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JAMAIS OUBLIÉS LES DISPARUS DU LIBAN © Amnesty International

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JAMAISOUBLIÉSLES DISPARUS DU LIBAN

©AmnestyInternational

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La guerre civile du Liban a été unesuccession de conflits liés les uns auxautres, dans lesquels de nombreusesparties, libanaises et autres, ont étéengagées. Elle a eu des aspectsnationalistes, idéologiques etcommunautaires qui, pour certains, ontinitialement pris la forme d’une oppositionou d’un soutien aux réfugiés palestiniens,et, dans une certaine mesure, ont dresséles différentes communautés religieuses duLiban les unes contre les autres. Elle aentraîné l’intervention armée directe desvoisins les plus puissants du Liban, Israëlet la Syrie, souvent alliés à différentesfactions libanaises. Parmi ces dernièresfiguraient les Forces libanaises, dérivéesd’une coalition initiale de groupes chrétienscomprenant les Phalanges et le Partinational libéral (PNL), le Mouvement del’espoir (ou mouvement Amal, une milicechiite) et le Hezbollah, le Parti socialisteprogressiste (PSP), un parti druze, lesMurabitun, groupe sunnite, ainsi queplusieurs partis laïcs. Les groupes arméspalestiniens, dont ceux de l’Organisation delibération de la Palestine (OLP), ontégalement joué un rôle important.

Une autre milice, connue par la suite sousle nom d’Armée du Liban-Sud (ALS),a mené des opérations aux côtés d’Israëldans le sud du Liban.

La guerre civile a été marquée par desinvasions et une occupation du territoirepar les forces armées israéliennes, qui sesont finalement retirées en 2000, unelongue présence militaire syrienne, quis’est poursuivie jusqu’en 2005, ainsi quedes alliances internes et externes qui ontévolué au fil du temps. Elle a entraîné desdéplacements massifs de population ainsique des transferts de personnes entregroupes et à travers les frontières. Desmilliers de personnes ont été victimesd’homicide illégal et des milliers d’autresde disparition forcée, d’enlèvement oud’autres atteintes à leurs droitsfondamentaux. L’État libanais n’ayant pasentamé de processus de vérité, de justiceet de réconciliation, pas plus que lesautorités d’autres États impliqués dansle conflit, on ignore toujours le sort deplusieurs milliers de personnes et lesresponsables des atteintes n’ont été nipunis, ni même identifiés.

Cela fait plusieurs dizaines d’années,parfois plus de 30 ans, que les familles desdisparus vivent dans la souffrance parceque ceux qui leur étaient chers sontabsents et qu’elles n’ont aucune certitudequant au sort qui leur a été réservé. Ellesne savent pas s’ils sont vivants ou morts.Elles ne peuvent pas organiser desfunérailles dignes, ni faire leur deuil. Leurvie est difficile en raison des problèmesjuridiques, financiers et administratifs quepose le caractère indéterminé de lasituation de leur parent disparu. Nombred’entre elles gardent l’espoir qu’un jour,elles recevront une visite ou un coup detéléphone et que leur parent varéapparaître, ou qu’elles auront au moinsdes nouvelles à son sujet.

Amnesty International s’est entretenue avecde nombreux proches de disparus au coursd’une mission de recherche au Liban enoctobre 2010. L’histoire de certains d’entreeux est relatée ici. L’organisation espèreque ce document les aidera à obtenir gainde cause dans leur long combat pour lavérité et la justice.

Amnesty International Avril 2011 Index : MDE 18/001/2011

Des milliers de personnes ont disparu pendant ou après la terribleguerre civile qui a déchiré le Liban de 1975 à 1990 et ne sontjamais revenues. Certaines ont été arrêtées par différentes partiesau conflit. Pour d’autres, on peut supposer qu’elles ont été tuéeslors des combats ou des massacres qui ont émaillé le conflit, puisjetées dans des fosses communes où leurs corps n’ont pas encoreété identifiés. Pour d’autres encore, il n’existe aucune piste. Depuis,leurs proches vivent constamment dans la douleur et dansl’angoisse ; ils restent déterminés à découvrir ce qui leur est arrivé.

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Index : MDE 18/001/2011 Amnesty International Avril 2011

VIVRE EN L’ABSENCE D’UN MARI DISPARU

Wadad Halawani est la fondatrice du Comité desproches des personnes enlevées et portéesdisparues au Liban. Elle a décrit à AmnestyInternational ce qu’était sa vie depuis que desindividus – des agents des services de rensei-gnement de l’armée libanaise, semble-t-il – sontvenus chercher son mari, Adnan MusbahHalawani, en septembre 1982 à leur domicile, àBeyrouth. Elle a dû assumer seule la respon-sabilité d’élever ses deux jeunes enfants, alorsâgés de trois et six ans. Elle a expliqué que lebonheur était parti de son foyer après ladisparition de son époux et qu’elle avait « perduson équilibre ». Elle a ajouté qu’elle ne savaitpas « comment protéger les enfants desroquettes », ni « comment répondre à leursinnombrables questions » sur leur père.

À partir de son expérience et de celle desnombreuses femmes de disparus qu’elle arencontrées, Wadad Halawani a pu évoquer, au-delà de la douleur des familles, les problèmesque celles-ci rencontrent à trois niveaux :personnel et social, juridique et administratif, etenfin économique.

Aux niveaux personnel et social, a-t-elle indiqué,une femme dont le mari a disparu n’étantconsidérée ni comme une épouse, ni commeune célibataire, une divorcée ou une veuve, elles’est heurtée, pendant toutes ces années, à degraves difficultés liées au statut inférieur de lafemme dans la société libanaise.

Aux plans juridique et administratif, a-t-ellesouligné, les femmes de disparus ne peuventutiliser l’argent de leur mari ni vendre ses biens,une voiture par exemple, en l’absence d’uneprocuration les y autorisant. Elles ne peuventobtenir de passeport ni pour elles, ni pour leursenfants mineurs, la personne responsable auregard du droit dans ce second cas étant lepère, à défaut le grand-père, à défaut un oncle,même lorsque la personne qui élève les enfantsest la mère.

Au niveau économique, a-t-elle ajouté, la pertedu soutien de famille a généralement desconséquences catastrophiques, la plupart despersonnes disparues appartenant à des milieuxdéfavorisés. Dans bien des cas, les familles nesont plus en mesure de subvenir quotidien-nement à des besoins aussi élémentaires quel’alimentation, l’habillement, le logement, lessoins médicaux et les frais d’éducation.

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Ci-dessus : Wadad Halawani, entourée de

photos de personnes disparues depuis la guerre

civile de 1975-1990.

Couverture : Amineh Abd al Husri montre une

photo de son fils Ahmed Zuhdi al Sharqawi,

disparu depuis 1986 (voir page 5).

DÉFINITIONS ET OBLIGATIONS

Les disparus sont des personnes qui ontdisparu sans laisser de traces au cours d’unconflit armé ou de troubles internes. Il peuts’agir de personnes arrêtées par des partiesau conflit, de personnes tuées dont le corpsn’a pas été retrouvé et identifié, ou encore depersonnes dont la famille n’a aucune nouvelleet ignore le lieu où elles se trouvent ainsi quele sort qui leur a été réservé.

Une disparition forcée, aux termes de laConvention internationale pour la protection detoutes les personnes contre les disparitionsforcées, que le Liban a signée mais pas encoreratifiée, désigne « l’arrestation, la détention,l’enlèvement ou toute autre forme de privation

de liberté par des agents de l’État ou par despersonnes ou des groupes de personnes quiagissent avec l’autorisation, l’appui oul’acquiescement de l’État, suivi du déni de lareconnaissance de la privation de liberté ou dela dissimulation du sort réservé à la personnedisparue ou du lieu où elle se trouve, lasoustrayant à la protection de la loi ». Lorsquel’État ou ses alliés, y compris les milicesarmées, n’ont pas joué un tel rôle, on parlegénéralement d’enlèvement, et non dedisparition forcée.

Les disparitions forcées, lorsqu’elless’inscrivent dans un contexte d’attaquesgénéralisées ou systématiques dirigées contrela population civile, constituent des crimescontre l’humanité, qui sont considérés parmiles crimes les plus odieux qui soient.

©al-Akhbar

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LES DROITS DES FAMILLES« [Aux termes du droit international],le droit à la vérité implique la connaissancecomplète de la vérité concernant desévénements donnés […] Dans le cas desdisparitions forcées et des personnesportées disparues, le droit à la vérité consisteégalement à connaître le sort de la victime. »Navi Pillay, haut-commissaire des Nations unies auxdroits de l’homme, mars 2010

En vertu des normes internationalesrelatives aux droits humains :

� les familles ont le droit, dans lessituations de conflit armé, de connaîtrele sort de leurs proches ;

� chacune des parties à un conflit armédoit prendre toutes les mesures possiblespour tenter d’élucider le sort des personnesportées disparues du fait du conflit, et faireconnaître toutes les informations utiles surce qui leur est arrivé ou le lieu où ellesse trouvent ;

� les États doivent ouvrir sans délai desenquêtes approfondies, indépendanteset impartiales sur les violations du droit

international humanitaire et relatif aux droitshumains signalées pendant et après leconflit et, en présence de preuvessuffisantes, poursuivre les responsablesprésumés ;

� les familles de personnes portéesdisparues doivent être reconnues commedes victimes de conflit armé, et leur droitd’être informées, de voir les responsablesprésumés soumis à l’obligation de rendredes comptes et d’obtenir la reconnaissancedes atteintes commises doit être respecté ;

� le fait de ne pas informer des personnesdu sort de proches portés disparus enraison d’un conflit armé constitue uneviolation du droit à une vie de famille ;e fait de s’abstenir systématiquement oudurablement d’informer les famillesconstitue une forme de traitement cruelet dégradant ;

� les victimes et leurs proches ont le droitde chercher et d’obtenir des informationssur les causes des atteintes commisespendant les conflits armés.

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Tripoli

Beyrouth

Saïda

Zahlé

RÉPUBLIQUEARABESYRIENNE

ISRAËL

LIBAN

Sites de fosses communes

Fosses communes au Liban.

Carte établie à partir de données

recueillies par le centre de

documentation de l’UMAM.

http://www.umam-dr.org

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« JE SUIS SÛRE QU’IL REVIENDRA »« Comment est-il possible qu’un homme qui tentaitde défendre le territoire de son pays soit aujourd’huioublié par les autorités ? », s’indigne Sonia Eid. Sonfils Jihad George Eid, soldat de l’armée libanaise,avait à peine 20 ans quand il a disparu, le 13 octobre1990. Il aurait été blessé et capturé à al Hadath,dans le Mont-Liban, à la suite d’affrontements avecl’armée syrienne, puis transféré en Syrie. Dix-neufautres soldats libanais et deux prêtres sontconsidérés comme disparus depuis ce jour.

Sonia Eid dispose de nombreuses informations surson fils qui lui donnent la certitude « qu’il est là-bas,vivant ». Toutefois, la Syrie ne reconnaît pas sadétention. En 1995, des membres des services derenseignement de l’armée libanaise ont rendu visiteà Sonia Eid et lui ont dit que son fils était détenu enSyrie. Cependant, le lendemain, des responsableslibanais ont soutenu que cette visite n’avait jamaiseu lieu et ont démenti cette information. Malgré tout,Sonia Eid a confié à Amnesty International, avec uneconviction inébranlable : « Je suis sûre qu’ilreviendra ».

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Marie Mansourati montre une photo de son fils Dany,de nationalité libanaise, qui a disparu à Damas, lacapitale syrienne, le 9 ou 10 mai 1992. Troispersonnes en civil ont arrêté Dany et son frère,Pierre, alors qu’ils circulaient en voiture, et elles ontemmené Dany dans leur véhicule. Selon desinformations non confirmées il aurait été conduit ausiège des services de renseignements de l'armée del'air à Damas. Certaines sources indiquent qu’il estmort des suites de torture début 1994, et d’autresqu’il a été exécuté. En juillet 1994, le gouvernementsyrien a fait savoir au rapporteur spécial des Nationsunies sur les exécutions extrajudiciaires, sommairesou arbitraires que Dany Mansourati avait été jugé,déclaré coupable d’espionnage et condamné à mort.Marie Mansourati et sa famille n’ont plus eu aucunenouvelle de Dany depuis sa visite à Damas, et legouvernement syrien ne leur a fourni aucuneinformation sur son sort et sur le lieu où il se trouvait.

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DISSIMULER OU RÉVÉLERLA VÉRITÉ ?Les autorités libanaises ont pris peu dedispositions pour établir le sort despersonnes disparues et n’ont rien fait pourtraduire les responsables présumés enjustice, malgré l’ampleur et la gravité duproblème et le travail de pressionpersévérant des familles.

Un rapport de police de 1991 auraitrecensé 17 415 cas de « disparition »,mais peu d’autres informations ont étérendues publiques et ce chiffre est sujet àcaution. Des commissions ont ensuite étécréées par les autorités, en 2000 et en2001, mais leurs travaux laissaientégalement à désirer. En conséquence,il n’existe actuellement aucun consensussur le nombre de personnes disparues ouvictimes de disparition forcée, et encoremoins de liste répertoriant leurs noms.

La commission de 2000 n’était pasindépendante, car elle était exclusivementcomposée de membres des forces desécurité. Après avoir recueilli desinformations pendant six mois, elle adéclaré, dans un rapport de deux pages,

que le nombre de personnes portéesdisparues s’élevait à 2 046 et qu’aucuned’elles n’était en vie. Elle a conseillé auxfamilles de déclarer morts leurs prochesdisparus, option rendue possible par laLoi 434 de mai 1995. Effectuer une telledémarche aurait aidé les familles à réglerles problèmes juridiques liés à ladisparition de leurs proches, mais aucunepreuve de leur décès ne leur a été fournie.Aussi, la plupart d’entre elles n’ont pasdéclaré morts ceux qui leur étaient chers.

La commission de 2001, du fait de sacomposition, semblait plus indépendante,mais elle n’a reçu pour mandat qued’enquêter sur les cas pour lesquels deséléments tendaient à prouver que lapersonne pouvait être encore en vie.Elle a travaillé durant 18 mois, examinéenviron 900 dossiers mais n’a publiéaucun rapport.

En 2005, une commission mixte libano-syrienne a été officiellement mise sur pied,dans le but premier d’enquêter sur le sortdes personnes de nationalité libanaisesignalées comme disparues en Syrie. Elles’est réunie à au moins 30 reprises, mais

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5«NOUS VOULONS QUE NOS FILS REVIENNENT»

Malgré ses 78 ans, Amineh Abd al Husri, plusconnue sous le nom d’Im Ahmed (la mèred’Ahmed), continue à faire campagne avecdétermination pour découvrir la vérité sur ladisparition de son fils.

« Mon fils, Ahmed Zuhdi al Sharqawi, est né en1964. Il ne s’intéressait pas à la politique. Ilsuivait une formation en électricité et enbâtiment, et quand il n’y avait pas de travail, ilvendait des cigarettes dans la rue. Il neregardait même pas les informations, ilpréférait lire des livres en anglais.

« À 1 heure du matin, le 18 décembre 1986, ona frappé à notre porte, près de Ramlet al Baida[ouest de Beyrouth]. C’étaient des hommesd’Amal et ils ont emmené Ahmed à la tour Murr.

« Nous avons découvert qu’Ahmed avait étéremis aux Syriens et transféré dans un serviced’investigation de l’armée à Damas. J’ai desdocuments qui le prouvent. Nous avons remuéciel et terre en Syrie, et au Liban, pour leretrouver.

« Je veux que mon fils revienne. Nous voulonstous que nos fils reviennent – même si c’estdans un cercueil. Peut-être qu’il est mort, je nesais pas. Mais si son corps m’est rendu, jevoudrais l’enterrer aux côtés de son père. »

Ci-dessus : Amineh Abd al Husri montre la photo

de son fils Ahmed. Le texte dit : « Jusqu’à quand

des détenus libanais dans les prisons syriennes ! »

De nombreuses familles disposent d’éléments

prouvant que leurs proches ont probablement été

transférés en Syrie ; pour d’autres, une détention

dans ce pays pourrait être la dernière chance

qu’ils soient encore en vie.

La Tour Murr, dans le centre de

Beyrouth. Ce gratte-ciel est tristement

célèbre pour avoir été utilisé comme

base militaire pendant la guerre civile

par le mouvement Amal, entre autres.

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seule une toute petite partie de ses travauxa été rendue publique et beaucoup mettenten doute son efficacité.

Ces initiatives n’ont pas apporté grandchose aux familles des disparus, et lesresponsables des homicides et desdisparitions, eux, bénéficient toujours del’impunité. En effet, la Loi d’amnistie n° 84/91de 1991 a proclamé une amnistie généralepour tous les crimes politiques – y comprisles enlèvements – commis par des groupesarmés pendant la guerre civile, sans rienprévoir pour les victimes et leurs proches.

Par ailleurs, les autorités israéliennes etsyriennes n’ont pas mené d’investigationsen bonne et due forme sur les enlèvements

ou homicides imputés à leurs forces.De même, à l’exception notable du cas del’assassinat en 2005 de l’ancien Premierministre libanais Rafic Hariri et des attentatsqui se sont ensuivis, la communautéinternationale ne s’est pas manifestée envue de l’ouverture d’investigations au niveauinternational.

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6 « PIRE QUE S’ILS ÉTAIENT MORTS »

« Le 12 août 1976, a dit Kassem al Aina, tout enmontrant une photo commémorant ce jourfatidique, ma sœur Zahra et son fils, RatebKareem al Aina, ont fait partie des nombreusespersonnes qui ont dû traverser Beyrouth aprèsle massacre et les expulsions de Tel al Zater. Laville était en guerre. Alors qu’ils marchaient versSabra, où nous nous trouvons actuellement, onles a obligés à s’arrêter à un poste de contrôledu PNL près du musée. Rateb et d’autres jeunesPalestiniens ont été repérés. Il avait alors17 ans. On les a emmenés et personne ne l’ajamais revu. À l’époque, les Forces libanaisesétaient proches de la Syrie et ma sœur est alléeà Damas pour s’enquérir de son sort. Mais ellen’a obtenu aucune information. C’est encoreplus difficile quand on ne sait pas s’ils ont ététués. C’est pire que s’ils étaient morts. Je n’aiguère d’espoir. »

Six ans plus tard, sa famille a de nouveau ététouchée par une tragédie :

« En décembre 1982, j’ai perdu ma sœur et safille. Noha, ma sœur, approchait la cinquantaine.Sa fille Kifah avait 14 ans. Elles vivaient à Naamé[au sud de Beyrouth] et soutenaient larésistance palestinienne. Son mari se trouvaiten Arabie saoudite. Un jour, les Phalanges sontvenues et les ont emmenées. C’est ce que lesvoisins nous ont rapporté. On ne sait rien d’autreà leur sujet. Nous avons essayé de savoir cequ’elles étaient devenues par l’intermédiaire derelations, d’amis d’amis, mais nous n’avons riendécouvert. »

En avril 2005, l’ONG SOLIDE et des personnes

dont des proches avaient disparu pendant la

guerre civile ont monté cette tente de

sensibilisation dans le centre de Beyrouth. Des

militants s’y relaient en permanence afin que

leur longue quête de vérité et de justice ne soit

pas oubliée.

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LUEURS D’ESPOIRLes familles des disparus et d’autrespersonnes au Liban entretiennent la flammede la mémoire et continuent à se mobiliserpour découvrir la vérité. Une manifestationde centaines de proches de disparus, ennovembre 1982, a été suivie de lanaissance du Comité des proches despersonnes enlevées et portées disparues auLiban. Cette initiative a permis de mettre enévidence l’importance du problème àl’échelle nationale pendant et après laguerre civile.

Par la suite, d’autres ONG sont apparues,notamment le Comité de suivi pour lesoutien des détenus libanais dans lesprisons israéliennes, l’association Soutien

aux Libanais détenus et exilés (SOLIDE) etle Mouvement de soutien aux Libanaisdétenus arbitrairement (SOLIDA). En avril2005, l’association SOLIDE et des famillesse refusant à laisser les leurs tomber dansl’oubli ont monté dans le centre deBeyrouth une tente qui leur permet desensibiliser le public au moyen d’affiches etde documents. Depuis lors, des proches dedisparus s’y relaient en permanence.

Après des années de mobilisation desfamilles, le gouvernement libanais s’estdit déterminé à résoudre la question desdisparus. Dans son discours d’investiture,en mai 2008, le président Michel Sleimana déclaré que les autorités poursuivraientleurs efforts pour « faire le jour sur le sort

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7POURSUIVRE LE COMBAT

Nadia Adib devant une affiche sur laquellefigurent sa sœur Audette Salem, aujourd’huidécédée, représentante de premier plan desfamilles de disparus, et, en haut à droite, lesenfants d’Audette, tous deux disparus. AudetteSalem a connu une fin tragique : une voiture l’aécrasée le 16 mai 2009, près de la tente desensibilisation érigée dans le centre deBeyrouth.

Pendant des années, Audette avait milité pourélucider le sort de son fils Richard, 23 ans, et desa fille Marie-Christine, 19 ans, enlevés le17 septembre 1985 par des membres du Partisocialiste progressiste (PSP), un partireprésentant essentiellement la communautédruze, alors qu’ils traversaient la capitale avecle beau-frère d’Audette, George Salem. Lafamille d’Audette, grâce à ses relations, a apprisque le PSP avait échangé Richard et Marie-Christine contre d’autres personnes détenuespar le Hezbollah.

De nombreuses années après, un homme libéréd’une prison syrienne s’est présenté à la tenteet s’est dit certain d’avoir côtoyé Richard dansla Fara Falastin (Section Palestine), le centre dedétention des services de renseignementmilitaire à Damas, la capitale de la Syrie.

Nadia Adib continue à se battre pour découvrirce qui est arrivé à ses proches et à d’autrespersonnes disparues.

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des personnes disparues ». En décembre2009, le Conseil des ministres dugouvernement d’unité nationale, qui esttombé en janvier 2011, a affirmé qu’il« suivrait sérieusement la question desLibanais disparus et des détenus en Syrie. »Il a ajouté qu’il travaillerait sur « les cas de[personnes victimes de] disparitionsforcées à l’intérieur et à l’extérieur du Libanafin d’élucider leur sort, pour libérer lesmémoires des souvenirs de la guerre,favoriser la réconciliation nationale etrespecter le droit de savoir des familles »,et qu’il envisageait « la création d’uneinstance nationale chargée de traiter laquestion des victimes de disparitions forcéessous tous ses aspects. » Au moment de larédaction du présent document, fin mars2011, un nouveau gouvernement n’avaitpas encore été formé.

Le Comité des droits humains duParlement libanais, en coordination avecle Programme des Nations unies pour ledéveloppement (PNUD) et la société civilelibanaise, prépare un plan d’action nationalpour les droits humains. Ce texte appelle leLiban à ratifier la Convention internationalepour la protection de toutes les personnescontre les disparitions forcées et à créer uncomité national pour la vérité et laréconciliation. Une loi sur les personnesportées disparues est également en coursd’élaboration.

Ces initiatives, certes bienvenues, ne sesont pas à ce jour traduites par desmesures concrètes.

Des familles cherchent également à savoir lavérité par la voie judiciaire. Elles ont tenté de

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8 QUAND FRAPPERA-T-ON À LA PORTE ?

« Des gens m’ont dit qu’ils avaient vu mon frèrecadet Bassam monter sous la contrainte dansl’un des camions près de l’ambassade duKoweït. Il avait 18 ans, il faisait des études. Ilsavaient les yeux bandés et on leur donnait descoups. On les a emmenés. Nous ne savons pasoù, ni ce qui leur est arrivé. Un jour, il y a unevingtaine d’années, j’ai vu dans le journal laphoto de quelqu’un qui lui ressemblait. Noussommes allés à Tripoli pour le retrouver, mais cen’était pas lui. Nous n’avons pas perdu espoir.Nous avons gardé ses affaires. Je n’arrête pasde penser qu’on va frapper à la porte et que cesera lui. »

Taghrid Samhoury, dont le frère a disparupendant le massacre de Sabra et Chatila, enseptembre 1982.

IL N’EST JAMAIS REVENU

« La dernière fois que j’ai vu mon fils, c’était le10 avril 1976. Il est juste sorti acheter descigarettes dans un magasin à côté de chez nous– il n’est jamais revenu. Il avait 15 ans, il allait àl’école. Nous avons cherché et cherché,interrogé tout le monde, mis son nom partout etpayé des gens pour qu’ils nous aident. Je suisprofondément convaincue qu’il est vivant. MaisDieu seul le sait. »

Halima Jemal, qui vit à Tripoli, lors d’un entretienavec Amnesty International. Elle tient à la mainune photo de son fils Rashid Ladawi, prise quandil était adolescent.

©AmnestyInternational

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poursuivre des responsables présumésd’enlèvements dans deux affaires distinctes.Leur démarche s’est heurtée à desobstacles particuliers, en raison de ladifficulté qu’il y avait à monter des dossierssolides tant d’années après les violations,et de la nature même des atteintes,commises pour la plupart dans descirconstances troubles et sans laisserde preuves, notamment de corps.

Un certain succès a été remporté avecdeux interprétations judiciaires, l’unedéfinitive et l’autre temporaire, en vertudesquelles les disparitions forcées – tellesque définies par le droit international –devaient être exclues du champd’application de la Loi d’amnistie de 1991,dans la mesure où il s’agit de « crimescontinus ».

Des familles représentées par deux ONGlocales ont également intenté une actionpour connaître la localisation et obtenirla protection de trois fosses communesévoquées dans le document résumant lesconclusions de la commission de 2000.En octobre 2009, un juge a ordonné auConseil des ministres de remettre autribunal la version intégrale du rapportet des conclusions de la commission,qui n’avait pas été publiée. Deux brefsdocuments ont été communiqués autribunal, puis transmis aux familles ; depuis,l’affaire suit son cours. Il est à espérer quele nouveau gouvernement accordera unhaut degré de priorité à la question desdisparitions et prendra des mesuresdécisives pour faire la lumière sur ce qu’ilest advenu des milliers de personnes donton n’a toujours pas retrouvé la trace.

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9UNE TRAGÉDIE EN CINQ TABLEAUX

Afifeh Mahmoud Abdullah s’est presqueexcusée : « C’est une longue histoire que lamienne », a-t-elle dit avec un doux sourire.Nous nous trouvions devant la tente desensibilisation, à Beyrouth. Avec précaution,elle a extrait d’une grande enveloppe cinqphotos photocopiées. Les trois premièresétaient celles de ses frères Jamil et Hassan, etde sa sœur Lamia. « Je n’étais pas avec eux lejour de leur disparition, en 1976, j’étais partietravailler. », a-t-elle confié.

La famille vivait alors dans le camp de réfugiéspalestiniens de Tel al Zater, qui a été détruit etdont les occupants ont été massacrés par descombattants des Phalanges et du PNL le 12août 1976. « Je n’ai pas pu revenir pouressayer de les retrouver, parce que les routesétaient bloquées et que s’ils m’avaient arrêtée,ils m’auraient tuée. », a-t-elle expliqué.

Afifeh Mahmoud Abdullah a montré la qua-trième photo. « Mon cousin Ahmed MohammedAbdullah, qui avait 14 ans, a aussi disparu àl’époque. Il n’aimait pas beaucoup l’école et ilse formait pour travailler dans le bâtiment.Plus tard, nous nous sommes installés àDamour [un village au sud de Beyrouth], puis àproximité de la BAU [l’Université arabe deBeyrouth].

Elle a présenté la cinquième photo, sur laquellefiguraient une mère et sa fille. « En 1982, lesIsraéliens ont envahi le pays. Je n’étais paschez nous. Quand j’ai pu y retourner avec unede mes sœurs, la maison avait brûlé. Ma mère,Terfi Mousa Huseyn, et ma sœur Jamila, quiavait 13 ans, avaient disparu. » Afifeh ignoretoujours le sort qu’ont subi sa mère, ses deuxsœurs, ses deux frères et son cousin.

Afifeh Mahmoud Abdullah a replacé les photosdans l’enveloppe, puis est partie, à pied. Ellesavait qu’elle reviendrait.

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Site d’une fosse commune où sont enterrées

des centaines de victimes, palestiniennes et

autres, du massacre perpétré en septembre

1982 à Sabra et Chatila (Beyrouth) par les

Phalanges avec le soutien des forces armées

israéliennes. La vignette en superposition

reprend la photo figurant sur la gauche du

panneau situé derrière la pierre tombale.

Cette photo a été prise peu après le massacre,

alors que les familles cherchaient leurs proches

disparus parmi les corps.

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LES TESTS D’ADNCes dernières années, le développement destests d’ADN a révolutionné les méthodesd’identification des restes humains, commeon a pu le voir à grande échelle en Argentineet dans l’ex-Yougoslavie. Indépendammentdes importantes questions juridiques,éthiques, financières et autres que pose lerecours à cette technique, le fait est qu’il estmaintenant possible d’identifier desdépouilles et donc d’informer des familles dusort de proches disparus. Ce qui manque,au Liban, c’est la volonté politique de voircette possibilité exploitée pour les milliers depersonnes disparues.

Le recours aux tests d’ADN est toutefois enprogression dans ce pays. Ils ont permis

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Depuis la fin de la guerre, les constructions se

poursuivent à un rythme soutenu sans que des

mesures soient prises pour identifier les restes

humains qui pourraient être mis au jour,

y compris sur ce site proche du camp de

réfugiés de Chatila, à Beyrouth.

AUTRES AFFAIRES INTERNATIONALES

Parmi les affaires de disparus comportant unedimension internationale certaine figure cellede l’imam Musa al Sadr. Ce religieux libanais, néen Iran, a disparu avec deux compagnons aprèss’être rendu en Libye, en 1978, pour yrencontrer le dirigeant de ce pays, le colonelMouammar Kadhafi. Musa al Sadr était unreprésentant de premier plan de la populationchiite du Liban et le fondateur du mouvementAmal ou mouvement de l’espoir.

Par ailleurs, quatre Iraniens – deux diplomates,le chauffeur d’une ambassade et un journaliste– ont été enlevés en 1982 dans le nord du Liban,par les Forces libanaises, semble-t-il. Selon dessources non concordantes, ils pourraient avoirété tués dans cette zone ou transférés en Israël.

Des Israéliens et des Libanais sont toujoursportés disparus malgré les échanges de resteshumains et de prisonniers qui ont eu lieu entrele Hezbollah et Israël en 2008. Parmi euxfigurent Dalal Mughrabi, une adolescentepalestino-libanaise, et Yahya Skaff, un Libanais,qui ont participé à une offensive menée en 1978contre Israël. On peut également citer unmembre de l’armée de l’air israélienne, RonArad, dont l’appareil s’est écrasé en 1986pendant un bombardement sur le Liban. Seloncertaines sources, il aurait été fait captif par lemouvement Amal et pourrait être tombé auxmains d’Iraniens.

Les autorités libanaises se sont montrées plusdéterminées à faire la lumière sur le sort del’imam Musa al Sadr et de ses compagnons quesur celui des autres disparus. Ainsi, des mandatsd’arrêt ont été décernés à l’encontre deMouammar Kadhafi et d’autres personnessoupçonnées d’être liées à leur disparition, etdes protestations diplomatiques ont étéformulées auprès de la Libye.

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d’identifier 13 des 24 cadavres de militaireslibanais découverts en 2005 sur le site duministère de la Défense à Yarzé, ainsi queles restes de près de 200 Libanais et autresressortissants de pays arabes qui ont étéremis par Israël, avec cinq prisonniers, lorsd’un échange en 2008 avec le Hezbollah,en contrepartie de la dépouille de deuxsoldats israéliens. Les analyses d’ADN sontaussi utilisées actuellement pour identifierdes restes de personnes tuées en 2007,lors d’affrontements survenus à Nahr alBared (un camp de réfugiés palestiniensdans le nord) entre l’armée libanaise et legroupe armé Fatah al Islam.

Par ailleurs, il convient de saluer une autreavancée : le responsable des Forces de

sécurité intérieure du Liban a acceptéqu’un échantillon d’ADN soit prélevé surla dépouille d’Audette Salem, figure deproue du combat des familles de disparus,après la mort de cette militante en 2009(voir page 7), afin que ses enfants disparuspuissent un jour être inhumés à ses côtés.

Malgré ces progrès, force est de constaterque quand des experts médicolégauxbritanniques, en novembre 2009, ontidentifié le corps d’Alec Collett, unjournaliste britannique qui aurait été enlevéen 1985 et tué par le groupe armépalestinien Abou Nidal, d’autres resteshumains découverts sur le site ont été remisen terre, aucune instruction n’ayant étédonnée en vue de leur identification.

Index : MDE 18/001/2011 Amnesty International Avril 2011

11DISPARUS DEPUIS UN MASSACRE

Wadha al Sabiq a parlé à Amnesty Internationalde la disparition de deux de ses fils, survenuependant le massacre de Sabra et Chatila(16-18 septembre 1982).

« Vers 19 heures, le vendredi 17 septembre, onnous a dit que nous devions tous nous munir denos cartes d’identité et rejoindre les Israéliensqui étaient positionnés près de l’ambassade duKoweït. Les Forces [libanaises] étaient aveceux. Ils ont envoyé mes fils, Muhammed alQadi, qui avait 19 ans et était manœuvre, et Alial Qadi, un écolier de 15 ans, à la Cité sportive[un stade à environ 1 kilomètre de là], qui étaitdevenue le quartier général conjoint desIsraéliens et des Forces [libanaises]. J’ai réussià m’enfuir avec d’autres femmes.

« [Pendant le massacre,] nous avons passé lanuit dans un bâtiment endommagé, près del’échangeur autoroutier Cola. Dans la matinée,nous sommes allées à la Cité sportive et nousavons demandé où étaient nos fils, mais onnous a dit de partir. Ensuite, nous n’avons plusentendu parler d’eux – seulement dumassacre. La Croix-Rouge et la Défense civilenous ont montré tant de cadavres. Nous avonsmarché au milieu des corps, mais nous n’avonspas vu mes fils. C’était horrible. Personne nesait ce qu’il leur est arrivé. J’espère tellementqu’ils sont encore en vie. Mais j’ignore s’ilssont vivants ou morts. Je pense sans cesseà eux. »

©AmnestyInternational

©AmnestyInternational

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AGISSEZÉcrivez aux autorités libanaises et

demandez-leur :

� De prendre des mesures sans délai pour

établir une commission nationale

indépendante, comprenant notamment des

experts indépendants et des représentants de

la société civile, y compris des proches de

disparus. Cette commission devra :

� avoir pour mandat d’enquêter sur le

sort de toutes les personnes disparues et

être habilitée à exiger une coopération et

une transparence pleines et entières de

la part de toutes les institutions de l’État

et de toute personne sans exception ;

� avoir pour mission de localiser et de

protéger les fosses communes et de

veiller au bon déroulement des

exhumations, qui doivent être menées

dans le respect des normes internationales,

en vue d’identifier tous les restes humains

mis au jour et de retrouver les proches

des personnes dont le corps a été exhumé ;

� surveiller la mise en place d’une

banque de données ADN nationale

centralisée, qui devra être financée par le

Parlement libanais afin de faciliter la

procédure, qui devra être menée dans le

respect des normes internationales ;

� avoir pour mandat d’examiner les

meilleures options pour résoudre la

question de la justice et de la

réconciliation, en prenant en compte la

nécessité que soit respecté le droit des

victimes et des familles d’obtenir vérité,

justice et réparation.

� de ratifier le Statut de Rome de la Cour

pénale internationale et la Convention

internationale pour la protection de toutes les

personnes contre les disparitions forcées, en

vue d’empêcher que de telles atteintes ne

se reproduisent.

ENVOYEZ VOS APPELS À :

His Excellency President Michel Sleiman

Office of the President

Baabda Palace

Baabda, Mount Lebanon

Liban

Fax : + 961 5 922 400

His Excellency the Prime Minister

Office of the Prime Minister

Council of Ministers

Grand Sérail, Rue des Arts et Métiers

Riad al-Solh Square, Beirut

Liban

Fax: + 961 1 746 805

Amnesty International est un mouvement mondial regroupant 3 millions desympathisants, membres et militants, qui se mobilisent dans plus de 150 pays etterritoires pour mettre un terme aux violations des droits humains.

La vision d’Amnesty International est celle d’un monde où chacun peut se prévaloir detous les droits énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et dansd’autres textes internationaux.

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Avril 2011

Amnesty InternationalInternational SecretariatPeter Benenson House1 Easton StreetLondres WC1X 0DWroyaume-Uniwww.amnesty.org

« Pour la vérité et la justice...»Banderole évoquant l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, dansle centre de Beyrouth. L’homicide fait l’objet d’une enquête menée par le Tribunalspécial pour le Liban, une juridiction hybride composée de juges libanais etinternationaux, alors que la communauté internationale, depuis des décennies,ne s’intéresse guère au sort réservé à des milliers d’autres personnes.

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