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Université de Lyon Université lumière Lyon 2 Institut d'Études Politiques de Lyon Le Nationalisme des Ressources : Défi Juridique et Stratégique Majeur pour les Grands Groupes Pétroliers Rinaudo Agathe Mémoire de séminaire Séminaire de Droit International Public soutenu le 01 septembre 2010 2009-2010 Sous la direction de Monsieur Moncef Kdhi

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Université de LyonUniversité lumière Lyon 2

Institut d'Études Politiques de Lyon

Le Nationalisme des Ressources : DéfiJuridique et Stratégique Majeur pour lesGrands Groupes Pétroliers

Rinaudo AgatheMémoire de séminaire

Séminaire de Droit International Publicsoutenu le 01 septembre 2010

2009-2010Sous la direction de Monsieur Moncef Kdhi

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Table des matièresRemerciements . . 4Introduction . . 5Chapitre Premier : Le cadre dans lequel se déroulent les opérations d’Exploration et deProduction . . 11

Section 1. Le cadre juridique de l’Exploration/Production . . 11A- Le principe élémentaire : Le Principe de Souveraineté Permanente sur lesRessources Naturelles . . 11B- L’évolution conséquente du cadre juridico-légal des contrats d’Exploration/Production . . 18

Section 2. Le cadre politique et économique de l’Exploration/Production . . 29A- Le nationalisme des ressources, phénomène cyclique . . 29B- Contexte et spécificités du nationalisme des ressources du 21ème siècle . . 35

Chapitre Second : Les impacts du nationalisme des ressources sur les opérationsd’Exploration et de production . . 39

Section 1. Instabilité contractuelle et difficultés stratégiques : Analyse des risques . . 39A- Instabilité contractuelle : risque règlementaire et changements fiscaux . . 39B- Complexité et dangerosité croissante de l’environnement stratégique . . 46

Section 2. Gestion des risques . . 51A- Envisager les relations avec les NOCs : Coopération ou compétition ? . . 51B- Gérer l’incertitude liée aux contrats : vers des contrats plus stables ? . . 55

Conclusion . . 58Bibliographie . . 60

Ouvrages . . 60Articles . . 60Sites Web . . 62

Tableau des sigles . . 63Annexes . . 64

Annexe 1 : Perspectives de croissance de la demande en pétrole et en gaz . . 64Annexe 2 : La forte volatilité des prix du pétrole . . 65Annexe 3 : La Résolution 1803 de l’Assemblée Générale des Nations Unies. . . 66Annexe 4 : Les contrats de partage de production : fonctionnement . . 68Annexe 5 : Changements fiscaux récents par région . . 69Annexe 6 : Typologie des compagnies pétrolières nationales . . 71

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RemerciementsJ’aimerais remercier en premier lieu mon directeur de mémoire, M. Moncef Kdhir pour sesconseils, pour son soutien qui m’ont été précieux aussi bien dans la phase de réflexion que dansla phase de rédaction de ce mémoire.

J’adresse également mes plus sincères remerciements à Mme Elisabeth Proust et à M. Jean-Jacques Mosconi pour m’avoir permis d’effectuer mon stage au sein du groupe TOTAL.

Je souhaite remercier plus particulièrement M. Étienne Anglès d’Auriac qui m’a accueillie ausein de la Direction de la Stratégie et de l’Intelligence Économique du groupe, pour ses précieuxconseils et ses relectures. Au sein de la Direction, j’adresse mes plus sincères remerciements àAkshay Dua, Guillaume Gimonnet, Angelina Sivierou et Xin Ma pour leurs explications, leurdisponibilité et leur soutien tout au long de la rédaction de ce mémoire.

Merci enfin à toutes les personnes qui m’ont soutenue pendant les différentes étapes de cemémoire, qui m’ont guidée par leurs conseils, leurs suggestions et leurs relectures.

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Introduction

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Introduction

Au 1er juillet 2010, 46 des 124 affaires en instance au Centre International pour leRèglement des Différends relatifs aux Investissements (CIRDI), soit 37% d’entre elles,concernent le secteur de l’énergie et en particulier le pétrole et le gaz1. De même, d’aprèsla liste dressée par l’American lawyer fin 2007, 38% des 50 plus importantes procéduresd’arbitrage commercial en termes d’enjeux financiers concernent le secteur de l’énergie etplus particulièrement impliquent des industries pétrolières et gazières2.

Dans l’industrie pétrolière, les relations entre les grands groupes internationaux quiexploitent les ressources d’hydrocarbure et les pays hôtes dans lesquelles elles opèrent,propriétaires de ces ressources, les relations sont et ont toujours été complexes et sourcesde conflit.

C’est conscient de cela que B. Hess, directeur juridique du groupe Royal Dutch Shell,s’étonne « de la capacité qu’à notre industrie à fournir au monde l’énergie dont il a besoin.Ceci a toujours représenté un défi mais jamais autant qu’aujourd’hui »3. Il est vrai quedepuis le début du siècle, de manière générale, l’environnement dans lequel évoluent lescompagnies pétrolières internationales est devenu plus confus et plus compliqué. Les défisauxquels elles doivent faire face se sont complexifiés. On distingue aujourd’hui deux grandsdéfis se posant à l’industrie de l’énergie.

Le premier de ces défis est de nature énergétique, c’est-à-dire qu’il s’agit de savoirsi l’industrie pétrolière sera capable de répondre aux besoins mondiaux en énergie. Lapremière vérité fondamentale composant le défi énergétique est que celui-ci est définiavant tout par une demande en énergie croissante voire exponentielle depuis le tournantdes années deux-mille4. Cette croissance, qui est à la fois réelle et attendue, n’est passurprenante dans la mesure où les démographes prévoient que la population mondialeatteindra neuf milliards de personnes en 2050. En outre, les pays émergents, et plusparticulièrement la Chine et l’Inde, entrent dans une phase de leur développement que l’onsait extrêmement gourmande en énergie. Le rôle de ces deux pays dans la croissancede la demande énergétique est telle que l’Agence Internationale de l’Energie (A.I.E) leura consacré la quasi-intégralité de son rapport World Energy Outlook de 20075. Dansce rapport, l’A.I.E, et notamment son économiste en chef, le turc Fatih Birol annoncel’avènement prochain d’un « nouvel ordre énergétique mondial »6 au sein duquel deschangements majeurs vont se produire notamment au niveau des structures de l’offre et de

1 Centre International pour le règlement des différends relatifs aux investissements. [ en ligne ]. [Consulté le 3 avril 2010] <http://icsid.worldbank.org/ICSID/FrontServlet?requestType=GenCaseDtlsRH&actionVal=ListPending>2 The American Lawyer. [ en ligne ].Arbitration Scorecoard2007 : Top 50 Contract Disputes. 13 juin 2007.[Consulté le 3 avril 2010]<http://www.law.com/jsp/article.jsp?id=1181639139062>

3 HESS, Beat, Faire face aux défis juridiques dans l’industrie de l’énergie. Journal du Droit International, 2008, 2, p. 497-505.4 Annexe 15 International Energy Agency [en ligne]. [page consultée le 18 juin 2010]. Paris: OECD/IEA, 2007. <http://www.iea.org/textbase/

nppdf/free/2007/weo_2007.pdf>6 Exposé de Fatih Birol, économiste en chef à l’AIE, le 5 décembre 2007, au Shell Centre à Londres

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la demande. Il estime, en outre, qu’une autre dimension du problème posé par la croissanceexponentielle des besoins du monde en énergie réside dans l’approvisionnement en pétrolequi devrait selon lui être un problème majeur jusqu’en 2015. En effet, il estime que

« bien que les nouvelles installations de production pétrolières devraientaugmenter au cours des cinq prochaines années, on ne sait pas si elles suffirontà compenser le déclin de production des gisements existants et à suivre lerythme d’une demande grandissante. On ne peut pas, à ce jour, exclure unesituation critique au niveau de la production dans la période menant à 2015 »7.

De ce fait, d’énormes investissements vont être nécessaires pour répondre à cettedemande. L’AIE estime leur montant, à la charge des compagnies pétrolières, à environ 22à 24 milliards de dollars entre 2006 et 2030.

En outre, et ce malgré l’idée répandue selon laquelle les énergies renouvelablessont sur le point de remplacer les carburants fossiles, on estime qu’en 2050 les énergiesrenouvelables ne représenteront, au mieux, qu’un tiers de la production totale d’énergie.

Le défi énergétique est donc bien réel et ce, d’autant plus que la diversification dessources d’énergie au niveau mondial reste malgré tout essentielle car une deuxième véritéfondamentale veut que la production de pétrole et de gaz conventionnels, c'est-à-direles ressources relativement faciles à extraire, ne suffira pas à répondre à la demandegrandissante en énergie. Les compagnies pétrolières internationales n’ont guère d’autrechoix que de développer de nouvelles sources d’énergie comme les énergies alternatives,telles que l’énergie solaire ou les biocarburants, ainsi que les carburants fossiles ‘nonconventionnels’, tels les sables pétrolifères par exemple. C’est d’autant plus vrai que ce quia toujours fait la force des grands groupes pétroliers, par rapport aux compagnies nationalesou aux compagnies indépendantes par exemple, est leur capacité à innover. Celle-ci leur apermis jusqu’à aujourd’hui de conserver constamment un avantage concurrentiel important.Cela implique un certain nombre d’investissements en recherche et développement alorsmême que, comme nous venons de le dire, ces sources d’énergie alternatives ne devraientcontinuer à jouer qu’un rôle mineur dans le mix-énergétique dans les décennies à venir.

Enfin, la troisième vérité fondamentale composant le défi énergétique est celle, logique,qui veut que toute augmentation de la production d’énergie soit suivie d’une augmentationdes émissions de gaz à effets de serre. Or, cela se révèle immanquablement problématiqueau moment où la peur du réchauffement climatique et des impacts de l’activité humaine sur leclimat deviennent un problème mondial. Les impératifs de limitation des émissions de CO2en passe d’être mis en place, voire d’ores et déjà appliqués par certains grands groupes,nécessiteront une gestion très stricte de ces émissions, aussi bien en ce qui concerne laproduction énergétique que sa consommation.

Ainsi énoncé, le défi énergétique auquel font face les grands groupes pétroliers etauquel ils vont continuer de faire face pendant plusieurs décennies apparait relativementinextricable. Aujourd’hui et demain, les grandes compagnies pétrolières internationalesvont devoir s’atteler à satisfaire une demande croissante tout en prenant en compte descontraintes toujours plus nombreuses et complexes. C’est d’autant plus le cas que ce défiénergétique apporte avec lui des défis juridiques, de gravité variable, qui sont au nombrede trois.

Tout d’abord, comme nous l’avons vu, l’acquisition de nouvelles technologies a uneimportance fondamentale et croissante pour les compagnies pétrolières internationales pour

7 Ibidem.

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qui garder un avantage concurrentiel sur leurs concurrents est primordiale. Il découle dece fait que la protection des droits de propriété intellectuelle afin de minimiser les risquesjuridiques, est essentielle. Or, ces risques juridiques, qui vont de la contrefaçon en matièrede brevets à la divulgation d’informations classées confidentielles, sont aggravés par desfacteurs tels que « les contrats à parties et juridictions multiples, les structures commercialesextrêmement complexes et des législations et procédures de mise en application illogiquesou non existantes »8.

Ensuite, le problème des émissions de CO2 constitue également un défi majeur auniveau juridique puisque le cadre dans lequel il se déroule est actuellement peu coordonnéet très incertain. Le marché des certificats d’émission de CO2, notamment, se complexifieet s’internationalise sans cesse ce qui ne permet pas d’anticiper dans quel cadre juridique ilévoluera dans les années à venir. De plus, lorsque les grands groupes pétroliers prévoientun certain nombre d’investissement dans le but de se conformer aux différentes obligationsrèglementaires existant à ce sujet, rien ne leur permet de prédire si celles-ci seront amenéesà se durcir, à s’assouplir ou même si elles se concrétiseront un jour. Or, les entreprisesdans le domaine de l’énergie investissent sur un horizon d’au moins vingt-cinq à trente ans.L’instabilité et l’incertitude juridiques entourant la problématique de la gestion des émissionsde gaz à effets de serre rend difficile la gestion de ce risque juridique par les grands groupespétroliers. Il s’agit donc aujourd’hui pour eux, lorsqu’ils prévoient leurs investissementspour les prochaines décennies, de se livrer à un difficile exercice d’équilibriste, en tentantd’évaluer à quelles normes environnementales ils seront tenus de se conformer dans lesannées à venir.

Enfin, il faut ajouter à ces deux premières dimensions du défi juridique, le phénomènegrandissant du nationalisme des ressources. Ce phénomène a été défini par l’InternationalEnergy Forum9 comme étant « la volonté des nations de tirer le meilleur parti de leurdotation en ressources naturelles ». Le Professeur P. Stevens le définit quant à lui parses deux principaux composants10: d’une part le fait que c’est un phénomène qui limiteles opérations des compagnies pétrolières internationales privées, et d’autre part le faitque c’est un phénomène par lequel les pays détenteurs de ressources renforcent leurcontrôle sur l’exploitation de leurs ressources naturelles. Ce contrôle renforcé engendre uneaugmentation de la participation des gouvernements des pays hôtes dans l’industrie, et ce,de plus en plus par l’intermédiaires des entreprises pétrolières nationales. Par conséquent,le nombre et la fréquence des transactions commerciales dans le domaine de l’énergieavec les entreprises nationales de pétrole ou de gaz augmentent. Le cadre légal de cestransactions est de plus en plus incertain et le droit des compagnies internationales sont deplus en plus difficiles à faire respecter. Les entreprises pétrolières internationales doiventdésormais réfléchir à la manière dont elles peuvent protéger leurs intérêts et minimiserles risques juridiques tout en optimisant les opportunités dans des environnements peupropices aux investissements. Il découle, entre autres, de ce nationalisme des ressourcesune grande instabilité juridique au niveau local. Cette instabilité constitue certainement,selon Beat Hess, « le plus grand défi que l’industrie de l’énergie devra relever au cours de la

8 HESS, Beat, Faire face aux défis juridiques dans l’industrie de l’énergie, op. cit.9 L’International Energy Forum est le plus grand rassemblement des Ministres de l’Energie du monde. Les pays y participant

représentent au total plus de 90% de l’offre et de la demande globales de pétrole et de gaz.10 STEVENS, Paul, National Oil companies and International Oil companies in the Middle-East: under the shadow of government

and the resource nationalism cycle. Journal of World Energy Law and Business, 2008, Vol. 1, N°1, p. 5-30

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période de planification à venir. Le principe de pacta sunt servanda11 a perdu son caractèreimmuable, la base sur laquelle des investissements de plusieurs milliards de dollars se fontn’est plus très stable »12.

Beat Hess achève son étude de l’environnement dans lequel évoluent les grandsgroupes pétroliers en estimant que « Relever le défi énergétique est une responsabilitécollective. L’industrie de l’énergie continue à assumer sa part de responsabilités, mais nousne pouvons développer une énergie saine et durable que dans un environnement ou règnentla bonne foi ».13

Puisqu’il semble que le nationalisme des ressources, phénomène de plus en plusrépandu depuis le tournant de l’industrie de l’énergie dans les années 2000, soit le plusgrand défi juridique auquel sont confrontées les grandes compagnies pétrolières, c’estautour de ce phénomène et de ses considérables conséquences pour ces grands groupesque nous axerons notre étude.

Nous avions introduit notre propos en faisant état du nombre très élevé de sentencesarbitrales ou de procédures d’arbitrage en cours, et de manière plus générale du nombrede conflits qui avaient pu exister et qui existaient encore entre les compagnies pétrolièresinternationales et les pays dans lesquelles elles opèrent. Il existe un grand nombre deraisons expliquant ces conflits à répétition. Nous en retenons deux, considérées commecapitales.

Dans un premier temps, le facteur expliquant la fréquence de l’occurrence des conflitsentre compagnies pétrolières internationales et les pays hôtes est le fait du phénomèned’opportunisme généré par des fluctuations importantes des prix du brut. Effectivement,quand le prix du pétrole brut change aussi significativement qu’au début des années deux-mille par exemple, les parties engagées dans des contrats à long-terme sont très facilementincitées à renégocier. Les conflits surviennent quand la renégociation semble difficilementfaisable ou du moins lorsqu’elle est difficilement acceptable par l’autre partie. Étant donnéles risques inhérents et les couts afférant aux activités d’exploration, de production, et dedéveloppement de champs pétroliers et gaziers, ces activités sont typiquement régies pardes contrats à long-terme. De manière générale, un gouvernement ou une compagniepétrolière nationale accorde un permis, une licence ou une concession à des partiesprivées, à la tête desquelles se trouve une compagnie pétrolière internationale. Ces accordspermettent l’accès des compagnies internationales aux ressources qui peuvent alors lesexplorer et les exploiter dans une zone géographique définie, et ordinairement dans untemps limité. En échange, l’État est rémunéré par le biais de royalties, de partage de profitet de taxes. Le contrat gérant la relation entre le pays hôte et la compagnie est extrêmementimportant pour cette dernière vu les couts engagés et les risques liés à l’exploration età la production de pétrole. D’un point de vue économique, les contrats promeuvent unecertaine efficacité puisqu’en plus de permettre un certain partage des risques liés auxactivités d’exploration et de production, ils prévoient également la redistribution anticipéedes rentes entre les parties ce qui évite à ces dernières de négocier systématiquementles termes de l’échange quand les conditions du marché sont modifiées. Quand le prixdu brut sur les marchés est substantiellement au dessus ou au dessous de ce que lesparties se figuraient, cela ouvre une porte à des comportements opportunistes puisqu’unedes parties peut aisément avoir de fortes incitation à remanier la répartition de la rente.

11 Pacta sunt servanda : Tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi.12 HESS, Beat, Faire face aux défis juridiques dans l’industrie de l’énergie, op. cit.13 Ibidem.

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Cela survient en particulier une fois que les risques liés à l’exploration ont été surmontés.A ce stade, les parties sont tentées d’essayer de renégocier les termes du contrat oud’adopter un comportement opportuniste dans le but d’obtenir une redistribution de la renteà leur avantage, ce qui, par conséquent, occasionne des litiges vu le désir de retourner cequi avait été négocié ex-ante. Le risque de comportement opportuniste est d’autant plusgrand que les gouvernements ont réservé un certain nombre de prérogatives légales ayanttrait au fait qu’ils sont propriétaires de leurs ressources naturelles. De ce fait, les contratspétroliers sont généralement caractérisés par l’interférence de la puissance étatique d’unemanière ou d’une autre. En observant l’augmentation des prix du brut entamée au débutde l’année 2003 il n’est pas difficile de voir pourquoi autant d’accords pétroliers ou gaziersmis en place avant cette augmentation des prix de l’énergie ont fini par déboucher surun grand nombre de procédures de renégociation, de médiation ou d’arbitration. En effet,de 29.73 dollars US le baril en janvier 2003, le prix du brut est passé à $61.81 en mars2007 et a culminé à 126.06$ en mai 200814. Entre 2003 et 2007, les prix du brut ont doncété multipliés par quatre. De tels niveaux de prix et surtout une telle volatilité des prix dupétrole sont inédits par rapport aux vingt années précédentes15. De ce fait, il n’est passurprenant qu’un grand nombre de pays aient cherché, suite à cette explosion des prixdu pétrole, à renégocier de manière unilatérale et opportuniste les termes des contratspar lesquels ils étaient liés. Plus particulièrement, un certain nombre de pays ont tentéd’accroitre leur emprise sur le brut soit en augmentant leur intéressement aux bénéfices cequi implique de modifier les clauses de partage des bénéfices négociées ex-ante ou d’exigerdes compagnies pétrolières internationales qu’elles cèdent leur parts à l’État hôte ou a sacompagnie pétrolière nationale.

Dans un second temps, un autre facteur expliquant la fréquence de l’occurrence deconflits entre les protagonistes de l’activité pétrolière est le fait que les ressources enpétrole et en gaz sont vues, dans la très grande majorité des pays qui les possèdent,comme stratégiques. Il résulte de cette importance conférée au secteur de l’énergie queles gouvernements possesseurs de ressources en hydrocarbures ont tendance à mettre enplace des politiques publiques conçues de telle sorte que le prix de l’énergie, comme le prixde l’essence ou le prix du gaz naturel, devienne un outil pour mettre en place des politiquesde redistribution ou d’autres politiques nationales requérant l’altération des contrats à long-terme préexistants. Cette tendance, d’ailleurs très courante, d’utiliser les prix de l’énergiecomme un instrument de politique publique est une source indéniable de litiges, et ce,particulièrement quand de telles politiques publiques impliquent la remise en cause d’uncertain nombre d’engagements pris originellement ainsi que la promesse de maintenir lesmarchés dérégulés. Avec l’explosion des prix de l’énergie entamée en 2003, un certainnombre de pays ont commencé à utiliser le contrôle des prix comme un mécanisme pourlimiter l’impact d’une telle explosion sur les consommateurs. Ces politiques de subventionde l’énergie se font généralement aux dépens des producteurs.

Pour résumer, les compagnies pétrolières internationales se trouvent depuis le débutdes années deux-mille dans une situation où la demande croissante en énergie a généréune hausse sans précédent des prix du pétrole, lesquels sont d’ailleurs de plus en plusvolatiles. Cette hausse inédite des prix a ouvert la porte à des comportements opportunistesde la part des États détenteurs de ressources naturelles.

14 US Energy Information Administration.[ en ligne ]. [Consulté le 4 juillet 2010] <http://www.eia.doe.gov/dnav/pet/hist/LeafHandler.ashx?n=PET&s=WTOTWORLD&f=W>

15 Annexe 2

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Ces comportements opportunistes, dont les conséquences vont de la renégociationunilatérale du contrat à une expropriation pure et simple, ne sont pas sans fondementjuridique. En effet, nous le verrons, le Principe de Souveraineté Permanente sur lesRessources Naturelles, affirmé pour la première fois dans la Résolution 1803 (XVII) del’Assemblée Générale des Nations-Unies du 14 décembre 1961, constitue le fondementjuridique de ce comportement opportuniste. Ce principe, fruit d’une longue gestationau sein des Nations-Unies, a par la suite était réaffirmé à maintes reprises dansd’autres déclarations et textes internationaux. Ce fut le cas par exemple dans lesPactes internationaux de 1966 ou dans la Résolution 3201 de l’Assemblée Générale desNations-Unies concernant l’instauration d’un nouvel ordre économique mondial en 1974.L’affirmation, certes lente et très progressive mais incontestable, de ce principe n’a pasété sans répercussion sur les relations entre les pays détenteurs de ressources et lescompagnies internationales opérant sur leur territoire. Au niveau contractuel, l’affirmationdu principe de souveraineté permanente sur les ressources naturelles a été à l’origine d’unchangement fondamental dans la manière dont les droits d’exploitation des ressourcessont accordés aux compagnies internationales. Effectivement, quelques années aprèsl’affirmation de ce principe, en 1966, l’Indonésie était le premier pays producteur de pétroleà établir un Contrat de Partage de Production.

Mais ce principe a aussi été, partiellement du moins, à l’origine d’une première puisd’une seconde vague de nationalisme des ressources. Cette résurgence du phénomène,en cours depuis le début des années 2000, remet aujourd’hui en cause l’avenir descompagnies pétrolières internationales. En effet, alors même que ce sont leurs profits recordqui retiennent l’attention de l’opinion publique, les grands groupes pétroliers internationauxfont en réalité face à une crise réelle qui remet en cause leur pérennité.

En effet, le contexte dans lequel se déroulent les opérations d’exploration etde production, lequel a toujours été la scène d’affrontements entre pays détenteursde ressources naturelles et compagnies pétrolières étrangères, s’est complexifiéconsidérablement. Par conséquent, de nombreux risques, anciens pour la plupart,nouveaux pour certains d’entre eux, ont émergé. Les compagnies internationales peinentaujourd’hui à gérer cette augmentation générale du niveau de risque de l’environnementdans lequel elles opèrent.

Dès lors, on peut se demander dans quelles mesures la seconde vague de nationalismedes ressources porte-t-elle atteinte aux compagnies pétrolières internationales et quellessolutions celles-ci ont-elles pour faire face aux implications de ce phénomène ?

Il convient dans un premier temps, d’analyser les évolutions plus ou moins récentesdu contexte dans lequel se déroulent l’Exploration/Production avant d’analyser les risquesencourus actuellement par les entreprises et les éventuelles solutions qu’elles pourraientadopter.

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Chapitre Premier : Le cadre dans lequel se déroulent les opérations d’Exploration et deProduction

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Chapitre Premier : Le cadre danslequel se déroulent les opérationsd’Exploration et de Production

Le cadre dans lequel se déroulent les opérations d’Exploration et de Production afoncièrement évolué au cours du siècle dernier. Il a évolué d’un point de vue juridique,tout d’abord, avec l’accession d’un certain nombre de pays détenteurs de ressources àl’indépendance politique qui ont souhaité affirmer leur indépendance économique avecl’affirmation du principe de souveraineté permanente sur les ressources naturelles au seindes Nations Unies. Cette affirmation de principe a eu des conséquences retentissantessur les contrats d’exploration et de production passés entre les gouvernements etles compagnies pétrolières internationales. L’environnement politique et économiquede l’exploration/production a également été profondément modifié par deux vaguesde nationalisme des ressources, phénomène encouragé par l’affirmation du principede souveraineté permanente des États sur leurs ressources naturelles. Il convientd’étudier ces évolutions, qu’elles soient historiques ou actuelles, afin de mieuxcomprendre l’environnement contemporain dans lequel évoluent les compagnies pétrolièrestransnationales.

Section 1. Le cadre juridique de l’Exploration/Production

Le cadre juridique de l’exploration/production a été profondément modifié après l’affirmation,pourtant lente, du principe de souveraineté permanente sur les ressources naturellespar l’Assemblée Générale des Nations Unies en 1962. Celle-ci a eu pour conséquencepremière d’encourager une modification fondamentale des contrats passés entre l’État etles compagnies étrangères.

A- Le principe élémentaire : Le Principe de Souveraineté Permanentesur les Ressources Naturelles

En 1958, l’Assemblée générale des Nations Unies « estimant qu’il lui est indispensablede disposer de renseignements complets sur l’étendue et la nature effective de lasouveraineté »16 crée une commission chargée d’étudier « la situation de cet élémentfondamental du droit des peuples et des nations à disposer d’eux-mêmes et de formuler, le

16 Assemblée Générale des Nations Unies. [ en ligne ]. Résolution 1314 (XIII). 12 décembre 1958 [Consulté le 25 juin 2010] <http://www.un.org/french/documents/view_doc.asp?symbol=A/RES/1314%28XIII%29&Lang=F>

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cas échéant des recommandations destinées à renforcer ce droit »17. Les travaux de cettecommission déboucheront finalement en 1962 sur l’affirmation du principe de souverainetépermanente sur les ressources naturelles.

1. Préliminaires : la lente affirmation du principe et les travaux de laCommission temporaireL’affirmation du principe s’est faite très lentement car elle opposait les pays nouvellementdécolonisés aux États plus développés dont les compagnies exploitaient les ressourcesnaturelles. Pour les premiers, il s’agit d’achever le processus de décolonisation qui leuraccorde une indépendance politique en affirmant leur indépendance économique. Pourles seconds, il s’agit de protéger leurs entreprises qui exploitent les ressources naturellesprésentes sur le sol des anciens pays colonisés.

Les travaux de la Commission instaurée par l’Assemblée Générale des Nations Uniessont intéressants et édifiants pour comprendre les forces en présence à cette époque.

Le principe de souveraineté permanente sur les ressources naturelles est pour lapremière fois timidement reconnu dans la Résolution de l’Assemblée générale de l’ONUdatant du 12 février 195218. Cette résolution dispose dans son premier Considérant que :

Ce faisant, cette résolution proclame que la souveraineté des peuples sur leursrichesses et ressources naturelles implique le droit d’exploiter lesdites richesses etressources. La Résolution 626 de l’Assemblée Générale des nations unies adoptée le 21décembre 195219 recommande aux États membres, dans le but de respecter ce principe des’abstenir de tout direct ou indirect qui pourrait porter atteinte à l’exercice par un État de sasouveraineté sur ses ressources naturelles.

Sous la pression d’un certain nombre de ses membres qui souhaitent préciserle sens du principe, l’Assemblée désigne donc, dans sa résolution du 12 décembre1958,20 une commission temporaire chargée de formuler, si elle le juge nécessaire, desrecommandations. Dans sa résolution 1514 du 14 décembre 196021, l’Assemblée précised’ailleurs que le travail de la commission devait tenir expressément « compte des droits etdevoirs des États conformément au droit international et du fait qu’il importe d’encouragerla coopération internationale en matière de développement des pays sous-développés ».

La commission comprenait neuf membres, l’Afghanistan, le Chili, les États-Unis, leGuatemala, Les Pays-Bas, les philippines, la République Arabe Unie, la Suède et l’UnionSoviétique.

Tout d’abord en ce qui concerne le but ultime de la future Résolution la délégationchilienne estime que « la tâche de la commission consiste essentiellement à déterminer

17 Ibidem18 Assemblée Générale des nations unies. [ en ligne ]. Résolution 523 (VI). 12 février 1952 [Consulté le 25 juin 2010] <http://

www.un.org/french/documents/view_doc.asp?symbol=A/RES/523%28VI%29&Lang=F>19 Assemblée Générale des Nations Unies [ en ligne ]. Résolution 626 (VII). 21 décembre 1952 [Consulté le 25 juin 2010].

<http://www.un.org/french/documents/view_doc.asp?symbol=A/RES/626%28VII%29&Lang=F>20 Assemblée Générale des Nations unies [ en ligne ] Résolution 1314 (XIII), [consulté le 25 juin 2010] <http://www.un.org/

french/documents/view_doc.asp?symbol=A/RES/1314(XIII)&Lang=F>21 Assemblée Générale des nations unies. [ en ligne ]. Résolution 1514 (XV). 14 décembre 1960 [Consulté le 25 juin 2010]

<http://www.un.org/french/documents/view_doc.asp?symbol=A/RES/1514(XV)&Lang=F>

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la nature du droit de souveraineté permanente sur les ressources naturelles ainsi que lamanière dont ce droit doit être exercer ». Les différents avis de la délégation chilienne sontfondamentaux à prendre en compte puisque c’est au final son projet de Résolution qui seraadopté.

L’Union soviétique souhaite quant à elle mettre l’accent sur la notion de souverainetéen tant que droit inaliénable afin de protéger les États détenteur de ressources et de leurpermettre de fixer leurs conditions de délégation des droits d’exploitation ainsi que leurspropres normes de compensation. La conception soviétique, souhaitant marquer le rejet desstandards capitaliste, n’a au final pas été retenue car considérée comme trop polémique etdu coup trop difficilement acceptable par les pays développés.

D’autres délégations estiment que le but premier de la commission doit être de protégerles intérêts des pays en développement. C’est le cas notamment de l‘Indonésie. La Syrieet le Ghana exposent également des points de vue plus modérés, estimant respectivementque le but premier de cette résolution doit être de permettre le développement des payssous-développés ou d’encourager les flux de capitaux vers ces pays.

Les aspects légaux de la RésolutionLes membre discutent également de la portée légale de la future résolution. C’est

une question d’importance d’autant plus cruciale que le résolution 626, qui avait reconnuaux États « le droit d’exploiter librement leurs ressources naturelles »22 a été citée à deuxreprises dans des décisions prises par des cours municipales au Japon et en Italie. Cesdécisions étaient liées au problème posé par les produits pétroliers expédiés depuis l’Iranet revendiqués par l’Anglo-Iranian Oil Company comme lui appartenant.

En ce que concerne les effets légaux de la Résolution, l’URSS souhaite qu’il soit faitréférence directement à la résolution 626 puisque celle-ci a été citée dans au moins deuxdécisions municipales. Encore une fois, la position soviétique est finalement jugée troppolémique et il ne sera finalement fait qu’une simple référence à la Résolution 626 dansle préambule de la résolution finale. Aucune allusion ne sera faite aux décisions des coursmunicipales italienne et japonaise.

La majorité des membres est d’accord sur le fait que la Résolution a vocation à exprimerdu droit existant et qu’en aucun cas il n’est question pour l’Assemblée générale d’établirune nouvelle loi. Les États-Unis, pour qui la future résolution risque d’aller à l’encontre desintérêts de ses compagnies pétrolières internationales, ont tenu à mettre l‘accent sur le faitque cette résolution ne « lierait en aucun cas les états membres ». La délégation britanniqueestime quant à elle que la Résolution doit proposer une simple « application pratique duprincipe ». L’Argentine considère que la résolution avait vocation à n’être qu’une « simpledéclaration ». Enfin, pour les Philippines la résolution doit se contenter d’ « établir un certainnombre de standards minimums ».

On peut conclure des faits cités que l’Assemblée Générale a l’intention d’exposerles principes élémentaires ainsi que les modalités d’exercice du principe de souverainetépermanente sur les ressources naturelles, tout en n’oubliant pas le fait primordial que cesprincipes et ces modalités d’exercice devaient être conformes aux droits et aux devoirs desÉtats tels qu’ils sont définis par le droit international, et que de ce fait ces principes nepeuvent guère faire plus que d’énoncer des standards minimums.

22 Assemblée Générale des Nations Unies [ en ligne ]. Résolution 626 (VII). 21 décembre 1952 [Consulté le 25 juin 2010].<http://www.un.org/french/documents/view_doc.asp?symbol=A/RES/626%28VII%29&Lang=F>

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Afin de bien déterminer si les États-membres seront liés ou non à la future Résolutionil convient d’étudier la place qu’on a souhaité lui donner au sein du corps préexistant derègles du droit international.

La délégation chilienne, rédactrice de la première ébauche de résolution, a formulé unedéclaration élémentaire selon laquelle « du point de vue des droits international et national,le texte qui sera soumis à l’Assemblée doit être entièrement conforme et acceptable ».Le point de vue chilien considère l’ébauche de résolution comme « ne [proposant] aucunemodification des principes préexistant du droit international ». Le Brésil estime que certainsaspects de la résolution, comme ceux relatifs au principe de respect des engagementscontractuels, sont des principes de base du droit international et que de ce fait, la futurerésolution étant appelée à être gouvernée par le droit international, il n’est pas nécessairede réitérer un certain nombre de règles déjà acceptées par la communauté internationale.

Il convient de faire état d’un certain nombre d’approches plus sceptiques et doncplus prudentes quant à la place de que la future Résolution aura dans l’ordre juridiqueinternational. En effet, les États-Unis par exemple estiment que l’Assemblée Générale n’aguère vocation qu’à s’accorder sur un texte qui soit en accord avec une interprétationglobalement acceptée du droit international et que de ce fait il est très improbable etsurtout peu souhaitable que la nouvelle résolution ne résulte en un changement substantieldu droit international. Ensuite, deux pays expriment l’opinion selon laquelle la résolutionn’exprimerait pas du droit existant et n’aurait donc pas de base légale. D’une part, la France,bien que reconnaissant que le principe de souveraineté permanente sur les ressourcesnaturelles disposait bien d’une base légale, tient à faire la différence entre une simpleproclamation de principe et la définition de modalités d’application, qui, selon elle n’est pasréalisable en l’état actuel du droit international. La France estime en effet que le principede souveraineté permanente sur les ressources naturelles est indétachable de la questionde la responsabilité étatique qui était elle-même à l’époque en instance de codificationpar la Commission du Droit International et que de ce fait la question doit être soumisedans son ensemble à des juristes compétents en la matière. La France souhaitait alorsque l’on continue à considérer, selon un principe fondamental du droit international privé,que le contrat entre les parties demeure la source essentielle déterminant les droits et lesobligations de chacune des parties. D’autre part, le Japon soutient que la Charte des NationsUnies reconnaît un principe et non pas un droit à l’auto-détermination et que de ce fait ilest fort discutable que le concept de souveraineté permanente existe par lui-même en droitinternational puisque basé sur le concept d’auto-détermination.

Ces réactions et inquiétudes exprimées par les délégations américaine, française etjaponaise ne sont pas infondées mais il n’en demeure pas moins qu’elles ont pour butultime de s’assurer d’obtenir une résolution de compromis plutôt que d’exprimer une réelleinquiétude de fond.

Un des aspects les plus complexes et les plus cruciaux de la question de l’affirmation duprincipe de souveraineté permanente sur les Ressources Naturelles est celui qui concerneles différents aspects des actes de reprise de possession, comme les expropriations oules nationalisations, et les principes et standards de compensation applicables lorsqu’ilssurviennent.

Premièrement, en ce qui concerne les actes de reprise de possession en eux-mêmes,l’ébauche de projet chilienne qui est finalement devenue, nous l’avons dit, la base du textefinal, estime dans son paragraphe correspondant que : « 3. Les actes de nationalisation,d’expropriation ou de réquisition ne peuvent se produire que fondés sur des raisons d’utilitépublique, de sécurité ou d’intérêt national ».

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Contrastant avec le pragmatisme de l’ébauche de résolution chilienne, le projetsoviétique quant à lui « réaffirme que le droit permanent et souverain des peuples etdes nations de posséder, utiliser and disposer librement de leur richesses et ressourcesnaturelles, inclut le droit souverain de procéder à des nationalisations ou à desexpropriations, et ce, sans entrave ». Le projet soviétique n’ayant pas été retenu, l’UnionSoviétique proposera tout de même, lors de l’adoption du texte final, un amendementqui impliquerait que le texte cité précédemment comme émanant du projet chilien seraitprécédé de la mention : « confirme le droit inaliénable des peuples et des nationsà l’exécution désobstruée de procédures de nationalisation, d’expropriation ou d’autresmesures essentielles ayant pour but de protéger et de renforcer leur souveraineté sur leursrichesses et ressources naturelles ». Le Chili a défendu son projet en expliquant que l’Étatsouverain, quels que soient les accords conclus, se réserve le droit de reprendre ce quilui appartient, mais qu’une telle reprise de possession ne peut et ne doit être le résultat demesures arbitraires et doit au contraire se baser sur des raisons d’intérêt public. Le Chiliajouta que de tels actes devaient être encadrés par la loi. L’Union Soviétique s’est opposéeau projet chilien en raison du fait qu’il ne confirmait pas suffisamment « le droit inaliénabledes peuples de nationaliser et d’exproprier au nom de l’intérêt général ».

Finalement, l’Assemblée générale adopte un texte plutôt conservateur en ce quiconcerne les éléments que nous venons d’étudier. Le fait que des textes plus radicaux aientété rejetés est un fait qui mérite d’être souligné étant donné la sensibilité émotionnelle etpolitique des pays en voie de développement en ce qui concerne le langage adopté dansce genre de texte. Le fait que l’explication finalement retenue ait été incontestée lors del’adoption du texte suggère une intention très ferme d’exclure la possibilité de décisionsprises de manière arbitraire ou discriminatoire.

Le principe selon lequel une compensation est payable en cas d’actes de reprise depossession est quasiment inextricablement lié à la question de la souveraineté permanentedes États sur leurs ressources naturelles. Malgré cela, au cours des débats, certainsmembres ont fait référence à un certain nombre de cas dans lesquels ces membresestimaient des actes de reprises de possession ne nécessitaient pas le paiement d’unecompensation. En outre, ni le projet de résolution conçu par l’Union Soviétique ni lesamendements proposés par la République Arabe Unie23 ne font une quelconque référence àdes compensations éventuelles en cas de reprise de possession. Malgré cela, la RépubliqueArabe Unie finit par reconnaitre que le droit d’expropriation pour des raisons d’utilité publiqueimpliquait en contrepartie « le paiement d’une compensation équitable ». Ce faisant, ellenote que cette conception a d’ailleurs déjà été confirmée par le tribunal arbitral lors del’affaire Goldenberg. Le tribunal avait alors estimé que « si le droit des gens autorise unÉtat pour des motifs d’autorité publique à déroger au principe du respect de la propriétéprivée des étrangers, c’est a la condition sine qua non que les biens expropriés ouréquisitionnés seront équitablement payés le plus rapidement possible ». Cependant, laRépublique Arabe Unie propose tout de même un amendement selon lequel « en cas deprise de possession, les propriétaires doivent recevoir une compensation quand celle-ciest estimée appropriée ». Cette proposition d’amendement, qui ne sera finalement pasretenue cherche à conserver le droit pour un État de ne pas payer de compensation en casd’expropriation ou de nationalisation. L’Union Soviétique n’a pas non plus voté en faveurdu projet chilien puisqu’elle estime une fois encore que celui-ci restreint la souverainetésur les ressources naturelles en ne confirmant pas le « droit inaliénable des peuples de

23 Pays créé en 1958 par l'union de l'Égypte nassérienne et de la Syrie, et disparu en 1961. La République Arabe Unie estPensée à l'origine comme l'ébauche d'une grande fédération englobant l'ensemble

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nationaliser et d’exproprier dans l’intérêt général ». De son côté, la Suède note que, quandbien même le transfert de propriété doit être permis par la législation, celle-ci devra être enconformité avec des principes généralement reconnus de droit international qui prescriventnotamment qu’une compensation doit être versée aux propriétaires étrangers qui se voientdépossédés de leur propriété. La délégation chilienne à son tour, parlant des cas danslesquelles des circonstances particulières justifient la prise de mesures extrêmes commeles nationalisations, il était nécessaire que ces mesures s’accompagnent en retour du« versement d’une somme suffisante en guise de compensation » et ce, afin de s’assurerque les droits des investisseurs soient respectés.

Mise à part la position spécifique de l’Union Soviétique, les arguments juridiquesavancés par les uns et les autres au cours des différents débats soutiennent clairementle point de vue selon lequel la garantie d’une compensation est un attribut essentiel si unacte de reprise de possession veut avoir une validité légale. C’est d’autant plus vrai si onconsidère les arguments avancés par ceux opposés à ce principe. Effectivement, avancerl’argument selon lequel le paiement d’une compensation annulerait l’effet recherché desprocédures de nationalisation ou d’expropriation lorsque celles-ci sont utilisées dans le butde le soulager un État des problèmes économiques qu’il rencontre, revient ipso facto àavouer que la décision de prendre une telle mesure est motivée par la recherche d’unenrichissement sans cause24.

2. La déclaration du principe : la Résolution 1803La Résolution finale est adoptée le 14 décembre 1962 par l’Assemblée Générale desNations-Unies25. Comme il est coutume pour les textes adoptés par l’Assemblée Générale, ilne s’agit pas d’un texte juridique mais d’une proclamation de principe. Celle-ci ne peut doncpas lier les États mais elle peut influencer le droit et faire jurisprudence. Comme on peuts’en douter à la lumière des débats qui ont eu lieu pendant la Commission, la Résolutionne donne aucune définition satisfaisante pour le juriste de la notion de souverainetépermanente sur les ressources naturelles. La majorité des délégués ont en effet insisté surles aspects économiques et politiques du principe. La réalité du texte lors de son adoptionest que la souveraineté permanente sur les ressources naturelles constitue non pas unerègle mais une doctrine, c'est-à-dire :

« une norme directrice ou une ligne de conduite, toujours systématique et continue,reflétant les intérêts et les conceptions du pays ou du groupe de pays qui, à la faveur duchangement réel ou supposé du rapport de forces, l’énonce et cherche à le faire accepter parles autres États et, en dernière analyse, à le transformer en règle du droit international »26.

Cette définition permet de souligner une particularité intéressante de cette résolution.En effet, il est d’usage que la doctrine résulte de proclamations unilatérales par un paysou un groupe de pays dans le but que celle-ci soit finalement acceptée par le reste de lacommunauté internationale. Cette acceptation transforme finalement cette doctrine en règlede droit. Or ici, malgré le fait que nous soyons face à une acceptation générale du principe,

24 GESS, Karol. Permanent Sovereignty over Natural Resources. The International and Comparative Law Quarterly, Avril 1964,Vol. 13, N°2, p. 42625 Annexe 3

26 FISCHER, Georges. La souveraineté sur les ressources naturelles. Annuaire français de droit international.1962, Vol. 8,pp. 516-528

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celui-ci reste au stade de la doctrine et non à celui de la règle de droit27. Cela montre à lafois l’intérêt porté à la question à l’époque et l’incapacité des États à se mettre entièrementd’accord sur la question puisqu’on aboutit au final à une déclaration de compromis qui nesatisfait pleinement aucune des parties.

On trouve donc un certain nombre d’ambigüités et d’obscurités dans le texte final. Ceslacunes sont compréhensibles dans la mesure le droit des peuples à disposer de leursressources naturelles constitue une idée-force qui exprime la réclamation et la protestationdes peuples des pays en développement, le plus souvent récemment décolonisés, etsurtout leur aspiration à la libération économique qui doit suivre, selon eux, la libérationpolitique. Or, la mise en œuvre du principe est de nature à porter atteinte aux intérêts descompagnies pétrolières internationales, le plus souvent ressortissantes de pays occidentauxdonc développés.

Le texte final est donc un compromis entre les deux tendances. La doctrine de lasouveraineté permanente est réaffirmée mais elle est assortie de limitations et de conditions.

Les États occidentaux ont obtenu deux références au droit international et un passagerelatif à l’importance de la coopération internationale pour le développement économique28.Cela permet un équilibre entre d’une part l’affirmation univoque du droit inaliénable desÉtats à l’exercice de leur souveraineté sur les ressources naturelles et, d’autre part,l’harmonisation ou l’adaptation de cette souveraineté au droit international, à l’équité et auxprincipes de coopération internationale.

La résolution prévoit également que:« 2. La prospection, la mise en valeur et la disposition de ces ressources ainsi

que l'importation des capitaux étrangers nécessaires à ces fins devraient être conformesaux règles et conditions que les peuples et nations considèrent en toute liberté commenécessaires ou souhaitables pour ce qui est d'autoriser, de limiter ou d'interdire cesactivités. »

Ce faisant, l’Assemblée Générale de l’ONU reconnait le pouvoir discrétionnaire del’États d’admettre ou de ne pas admettre des capitaux étrangers. Cela confirme que leprincipe affirmé par la résolution de l’Assemblée a une portée pratique et politique, plutôtque juridique.

En outre, la Résolution 1803 prévoit que :« 3. Les bénéfices obtenus devront être répartis dans la proportion librement convenue,

dans chaque cas, entre les investisseurs et l'États où ils investissent, étant entendu qu'onveillera à ne pas restreindre, pour un motif quelconque, le droit de souveraineté dudit Étatssur ses richesses et ses ressources naturelles. »

Cette disposition, pourtant d’importance cruciale, est extrêmement obscure et ambiguë.Finalement, une des rares dispositions claire de la résolution est celle concernant la

nationalisation, l’expropriation et la réquisition puisqu’il est précisé que ces mesures doiventse fonder sur des raisons d’utilité publique, de sécurité ou d’intérêt national. En outre,il est précisé que « dans ces cas, le propriétaire recevra une indemnisation adéquate,

27 FISCHER, Georges. La souveraineté sur les ressources naturelles. Annuaire français de droit international.1962, Vol. 8,pp. 516-528

28 26 « 1. Le droit de souveraineté permanente des peuples et des nations sur leurs richesses et leurs ressources naturellesdoit s'exercer dans l'intérêt du développement national et du bien-être de la population de l'États intéressé. »

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conformément aux règles en vigueur dans l'États qui prend ces mesures dans l'exercice desa souveraineté et en conformité du droit international ».

Il est facile de relever les contradictions, les lacunes et les obscurités de la Résolution1803 du 1er décembre 1962. Mais ce serait placer sur le terrain juridique une résolutionqui s’avère être un document politique. Affirmant une doctrine consacrée par l’AssembléeGénérale des Nations Unies, elle est inévitablement le résultat d’un compromis. Les pays envoie de développement ont du renoncer à obtenir l’inclusion dans la résolution d’un certainnombre de leurs thèses traditionnelles. De leur côté, les États Occidentaux ont obtenucertaines satisfactions et ont ainsi pu voter en faveur d’un texte pour lequel ils n’éprouvaientsans doute pas un enthousiasme excessif.

D’un point de vue strictement juridique, la Résolution 1803 est remarquable en cequ’elle constitue une réaffirmation de quatre principes fondamentaux du droit international.Elle réaffirme tout d’abord qu’en cas de prise de possession légale, l’entreprise étrangèrequi se voit ainsi dépossédée est indemnisable. Elle réaffirme dans un second temps quecette indemnisation doit être déterminée et versée selon les règles fondamentales du droitinternational. Ensuite, la résolution 1803 confirme que les accords passés entre Étatset entités privées lient le premier à ces dernières. Enfin, elle réaffirme que les accordsd’arbitration lient États et entreprises étrangères.

Les débats ont démontré que le sujet abordé pouvait déchainer les passions. Ilsont également permis de réaliser qu’il ne s’agissait pas tant pour les États détenteursde ressources de développer un arsenal juridique permettant de protéger le principede souveraineté permanente de ces États sur leurs ressources naturelles que d’utilisercet arsenal pour effectuer une démonstration politique ferme. En effet, le pragmatismeéconomique a constitué une contrainte majeure que ces États ont eu la clairvoyance de nepas ignorer et la grande majorité d’entre eux, malgré des déclarations passionnées, ont suréaliser que le simple fait de détenir des ressources naturelles et d’affirmer sa souverainetésur celles-ci ne suffisait pas pour extraire ces ressources du sol ou elles se trouvent et lesmonétiser sur les marchés internationaux.

Malgré ces ambiguités et ces imprécisions la portée de cette résolution est réellepuisqu’elle sera rapidement reprise dans d’autres textes des Nations Unies. Néanmoins,sa portée réelle se mesure à l’ampleur du changement qu’elle a amorcé dans les typesde contrats passés entre États détenteurs de ressources et compagnies pétrolièresinternationales.

B- L’évolution conséquente du cadre juridico-légal des contratsd’Exploration/Production

Depuis le 19ème siècle, les États détenteurs de ressources naturelles dépendent descompétences et du savoir des compagnies pétrolières internationales pour explorer,exploiter et produire les ressources en huile et en gaz se trouvant à l’intérieur de leursfrontières. Les activités d’exploration et de production ont donc toujours été conduitesen application d’accords entre les compagnies étrangères et les gouvernements desÉtats dans lesquels se trouvent les ressources (gouvernements hôtes) ou la compagniepétrolière nationale de ces gouvernements. Cette manière de contracter entre les partiesgouvernementales et non-gouvernementales reflète le principe communément partagé queles ressources souterraines d’un État lui appartiennent.

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Un contrat d’Exploration-Production peut généralement être défini comme un contratpar lequel le gouvernement hôte s’engage à accorder le droit à un partenaire étrangerd’explorer et de développer les ressources en hydrocarbures se trouvant dans une zonedélimitée par ledit contrat se trouvant sur le territoire de cet État. L’État hôte s’engageégalement à dédommager l’entreprise partenaire pour les risques associés aux activitésd’exploration et de production Néanmoins, il faut noter que dans la grande majorité descas, cette indemnisation n’est possible qu’à la condition sine qua none que la compagniedécouvre du pétrole ou du gaz en quantités commerciales.

Le pays hôte a tout intérêt à l’exploitation de ses ressources d’hydrocarbures par descompagnies étrangères. Cela lui permet notamment d’attirer du capital à risque et de latechnologie moderne indispensable pour la recherche et la production de pétrole brut etde gaz. Les États hôtes évoluent dans un contexte ou ils rivalisent entre eux pour attirerce capital à risque et cette technologie. L’habilité de chaque État hôte à accéder et à tirerprofit sur le long-terme de ces investissements est fonction de comment il traite et protègel’investissement, comment il le régule et enfin comme il gère la richesse créée par cetinvestissement.

Le principal intérêt des compagnies pétrolières à engager des opérations d’explorationet de développement sur le territoire d’un État hôte est relativement simple et logiquepuisqu’il s’agit principalement pour ces dernières de faire un retour sur investissementsuffisant de façon à pouvoir rémunérer ses actionnaires. Pour ce faire, les profits dégagésd’un projet doivent être suffisants pour compenser les pertes subies lors d’explorationsinfructueuses ailleurs par exemple.

Dans n’importe quelle négociation pour s’accorder sur un contrat d’Exploration-Production, comme dans n’importe quelle procédure contractuelle d’ailleurs, le but pour lesdeux parties et de parvenir à concilier et à équilibrer leurs intérêts et leurs objectifs. Dansl’éventualité ou des quantités commerciales d’hydrocarbures seraient découvertes lors de laphase d’exploration, il faut que le contrat soit capable de maintenir l’accord passé entre lesdeux parties le plus longtemps possible. De ce fait, les objectifs premiers des négociateurset des rédacteurs du contrat sont de comprendre les intérêts et les objectifs respectifs desparties ainsi que les problèmes commerciaux et légaux auxquels ils feront peut-être facependant la phase d’exécution du contrat afin de mettre en place un certain nombre desolutions à ces problèmes et finalement d’exprimer ces solutions par écrit.

Ce dernier objectif consistant à efficacement instrumenter l’accord éventuel des partiesest un impératif critique et souvent négligé. Or, pour s’assurer d’être pérenne, le contratdoit être suffisamment clair dans son expression et refléter avec précision les intentions desparties.

1. Des contrats de concession aux contrats de partage de productionMalgré le fait que la majorité des accords mis en place au 19ème siècle et au début du20ème siècle existent encore aujourd’hui, la plupart du temps sous le même nom, force estde constater que leurs équivalents modernes sont très différents des originaux.

Initialement et pendant la première moitié du 20ème siècle, cela s’est passé dansle cadre de contrats de concession. Finalement, un grand nombre de pays hôtes a finipar estimer que ces contrats de concession donnaient beaucoup trop de pouvoir auxcompagnies étrangères. Il est devenu de plus en plus difficile pour les États hôtes d’accepterque les compagnies étrangères aient autant de contrôle sur leurs ressources naturelles etautant d’influence et de pouvoir sur les gouvernements eux-mêmes. L’affirmation en 1962

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du principe de souveraineté permanente sur les ressources naturelles par l’Assembléegénérale des Nations-Unies a certainement contribué à concrétiser leur lassitude. Ainsi, en1966, en adoptant le premier contrat de partage de production, l’Indonésie amorce un viragefondamental en ce qui concerne le cadre contractuel des activités d’Exploration/Production.

Pour bien comprendre l’impact et l’importance du virement opéré au milieu des années1960 avec l’adoption par l’Indonésie du premier contrat de partage de production, il convienttout d’abord d’étudier les évolutions du cadre contractuel de l’exploration-production avantce virage.

On a vu que jusqu’à la moitié du vingtième siècle, la très grande majorité descontrats liant les entreprises pétrolières et les gouvernements hôtes étaient des contratsde concession.

Un contrat de concession est un contrat par lequel le gouvernement hôte accordeà l’entrepreneur pétrolier le droit exclusif d’explorer et de produire les ressources enhydrocarbures se trouvant dans une zone donnée, pour un certain temps en échangedu paiement par le concessionnaire d’une redevance (royalty en anglais) généralementindexée sur la production29.

Les droits typiquement accordés à l’entreprise pétrolière consistent en un accès exclusifaux hydrocarbures en ce qui concerne l’exploration et la production de ceux-ci. Dans uncontrat de concession, l’entreprise exploitante acquière la propriété des ressources en huileet en gaz se trouvant dans la zone lui ayant été concédée et en dispose librement.

Il arrive dans certains pays hôtes que les concessions d’exploration et de productionsoient accordées séparément auquel cas les entreprises se lançant dans des opérationsd’exploration, souvent couteuses et risquées, doivent s’assurer qu’en cas de découverted’huile et/ou de gaz en quantités commerciales, le deuxième contrat de concessionconcernant la production d’hydrocarbures soit émis soit automatiquement soit selon desprocédures simples et allégées.

Un exemple classique des droits accordés aux entreprises pétrolières dans le cadred’un contrat de concession se trouve dans le contrat de concession type du Danemarkdatant de 1997. Ce contrat-type stipule notamment, en ce qui concerne les droits accordésaux entreprises, « le permis confère au titulaire le droit exclusive d’explorer et de produireles hydrocarbures […] se trouvant dans la zone définie […] »30.

En ce qui concerne les obligations de la compagnie pétrolière titulaire, à l’origine lescontrats de concession n’imposaient quasiment aucune obligation aux compagnies titulairessi ce n’est le paiement de royalties. Néanmoins, les contrats de concessions modernesimpose à l’entreprise de mener des activités d’exploration comme condition sine qua nonede conserver la licence. En outre, si une découverte est faite, l’entreprise devra soumettreun plan de développement et mettre ce plan de développement à exécution. Ces exigencessont notamment stipulées dans le contrat-type Danois de 1997 :

« 1. Le titulaire de la licence doit réaliser tous les travaux d’exploration nécessaires(2) Lorsque le titulaire de la licence découvre des hydrocarbures, un avis de cette

découverte doit être déposée à l’Agence de l’Energie Danoise, et, dans un délai de sixmois maximum après l’achèvement du forage au cours duquel la découverte a été faite,

29 Annexe 230 Danish 5th round model license, 1997. « The license confers upon the licensee the exclusive right to explore for and to

produce hydrocarbons […] within the area referred to […] »

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un rapport documentant la découverte devra être présenté et comporter un programme dedéveloppement pour les opérations à venir qui soit conforme aux pratiques en vigueur dansl’industrie pétrolifère en Mer du Nord »31.

En plus des obligations d’exploration et de développement, les entreprises pétrolièrestitulaires des contrats de concession aujourd’hui doivent s’acquitter d’un certain nombred’obligations de paiement. Ces obligations de paiement incluent essentiellement, lepaiement d’un bonus de signature qui est une redevance unique payable au moment del’exécution du contrat, des frais de location déterminés sur la base de la zone de concessionet payables pendant toute la durée du contrat et enfin des royalties calculées sur la based’un pourcentage de la valeur de la production.

En ce qui concerne la propriété et l’allocation de la production, le pétrole et/ou le gazproduit dans le cadre de contrats de concession est alloué à l’entreprise titulaire de laconcession qui acquière la propriété de la production à la source, le gouvernement restantpropriétaire des ressources se trouvant encore dans le sous-sol. Le droit de propriétéde l’entreprise pétrolière exploitant les ressources comprend le droit de disposer de laproduction et de la monétiser librement. Néanmoins, afin d’assurer que le pays hôtebénéficie du pétrole et du gaz produits sur son territoire en quantités suffisantes poursubvenir à la demande national d’énergie, certains pays hôtes imposent aux titulairesl’obligation de subvenir aux besoins du marché local dans certaines circonstances.

A ce jour, les pays dans lesquels des contrats de concession sont en vigueur sontprincipalement les États-Unis, les pays d’Europe du Nord, comme le Danemark, la Norvège,la Suède et les Pays-Bas, le Royaume-Uni, ou encore l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

Les contrats de concessions développés dans les premières années du développementde l’industrie pétrolière se trouvaient être très avantageux pour les compagnies recevant lesdroits de développer les ressources pétrolières de ces pays. Ces contrats, dans presquetous les cas ont été résiliés ou modifiés. Les procédés par lesquels cela s’est fait diffèrentgrandement d’un pays à l’autre. La procédure la plus marquante est très certainementcelle empruntée par le Mexique qui a décidé en 1938 d’exproprier toutes les compagniesétrangères se trouvant sur son territoire suite à une grande vague de nationalisation de sesressources en hydrocarbures notamment.

Dans les années 1930, la majorité des pays en développement se trouvaient dans uneposition similaire à celle du Mexique dans le sens ou ils avaient donné un contrôle quasi-total sur leurs ressources les plus précieuses aux compagnies pétrolières internationales etce, au travers de contrats de concession couvrant les superficies les plus productives. Cescontrats de concession avaient en outre étaient accordés pour de très longues périodesavec des garanties limitées de compensation. Dans un effort de regagner le contrôle surleurs ressources, les États avaient le choix entre l’expropriation ou la renégociation. On avu que le Mexique avait opté pour la nationalisation mais la majorité des pays détenteursde ressources en hydrocarbures, conscients des lacunes subsistants (knowledge gap) ainsique de leur manque cruel de capital intellectuel et technique ne franchit pas le pas.

Il a fallu attendre l’impulsion donnée par l’Indonésie, qui a signé en 1967 le premiercontrat de partage de production, pour que la nature des contrats signés entre paysen développement et entreprises pétrolières ne change radicalement. En effet, après la

31 Danish 5th round model license, 1997. «1. The licensee shall carry out any such exploration works […] (2) Where the licenseediscovers any hydrocarbons notice thereof shall promptly be given to the Danish Energy Agency, and not later than 6 months afterthe discovery is made there shall be produced a report on the discovery and a program for such further works as, in accordance withgood practice within the oil industry in the North Sea countries»

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signature du premier contrat de partage de production par l’Indonésie, des douzainesd’autres pays détenteurs de ressources en hydrocarbures renégocièrent leurs contrats deconcession en faveur de contrats de partage de production.

Dans un contrat de partage de production, la compagnie pétrolière se voit accorderle droit d’explorer et de produire les hydrocarbures se trouvant dans une zone délimitée.Elle prend à sa charge les risques et les couts associés à l’exploration en échange d’unepart de l’huile et du gaz qui seront finalement produits. Le pays hôte conserve la partrestante de la production32. Dans ce type de contrat, comme dans le cadre d’un contrat deconcession, si les efforts d’exploration entrepris par la compagnie n’aboutissent pas à unedécouverte de quantités commerciales de pétrole ou de gaz, les frais engagés restent àla charge de la compagnie. En revanche, dans le cas ou l’entreprise serait couronnée desuccès, la production résultant de cette exploration est partagée entre les parties suivantles règles de participations prévues au contrat par les parties. A la différence de ce qui sefait dans le cadre de contrats de concession, le gouvernement reçoit alors une certainequantité d’huile ou de gaz produits par la compagnie pétrolière. Ces hydrocarbures peuventalors être commercialisés ou monétisés pour répondre aux besoins économiques ou poursatisfaire les programmes de développement du pays hôte. Le partage des profits entre legouvernement hôte et la compagnie pétrolière est l’innovation la plus importante dans lescontrats de partage de production33. C’est également le point le plus important du contrat34.

Dans le cadre d’un contrat de partage de production, la compagnie pétrolièreinternationale se voit garantir l’exclusivité des droits d’exploration de la zone définieau contrat. En cas de découverte, celle-ci est tenue de développer les réservesd’hydrocarbures et d’entreprendre les opérations de production nécessaire à leurexploitation économique. En outre, elle devient le propriétaire légitime d’une partie d’unpourcentage défini du pétrole et du gaz ainsi produits.

En ce qui concerne les obligations auxquelles est tenue la compagnie, celles-ci sontprincipalement au nombre de deux. D’une part, la compagnie s’engage à exécuter uncertain nombre d’activités liées à l’exploration, comme le forage de puits exploratoires oul’établissement de profils sismiques, en prenant à sa charge tous les frais et les risquesliés. D’autre part, la compagnie s’engage, en cas de découverte, à estimer le potentielcommercial du puits et à préparer un plan de développement qui sera généralement soumisà l’approbation du gouvernement hôte. De même, la compagnie pétrolière mènera lesopérations de production comme stipulé dans le contrat de partage de production.

La propriété et la répartition des ressources produites se fait entre le gouvernementhôte et la compagnie d’après les pourcentages définis dans le contrat. Ces pourcentagespeuvent varier selon le niveau de production atteint. Une fois que la répartition du pétrole etdu gaz a eu lieu, chaque partie est libre d’utiliser sa part comme elle le souhaite.

Un grand nombre de gouvernements hôtes ont adopté les contrats de partagede production. C’est le cas d’un grand nombre de pays d’Afrique, comme le Nigeria,la Guinée Équatoriale ou encore l’Angola. C’est le cas également de pays d’Asie-Pacifique comme la Chine ou l’Indonésie. C’est enfin le cas de pays d’Amérique Latine,comme le Pérou, l’Equateur ou la Bolivie, ou de pays d’Europe de l’Est ; comme le

32 Annexe 433 PONGSIRI, Nutavoot. Partnerships in oil and gas production sharing contracts. The international Journal of Public Sector

Management, 2004, Vol 17, 4/5, p. 431-44134 Ibidem

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Turkménistan, l’Ouzbékistan ou encore le Kazakhstan. Globalement, presque la moitié despays exportateurs de pétrole ont recours aux contrats de partage de production35.

Le contrat de partage de production doit sa popularité auprès des gouvernementshôtes au fait qu’il leur permet de conserver un certain contrôle opérationnel sur les activitésd’exploration et de production, contrôle qui leur faisait cruellement défaut dans les contratsde concession. Alors que les compagnies pétrolières internationales n’exercent pas decontrôle exclusif sur les réserves comme c’était le cas, elle partage tout de même laproduction et sont considérées propriétaires de la part de production qui leur est réservée.Ils sont très utilisés dans les économies en développement et transitionnelles car elles sontconformes aux aspirations des gouvernements qui souhaitent être proactifs et impliquésdans la gestion des ressources énergétiques.

2. Les effets des contrats de partage de productionL’introduction des contrats de partage de production a eu des effets considérables dans latrès grande majorité des pays les ayant adoptés. Il demeure néanmoins difficile d’établir unpanorama général des effets de ceux-ci dans les pays concernés. En effet, si les principesles régissant sont les mêmes, il n’en demeure pas moins que chaque États détenteur deressources taille sur mesure son contrat de production type. Ces contrats-type dépendentd’éléments aussi divers que l’histoire de chaque pays, l’orientation de sa politique intérieureou encore ses besoins économiques. De ce fait, il est difficile voire impossible d’établirune liste générale des bienfaits ou des méfaits imputables à l’introduction des contrats departage de production dans les pays détenteurs de ressources naturelles.

Il est cependant possible d’analyser quels ont été les effets du passage des contratsde concession aux contrats de partage de production dans chaque pays producteur deressources pétrolières ou gazières. Cet examen se révèlerait évidemment trop descriptifet peu analytique et n’a pas sa place dans cette étude. Néanmoins nous pouvons obtenirun aperçu quelque peu représentatif des effets des contrats de partage de production enétudiant le cas de deux pays dont le comportement vis-à-vis de ceux-ci ont été et sonttoujours aujourd’hui, aux antipodes l’un de l’autre.

Il s’agit d’étudier dans un premier temps le cas de l’Indonésie, pays innovateur enmatière de contrat de partage de production, et la Russie pays hostile aux investissementsétrangers dans le secteur pétrolier.

Tout d’abord donc, en ce qui concerne l’Indonésie, il faut savoir qu’il s’agit d’undes plus anciens pays producteurs au monde puisqu’on y a découvert du pétrole enquantités commerciales pour la première fois en 1883. Avant d’accéder à l’indépendanceen 1950, l’industrie pétrolière y était régie par un système de concessions basé sur une loinéerlandaise datant de 1899. Celle-ci accordait à l’entreprise exploitant les ressources ledroit exclusif d’explorer et de produire le pétrole se trouvant sur une aire déterminée et pourune durée déterminée au contrat également. Trois entreprises étrangères, la néerlandaiseShell, ainsi que la Stanvac36 et Caltex37, étaient les principales bénéficiaires du système envigueur lors du transfert de souveraineté à la République d’Indonésie. Celles-ci contrôlaiententièrement le marché indonésien du pétrole. Le régime concessionnaire de l’époque lesobligeait à payer aux autorités locales une redevance ainsi qu’une part prédéterminée des

35 JOHNSTON, D, Global Petroleum fiscal systems compared by contractor take, Oil and Gas Journal, Vol 29, N°50, p. 47-5036 Coentreprise entre Standard Oil Company of New Jersey et Mobil37 Aujourd’hui filiale du géant Chevron

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profits. Ces dernières avaient la possibilité de demander que cette rente leur soit payéeen pétrole brut. Par conséquent, les stipulations de la loi de 1899 contenaient déjà deséléments des futurs contrats de partage de production.

Il n’en demeure pas moins que le système concessionnaire ne correspondait pas austatut récemment acquis d’États souverain par l’Indonésie puisque ce système impliquait unabandon, au moins partial, de sa souveraineté aux compagnies étrangères qui se voyaientreconnaître par celui-ci le droit de contrôler le pétrole pour lequel une concession avaitété accordée. Le système concessionnaire prévoyait d’attribuer des droits aux entreprisesétrangères pour une durée moyenne de 75 ans. Ce système faisait du gouvernementindonésien nouvellement formé un simple percepteur d’impôts. Cette situation étantintenable, celui-ci a décidé d’abandonner le système dès son accession à l’indépendance en1950. Toutefois, aucune décision concrète n’a entériné cette volonté avant une loi adoptéepar le Parlement dix ans plus tard, soit en 196038.

Cette loi stipulait que l’huile et le gaz présents sur le sol indonésien étaient lapropriété de l’États et devaient de ce fait être contrôlés par celui-ci. D’après la loi « seulles entreprises d’États peuvent entreprendre des activités d’exploitation des ressourcesminières et gazières »39. Les entreprises pétrolières étrangères ne peuvent agir qu’en simple« prestataire » vis-à-vis des entreprises pétrolières nationales. Le concept fondamentaldu régime instauré par la loi de 1960 selon lequel les compagnies pétrolières étrangèresne possédaient certes plus le pétrole se trouvant dans le sous-sol mais étaient toujourspropriétaires des ressources qu’elles extrayaient du sol indonésien, n’a pas tardé à êtredénoncé par les dirigeants politiques indonésiens de plus en plus nationalistes parceque fortement influencés par la tendance anti-impérialiste se développant dans la culturepolitique du pays.

Au milieu des années 1960, un compromis jugé acceptable par les dirigeantspolitiques indonésiens a été trouvé. Au mois d’aout de cette année, le premier prototypede contrat de partage de production entrait en vigueur entre la compagnie nationaleindonésienne, Pertamina, et l’Independent Indonesian American Petroleum Company(IIAPCO), composée de compagnies américaines indépendantes. L’objectif affiché par legouvernement indonésien était d’être en accord avec le nationalisme grandissant dans lepays mais aussi de permettre plus de transparence dans les relations entre l’États et lescompagnies pétrolières étrangères. En outre, le système était censé diminuer la fréquencedes litiges entre les deux parties aux contrats. Les compagnies pétrolières internationales,jugeant le principe du contrat de partage de production inacceptables ont laissé le champouvert aux compagnies indépendantes, qui ne demandaient qu’à prendre part au boom del’industrie pétrolière en Indonésie.

Ce contrat a marqué le début d’une tendance politique dans laquelle les projetstechniquement et financièrement complexes devaient se dérouler dans le cadre de contratsde partage de production signés avec les compagnies étrangères. Les projets onshore,moins complexes et moins gourmands en capital, étaient quant à eux voués à êtredéveloppés par les compagnies pétrolières détenues par l’États indonésien.

Le contrat de partage de production original, tel qu’il a été signé entre Pertamina etl’IIAPCO et tout au long des années 1960 et 1970, contenait un certain nombre de principesnovateurs comme le fait que la durée du contrat ne peut dépasser 30 ans dont une périodemaximale d’exploration de 10 ans. Le contrat type original prévoit également, et c’est un

38 Loi n° 44/196039 Ibidem

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changement notoire, que la compagnie pétrolière nationale Pertamina, est responsablede la supervision globale des projets. Enfin, le contrat type prévoit que la compagniepeut récupérer jusqu’à 40% du pétrole brut produit pour couvrir ses coûts d’explorationnotamment. Le pétrole restant doit être partagé entre l’États hôte et l’entreprise étrangèrechacun ayant droit respectivement à 60% et 40% du pétrole restant.

L’Indonésie offre un exemple de nationalisation des ressources naturelles et desintérêts étrangers concernés bien plus flexible que l’Iran en 1951 ou le Mexique en 1938.A l’inverse de ces deux pays, l’Indonésie a souhaité affirmer sa souveraineté sur sesressources naturelles tout en incitant, ou du moins en ne décourageant pas, les entreprisesétrangères à s’engager dans des projets d’exploration et de production en Indonésie. Laproduction du pays a d’ailleurs doublé entre 1967, date de l’entrée en vigueur du premiercontrat de partage de production, et 197040. Le succès de ces contrats fut tel que les grandescompagnies pétrolières ont du se résoudre à en contracter.

L’Indonésie a donc su relever le défi, pourtant complexe, d’affirmer sa souveraineté surses ressources naturelles tout en n’effrayant pas les investisseurs étrangers et donc lescompagnies pétrolières internationales. Cela lui permet, aujourd’hui encore, d’être qualifiéede « partenaire raisonnable et professionnel »41 malgré son statut d’États rentier.

A l’inverse, la Russie, tout au long de la période soviétique, a été l’incarnation mêmede l’industrie pétrolière fermée. Toutefois, après l’effondrement de l’Union Soviétique en1991 puis son démantèlement, la Russie nouvellement indépendante s’est acheminée, sousles impulsions du Président Boris Eltsine, vers une économie de marché. Cette transitionéconomique implique des vagues de privatisations qui ont lieu essentiellement dans lesannées à la fin des années 1990. Ces privatisations s’accompagnent de mouvements dedécentralisation et de la commercialisation de la gestion des entreprises publiques. Legigantesque secteur pétrolier russe ne fait pas exception et le gaz naturel lui-même reçoitun afflux considérable d’investissements privés.

Lorsque l’Union Soviétique s’est effondrée, l’industrie pétrolière dans son ensemble,que ce soit en Russie ou à l’étranger, s’attendait à ce que les réformes économiquesengagées dans le pays, deuxième au monde en terme de réserves après l’Arabie Saoudite,attirerait très rapidement des milliards de dollars de flux d’investissements étrangers. Il n’ena pas été ainsi. En effet, si les investissements étrangers dans le domaine du pétrole et dugaz ont été considérables jusqu’à aujourd’hui, la part globale de production russe détenuepar les investisseurs étrangers n’est en rien comparable à celle détenue dans la majoritédes autres pays producteurs de pétrole. La grande majorité du pétrole et du gaz produitsen Russie est le fait de compagnies nationales.

La Russie a commencé par ouvrir ses portes aux investissements étrangers dans lesecteur de l’énergie par le biais de co-entreprises, ou joint ventures, lesquelles impliquentque les investisseurs étrangers s’associent avec les compagnies nationales pour participerà parts plus ou moins égales à la création d’une troisième entité distincte, la co-entreprise.Cette co-entreprise dépend du droit russe et fonctionne en accord avec des contratsd’exploration et de production signés avec les autorités gouvernementales. Initialement,dans la première phase de privatisation, les co-entreprises ne pouvaient pas être crééessuite à l’acquisition par des intérêts étrangers de capitaux dans des compagnies russes

40 KING AND SPALDING LLP. An Introduction to Upstream Government Petroleum Contracts : their evolution and current use,Oil and Gas Energy Law, Janvier 2005.

41 MILLS Karen, KARIM Mirza. Disputes in the oil and gas sector : Indonesia. Journal of World energy Law and Business,2010. Vol. 3. p. 44-70

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puisqu’aucune participation étrangère au capital d’une entreprise russe n’était permise dansla première phase de privatisation. Ce n’est que dans la deuxième phase de privatisationque la Russie a autorisé les prises de participation dans les entreprises par des capitauxétrangers.

Les co-entreprises sont le biais traditionnel par lequel la Russie ou les compagniespétrolières russes accèdent à la fois aux capitaux étrangers et à la technologie de pointe. En1992, la co-entreprise Polar Light Company a été fondée par ConocoPhillips (50%) et deuxpartenaires russes Arkhangelskgeoldobycha (30%) et Rosneft (20%). Il s’agit de la premièreco-entreprise russo-américaine à développer un champ pétrolier en Russie et probablementla plus prospère à ce jour.

Il faut savoir que les co-entreprises du secteur de l’énergie en Russie dépendent deslois et des règlementations spécifiques au secteur et aux entreprises étrangères et nebénéficient de ce fait pas d’un environnement réglementaire indépendant et stable quipourrait pourtant être garanti par le biais des contrats ou d’un décret gouvernemental.Le régime légal dont dépendent les entreprises pétrolières étrangères est connu au seinde l’industrie pétrolière sous le nom de « tax and royalty regime ». La pierre d’anglede ce régime légal est la Loi du Sous-sol datant de 1992 qui établit, entre autres, lesrègles d’allocation de licences aux entreprises étrangères. Au sein de ce système, chaqueproducteur de pétrole ou de gaz est tenu d’avoir obtenu une licence, c’est-à-dire un permisrévocable et non transférable d’exploiter les ressources souterraines, accordée par lesautorités gouvernementales. L’inconvénient principal de cette loi et de ce régime pour lesinvestisseurs étrangers réside dans le manque de stabilité juridique ainsi que l’absence deprotection et de clarté. A ces carences correspond une liberté totale pour le gouvernementrusse de prendre des décisions arbitraires quand bien même la loi de 1992 limite les motifsinvocables pour suspendre voire mettre un terme aux licences accordées aux compagniespétrolières internationales. En effet, la formulation de celle-ci est suffisamment vague etambiguë pour permettre des interprétations arbitraires de ces provisions.

Alors que les co-entreprises demeurent le principal moyen pour les entreprisesétrangères d’entrer sur le marché russe et que la loi de 1992 demeure la principaleréférence juridique dans le secteur, la situation n’est pas des plus favorables pour laplupart des investisseurs et ce, d’autant plus qu’il s’agit d’investisseurs internationaux. Seulela possibilité pour les investisseurs étrangers de contracter des contrats de partage deproduction pouvait les rassurer.

Jusqu’au milieu des années 1990, la Russie ne s’était pas dotée d’une législationspécifique concernant les contrats de partage de production. Malgré cela, quatre contrats dece type avaient été signés depuis l’effondrement de l’Union Soviétique. Parmi ces contrats,deux concernent des projets aux larges des côtes de l’ile de Sakhaline dirigés alors parExxon Mobil et Shell d’une part et Total-Fina-Elf d’autre part. Un troisième contrat concerneun champ pétrolier situé en Sibérie et aujourd’hui encore appartenant à la co-entrepriserusso-britannique TNK-BP. Ces contrats de partage de production dépendaient alors de laloi de 1992.

En Décembre 1995, la Russie a adopté la loi régissant les contrats de partage deproduction, tant attendue par les compagnies pétrolières étrangères. Bien que la nouvelleloi répondait à un certain nombre de souhaits et de craintes des investisseurs étrangerscelle-ci échoua, dans son ensemble, à les satisfaire et surtout à les rassurer sur lastabilité de l’environnement juridique en Russie. Effectivement, cette loi nécessitait l’aval duParlement russe pour l’octroi d’un contrat de partage de production concernant un certainnombre de zones dites « stratégiques » lesquelles n’étaient pas définies par la loi. La loi

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prévoyait également que le gouvernement russe se réservait le droit de modifier les termesnotamment fiscaux du contrat en cas de changements économiques majeurs. Enfin, cette loiétait en réalité inapplicable pour des raisons pratiques sans l’adoption d’un certain nombrede décrets d’application. Il a fallu plus de sept ans aux autorités russes pour combler certainsde ces manques. Cela explique certainement pourquoi, à ce jour, aucun contrat de partagede production relevant de cette loi n’a été signé entre les autorités russes et une entitéprivée étrangère.

Sans chercher à minimiser l’importance des problèmes légaux qui demeurent irrésolusà ce jour en ce qui concerne les contrats de partage de production, il convient tout de mêmede réaliser que ces problèmes juridiques ne constituent pas la raison principale de cettestagnation. Les imperfections dans les lois et les règlements en place, ainsi que tous lesautres obstacles administratifs empêchant l’établissement d’un réel régime encadrant lescontrats de partage de production, sont entretenues et volontairement laissées en suspenspar des autorités gouvernementales réticentes à l’idée d’employer des contrats de partagede production dans le secteur pétrolier. Les autorités gouvernementales russes ne sont,de manière générale, aucunement enclines à faciliter un afflux d’investissements depuisl’étranger dans le secteur pétrolier. L’avantage des joint ventures est qu’elles permettentd’attirer du capital tout en conservant un contrôle considérable sur les différents actifs desprojets en cours ainsi que sur la gestion de ces projets. Elles comportent cependant uncertain nombre de risques élevés pour les compagnies pétrolières étrangères. Au printemps2003, un vice Premier ministre russe avait annoncé publiquement qu’un nombre restreintde champs pétroliers et gaziers en Russie serait développés dans le cadre de contrats departage de production alors que, plus tôt cette année là, les plus importantes compagniespétrolières et gazières russes, à la tête desquelles Yukos et Sibneft, avaient fait pression demanière extrêmement agressive sur les parlementaires pour « tuer les contrats de partagede production une bonne fois pour toutes »42 sous prétexte qu’il ne fallait en aucun cas« laisser un avantage quelconque aux intérêts étrangers »43.

Les effets des contrats de partage de production varient donc d’un pays à l’autre. Ils’agit en général de savoir si l’État hôte a une réelle volonté politique de les appliquer afind’assainir sa relation avec les compagnies pétrolières internationales.

De manière générale donc, l’introduction des contrats de partage de production apermis aux États hôtes d’affirmer leur souveraineté sur leurs ressources naturelles elle aaussi généré une inquiétude croissante chez les compagnies pétrolières internationales quicraignaient de plus en plus que les premiers ne les forcent à renégocier les termes descontrats dans lesquels ils s’étaient engagés.

3. Les traités bilatéraux d’investissementDans les années 1990, un nouveau genre d’accord, les traits bilatéraux d’investissement,voient le jour. Leur nombre croit exponentiellement tout au long de la décennie.

Selon le postulat sur lequel reposent les traités bilatéraux d’investissement (T.B.I) ,avant ceux-ci les États destinataires de ces investissements étaient relativement libresde manquer à leurs engagements et de rompre leurs promesses en toute impunité. CesÉtats rompaient donc le principe Pacta Sunt Servanda, selon lequel les contrats font

42 KING AND SPALDING LLP. An Introduction to Upstream Government Petroleum Contracts : their evolution and current use,Oil and Gas Energy Law, Janvier 2005

43 Ibidem

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loi, en s’appuyant notamment sur une série de résolutions de l’Assemblée Générale desNations Unies notamment celle affirmant la Souveraineté Permanente des États sur leursressources naturelles. Les T.B.I ont donc été accueillis dans les années 1990 commeétant des instruments désirables servant à rétablir le principe de Pacta Sunt Servanda. Cerétablissement est fondamental puisque sans lui les investisseurs étrangers, craignant quele pays destinataire ne rompe ses engagements, finiraient par se décourager.

Pour certains, la diffusion extrêmement rapide des T.B.I constitue un desdéveloppements les plus remarquables du droit international44. Les pays en développementont à ce jour signé plus d’un millier de ces traités, dont la grande majorité dans les années1990. Les T.B.I contiennent un noyau substantiel de provisions destinées à promouvoiret protéger les investissements étrangers. Ces provisions contiennent typiquement despromesses, certes vagues la plupart du temps mais clairement favorables aux investisseurs,de standards de traitement des investisseurs étrangers telles que des promesses selonlesquelles les ceux-ci seront traités équitablement et justement ou du moins traités aussibien que des investisseurs nationaux. La plupart de ces traités contiennent égalementdes promesses de paiement d’indemnisations adéquates en cas de nationalisation oud’expropriation. La majorité de ces traités promet également la possibilité pour lesinvestisseurs étrangers de recourir à l’arbitrage international en cas de rupture unilatéraled’un contrat par les gouvernements hôtes.

Pour A. Guzman45, les T.B.I sont une réponse aux efforts couronnés de succès despays en développements, agissant collectivement dans les années 1950, 1960 et 1970 pour« détruire les règles coutumières du droit international lesquelles soutenaient l’applicabilitéd’un certain nombre de garanties »46. Selon lui, la culmination des T.B.I dans les années1990 soulève un paradoxe, celui des pays en développement qui, après avoir cherché àdétruire les règles coutumières du droit international, cherchent à réaffirmer leur adhésion audroit international. Guzman explique ce comportement par la théorie du cartel selon laquelle,après avoir crée un arsenal légal leur bénéficiant collectivement, chaque État est incitéindividuellement à sortir du cartel pour attirer les investissements étrangers en proposantdes règles d’accès à son marché intérieur assouplies par rapport aux règles jusqu’alors envigueur. Le cartel légal crée par les Résolutions de l’ONU oblige les investisseurs étrangers,donc les compagnies étrangères, à évoluer dans l’environnement légal qu’elles déterminent,mais seulement si tous les États en développement jouent le jeu et se maintiennent àl’intérieur du cartel.

Si Guzman défend les bienfaits des T.B.I, d’autres sont plus sceptiques quant à leurutilité et leur raison d’être. C’est notamment le cas de J. Yackee qui ne croit pas à ce qu’ilappelle le « mythe » des T.B.I47. Il estime en effet que, bien avant l’introduction de ces traités,la jurisprudence établie par les différentes procédures d’arbitrage a confirmé l’applicabilitédes promesses faites par les États aux investisseurs étrangers. Cette jurisprudence adébuté dans les années 1930 et s’est consolidée dans les années 1970 avec des sentencesarbitrales phares suite à l’expropriation de compagnies pétrolières internationales en Libyeet au Koweït notamment ou les revendications extravagantes selon lesquelles l’État hôte

44 GUZMAN, Andrew. Why less developed countries sign Treaties that Hurt them : Explaining the Popularity of Bilateralinvestment treaties, Virginia Journal of International Law. Vol 18. 1998. p. 639

45 Ibidem46 Ibidem47 YACKEE, Jason. Pactu Sunt Servanda and state promises to foreign investors before Bilateral Investment Treaties: Myth

and Reality. Fordham International Law Journal. 2008/2009. p. 1551

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était libre de manquer à ses promesses avaient été vivement rejetées. D’après Yackee, lajurisprudence arbitrale permet de penser que si un investisseur est à même de démontrerqu’un État a manqué à ses engagements il peut espérer se voir accorder une compensationsignificative. Les T.B.I n’ont rien à voir, toujours selon lui, avec l’acceptation générale et delongue date du principe Pacta Sunt Servanda. Il va même jusqu’à dire que, dans tous lescas, les pays en développement jouissent toujours d’une flexibilité suffisante pour s’extrairedes T.B.I dans lesquels ils se sont engagés. Il estime donc que les T.B.I sont des initiativesredondantes qui n’ajoutent rien aux décisions arbitrales existantes qui fournissent un soutiensuffisant et énergique au principe de Pacta Sunt Servanda.

Néanmoins, rétrospectivement il est facile d’établir que ni les procédures d’arbitrageni les traités bilatéraux d’investissement n’ont empêché les États hôtes de manquer auxengagements qu’ils ont pris vis-à-vis des compagnies pétrolières internationales.

Section 2. Le cadre politique et économique del’Exploration/Production

Le cadre politique et économique de l’Exploration/Production a également été bouleversépar l’affirmation du principe de souveraineté permanente sur les ressources naturelles etpar le passage aux contrats de partage de production qui s’en sont suivis comme l’attestele phénomène du nationalisme des ressources à la fois lors de sa première vague dans lesannées 1970 que lors de sa résurgence depuis le début du 21ème siècle.

A- Le nationalisme des ressources, phénomène cyclique

1. Tentatives de définition du phénomèneLe récent regain d’intérêt que suscite le nationalisme des ressources a généré une multitudede définitions et d’interprétations différentes.

Aux yeux du Forum International de l’Energie, à ce jour plus grand rassemblementde Ministres de l’Energie au monde, le nationalisme des ressources est avant toutle phénomène par lequel les « nations essaient de tirer le meilleur parti possible deleur dotation en ressources naturelles »48. Au sein du Middle East Economic Survey,bulletin d’information moyen-oriental, B. Farren-Price décrit le nationalisme des ressourcescomme la situation dans laquelle « les pays producteurs décident de maximiser leurrente pétrolière et gazière tout en altérant les conditions d’investissement de la productionfuture »49. D’autres encore, estiment qu’il ne s’agit là que de l’expression d’un certain anti-américanisme projeté sur les compagnies pétrolières américaines et, de manière encoreplus générale, sur n’importe quel symbole de la globalisation financière.

Faisant état de la quantité de définitions existant pour définir le phénomène, P.Stevens décide quant à lui d’en donner une définition simple. Selon-lui, le nationalismedes ressources est avant tout défini par ses deux composantes. Il s’agit d’une part d’unphénomène qui entrave la liberté d’action et la marge de manœuvre des compagnies

48 Middle East Economic Survey, 2006, 49, p3949 Middle East Economic Survey, 2006, 49, p. 37

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pétrolières internationales et d’autre part d’un phénomène qui découle d’une tentative despays détenteurs des ressources, donc des pays destinataires d’investissements de la partde ces compagnies pétrolières internationales, d’affirmer leur contrôle sur leurs ressourcesnaturelles et sur leur exploitation50.

Stevens propose une seconde approche du phénomène en le définissant par sesdifférents « moteurs », c’est à dire ce qui motive les États producteurs de pétrole et degaz à avoir recours à des mesures nationalistes. Ces moteurs sont nombreux et sontfonction aussi bien de l’histoire de l’État, de ses relations avec les compagnies pétrolièresinternationales ainsi que du contexte économique de la période concernée. Il peut s’agirtout d’abord pour les États d’exprimer leur sentiment que les compagnies pétrolièresinternationales exploitant leurs ressources naturelles prennent une part trop grosse dugâteau, autrement dit, que la rente qui leur est attribuée, sous quelque forme que ce soit, esttrop élevée. Il peut également s’agir d’estimer que les ressources naturelles du pays doiventavant tout être utilisées pour servir la demande nationale ou locale. C’est un argumentnotamment souvent avancé par l’Iran et qui va à l’encontre des intérêts des compagniesinternationales plutôt encline à destiner leur production à l’exportation. De manière assezsimilaire, il peut s’agir pour l’État hôte de considérer que le pays destinataire des ressourcesproduites n’en est pas digne. Il arrive en effet que l’État hôte refuse que la compagniepétrolière opérant sur son territoire donne aux ressources produites les débouchés prévus.C’est un cas qui s’est vu lors de l’export de gaz produit au Bangladesh vers l’Inde ou lorsde l’exportation de gaz produit en Bolivie vers le Chili. Il peut s’agir enfin d’une réponseau sentiment des nationaux des États hôtes de n’avoir pas ressenti les bénéfices liés àl’extraction de ‘leur’ pétrole malgré le paiement de taxes par les compagnies pétrolièresaux différents gouvernements hôtes. Le nationalisme s’exprime alors soit par une révolte,comme ce fut le cas dans le Delta du Niger, ou par l’élection de gouvernements populistespromettant de nationaliser les ressources naturelles, comme ce fut le cas au Venezuela ouen Bolivie.

Une des composantes du nationalisme des ressources est également idéologiquepuisque le phénomène est fonction du rôle souhaité et perçu de l’État dans l’économienationale. Plus la tendance sera à l’interventionnisme étatique, plus les chances de voir lesÉtats détenteurs de ressources prendre des mesures nationalistes seront grandes, et viceversa. Selon Paul Stevens, c’est cette composante qui donne au phénomène son caractèrecyclique.51

Historiquement, l’équilibre des pouvoirs dans les relations entre les États hôtes et lescompagnies pétrolières n’a eu de cesse de se renverser dans un sens puis dans l’autre.L’idée selon laquelle ces changements reflètent la nature intrinsèquement cyclique del’industrie pétrolière est très répandue.52 Vlavo Vivoda, fait d’ailleurs la différence entre les« périodes conflictuelles» et les « périodes de coopération ». Pendant la décennie 1970 etau début des années 1980, par exemple, les intérêts des différents acteurs divergeaientfortement. Ces périodes conflictuelles sont généralement caractérisées par la positiondominante des États hôtes sur les compagnies pétrolières en raison d’un prix des matièrespremières élevé. A l’inverse, les intérêts des acteurs deviennent compatibles, comme ce fut

50 STEVENS, Paul. National Oil Companies and international Oil Companies in the Middle East : Under the Shadow ofGovernment and the Resource Nationalism cycle. Journal of World Energy Law and Business, 2008, Vol. 1, N°1, p. 5-29.

51 Ibidem52 VIVODA, Valdo. Resource Nationalism, Bargaining and International Oil Companies : Challenges and Change in the New

Millenium. New Political Economy, Décembre 2009, Vol. 14, N°4, p. 517-534. ISSN 1356-3467

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le cas à la fin des années 1980 et durant la décennie 1990, lorsque les prix des matièrespremières sont bas. De ce fait, les compagnies pétrolières prennent le dessus sur les Étatshôtes qui sont alors plus enclins à négocier.

Les prix du pétrole affectent donc le pouvoir de négociation relatif de chacun desacteurs. Cette hypothèse est confirmée par la théorie du « cycle pétro-politique » deWilson.53 Ce modèle postule que la probabilité d’une politisation de la question pétrolièreet surtout la direction de cette politisation, en faveur ou contre les compagnies pétrolièresinternationales, est fonction de la phase du cycle dans laquelle l’État considéré se situe.En effet, l’attitude politique vis à vis des compagnies étrangères diffèrera substantiellementselon si l’on se trouve dans la phase haute ou dans la phase creuse du cycle. Lorsquel’on se trouve dans une phase ascendante du cycle, c’est à dire lorsque les prix dupétrole augmentent, les vendeurs, les pays producteurs de pétrole et de gaz, gagnent desavantages substantiels qu’ils utiliseront dans les négociations. A l’inverse, lorsque l’on setrouve dans la phase descendante du cycle, quand les pris se stabilisent ou chutent, cesont les compagnies pétrolières qui gagnent du terrain. De ce fait, comme l’exprime Wälde,« le nationalisme des ressources est un effet secondaire de l’augmentation des prix dupétrole »54.

Les conflits entre les gouvernements hôtes et les compagnies internationales seconcentrent généralement sur la question de la division de la rente. Historiquement, commenous l’avons déjà expliqué, les relations entre les gouvernements hôtes et les firmesétrangères oscillent entre coopération et confrontation. Les périodes de confrontation sontgénéralement expliquées à la lumière du modèle de l’obsolescing bargain de Vernon55. Cemodèle explique les changements successifs dans la nature des relations de négociationentre États hôtes et compagnies internationales comme étant fonction des buts, desmoyens et des contraintes de chacune des parties56. Dans ce modèle, qui est considérécomme un jeu à somme positive dans lequel les objectifs et les intérêts des compagniesétrangères et des États hôtes sont considérés comme étant intrinsèquement opposés, lanégociation initiale se fait en faveur de la compagnie pétrolière. Mais au fur et à mesureque cette compagnie investit dans le projet qui lui a été attribué par l’État hôte, ses actifspeuvent rapidement être pris en otage par le gouvernement hôte. C’est à ce moment là,et généralement à la faveur d’une hausse des prix du pétrole et du gaz, que le pouvoirde négociation change de camp. Une fois le pouvoir de négociation revenu dans le campde l’État hôte celui-ci est fortement incité par les prix élevés du pétrole et du gaz à durcirles conditions dans lesquelles opèrent les compagnies étrangères. Ainsi, une fois que lepouvoir de négociation est en faveur de l’État hôte la négociation initiale devient obsolète.

Le modèle d’obsolescing bargain a été théorise par Vernon au moment desexpropriations et des nationalisations massives des années 1970. Cette décennie constitueen effet la première manifestation du nationalisme des ressources.

2. Prémices et première vague de nationalisme des ressources dans lesannées 1970

53 WILSON, Ernest. The Petro-Political Cycle in World Oil Markers, Energy Resource Développement : Politics and Policies,1986, p. 1-20.

54 WÄLDE, Thomas. Renegotiating acquired rights in the Oil and Gas Industries : Industry and Political Cycles Meet the Ruleof Law. Journal of World Energy Law and Business, 2008, Vol. 1, p. 55-97

55 VERNON, Raymond. Sovereignty at Bay : the Multinational Spread of US Enterprises. New York : Basic Books, 1971. 336 p.56 VERNON, Raymond. Op. Cit. p. 47-53

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Le sentiment d’injustice conduisant à cette première vague de nationalisme des ressourcestrouve ses racines dans les années 1950/1960. On est alors en plein contexte postcolonial et toutes les formes de nationalisme sont à leur paroxysme alors que les Étatsnouvellement indépendants du Tiers-Monde s’attachent à affirmer leur souveraineté danstous les domaines. On est également dans un contexte ou l’interventionnisme de l’État estconsidéré comme la norme.

En ce qui concerne l’industrie pétrolière plus particulièrement trois facteurs spécifiquesnourrissent le phénomène. Tout d’abord, les États détenteurs de ressource voient leurposition renforcée avec la montée en puissance puis la consécration en 1962 du Principe deSouveraineté Permanente sur les Ressources Naturelles comme nous l’avons dit plus tôt.Ensuite, les États nouvellement indépendants et détenteurs de ressources naturelles sontde plus en plus insatisfaits des contrats précédemment signés. Il s’agit majoritairement descontrats de concessions. Ces contrats ont une durée de vie très longue puisqu’en moyenneils s’étendent sur plus de 80 ans dans des pays comme l’Iran, l’Irak ou encore le Koweït. Enoutre, les zones couvertes par ces contrats sont extrêmement grandes. Ainsi, au Moyen-Orient, ces contrats couvrent en moyenne 88% du territoire national et l’intégralité de l’Iraket du Koweït. Sous le régime des contrats de concession, nous le verrons plus tard, lescompagnies étrangères disposent d’une liberté managériale totale ce qui leur permet entresautres de fixer le niveau de production et donc les prix auxquels s’échangent les ressourcesproduites. Enfin, le troisième élément contextuel important est la forte hausse de la demandede pétrole dans les années 1960 nourrie par le miracle économique des pays de l’OCDEdont la croissance est inédite. La combinaison de ces trois facteurs a nourri le nationalismedes ressources grandissant notamment au Moyen-Orient.

Avec tous ces facteurs en place, la première salve du nationalisme des ressourcesfut la nationalisation iranienne de 1951. Mais la rapide réaction des pouvoirs occidentauxqui eut notamment pour conséquence de renverser le premier ministre alors au pouvoir enIran, Mohammad Mossadegh. Ces évènements, qui aboutirent à la création d’un consortiuminternational chargé de gérer la production de l’Iran, refroidirent considérablementl’enthousiasme nationaliste d’autres gouvernements producteurs de pétrole qui auraient puêtre tentés par la voie de la nationalisation.

Les pays producteurs ont donc tenté d’emprunter une autre voie en réclamantprincipalement une augmentation de la production et une renégociation des stipulationsfiscales des contrats. Etant donné que la tendance à l’époque était plutôt à la baisse des prixde l’énergie, les gouvernements n’eurent pas trop de mal à améliorer les termes fiscaux descontrats et ce, d’autant plus que de telles améliorations étaient facilitées par l’introductiondes contrats de partage de production comme nous l’avons dit précédemment. En outre,l’augmentation sensible de la demande permit d’absorber la requête des gouvernementshôtes d’augmenter la production.

Néanmoins, le problème posé par la liberté managériale totale des compagniesinternationales restait entier. L’incapacité des acteurs à gérer ce problème eutpour conséquence un regain croissant du sentiment nationaliste réclamant que lesgouvernements hôtes prennent le contrôle des opérations pétrolières.

Pour parvenir à cette fin les compagnies nationales pétrolières furent créées57. On vale voir, le rôle NOCs est rapidement devenu central dans le processus nationaliste. Lesarguments qui ont permis d’élaborer et de nourrir l’idée de la création d’une NOC dans lespays détenteur de ressources sont principalement politiques et économiques.

57 Il est très courant de parler de NOCs, National Oil Companies. Par opposition, on parlera d’IOCs, International Oil Companies

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En ce qui concerne les arguments politiques tout d’abord il y a avait celui, trèsrépandu, selon lequel les relations entre les pays hôtes et les IOCs étaient collectivement ettraditionnellement changeantes voire mauvaises. De ce fait, les nationalisations des moyensde production dans ce cas là n’avaient rien à voir aux nationalisations entreprises en Europeà la suite de la Seconde Guerre Mondiale. Comme le dit Hartshorn, « les nationalisationsn’avaient pas pour but de retirer une entreprise du secteur privé mais de la retirer desmains des étrangers».58 En outre, les IOCs étaient soutenues par des gouvernements aupassé colonial et menant des politiques impérialistes. C’est pourquoi la création NOCs,vues comme une « réaction nationale face au pouvoir excessif de certaines compagnies,pouvoir qui pourrait être utilisé afin de porter atteinte à la souveraineté du pays »59 , devintimpérieuse.

Le mouvement promouvant la souveraineté permanente des États sur leurs ressourcesnaturelles, auquel nous avons déjà fait référence, fournit également aux États unejustification à l’intervention étatique dans le domaine. En effet, si ce principe devaitdéboucher sur des nationalisations, alors une entité devait être créée pour s’assurer quecelles-ci soient menées à bien.60 C’est impératif était de tout évidence à l’origine de lacréation de NOCs tels la compagnie mexicaine PEMEX61 ou l’iranienne NIOC62. Dansd’autres pays, ou les circonstances étaient plus apaisées, la NCO était surtout vue commeun instrument exprimant un désir de changement pour lequel il était insatisfaisant dedépendre d’investissements étrangers.

En résumé, les justifications politiques soutenant la création des NOCs étaient baséessur les notions de souveraineté et de nationalisme économique. Les NOCs avaient vocationà être « un outil indispensable destiné à mobiliser les politiques étatiques, aussi bien à unniveau national qu’international, afin d’assurer une mobilisation des ressources »63.

On peut noter d’autres motifs politiques à l’origine de la création des NOCS commela nécessité de nourrir un sentiment de fierté nationale et d’indépendance. Il ne faut pasnon plus négliger l’importance du mimétisme dans ce processus. En effet, très vite, avoirune NOC est devenu un symbole nécessaire d’indépendance dans un monde à peine sortidu colonialisme. Par conséquent, comme le note Ali Jaidah, « la création d’une compagniepétrolière nationale est très à la mode ces temps-ci »64.

En ce qui concerne les justifications économiques abondant dans le sens de la créationde NOCs, elles regroupent principalement des arguments selon lesquels les NOCs ont pourobjectif de pallier aux imperfections du marché qui pourraient faire défaut aux États hôtescomme c’est le cas de la concurrence imparfaite par exemple ou des externalités.

58 HARTSHORN, John. Oil Trade : Politics and Prospects. Cambridge : Cambridge University Press, 1993. Chapter 8 :Governments in the Oil business, p. 138-168.

59 MADELIN, Henri. Oil and Politics. Londres : Lexington Books, 1994. p. 14060 MUGHRABY, Muhammmad. Permanent Sovereignty over Oil resources. Beirut : Middle East Economic Research and

Publishing Center. 1966.61 Petróleos Mexicanos62 National Iranian Oil Company63 KHAN, Kameel.Somelegal considerations on the role and structure of state oil companies : A comparative view. The

International and Comparative Law Quarterly, 1985. Vol. 34, N°3, p. 584-592.64 JAIDAH, Ali. Problems and Prospects of State Petroleum Enterprises in OPEC Countries. New York : United Nations Centre

For Natural Resources, Energy and Transport (UNCRET), 1980.

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Un de ces arguments concerne les asymétries d’information entre les gouvernementshôtes et les compagnies pétrolières étrangères. Ainsi, le pouvoir de négociation que l’Étatpeut opposer aux compagnies étrangères est inversement proportionnel à la complexitétechnologique et à l’échelle des projets entrepris par ces dernières. En outre, le pouvoir denégociation d’un État dépend, en fin de compte, de sa capacité ou non, à mener à bien lesprojets pétroliers lui-même65. De ce fait, affirmer son contrôle sur ses ressources naturellesimpliquait pour un État producteur à disposer de plus d’informations.

Avant 1973, la très grande majorité des IOCs opérant au Moyen-Orient étaienttotalement isolées du reste de l’économie domestique. Les IOCs employaient très peu demain d’œuvre locale particulièrement aux postes de direction. Cela empêchait totalement lesgouvernements nationaux d’avoir accès à l’information dont ils avaient besoin pour affirmerleur souveraineté sur leurs ressources naturelles.66 En outre, les compagnies étrangèresn’étaient pas disposées à partager cette information de peur que cela n’entrave la réalisationde leurs objectifs stratégiques et ne donne aux gouvernements hôtes un avantage en casde négociations. Comme le résume très bien Ross, « il n’existait alors pas de substitut à laconnaissance pragmatique des compagnies internationales »67.

Un autre argument économique en faveur de l’établissement d’une compagnienationale était également qu’en devenant le seul exploitant des ressources naturelles, laNOC devenait également l’unique percepteur de la rente générée par ces ressources. Laperspective de se débarrasser de l’intermédiaire était à l’époque extrêmement séduisante.

C’est pour toutes ces raisons qu’à la veille de la décennie 1970, les gouvernementsproducteurs de pétrole et de gaz ont crée leur compagnie nationale. Inévitablement, lamise sur pied de telles entreprises ouvrit la voie à de nouvelles attentes et à de nouvellespossibilités comme la prise de contrôle des activités d’amont. L’alternative la plus simple etla plus évidente consistait à prendre le contrôle des activités en cours. Depuis le début desannées 1950, la très vaste majorité des gouvernements au Moyen-Orient avaient résistéà la demande populaire, qui réclamait plus de contrôle national voire une nationalisationdes moyens de production. En effet, ces gouvernements craignaient qu’on ne leur réservele même sort qu’au premier Ministre iranien Muhammad Mossadegh. Néanmoins, aulendemain de la Guerre des Six Jours, qui opposa principalement Israël et l’Egypte et aucours de laquelle l’engagement américain et britannique au côté de l’État Hébreu fut perçucomme évident et responsable de la défaite arabe, la pression populaire monta encore d’uncran. Il était alors impossible pour les gouvernements moyen-orientaux de l’ignorer.

En 1970, à la suite de pressions considérables notamment de la Libye, les IOCs finirentpar accepter que les États producteurs participent à la fixation des prix ouvrant ainsi la porteà des négociations potentielles. En Octobre 1973, les gouvernements se sont emparésde cette prérogative pour annoncer de manière unilatérale une augmentation des prix dupétrole. C’est cette décision qui a entamé le premier choc pétrolier.

En 1972, l’Algérie et l’Irak avaient opté pour la nationalisation des moyens de productionse trouvant sur leur territoire. En 1976, les traditionnels contrats de concessions avaient

65 NORE, Peter. The Transfer of Technology : The Norwegian Case. New Policy imperatives for Energy Producers. Boulder :International Center for Energy and Economic Development, 1980

66 VAN DER LINDE, Cony. The State and the International Oil Markets : Competition and the Changing Ownership of CrudeOil Assets. Boston : Kluwer Academic Publishers, 2000. 184p.

67 ROSS, Robert. The Government as Entrepreneur : With Special Reference to the United Kingdom. National Oil Companies,Form, Structure, Accountability and Control. 1987

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été balayés. Les gouvernements producteurs avaient le contrôle total sur les opérationspétrolières se déroulant sur leur sol ainsi que sur les revenus générés par ces opérations.En 1979, le second choc pétrolier permit aux prix du pétrole d’atteindre des niveaux inéditspour la seconde fois en moins de dix ans.

Dans cette décennie, le nationalisme des ressources était à son paroxysme ets’était répandu dans le monde en développement. Par conséquent, les gouvernementsproducteurs avaient considérablement durcis les conditions d’investissement des IOCs surleur sol quand ils ne leur interdisaient tout simplement pas l’accès à leurs ressourcesnaturelles. La confiance nouvellement acquise par les États producteurs était extrêmementévidente tout comme le fait que leurs NOCs aspiraient à devenir les acteurs intégrés majeursde l’industrie pétrolière mondiale. La majorité des pays producteurs de pétrole de l’époquefermèrent effectivement leurs portes aux IOCs. Le nationalisme des ressources régnait enmaître au sein de l’OPEP.

Dans ce contexte, des nouveaux acteurs avaient émergé et le pouvoir de négociationétait clairement passé dans les mains des pays producteurs. Les nouvelles règles du jeuavaient été clairement définies par les nouveaux types de contrat notamment. Durant lesannées 1970, les IOCs étaient tellement à la peine que la réelle bataille se livrait en fait ausein de l’OPEP elle-même.

B- Contexte et spécificités du nationalisme des ressources du 21èmesiècle

1. Similarités avec la première vagueEn entrant dans le 21ème siècle, l’industrie pétrolière a connu une seconde vague denationalisme des ressources. Pour preuve, le baril a atteint le niveau historique de 144$ enfévrier 2008 à New York.

Un certain nombre de caractéristiques permettent de rapprocher le nationalisme desressources des années 2000 de la première vague de la décennie 1970.

Tout d’abord, les contrats en vigueur au début du 21ème siècle avaient été signés dansune période de prix du pétrole relativement bas et donc dans une période que Vlavo Vivodaaurait qualifié de période de coopération puisque, du fait des prix relativement bas, lespays producteurs étaient enclins à négocier avec les IOCs. Les gouvernements des Étatsproducteurs en vinrent même à rivaliser pour attirer les investissements des IOCs dont ilsavaient cruellement besoin.

En effet, après la décennie 1970 qui avait vu les prix du brut atteindre des niveauxsans précédent, le milieu de la décennie 1980 vit ces prix s’effondrer alors que le champde bataille s’était déplacé au sein de l’OPEP.

En outre, au niveau intérieur, un certain nombre de changements avait terni l’image desNOCs. Le premier changement fut idéologique puisque l’idée se répandait que l’interventionétatique était indésirable. Le corolaire de cette idée était que le recours aux marchés étaitintrinsèquement une bonne idée et que ceux-ci possédaient des caractéristiques et desavantages tels qu’il n’existait aucun substitut possible aux marchés.68 C’est ainsi que l’idéemême d’une entreprise publique devint largement contestée. Cette contestation et cette

68 ROBINSON, Charles. Energy Policy : Errors, Illusions and Market Realities. The Institute of Economic Affairs. London : 1993.

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conviction croissante qu’il était nécessaire que l’État se retire de l’économie à la faveur desmarchés, n’excluaient en aucun cas les NOCs.

La seconde dimension de ce changement était politique. Les gouvernements se sontmis à craindre que les NOCs n’aient le potentiel de devenir dangereuses car trop puissantessur la scène politique intérieure. Malgré le fait que les NOCs aient été créées afin dedéfendre les intérêts de l’État et donc de la nation, les NOCs se sont rapidement mises àse servir du gouvernement pour servir leurs propres intérêts. Le danger que la NOC d’unpays devienne un État dans l’État n’était jamais loin. Ce phénomène est communémentappelé le syndrome PEMEX en référence à la compagnie pétrolière mexicaine dont le rôleest extrêmement important. Ce constat s’applique aujourd’hui également à des compagniescomme Pertamina69 et PDVSA70, les compagnies pétrolières nationales indonésienne etvénézuélienne.

Un autre angle d’attaque fréquemment utilisé contre les NOCs concernait le fait queles intérêts de l’État et les intérêts de la NOC étaient souvent divergents voire contrairesce qui réduisait considérablement la marge de manœuvre des NOCs. Par exemple, lorsde la création de Pemex en 1938, son objectif premier, dicté par l’État mexicain était dedévelopper l’industrie pétrolière de telle sorte que celle-ci servent les intérêts nationauxdu gouvernement mexicain. Cela signifiait pour la NOC mexicaine qu’elle avait la chargede répondre à la demande en pétrole de l’économie nationale mais aussi d’améliorer lesconditions de travail et le bien être de ses employés. Ces objectifs non commerciaux peuventtrès rapidement être en conflit avec les intérêts et les objectifs de la NOC.

Cela nous mène aux arguments économiques contre le développement des NOCs.En effet, ceux-ci se développent dans les années 1980 et sont de deux types. Le premierconcerne le fait que la NOC ne peut pas être une entreprise efficace puisque les objectifsnon commerciaux qui lui sont fixés par le gouvernement dont elle dépend en très grandepartie, notamment pour son financement, altère sa capacité à réinvestir. En outre, et celaconstitue le deuxième argument économique s’opposant à un rôle trop important accordéaux NOCs, les NOCs en percevant la rente liée à ses activités pétrolières va être incitéeà la réinvestir pour maintenir sa capacité de production et dans le but à plus long termed’augmenter ses revenus. Ce mode de fonctionnement paraît logique pour une entrepriseprivée mais dans le cas d’une entreprise publique ou une partie plus ou moins grande desrevenus sont redistribués la gouvernance est plus malaisée.

D’autres arguments ont été avancés contre le développement des NOCs, notammentpar Al-Mazeedi71 pour qui les politiques de recrutement des NOCs sont généralementlargement influencées par des considérations tribales ou religieuses plutôt que par desconsidérations de qualifications ou de performance. Il résulte de ce fait que « la majorité desNOCs du Golfe sont sévèrement limitées en ce qui concerne leur expertise technologiqueet managériale »72. Ici encore, une des raisons pour lesquelles on soupçonne les NOCsde ne pas être efficaces est parce que leur mode de fonctionnement est conduit par desconsidérations autres que des considérations purement commerciales et de profitabilité.

Du fait de toutes ces critiques à leur encontre, les NOCs virent leurs moyens, attribuéspar leur gouvernement, diminuer sensiblement ce qui les empêcha de plus en plus de mener

69 Perusahaan Pertambangan Minyak dan Gas Bumi Negara70 Petróleos de Venezuela SA71 AL-MAZEEDI, Walid. Privatizing the National Oil Companies in the Gulf. Energy Policy. Octobre 1992.72 Ibidem

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à bien leurs différents projets. C’est pourquoi elles se plaignaient alors que les moyensqui leur été alloués par leur gouvernement ne leur permettait pas de maintenir leur niveaude production et encore moins de l’augmenter.73 En outre, ces demandes de fonds ontété présentées à un moment où il était très difficile pour les gouvernements d’y répondrepuisque, les prix du pétrole étant extrêmement bas depuis 1986 notamment, la très grandemajorité d’entre eux voyaient alors leur déficit budgétaire se creuser dangereusement.

Le coup final porté aux NOCs dans les années 1990 fut véhiculé par l’idée selonlaquelle les IOCs pouvaient remplir les mêmes objectifs que les NOCs de manière bienplus efficace sans pour autant piller l’État hôte et ce, dans un environnement régulé.74 Dece fait, dans la décennie 1990 les gouvernements détenteurs de’ ressources envisagèrentla régulation comme un meilleur instrument de gestion de leurs ressources naturelles quele développement d’une compagnie pétrolière nationale, trop couteuse et trop dangereusepolitiquement.

Au milieu des années 1990, les IOCs regagnèrent l’accès aux ressources naturellesqu’elles avaient perdu dans lors des vagues de nationalisation et d’expropriation de ladécennie 1970. Les termes sous lesquelles celles-ci s’engageaient à développer lesressources naturelles des États hôtes dans lesquelles elles opéraient leur étaient bien plusfavorables que ceux de la période précédente alors que les gouvernements, influencéspar la doctrine du consensus de Washington, essayaient d’attirer les investissements. Onpeut d’ores et déjà reconnaître ici des éléments qui préparent le terrain pour les litiges àvenir. En période de prix relativement bas du pétrole, les pays détenteurs de ressourceshydrocarbures ont désespérément besoin d’attirer les investissements pour produire desressources qu’ils n’ont plus les moyens de produire. Mais, on l’a vu, les prix du pétrole sontliés à un cycle politico-économique et les risques d’obsolescing bargain sont grands quandles IOCs se risquent à signer des contrats leur étant extrêmement favorables en période deprix du pétrole bas. Mais à l’époque, les progrès faits par les différents systèmes fiscaux etcontractuels firent taire les craintes.

A la fin des années 1990, tout est en place pour permettre une seconde vague denationalisme des ressources : des contrats signés en des termes foncièrement défavorablesaux pays hôtes et des prix du pétrole relativement bas depuis leur effondrement en 1986.

Au tournant du 21ème siècle un certain nombre de désillusions ont peu à peu remplacéla confiance que les pays détenteurs de ressources avaient pendant un temps mis dans lesmarchés. Ces désillusions étaient principalement dues à un alter mondialisme grandissantlui même nourri par le sentiment de la majorité de ces économies émergentes qu’ellesbénéficiaient trop peu du processus.75

L’entrée dans le 21ème siècle marque également l’entrée dans une phase du cycle oules prix du pétrole sont ascendants. Ce fut d’autant plus vrai au début des années 2000puisque les prix du baril atteignirent des niveaux record.

2. Spécificité : l’arrivée de nouveaux acteursLa résurgence du phénomène modifie considérablement l’environnement stratégique danslequel évoluent les IOCs puisqu’elle consacre l’arrivée de nouveaux acteurs. Avant cela,

73 HARTSHORN, John. Oil Trade : Politics and Prospects. Cambridge : Cambridge University Press, 1993. Chapter 8 :Governments in the Oil business, p. 138-168.

74 ROBINSON, Charles. Energy Policy : Errors, Illusions and Market Realities. The Institute of Economic Affairs. London : 1993.75 ABDELA, Robert. SEGAL, A. Has globalization passed its peak ? Foreign Affairs. Janvier/Février 2007.

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il convient de préciser que dans les années 1990, les IOCs ont connu une vague deconsolidations qui s’est caractérisée par de nombreuses fusions comme celle de BP etAmoco, celle d’Exxon et de Mobil ou encore celle de Chevron et Texaco. En conséquence,les compagnes privées internationales sont plus concentrées ce qui a diminué pendantun temps la concurrence. Mais l’industrie pétrolière est devenue bien moins concentréeau cours des dix dernières années à la suite de l’entrée de nouveaux acteurs. Les IOCsont de ce fait du faire face à une compétition croissante d’une part venant des NOCsmais également d’opérateurs indépendants ou de compagnies de service. Les NOCs nesouhaitant plus dans un premier temps conclure de partenariats avec les IOCs se sontrapidement tournées vers les compagnies de service qui leurs fournissent la technologiedont elles ont besoin et qui leur permettent de conserver leur autonomie et notamment en cequi concerne la gestion des projets. L’environnement stratégique est donc devenu difficile àdéchiffrer pour les IOCs puisque désormais elles sont non seulement en compétition avecles autres IOCs mais également avec les NOCs qui peuvent se passer de leur savoir fairepour exploiter leurs ressources. C’est d’autant plus grave que, comme on l’a vu, le principemême du phénomène pour les États détenteurs de ressources est de tenter d’éviter deconclure des partenariats avec les IOCs qui ont beaucoup trop de pouvoir et de contrôle surle pétrole aux yeux des NOCs et des États hôtes.

Les IOCs peinent aujourd’hui à trouver leur place dans ce nouvel environnement a unpoint tel, que leur pérennité et leur avenir sont parfois remis en cause.

Le nationalisme des ressources a eu des impacts considérables sur les IOCs à la foisen incitant les gouvernements à ne pas respecter les termes des contrats dans lesquels ilsse sont engagés et en introduisant, dans le monde de l’industrie de l’énergie de nouveauxacteurs.

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Chapitre Second : Les impacts du nationalisme des ressources sur les opérations d’Explorationet de production

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Chapitre Second : Les impacts dunationalisme des ressources surles opérations d’Exploration et deproduction

Section 1. Instabilité contractuelle et difficultésstratégiques : Analyse des risques

La première conséquence du nationalisme des ressources qui apparait lorsque les prixdu pétrole sont élevés est que cela inciter les États hôtes à renégocier. Cela génère uneforte instabilité contractuelle dans le sens où, lorsque des circonstances exceptionnellessurviennent, les relations entre les États hôtes et les compagnies pétrolières internationalesne parviennent pas à revenir à une situation d’équilibre sans occasionner de litiges.

A- Instabilité contractuelle : risque règlementaire et changementsfiscaux

Nous venons de voir que le nationalisme des ressources est une manifestation légale del’autorité souveraine de l’État qui survient lorsque le prix de ces ressources augmentesubstantiellement, poussant les États qui en sont détenteurs à renégocier les contratsd’exploitation et de production accordés à des compagnies étrangères alors que les prixétaient nettement plus bas.

1. Persistance du risque règlementaire et renégociations unilatérales descontratsLa méthode ou les moyens par lesquels s’exprime le nationalisme des ressources peuventrapidement être critiquables et ouvrent la voie à un certain nombre de litiges entre lescompagnies pétrolières internationales et les pays hôtes. En effet, on l’a vu, l’État cherchantà affirmer son contrôle sur la production de ses ressources, ses actions et ses tentativesd’interférences avec les compagnies pétrolières internationales peuvent très rapidementéquivaloir à un manquement voire à une rupture du contrat. Cela peut également se solderpar des procédures d’expropriation voire de nationalisation, cette dernière étant tout demême de plus en plus rare.

Il faut garder à l’esprit que toute modification des stipulations d’un contratd’investissement imposé par un gouvernement à un investisseur ne constitue passystématiquement un manquement au droit ou une rupture du contrat. En revanche, si les

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termes du contrat n’ouvrent pas la voie à des possibilités d’évolution et de réévaluationde ces termes, alors tout changement unilatéral opéré de la part du gouvernementpermet de présumer une rupture unilatérale dudit contrat. C’est d’autant plus le cas si lecontrat comprend une clause de stabilisation élaborée de manière classique qui interditexplicitement l’imposition de tels changements à l’investisseur protégé. Un certain nombrede changements règlementaires et fiscaux peuvent également tomber sous le coup du droitinternational des investissements et contrevenir à l’obligation de l’État hôte de maintenirla stabilité essentielle du contrat, en particulier lorsque l’investisseur peut s’appuyer surle concept d’ « attentes légitimes » comme faisant partie de l’obligation d’assurer àl’investisseur « un traitement juste et équitable » quand bien même le gouvernement ne luia pas spécifiquement donné de garanties. Mais toutes les modifications réglementaires oufiscales ne concernent pas des domaines couverts par le contrat ou par le droit international.Ces modifications ne constituent donc pas systématiquement des ruptures unilatéralesdu contrat. En effet, la majorité des pays producteurs de pétrole ajustent leurs taxes etleur système réglementaire régulièrement. Il est d’usage que ces ajustements prennent encompte la rentabilité relative de l’industrie laquelle est généralement et logiquement sensibleau niveau des prix.

De manière générale, le régime légal positif encadrant la régulation et la protectiondes investissements se situe à trois niveaux différents ou plutôt possède trois volets. Enpremier lieu, la législation nationale peut encadrer les investissements étrangers par le biaisde codes de l’investissement ou des législations spécifiques concernant l’investissementcomme les décrets par exemple. En second lieu, les accords d’investissement entre lesparties, les contrats donc, apportent un certain nombre de clauses comme les clauses destabilisation, les clauses de renégociation, les clauses spécifiant de quel régime juridiquerelève le contrat ou encore les clauses d’arbitrage qui se veulent rassurantes pour lesinvestisseurs étrangers. Enfin, les traités bilatéraux d’investissement entre le pays d’originede l’entreprise pétrolière et le pays hôte de l’investissement sont censés apporter uneprotection supplémentaire aux investisseurs étrangers. Il existe aujourd’hui plus de 1000traités bilatéraux d’investissement ainsi que des traités multilatéraux comme le Traité dela Charte de l’Energie signé par plus de cinquante États en 1994. Les principes au cœurde ces traités font généralement référence au fait que les règles légales encadrant lesinvestissements devraient être prévisibles et que les droits acquis devraient, dans le cadrede paramètres prévus par la loi, être respectés.

Conscients de ces protections légales qui entourent les investisseurs étrangers, lesgouvernements hôtes utilisent une rhétorique bien particulière afin de justifier leurs actions.Cette rhétorique consiste à étirer au maximum l’excuse de la souveraineté de l’État sur sesressources naturelles. En outre, comme les différends liés aux investissements résultentquasiment toujours d’un changement fondamental de gouvernement ou de philosophiepolitique de l’État hôte76. Thomas Wälde argumente en effet qu’il n’est pas facile detrouver un exemple d’un litige survenant entre le gouvernement en place au momentou l’investissement a été fait et l’investisseur. Il estime qu’en rège générale, les litigessurviennent lorsque les lois promulguées et les contrats passés par un gouvernementantérieur ne sont plus soutenus et respectés par un gouvernement suivant. Ni le droitinternational ni les lois nationales dans leur grande majorité ne reconnaissent l’alternancepolitique comme une raison valable d’invalider des engagements contractuels dans lesquelsest engagé l’État par le fait d’un gouvernement précédent. L’idée est que les gouvernements

76 Thomas Walde, Renegotiating acquired rights in the oil and gas industries : industry and political cycles meet the rule oflaw, j. world energy law and business, 55, 86 (2008)

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de par les pouvoirs qui leurs sont conférés prennent des engagements auxquels sont tenusles États, peut importe la couleur politique du gouvernement en place. Les gouvernementssoutenant l’idée inverse selon laquelle « aucun gouvernement ne peut obliger sessuccesseurs» s’appuient sur le principe controversé selon lequel « aucun parlement nepeut obliger ses successeurs », principe qui avait été discuté en 1974 dans le contexte desimpôts sur la bauxite Jamaïquaine. La plupart des pays occidentaux n’appliquent pas ceprincipe aux contrats signés par le gouvernement ou, lorsqu’ils l’appliquent, c’est avec unepromesse de compensation en cas de révocation.

Une fois au pouvoir, le gouvernement nouvellement élu se sent obligé par sa rhétoriqued’opposition et les campagnes qu’il a menées d’agir, et surtout d’agir ostensiblement, contreles relations jugées trop amicales du gouvernement prédécesseur avec les investisseursétrangers. Cette dynamique d’alternances politiques engendre la révision des contrats etdes conditions fiscales et réglementaires. Les pressions politiques contre l’investisseurétranger survenant dans le cadre d’un changement de gouvernement, elles sont exacerbéespar la facilité avec laquelle l’investisseur étranger est traditionnellement la cible despolitiques menées par les gouvernements des pays hôtes. Accuser le gouvernement dafavoritisme à l’encontre des investisseurs étrangers, ce qui implique déloyauté et trahisonde la nation, est un thème fort courant utilisé à l’envi par les oppositions politiques desdifférents États hôtes. C’est particulièrement le cas en Amérique Latine ou le thème del’« entregismo », la capitulation face aux étrangers, est depuis toujours un sujet politiqueextrêmement puissant.

A l’heure actuelle, les gouvernements des pays producteurs de pétrole dans lemonde entier ont engagé des révisions des termes encadrant les investissements desentreprises pétrolières internationales. Les nouveaux gouvernements ont visiblement etsignificativement fait marche arrière en ce qui concerne les politiques de privatisation desavoirs pétroliers et gaziers, politiques qui avaient été menées dans les années 1990.

Les exigences politiques sont souvent déguisées en concepts légaux qui étaientdéjà d’actualité dans les années 1970s, ère du Nouvel Ordre Economique international.Ces concepts légaux incluent notamment celui selon lequel les contrats sont uniquementvalides rebus sic santibus c'est-à-dire tant que les circonstances demeurent inchangées. Ildécoulerait de ce principe, selon les pays hôtes que les gouvernements ont un droit légitimeet souverain de révoquer ou de modifier substantiellement les termes contractuels et lesdroits acquis par les investisseurs depuis les années 1980 généralement. En essence, detelles vues postulent que les droits acquis par les entreprises pétrolières internationalessont sujettes au pouvoir discrétionnaire des gouvernements, ce qui revient à dire que cesdroits sont de simples accords politiques dépourvus de tout caractère contraignant. Lesconséquences de cette conception d’une souveraineté absolue des États sur les contratssignés par celui-ci revient à dire que les accords avec les États hôtes, en particulier ceuxexerçant un contrôle de fait sur leur système judiciaire, sont essentiellement des accordspolitiques temporaires.

Cela poserait moins de problèmes s’il s’agissait d’un échange réciproque continu mais ilse trouve que les investissements initiaux dans le secteur pétrolier ne sont remboursés queprogressivement et leur remboursement s’effectuent sur une période relativement longue.L’État hôte contrôle, via ses pouvoirs réglementaires et fiscaux, contraint le remboursementdes investissements initiaux faits par les compagnies pétrolières qui sont de ce fait ‘otages’77

des pouvoirs de l’État hôte.77 Thomas Walde, Renegotiating acquired rights in the oil and gas industries : industry and political cycles meet the rule of

law, j. world energy law and business, 55, 86 (2008)

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D’après Wälde donc, ce qui importe le plus ce n’est peut-être pas le risquerèglementaire mais plutôt le risque politique, le premier découlant généralement du second.Il estime donc que les compagnies pétrolières nationales devraient consacrer plus d’efforts àprédire et à anticiper les alternances politiques car cela leur permettrait d’anticiper le risquerèglementaire qui débouche la plupart du temps sur des changements fiscaux.

2. Implications directes : l’alourdissement des charges fiscales pesant surles compagnies pétrolières étrangèresEn effet, dans les phases du cycle ou les prix du pétrole sont élevés et donc ou lenationalisme des ressources revient sur le devant de la scène politique et économique despays détenteurs de ressources, le risque règlementaire se traduit très fréquemment pardes modifications des termes fiscaux des contrats en vigueur78. En effet, comme expliquéprécédemment, les prix du pétrole augmentant, les États hôtes ont tendance à estimerqu’ils se sont montrés trop généreux avec les compagnies pétrolières étrangères lors de lasignature des contrats, lorsque le prix du brut se situait à des niveaux plus bas. De ce fait,la première réaction de l’États hôte est généralement de changer sa législation en matièrede contrat de partage de production en redéfinissant les parts de la production que chaquepartie doit se voir attribuer. Il est également très fréquent de voir l’État hôte alourdir lescharges fiscales de l’entreprise étrangère en créant de nouvelles taxes.

C’est dernières années, soit au cours de la seconde vague du nationalisme desressources, cela a été particulièrement vrai en Amérique latine.

C’est le cas en Bolivie tout d’abord, ou la Nouvelle Loi sur les Hydrocarbures79 estentrée en vigueur en Mai 2005 avec pour objectif affiché de restituer au peuple bolivienla souveraineté et la propriété de ses ressources naturelles. Cette loi dispose tout d’abordque le pétrole produit sur le sol bolivien appartient entièrement et exclusivement au peuplebolivien. Ainsi, même sous un contrat de partage de production, les compagnies opéranten Bolivie doivent remettre l’intégralité de leur production de pétrole brut à la compagnienationale bolivienne, YPFB, qui est ensuite chargée de répartir cette production entre lescompagnies et l’ États. La Nouvelle Loi sur les Hydrocarbures bolivienne crée une nouvelletaxe dite « Taxe directe sur les Hydrocarbures »80 qui correspond à 32% de la productiontotale de pétrole et de gaz par la compagnie. Cette taxe s’ajoute à des taxes préexistantesest a pour but principal de faire en sorte que la somme totale de la redevance payée parla compagnie à l’États bolivien ne soit pas inférieure à 50% de la valeur de la productiontotale. Enfin, l’article 99 de la Loi de 2005 dispose que « les contrats qui ont été souscritsou accordés sous le régime de la loi [précédente] seront régis par la présente loi dèssa promulgation ». Cela signifie concrètement que les 84 contrats d’exploration et deproduction qui avaient été accordés par la loi précédente, soit depuis 1996, se retrouvent,sans préavis, régis par un tout nouveau régime, bien plus sévère envers les investisseursétrangers, sans que ceux-ci n’aient de recours possible.

En Equateur, les entreprises étrangères ont du également faire face à un durcissementconsidérable de leur environnement fiscal puisqu’après le vote d’une nouvelle loi en avril2006, les compagnies ont vu leur charges fiscales passer de 18% à 40% de la productiontotale d’hydrocarbures sous prétexte que les bénéfices engrangés par les compagnies

78 Annexe 579 Nueva Ley de Hidrocarburos, No 3058, 17 Mai 200580 Impuesto Directo a los Hidrocarburos

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pétrolières internationales sont exceptionnels. En outre, la nouvelle loi dispose que 90% dupétrole produit doit revenir à l’États hôte.

L’exemple le plus frappant des conséquences du nationalisme des ressources enAmérique latine en matière règlementaire et fiscale est certainement celui du Venezuela.En effet, probablement enhardi par la forte augmentation des prix du pétrole au début desannées 2000, le Venezuela d’Hugo Chavez a pris un certain nombre de mesures destinées àaugmenter les taxes et à augmenter le taux de royalties dues par les compagnies pétrolièresétrangères. Dans la nuit du 9 au 10 octobre 2004, Hugo Chavez a ainsi décidé de passerle taux de royalty de 16% au lieu de 1% jusqu’alors. Or, si la Constitution Vénézuélienneautorise les autorités gouvernementales à augmenter unilatéralement le taux de redevance,les contrats signés par les compagnies étrangères au Venezuela contenaient justementdes dispositions les prémunissant contre ce genre de décision. En effet, le pétrole extraitpar ces compagnies est un pétrole de type extra-lourd dont l’extraction est coûteuse etdonc dont la rentabilité était douteuse au moment ou les contrats on été signés, c'est-à-dire dans les années 1990. Dès lors, quand bien même la décision du Président Chavezétait constitutionnellement acceptable il n’en demeure pas moins qu’elle constitue unmanquement à un des fondements du contrat. Le Venezuela mène une des politiquesfiscales les plus agressives au monde, avec des recettes fiscales moyennes représentant85% de la valeur de la production d’hydrocarbures.

En outre, après la victoire écrasante du Président Chavez aux élections présidentiellesde 2006, celui-ci s’est engagé à accélérer la cadence en augmentant la pression fiscalepesant sur les compagnies pétrolières étrangères afin d’instaurer « le socialisme du 21èmesiècle dans le pays »81. Cela s’est matérialisé avec une nouvelle loi votée dès le 31 janvier2007 dite « Loi d’habilitation » qui accorde au Président Chavez le droit de mettre en placeun programme de nationalisations des moyens de production dans le secteur de l’énergie.

L’exemple du Venezuela est particulièrement intéressant parce que, si la majorité descompagnies pétrolières internationales ont décidé de se plier aux règles imposées par legouvernement Chavez, deux ont décidé de se retirer et une d’entre elles, Exxon Mobil adécidé de déposer une demande d’arbitrage devant le CIRDI. Au total, Exxon Mobil, ConocoPhillips, Chevron, Total, BP et Statoil ont investi plus de 16 milliards de dollars dans le bassinde l’Orénoque, où se situent la majorité des réserves de pétrole extra lourd, et y produisent600000 barils par jour. En Juin 2007, Chevron, Statoil, BP et Total ont signé des contratsqui accordent à PDVSA, l’entreprise nationale vénézuélienne, des parts allant de 60% à83%.Conoco Phillips et Exxon Mobil ont quant à eux refusé de signer, considérant les termesdu contrat trop défavorables. Par conséquent, PDVSA a récupéré leur part et les deuxcompagnies ont commencé à négocier une indemnisation correspondant à la valeur de leursinvestissements. N’arrivant pas à se mettre d’accord avec le gouvernement vénézuélien surle montant de cette indemnisation, Exxon Mobil a déposé en septembre 2007 une requêtepour une procédure d’arbitrage devant le CIRDI. A ce jour, le cas est toujours en suspens cequi signifie qu’Exxon Mobil n’a toujours pas été indemnisé. Quand bien même il y a une forteprobabilité pour que la sentence arbitrale finale donne raison à la compagnie internationale,un certain nombre de difficultés resteraient à surmonter.

Tout d’abord, une sentence arbitrale et une procédure d’arbitrage de manière généraleest fondamentalement basée sur le consentement mutuel des parties concernées82. Ainsi,

81 FORERO, Juan. Chavez Restyles Venezuela with 21st century Socialism. The New York Times. 30 octobre 200682 WITTEN, Emily. Arbitration of Venezuelan Oil contracts : A losing strategy ?. Texas Journal of Oil, Gas and Energy Law.

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même une sentence arbitrale favorable à Exxon Mobil ne lui garantirait pas de récupérerson dû. Par exemple, l’Argentine a été condamnée par un certain nombre de sentencesarbitrales faisant suite à de nombreuses ruptures d’engagements par l’États argentin suiteà la crise financière qu’a connu le pays en 2000 et 2001. Les compagnies étrangèresqui avaient à l’époque des intérêts en Argentine on remporté une série de décisionscontre l’Argentine devant le CIRDI leur accordant des centaines de millions de dollars dedédommagement. L’Argentine a jusqu’à ce jour refusé catégoriquement de s’acquitter deces sommes.

Outre le problème de la mise en application de la sentence arbitrale et du paiement dudédommagement accordé par celle-ci, une procédure d’arbitrage pose un certain nombrede problèmes à Exxon Mobil.

En effet, un des problèmes auxquels doit faire face Exxon Mobil depuis le début decette procédure d’arbitrage est le risque réputationnel que celle-ci fait naitre. Exxon Mobilayant choisi de se démarquer des autres grandes compagnies pétrolières internationaleset s’étant engagé dans une procédure qui reste rare dans le monde du pétrole, est trèsobservé tant par les autre groupes internationaux que par les gouvernements des paysdans lesquels le groupe opère. Les cadres du groupe sont bien conscients du fait que,s’ils échouent à prendre une position claire et ferme contre les changements illégaux etunilatéraux des termes des contrats, ils risquent d’entrainer l’industrie pétrolière sur unepente dangereusement glissante, incitant les pays détenteurs de ressources à exiger deplus en plus de concessions83.

Un autre risque auquel s’expose le groupe Exxon Mobil est de compromettre tout futurprojet en commun avec PDVSA. Il est effectivement extrêmement risqué de refuser de seplier aux exigences d’un États qui, avec plus de 79 milliards de barils de réserves prouvées,détient le 7ème plus gros potentiel au monde84. C’est d’ailleurs très certainement pour cetteraison principalement que les autres compagnies pétrolières internationales ont acceptéde rester au Venezuela malgré des termes foncièrement défavorables qui diminuaientdramatiquement la rentabilité des projets futurs et surtout des projets en cours pour lesquelsd’importants investissements avaient été réalisés.

Globalement, certains s’interrogent sur le fait de savoir si Exxon Mobil a pris une bonnedécision ou si le groupe s’est engagé dans une stratégie vouée à l’échec. Quoiqu’il en soit,tout le monde s’accorde sur le fait que « la manière dont cette affaire sera gérée, sera unsignal fort et permettra de dire si oui ou non les pays auront la possibilité dans l’avenir derenégocier librement les contrats en cours lorsque les circonstances évoluent »85.

L’Amérique latine offre un très bon exemple de la thèse de Wälde selon laquelleune renégociation unilatérale d’un contrat survient quasiment systématiquement dans lecas où un gouvernement nouvellement élu refuse d’honorer les engagements pris par lesgouvernements précédents. L’Amérique latine est l’exemple typique du continent qui a opéréun virage à gauche depuis le début des années 2000. En effet, le passage au 21ème sièclea été synonyme pour l’Amérique du Sud d’élections de leaders de gauche, populistes surfond de profondes inégalités sociales. De ce fait, la très grande majorité de ces figures

83 CATAN Thomas. Energy Landscape Redesigned, Financial Times. 15 Mai 200684 LANDERS, Jim. Driving a Hard Bargain, Dallas Morning News. 2 Aout 200685 WITTEN, Emily. Arbitration of Venezuelan Oil contracts : A losing strategy ?. Texas Journal of Oil, Gas and Energy Law.

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politiques socialistes a eu et a toujours pour principale promesse électorale la restitution aupeuple de son pétrole et de son gaz.

Mais il n’est parfois pas nécessaire que la scène politique nationale et régionaleconnaisse de tels bouleversements et de telles alternances pour que les États soientpoussés à renégocier les contrats en cours. En effet, en Russie, après l’élection de VladimirPoutine, Président russe entre 2000 et 2008, successeur de Boris Eltsine, s’est empresséde revenir sur les mesures de privatisation et de libéralisation du secteur gazier et pétrolierentreprises par son prédécesseur. Ici, il s’agit surtout pour la Russie de revenir à desformes plus traditionnelles de coopération avec les entreprises étrangères et, dans unemoindre mesure également de profiter des prix élevés du pétrole et du gaz. Les pressions dugouvernement russe sur les compagnies pétrolières étrangères ayant des intérêts en Russieont culminé en 2007 avec l’éviction pure et simple du groupe Shell du projet Sakhalin. Shellétait engagé dans ce projet, qui représentait plusieurs milliards de dollars d’investissementet 5% des réserves globales du groupe, depuis 12 ans. En février 2007, Shell a appris parla presse que l’entreprise nationale russe Gazprom rachetait la moitié des 22 milliards dedollars de part du groupe, réduisant sa participation de 55% à 27,5%. Les cadres dirigeantsde Shell, qui se trouvaient à Moscou au moment de cette décision étaient loin d’avoirl’avantage dans les négociations. C’est d’ailleurs impossible dans la Russie de VladimirPoutine ou des tactiques autoritaires et contraignantes sont utilisées pour réaffirmer lecontrôle du gouvernement sur les vastes ressources naturelles du pays »86. Quand Gazproma racheté les parts de Shell, cela faisait déjà plus d’un an que le gouvernement russe tentaitde décourager le groupe international notamment en décidant brusquement de soutenir ungroupe écologiste qui pointait du doigt les activités de Shell sur l’ile, en annulant un certainnombre de permis et en retardant la construction des pipelines. En outre, l’État russe faisaitpeser sur le groupe la menace d’un procès de 50 milliards de dollars. Le groupe risquait aufinal de perdre beaucoup plus que ses 22 milliards de dollars d’investissement et 5% de sesréserves globales en gaz et en pétrole. Il faut dire que le contrat avait été signé en 1996, alorsque le baril de brut ne coutait guère plus que 22 dollars. Le contrat en question prévoyait quela Russie ne toucherait que 10% des hydrocarbures produits. On peut aisément imaginerpourquoi, avec un baril moyen situé entre 80$ et 100$, la Russie s’est sentie lésée par lecontrat signé avec la compagnie anglo-néerlandaise.

S’il est aisé de comprendre qu’une hausse substantielle des prix du pétrole commecelle connue au début des années 2000 ait pu amener la Russie à considérer injuste uncontrat, qui du reste se trouvait lui être particulièrement défavorable, les moyens employéspar le gouvernement russe pour intégrer le projet n’en sont pas moins litigieux.

Dans les pays d’Amérique latine et en Russie, pays d’où est d’ailleurs partie la secondevague du nationalisme des ressources, ce changement d’attitude et ces renégociationsforcées ont été encouragées par des gouvernements nouveaux qui souhaitaient s’inscrireen porte à faux vis-à-vis de leurs successeurs que ce soit pour mettre un terme aux inégalitéssociales ou par pure aversion vis-à-vis des investisseurs étrangers.

Cette vague de nationalisme des ressources entrainant changements règlementaireset fiscaux s’est propagée dans un certain nombre de pays n’ayant pas connu d’alternancepolitique mais néanmoins motivés par des pris du pétrole extrêmement élevés.

C’est le cas notamment en Algérie, pays qui n’a pas connu d’alternance politiqueou de changement de gouvernement mais qui a considérablement durci sa législation àl’égard des entreprises pétrolières internationales. L’Algérie avait d’autant plus de raisons

86 LUSTGARTEN, Abrahm. How Shell lost the control of Sakhalin Island. Fortune. 1er Février 2007.

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de vouloir profiter des prix élevés du brut que c’est un États rentier. Le secteur de l’énergiereprésente donc 60% de ses recettes, 30% de son PIB et 95% de ses exportations. En2005, une première loi a été votée laquelle représentait une réelle libéralisation du secteurmais qui obligeait tout de même les compagnies étrangères à entrer dans des projetsdans lesquels l’entreprise nationale algérienne Sonatrach, détient au moins 51%. Cetteloi a été jugée trop libérale et trop favorable aux compagnies étrangères et a donc étéamendée par décret présidentiel en Juillet 2006. La seconde loi met en place un régimefiscal extrêmement sévère à l’égard des entreprises internationales. Elles doivent désormaiss’acquitter d’une taxe superficiaire déterminée en fonction de la zone couverte par le contratainsi qu’en fonction de l’état d’avancement du projet. Les compagnies doivent égalementpayer une redevance mensuelle calculée en fonction du niveau de production ainsi qu’unimpôt mensuel sur le revenu pétrolier basé, lui aussi, sur la production. En outre, la nouvelleloi crée un nouvel impôt dit « Taxe sur les Profits Exceptionnels » qui est rétroactif et quidoit être d’au moins 5% lorsque les prix du pétrole excèdent 30$ par baril. Conséquemmentà ce durcissement draconien des règles fiscales à l’égard des compagnies pétrolièresétrangères, lorsque l’Algérie a lancé son 7ème appel d’offres, seulement 4 licences ontété accordées. Le gouvernement s’est empressé d’accuser la crise économique d’êtreresponsable de ce désintérêt des IOCs mais en réalité la majorité d’entre elles a estimé quele régime fiscal algérien n’était pas attirant.

A ces risques juridiques s’ajoutent des risques stratégiques que les IOCs doiventdésormais prendre en compte également.

B- Complexité et dangerosité croissante de l’environnementstratégique

Les développements récents de l’industrie pétrolière ont eu des impacts négatifsconsidérables sur la santé des IOCs en tant qu’entités commerciales.

Ostensiblement, il peut être difficile de croire que les IOCs rencontrent actuellement desproblèmes aussi importants que ceux auxquels elles doivent faire face en ce moment. En2007, Exxon Mobil annonçait des profits record de 40 milliards de dollars. La même année,les chiffres d’affaire combinés d’Exxon Mobil, BP, Shell, Chevron et Total s’élevaient à untotal de 1,47 mille milliards de dollars, une somme supérieure au Produit Intérieur Brut del’Espagne ou du Canada. Toujours en 2007, la somme des profits de ces cinq IOCs s’élevaità 122 milliards de dollars ce qui équivaut au Produit Intérieur Brut d’un pays comme l’Egypteou la Nouvelle-Zélande87. En outre, en 2007, ces cinq IOCs, ont affiché un excellent tauxde profit de 20%.

Au vu de chiffres aussi impressionnants il peut être difficile de s’imaginer que les IOCspuissent être inquiètes pour leur avenir.

S’il est certain que les prix élevés du pétrole ces dernières années leur ont permisde générer des profits importants, on a vu que ces prix, qui font aujourd’hui leur richesse,peuvent aussi conduire à leur perte puisqu’ils nourrissent un nationalisme des ressourcesqui limite considérablement l’accès des IOCs aux ressources. Il est de plus en plus difficilepour les IOCs de trouver des opportunités intéressantes pour réinvestir leurs profits et cela

87 OPEP, Annual Statistical Bulletin 2007. Vienne : 2008. Disponible en ligne http://www.opec.org/opec_web/static_files_project/media/downloads/publications/ASB2007.pdf

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ne devrait pas s’arranger. Comme le note Vlavo Vivoda : « Enfouis sous les profits recordde ces dernières années se trouvent les signes inquiétants d’un secteur en déclin »88.

1. Verrouillage de l’accès aux ressources par les NOCsBien que les IOCs ne manquent pas de liquidités vu l’explosion des prix du pétrole au débutdu 21ème siècle, le manque d’opportunités d’investissement représente un défi majeurqui les a empêchées de remplacer leurs réserves ces dernières années. Dans l’industriepétrolière, le taux de remplacement de réserves est le meilleur indicateur permettant desavoir si une compagnie sera capable de maintenir ou d’augmenter sa production dansle futur. C’est un outil de mesure clé qui est décisif notamment pour l’appréciation quefont les marchés financiers d’une compagnie lorsqu’ils tentent de mesurer la capacitéd’une compagnie de continuer à opérer durablement89. Un bon taux de remplacementde réserves devrait toujours être supérieur à 100%. Or, si entre 1998 et 2002 le tauxde remplacement des réserves des cinq plus grandes IOCs était de 99,7%90 du pétroleproduit, ce qui correspond tout juste au seuil de remplacement de la production, entre2003 et 2007 ce taux s’est effondré pour n’être plus que de 51% du pétrole produit91.Ces piètres résultats contrastent grandement avec ceux des années 1970 et 1980 ou lesIOCs réalisaient d’importants investissements notamment en exploration ce qui avait eupour conséquence d’augmenter considérablement la production des pays non membres del’OPEP. Ces actifs hors OPEP sont aujourd’hui globalement en phase de déclin.

Étant donné les tendances récentes de l’industrie et les tensions politiques actuellesentre les pays détenteurs de ressources et les IOCs, ainsi que les difficultés légalesrencontrées par ces dernières, on doit s’attendre à ce que le taux de remplacement desréserves des IOCs reste bien en dessous de 100% dans les cinq à dix prochaines années.

Un autre indicateur, le taux de rendement, c'est-à-dire le montant gagné ou perdu enfonction de la somme investie, a chuté de manière alarmante. En effet, en conséquence desprix du pétrole élevés du début des années 2000 les IOCs ont certes généré des profits sansprécédent et ont affiché des taux de rendement positifs mais ceux-ci ont fortement chuté.En effet, en 2005, les cinq IOCs citées précédemment affichaient un taux de rendementsupérieur à 50%. L’année 2005 a été particulièrement florissante pour les IOCs. Mais entre2005 et 2007, en revanche, ce même taux a chuté pour n’atteindre que 20%92. Dans uneindustrie qui nécessite autant de capital que l’industrie pétrolière, le taux de rendementest une mesure clé qui reflète non seulement les profits d’une entreprise mais surtout lecoût de ces profits. En résumé, la création de valeur par les IOCs stagne dangereusement.Ces dernières années, les IOCs ont certes enregistré des profits sans précédent mais ellesont également dépensés des sommes inédites pour générer ces profits. Les IOCs ont étéaffectées par des augmentations substantielles des coûts d’exploration et d’extraction.

88 VIVODA, Vlado. Resource Nationalism, bargaining and International Oil Companies : Challenges and Change in the NewMillenium. New Political Economy, Decembre 2009, Vol. 14, N°4, p. 517-534.89 WRIGHT, Charlotte. GALLOUN, Rebecca. Fundamentals of Oil and Gas Accounting. Tulsa : 2008. 750p.90 OPEP, Annual Statistical Bulletin 2002. Vienne : 2003. p.124. Disponible en ligne http://www.opec.org/opec_web/static_files_project/media/downloads/publications/ASB2003.pdf91 OPEP, Annual Statistical Bulletin 2007. Vienne : 2008. p.121. Disponible en ligne http://www.opec.org/opec_web/static_files_project/media/downloads/publications/ASB2007.pdf

92 Ibidem

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En effet, un des autres effets du verrouillage de l’accès aux ressources par les NOCs estque les IOCs doivent s’engager dans des projets de plus en plus complexes et dangereux.

En analysant les projets définis comme stratégiquement importants par les différentesIOCs on se rend compte rapidement de la part croissante de projets risqués et complexes.

Le groupe Shell par exemple, définit six projets d’exploration production comme étantclés stratégiquement parlant. Parmi ces six projets, un concerne les sables bitumineux auCanada, projet qui requiert une technologie de pointe. Un autre de ces projets concerne uneautre source d’énergie non conventionnelle car il s’agit du projet Qatargas IV dans lequel legroupe est engagé dans une coentreprise avec la NOC qatari, Qatar Petroleum. Trois autresprojets sont également des projets à risques puisqu’il s’agit de projets en eaux-profondes(deepwater) voire en eaux ultra-profondes (ultra deepwater)93. Shell s’est d’ailleurs lancédans le projet de forage le plus profond au monde, il s’agit du projet Perdido, dans le Golfedu Mexique ou le forage s’effectue à 2450 mètres sous le niveau de la mer. Sur les sixprojets stratégiques de Shell, cinq peuvent être considérés comme risqués et complexes,deux parce qu’ils concernent des projets non-conventionnels et trois qui sont opérés eneaux profondes.

Le groupe Exxon Mobil définit quant à lui cinq projets cruciaux pour sa stratégie dontdeux qui concernent du gaz naturel non-conventionnel au Qatar (Projet Qatargas II) et unprojet deepwater dans le Golfe du Mexique.

Le groupe Conoco Phillips fait lui aussi partie d’une co-entreprise au Qatar en chargede la production et de la commercialisation de gaz naturel. En outre, le groupe définit sesprojets dans les sables bitumineux canadiens comme stratégiquement fondamentaux.

Le groupe Total a classé cinq de ses projets en exploration et production comme étantstratégiquement cruciaux parmi lesquels trois sont des projets deepwater, un en Angola, unau Nigeria et un dans le Golfe du Mexique, et les deux restants sont des projets concernantdu gaz naturel.

2. Les NOCs : des acteurs multiformesLa résurgence des NOCs, depuis les début des années 2000, a donc des conséquencestrès dommageables pour les IOCs puisqu’elle a pour conséquences de leur verrouillerl’accès à une grande partie des réserves d’hydrocarbures et incite de ce fait les compagniesinternationales à s’engager dans des projets risqués, complexes et coûteux.

Toutes les NOCs n’ont pas les mêmes objectifs, ni les mêmes moyens ou la mêmeenvergure. Le terme de NOCs renferme en réalité des compagnies très différentes.

Etudier les NOCs au cas par cas serait exhaustif et présenterait peu d’intérêt. Enrevanche, on peut tenter d’élaborer une typologie qui permettrait d’approcher des groupesde NOCs aux caractéristiques semblables. Cette typologie mettrait en rapport le degréd’autonomie de la NOC avec son degré d’internationalisation94.

Cette typologie permet de dégager trois types de NOCs : les NOCs dites détentrices deressources (resource-holders), les NOCs demandeuses de ressources (resource-seekers)et enfin les NOCs hybrides qui possèdent des caractéristiques de l’une et de l’autrecatégorie.

93 L’ultra-deepwater concerne les forages à plus de 1500m de profondeur.94 Annexe 6

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La première catégorie, les compagnies détentrices de ressources sont des compagniesqui produisent la quasi-totalité de leur huile et de leur gaz dans leur pays d’origine. Leurautonomie par rapport à leur gouvernement est très variable ce qui permet de les sous-catégoriser en trois groupes.

Les resource-seekers sont globalement les compagnies nationales d’Etats rentiersc'est-à-dire d’Etat qui vivent de la rente pétrolière, des revenus du pétrole. Ces NOCs ontgénéralement un rôle économique et social très important à jouer puisque la très grandemajorité des Etats rentiers ont une économie nationale très peu diversifiée.

On a tout d’abord les compagnies Moyennes-orientales et russes, comme Gazprom,Saudi Aramco, Qatar Petroleum, ADNOC95 ou encore la NIOC96. Ces compagnies jouissentd’une autonomie moyenne mais demeurent inextricablement liées à l’Etat à cause du rôlequ’elles ont à jouer dans la société. De ce fait, elles sont en situation de monopole dansleur pays et n’ont à faire face à quasiment aucune concurrence. Les économies moyennes-orientales en particulier, parce qu’elles sont relativement stables, n’ont pas besoin à l’heureactuelle, des IOCs pour les aider à développer leur potentiel. Le pétrole est en effet,de manière générale, très facile d’accès dans le Golfe Persique. On note néanmoinschez certaines compagnies moyennes-orientales le désir de s’assurer de la pérennité del’industrie pétrolière. C’est le cas notamment au Qatar avec Qatar Petroleum qui a signéplusieurs partenariats avec les IOCs pour l’aider à commercialiser son gaz naturel.

La Russie, en revanche, est un Etat dont l’économie est bien moins stable et qui faitrégulièrement face à des crises de liquidités. Ses rapports avec les IOCs sont donc à l’imagede sa situation économique, en dents de scie.

Il existe, au seins des compagnies Moyenne-orientales et russes, des opportunités pourles IOCs mais elles sont pour le moment limitées avec les premières et ont toujours étérisquées avec les secondes.

Deuxième catégorie au sein des resource-holders, les compagnies que l’on pourraqualifier de « nationalistes » sont les compagnies qui jouissent de très peu d’autonomieet dont la politique et clairement anti-IOCs. Cela comprend Sonatrach, la compagniealgérienne, PDVSA, la compagnie vénézuélienne et, dans une moindre mesure, lacompagnie indonésienne Pertamina. A la différence de la première catégorie, ces troiscompagnies dépendent de pays anciennement colonisés donc des pays dans lesquels lenationalisme et l’anti-impérialisme ont un ancrage plus marqué que dans les premières.

Ces compagnies jouissent de peu d’autonomie parce qu’elles permettent de légitimeren partie le pouvoir en place. De ce fait, elles sont plutôt mal dirigées car elles lespostes dirigeants sont souvent attribués à des personnes proches du pouvoir ou à despersonnes dont les gouvernements en place souhaitent acheter la loyauté. Leur rôle socialet économique dans le société est extrêmement important ce qui les empêche d’êtreefficaces et rentables.

Un peu comme pour les compagnies russes, leurs rapports avec les IOCs changentau gré du cycle-pétro politique.

Enfin, parmi les resource-holders un certain nombre de compagnies sont inclassables.Tout d’abord la compagnie nigériane, NNPC, parce qu’il s’agit en réalité d’une compagniepresque fictive (façade company) agissant pour un État en échec, c’est-à-dire pour un Étatdans lequel il n’y a pas un contrôle minimal de l’espace politique et économique. Ensuite, la

95 Abu Dhabi National Oil Company96 National Iranian Oil Company

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compagnie PEMEX, ne peut pas être classée dans les deux catégories précédentes car saposition est totalement fermée aux IOCs pour des raisons historiques et qu’à ce jour aucuneopportunité de partenariat n’est envisageable. Enfin, Petrobras est une compagnie tellementdéveloppée et autonome qu’elle aurait pu aisément être classée dans les compagnieshybrides. Néanmoins, les récentes découvertes significatives de pétrole au large du Brésil,ont motivé une mainmise de l’État brésilien sur sa compagnie nationale. Le Brésil reste toutde même le pays d’Amérique du Sud ou les inégalités sociales sont les plus criantes et l’Étatbrésilien a souhaité s’assurer que les nouvelles découvertes de pétrole serviraient à rétablirun équilibre social et économique au Brésil.

Le second groupe de NOCs est celui des compagnies demandeuses de ressources. Ils’agit des compagnies chinoises et indiennes. Ces compagnies n’not pas pour but premierd’exploiter les ressources naturelles de leur État d’origine mais plutôt de répondre à unedemande interne croissante. En effet, la Chine comme l’Inde entrent dans une phase deleur développement très gourmande en énergie et le développement même de ces paysdépend de leur capacité à répondre à cette demande.

Ces entreprises ont une stratégie très agressive d’acquisitions qui leur est permise parle soutien et l’approvisionnement en liquidités qu’elles reçoivent de leur gouvernement. Dece fait, elles peuvent se permettre appliquer une stratégie de « dollars contre pétrole »,extrêmement couteuse.. En effet, tant les compagnies indiennes que les compagnieschinoises, offrent beaucoup plus que les IOCs lorsqu’elles répondent à des appels d’offre.Une analyse des objectifs des unes et des autres permet de retenir trois axes dedéveloppement. Elles souhaitent tout d’abord s’internationaliser coûte que coûte et devenir,à terme, des compagnie pétrolières internationales. Elles veulent ensuite augmenterleur production ainsi que s’assurer qu’elles ont suffisamment de réserve pour subvenirdurablement aux besoins en énergie de leur État d’origine.

Le problème pour ces compagnies réside dans le fait qu’elles ont un rôle social etéconomique lourd à jouer qui les empêche de raisonner comme les IOCs et d’être aussiefficaces qu’elles. En outre, on sait d’ores et déjà que la stratégie « dollars contre pétrole »risque fort de ne pas être durable puisqu’elle est très coûteuse. Or, ces compagniess’internationalisent de plus en plus ce qui nécessiterait une plus grand autonomie laquellen’est pas compatible avec le financement par le gouvernement.

Il est difficile pour les IOCs de savoir ce qu’elles peuvent attendre de ces NOCs.En effet, elles ne permettent pas de répondre à un des besoin primaire des IOCs quiest l’accès aux réserves puisqu’elles mêmes sont demandeuses. En outre, leur lien avecleur gouvernement d’origine peut potentiellement poser problème. Enfin, ce sont descompagnies qui ne respectent pas les normes sanitaires, sécuritaires et environnementales,ce qui peut facilement porter préjudice aux IOCs s’engageant dans des partenariats avecelles.

Pour l’heure les IOCs restent relativement prudentes, profitant des liquidités dontdisposent ces compagnies et n’investissant pas dans les projets qu’elles opèrent.

Enfin, le troisième groupe de NOCs, les NOCs hybrides sont celles qui n’ont pasété mises en sommeil par leur gouvernement entre deux vagues de nationalisme desressources. Elles ont acquis une autonomie certaine vis-à-vis de leur gouvernement ainsique certaines technologies qui leur permettent de s’engager dans des projets de plus enplus complexes. Elles sont traités par les IOCs comme des partenaires égaux. Il s’agit dela compagnie norvégienne Statoil et de la compagnie malaisienne Petronas.

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Il s’agit désormais de savoir comment les IOCs peuvent faire face à ces défis juridiqueset stratégiques.

Section 2. Gestion des risques

A- Envisager les relations avec les NOCs : Coopération oucompétition ?

Nous venons de voir et d’expliquer pourquoi et à quel point les IOCs se trouvent aujourd’huià un moment décisif de leur existence. Les décisions stratégiques prises aujourd’hui serontcruciales pour la survie et la pérennité de ces entreprises.

Le tableau n’est pas aussi noir que l’on pourrait le croire puisque si les NOCs sontdevenues des acteurs incontournables de la scène énergétique mondiale il n’en demeurepas moins que la récente crise économique a remis les partenariats avec les IOCs au goutdu jour pour les NOCs. Si les IOCs ne peuvent espérer être pérennes sans coopérer avecles NOCs, il semble que la réciproque soit vraie également. Néanmoins, les IOCs doiventcontinuer à tout faire pour demeurer compétitives.

1. Coopérer est impératif : De l’interdépendance entre NOCs et IOCsDans un premier temps en effet, nous allons voir que les partenariats entre NOCs et IOCssont aujourd’hui de nouveau souhaitables pour les NOCs qui ont été quelque peu affaiblieset du coup apaisées par la crise financière de ces deux dernières années. De ce fait, il existeune réelle interdépendance entre IOCs et NOCs.

Il n’est pas utile de revenir sur les différents éléments qui ont fait de ces dernièresannées une période extrêmement difficile pour les IOCs, cela a constitué notre proposjusqu’alors. En revanche ce qu’il convient d’expliquer désormais c’est pourquoi, aujourd’hui,les NOCs sont en train de réaliser qu’elles ont tout à gagner à former des partenariats avecles IOCs.

Tout d’abord, comme nous l’avons fait remarqué précédemment, la réémergence dunationalisme des ressources depuis le début des années 2000, n’a pas été synonyme pourles IOCs d’expulsions pures et simples des pays dans lesquels elles opèrent mais plutôtd’une augmentation de la mainmise gouvernementale sur le pétrole produit et sur les profits.Ce fait remarquable démontre que, en comparaison avec la première vague de nationalismedes ressources, les NOCs ont compris que la relation avec les IOCS étaient basées surdes besoins mutuels.

Ensuite, si les États hôtes se sont premièrement attelés à augmenter leur mainmise surla manne générée par l’industrie dans une période d’explosion des prix du pétrole, ils ontété, ces deux dernières années, malmenés par la situation économique globale. En effet,l’effondrement soudain des prix du pétrole fin 2008, qui sont brusquement passés de 150$à moins de 40$ par baril, ont inversé les rôles.

Le lien entre les NOCs et l’État, qui peut être une force inhérente des NOCs, s’estrapidement transformé en un désavantage. Lorsque les prix étaient hauts, les États ont eutendance à augmenter leurs attentes non commerciales à l’égard des NOCs. Plus les prix

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étaient hauts, plus la part de la rente que les NOCs devaient consacrer à des buts noncommerciaux (généralement sociaux) était élevée. En fait, il peut arriver que plus les prixsont élevés, moins les NOCs sont efficaces.

En outre, alors que les finances des États exportateurs, États rentiers pour la plupart,se sont dégradées ces derniers se sont tournés davantage encore vers les NOCs pourpalier aux déficits budgétaires crées par un ralentissement de la demande et une chuteconsécutive des prix du brut. Le fait que les État augmentent la pression qui pèse sur lesNOCs notamment en augmentant le rôle de leurs missions sociales les empêche d’exploiterleur potentiel de manière maximale.

Cet effondrement des prix en 2008 a « expulsé les NOCs de leur zone de confort »97

en rendant bancale l’hypothèse, peut être un peu trop rapidement validée, selon laquelleles NOCs pouvaient se passer des IOCs. Ces deux dernières années ont exposé, defaçon significative, les faiblesses des NOCs, démontrant à quel point leur croissance et leurévolution pouvaient devenir incertaines et hypothétique.

Les NOCs et leurs États ont donc vu les limites du nationalisme des ressources et ontdésormais l’opportunité de s’acheminer vers des politiques plus favorables aux IOCs. LesEtats détenteurs de ressources doivent comprendre que les gains d’efficacité obtenus autravers de coopérations avec les IOCs peuvent leur permettre de continuer à compter surles NOCs pour s’assurer de l’afflux de la rente vers leurs trésoreries nationales respectivestout en permettant à leurs NOCs de se développer et de s’internationaliser de manière plusefficace. Dans un certain nombre de pays, ces coopérations entre NOCs et IOCs pourraientégalement soutenir les politiques naissantes de diversification des économies nationalesafin de moins dépendre de l’exportation de matériaux bruts.

IOCs et NOCs ont donc à ce jour beaucoup de raisons de coopérer et les IOCsdevraient, de leur côté, continuer à essayer de développer des stratégies créatives,ouvertes, diplomates, proactives et plutôt flexibles vis-à-vis des risques de toutes sortes.

Ce type de stratégies implique que les IOCs analysent les besoins des différentesNOCs afin d’y répondre. Pour coopérer avec les NOCs, les IOCs doivent leur prouverqu’elles ont quelque chose à leur apporter au-delà de la découverte et la productiond’hydrocarbures. Elles doivent démontrer qu’elles ont encore un rôle à jouer pour aider lesEtats détenteurs de ressources à exploiter au mieux les ressources dont ils sont dotés.La taille et la complexité croissantes des futurs projets de développements de champspétroliers et gaziers garantissent avec quasi-certitude que les IOCs vont continuer à jouerun rôle majeur dans l’assouvissement des besoins mondiaux en énergie.

Ces besoins en énergie, continuellement croissants, justifieront des dépenses pour lelancement de nouveaux projets qui pourraient atteindre 400 milliards de dollars entre 2008et 201598. Une bonne partie de ces investissements devrait servir pour ce qu’on appellecommunément les « méga-projets », c'est-à-dire les projets nécessitant des investissementssupérieurs à 5 milliards de dollars chacun. Ce genre de projets complexes, gourmands encapital et plutôt risqué continuera d’assurer des opportunités aux IOCs qui proposent dessolutions intégrées offertes par un partenaire unique, un partenaire qui est à même de tirerprofit du potentiel existant pour créer de la valeur au-delà de la simple production.

97 DELOITTE LLP. Fueling the world of tomorrow. IOCs and NOCs at a turning point. Deloitte Center for Energy Solutions. 200998 JESSEN Rob. Ernest and Young. What is Next for International Oil Companies[en ligne] Houston, Texas. 2008.

[page consultée le 5 juillet 2010] <http://www.ey.com/Publication/vwLUAssets/What_is_next_for_international_oil_companies/$File/Industry_Oil_and_Gas_What_next_for_IOCs.pdf>

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2. Demeurer compétitif est primordialPour ce faire, il est primordial que les IOCs demeurent compétitives surtout sur un marchéde l’énergie qui a vu arriver de nouveaux acteurs ces dernières années. D’une part, nousavons vu que certaines NOCs rivalisent de plus en plus avec les IOCs en termes detaille et d’envergure, qu’elles exercent une influence certaine sur leur partenaires actuelset potentiels. Certaines d’entre elles font même directement concurrence aux IOCs pouraccéder aux réserves présentes sur les marchés étrangers. D’autre part, les compagniesde service ont désormais une portée globale et la capacité de fournir aux NOCs descompétences techniques approfondies ainsi que des capacités de conduite de projet réelles.

Mais si les NOCs ont considérablement développé leur expertise technique et amélioréleur accès au capital ces dernières années et si elles peuvent désormais compter sur descompagnies de service pour avoir accès à la technologie de pointe, il n’en demeure pasmoins qu’elles ont toujours intérêt à compter sur leurs IOCs partenaires qui apportent descompétences techniques complémentaires ainsi que du savoir-faire et de la technologieaux partenariats qu’elles concluent et plus particulièrement lorsqu’il s’agit de projets àgrande échelle qui nécessitent des investissements conséquents et qui sont techniquementcomplexes.

L’élément différentiateur sur lesquels les IOCs doivent miser aujourd’hui est avant toutleur capacité à intégrer des offres à aspects multiples pour satisfaire les besoins uniqueset individuels de leurs NOCs partenaires. Les IOCs doivent en effet adopter une approchesur-mesure, individualisée et intégrée, ce qui leur permettra d’offrir des avantages que nepeuvent pas proposer les acteurs verticaux concurrents, telles les compagnies de service.

Par exemple, les IOCs ont des compétences hors pair en ce qui concerne lamaximisation de la valeur des réserves pendant tout la durée de vie d’un champ. Despremières étapes de planification et d’exécution du projet jusqu’à la gestion des opérations,les IOCs ont la capacité de déployer des nouvelles technologies qui prolongent la phase deproduction bien au-delà des prévisions initiales. Ce type d’approche intégrée conduit à unehausse de l’offre d’énergie sur les marchés ainsi qu’à une augmentation des recettes pourles pays hôtes. Quand on compare cette approche à celle qui consisterait pour les NOCs àtravailler avec plusieurs firmes verticales, la valeur ajouter des IOCs devient plus claire.

Clairement, les IOCs doivent changer leur état d’esprit en ce qui concerne leursrelations avec les NOCs. Traditionnellement, ces relations étaient avant tout des relationsd’utilité : les NOCs avaient besoin d’aide pour développer leurs réserves, les IOCs voulaientl’accès à ces réserves.

Aujourd’hui, un certain nombre d’implications économiques, politiques et socialessont devenues inhérentes aux pourparlers entre NOCs et IOCs. Effectivement, lesgouvernements des États hôtes ne se contentent plus de négocier des accords purementcommerciaux, même ceux qui sont extrêmement avantageux pour eux. Ils considèrent eneffet de plus en plus les ressources nationales de leur pays comme un outil de financementdes réformes sociales, comme un moyen d’encourager le développement de l’économienatioale ou encore comme un outil de financement pour améliorer les infrastructures et créerde l’emploi.

De ce fait, les IOCs qui aiguiseront leur capacité à écouter attentivement aux attentesuniques de chaque gouvernement quand au rôle que celui-ci veut attribuer à ses ressources

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naturelles gagneront la réputation d’être un partenaire de choix99. Comprendre les coutumeslocales et les désires de l’État hôte quant à son avenir constitue désormais un atoutinestimable et essentiel pour proposer aux Etats des contrats qui répondent à leurs attentesen termes de partenariat. En outre, les IOCs qui se montrent capables et désireusesde développer et de former une main d’œuvre locale que ce soit au travers de projetsd’éducation ou de formation, accroitront leurs chances de retenir l’attention de NOCsrecherchant des partenaires sur le long terme.

Cela implique néanmoins que les IOCs ne négligent pas le développement de leurspropres effectifs. Pour maintenir leur avantage sur les compagnies de services, entre autres,il est impérative que les IOCs renforcent leurs capacités managériales, scientifiques etd’ingénierie ce qui implique aujourd’hui d’employer et de former un nouvelle générationd’employés100. En effet, on a beaucoup écrit sur les lacunes des IOCs en terme de maind’œuvre et d’effectifs (talent gap) et c’est toujours un point sensible pour celles-ci quidemeurent très vulnérables compétitivement parlant dans ce domaine.

La faculté des IOCs à planifier et à mener à bien des projets complexes, de grandeséchelles a toujours été un avantage compétitifs pour elles. Mais le monde des managers dequalité est assez restreint et les IOCs qui s’attacheront à développer la prochaine générationde managers talentueux seront nettement privilégiées dans les partenariats futurs101.

Aucune compagnie pétrolière internationale souhaitant conserver un avantagecompétitif dans les prochaines années ne doit négliger l’importance du développement et durenouvellement de son capital humain. Le recrutement, la formation et la capacité des IOCsà garder ses meilleurs employés devra être une des préoccupations majeures de chaquecompagnie pétrolière internationale.

En un mot, les IOCs doivent désormais s’attacher à démontrer et communiquer sur lefait qu’elles souhaitent établir des partenariats de longue durée avec les NOCs et qu’elles ontune culture organisationnelles basée principalement sur l’écoute et le respect des attentes,notamment sociales et économiques des gouvernements hôtes. Elles doivent en outreréaliser qu’investir et développer la main d’œuvre locale et soutenir les économies despays dans lesquels elles opèrent est nécessaire et que leur abilité à le faire constitue unautre avantage compétitif que ne peuvent offrir les compagnies de service généralement detaille inférieure. Les IOCs doivent également apprendre à proposer des solutions adaptéesaux besoins de chaque pays hôte. La capacité d’adaptation des IOCs est primordiale pourassurer les futurs partenariats avec les NOCs.

Le déplacement du pouvoir des IOCs vers les NOCs et réel et ses implications peuventêtre alarmantes pour les IOCs en termes de perspectives. Mais celles qui sont prêtes às’adapter au changement de la donne, et qui s’adaptent rapidement et avec succès, serontà même de maintenir leur compétitivité et assureront leur pérennité et leur viabilité pour lesdécennies à venir.

99 BROGAN Andy. Ernst and Young. Partnerships in the Oil and Gas Sector. New Models, New agendas.[en ligne] Moscou.2008.[page consultée le 5 juillet 2010] <http://www.ey.com/Publication/vwLUAssets/Partnership_in_the_oil_and_gas_sector_-_New_models_new_agendas/$FILE/Industry_Oil_and_Gas_Partnership_in_Oil_Gas_sector.pdf>

100 Ibidem101 Ibidem

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B- Gérer l’incertitude liée aux contrats : vers des contrats plusstables ?

Malgré les multiples renégociations forcées de contrats ainsi que les changements législatifset fiscaux motivés par les prix hauts du pétrole et la seconde vague de nationalismedes ressources du début du 21ème siècle, la stabilité contractuelle demeure un élémentprimordial des relations entre l’État hôte et les compagnies étrangères d’une part et pour lesentreprises étrangères pour lesquelles cette stabilité est gage de rentabilité et de pérennitépuisqu’elle les encourage à continuer à investir et donc à renouveler leurs réserves. Denombreux cadres dirigeants des grands groupes pétroliers se sont d’ailleurs exprimés àce sujet. En effet, en 2007, J. van den Veer, le PDG du groupe Shell a déclaré que « lastabilité fiscale [était] vitale afin de booster l’investissement »102. De même, D. O’Reilly,PDG du groupe Chevron avait déclaré en 2006 que les « gouvernements devraient assurerun environnement fiscal stable et sur au sein duquel les entreprises pétrolières puissentfaire des investissements sur le long terme »103.

1. Quelles leçons tirer de la seconde vague du nationalisme des ressourcesen termes d’instabilité contractuelle ?Ce que l’on peut conclure de la manière dont le cadre juridico-légal des activitésd’Exploration et de Production a traversé la première puis la seconde et actuelle vague dunationalisme des ressources, c’est qu’il n’existe pas de sécurité contractuelle absolue.

En effet, les instruments mis en place en réaction à la première vague du nationalismedes ressources, comme le renforcement des clauses de stabilité et l’introduction des clausesd’équilibres ou les traités bilatéraux d’investissements, n’ont pas été efficaces. Ils n’ont paspermis d’éviter aux compagnies pétrolières internationales de faire face à la seconde vaguedu nationalisme des ressources. Un certain nombre d’instruments avaient également étémis en place dans les stipulations contractuelles afin d’instiller plus de flexibilité dans lesrégimes fiscaux de ceux-ci, afin qu’ils puissent s’adapter aux prix du brut sans risquer deporter préjudice aux IOCs.

Quand bien même force est de constater que ces instruments mis en place entre lesannées 1970 et la fin du 20ème siècle ont échoué éviter les conflits entre IOCs et paysproducteurs, cela ne saurait nous permettre de porter un jugement final sur la capacitéde ces instruments à rendre les changements juridico-légaux découlant du nationalismedes ressources, plus acceptables pour les IOCs. En effet, on note tout de même quela grande vague de nationalisation de moyens de production ne s’est pas reproduite au21ème siècle. Peut être peut-on imputer ces bouleversements moindres à l’introductionet au développement des contrats de partage de production qui introduisent plus d’équitéentre les acteurs, ou aux contrats bilatéraux d »’investissement qui font peser la menaced’une arbitration sur les États hôtes. En tout état de cause, on ne peut nier le fait que cesmécanismes ont permis aux entreprises pétrolières internationales de moins subir les effetsdes pressions dues aux politiques et économiques propres à l’industrie pétrolière que dansles années 1970.

Les tendances qui émergent de cette seconde vague de nationalisme des ressourcessont en effet assez encourageantes. Tout d’abord on note que les litiges liés aux

102 Discours d’ouverture, International Petroleum Week. 14 février 2007103 Discours d’ouverture, World Gas Conference, 7 juin 2006.

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investissements sont nettement moins politisés. En effet, les pays d’origine des entreprisespétrolières mises en difficulté ne sont pas intervenus, que ce soit militairement oupolitiquement, contre les États ayant cherché à renégocier les termes des contrats enplace de manière coercitive. C’était d’ailleurs une des intentions des contrats bilatérauxd’investissement et du CIRDI.104

En outre, un nombre croissant de pays a accepté de participé à des procéduresd’arbitration au lieu de simplement se retirer du système international, ce qu’avait fait laLibye dans les années 1970. A ce jour, seule la Bolivie s’est retirée et on peut s’attendreà ce que la Venezuela et surtout l’Equateur ne fassent de même. Un tel retrait des traitésbilatéraux d’investissement serait la marque de la volonté d’un États de ne plus participeraux transactions économiques internationales. Un nombre croissant de litiges sont réglésdans le cadre de procédures d’arbitrations internationales ou du moins sous le menace detelles procédures. En effet, on l’a déjà vu, les litiges traités par le CIRDI constituent uneinfime partie des litiges existant entre IOCs et gouvernements hôtes, du fait de la naturemême de l’industrie pétrolière et des sommes d’investissement que celle-ci nécessite. Lapeur des États hôtes de devoir se soumettre à une procédure d’arbitration, longue, couteuseet dommageable pour leur réputation, suffit de plus en plus à les inciter à trouver une solutionamiable avec les entreprises pétrolières opérant sur leur sol. Le droit pour un investisseur,et donc dans notre cas pour une compagnie pétrolière internationale, de s’engager dansune procédure d’arbitrage, droit généralement prévu au contrat ou dans un traité, confèreà l’entreprise un poids non négligeable, destiné à contrebalancer le poids que l’États hôtepossède en tant que partie au contrat et législateur. L’accord trouvé entre les deux partiesne reflète pas toujours exactement la sentence arbitrale mais il a le mérite d’avoir éténégocié en tenant compte à la fois des intérêts commerciaux de l’investisseur et desexigences politiques de l’États hôte. La perspective d’un recours à l’arbitrage internationalou l’existence d’une sentence arbitrale ne génère pas systématiquement la complaisancetotale de l’États hôte mis en cause, potentiellement ou réellement. Mais la seule perspectivequ’un arbitrage est possible permet aux investisseurs de gagner un certain avantage àopposer aux nombreux facteurs donnant un avantage considérable aux États hôtes, commeleur double rôle de partie au contrat et de législateur.

2. Quelles perspectives pour les IOCs ?Les quelques remarques que nous venons de formuler ne permettent pas d’émettreune conclusion bassement réaliste selon laquelle, dans les relations caractérisées quasiexclusivement par le rapport de force entre les protagonistes, le droit est un simpleinstrument qui est amené à être changé ou tout simplement abandonné quand la relation depouvoir s’inverse. Elles ne permettent pas non plus d’adopter une position idéaliste selonlaquelle le pouvoir de l’un ou l’autre des protagonistes, en général celui de l’États hôte, finittoujours par s’incliner devant la vertu et la légitimité du droit.

Quand des changements importants de pouvoir et d’idéologie se produisent, lescontrats existant et les droits de propriété qu’ils accordent, sur les ressources ou sur unepartie de la production, se trouvent exposés à de fortes pressions. A ce jour, ces pressionsont plutôt tendance à déboucher sur un processus de renégociation. Les renégociations, oules négociations « de sortie » concernant la détermination d’une compensation, ont lieu sousla menace de recours légaux et les coûts, risques et conséquences que ceux-ci impliquent

104 IFI, Shihate. Towards a greater depoliticization of investment disputes: The roles of ICSID and MIGA. Foreign InvestmentLaw. 1986

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pour l’États hôte et pour l’investisseur.105Même un gouvernement tenant à renégociersouhaite généralement être vu mener ces renégociations d’une manière acceptable. Parexemple, en obtenant un consentement volontaire comme la renonciation par BP ou parShell de leur part majoritaire dans d’importants projets en Russie suite à de nombreusesaccusations de violations des normes environnementales. Les droits légaux ont tendance àré-émerger après la phase ascendante du cycle. Les litiges liés aux concessions libyennes,par exemple, avaient conduit à trois sanctions arbitrales auxquelles le gouvernement libyenavait refusé de se conformer mais les litiges avaient finalement étaient secrètement régléspar le versement d’indemnisations versées en liquide. L’investisseur a la légitimité et laformalité légale confirmée par une sanction arbitrale, le gouvernement a sa volonté des’abstenir d’adopter une approche plus conflictuelle et provocatrice. Les décisions légales,qu’il s’agisse d’un contrat, d’un traité, du droit international coutumier ou d’une sanctionarbitrale, fournissent un certain nombre de repères et de limites lorsque les renégociationsont lieu.

Une procédure légale, typiquement une procédure d’arbitrage, prend beaucoup detemps. La procédure peut prendre cinq ans ou plus. Les couts que cela représente pour lesparties peuvent très facilement atteindre une dizaine de millions de dollars. Même pour lesdemandeurs gagnants, ces procédures n’en valent pas la peine la plupart du temps. Maisde telles procédures ont des fonctions pacificatrices. Ces procédures sont pérennes et fontjurisprudence alors que les passions personnelles et politiques à l’origine des différendsne durent généralement qu’un temps. Les principaux acteurs risquent d’ailleurs fort d’avoirété évincés avant que les disputes n’atteignent la phase finale. Ces longues procéduresépuisent les parties et drainent leurs intérêts, leur énergie et leurs ressources.

Les règles légales, quelle que soit leur nature, ont un effet positif sur les litiges mais pasautant que les IOCs le souhaiterait, et certainement pas autant qu’annoncé initialement. Onpeut cependant décrire l’effet de ces règles comme apaisant les effets de la volatilité desprix à la fin des cycles économique et politique. Elles permettent de freiner l’exploitation parl’États hôte de l’impressionnant pouvoir de négociation qu’il acquiert alors. Elles fournissentune base solide qui sert de fondements aux accords suivants, quand les États souverainssont à nouveau disposés à négocier. Elles ont également tendance à « inciter les deuxparties à faire en sorte que les renégociations se déroulent de manière civilisée et nonpas qu’elles prennent la forme d’une expulsion rapide, violente et sans compensation ».106

Le cycle n’est pas neutralisé mais ses effets sont lissés, procéduralisés et retardés etaboutissent de plus en plus à des accords raisonnables.

105 SHELL, Richard. Bargaining for Advantage: Negotiation Strategies for Reasonable People. 2ème edition. New York: PenguinBooks. 2006. 320p.

106 Thomas Walde, Renegotiating acquired rights in the oil and gas industries : industry and political cycles meet the rule oflaw, Journal of world energy law and business, 55, 86 (2008)

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Conclusion

Le nationalisme des ressources est incontestablement un phénomène nuisible aux activitésde compagnies pétrolières internationales. Toutefois, l’utilisation du terme, quelque peupéjoratif, ne doit pas méprendre. Le nationalisme des ressources est avant tout l’expressiond’un droit acquis des pays détenteurs des ressources. La souveraineté permanente sur lesressources naturelles est un principe consacré par les Nations unies et par la jurisprudencequi a eu pour première conséquence de mettre un terme à des décennies de contratsque l’on peut qualifier d’abusifs. En encourageant l’introduction des contrats de partage deproduction, le principe de souveraineté permanente sur les ressources naturelles a permisde confirmer que les États détenteurs de ressources, qui sont pour la plupart des anciennescolonies, sont bel et bien propriétaires des ressources se trouvant dans leur sous-sol.

Ce qui est plus problématique c’est que ce mouvement a légitimé des comportementsopportunistes encouragés par le cycle pétro-politique et des prix élevés du brut. A chaquefin de cycle, quand les prix du pétrole atteignent des niveaux très élevés les États hôtes onteu tendance, à deux reprises, à renégocier de manière unilatérale les termes des contratsen cours. Si le droit international a consacré le principe de souveraineté permanente sur lesressources naturelles, il ne permet toujours pas aujourd’hui de résoudre les litiges que ceprincipe a engendrés de manière plus ou moins directe. Dès lors, les compagnies pétrolièresinternationales font face régulièrement à des ruptures de promesses faites par les Étatshôtes et ce malgré la multiplication des outils de protection des investissements comme lestraités bilatéraux d’investissement ou la sophistication croissante des contrats.

Outre l’instabilité contractuelle, l’actuelle vague de nationalisme des ressources aconsidérablement modifié l’environnement stratégique dans lequel évoluent les compagniespétrolières internationales notamment avec le retour des compagnies pétrolières nationales.

Pour que les activités des compagnies pétrolières internationales soit durables il estprimordial qu’elles tiennent compte de ces changements et qu’elles cherchent mieux àcomprendre les attentes et les besoins de ces nouveaux acteurs de plus en plus exigeants.Il est également crucial qu’elles comprennent que le phénomène du nationalisme desressources est un phénomène cyclique influencé par un cycle pétro-politique. Ce faisant,elles seront mieux à même d’anticiper les phases d’instabilité afin, non pas d’empêcherleurs effets mais au moins de les affaiblir.

Les opportunités pour les compagnies internationales de conclure des partenariatsavec les compagnies pétrolières nationales ne sont pas réduites à néant mais sont soumisesà la condition qu’elles comprennent l’environnement dans lequel elles évoluent, qu’ellesacceptent la place des compagnies nationales et qu’elles étudient leurs besoins afin de leurproposer des offres différenciées.

La réussite ou l’échec d’un partenariat sur le long terme ne dépendant jamaisuniquement de l’une ou l’autre partie, il est également crucial que les États hôtes prennentconscience eux aussi de la cyclicalité du phénomène. Cela leur éviterait d’une part de signerdes contrats qui leur sont foncièrement défavorables dans les périodes ou les prix du pétrolesont bas et d’autre part, cela les découragerait certainement à forcer des renégociations decontrat dans les phases hautes du cycle. Les compagnies nationales ont-elles aussi tout àgagner de mettre un terme à leurs comportements opportunistes en fin de cycle.

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Conclusion

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Tableau des sigles

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Tableau des sigles

CIRDI Centre international de règlement des différends relatifs auxinvestissements

T.B.I Traités bilatéraux d’investissementIOC International Oil Company. Compagnie pétrolière internationale.NOC National Oil Company. Compagnie pétrolière nationale.A.I.E Agence internationale de l’énergie

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Annexes

Annexe 1 : Perspectives de croissance de la demandeen pétrole et en gaz

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Annexes

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Annexe 2 : La forte volatilité des prix du pétrole

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Annexe 3 : La Résolution 1803 de l’AssembléeGénérale des Nations Unies.

Résolution 1803 (XVII) de l'Assemblée générale en date du 14 décembre 1962 :«Souveraineté permanente sur les ressources naturelles»

L'Assemblée générale ,Rappelant ses résolutions 523 (VI) du 12 janvier 1952 et 626 (VII) du 21 décembre

1952,Tenant compte de sa résolution 1314 (XIII) du 12 décembre 1958, par laquelle elle

a créé la Commission pour la souveraineté permanente sur les ressources naturelleset l'a chargée de procéder à une enquête approfondie concernant la situation du droit

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Annexes

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de souveraineté permanente sur les richesses et les ressources naturelles, élémentfondamental du droit des peuples et des nations à disposer d'eux-mêmes, et de formuler,le cas échéant, des recommandations tendant à renforcer ce droit, et a en outre décidéque, dans l'enquête approfondie relative à la question de la souveraineté permanente despeuples et des nations sur leurs richesses et leurs ressources naturelles, il serait dûmenttenu compte des droits et des devoirs des Etats, conformément au droit international, et dufait qu'il importe d'encourager la coopération internationale en matière de développementéconomique des pays en voie de développement,

Tenant compte de sa résolution 1515 (XV) du 15 décembre 1960, par laquelle elle arecommandé le respect du droit souverain de chaque Etat de disposer de ses richesses etde ses ressources naturelles,

Considérant que toute mesure prise à cette fin doit se fonder sur la reconnaissance dudroit inaliénable qu'a tout Etat de disposer librement de ses richesses et de ses ressourcesnaturelles, conformément à ses intérêts nationaux et dans le respect de l'indépendanceéconomique des Etats,

Considérant que rien dans le paragraphe 4 ci-dessous ne porte atteinte de quelquemanière que ce soit à la position d'un Etat Membre concernant tout aspect de la questiondes droits et obligations des Etats et gouvernements successeurs en ce qui concerne lesbiens acquis avant l'accession à la pleine souveraineté des pays qui étaient anciennementdes colonies,

Notant que la question de la succession d'Etats et de gouvernements est actuellementexaminée, en priorité, par la Commission du droit international,

Considérant qu'il est souhaitable de favoriser la coopération internationale en vuedu développement économique des pays en voie de développement et que les accordséconomiques et financiers entre pays développés et pays en voie de développement doiventse fonder sur les principes de l'égalité et du droit des peuples et des nations à disposerd'eux- mêmes,

Considérant que la fourniture d'une assistance économique et technique, les prêts etl'augmentation des investissements étrangers ne doivent être soumis à aucune conditionqui lèse les intérêts de l'Etat qui les reçoit,

Considérant l'utilité que présentent les échanges de données techniques etscientifiques de nature à favoriser la mise en valeur et l'utilisation de ces richesses etressources, ainsi que le rôle important que l'Organisation des Nations Unies et d'autresorganisations internationales ont à jouer à cet égard,

Attachant une importance particulière à l'encouragement du développementéconomique des pays en voie de développement et à l'affermissement de leurindépendance économique,

Notant que l'exercice et le renforcement de la souveraineté permanente des Etats surleurs richesses et ressources naturelles favorisent l'affermissement de leur indépendanceéconomique,

Souhaitant que les Nations Unies examinent plus avant la question de la souverainetépermanente sur les ressources naturelles dans un esprit de coopération internationaleen matière de développement économique, en particulier dans les pays en voie dedéveloppement,

Déclare ce qui suit :

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Le Nationalisme des Ressources : Défi Juridique et Stratégique Majeur pour les Grands GroupesPétroliers

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1. Le droit de souveraineté permanente des peuples et des nations sur leurs richesseset leurs ressources naturelles doit s'exercer dans l'intérêt du développement national et dubien-être de la population de l'Etat intéressé.

2. La prospection, la mise en valeur et la disposition de ces ressources ainsi quel'importation des capitaux étrangers nécessaires à ces fins devraient être conformesaux règles et conditions que les peuples et nations considèrent en toute liberté commenécessaires ou souhaitables pour ce qui est d'autoriser, de limiter ou d'interdire ces activités.

3. Dans les cas où une autorisation sera accordée, les capitaux importés et les revenusqui en proviennent seront régis par les termes de cette autorisation, par la loi nationaleen vigueur et par le droit international. Les bénéfices obtenus devront être répartis dansla proportion librement convenue, dans chaque cas, entre les investisseurs et l'Etat où ilsinvestissent, étant entendu qu'on veillera à ne pas restreindre, pour un motif quelconque, ledroit de souveraineté dudit Etat sur ses richesses et ses ressources naturelles.

4. La nationalisation, l'expropriation ou la réquisition devront se fonder sur des raisonsou des motifs d'utilité publique, de sécurité ou d'intérêt national, reconnus comme primantles simples intérêts particuliers ou privés, tant nationaux qu'étrangers. Dans ces cas, lepropriétaire recevra une indemnisation adéquate, conformément aux règles en vigueurdans l'Etat qui prend ces mesures dans l'exercice de sa souveraineté et en conformité dudroit international. Dans tout cas où la question de l'indemnisation donnerait lieu à unecontroverse, les voies de recours nationales de l'Etat qui prend lesdites mesures devrontêtre épuisées. Toutefois, sur accord des Etats souverains et autres parties intéressées, ledifférend devrait être soumis à l'arbitrage ou à un règlement judiciaire international.

5. L'exercice libre et profitable de la souveraineté des peuples et des nations sur leursressources naturelles doit être encouragé par le respect mutuel des Etats, fondé sur leurégalité souveraine.

6. La coopération internationale en vue du développement économique des pays envoie de développement, qu'elle prenne la forme d'investissements de capitaux, publics ouprivés, d'échanges de marchandises ou de services, d'assistance technique ou d'échangesde données scientifiques, doit favoriser le développement national indépendant de ces payset se fonder sur le respect de leur souveraineté sur leurs richesses et leurs ressourcesnaturelles.

7. La violation des droits souverains des peuples et des nations sur leurs richesseset leurs ressources naturelles va à l'encontre de l'esprit et des principes de la Charte desNations Unies et gêne le développement de la coopération internationale et le maintien dela paix.

8. Les accords relatifs aux investissements étrangers librement conclus par des Etatssouverains ou entre de tels Etats seront respectés de bonne foi; les Etats et les organisationsinternationales doivent respecter strictement et consciencieusement la souveraineté despeuples et des nations sur leurs richesses et leurs ressources naturelles, conformément àla Charte et aux principes énoncés dans la présente résolution.

Annexe 4 : Les contrats de partage de production :fonctionnement

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Annexes

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Annexe 5 : Changements fiscaux récents par région

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Annexes

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Annexe 6 : Typologie des compagnies pétrolièresnationales

Méthodologie

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Typologie :