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La valse naturelle
poèmes
A. TEMMAR
L a v a l s e n a t u r e l l e
a
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« Bannann jonn pa ka vini vèt » Les bananes jaunes ne reverdissent pas
Proverbe créole
« Les hommes dignes et imposants sont partis et les hommes décevants sont restés »
Proverbe algérien
A Nanou et à nos adorables bambins
« Ce sont dans l’ensemble de beaux poèmes, “musicaux”, riches en émotions. Vous avez bien raison de les faire éditer, ils doivent être lus »
G.MOINGEON
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Sommaire
PREMIERE PARTIE 11Silence ! Je vis 13Karukèra la martyre 15Coco à l’eau 17Chaque moun à moun 19Blanc gâché de Pointe à Pitre 23Guadeloupe 26Doux SDF 27 La valse naturelle 29 Jardin péyi 32Décembre en Guadeloupe 34Elle vient d’ailleurs 36Gazelle antillaise 38Une âme debout 41Le hamac et les deux cocotiers 43Le rasta 45Sorbet au Coco 46La danse du carnaval 47Odeur du café 48
DEUXIEME PARTIE 51Tricolore 53Al Qods 55Gaza pleure 56 Des mots doux 57 Sauce amer 59 Peu importe 61 L’orage face à l'azur 62Mon papa 64Algérie, je t’aime 66Va où tu veux 68
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Maman chérie 69Al Jazair 70Mon enfant 72L’inconnu 74Ylda, l’orpheline 76Le pari de Paris 77
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Première partie
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Silence ! Je vis
Silence ! Je flâne, je dors. Silence ! Il pleut dehors.
Silence ! J’écris, je lis, Silence ! Je chante, je vis.
Silence ! Je pars en voyage Connais-tu le message ?
Au son de l’immaculée, le moulin murât bouge, A Mango de Marie-Galante, j’apprécie la loge.
Silence ! Le papillon caresse la papaye,
Le piment chatouille le vivaneau sans écailles Du parfum à la mangue sur ses lèvres,
Avec dignité, elle salue et se lève.
De la mer turquoise, la Dominique nous salue, La place du marché et le couvent évaluent.
Du bout du bourg Saint-Louis délaissé, On aperçoit les trois sœurs enlacées.
Silence ! Pour la banane, le colibri danse, Ravive mes profonds souvenirs d’enfance
Les cives vertes de très loin respirent Dans la sauce chien, que les mamies inspirent.
Silence ! Accroché à son sourire, l’antillaise séduit La saintoise, navigue et défie les vagues et la pluie.
De toutes les couleurs, sa coiffe est belle. Silence ! Par-dessus, la belle Capesterre veille
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De la terre du haut, elle propose des sourires, Et pour un mot, elle est morte de rire.
Prestance charismatique, regard chaud et innocent Silence ! Point de mot ni geste offensant.
Au parfum de la goyave, elle débite des mots doux détendus. Et brusquement, tous ses tourments d'amour sont vendus,
Avec son regard perçant qui tue Elle touche les cœurs, puis c’est foutu.
Silence ! La sorbetière grinçante résonne au petit port.
Mes bambins, armés de patience, admirent la louche du bonheur Se lèchent les babines, scrutent la sorbetière sentant la mangue
Sourient à la mamie, qui sous peu, fera plaisir à leur langue.
Un bonjour dessiné sur ses lèvres rouges sang Et des mille mercis teintés au chocolat
Pardon ! Dit-elle, je descends là Telle la Triade de Jean d’Ormesson.
Silence ! J’apprécie et j'admire.
Silence ! La mer turquoise respire. Sur le port, le pécheur jette, le pélican guette
Oups ! Un coup de la voile gâche la fête.
Silence ! Je suis écailleur du poisson-chat et du vivaneau, Ma case en bambou, côté Baie Mahault.
Silence ! Ouassous rigole, de ma bière entamée. A l’odeur du bokit, mon ami le voyageur est affamé.
Silence ! J’admire, c’est le nectar pour la vie,
Silence ! C’est la belle île où je vis. Silence ! J’apprécie le passage des âges.
Silence ! Je respire et je voyage
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Karukèra la martyre
Carénage et Darbousier, la hantise La Pwent, est une niche de bêtises
Où le centre des arts, est une aubaine SDF, rasta et blanc gâché se dédaignent
Le corossol souffre, il est malade
On ne peut cacher longtemps la façade Boissard et Chauvel, des tas de tôle délaissés
Rues défoncées, canapés posés sur la chaussée
Pliane et Dampière, asiles maquillés La Datcha et Saint Félix, souffrants et défigurés
A Bergevin on joue au domino, on cherche la paix Saint-Claude et Gourbeyre, des bourgs rescapés
La piste à dugazon et nids de poule
Sentant des fuites sans oublier le Moule Les grands fonds sont obscurs
Les riverains se serrent la ceinture
A Baimbridge, des jeunes se préparent pour demain Harcelés, tiennent leur cartable à deux mains
Les cantines ont en plein la racine Les comptines ont changées de ligne
Les abymes, fiers de l’espace et du nombre
Les plus sages se cachent à l’ombre Les enfants jouent, plein pieds dans la boue On passe du temps dans les haltes debout
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On n’accueille plus à saint François On vend des chambres on cherche la paix pour soi
Sur ce marché n’existe aucune loi On tâtonne parfois et on croit en sa foi
Ti-case créole abandonné Ti-mal par la vitrine et le frais, rançonné
Ti-lolo, longtemps a été boudé On se lasse des anciennes idées
Pays des êtres centenaires Et parfois, des morts téméraires
Pour un regard, pour un non, on sort le fusil Et pour le « oui » aussi
La vie dit-on n’était pas comme-ci Mamie te le confirme, mais reste ici.
Karukèra ! Aux aléas du temps tu survivras Moun-péyi ! Audacieux et fier tu suivras.
La Guadeloupe est un havre et une chance La Guadeloupe c’est la tolérance et la bienveillance
On aime son pays Comme on aime la vie
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Coco à l’eau
Il y a de bons verres qu’on boit Et de beau vers qu’on écrit parfois
Il y’a des verres pour compter Et des verts pour planter.
Il y a des parfums qu’on aime et qu’on adopte
Et des parfums qu’on offre aux autres La vanille fait voyager dans le ciel
Quant à la mangue… c’est du miel !
Il y a des mamies qui offrent des beignets au sucre de canne Et des mamies qui proposent du coco ou du jus local D’autres mamies ont affreusement mal aux genoux
Ma mamie à moi est une merveilleuse nounou
Il y a des enfants studieux et sages Et des enfants qui construisent des châteaux à la plage
Il y a des enfants qui défilent au carnaval Et d’autres, arrosent allègrement le roi Vaval
Il y a des papys qu’on aime imiter
Et des papilles à éviter Il y a des guêpes et des tiques
Et des abeilles flics qui piquent
Il y’a sous le soleil, des colliers qui brillent Et même sur la mangrove des colibris
Il y’a des Saintoise qui naviguent loin du bourg Et des Saintoise qui font de très bons tourments d’amour
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En Guadeloupe, Il y a du coco à l’eau Et des coucous sur l’eau.
Boire l’eau de coco dans un verre blanc Le plaisir du blanc de coco est grand
Dans les grands fonds, grimper le cocotier à un long cou
Un bras, une machette et un bon coup A Gosier face à la mer, on boit sans paille de l’eau de coco
On racle la crème de coco avec des ustensiles locaux
Il y’a du sorbet, punch, flan et doucelette au coco Et une multitude de jus locaux
Mes préférés, sorbet au coco, pomme cannelle et corossol J’aime ce pays de la faune et le parasol.
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Chaque moun à moun
A la Pwent, rue Abel Libany On guette saint Vincent de Paul le généreux Sous le soleil, la misère n’est point bannie
Les sans-abris, le marchand des légumes et les écoliers heureux
Peuple naïf, dévoué et généreux Se bat à Bergevin, le miraculeux
Conscient de sa richesse, la mer l’a sauvé Mal-en-dure est très enviée
Un aperçu des damnés de la terre
Frantz Fanon en était brillamment expert Quand Paul Butel relate le commerce et les affaires
Raphaël Confiant de l’ile sœur conte les misères
Chaque moun à moun ! Bokit à la morue, maquereau et bébélé Acras salés, chichis et ailes de poulets Jus local sur la voie et industrie sucrée
La Chlordécone est devenu sacrée
Ma foi en toi est juste La loi pour lui est lutte
On salue les «monblots» On marche à morne à l'eau
Ce que doit la patrie, de droit
Le respect pour une fois Le décalage des lois !
Quelle différence entre toi et moi ?
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La rue de mon bourg est une piste Où la machette allonge la liste
La victoire nuit et jour sent la « coc » Le Gosier mime le luxe, il perd la côte
Mon trésor, mon bijou, Ki-bitin ! Mon doudou
Abandonnes-tu ton Ti lolo ? Pour le cadi et la clim tu te sers en lot.
Tu signes la défaite de la darse
Même l’administration a perdu la face A la Pwent, fortuitement la police se loge
Les pompiers et les administrateurs se délogent
Chaque moun à moun ! La Riviera, la martyre Où l’on sert à flot de l’élixir Mais à Jarry et à la falaise
Sur la civière on fait un malaise
Les hommes ont faim, ils se serrent les viscères Les démunis campent aux lisières
Celui qui tombe reste derrière Ici la misère fait rire les émissaires
Chaque moun à moun! Sous la pluie, dans la poussière ou la boue
A la rue des banques et Grand-baie, elle est debout Elle regarde le paquebot blanc qui fait le plein de bout en bout
Elle feint le bruit des limousines et des deux-roues
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Le fast-food est une règle, Les téméraires sans le sou dérogent à la règle.
Dans les files, la cellulite a honte. A la riviera, elle résiste elle met des bottes,
Le soir, les plus fines jouent aux « roleurs »
Short et défilé tout en bonheur. Les enfants en groupe au carnaval
Chantent allègrement derrière le roi Vaval
Chaque moun à moun ! Les vendeuses déguisées se haïssent Pistaches grillées et les chichis frémissent
Les nouveaux corbeaux se cachent De peur que les renards les enlacent
Elle déteste la rue des banques
Mais, la mangue lui manque L’Abricot pays dit-elle est rare ! Elle s’initie au goût dans les bars
Ma colère, ma tristesse profondément enfouies
Tout autour de moi m’ennuie Fertile est ma terre et j’aime la mer
Mais, tout ce qui vient de l’hexagone est cher
Les mamies survivent terre à terre Des femmes dignes comme décrites par Mark Halter Des hommes, de challenge en challenge, se lancent
Des enfants heureux d’avoir tous les jours des vacances
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Chaque moun à moun ! Des épices en vrac Oka criew ! Des racines dans les bacs
Eh moun-la ! Ecouté mwen ! Manger le fruit local Aretew de consommer la bouffe banale
A Bergevin, le blanc gâché se met au vert Son copain SDF, les cheveux en l’air
Au marché, des étalages en alertes Les mamies depuis l’aube restent inertes
Ma route s’arrête aux trois chemins près de la croix Où le religieux se prend pour un maillon du droit
A l’Eglise les filles s’habillent en madras et sentent la vanille Cette terre est une liane à la vie
Des enfants habiles en détresse Mon île regrette sa sécheresse
Rivière des bravoures Oud-el-houp mon amour !