressive et l’éclat extraordi-naire de sa scène finale demeurent indéniables:Tatiana doit choisir entre la respectabilité et laprofonde affection de son époux, et une pas-sion juvénile violemment étouffée qui rejaillit.Ossipova communique parfaitement l’angoissede son personnage dans le pas de deux final etatteint ainsi le sommet narratif du ballet.

On n’en dira pas autant de sa Tatiana dansles premières scènes. Même si elle peint avecjustesse le caractère de cette provinciale, pas-sionnée de lecture et emportée par les vertigesd’un amour de jeune fille, elle a du mal à mettreen évidence les nuances de son personnage surla grande scène du Covent Garden. C’était commes’il y avait une sorte de barrière entre elle et lepublic. Et la danse en souffre: le solo désespéréde la fête de son anniversaire paraît presque une

Page 40: n° 284 la revue internationale de la DANSE

40

Reece Clarke, Matthew BallThe Royal Ballet: “Onéguine”, c. John

Cranko (ph. T. Kenton)

São Paulo Dance Company: “Agora”, c. Cassi Abranches (ph. S. Machado)

suite de mouvements sans liens et la chorégra-phie en est dépouillée de sa fluidité. Par contre,le pas de deux, réel et irréel à la fois, avec Onéguine,objet de son désir, a été, lui, magistralement dansé;il faut aussi dire qu’Ossipova a pu compter surla force physique et l’assurance de Reece Clark.

Récemment promu premier danseur, Clark adécouvert qu’il devait danser Onéguine aux côtésd’Ossipova seulement quelques jours auparavant,après que Vadim Mountaguirov ait pris la décision

de renoncer à ce rôle (le danseur russe ayantdéclaré n’être pas encore prêt). En tout cas, lefait de confier le rôle d’Onéguine à Mountaguirovavait paru, dès le début, une drôle d’idée; pourl’instant, il reste un Lensky idéal (l’ami du héros,lequel le tuera en duel). Quant à Clark, grand,beau, aux couleurs sombres, son frac lui siedparfaitement mais il manque de la froideurméprisante qu’exige le personnage.

La meilleure interprétation de la soirée étaitcelle de Matthew Ball dans le rôle du poèteLensky. Ce jeune principal semble progresseret devenir de plus en plus mûr à chaque spec-tacle. C’est un véritable acteur, sachant expri-mer chaque détail et nuance de son rôle: auLensky impulsif sur lequel misent de nombreuxinterprètes, il préfère un Lensky désenchantéet désemparé. En plus, son ‘legato’ s’imposedans toute sa beauté dans le solo qui précède leduel. On y remarque ses lignes pures et noblesainsi qu’une gestuelle chargée de douleur et dedésespoir. Une interprétation tout à faitmémorable.

Gerald Dowler

São Paulo Dance Company

Brésil, terre de feu etd’énergieAgora – chor. Cassi Abranches, mus SebastianPiraces; Mamihlapinatapei – chor. JomarMesquita, mus. chansons sud américaines;Odisseia – chor. Joelle Bouvier, mus. Heitor Villa-Lobos, Johann Sebastian BachAntibes, Salle Jacques Audiberti (dans le cadredu Festival de Danse de Cannes)

S’il fallait définir l’esprit de la jeune São PauloDance Company, on pourrait avancer sans setromper les mots dynamisme et polyvalence.En effet, cette troupe d’une trentaine de dan-seurs, créée en 2008 par le gouvernement de l’État

de Sao Paulo, au Brésil, possède un répertoirediversifié sans cesse, irrigué par de nouvellesproductions qui mettent en valeur la virtuositédes interprètes, rompus à la discipline du balletà laquelle s’ajoute le charme d’un swingtypiquement brésilien. Les trois pièces duprogramme présenté au festival de danse deCannes rendaient compte de l’énergie créativede cette compagnie. Rappelons que leur directrice,Inès Bogéa, est ancienne danseuse de GrupoCorpo, une troupe, elle aussi brésilienne, queces mêmes qualités ont rendu célèbre.

La soirée débute avec Agora, la dernière créationde Cassi Abranches, une jeune chorégraphebrésilienne encore peu connue en Europe. Danscette courte pièce, elle s’interroge sur le temps,concept abstrait qu’elle décline sous des aspectsconcrets comme la mesure musicale. Une pièceludique donc, pleine d’énergie mais où il seraitvain de chercher une réflexion. À prendre commeun divertissement sympathique.

Dans un registre tout aussi énergique mais plusélaboré, Jomar Mesquita, figure montante de lascène brésilienne et habitué de la São PauloDance Company, présente Mamihlapinatapei,mot d’origine amérindienne (langue parlée parles habitants de la Terre de Feu), difficile à tra-duire, exprimant la situation de deux personnesqui voudraient la même chose sans oser le dire.Avec un humour légèrement sarcastique,Mesquita pointe la montée du désir physiqueà partir de danses traditionnelles comme le forro,la matchiche et bien sûr la samba qu’il«déconstruit» pour créer une pièce suave, drôleet sensuelle, parfaitement adaptée au tempéra-ment allègre des quatre couples de danseurs.

La dernière œuvre, Odisseia, est une commandepassée à Joëlle Bouvier qui poursuit une carrièreindépendante après avoir formé, avec RégisObadia, le duo phare de la Nouvelle Dansefrançaise dans les décennies 1990, 2000.

À partir du voyage d’Ulysse raconté parHomère dans l’Odyssée, Bouvier se saisit de latragédie des migrants qui tentent de traverser laMéditerranée pour rejoindre l’Europe. Si le sujet

Page 41: n° 284 la revue internationale de la DANSE

41

Page 42: n° 284 la revue internationale de la DANSE

42

Ballet de La Scala: “Sylvia”, c. Manuel Legris (ph. Brescia/Amisano)

Martina Arduino – Ballet de La Scala:“Sylvia”, c. Manuel Legris(ph. Brescia/Amisano)

n’a rien d’original et constitue même un des thè-mes favoris de la scène chorégraphique euro-péenne, Bouvier lui donne un éclairage originalen le traitant sous forme d’épopée et parvientà évoquer la fragilité des destins par une gestuelletrès ancrée dans le sol et un usage habile de lagravité. Pour accompagner sa pièce, Bouvier aréuni dans un ensemble musical audacieux maisréussi des extraits des Bachianas Brasileiras deHeitor Villa-Lobos à la Passion selon St Matthieude Johann Sebastian Bach.

La qualité de la Sao Paulo Dance Company arécemment été saluée par le Syndicat profes-sionnel de la critique théâtrale, musicale etchorégraphique française qui lui a décerné le Prix2019 de la Meilleure Compagnie de Danse.

Sonia Schoonejans

Ballet de La Scala

Sylvia arrive à La ScalaSylvia – chor. Manuel Legris da LouisMérante, mus. Léo DelibesMilan, Teatro alla Scala

Durant les 10 années qu’il aura passées àla tête du Ballet de l’Opéra de Vienne (départprévu fin 2020), Manuel Legris aura «revisité»,avec un grand respect envers la tradition clas-sique, deux œuvres du répertoire: Le Corsaireen 2016 et Sylvia en 2018 qui vient d’entrerau répertoire de La Scala de Milan.

Créé à l’Opéra Garnier en 1876 avec laMilanaise Rita Sangalli dans le rôle principal,ce ballet romantico-académique ne pouvaitmieux convenir à un fin connaisseur de l’écoleclassique comme Legris. Il le connaîtintimement pour l’avoir étudié sous tous sesaspects et avoir créé le rôle d’Aminta dansla version de John Neumeier en 1997. Maisc’est à la version originale de Sylvia que l’ex-étoile de l’Opéra de Paris s’est attaché, mêmesi à la création, le succès revenait davantageà la musique de Léo Delibes qu’à lachorégraphie de Louis Mérante jugée trop fade.

Legris donne au thème de l’amour contrariéet à son développement une cohérence psy-chologique en choisissant de rappeler dèsle prologue (le plus souvent uniquement mu-sical) le tendre sentiment de la déesse Dianepour le berger Endymion, ce qui la rendraplus compréhensive envers sa chastenymphe quand il s’agira d’accepter l’amourentre Sylvia et Aminta.

Même avec un temps de répétitions res-treint, le travail avec les danseurs de La Scalas’est avéré positif. Legris a pu admirer lavivacité de leur style et s’est étonné avecplaisir de voir la jeune génération sepassionner pour la plus pure traditionclassique. De leur côté, les danseurs ontapprécié la disponibilité de Legris qui, enleur montrant souvent lui-même les mou-vemen t s , l eu r a t r an smi s ce qu i l ecaractérisait en tant qu’étoile: l’élégance etl a p réc i s ion du ges te . Ins i s t an t su rl’expressivité mais aussi sur la pantomimeet sur la façon de se tenir en scène, il a obtenuune qualité d’exécution jusque dans lesmoindres détails.

Nicoletta Manni, dans le rôle de Sylvia,avec Marco Agostino dans celui d’Aminta,ont tous deux prouvé leur bravourespécialement au troisième acte dans un duooù l’enchaînement de fouettés et pirouettesexige une certaine dextérité. Alessandra

Page 43: n° 284 la revue internationale de la DANSE

43

Ballet de La Scala: “Kammerballett”, c. Hans van Manen (ph. Brescia/Amisano)

Nicoletta Manni, Roberto Bolle – Ballet de La Scala: “Le Jeune Homme et la Mort”, c. Roland Petit (ph. Brescia/Amisano)

Vassallo fait preuve d’une belle prestancee t p o s s è d e l ’ a u t o r i t é d e l a d é e s s echasseresse, tout comme Gabriele Corradoqui, par ses capacités expressives, rend lepersonnage négatif d’Orione moins banal etplus complexe. Quant à Mattia Semperboni,servi par un physique d’éphèbe, il interprèteEros avec une distanciation et une virtuositéqui conviennent à son rôle. Les solistes sontentourés d’un corps de ballet qui danse avecallégresse une Sylvia fraîche et naturelle grâceà laquelle Legris prouve qu’il est possiblede perpétuer la tradition tout en «suscitantl’intérêt et stimulant la sensibilité».

Sonia Schoonejans

Van Manen et Petit à LaScala, un couple pas sidrôle que çaAdagio Hammerklavier – chor. Hans vanManen, mus. Ludwig van Beethoven; LeCombat des anges – chor. Roland Petit, mus.Gabriel Fauré; Kammerballett – chor. Hansvan Manen, mus. Kara Karayev, DomenicoScarlatti, John Cage; Sarcasmen – chor. Hansvan Manen, mus. Sergueï Prokofiev; Le JeuneHomme et la Mort – chor. Roland Petit, mus.Johann Sebastian BachMilan, Teatro alla Scala

Deux chorégraphes fort différents: l’unpur, l’autre littéraire; l’un hollandais,concret, tranchant, octogénaire, l’autrefrançais, grand narrateur, disparu en 2011à l’âge de 87 ans. La Scala de Milan lesaffichent dans un même programme, réunispar le fil rouge de la musique de chambre:un projet de ce théâtre qui mise sur ce genremusical et chorégraphique présent désormaispartout.

Roland Petit est bien connu à La Scala,où il a été programmé régulièrement denombreuses fois; Hans van Manen beaucoupmoins. Le premier a pu compter surl’attraction que suscite Roberto Bolle dansLe Jeune Homme et la Mort, sur un sujetde Jean Cocteau (1946), aux côtés de

Nicoletta Manni, crédible dans le rôle de lafemme désirée et qui devient la Mort.

Van Manen a parié sur les jeunes du Balletde La Scala: fervente comme elle se présenteaujourd’hui, la compagnie milanaise a vrai-ment su s ’emparer de son approcheparticulière de la plastique du corps dansant,de ses tempéraments et de ses amours. Etelle l’a fait de manière nette et limpide. Soloset duos (dont le compétitif et espiègleS a r c a s m e n ) e t e n s e m b l e s ( v o i rKammerballett) ont en effet rendu unportrait précis du style de ce chorégraphehollandais.

Une sensualité audacieuse flottait dans le

vigoureux Le Combat des anges de RolandPetit, duo masculin tiré de Proust, ou lesintermittences du cœur, ainsi que dans celuigarçon-fi l le du séduisant et érotiqueSarcasmen de Van Manen, parfaitementaccompagné sur scène par le pianiste-acteurJames Vaughan.

Dommage que le plateau de La Scala soitsurélevé et loin par rapport au public. PourVan Manen, il vaudrait mieux une salle àgradins, avec les danseurs plus proches eten bas. C’est l’idéal pour savourer le côtéintimiste des chorégraphies de ce grandmaître.

Elisa Guzzo Vaccarino

Page 44: n° 284 la revue internationale de la DANSE

44

Ksenia Shevtsova – Ballet du Théâtre Stanislavsky de Moscou: “Giselle” (ph. K. Zhitkova)

Ballet du Théâtre Stanislavsky

Giselle selon LaurentHilaireGiselle – chor. Jean Coralli, Jules Perrot, MariusPetipa, Laurent Hilaire, mus. Adolphe AdamCannes, Palais des Festivals (Festival deDanse de Cannes)

Dans un festival où la danse contemporainetient la part belle, le Ballet du Théâtre Stanislavskyvenu de Moscou fut une exception et un pointd’acmé, d’autant plus qu’il y avait plus de 60ans qu’il n’était plus venu en France et qu’ilprésentait une Giselle particulièrement intéressante.La compagnie moscovite, une des plus célèbresen Russie avec celles du Bolchoï de Moscou etdu Mariinsky de Saint-Pétersbourg, et quicomprend près de 120 danseurs, est depuis 2017sous la direction de Laurent Hilaire.

Après le Marseillais Marius Petipa, Hilaire estle premier Français à diriger une compagnie russe,y encourageant une certaine élégance en plus del’excellence. Par ailleurs, sa carrière a commencéà l’Opéra de Paris alors que Rudolf Noureev endirigeait la compagnie. C’est par lui qu’il seranommé étoile et auprès de lui qu’il aura travailléla plupart de ses grands rôles, notamment celuid’Albrecht dans la Giselle de l’Opéra de Parisremontée par Patrice Bart et Eugène Polyakov.

Pour cette Giselle, Hilaire a travaillé principale-ment à partir de la version de Vladimir Bourmeisterdansée au Ballet Stanislavsky dont il reprend la partiepantomime et où il introduit quelques variantes dansla valse et le pas de deux des paysans. Mais le vé-ritable apport d’Hilaire consiste à amener les dan-seurs à vivre l’histoire avec le plus grand naturel,en évitant de se laisser impressionner par le chef-d’œuvre. Et sa grande réussite réside dans l’inter-prétation qu’il a obtenue de ses danseurs. Sa Giselleest logique, cohérente, débarrassée des poncifs etatteint ainsi sa vérité artistique.

Comme dans une pièce de Tchékov, chaquepersonnage trouve grâce, jusqu’à Hilarion, l’amou-reux éconduit qui, interprété par Georgy Smilevski,devient aussi attachant qu’Albrecht, l’heureux élu(dansé par Ivan Mikhalev). Celui-ci joue avecfinesse et ambiguïté la double identité de sonpersonnage. La reine Myrtha (Maria Bek) quipossède des équilibres «à tomber d’admiration»mêle à son implacable autorité des moments devulnérabilité comme si elle comprenait l’amourde Giselle pour Albrecht. Quant à Giselle, elleest interprétée par Oxana Kardash avec unesensibilité à fleur de peau qui semble puiser danssa mémoire affective.

En regardant cette version de Giselle si humaineet pleine de sens, il semble que le BalletStanislavsky se soit souvenu que jouer juste,jouer vrai reste la grande leçon du dramaturgeConstantin Stanislavsky dont il porte si fière-ment le nom.

Sonia Schoonejans

Conservatoire NSMD Paris

Jeunes pousses pour unautomne américainValse Fantaisie – chor. George Balanchine, mus.Mikhail Glinka; Fan Dance – chor. AndyDegroat, mus. Michael Galasso; Ashes – ch.Xenia Wiest, mus. Johann Sebastian Bach;Scales – chor. Liz Santoro, Pierre Godard, mus.Greg Beller, Pierre Godard; Fan dance, versionSylvester – chor. Andy Degroat, mus. SylvesterParis, Conservatoire National Supérieur deMusique et de Danse de Paris

L’«Ensemble chorégraphique du Conserva-toire de Paris» dirigé par Cédric Andrieux, com-pagnie dont les interprètes sont les élèves, aprésenté Un Automne américain. Un pro-gramme exigeant qui a mis à l’honneur AndyDegroat, le chorégraphe américain décédé enjanvier 2019. Pour mémoire, Andy Degroat,auteur d’une soixantaine de pièces, a colla-boré avec Bob Wilson pour Einstein on theBeach, puis a fondé sa propre compagnie RedNotes en France.

Très émouvant de revoir son Fan Dance,une pièce de 1978 sur la musique de MichelGalasso qui au premier abord n’a l’air de rien.Des danseurs en noir avec un éventail blancmarchent, font une flexion du genou et repar-

Page 45: n° 284 la revue internationale de la DANSE

45

Ksenia Ovsyanick – Staatsballett Berlin: “LIB”, c. Alexander Ekman (ph. J. Battisti)

tent. Dans ces lignes répétitives qui se croi-sent, tour à tour, quelques interprètes se dé-tachent et entament un solo qui pourrait êtreune improvisation mais qui en réalité n’en estpas une. Les jeunes danseurs ont dû se rendrecompte que marcher en ligne en arrière est lachose la plus difficile en danse. Un bijou de4 minutes 30. Une deuxième version un peuplus longue, Fan Dance, version Sylvester surla musique de Don’t stop de Sylvester clôt lasoirée. Les costumes sont cette fois colorés,jaune, rouge, bleu. De l’humour et de la poésie,deux choses rares et un seul Degroat dont l’es-prit est ici bien rendu.

Avec Scales, une chorégraphie de LizSantoro et de Pierre Godard qui viennent pourl’une du Boston Ballet School et de la TrishaBrown avec un passage à Harvard pour étudierles neurosciences, et pour l’autre de la financeet du théâtre, on entre dans un univers pluscérébral. Les huit danseurs debout sur desbandes velchro blanches gardent d’abord lesilence avant de lancer chacun et dans ledésordre des chiffres qui vont de 1 à 4.Messages codés qui s’accompagnent demouvements de bras tendus et de petits sauts.Ils se rejoignent dans un groupe compact avantde retrouver leur individualité. Enigmatique mais

assez plaisant à regarder.Autre genre, Valse Fantaisie de George Ba-

lanchine, la pièce la plus classique de ce pro-gramme. Une série de pas d’école sur une valseau tempo vivace, jusqu’aux grands jetés de lafin, c’est un festival de tutus qui se soulèventet de pointes qui martèlent le sol. Le lié Ba-lanchine n’est pas encore à la portée des sixinterprètes mais la technique des deux solistesLouis Gigot et Haruka Tonooka est solide.Dans un souci d’échange entre Paris et Lyon,sept danseurs déjà très professionnels du Con-servatoire de Lyon, interprètent Ashes de lachorégraphe Xenia Wiest, lauréate du concoursdes jeunes chorégraphes de Biarritz en 2016.Une écriture serrée: pointes, torsions de la tailleet ports de bras. Une chorégraphe à suivre.

Martine Planells

Staatsballett Berlin

Danseuses en fourrureLIB – chor. Alexander Ekman, mus. diverses;Half Life – chor. Sharon Eyal, Gai Behar, mus.Ori Lichtik; The Second Detail – chor. WilliamForsythe, mus. Tom WillemsBerlin, Deutsche Oper Berlin

Les danseuses principales du StaatsballettBerlin (la compagnie d’État de l’Opéra de Ber-lin) dansent les cheveux détachés. Le choré-graphe suédois Alexander Ekman (36 ans) acréé cette pièce, LIB, en collaboration avecCharlie Le Mindu. Le coiffeur français, qui

Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris: “Valse Fantaisie”,c. George Balanchine (ph. I. Aubert)

Page 46: n° 284 la revue internationale de la DANSE

46

Cannes Jeune Ballet: “Couz”, c. Emanuel Gat (ph. N. Vu Dinh)

préfère être appelé «coiffuriste», a créé desperruques, des costumes et des objets enfourrure pour des défilés de mode, desspectacles théâtraux et des pop stars telle queLady Gaga. Cette fois il a revêtu les danseusesde fourrures, qui recouvrent de plus en plusleurs corps à chaque nouvelle entrée en scène.Un seul garçon est présent: Johnny McMillanroule sur scène, la tête entre les jambes,recouvert de poils; il rappelle Chewbacca deStar Wars.

Les premières danseuses Ksenia Ovsyanick,Elisa Carrillo Cabrera, Polina Semionova et lasoliste Aurora Dickie entrent l’une aprèsl’autre, habillées de collants couleur chair. Ellesbloquent les mouvements et les ralentissenten se regardant l’une l’autre attentivement touten étant distraites par ce Yeti qui s’approched’elles et se glisse entre leurs jambes. À leurseconde entrée, du poil a poussé sur leurs braset leur poitrine et certaines d’entre ellesressemblent à des aigles ou à d’étranges boucs.Les mouvements changent: les bras ondoient,les bustes s’animent, les corps libres selaissent emporter par Hold On de JohnLennon et d’autres chansons des Talking Headset de Maverick Sabre. «LIBérez-vous dusystème, des normes sociales ou du milieuauquel la plupart de votre vie vous aaccoutumés» – suggère Alexander Ekman dansla plaquette de la soirée. Et c’est bien ce quefont les quatre danseuses. À la fin de LIB,les filles s’assoient sur scène et sourient aupublic.

Le ballet est amusant mais le sujet, la libé-ration de la danse académique, pas vraimentnouveau.

Cependant, dans son développement, il serévèle plus efficace que d’autres sujets abor-dés par Alexander Ekman: il rebondit dans lescostumes, dans la musique pop et surtout dansles magnifiques danseuses de la pièce. Le pu-blic applaudit, enthousiaste.

Et il en va de même pour la deuxième piècede la soirée: Strong de Sharon Eyal et GaiBehar. La pièce est en effet vraiment strong.L’année dernière, Johannes Öhman avait ajoutéau répertoire du Staatsballett Berlin dont ilest codirecteur une pièce de cette chorégrapheisraélienne, Half Life de 2018, devenue l’unedes favorites du public. Strong s’avère encoreplus fort: une pièce où les mouvements dela danse classique sont contaminés par lesdanses que Sharon Eyal et Gai Behar ontobservées dans les boîtes de nuit. 17 danseurset autant de fêtards forment une masseuniforme et dangereuse, l’un ou l’autre romptparfois les rangs, encore et encore. Finalementc’est une explosion de mouvements etl’émergence de personnalités qui ont à peinele temps d’apparaître avant d’être aspiréespar la masse. C’est une sorte de maelstrominquiétant. À ne pas suivre.

Lilo Weber

Cannes Jeune Ballet

Quatre pièces pour 14jeunesMichelle Eduardo Simone – chor. ArthurPerole; Rencontres – chor. Filipe Portugal;Idôle(s) – chor. Émilie Lalande; Couz – chor.Emanuel GatCannes, Théâtre Croisette (Festival de Dansede Cannes)

Brigitte Lefèvre, directrice artistique du Fes-tival de Danse de Cannes (qui a lieu tous lesdeux ans à la fin de l’automne au Palais desFestivals et dans d’autres salles de Cannes etde ses alentours), a voulu, dans son dernierprogramme, une soirée du «Cannes Jeune Bal-let».

Ce fut aussi un juste hommage au «géniedu lieu», Rosella Hightower, la grande dan-seuse américaine qui consacra sa vie, hormis

celle sur scène, à l’école qu’elle fonda danscette ville de la Côte d’Azur. En effet, la jeunecompagnie se compose d’élèves des cours avan-cés de cette école qui se nomme aujourd’huiPôle National Supérieur de Danse RosellaHightower et qu’à présent dirige PaolaCantalupo à la fois avec douceur et rigueur.

Le programme du Festival définit avec tropde modestie son Jeune Ballet comme étant l’undes outils pédagogiques de l’école. À dire vrai,ce que nous avons vu est plus que cela: unvéritable spectacle de jeunes danseurs engagésdans trois créations, dont l’une d’unchorégraphe déjà connu (le Portugais FilipePortugal), et une autre une pièce engageantepour 14 interprètes d’un auteur israélien con-firmé internationalement, Emanuel Gat.

Son Couz, créé en 2017 sur la musique deYann Robin et de Art of Metal II, est selonles mots de Gat lui-même «une expérience dechorégraphie en temps réel et l’élaboration demécanismes liés à la chorégraphie en tantqu’événement assemblé en temps réel», à sa-voir au moment même de l’exécution. Pas fa-cile du tout, mais les filles et les garçons deCannes se prennent au sérieux en tant que créa-teurs sur scène en direct et le résultat est vrai-ment intéressant et convaincant peut-être pré-cisément en raison de la fraîcheur de leurdisponibilité et de leur «pureté», que l’on per-çoit fort bien.

Les pièces d’Arthur Perole et d’Emilie Lalandesouffrent de l’inexpérience de leurs jeunesauteurs, mais elles sont à voir, elles, commeun moment pédagogique, pour eux-mêmes etpour leurs interprètes. Beaucoup plus intéres-sant est Rencontres de Filipe Portugal, danseurprincipal à l’Opéra de Zurich, qui emploie avecnaturel la technique classique dans un jeu, jus-tement, de rencontres non dépourvuesd’inventivité chorégraphique. Une dimensionindispensable pour des danseurs qui font leurentrée dans le monde professionnel.

A.A.

Cannes Jeune Ballet:“Rencontres”, c. Filipe Portugal

(ph. N. Sternalski)

Page 47: n° 284 la revue internationale de la DANSE

47

Prix de Lausanne, le concours modèle

Les lauréats de l’édition 2020 du Prix de Lausanne (ph. G. Batardon)

Carolyn Carlson reçoit le prix à la carrière(ph. G. Batardon)

“Andante Ballabile”, une pièce de Mauro Bigonzetti créée pour de jeunes danseurs dans le cadre du Prix de Lausanne(ph. G. Batardon)

Pour la quatrième fois de son histoire, lePrix de Lausanne s’est délocalisé. Après NewYork, Tokyo et Moscou: Montreux (toutjuste à côté de Lausanne)! Mais il s’agissaitlà de pallier la fermeture pour cause derénovation du Palais de Beaulieu, à Lausanne.

La fête n’en fut pas moins belle avec 77concurrents admis, une semaine de travailsous les yeux d’un jury de haut vol présidépar Frédéric Olivieri, directeur du Ballet deLa Scala de Milan, e t un gala f inalpassionnant de bout en bout et illuminé parle Prix à la carrière décerné à l’illustre CarolynCarlson. Comme toujours, le palmarès fait

des heureux et des déçus. Parmi les trèsheureux, un Italien de 17 ans, Marco Masciari,qui remporte à la fois une bourse d’étude etle Prix d’interprétation contemporaine ; aveclui, c’est l’Académie Princesse Grace deMonaco qui est distinguée, dont un élève,pour la 3e année consécutive, obtient lemeilleur classement. Parmi les déçus, la Por-tugaise Catarina Pires, présentée par la TanzAkademie de Zurich, qui n’obtient que le Prixdu public. Elle pouvait espérer beaucoupmieux.

On le dit chaque année parce que cela seconfirme chaque année: ce concours est un

modèle du genre. D’abord par la qualité desconcurrents de 25 nationalités, dont certainsdoivent leur venue à des présélections réali-sées en Asie, en Amérique du Sud et àLausanne (pour les Européens). Ensuite parl’expérience que représente quatre jours detravail, quasiment hors compétition, encadréspar des professionnels aussi réputésqu’Élisabeth Platel, directrice de l’école dedanse de l’Opéra de Paris, Patrick Armand,directeur de la San Francisco Ballet School,et Nicolas Leriche, directeur du Ballet Royal

Page 48: n° 284 la revue internationale de la DANSE

48

Quelques lauréats de cette édition:Ava Arbuckle (en haut, à gauche)João Vitor Santana (au milieu)Matei Holeleu (à gauche)Marco Mascari (en haut, à droite)(ph. G. Batardon)

Suédois.Ce n’est que les deux derniers

jours que les concurrents entrentv r a i m e n t d a n s l e f e u d e l acompétition, avec présentation deleur variation classique et de leursolo contemporain en vue del’obtention d’une bourse d’étude oud’apprentissage.

L’unique Suissesse inscrite cetteannée ayant dû renoncer, le Prix dumeilleur candidat suisse (ou étu-diant en Suisse), s’ajoutant à unebourse d’étude, est allé au RoumainMatei Holeleu, de l’école duTheater Basel, qui avait choisi unevariation contemporaine de HeinzSpoerli, musique de Colin Vallon.

Coup double pour l’AméricaineAva Arbuckle, tout juste 15 ans,qui remporte et le Prix du meilleurjeune talent de la FondationNoureev et la Bourse Jeune espoir,aussi à l’aise dans Le Réveil de Flore(Petipa), toute de délicatesse, quedans le solo Abstract de Jean-Christophe Maillot, qui exigeprésence, rigueur, autorité. Deux

Brésiliens issus de la même école ont fait éga-lement florès: Vitor Augusto Vaz, 15 ans,et Joao Vitor Santana, 17 ans. Le premier,fulgurant dans son Harlequinade (Petipa) oùil vole carrément; le second, si sensuel, si plas-tique et expressif dans le Chroma de WayneMcGregor. La Coréenne Chaeyeon Kang auxsuperbes lignes domine sa Paquita avec unegrâce souveraine comme son Abstract seméde gestes furtifs et carrés. D’Asie encore, deuxChinoises: Lin Zhang, époustouflante danssa Giselle et sa diagonale de ronds de jambeen l’air, ainsi que Yuyan Wang, très lyriquedans un solo de Rossini Cards de MauroBigonzetti qui lui vaut encore le Prix du Pu-blic Web.

Présenté après l ’entracte , AndanteBallabile, musique Tchaïkovsky, a été régléen huit jours par Bigonzetti, le temps du Prixde Lausanne. Il avait pour interprètes 26jeunes danseurs sélectionnés par 13 écolesde danse par tenaires . Une mervei l led’intelligence, d’inventivité, de musicalité.Dans ce même intermède, la Royal BalletSchool a dansé deux divertissements d’AshleyPage et Frederick Ashton. Autant d’instantsde bonheur tant font plaisir à voir ces trèsjeunes artistes si frais, si justes, si engagés.

Mais le moment le plus émouvant peut-être fut la remise par Kathy Bradney, ladirectrice, du «Life Achievement Award» àCarolyn Carlson. À 77 ans, la magnifiquechorégraphe n’a rien perdu de sa superbe.Alliant à la poésie de ses mots celle des gestes,elle s’est lancée dans une improvisationinspirée qui marquera longtemps les rétines.

Jean Pierre Pastori

Page 49: n° 284 la revue internationale de la DANSE

49

abonnez-vous éditionFRANCE

Revue bimestrielle + un numéro “Spécial Photo”7 numéros (un an) a partire de n’importe quel mois

votre revue est en vente enkiosque en France,

notamment dans les pointsRELAY

si vous ne trouvez pasBALLET2000 dans votre

kiosque préféré, écrivez-nousson adresse précise et il sera

regulièrement desservi parnotre diffuseur ( svp envoyez

un email à[email protected] )

version papier32,00 euros pour la France et le reste del’Europe (hors Europe : 49,00 euro)

- Par chèque à l’ordre EDITIONS BALLET2000 Sarl - envoyer à Ballet 2000 B.P. 1283- 06005 Nice cedex 01- Par virement bancaire, Iban :FR27 2004 1010 0811 2057 3D02 930(BIC/Swift: PSSTFRPPMAR)- En ligne, par carte bancaire ou PayPalsur le site www.ballet2000.com> FRANÇAIS > S’abonner

version numériquev. website: www.bal let2000.comcontact: [email protected]

Page 50: n° 284 la revue internationale de la DANSE

50

MultiMEDIA

Anna Osadcenko – Ballet de Stuttgart: “La Belle au bois dormant”, c. Marcia HaydéeWEB

La danse virtuelle à l’époque duconfinement

Au moment de mettre sous presse, la situa-tion sanitaire qui a frappé l’Europe et le mondesemble être tout particulièrement alarmante etdemander des mesures draconiennes. Parmi cel-les-ci, la fermeture des théâtres et l’annulation desmanifestations culturelles (avec des modalitésdifférentes selon les pays impliqués), ce qui remeten question les dates de nombreux spectaclesprésentés dans ces pages.

Se voyant obligés d’annuler ou de reporter tourà tour leurs représentations (avec des délaisdifférents, selon les arrêtés promulgués par lesgouvernements), quelques théâtres et compagniesont voulu mettre en ligne sur leur site internetquelques spectacles des dernières saisons: une sortede “danse et ballet dans le fauteuil” pour ainsidire, qui permet de jouir de l’art, de la culture etdu spectacle pendant l’isolement; c’est une initiativequi fait écho à celle des grands musées (du Louvreau Prado de Madrid, de la Galerie des Offices deFlorence aux Musées du Vatican, du Musée Ar-chéologique d’Athènes à l’Hermitage de Saint-Pétersbourg) qu’on peut visiter sur le web de-

Tulsa Ballet in “Tchaikovsky: The Man Behind the Music”, c. Ma Cong (ph. K. Luber)

Page 51: n° 284 la revue internationale de la DANSE

51

Misty Copelandpuis chez soi. Les visites virtuelles, ainsi que lesspectacles filtrés par l’écran et enregistrés, ne sontpas précisément comme les visites sur place etles spectacles live, mais c’est quand même uneexcellente initiative pour répandre l’art dans lesmaisons, dans un moment historique particulieroù de nombreuses personnes sont contraintes àune sorte de réclusion; d’autant qu’il suffit d’uneconnexion à Internet, sans autres frais.

Le Ballet de Stuttgart, par exemple, a lancél’initiative “Stuttgart Ballet@Home” qui met àdisposition des passionnés une série de vidéosde ballets de son répertoire à voir sur le site webou sur la chaîne YouTube de la compagnie. Lesvidéos sont disponibles “à la demande” pour unepériode établie; la liste est mise à jour tour à tour,selon la durée de l’émergence.

Au moment où nous écrivons, ont fait le mêmechoix l’Opéra de Paris (avec son Lac des cygnesversion Noureev), La Scala de Milan, le TeatroSan Carlo de Naples, le Théâtre Bolchoï de Moscou(avec ballets, opéras et concerts); d’autrescompagnies, comme le Ballet de l’Opéra de Berlin,suggèrent des liens à YouTube pour découvrirdes extraits de spectacles et surtout des répétitions.De l’autre côté du monde, on cite l’exemple duTulsa Ballet (Oklahoma, USA), compagnieentreprenante dirigée par Marcello Angelini, quiprésente le live-stream intégral de son spectaclesur Tchaïkovsky de l’année dernière. Et,naturellement, les compagnies majeures sont, ellesaussi, de la partie, comme le New York City Balletet l’American Ballet Theatre, qui présentent leursclasses en ligne, des projets et des spectacles enstreaming.

Il est probable que si le confinement perdure,beaucoup d’autres théâtres programmeront une‘saison virtuelle’ en remplacement de la ‘réelle’.Le lecteur, surfant sur les sites des diversescompagnies de ballet et de danse contemporaine,pourra ainsi découvrir au fur et à mesure lesinitiatives proposées (à la demande ou enstreaming) jusqu’à ce que la situation rentre dansla normalité avec la réouverture des théâtreset la reprise des saisons, dans les délais et lesmoyens qu’on nous communiquera.

Misty, le classique est noir aussi.Misty Copeland, la danseuse afro-américaine

qui a fait un buzz suite à une polémique con-tre La Bayadère du Bolchoï de Moscou pourles fausses danseuses africaines utilisées parcette production maison, qui, par ailleurs, n’aaucune intention de la changer, est sur le webavec la publicité pour sa master class où elle«enseigne technique de la danse classique et in-terprétation».

Master est une série de cours en streamingqui concerne plusieurs disciplines avec des pro-fesseurs de haut niveau, par exemple SerenaWilliams pour le tennis et Anna Wintour pourla mode.

Misty raconte qu’elle a beaucoup souffertpour apprendre la danse classique, ayantcommencé tard, à l’âge de 13 ans, pour af-fronter ensuite la dure escalade jusqu’au som-met de la profession, comme principal (dan-seuse étoile) de l’American Ballet Theatre àNew York.

Misty Copeland propose ici une manière sim-ple de s’approcher de la technique du balletclassique, pour devenir «ce que l’on veut être»en sept leçons à plusieurs niveaux. Objectif:force, grâce, beauté physique. L’invitation nousdit: rejoins en ligne la danseuse qui a fait dateen bousculant les conventions de la danse clas-sique. Cliquez sur YouTube: https: / /w w w . y o u t u b e . c o m /watch?v=IQQZNWq0n68&t=4s

Mode et danse. Blanca Lichorégraphe et performer espagnole-pari-

sienne, un talent créateur éclectique à la basede nombreux spectacles, performances, flashmobs, films et vidéos, amie du réalisateur PedroAlmodóvar, a chorégraphié triomphalement ledernier défilé de Jean-Paul Gaultier, JoyeuxBordel (photo ci-dessous), au Théâtre du Châ-

telet à Paris, avec des invités amis très glamourcomme Mylène Farmer, Béatrice Dalle,Farida Khelfa, Amanda Lear, Coco Rocha, DitaVon Teese, Irina Shayk, Gigi et BellaHadid, Rossy de Palma et Boy George.

Adrian Clay du New York City Ballet, «népour s’envoler», apparaît dans les journaux dansdes photos pour des habits en tissu Estrato,

Page 52: n° 284 la revue internationale de la DANSE

52

Sergueï Polounine dans une scène du documentaire “Sergei”par Shailendra Singh; ici à côté, l’affiche

Mats EK dans une scène du documentaire “The Choreographer”par Andreas Söderberg et Björn Eriksson

prestigieuse des États-Unis.Les danseuses de La Scala de Milan ont posé,

parmi de nombreuses filles, pour des images si-gnées par l’artiste Vanessa Beecroft, connue pourses still life collectifs où les gens sont immortali-sés debout, semblables dans les mêmes poses maistous différents physiquement. Les photos ont

été commanditées par les doudounes Moncler etont été réalisées dans la Galerie Victor Emma-nuel II à Milan (photo ci-dessus).

Jusqu’au 18 avril, auprès du Musée duFashion Institute of Technology de New York,on peut visiter l’exposition Ballerina: Fashion’smodern muse (photo ci-dessous), réalisée parPatricia Mears. Parmi les robes du soir exposées,il y a des créations de Gabrielle “Coco” Chanel,Christian Dior, Pierre Balmain et Charles James,qui alternent avec une sélection de tutus qui furentportés par des danseuses telles qu’Anna Pavlovaet Margot Fonteyn et de costumes novateursdessinés par Christian Bérard pour les BalletsRusses de Monte-Carlo, Barbara Karinska pourle New York City Ballet et Geoffrey Holder

pour le Dance Theatre de Harlem.Elisa Guzzo Vaccarino

Documentaires

The Choreographer Mats Ek est un documen-taire ‘intime’ sur le grand chorégraphe suédois; ila été réalisé par Andreas Söderberg et BjörnEriksson. Ils ont observé les étapes de la créationde Juliet & Romeo, son ballet le plus récent inspirépar la tragédie de Shakespeare, pour le Ballet RoyalSuédois à Stockholm. À l’adresse https://www.youtube.com/watch?v=92P58YTSL1I ontrouve, en plus, une interview du danseur IstvánSimon réalisée au Semperoper de Dresde. Ek parlede son rapport aux femmes, fortes, empathiques,riches de nombreuses facettes toujours différen-tes, côté caractère et côté physique, comme sa mèreBirgit Cullberg, et il aborde aussi le thème du nouveau

rôle que les femmes jouent dans la société et dansl’univers artistique.

Le documentaire Sergei, à savoir SergueïPolounine, va bientôt sortir: un film par ShailendraSingh, réalisateur et entrepreneur indien, grand amidu danseur ukrainien. Bharamji est l’auteur desmusiques. Donc, le parcours cinématographiquede Polounine se poursuit. Il a déjà fait partie desdistributions de Casse-Noisette et les quatreroyaumes par Disney (2018), qu’ont réalisé LasseHallström et Joe Johnston (où il apparaît aux côtésde Misty Copeland); de Nureyev – The white crow(2018) par Ralph Fiennes; de Red Sparrow (2018)par Francis Lawrence; de Crime dans l’OrientExpress (2017) par Kenneth Branagh; de Dancer

(2016), le docu-mentaire sur sa vieréalisé par StevenCantor. De surcroît,Polounine a inter-prété le jeune RudolfNoureev dans le docu-mentaire de la BBCRudolf Nureyev: FromRussia With Love (2007). Sa célébritéà l’écran a explosé en 2014 grâce à la vidéo deDavid LaChapelle, dans une chorégraphie de l’amiJade Hale-Christofi, sur Take Me to Church deHozier.

E.G.V.

Page 53: n° 284 la revue internationale de la DANSE

53

Akram Khan, Sidi Larbi Cherkaoui: “Zero degrees”

Livres

The Fury of Beautiful Things / La Fureurdu beau – Akram Khan Company – Éd.Actes Sud (en Français et en Anglais)

Un très beau livre pour deux très bellesa v e n t u r e s : l e d é v e l o p p e m e n t d e l acompagnie d’Akram Khan et le partenariaté t a b l i p a r c e t t e d e r n i è r e a v e c ,paradoxalement, une entreprise de travauxp u b l i c s , C o l a s . C ’ e s t à C o l a s b i e névidemment que ce somptueux album doitd’avoir été publié. Une première partie ennoir et blanc où la photographie restituele travail des répétitions. Une secondepartie en couleurs qui rend magnifiquementcompte d’une vingtaine de spectacles. Entreles deux, un texte très éclairant.

Sous le titre «Mémoires du futur», lechorégraphe britannique d’origine bengalise raconte. Son enfance londonienne où ildanse spontanément le kathak dans le salonfamilial, quitte à faire trembler les lustresdu restaurant de son père, situé juste endessous. Son engagement à l’âge de 13 ansdans Le Mahabharata de Peter Brook.L’influence qu’exercent alors sur lui FredAstaire, Charlie Chaplin, Buster Keaton,Michael Jackson, Bruce Lee et MuhammadAli… Mais aussi la formation en danseclassique indienne que lui donne son gourouSri Pratap Pawar. Partagé entre le souhaitde sa mère qu’il fasse des études supérieureset le désir de son père qu’il reprenne le res-taurant indien, il décide de se former auxarts de la scène à l’université De Montfort,à Leicester. Puis s’inscrit à la NorthernSchool of Contemporary Dance, à Leeds.

La rencontre avec Farooq Chaudhry, ex-danseur d’Anne Teresa De Keersmaeker,détermine toute la suite de sa carrière.Chaudhry dev ien t son agen t e t sonproducteur. Ensemble, en 2000, ils créentl’Akram Khan Company. D’ailleurs, encontrepoint aux souvenirs d’Akram, Farooqappor te son propre éc la i rage . Ains iapprend-on qu’il n’a pas hésité à vendreson appartement pour financer Rush, leurtroisième création. Une prise de risque qu’iln’a pas regrettée. Le chorégraphe fait ra-

pidement l’objet de flatteuses invitationset entame de fécondes collaborations: avecSidi Larbi Cherkaoui comme avec leplasticien Anish Kapoor, avec SylvieGuillem comme avec Israel Galván. De cemagnifique parcours, ce livre où deux voixse font entendre relate brillamment les prin-cipales étapes.

Jean Pierre Pastori

À la recherche de Marius Petipa – uncollectif d’auteurs sous la direction dePascale Mélani – MSHA

Avec ce livre, Pascale Mélani enrichit sontravail sur Marius Petipa. Après Mémoiresdu Maître de ballet des Théâtres impériauxMarius Petipa (2017) et Journal du Maîtrede ballet des Théâtres impériaux (2018),la professeure à l’Université de Bordeaux-M o n t a i g n e p o u r s u i t d a n s l e c a d r ed’échanges franco-russes ses recherches surle maître de ballet.

On ne peut que se féliciter que le célèbreFrançais qui a inscrit son nom au frontondu Théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourget dans l’histoire du ballet suscite enfin lacuriosité et des études sérieuses dans sonp a y s d ’ o r i g i n e . C ’ e s t d o n c a v e cgourmandise que l’on apprend que d’unPetipa à l’autre, l’Opéra de Paris a pré-féré l’aîné, Lucien, né en 1815, brillant en«entrechats horizontaux» et partenaireadmiré de Carlotta Grisi dans Giselle ouLa Péri.Le cadet, Marius (né en1818), futplus chanceux en Russie où il fut reconnucomme chorégraphe à Moscou avec LeMarché de Paris (1859) présenté ensuiteà l’Opéra de Paris sous le titre Le Marchédes Innocents (1861).

Les différents chapitres découvrent à lafois le Petipa intime: ses adresses, les ca-

deaux reçus au cours de sa carrière, et lePetipa professionnel qui n’appréciait pasles extravagances techniques des danseu-ses italiennes accueillies au Mariinsky etdont on savoure la galerie de portraits. Unebonne partie de l’ouvrage est consacrée àun gros plan sur La Bayadère: méandresde la création, origine du livret, son styleet son quatrième acte… Il est aussi ques-tion de l’héritage des œuvres de Petipa dan-sées à sa façon par la compagnie d’AnnaPavlova.

Finalement on comprend que l’Opéra deParis aura fait peu de cas des ballets deMarius Petipa avant que Rudolf Noureev,directeur de la danse (1983-1992), ne re-monte ses ballets de Raymonda en 1983 àLa Bayadère en 1992. Une histoire franco-russe à rebondissements.

Martine Planells

Page 54: n° 284 la revue internationale de la DANSE

54

Marcelino Sambé, Lauren-Cuthbertson – The Royal Ballet: “The Cellist”, c. Cathy Martson(ph. B. Cooper)

Cinéma

Danse avec un violoncelleAvec le programme du Royal Ballet de Lon-

dres, diffusé le 25 février dernier dans les ci-némas Publicis, deux points de vue de la dansesont proposés. D’un côté un ballet abstrait,de l’autre un ballet narratif. Le premier, Dancesat a Gathering, est un chef d’œuvre signé Je-rome Robbins. Le second, The Cellist, est unecréation de Cathy Marston (45 ans, artisteassociée du Royal Ballet 2002-07 et directricedu Ballet de Berne 2007-13)

Pour la petite histoire, c’est au New YorkState Theater que le New York City Ballet adansé Dances at a Gathering pour la premièrefois le 22 mai 1969. Un retour marqué deRobbins, au sein du NYCB après une dizained’années consacrées à la comédie musicale etau théâtre. Dès l’année suivante, la pièce en-trait au répertoire du Royal Ballet de Londresavec une distribution de choc: Rudolf Noureev,Antoinette Sibley, Anthony Dowell, Lynn Sey-mour… tous choisis par Robbins lui-même. Dece ballet découpé en quatorze séquences surdes musiques de Chopin, Robbins disait dansBallet Review en 1972: «il n’y a pas d’histoire.Il n’y a pas de rôle. Ce sont des danseurs quiévoluent sur cette musique dans cet espace. Riend’autre». Dix danseurs, cinq hommes et cinqfemmes, définis par la couleur de leur costume(rose, mauve, abricot, vert, bleu, brun, jaune,pourpre, violet, brique) écoutent et se laissentporter par la musique. Autant dire que les dan-seurs doivent être excellents. Et les interprè-tes, que ce soit Marianela Núñez, FrancescaHayward, Federico Bonelli, Alexander Camp-bell pour ne citer qu’eux, relèvent le défi avecun engagement, une musicalité, une poésie quiles placent au top.

Avec The Cellist, Cathy Marston rejoint la

lignée des chorégraphes FrederickAshton, Kenneth MacMillan, ouplus récemment ChristopherWheeldon et Liam Scarlett quin’ont pas peur de raconter deshistoires. Pour sa première créa-tion pour le Royal Ballet, CathyMarston relate celle de Jacquelinedu Pré. Violoncelliste talentueuseet charismatique, femme du pia-niste et chef d’orchestre DanielBarenboim, Jacqueline du Pré aeu sa carrière et sa vie brisées parla maladie, la sclérose en plaquesà l’âge de 27 ans. Pour cet hom-mage à la musique, Philip Feeney

reprend dans sa composition des œuvres durépertoire de la violoncelliste et notamment leconcerto d’Elgar.

La plus belle invention de Cathy Marstonest d’avoir imaginé un danseur pour figurer l’ins-trument. Et quand, entre les genoux de la vio-loncelliste (une Lauren Cuthbertson à fleur depeau), l’instrument (Marcelino Sambé) en mar-ron lève le bras qui symbolise la touche enébène, l’émotion submerge le spectateur. Osonsle dire, l’interprétation de Marcelino Sambé estgéniale. La relation principale et amoureuse sejoue entre la violoncelliste et l’instrument maisquand ils se retrouvent avec le mari et chef d’or-chestre (Matthew Ball), le trio l’emporte surle reste de la narration. Mouvements circulai-res au sol ou en portés et intensité dramatiquedu jeu des trois interprètes. «C’est une his-toire triste mais en même temps c’est un hom-mage» confie la vibrante Cathy Martson.

Et comme on est au cinéma, entre interviewset reportages, le bonus est une archive:Baremboin au pupitre dirige l’orchestre et Jac-queline du Pré joue du violoncelle. Vingt sixpays et 1050 cinémas ont vibré à l’unisson.

Martine Planells

Marianela Núñez, FedericoBonelli – The Royal Ballet:“Dances at a Gathering”,c. Jerome Robbins(ph. A. Muir)

Page 55: n° 284 la revue internationale de la DANSE

55

Page 56: n° 284 la revue internationale de la DANSE

56

programmes • programmi • calendar • programmes TV programmi • calendar • programmes • programmi

Mezzo

www.mezzo.tv4, 17. IV: Summerspace; Exchange – c.Merce Cunningham – Ballet de l’Opérade Lyon; “Paris New York Paris” – CCNBallet de Lorraine6, 11, 24. IV: Ce que le jour doit à la nuit –c. Hervé Kourbi – Cie Hervé Kourbi;L’Inattendu sur tous les fronts, Hervé Koubi(docum.); Les Nuits barbares ou lespremiers matins du monde – c. Hervé Kourbi– Cie Hervé Kourbi7, 13, 18, 30. IV: Une autre passion – c.Pontus Lidberg – Ballet du Grand Théâtrede Genève; BA/rock – c. Jeroen Verbruggen– Ballet du Grand Théâtre de Genève10. IV: Six Concertos brandebourgeois –c. Anne Teresa De Keersmaeker – CieRosas; Mitten (docum.)14, 20, 25. IV: La Bayadère – c. MariusPetipa – Ballet de l’Opéra de Kiev21, 27. IV: Allegria – c. Kader Attou – CieAccrorap; Triple Bill #1 – c. Jann Gallois,Kader Kattou, Mikey – Cie Accrorap28. IV: Eugène Onéguine – c. Boris Eifman– Eifman Ballet; Frères Kramazov – c.Boris Eifman – Eifman Ballet

Mezzo live HD

www.mezzo.tv5, 6, 7, 8, 9, 10, 19, 20, 21, 22, 23, 24. IV:Rain – c. Anne Teresa De Keersmaeker– Ballet de l’Opéra de Paris; “Soirée Anne

Teresa De Keersmaeker” – Ballet de l’Opérade Paris12, 13, 14, 15, 17, 26, 27, 28, 29, 30. IV, 1.V: Puccini – c. Julien Lestel – Cie JulienLestel; Roméo et Juliette – c. Julien Lestel– Cie Julien Lestel

Zachary Clark, Virginie Nopper - Ballet duGrand Théâtre de Genève: “Ba\rock”,

c. Jeroen Verbruggen (ph. S. Rubio)

Eifman Ballet: “Beyond Sin” (“Les Frères Karamazov”) – c. Boris Eifman(ph. P. Brenkus)

Page 57: n° 284 la revue internationale de la DANSE

57

du 19 au 23 octobre 2020

Page 58: n° 284 la revue internationale de la DANSE

58

afafafafafffffficiciciciche • carhe • carhe • carhe • carhe • cartellone • calendar • aftellone • calendar • aftellone • calendar • aftellone • calendar • aftellone • calendar • afffffficiciciciche • carhe • carhe • carhe • carhe • cartellonetellonetellonetellonetellone

AUTRICHE

Wien Staatsoper

14. IV, 11, 17. V: Sylvia – c. M.Legris (L. Mérante) – WienerStaatsballett18, 21, 29. IV, 4. V: The SecondDetail – c. W. Forysthe; ContraClockwise Witness – c. N.Horenca; Études – c. H. Lander– Wiener Staatsballett

BELGIQUE

Bruxelles Théâtre de la Monnaie

15-20. V: Cie Rosas: Rain Live– c. A. T. De Keersmaeker27-30. V: Cie Sasha Waltz andGuests: Rauschen

RÉP TCHÈQUE

Prague State Opera

9, 10, 11. IV: La Fille mal gardée– c. F. Ashton – Prague NationalTheatre Ballet

DANEMARK

Copenhagen Det Kongelige Teater

4. IV: “Bournonville’s Dances”– c. A. Bournonville; Ballo dellaRegina – c. G. Balanchine; LesNoces de Raymonda – c. M.Petipa5. IV: Malher Third’s Symphony– c. J. Neumeier – RoyalDanish Ballet

Det Kongelige Teater – TheOpera House25, 26. IV, 1, 2, 5, 9, 14, 16,19. V: Come Fly Away – c. T.Tharp – Royal Danish Ballet2, 5, 6, 7, 9, 10. V: Centaur –c. P. Lidberg – Royal DanishBallet

ALLEMAGNE

Berlin Staatsoper Unter den Linden

25. IV, 5, 7, 9, 15. V: Sym-phonie 2020 – c. S. Waltz –Staatsballett Berlin

Deutsche Oper8, 11, 22. V, 1. VI: Giselle – c.P. Bart – Staatsballett Berlin

Ballett am Rhein: “Septième Symphonie”, c. Uwe Scholz (ph. G. Weigelt)

Nikola Marova, Giovanni Rotolo – Czech National Ballet: “La Fille mal gardée”, c. Frederick Ashton(ph. D. Wharton)

Page 59: n° 284 la revue internationale de la DANSE

59

calendar • afcalendar • afcalendar • afcalendar • afcalendar • afffffficiciciciche • carhe • carhe • carhe • carhe • cartellone • calendar • aftellone • calendar • aftellone • calendar • aftellone • calendar • aftellone • calendar • afffffficicicicichehehehehe

Dresden Semperoper

1, 3, 9, 11, 13. IV: Carmen – c.J. Inger – Ballett Dresden6, 8, 10, 17, 21, 25. V: DonQuichotte – c. A. S. Watkin –Dresden Ballet

Duisburg Theater der Stadt

4, 12, 18. IV, 20. V: Dark withExcessive Bright – c. R. Binet;Notations I-IV; Siebte Sinfo-n i e – c . U . S c h o l z ;Ramifications – c. M. Schläpfer– Ballett der Deutschen Operam Rhein

Düsseldorf Opernhaus

25. IV: Dark with ExcessiveBright – c. R. Binet; NotationsI-IV; Siebte Sinfonie – c. U.Scholz; Ramifications – c. M.Sch läp fe r – Ba l l e t t de rDeutschen Oper am Rhein

Hamburg Grosses Haus

9, 10. IV: Matthäus-Passion –c. J. Neumeier – HamburgBallet17, 18, 21, 24. IV: Brahms-S c h o e n b e r g Q u a r t e t ;Liebeslieder Walzer – c. G.Balanchine – Hamburg Ballet30. IV, 1. V: Beethoven-Projekt– c. J. Neumeier – HamburgBallet7, 8. V: Shakespeare Dances– c. J. Neumeier – HamburgBallet15, 17, 19, 20. V , 1. VI :Illusionen – wie Schwanensee– c. J. Neumeier – HamburgBallet24, 27, 28. V: Anna Karenina– c. J. Neumeier – HamburgBallet

Leipzig Oper

3, 12, 18, 26. IV: Lamento – c.M. Schröder – Leipziger Ballett6. IV: Blue Monday – c. M.Schröder – Leipziger Ballett8, 17. IV: See Bleu Thought –c. M. Harriague; Flesh – c. I.Pérez; America – c. D. Veldman

– Leipziger Ballett11. IV: Sleeping Beauty – c.J. Verbruggen – LeipzigerBallett

München Nationaltheater

8, 17. IV: Coppélia – c. R. Petit– Bayerisches Staatsballett25, 26. IV: Jewels – c. G.Balanchine – BayerischesStaatsballett4, 5. IV: Schwanensee – c. M.Petipa, R. Barra – BayerischesStaatsballett

Stuttgart Opernhaus

8, 11. IV: creations – c. D. Lee,M. Schläpfer, L. Stiens –Stuttgart Ballet24, 26. IV: Mayerling – c. K.MacMillan – Stuttgart Ballet29, 30. IV: “Noverre: youngchoreographers 2020” –Stuttgart Ballet

ESPAGNE

Barcelona Gran Teatre del Liceu

23-25. IV: English NationalBallet: Giselle – c. A. Khan

Svetlana Gileva –Ballet de l’Opéra de Dresde:

“Don Quichotte”(ph. Ian Whalen)

Amy Watson, Alban Lendorf – Ballet Royal Danois: “Come Fly Away”, c. Twyla Tharp (ph. C. Radu)

Page 60: n° 284 la revue internationale de la DANSE

60

afafafafafffffficiciciciche • carhe • carhe • carhe • carhe • cartellone • calendar • aftellone • calendar • aftellone • calendar • aftellone • calendar • aftellone • calendar • afffffficiciciciche • carhe • carhe • carhe • carhe • cartellonetellonetellonetellonetellone

FRANCE

Paris Opéra Garnier

11, 14, 15, 17, 18, 19, 20, 22,23, 25, 28, 29, 30. IV, 2, 8, 11,18. V: creation – c. A. L. Oyen– Ballet de l’Opéra de Paris

Créteil – Maison des Arts1-3. IV: Cie Bournout: Samsara– c. J. Gallois27-29. V: Marion Lévy: Trai-ning

Théâtre des Champs-Élysées16-18. IV: Ballet du ThéâtreS t a n i v s l a s k y d e S a i n t -Pétersbourg: Tyll – c. A.Ekmann; Variations sur unthème de B ize t – c . V .Bourmeister; Noces – c. A.Preljocaj

Théâtre de la Ville – LesAbbesses3-25. IV: Cie Hofesh Shechter:Political Mother Unplugged4-6. V: Amala Dianor: TheFalling Stardust

La Villette1-4. IV: Kidd Pivot: Revisor –c. C. Pite

Aix-en-Provence Le Pavillon Noir

6, 7. IV: Cie L’octagone: A Taste

of Ted – c. J. Brabant, M. Pizon28, 29. IV: Ballet de l’Opérade Bordeaux: Grands Duos5-12. V : Ballet Prel jocaj:Paysage après les méduses– c. A. Preljocaj15, 16. V: Collectif PeepingTom: Moeder

Biarritz Gare du Midi

2, 3. V: Ballet Biarritz: La Pa-storale – c. T. Malandain

Bordeaux Opéra National de Bordeaux

3, 4, 6, 7, 8, 9, 10, 12. IV:Celestial – c. G. Smith; Traitd’union – c. A. Preljocaj;Herman Schmerman – c. W.Forsythe – Ballet de l’Opérade Paris

Bron Pôle de Scène

17. IV : Ba l le t Pre l joca j :Playlist#1 – c. A. Preljocaj

Cannes Grand Auditorium

12. IV: Ballet Biarritz: Marie-Antoinette – c. T. Malandain

Colombes L’Avant-Seine

19. V: Ballet Preljocaj: Gravité– c. A. Preljocaj

Dijon Opéra

1. IV: Cie Carte Blanche:Soufflette – c. F. Chaignaud

Lyon Opéra de Lyon

8-14. IV: Die Grosse Fuge –c. A.-T. De Keersmaeker; Gros-se Fugue – c. M. Marin; Gran-de Fugue – c. L. Childs – Balletde l’Opéra de Lyon

Maison de la Danse9, 10. IV: David Coria: Elencuentro14-17. IV: Cie Eun-Me Ahn:North Corea Dance13-17. V: Ballet de l’Opéra duRhin: Chaplin – c. M. Schröder

Marseille La Criée

3, 4, 5. IV: Ballet Preljocaj:Winterreise – c. A. Preljocaj

Mérignac Le Pin Galant

8. IV: Ballet Biarritz: La Bêteet la Belle – c. T. Malandain

Ballet du Théâtre Stanislavsky de Moscou: “Tyll”, c. Alexander Ekman (ph. S. Avvakum)

Jérôme Brabant, Maud Pizon – Cie L’octagone: “A Taste of Ted”

Page 61: n° 284 la revue internationale de la DANSE

61

calendar • afcalendar • afcalendar • afcalendar • afcalendar • afffffficiciciciche • carhe • carhe • carhe • carhe • cartellone • calendar • aftellone • calendar • aftellone • calendar • aftellone • calendar • aftellone • calendar • afffffficicicicichehehehehe

Nancy Opéra de Nancy

2, 3. IV: Ballet de Lorraine: Celanous concerne tous – c. M.Gutierrez; Ballet du Rhin: Yours,Virginia – c. G. Harush27, 28, 29, 31. V: No Oco – c. L.Touzé; Static Shot – c. M. Le Pladec

– Ballet de Lorraine

Nice Opéra

17, 18, 19, 24, 25, 26. IV: Alle-gro Brillante – c. G. Balanchine;Oceana – c. L. Childs; Le Balletde Faust – c. É. Vu-An – Ballet

Nice Méditerranée

Reims Opéra de Reims

30, 31. V: Ballet Biarritz: La Pa-storale – c. T. Malandain

Rouen Opéra de Rouen

27, 28. IV: Ballet Preljocaj:Playlist#1 – c. A. Preljocaj

Saint-Louis Théâtre La Coupole

2. IV: Ballet Biarritz: La Pastora-le – c. T. Malandain

Saint-Quentin-en-Yvelines Théâtre de Saint-Quentin-en-

Yvelines6. V: Cie Noé Soulier: Les Vagues15, 16. V: Cie Amala Dianor: TheFalling Stardust

Sceaux Les Gémeaux

24, 25, 26. IV: Ballet Biarritz: LaPastorale – c. T. Malandain15, 16, 17. V: Ballet Preljocaj:Gravité – c. A. Preljocaj

GRANDE BRETAGNE

Edinburgh

Festival Theatre9, 10, 11. IV: Swan Lake – c. D.Dawson – Scottish Ballet

Glasgow Theatre Royal

29, 30. IV: Swan Lake – c. D.Dawson – Scottish Ballet

Amandine Albisson, Audric Bezard – Ballet de l’Opéra de Paris:“Herman Schmerman”, c. William Forsythe (ph. L. Philippe)

Federico Bonelli, LaurenCuthbertson – The Royal Ballet:“Live Fire Exercise”, c. Wayne

McGregor (ph. B. Cooper)

Scottish Ballet: “Le Lac des cygnes”, c. David Dawson (ph. A. Ross)

Page 62: n° 284 la revue internationale de la DANSE

62

afafafafafffffficiciciciche • carhe • carhe • carhe • carhe • cartellone • calendar • aftellone • calendar • aftellone • calendar • aftellone • calendar • aftellone • calendar • afffffficiciciciche • carhe • carhe • carhe • carhe • cartellonetellonetellonetellonetellone

London Royal Opera House

2, 4, 7, 16, 17, 20. IV: LiveFire Exercise – c. W. McGregor;P r o d i g a l S o n – c . G .B a l a n c h i n e ; C o r y b a n t i cGames – c. C. Wheeldon –The Royal Ballet1, 8, 13, 15, 22, 28. IV: SwanLake – c. M. Petipa, L. Ivanov,F. Ashton, L. Scarlett – TheRoyal Ballet

Linbury Theatre1, 2, 3. IV: Scottish Royal Ballet:MC 14/22 (Ceci est mon corps)– c. A. Preljocaj

Sadler’s Wells Theatre1-8. IV : English NationalBallet: Creature – c. A. Khan17-19. IV: Cie Gilles Jobin &Artanim: VR-I17-18. IV: Alexander WhitleyDance Company: CelestialMotion II21-25. IV: Northern Ballet:Geisha – c. K. Tindall

ITALIE

Bolzano Teatro Comunale

21. IV: Astralian Dance Theatre:The Beginning of Nature – c.G. Stewart

Brescia Teatro Grande

23. IV: Gabriel Schenker: Pulseconstellations24. IV: Barokthegreat: Ghost.Follow my feet, weapons!

Civitanova Marche Teatro Rossini

2. IV: Compagnia Artemis Dan-za: Traviata – c. M. Casadei

Cremona Teatro Ponchielli

16. IV: MM Contemporary DanceCompany: “Vivaldi Works” – c.E. Scigliano, D. Ninarello, M.Merola29 . IV : Ho feshShechterCompany: PoliticalMother Unplugged

Legnago Teatro Salieri

4. IV: Nuovo Balletto di Tosca-na: Cenerento la – c . J .Bubenícek

Milano Teatro alla Scala

1, 2, 9, 16. IV: Madina – c. M.Bigonzetti – Balletto del Teatroalla Scala29. IV, 5, 6, 8, 9, 12, 13, 15. V:Romeo e Giulietta – c. K.MacMillan – Balletto del Tea-tro alla Scala

Teatro degli Arcimboldi4. IV: Balletto di Milano: Carmen– c. A. Omodei Salé, F. Veratti18. IV: Sergei Polunin: Rasputin

Teatro Strehler7-10. V: Scuola di Ballo Acca-demia del Teatro alla Scala

Modena Teatro Comunale Luciano

Pavarotti8. IV: Letizia Giuliani, AmilcarMoret Gonzalez, AlessandroMacario, Anbeta Toromani:Danze per 4 al pianoforte –c. M. Moricone19. IV: Eleonora Abbagnato:Lucrezia Borgia – c. G. Peparini19. V: Aterballetto: Dreamers– c. P. Kratz; Traces – c. R.Sato; Secus – c. O. Naharin

Napoli Teatro di San Carlo

17-19. IV: Amedé – c. J. Nunes– Balletto del Teatro San Carlodi Napoli

Padova Teatro Verdi

2. IV: Cristiano Morganti:Moving with Pina – c. P. Bausch

Palermo Teatro Massimo

5. IV: Coppélia – c. R. Petit –Balletto del Teatro Massimodi Palermo

ParmaParmaDanza

Teatro Regio2. IV: Ezralow Dance: Open –c. D. Ezralow22. V: Sergei Polunin: Rasputin

Pavia Teatro Fraschini

21. IV: Les Ballets Jazz deMontréal: Dance Me – c. A.Foniadakis, I. Lopez Ochoa,I. Rustem

Piacenza Teatro Municipale

5. IV : Compañía RobertoHerrera: Tango de BuenosAires10. V: Compagnia ArtemisDanza: Felliniana – c. M.Casadei

Pisa Teatro Verdi

4. IV: Compagnia Virgilio Sieni:La Natura delle Cose

Roma Teatro dell’Opera

6, 7, 8, 9, 10. IV: Suite en blanc– c. S. Lifar; Serenade – c. G.Balanchine; Boléro – c. M. Béjart– Balletto dell’Opera di Roma

Vicenza Teatro Comunale

4, 5. IV: Ballet Biarritz: Marie-Antoinette – c. T. Malandain

HOLLANDE

Amsterdam National Opera & Ball

4, 7, 9, 11, 12, 14, 16, 19. IV:Four Seasons – c. D. Dawson– Het Nationale Ballet

NORVÈGE

Oslo Opera

30. IV: One of a Kind – c. J. Kylián– Norwegian National Ballet

Ayami Miyata – Northern Ballet:“Geisha”, c. Kenneth Tindall

(ph. E. Nuttall)

Alessia Campidori, Federico Veratti – Balletto di Milano: “Carmen”,c. Agnese Omodei Salè, Federico Veratti

Page 63: n° 284 la revue internationale de la DANSE

63

Raphael Canet, Claire Lonchampt, Mickael ConteBallet Biarritz: “Marie-Antoinette”, c. Thierry

Malandain (ph. Olivier Houeix)

Page 64: n° 284 la revue internationale de la DANSE

64

afafafafafffffficiciciciche • carhe • carhe • carhe • carhe • cartellone • calendar • aftellone • calendar • aftellone • calendar • aftellone • calendar • aftellone • calendar • afffffficiciciciche • carhe • carhe • carhe • carhe • cartellonetellonetellonetellonetellone

POLOGNE

Warsaw Teatr Wielki

21, 22. IV: Sarmatian Parable– c. C. Drzewiecki; Husband andWife – c. A. Hop – Polish NationalBallet28, 30. IV: Notre Chopin – c. L.Scarlett, K. Pastor – PolishNational Ballet

RUSSIE

St. Petersburg Mariinsky Teatr

1. IV: Le Lac des cygnes – c. M.Petipa, L. Ivanov (K. Sergeyev)– Mariinsky Ballet9, 10. IV: Le Parc – c. A. Preljocaj– Mariinsky Ballet11. IV: La Bayadère – c. M. Petipa(V. Chabukiani) – Mariinsky Ballet17, 18, 19. IV: The Stone Flower– c. Y. Grigorovich – MariinskyBallet23. IV: Sylvia – c. F. Ashton –Mariinsky Ballet26. IV: L’Oiseau de feu; LeSpectre de la Rose; La Mort ducygne; Shéhérazade – c. M.Fokine – Mariinsky Ballet

c. M. Petipa, L. Ivanov (A. Gorsky,A. Messerer) – MikhailovskyBallet15, 16. IV: Romeo and Juliet –c. N. Duato – Mikhailovsky Ballet19. IV: La Fille mal gardée – c.F. Ashton – Mikhailovsky Ballet25, 26. IV: La Bayadère – c. M.Petipa – Mikhailovsky Ballet29, 30. IV: Don Quichotte – c.M. Pe t ipa , A . Gorsky –Mikhailovsky Ballet

Moscow Bolshoi Teatr (new stage)

1. IV: La Bayadère – c. M. Petipa– Bolshoi Ballet2, 3, 4. IV: La Belle au boisdormant – c. M. Petipa – BolshoiBallet9, 10, 11. IV: Giselle – c. J. Perrot,J. Coral l i , M. Pet ipa (A.Ratmansky) – Bolshoi Ballet25, 26. IV: Coppélia – c. M. Petipa(S. Vikharev) – Bolshoi Ballet

Bolshoi Teatr (old stage)1, 2, 3, 4. IV: La Belle au boisdormant – c. M. Petipa (Y.Grigorivich) – Bolshoi Ballet9, 10, 11. IV: Giselle – c. J Perrot,J. Coral l i , M. Pet ipa (A.Ratmansky) – Bolshoi Ballet13. IV: Don Quichotte – c. M.Petipa (A. Fadeyechev) – BolshoiBallet15. IV: Spartacus – c. Y.Grigorovich – Bolshoi Ballet

SUISSE

Zürich Opernhaus

3. IV : Nussknacker undMauseköning – c. C. Spuck –Zürich Ballet9, 13, 19. IV: Speak for Yourself– c. P. Lightfoot, S. León;Emergence – c. C. Pite – BallettZürich

SUÈDE

Stockholm Opera

2, 4, 6, 9, 16, 17, 18, 20. IV: DonQuichotte – c. R. Nureyev –Swedish Royal Ballet

Mariinsky Theatr II2. IV: Pulcinella; Jeu de cartes– c. I. Zhivoi – Mariinsky Ballet29, 30. IV: Jewels – c. G.Balanchine – Mariinsky Ballet

Mikhailovsky Theatre

1, 2. IV: La Belle au bois dormant– c. N. Duato – Mikhailovsky Ballet5. IV: Flammes de Paris – c. V.Vainonen, M. Messerer –Mikhailovsky Ballet 9, 11. IV: Le Lac des cygnes –

Daria Khokhlova, Alexeï Poutintsev – Ballet du Théâtre Bolchoï de Moscou: “Giselle”, c. Alexeï Ratmansky(ph. D. Yusupov)

Angelina Vorontsova – Ballet duThéâtre Mikhaïlovsky de Saint-Pétersbourg: “La Bayadère”, c. Nacho Duato

Page 65: n° 284 la revue internationale de la DANSE

65

Viktoria Tereshkina, VladimirSklyarov – Mariinsky Ballet:

“Jewels”, c. George Balanchine(ph. V. Baranovsky)

Page 66: n° 284 la revue internationale de la DANSE

66

Julie Anne StanzakTanztheater Wuppertal:

“Nelken”, c. Pina Bausch(ph. L. Philippe)

Page 67: n° 284 la revue internationale de la DANSE

3

Page 68: n° 284 la revue internationale de la DANSE

4