La lettre du Cabinet - Grall

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La lettre du Cabinet DÉCEMBRE 2010 [email protected] - www.mgavocats.fr Grall & Associés AVOCATS Membre d’Antitrust Alliance, réseau européen d’avocats en droit de la concurrence Allemagne, Angleterre, Autriche, Belgique, Espagne, Estonie, Grèce, Hongrie, Italie, Lettonie, Lituanie, Pays-Bas, Portugal, République Tchèque, Suède, Suisse Selarl d’Avocats au barreau de Paris au capital de 125.770 euros 156 boulevard Haussmann n 75008 Paris n Tél +33 (0).1.53.57.31.70 n Fax +33 (0).1.47.20.90.40 Sommaire 3 FLASH CONCURRENCE N° 1 Le Tribunal de commerce de Lille sanctionne Castorama pour déséquilibre manifeste : premier jugement faisant suite aux neuf assignations de l’automne dernier ! Jean-Christophe Grall 7 FLASH CONCURRENCE N° 2 Entente entre sociétés d’un même groupe : l’Autorité de la concurrence condamne deux filiales d’un groupe de matériel médical pour avoir soumissionné séparément aux mêmes procédures d’appel d’offres Jean-Christophe Grall et Béatrice Velle-Limonaire 9 FLASH CONCURRENCE N° 3 Réforme des accords verticaux : Point sur le deuxième projet de règlement et de lignes directrices de la Commission Européenne Jean-Christophe Grall et Nathalia Kouchnir-Cargill 13 FLASH CONCURRENCE N° 4 Ventes liées et pratiques commerciales déloyales en France : les suites de l’arrêt de la CJCE du 23 avril 2009 L’arrêt du 26 novembre 2009 « UFC Que Choisir c/ Darty » Jean-Christophe Grall et Eléonore Camilleri 17 FLASH CONCURRENCE N° 5 Visites et saisies en droit de la concurrence : La protection au titre du Legal Privilege Une question fondamentale aujourd’hui !!! Jean-Christophe Grall et Mathilde Lefèvre 21 FLASH CONCURRENCE N° 6 La Question Prioritaire de Constitutionnalité ! Une vraie réforme ! Le Conseil constitutionnel devient juge de la loi ! Jean-Christophe Grall, Mathilde Lefèvre et Marine Grall 23 FLASH CONCURRENCE N° 7 Une actualité estivale chargée en matière d’interdictions des ventes liées Jean-Christophe Grall et Eléonore Camilleri 27 FLASH CONCURRENCE N° 8 Loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche (LMAP) du 27 juillet 2010 Contractualisation obligatoire : Présentation et incertitudes ! Jean-Christophe Grall et Sarah Darmon Numéro Spécial consacré aux Flash Concurrence publiés en 2010 Membre d’Antitrust Alliance … /…

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La lettre du CabinetD É C E M B R E 2 0 1 0

[email protected] - www.mgavocats.frGrall & Associés

AVOCATS

Membre d’Antitrust Alliance, réseau européen d’avocats en droit de la concurrenceAllemagne, Angleterre, Autriche, Belgique, Espagne, Estonie, Grèce, Hongrie, Italie, Lettonie, Lituanie, Pays-Bas, Portugal, République Tchèque, Suède, Suisse

Selarl d’Avocats au barreau de Paris au capital de 125.770 euros156 boulevard Haussmann n 75008 Paris n Tél +33 (0).1.53.57.31.70 n Fax +33 (0).1.47.20.90.40

S o m m a i r e

3 FLASH CONCURRENCE N° 1Le Tribunal de commerce de Lille sanctionneCastorama pour déséquilibre manifeste :premier jugement faisant suite aux neufassignations de l’automne dernier !Jean-Christophe Grall

7 FLASH CONCURRENCE N° 2Entente entre sociétés d’un même groupe:l’Autorité de la concurrence condamne deuxfiliales d’un groupe de matériel médical pouravoir soumissionné séparément aux mêmesprocédures d’appel d’offresJean-Christophe Grall et Béatrice Velle-Limonaire

9 FLASH CONCURRENCE N° 3Réforme des accords verticaux :Point sur le deuxième projet de règlement etde lignes directrices de la CommissionEuropéenneJean-Christophe Grall et Nathalia Kouchnir-Cargill

13 FLASH CONCURRENCE N° 4Ventes liées et pratiques commercialesdéloyales en France : les suites de l’arrêt de laCJCE du 23 avril 2009L’arrêt du 26 novembre 2009 « UFC QueChoisir c/ Darty »Jean-Christophe Grall et Eléonore Camilleri

17 FLASH CONCURRENCE N° 5Visites et saisies en droit de la concurrence :

La protection au titre du Legal Privilege

Une question fondamentale aujourd’hui !!!Jean-Christophe Grall et Mathilde Lefèvre

21 FLASH CONCURRENCE N° 6La Question Prioritaire de Constitutionnalité !

Une vraie réforme !

Le Conseil constitutionnel devient juge de la loi !Jean-Christophe Grall, Mathilde Lefèvreet Marine Grall

23 FLASH CONCURRENCE N° 7Une actualité estivale chargée en matièred’interdictions des ventes liéesJean-Christophe Grall et Eléonore Camilleri

27 FLASH CONCURRENCE N° 8Loi de modernisation de l’agriculture et de lapêche (LMAP) du 27 juillet 2010

Contractualisation obligatoire : Présentation etincertitudes !Jean-Christophe Grall et Sarah Darmon

Numéro Spécial consacré aux Flash Concurrencepubliés en 2010

Membre d’Antitrust Alliance

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DÉCEMBRE 2010 MG Avocats — Grall & Associés n www.mgavocats.fr n [email protected]

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35 FLASH CONCURRENCE N° 9

L’affaire « Chattawak » : l’avenir de lacommission - affiliation en jeu

Nathalia Kouchnir-Cargill

39 FLASH CONCURRENCE N° 10

Des sanctions clarifiées et plus dissuasivesen matière de pratiques anticoncurrentielles:Le rapport Folz-Raysseguier-Schaub

Jean-Christophe Grall et Peggy Tourret

43 FLASH CONCURRENCE N° 11Stratégie d'exclusion sur les marchés desrécupérateurs automatiques de déchets : leTribunal de l’Union européenne confirme ladécision de la Commission dans l’affaire Tomra

Jean-Christophe Grall et Philippe Jouvet

45 FLASH CONCURRENCE N° 12

« La collusion et la corruption dans la passationdes marchés publics » : l’OCDE met en ligneles actes de la table ronde : Plus de contrôle etplus de sévérité en perspective !

Jean-Christophe Grall et Nicolas Bodin

47 FLASH CONCURRENCE N° 13 L’analyse des effets anticoncurrentiels dansune pratique de « hub and spoke »Jean-Christophe Grall et Philippe Jouvet

49 FLASH CONCURRENCE N° 14 La remise en question par la Cour d’appel deParis de la méthode de saisie globale desmessageries électroniques employée parl’Autorité de la concurrence dans le cadre desopérations de visites et saisies.Jean-Christophe Grall et Peggy Tourret

53 FLASH CONCURRENCE N° 15 Nouvelle décision de la CJUE en matière depromotion des ventes : Arrêt du 9 novembre2010 dans l’affaire C-540/08 MediaprintZeitungs - und Zeitschriftenverlag GmbH & Co.Kg contre «Österreich» - Zeitungsverlag GmbH

Une interdiction générale des ventes avecprime est contraire à la directive du 25 mai2005 sur les pratiques commercialesdéloyales !Jean-Christophe Grall et Eléonore Camilleri

56 Quelques informations

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MG Avocats — Grall & Associés n www.mgavocats.fr n [email protected] JANVIER 2010 3

On se souvient que Hervé Novelli, Secrétaired’Etat au commerce et à la consommation, avaitclairement indiqué au mois d’octobre 2009 que laloi de modernisation de l’économie devait êtreappliquée et qu’elle le serait, dénonçant à cetteoccasion un certain nombre de clauses fréquem-ment insérées dans les contrats d’enseigne natio-nale proposés par la grande distribution, qu’ellesoit alimentaire ou spécialisée, au titre des négo-ciations 2009.

Ces clauses se retrouvent d’ailleurs dans lescontrats d’enseigne 2010.

Les assignations n’avaient pas traîné …

Et, effectivement, dès le début novembre 2009,une rafale de neuf assignations a marqué le pay-sage de la grande distribution française, avec l’as-signation des enseignes suivantes : Carrefour,Auchan, Système U, Casino, Le-clerc, Cora,Intermarché, Castorama et Darty.

Le premier jugement vient d’être rendu, le 6 jan-vier, moins de deux mois après l’assignation déli-vrée à Castorama le 12 novembre dernier.

La procédure retenue est une procédure d’ur-gence, à bref délai, avec autorisation à cette fin duPrésident du Tribunal de commerce de Lille, detelle sorte que la connaissance de ce jugementpuisse avoir lieu avant que les plans d’affaires2010 ne soient signés (c'est-à-dire avant fin février2010). Le message est fort ; il est lisible et clair !

Le Ministre de l’économie demandait au Tribunal de:

n « Dire et juger que l'obligation, à la charge dufournisseur, de verser à chaque fin de moisà Castorama France des acomptes de ris-tournes et remises, crée un déséquilibresignificatif dans les droits et les obligationsdes parties au profit de Castorama ;

n « Dire et juger que le fait d’imposer unemodalité de paiement par virement crée undéséquilibre significatif dans les droits etobligations des parties au dé-triment dufournisseur ;

n « Dire et juger qu’en continuant à faire payerdes acomptes, alors même que leurs mon-tants ne correspondent plus aux obligationsauxquelles le fournisseur s’est engagé,Castorama impose à son profit des obliga-tions créant un déséquilibre significatifdans les droits et obligations des parties ;

n « Dire et juger que les pratiques incriminé-nées sont fautives au sens de l’articleL.442-6-I-2° du Code de commerce ;

n « Enjoindre à Castorama de cesser les pra-tiques dénoncées ;

n « Condamner Castorama au paiement d’uneamende civile de 2.000.000 €».

Que répond le Tribunal de commerce de Lille ?

1°) S’agissant du versement d’acomptes men-suels au titre du paiement de ristournesannuelles ou convenues au titre de l’année2009 :

Il s’avère que Castorama a imposé à ses fournis-seurs en 2009 le paiement d’acomptes mensuels,payables en fin de mois, au titre des ristournesconvenues (le Tribunal utilise les termes de«remises différées», mais il faut entendre par«remises différées » les ristournes de fin d’année ou(RFA) qui doivent être versées au début de l’année« n + 1 » et en l’espèce, s’agissant de l’année 2009et donc du chiffre d’affaires réalisé par les fournis-seurs avec Castorama en 2009, au cours du premiertrimestre de l’année 2010).

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AVOCATS

FLASH CONCURRENCE N° 1Le Tribunal de commerce de Lille sanctionne Castorama pourdéséquilibre manifeste : premier jugement faisant suite aux neufassignations de l’automne dernier !Par Jean-Christophe Grall

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Nous savons tous, en tant que praticiens des rela-tions industrie/commerce de longue date, que lepaiement d’une rémunération annuelle qui devraitintervenir au début de l’année suivante peut don-ner lieu à versements par voie d’acomptes.

Jusqu’au 31 décembre 2008, force était effective-ment de reconnaître que la rémunération de lacoopération commerciale, puis des services dis-tincts, donnait lieu au versement d’acomptes men-suels déterminés sur la base du chiffre d’affairesréalisé au cours de l’année « n -1 » ou du chiffred’affaires prévisionnel de l’année « n ».

Il est évident que la rémunération de la coopé-ration commerciale et des anciens services dis-tincts ayant fortement chuté en 2009 et ce, auprofit d’une montée en puissance des conditionsparticulières de vente exprimées sous forme deristournes de fin d’année, les modalités de paie-ment connues pour la rémunération de ces ser-vices ont été naturellement reprises pour leversement de ristournes, compte tenu du carac-tère éminemment inflationniste des CPV.

Le Ministre de l’économie critique les modalités depaiement de ces RFA au regard des délais depaiement pratiqués par Castorama pour payer sesfournisseurs, qui révèlent un écart de deux à troismois défavorable aux fournisseurs et ce, alorsmême que Castorama étant une grande surfacede bricolage, elle bénéficie d’un accord déroga-toire lui permettant de ne pas appliquer les nou-veaux délais de paiement issus de la loi demodernisation de l’économie (cf. accord sur le bri-colage : décret du 29 avril 2009).

Cette asymétrie de conditions de paiement estmise en avant par le Tribunal.

Le Tribunal, suivant en cela l’administration,dénonce, en outre, par un violent coup de griffe(cf. page 18 du jugement) ce transfert de la rému-nération de prestations de services vers les réduc-tions de prix différées, et ainsi le caractèreinflationniste des CPV constaté en 2009 :

« Attendu que les volumes financiers impor-tants de ces acomptes dans la mesure où cesremises différées représentent un pourcentageélevé des chiffres d’affaires réalisés (entre 5 %et 35 % de l’échantillon retenu) ; queCastorama a recherché et obtenu en 2009 uneaugmentation sensible du poids des margesarrière, notamment en intégrant des facturesde prestations de services, contrairement àl’objectif de la LME ; que la société admet avoirmené volontairement une telle politique : "demanière générale, nous négocions principale-ment des réductions de prix différées" ».

Le Tribunal de commerce de Lille a jugé que :

« […] cette pratique d’acomptes mensuels setraduit inévitablement par une dégradation dufond de roulement des fournisseurs ; qu’elleinduit pour eux des besoins de trésorerie

accrus et génère des coûts financiers supplé-mentaires.

Que cette charge est indéniable ; que les simu-lations et calculs financiers développés parCastorama qui tendraient à démontrer la réa-lité ou l’absence d’impact financier ne sont paspertinents, outre le rapport au chiffre d’affaireset non au volume des ristournes, les méthodesde calcul par différence entre 2008 et 2009 oupar comparai-son avec un paiement réci-proque des factures et des ristournes étantsérieusement critiquables ; que ces calculs nesont plus probants et ne peuvent être rete-nus ».

Les juge lillois considèrent, en outre, que le tauxdes pénalités de retard fixé à un taux journalier de1%, certes avec un plafond de 10 %, est exorbi-tant et qu’il peut être qualifié d’usuraire et ce, desurcroît, du fait que le règlement de ces pénalitésintervient par compensation, en les déduisantdirectement des règlements en cours aux fournis-seurs.

Les magistrats lillois précisent d’ailleurs qu’unetelle compensation est contestable !

Or, cette clause de compensation est prévue dansla quasi-totalité des contrats d’enseigne.

S’agissant toujours de ce « système de pénali-té», le Tribunal de commerce de Lille insiste sur lefait qu’il a été imposé sans concertation aux four-nisseurs, contribuant ainsi à renforcer leur dépen-dance en mettant à leur charge le poids de laréclamation, aggravant dès lors le déséquilibre dela relation en défaveur des fournisseurs.

Les juges lillois sont d’autant plus sévères quelors de la discussion de l’accord sur les délais depaiement dans le domaine du bricolage, leConseil de la concurrence, à l’époque, avaitinsisté sur la différence de traitement inaccep-table des débiteurs selon qu’il s’agissait d’un dis-tributeur ou d’un industriel, avec unedifférenciation entre le règlement du prix des pro-duits aux fournisseurs et le règlement dessommes dues aux distributeurs, s’agissant toutparticulièrement des prestations de services quibénéficiaient d’un délai de règlement plus courtque celui applicable aux achats de produits effec-tués par les distributeurs auprès de leurs fournis-seurs (cf. avis de l’Autorité de la concurrence du20 février 2009).

Or, le Tribunal de commerce de Lille insiste sur lefait que ce raisonnement doit s’appliquer en ce quiconcerne les modalités de paiement des RFA,citant à cet égard l’avis n° 09-12 de la CEPC.

Le Tribunal conclut dès lors que la pratiqueconsistant à exiger le versement d’acomptes men-suels, mis en place par Castorama en 2009, estabusive et qu’une telle pratique crée un déséquili-bre significatif dans les droits et obligations des

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parties en faveur de Castorama, tel que prévu parl’article L.442-6-I-2° du Code de commerce.

2°) S’agissant de l’obligation de paiement parvirement :

On peut être à cet égard quelque peu surpris de ladénonciation de ces modalités de paiement et deleur condamnation par le Tribunal de commercede Lille, tant le paiement par virement estaujourd’hui inscrit dans les modalités habituellesde paiement des créances commerciales.

Cependant, ce n’est pas tant l’utilisation du vire-ment bancaire qui est, selon le Tribunal « unmoyen de paiement pratique, sûr et éco-nomique » qui est contesté par l’administration,dans un premier temps, puis condamné par leTribunal, dans un second temps, que l’impositiondu virement au titre du règlement des acomptesde ristournes annuelles par Castorama à ses four-nisseurs.

Un tel choix n’a effectivement pas été négociéentre Castorama et ses fournisseurs.

Le Tribunal de commerce de Lille s’étonne, enoutre, que la compensation, cette fois deman-déepar certains fournisseurs au titre du paiement deces acomptes avec le règlement du prix de leursproduits, n’ait pas été acceptée par Castoramaalors même que la compensation était de droit,selon Castorama, entre le règlement des facturesdes fournisseurs et le versement des pénalitéspour retard de paiement des acomptes mensuelsde ristourne.

Le Tribunal affirme très clairement que le choix dumoyen de paiement doit rester une liberté écono-mique négociable et que le Code monétaire etfinancier dans son article 111-8, qui définit lesexclusions en matière de moyens de paiement, neprévoit pas une telle restriction et qu’en dernierlieu, il est plus normal que le choix du moyen depaiement revienne à l’émetteur du paiement. Lemode de paiement par virement n’est donc pasconstitutif en tant que tel, d’un déséquilibre mani-feste mais vient renforcer, nous dit le Tribunal decommerce de Lille, ce déséquilibre.

3°) S’agissant de l’absence de clause de modifi-cation des acomptes en cours de contrat :

Ce que reproche le Tribunal de commerce de Lillepeut apparaître parfaitement légitime au regard dela rationalité économique.

En effet, dès lors que le chiffre d’affaires envisagépar les parties n’est pas au rendez-vous et quepour telle ou telle raison, le fournisseur et le distri-buteur s’aperçoivent que le chiffre d’affaires esti-matif envisagé au cours de l’année (en l’espèce2009) ne va pas être réalisé, il apparaitrait logiqueque soit prévue contractuellement la possibilité dediminuer le montant des acomptes dont l’assiettede calcul est justement constituée par le chiffred’affaires prévisionnel.

Or, et de toute évidence, tel n’était pas le cas,selon ce qu’écrivent les magistrats lillois.

« Mais attendu qu’elle (Castorama) n’a pasprévu dans les contrats commerciaux avec lesfournisseurs de clause de modification encours de contrat au cas où le volume d’affairesavec le fournisseur viendrait à baisser demanière significative ; qu’elle reconnait cetteomission et convient que le contrat pourrait uti-lement être complété sur ce point ; que cetteabsence peut se traduite par une surestimationanormale des montants des acomptes récla-més par Castorama qui pour sa part ne prendaucun engagement de volume d’achats ; queces acomptes ne correspondraient pas alors àun chiffre d’affaires effectif ; que la créance neserait pas dès lors certaine, liquide et exigible ;que la régularisation en fin d’année serait tar-dive ; qu’il en résulterait un préjudicie sérieuxpour le fournisseur.

Attendu qu’en cas d’évolution négative d’acti-vité, la charge de la réclamation incombe aufournisseur, qu’elle le met ainsi en situation dedépendance vis-à-vis de Castorama ».

Le Tribunal conclut dès lors que cette absence declause de révision contribue à accroître le dés-équilibre significatif entre les droits et obligationsdes parties au contrat Castorama.

* * *

Au vu de ces constatations, le Tribunal de com-merce de Lille a donc fait droit aux demandes for-mulées par le Ministre de l’économie de cessationdes pratiques qu’il avait dénoncées dans son assi-gnation, dans des termes particulièrement forts,qu’il conviendra de retenir dans le cadre desnégociations 2010, lors de la rédaction par les dis-tributeurs de leur contrats d’enseigne et lors de lasignature de ces derniers par les fournisseurs.

Le Tribunal considère, là aussi, de manière extrê-mement lisible, que les clauses dénoncées ci-avant sont abusives !

Le Tribunal a réduit le montant de l’amende civiledemandée par le Ministre de l’économie, qui s’éle-vait à 2.000.000 €, en tenant compte du fait que lasociété Castorama avait fait preuve de loyauté aucours de l’enquête diligentée par la DGCCRF etqu’elle avait également fait preuve de compréhen-sion et d’une relative souplesse lors des difficultésrencontrées en 2009 avec certains fournisseurs,permettant ainsi de considérer que Castoramaavait fait preuve de bonne foi et qu’un message luiest adressé par le Tribunal à savoir « qu’elle a lapossibilité de corriger ses pratiques dès 2010 ».

Le montant de l’amende a donc été fixé à300.000€ au titre de l’amende civile.

Un simple rappel : contrairement à ce qu’indiquele Tribunal qui précise que l’article L.442 6 III pré-voit la possibilité d’une amende civile maximale de2.000.000 €, la loi de modernisation de l’économie

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a précisé, tout en maintenant le principe d’uneamende de 2.000.000 €, que le juge pouvait por-ter celle-ci au triple des sommes indûment ver-sées par le fournisseur.

* * *

En conclusion, ce premier jugement rendu par leTribunal de commerce de Lille démontre lavolonté du gouvernement et de son administra-tion de faire appliquer dans toute sa rigueur, maisaussi dans tout son esprit, la loi de modernisationde l’économie du 4 août 2008.

Dans son jugement, le Tribunal de commerce deLille, à la condition de bien lire ce jugement et delire parfois entre les lignes, a souhaité diffuser unmessage d’une grande clarté quant à l’apprécia-tion que les magistrats consulaires porteront surles contrats d’enseigne nationale que les prati-ciens des relations industrie/commerce connais-sent bien.

Une attention extrême doit être portée à ce juge-ment par les rédacteurs de ces contrats, car c’estfinalement la responsabilité de l’enseigne, dugroupement de distribution, de la centrale d’achat,de la centrale de référencement, etc., qui est en

cause : tous les contrats, parmi les plus connusnaturellement, de la distribution française ont étévus et «audités » par les services de la DGCCRFet plus particulièrement par la brigade LME miseen place par Christine Lagarde et Luc Chatel aumois de juin 2009.

Attention également aux sanctions qui pourrontêtre prononcées au titre de l’amende civile. Lamarge de manœuvre dont dispose les tribunauxde commerce est grande désormais dans la déter-mination, l’arbitrage pour reprendre le terme pré-cis figurant dans le jugement du Tribunal decommerce de Lille, du quantum de cette amende.

Ne doutons pas que ce jugement fera l’objet d’unappel et qu’il ne s’agit donc pas d’un jugementdéfinitif.

On peut observer à cet égard que l’exécution pro-visoire de ce jugement n’était pas demandée parle Ministre de l’économie et qu’elle n’a donc pasété prononcée par le Tribunal de commerce deLille.

Attendons à présent les huit autres jugements, quine sauraient tarder.

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Par une décision du 26 janvier 2010, l’Autorité dela concurrence est venue sanctionner sévèrementles pratiques de deux sociétés, fournisseurs detables d’opération médicales, qui s’étaient enten-dues à l’occasion de plusieurs procédures d’appeld’offres. La configuration était particulière puisqueles deux sociétés en question (ALM et Maquet)étaient en fait les filiales d’un même groupe (legroupe suédois Getinge). Dans sa décision, l’au-torité française est venue rappeler que, si en prin-cipe deux sociétés d’un même groupe peuventsoumissionner séparément aux mêmes procé-dures d’appel d’offres, tel n’est pas le cas lorsque,comme en l’espèce, il s’avère que les deux entre-prises ont rédigé leurs réponses en totale concer-tation et que, par conséquent, elles ne se sont pascomportées de façon indépendante. [Décisionn°10-D-04 du 26 janvier 2010 relative à des pra-tiques mises en œuvre dans le secteur des tablesd’opération]

Le groupe suédois Getinge est l’un des premiersfournisseurs mondiaux d’appareils médicaux. Enl’espace de quelques mois (novembre 2000 – jan-vier 2001), le groupe a racheté la société alle-mande Maquet, leader mondial sur le marché destables d’opération, puis la société française ALMqui est leader sur le marché français. Le ministrede l’économie n’avait autorisé le rachat d’ALMqu’à la condition que l’activité « tables d’opéra-tion » de l’entreprise française soit revendue parGetinge dans un délai d’un an à un acquéreurindépendant agréé par le ministre1. Durant cettepériode de transition, le groupe suédois était par

ailleurs tenu, au titre de ses engagements, demaintenir l’autonomie commerciale et l’indépen-dance de l’activité tables d’opération d’ALM.

C’est dans ce contexte un peu particulier, qu’en2002, les sociétés Maquet et ALM ont décidé derépondre individuellement à une soixantaine deprocédures d’appel d’offres lancées par des éta-blissements hospitaliers français pour l’équipe-ment de leurs blocs opératoires.

L’enquête réalisée par la DGCCRF a révélé queles sociétés Maquet et ALM avaient effectivementsoumissionné de façon séparée aux différentsappels d’offres (demandes et dépôts de dossiersdistincts, papiers entête différents, signatures desréponses différentes, etc.). Cependant, il est éga-lement apparu que l’autonomie des deux filialesétait en réalité fictive. En effet, les services com-merciaux de Maquet et d’ALM ont été fusionnésaprès l’opération de rachat, dès lors toutes lesréponses aux appels d’offre ont été rédigées parle même commercial et leurs montants ont étéfixés par le même dirigeant.

Au vu de ces circonstances, l’Autorité de laconcurrence en a conclu que les sociétés Maquetet ALM « s’étaient entendues, en 2002, pour pré-senter des soumissions séparées, mais fictive-ment indépendantes, par recours à diversprocédés simulant l’autonomie des offres et desentreprises. Ces pratiques ont faussé le jeu de laconcurrence sur le marché des tables d’opération,en donnant aux acheteurs publics une apprécia-tion erronée de l’état de cette concurrence ».L’effet des pratiques est incontestable étant donnéqu’à l’époque des faits, Maquet et ALM détenaient85% du marché en cause. L’entente ayant été

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AVOCATS

FLASH CONCURRENCE N° 2Entente entre sociétés d’un même groupe : l’Autorité de laconcurrence condamne deux filiales d’un groupe de matériel médicalpour avoir soumissionné séparément aux mêmes procéduresd’appel d’offres.Par Jean-Christophe Grall et Béatrice Velle-Limonaire

(1) Lettre du ministre de l’économie du 22 juin 2001 relative à uneconcentration dans le secteur de la fabrication de matériel médicalet chirurgical. ECOC0100377Y

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caractérisée, chacune des entreprises a étécondamnée à 750 000 euros d’amende2.

Cette décision de l’Autorité de la concurrences’inscrit dans une pratique jurisprudentielle désor-mais bien établie puisque le cas de figure qui esttraité dans cette affaire est devenu une probléma-tique récurrente du droit de la concurrence. Lessolutions dégagées au fil des années par l’auto-rité française ont parfaitement été résumées dansla décision « Air Liquide » du Conseil de la concur-rence3 qui est devenue la décision de référence enla matière. Les enseignements de l’affaire « AirLiquide » ont intégralement été repris dans ladécision Maquet/ALM :

1. La prohibition des ententes anticoncurren-tielles n’est pas applicable aux accords passésentre des sociétés appartenant à un mêmegroupe, dès lors que celles-ci ne disposent pasd’une réelle autonomie sur le marché. En l’ab-sence d’autonomie commerciale et financière,ces sociétés forment en effet une unité écono-mique au sein de laquelle les décisions etaccords ne peuvent relever du droit desententes4. Ainsi, le Conseil de la concurrencea-t-il eu l’occasion de considérer que la qualifi-cation d’entente ne peut être retenue à l’en-contre d’une société mère et de ses filialeslorsque ces dernières ne jouissent d’aucuneindépendance économique vis-à-vis de la pre-mière :

« Mais les sociétés Rossimoda et MarcJacob’s International sont des filiales dugroupe LVMH (détenues respectivement àhauteur de 97 et 100 % du capital). Or, aucunélément de l’instruction, ni aucune pièce ver-sée par les parties ne permettent d’établirque les sociétés Rossimoda et Marc Jacob’sInternational aient disposé d’une autonomiesuffisante par rapport au groupe LVMH, leurpermettant d’être en mesure de définir leurpropre stratégie commerciale, financière ettechnique, et de s’affranchir du contrôle hié-rarchique du groupe. Dès lors, il n’existe pasd’entente entre ces sociétés»5.

2. Cependant, s’agissant précisément du com-portement que doivent adopter les entreprisesappartenant à un même groupe lors de procé-dures de mises en concurrence, trois principesdoivent être appliqués :

il est possible pour des entreprises ayantentre elles des liens juridiques ou financiers,mais disposant d’une autonomie commer-ciale, de présenter des offres distinctes etconcurrentes, à la condition de ne pas seconcerter avant le dépôt de ces offres ;

il est possible pour des entreprises ayantentre elles des liens juridiques ou financiers,mais disposant d’une autonomie commer-ciale, de renoncer à cette autonomiecommerciale à l’occasion de mises enconcurrence et de se concerter pour déciderquelle sera l’entreprise qui déposera uneoffre, ou de se concerter pour établir cetteoffre, à la condition de ne déposer qu’uneseule offre ;

en revanche, il n’est pas envisageable pourde telles entreprises de déposer plusieursoffres, manifestant ainsi leur autonomiecommerciale, dès lors que ces offres ont étéétablies de façon concertée, ou après queles entreprises ont communiqué entre elles,car ces offres ne sont plus indépendantes.En effet, les présenter comme telles trompele responsable du marché sur la nature, laportée, l’étendue ou l’intensité de la concur-rence. Cette pratique doit, en conséquence,être considérée comme ayant un objet ou,potentiellement, un effet anticoncurrentiel.

Enfin, un dernier principe est rappelé dans cetteaffaire en réponse à un argument plaidé par lasociété Maquet, à savoir que les centres hospita-liers qui avaient lancé les appels d’offres en causeétaient parfaitement informés que ces deux socié-tés appartenaient au même groupe ; la sociétéMaquet en déduit alors que la condamnation pourentente est impossible puisque les acheteurspublics étaient informés des conditions réelles deconcurrence. L’Autorité rejette cet argument, enrappelant que la Cour d’appel de Paris considèreque le défaut de vigilance de l’acheteur public oule fait qu’il ait connu les liens juridiques unissantles sociétés concernées ne peut pas légitimer despratiques anticoncurrentielles « dès lors que detels liens n’impliquent pas nécessairement laconcertation ou l’échange d’informations »6. Deplus, si l’acheteur public avait su et toléré de telsliens, « sa compromission ne serait pas de natureà rendre régulière une pratique manifestementillicite »7.

Voilà qui possède le mérite de la clarté !

(6) CA Paris, 18 novembre 2003, « Signaux Laporte »(7) CA Paris, 4 juillet 1994 « SCREG Est »

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(2) L’amende infligée à chacune des sociétés est limitée parl’application de la procédure simplifiée de l’article L. 463-3 du codede commerce qui prévoit une sanction maximale de 750 000 euros.

(3) Décision n° 03-D-01 du 14 janvier 2003 relative au comportementdes sociétés du groupe L’Air Liquide dans le secteur des gazmédicaux.

(4) voir notamment CJCE - 24 octobre 1996, Viho/Commission,C-73/95 P, Rec. p. I-5457, point 51.

(5) Décision du Conseil de la concurrence n° 05-D-06 du 23 février2005 relative à une saisine de la société Studio 26 à l’encontre dessociétés Rossimoda, Marc Jacob’s International, LVMH FashionGroup et LVMH Fashion Group France.

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AVOCATS

FLASH CONCURRENCE N° 3Réforme des accords verticaux :Point sur le deuxième projet de règlement et de lignes directrices dela Commission Européenne.Par Jean-Christophe Grall et Nathalia Kouchnir-Cargill

Le 31 mai 2010, soit à l’expiration du règlement CEn° 2790/1999, entrera en vigueur le nouveau règle-ment communautaire sur les restrictions verticales,accompagné des traditionnelles lignes directricesde la Commission destinées à aider les entreprisesà procéder à l’auto-évaluation de leurs accords.

Le 28 juillet 2009, la Commission Européenne avaitpublié ses projets de règlement et de lignes direc-trices en les soumettant à consultation publiquejusqu’au 28 septembre 2009.

Dans notre « Flash Concurrence n°9 » du mois deseptembre 2009, nous avions commenté ces pro-jets en en exposant les principales innovations.

Depuis lors, la Commission Européenne a établiune deuxième version de ses projets de règlementet de lignes directrices dont voici les principalesnouveautés :

Sur le double seuil de part de marché !

Pour mémoire, l’article 3 du premier projet de règle-ment prévoyait :

« L’exemption prévue à l’article 2 s’applique àcondition que la part de marché détenue parchacune des entreprises, parties à l’accord, nedépasse pas 30 % de tout marché en causeaffecté par l’accord. »

Par cet ajout, la Commission Européenne, souhai-tant prendre en considération l’augmentationconstante de la puissance d’achat, notamment dansla grande distribution, avait instauré un double seuilde part de marché, se proposant ainsi de n’octroyerle bénéfice de l’exemption catégorielle qu’auxaccords conclus entre un fournisseur et un acheteurou distributeur dont les parts de marché respectivesne dépassaient pas 30 %.

Beaucoup d’opérateurs économiques s’étaientalors inquiétés de la difficulté de pouvoir évaluer lapart de marché du distributeur, étant très délicatpour un fournisseur non seulement de cerner lemarché sur lequel le distributeur est présent (notam-ment géographique), mais également d’en connaî-tre la part de marché exacte, ceci étant sourced’insécurité juridique.

La Commission Européenne a modifié son projet derèglement sur ce point en précisant désormais quele marché à prendre en compte pour le fournisseurreste celui sur lequel il vend les produits et servicescontractuels, mais que le marché pertinent à pren-dre en compte pour l’acheteur est celui sur lequel ilachète les biens ou services contractuels.

En d’autres termes, la part de marché de l’acheteurou du distributeur ne s’appréhendera pas au regarddu marché sur lequel il revend les biens et servicescontractuels mais sur le marché sur lequel il lesachète, c’est-à-dire le marché de l’approvisionne-ment.

Dès lors, il sera nécessaire que chacune des entre-prises ne dépasse pas 30 % de part de marché surles marchés susvisés pour bénéficier de l’exemptionpar catégorie et éviter les affres du bilan concurren-tiel.

La définition du marché de l’approvisionnementrisque cependant de soulever d’importantes difficul-tés, les critères de sa détermination s’avérant déli-cats à appréhender, que ce soit pour le marché desproduits ou services concernés ou pour le marchégéographique.

Jusqu’à présent, la part de marché de l’acheteurn’était prise en compte que dans les accords dits de« fourniture exclusive », c’est-à-dire ceux imposantaux fournisseurs de ne vendre qu’à un acheteur àl’intérieur de la communauté.

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L’article 3.2 du Règlement CE n° 2790/1999 préci-sait qu’il s’agissait du marché sur lequel l’acheteurachète les biens ou les services contractuels.

Les lignes directrices précisaient, quant à elles, que« la part de marché de l’acheteur correspond à sapart de tous les achats sur le marché des achats encause » (point 92).

Les lignes directrices renvoyaient alors à la décisionbien connue de la Commission Européenne du3 février 1999 dans l’affaire Rewe/Meinl1.

Dans cette décision concernant une opération deconcentration sur le marché du commerce de détailde l’alimentation, la Commission était venue préci-ser que les marchés de l’approvisionnement « com-prennent la vente de biens de consommationcourante par les producteurs à des clients tels queles grossistes, les détaillants ou d’autres entre-prises », pour en déduire notamment que la délimi-tation du marché de l’acheteur se fait généralementdu point de vue de l’autre partie en présence sur lemarché, à savoir le fournisseur/producteur.

En d’autres termes, l’évaluation de la part de mar-ché du fournisseur et de celle du distributeur se ferasur le même marché pertinent, comme le préci-saient d’ailleurs les points 91 et 92 des actuelleslignes directrices du 13 octobre 2000 évoquant, autravers d’un schéma qui a disparu aujourd’hui dunouveau projet, l’existence d’un même marché« A », marché sur lequel interviennent les fournis-seurs et les distributeurs et se distinguant du mar-ché aval de la distribution sur lequel les entreprisessont en contact avec les consommateurs finals.

Il n’en demeure pas moins, ainsi que la Commissionl’indique elle-même dans sa décisionCarrefour/Promodès du 25 janvier 20002, que lesparts de marché détenues par l’acheteur sur le mar-ché de l’approvisionnement sont particulièrementdélicates à évaluer puisqu’il s’agit de calculer la partde marché que représente l’acheteur dans tous lesachats sur un marché en cause, ce qui reste difficileà apprécier (voir schéma ci-dessous).

Il est à noter cependant, qu’en ce qui concerne lemarché géographique, la Commission confirme, aupoint 89 de son dernier projet de lignes directrices,que le marché de gros est généralement plus largeque celui du commerce de détail et que le plus sou-vent, le marché sera de dimension nationale, voireplus large encore, ce qui est plutôt positif dans lecadre de l’auto-évaluation des accords de distribu-tion.

La distribution sur Internet !

Nous avions souligné dans notre « FlashConcurrence » de septembre 2009 que les ajoutsde la Commission Européenne, relatifs au com-merce sur Internet, se retrouvaient dans son projetde lignes directrices, le projet de règlement ne don-nant aucune précision sur ce point.

La Commission n’a pas changé cette approche,mais a apporté des précisions par quelques petitestouches intéressantes.

Voici les principales modifications :

- La Commission considère toujours la vente surInternet comme un moyen de vente passivemais ajoute que cela reste le cas lorsque leclient choisit d’être tenu automatiquementinformé par le distributeur de ses nouveautés etpromotions (newsletters, mails d’information,sortie de nouveaux produits, etc.).

- S’il est interdit de permettre à un distributeurexclusif d’empêcher des clients situés hors deson territoire d’avoir accès à son site Internetou de les rerouter vers les sites Internet d’au-tres distributeurs exclusifs ou du fournisseur, laCommission précise qu’il n’est pas illicite d’in-sérer malgré tout des liens vers les sitesInternet d’autres distributeurs ou du fournis-seur.

- Autre précision importante : la Commissionindique qu’un fournisseur peut exiger de sesdistributeurs qu’ils disposent d’un ou plusieurspoints de vente physiques ou salles d’exposi-tion (là où le précédent projet ne prévoyait lapossibilité d’exiger qu’un seul point de ventephysique).

- Enfin, si la Commission persiste à refuser qu’undistributeur puisse payer un prix plus élevépour des produits destinés à être vendus parInternet que pour des produits destinés à êtrerevendus autrement, elle ajoute que certainespratiques de « dual pricing » peuvent être légi-timées si les prix plus élevés demandés au dis-tributeur pour les produits vendus sur Internetse justifient par le fait qu’il assure moins de ser-vices auprès de la clientèle, d’installation et deconseil notamment, et si de ce fait, le nombrede plaintes ou de demandes de garantie aufournisseur risque d’augmenter (cette justifica-tion reste à notre sens quelque peu alambi-quée alors qu’une différenciation tarifaire peut

(1) Décision 1999/674/CE de la Commission du 3 février 1999 dansl’affaire n° IV/M 1221 (JOL 274 du 23.10.1999, page 1).

(2) Décision COMP/M 1684.

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se justifier plus largement dans le cadre deconditions catégorielles de vente).

Sur les prix minima imposés !

Bien que les prix minima imposés demeurent tou-jours fermement interdits, nous avions précédem-ment relevé l’ouverture importante qu’avait opéréela Commission dans l’intransigeance de son raison-nement en admettant que les prix de vente imposéspourraient ne pas avoir pour seul effet de restreindrela concurrence et pourraient ainsi entraîner desgains d’efficience.

Dans son précédent projet, la Commission envisa-geait notamment l’utilité de prix de vente imposéslors du lancement par un fabricant d’une nouvellemarque ou de son entrée sur un nouveau marché.

La Commission admet désormais cette utilité pourle lancement de nouveaux produits.

Il s’agit là d’un nouvel assouplissement qui revêtune importance certaine. Ceci dit, il reste à détermi-ner la durée de ladite phase de lancement durantlaquelle un prix de vente imposé pourra êtreexempté.

Par ailleurs, si la Commission supprime la référenceà l’utilisation d’une marque particulière comme pro-duit d’appel comme justification possible d’un prixde vente imposé, elle précise désormais plus géné-ralement que la marge assurée au distributeur parles prix de revente minimum imposés peut leur per-

mettre d’assurer des services additionnels préala-bles à la vente, notamment dans le cas de produitscomplexes ou de technologie avancée.

Ainsi, la Commission admet pouvoir, le cas échéant,être convaincue, démonstration à l’appui, que l’ap-plication de prix de vente minimum imposés pourraitéviter les actions parasitaires de certains distribu-teurs qui ne fournissent pas les services susvisésalors que ces services sont bénéfiques pour lesconsommateurs.

Enfin, il est à noter qu’en ce qui concerne les prix devente maxima, la Commission les estime légitimeslorsqu’ils permettent d’éviter la pratique dite de la« double marge », en prenant le soin de préciserdésormais que cela peut notamment permettre àune marque de concurrencer plus efficacement cer-taines autres marques, notamment les produits ven-dus sous marque de distributeurs, commercialiséspar les distributeurs en concurrence avec leurs pro-pres fournisseurs.

Là encore, la Commission entend appréhender cer-taines réalités des pratiques de la grande distribu-tion.

Tels sont les derniers contours de la réforme quis’annonce, étant ici précisé que les entreprises dontles contrats sont en cours au 31 mai 2010 aurontjusqu’au 31 mai 2011 pour se mettre en conformitéavec le nouveau règlement.

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AVOCATS

FLASH CONCURRENCE N° 4Ventes liées et pratiques commerciales déloyales en France :les suites de l’arrêt de la CJCE du 23 avril 2009L’arrêt du 26 novembre 2009 « UFC Que Choisir c/ Darty »Par Jean-Christophe Grall et Eléonore Camilleri

L’arrêt1 du 23 avril 2009 de la Cour de justice descommunautés européennes (CJCE) n’a pas finide faire des vagues en droit national des promo-tions des ventes et, en particulier, des ventesliées, jumelées ou subordonnées2.

Rappelons que dans cette affaire, la CJCE a jugécontraire à la directive n° 2005/29/CE du 11 mai2005 relative aux pratiques commercialesdéloyales, la règlementation nationale belge quiprohibe par principe toutes « offres conjointes ».La raison en est que, selon la CJCE, ladite direc-tive, qui procède à une « harmonisation com-plète » de la matière, contient une annexe Iétablissant une liste exhaustive de 31 pratiquescommerciales qui sont réputées déloyales entoutes circonstances et qui constituent les seulespratiques commerciales qui peuvent être considé-rées comme interdites sans faire l’objet d’une éva-luation au cas par cas au titre des dispositions desarticles 5 à 9 de la même directive, lesquels énon-cent les critères permettant de déterminer si unepratique présente un caractère déloyal ou non3.[Cf. Flash concurrence MG Avocats n°2 du moisd’avril 2009 et son actualisation du mois de juin2009]

Or, à l’instar de la loi belge, le Code français de laconsommation prohibe de façon générale lesoffres conjointes, son article L.122-1 disposant eneffet que :

« Il est interdit de refuser à un consommateurla vente d'un produit ou la prestation d'un ser-

vice, sauf motif légitime, et de subordonner lavente d'un produit à l'achat d'une quantitéimposée ou à l'achat concomitant d'un autreproduit ou d'un autre service ainsi que desubordonner la prestation d'un service à celled'un autre service ou à l'achat d'un produit ».

Se posait, dès lors, la question de la conformité audroit communautaire de cette disposition interdi-sant les ventes liées en tant que telles, mais éga-lement de certaines autres règlementationsfrançaises prohibant de façon générale telle outelle pratique promotionnelle, dans la mesure où ilrésulte de l’arrêt du 23 avril 2009 de la CJCE quetoute pratique pouvant être qualifiée de « pratiquecommerciale » au sens de la directive du 11 mai2005 ne peut être interdite per se que si elle estexpressément visée dans l’annexe I de laditedirective.

Les juridictions nationales n’ont pas tardé à seprononcer sur la question de l’interdiction desventes liées, à commencer par la Cour d’appel deParis dans l’affaire dite « Orange Sport », quiopposait France Telecom et sa filiale Orange àFree et SFR, lesquels reprochaient à l'opérateurhistorique de contraindre les personnes dési-reuses de profiter de la chaîne Orange Sport àcontracter un abonnement « Triple play », ce quiaurait constitué une violation de l’article L.122-1précité et, partant, un acte de concurrencedéloyale.

Dans son arrêt du 14 mai 2009, la Cour d’appel deParis, après avoir cité l’arrêt de la CJCE etobservé que l'offre subordonnée ne figurait pasparmi les pratiques énumérées à l'annexe I de ladirective du 11 mai 2005, a considéré que l'articleL.122-1 du Code de la consommation, qui pose unprincipe d’interdiction des ventes subordonnées,se heurtait au régime institué par la directive. La

(1) Aff. C-261/07 et C-299-07, VTM-VAB NV c/ Total Belgium NV etGalatea BVBA c/ Sanoma Magazines Belgium NV.

(2) Dans le présent article, nous parlerons indiffé-remment de ventesjumelées, subordonnées ou liées.

(3) Rappelons que cette directive a été transposée en droit françaisaux articles L.120-1 et suivants du Code de la consommation.

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Cour a, en conséquence, estimé qu’il lui revenaitd’en écarter l’application et d'évaluer le caractèredéloyal des offres subordonnées compte tenu descirconstances de l'espèce et au regard des cri-tères posés aux articles 5 à 9 de la directive.

Le 26 novembre dernier, la Cour d’appel de Parisa eu, à nouveau, l’occasion de se prononcer surl’applicabilité de l’article L.122-1 précité, dans uneaffaire opposant l’UFC Que Choisir à la sociétéDarty et relative, cette fois, à la vente d’ordina-teurs avec des logiciels (et en particulier du sys-tème d’exploitation Windows XP) préinstallés.[Sur cette même question mais en matière d’anti-trust, voir les célèbres procès actuellement pen-dants entre le géant Microsoft et la CommissionEuropéenne]

Cette décision intervient à la suite de l’assignationdevant le Tribunal de Grande Instance de Paris,par l’UFC Que Choisir, de la société Darty afin quecette dernière soit enjointe :

- de cesser de vendre des ordinateurs avecdes logiciels préinstallés, sans offrir à l’ac-quéreur la possibilité de renoncer à ceslogiciels, moyennant déduction du prix cor-respondant à leur licence d’utilisation, sur lefondement de l’article L.122-1 du Code de laconsommation interdisant les ventes liées etde l’article L.121-1 du même code sur les pra-tiques commerciales trompeuses ;

- d’indiquer le prix des logiciels préinstallésqu’elle expose à la vente, conformément àl’article 7 de l’arrêté du 3 décembre 1987 rela-tif à l’information du consommateur sur lesprix, qui prévoit que « Les produits vendus parlots doivent comporter un écriteau mention-nant le prix et la composition du lot ainsi quele prix de chaque produit composant le lot ».

Le Tribunal de Grande Instance de Paris avaitconsidéré, dans un jugement du 24 juin 2008, queDarty avait bien pratiqué des « ventes liées » ausens de l’article L.122-1 du Code de la consom-mation, en vendant des ordinateurs préalable-ment équipés du système d'exploitation deMicrosoft, Windows XP, ainsi que d'autres logi-ciels. Toutefois, le Tribunal avait considéré quecette pratique était justifiée par un motif légitime, àsavoir en l’occurrence l’intérêt des consomma-teurs, lesquels préfèreraient en grande majoritéun ordinateur pré-équipés à un ordinateur « nu ».

Le Tribunal en avait conclu que la société Darty necontrevenait pas aux dispositions de l’articleL.122-1 précité en vendant des ordinateurs pré-équipés, mais qu’elle avait, en revanche, l’obliga-tion de mentionner le prix de chaque produitcomposant le lot, conformément à l’article 7 del’arrêté du 3 décembre 1987 relatif à l’informationdu consommateur sur les prix.

La Cour d'appel de Paris réaffirme que Darty n'estpas tenu de vendre des ordinateurs « nus », c'est-à-dire non pré-installés, mais ce, sans se fonder,

contrairement au Tribunal, sur le motif légitime –en l’occurrence l’intérêt des consommateurs –pouvant justifier la vente liée.

En effet, la Cour, qui reprend exactement le mêmeraisonnement que dans son arrêt du 14 mai 2009,écarte purement et simplement l’application desdispositions de l’article L.122-1 du Code de laconsommation au motif qu’elles seraient non-conformes au droit communautaire et, en particu-lier, à la directive du 11 mai 2005 relative auxpratiques commerciales déloyales. La Cour entre-prend ensuite de déterminer si, en l’occurrence, lavente liée pratiquée par Darty constitue ou nonune pratique commerciale déloyale au sens deladite directive. C’est ainsi qu’au terme d’une ana-lyse très motivée, la Cour estime que cette pra-tique n’est pas déloyale.

Sans grande surprise, cet arrêt confirme donc laposition que la Cour d’appel de Paris avait d’oreset déjà dégagée dans l’affaire « Orange Foot » enmai dernier, s’agissant de l’article L.122-1 duCode de la consommation.

Le véritable apport de l’affaire « UFC Que Choisir/ Darty » concerne en réalité l’application de l’arti-cle 7 de l’arrêté du 3 décembre 1987 relatif à l'in-formation du consommateur sur les prix, qui poseune obligation d’afficher de façon distincte le prixde chaque produit composant le lot, soit en l’es-pèce de l’ordinateur « nu », d’une part, et dechaque logiciel pré-installé, d’autre part.

A cet égard, la société Darty avait soulevé, entreautres, l’incompatibilité des dispositions de l’arti-cle 7 dudit arrêté avec la directive du 11 mai 2005sur les pratiques commerciales déloyales.

Toutefois, la Cour d’appel de Paris se garde biende s’aventurer sur ce terrain, en relevant l’impos-sibilité pour Darty de connaître et donc de fournirles prix respectifs de l’ordinateur « nu » et de cha-cun des logiciels du fait « de la structure de l'offredes fabricants » et du secret des affaires.

La Cour en conclut : « qu’ainsi, Darty ne peut sansprendre le risque de délivrer une informationinexacte, indiquer le prix des logiciels » et qu’enconséquence, les demandes de l’UFC QueChoisir présentées sur le fondement de l’arrêté du3 décembre 1987 ne peuvent être accueillies,« sans qu’il soit nécessaire de s’interroger sur lacompatibilité de l’article 7 de l’arrêté avec lanorme communautaire ».

Ce "tour de passe-passe" met en évidence lasituation inconfortable dans laquelle se trouventaujourd’hui les juridictions françaises, lesquellessont ainsi appelées, suite à l’arrêt de la CJCE du23 avril 2009 et compte tenu de l’absence d’uneréforme consécutive du droit français de la promo-tion des ventes – contrairement à l’évolution, cor-rélative à l’arrêt de la CJCE, de la législation belge– à se prononcer sur la conformité de certainesdispositions françaises en vigueur à la directivecommunautaire du 11 mai 2005.

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Une telle situation pourrait être à l’origine d’unecertaine insécurité juridique pour les opérateurséconomiques – et en particulier les organisateursd’opérations promotionnelles – dès lors que lesdifférentes juridictions amenées à se prononcerpourraient adopter des positions différentes ou, àtout le moins, non parfaitement homogènes.

A cet égard, on peut relever que si le Tribunal deGrande Instance de Bobigny a suivi, le 15 mai2009, dans une affaire opposant l’UFC QueChoisir à la société Auchan France, un raisonne-ment similaire à celui de la Cour d’appel de Parisen refusant d’appliquer l’article L.122-1 du Codede la consommation4, le Tribunal de GrandeInstance de Nanterre s’en est, quant-à-lui, démar-qué dans un jugement du 30 octobre 2009.

En effet, dans cette affaire opposant l'UFC QueChoisir à la société Hewlett Packard Frances’agissant là encore de la vente liée d’ordinateurset de logiciels, le Tribunal de Grande Instance deNanterre opte pour une démarche différente decelle de la Cour d’appel de Paris en décidant d’ap-pliquer l’article L.122-1 précité mais interprété à lalumière de la directive du 11 mai 2005 :

« L’article L.122-1 ne sera pas déclaré radica-lement inapplicable comme clairementcontraire au droit communautaire : il seraconsidéré comme pouvant être soumis àl’épreuve du principe d’appréciation conformedu fait de son ambivalence, la notion de motiflégitime appréciable au cas par cas étant suffi-samment fluide pour permettre de sanctionnerau regard des critères posés aux articles 5 à 9de la directive en cause, une offre conjointedéloyale »5.

Le Tribunal de Grande Instance de Nanterren'adopte donc pas la position de la Cour d'appelde Paris et suit un raisonnement tout compte faitassez classique, en appliquant l'article L.122-1 duCode de la consommation pour finalementconclure qu'il s'agit d'un cas d'« exemption »prévu expressément par ledit article, estimant quela vente liée est, en l’occurrence, réalisée dansl'intérêt du consommateur.

Afin d’éviter une certaine « cacophonie » entre lesdifférentes juridictions, une clarification législativedu droit de la promotion des ventes en Franceserait la bienvenue en termes de sécurité juridiqueque peuvent attendre légitimement les entre-prises.

(4) S’agissant encore de la vente d’ordinateurs vendus avec deslogiciels pré-installés, le Tribu-nal a, par un jugement en date du 15mai 2009, débouté l’UFC Que Choisir au motif que sa « demandeformulée en raison de la violation de l’article L.122-1 du Code de laconsommation ne saurait aboutir en raison du caractère con-trairedes dispositions édictées par ce texte au regard de la directive2005/49 » (TGI de Bobi-gny, 15 mai 2009, UFC Que Choisirc/ Auchan France). (5) TGI de Nanterre, 30 octobre 2009, UFC Que Choisir c/ HP France.

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AVOCATS

FLASH CONCURRENCE N° 5Visites et saisies en droit de la concurrence :La protection au titre du Legal Privilege Une question fondamentale aujourd’hui !!!Par Jean-Christophe Grall et Mathilde Lefèvre

Le 29 avril 2010, l’avocat général Julianne Kokott a fait connaître ses conclusions dansl’affaire Akzo Nobel devant la Cour de justice de l’Union européenne, en s’opposant àl’extension de la pro-tection du “ Legal Privilege ” aux documents et opinions émanant dejuristes d’entreprise inscrits à un Barreau national.

Un mouvement de contestation s’accroit à l’en-contre des saisies informatiques massives et indif-férenciées des enquêteurs des autorités deconcurrence françaises comprenant pour partiedes documents bénéficiant du Legal Privilege ;dans ce contexte, quelles sont les règles applica-bles à la protection de ces documents ?

Le Legal Privilege est une protection accordée àcertains types de documents échangés entre unclient et son avocat qui, à ce titre, bénéficient de laconfidentialité liée au secret des affaires. Cetteprotection a pour conséquence et ce, tant enmatière fiscale que pénale ou bien entendu dansle cadre d’une enquête diligentée et conduite parles autorités de concurrence, une impossibilitépour les enquêteurs de saisir ces pièces et pourles autorités ou juridictions de se fonder sur cesdocuments en vue de démontrer l’existence d’uneinfraction ; ce point est fondamental ! Le principedu Legal Privilege est visé par l’article 28 duRèglement Communautaire n°1/2003 du 16décembre 2002. S’agissant du droit interne, ceprincipe est rappelé indirectement par l’articleL.450-4 du Code de commerce visant l’article 56du Code de procédure pénale.

S’il faut, en premier lieu, identifier la nature desdocuments qui peuvent être protégés par le LegalPrivilege, il convient également de revenir sur laprocédure de saisie informatique de ces docu-ments, en second lieu.

I) Les documents susceptibles d’être protégés parle Legal Privilege :

Les pouvoirs des enquêteurs intervenant dans lecadre de visites et saisies en droit de la concur-rence sont très larges ! Ils permettent de saisir unemultitude de documents en lien avec l’objet del’enquête, exclusivement circonscrit par l’ordon-nance du Juge des libertés et de la détention(JLD) autorisant les visites et saisies ou par laCommission européenne en matière Commu-nautaire.

L’une des limites à la saisie des documents en lienavec l’objet de l’enquête, tient à la protection de laconfidentialité des communications échangéesentre une entreprise et son avocat externe.

La jurisprudence française et communautaire a pupréciser les documents pouvant bénéficier à cetégard du Legal Privilege.

l La protection des communications interve-nant entre une entreprise et un avocat indé-pendant :

S’il est clair que les communications doivent avoirété échangées entre un avocat et son client, l’in-terprétation de la notion d’ « avocat » a suscité desdébats houleux, très polémiques et demeureaujourd’hui un sujet d’actualité dans l’attente del’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne(CJUE) dans l’affaire Akzo-Nobel1.

(1) Décision Akzo Nobel Chemicals du Tribunal de Première Instancedes Communautés Européennes (TPI) du 17 septembre 2007, aff.jointes T-125/03 et T-253/03.

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En l’état de la jurisprudence actuelle, les commu-nications protégées par le Legal Privilege doiventémaner d’un avocat externe et indépendant sanslien salarial avec l’entreprise cliente.

En France, un juriste ne peut être simultanémentsalarié d’une entreprise et exercer l’activité d’avo-cat indépendant ; toutefois, une telle possibilitéexiste dans d’autres Etats membres de l’Unioneuropéenne ; c’est le cas notamment enAllemagne, en Belgique ou aux Pays-Bas où desjuristes internes peuvent par ailleurs être inscrits àun Barreau national. Cette possibilité impose auxjuristes de respecter des règles déontologiquesstrictes et la plupart de ces pays reconnaissentque des documents émanant des juristes internesmembres d’un Barreau peuvent être protégés parle Legal Privilege au même titre que les corres-pondances adressées par un avocat indépendantou qui lui sont adressées.

Pourtant et en dépit de l’existence de telles règlesnationales, la Commission européenne, dans sesdécisions AM&S2 puis Akzo-Nobel, a fermementrefusé la protection des pièces émanant ou adres-sées à un juriste interne au sein d’une entreprise(in house counsel) alors même qu’il était inscrit àun Barreau national !

Ainsi dans l’arrêt Akzo-Nobel, le Tribunal dePremière Instance des Communautés euro-péennes (TPI) a pu préciser que :

« La Cour consacre, ainsi, le critère d’uneassistance légale fournie « en toute indépen-dance » (arrêt AM & S, point 24), qu’elleidentifie avec celle fournie par un avocat quiest, structurellement, hiérarchiquement etfonctionnellement, un tiers par rapport à l’en-treprise qui bénéficie de cette assistance.

« Dès lors, il y a lieu de rejeter la thèse avan-cée à titre principal par les requérantes et deconclure que la correspondance échangéeentre un avocat lié à Akzo Nobel par un rap-port d’emploi et un directeur d’une sociétéappartenant à ce groupe n’est pas couvertepar la confidentialité, tel que défini par l’arrêtAM & S»3.

Si cette décision est actuellement en cours d’exa-men devant la CJUE et fermement critiquée defaçon récurrente, il faut relever que l’Avocat géné-ral, Juliane Kokott, a suivi la position du Tribunaldans ses conclusions récentes du 29 avril 2010,en s’opposant à l’extension du Legal Privilege auxjuristes d’entreprise, suivant ainsi la position com-munautaire actuelle.

Rappelons par ailleurs que l’avocat libre et indé-pendant doit avoir la capacité d’exercer sa profes-

sion dans l’un des pays de l’Union européennesans importance du lieu où se situe le client.4

l Les catégories de documents protégés :

Le bénéfice du Legal Privilege va permettre deconfidentialiser tous les documents échangéspostérieurement à l’ouverture de la « procédurede concurrence » comme antérieurement à celle-ci, lorsqu’ils ont un lien de connexité avec l’objetde l’enquête. En outre, cette correspondance doitintervenir dans le cadre et aux fins des droits de ladéfense du client.

Au-delà des communications classiques échan-gées entre un avocat et un client, la jurisprudencea étendu les catégories de documents protégéspour désormais englober deux autres catégoriesde pièces :

n En premier lieu, le TPI, dans son ordonnanceHilti5, a étendu la protection du LegalPrivilege aux notes émanant de juristes d’en-treprise et circulant en interne dès lorsqu’elles se bornent à reprendre le contenu decommunication clients/avocats comprenantdes avis juridiques :

« Dès lors, compte tenu de sa finalité, le prin-cipe de protection accordée aux communi-cations entre l'avocat et son client doit êtreregardé comme s'étendant également auxnotes internes qui se bornent à reprendrele texte ou le contenu de ces communica-tions».

Si les notes internes ajoutent ou modifientdes éléments contenus dans l’avis juridiquedonné par l’avocat, alors elles ne pourrontpas être protégées au titre du LegalPrivilege.

n En second lieu, une extension supplémen-taire de la protection du Legal Privilege estaccordée aux documents préparatoires rédi-gés par le client en vue d’un échange avecson conseil externe, alors même que cesdocuments n’auraient pas été adressés ouenvoyés audit Avocat. Pour que ces docu-ments bénéficient du Legal Privilege, il suffiraqu’ils aient été rédigés exclusivement dans lebut d’obtenir un avis juridique d’un avocatindépendant dans l’exercice des droits de ladéfense6.

En raison de la difficulté d’identification deces documents, il sera nécessaire de lesidentifier clairement par une mention figu-rant directement sur ceux-ci ou par l’indica-tion du caractère préparatoire du documentà une communication avec un avocat, afind’éviter le risque de non protection au titredu secret d’affaires.

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(2) Décision AM&S de la Cour de Justice des Commu-nautéseuropéennes du 18 mai 1982, aff. 155/79.

(3) Décision Akzo-Nobel précitée, paragraphes 168 et 169.

(4) Décision AM&S précitée, paragraphes 25 et 26.(5) Ordonnance Hilti du Tribunal de première instance du 4 avril 1990,

aff. T-30/89, paragraphe 18.(6) Décision Akzo Nobel précitée, paragraphes 120 à 123.

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Par ailleurs, il convient d’observer que la seuleindication sur les documents et pièces de la men-tion « Legal Privilege » ou de toute autre mentionsimilaire ne saurait prévenir leur saisie !!!

Une fois l’étendue de la protection déterminée, ilconvient d’examiner la procédure de saisie despièces lors d’une enquête de concurrence afind’envisager les conséquences sur la saisie dedocuments bénéficiant du Legal Privilege.

II) La saisie de documents susceptibles d’êtreprotégés par le Legal Privilege et le cas parti-culier de la saisie de messagerie électronique :

En matière de visites et saisies, certaines distinc-tions apparaissent entre les procédures appli-quées par les enquêteurs français et lesenquêteurs de la Commission européenne. Nousillustrerons ces distinctions par l’exemple des sai-sies de messageries électroniques.

Lors de perquisitions (enquêtes dites « lourdes »françaises et inspections communautaires), demultiples documents et pièces sont susceptiblesd’être saisies immédiatement par les enquêteurs.

Lorsque les parties ou leur avocat allèguent quecertaines pièces, certes en lien avec l’enquête, nepeuvent être saisies en raison de leur confidentia-lité au titre du Legal Privilege, les parties devrontmotiver leur demande d’absence de saisie. Lesenquêteurs, tel que l’explique le guide de laCommission sur les Bonnes pratiques liées audéroulement des procédures relatives aux articles101 et 102 TFUE non encore publié7, pourrontvisualiser la présentation générale, le titre ou d’au-tres aspects superficiels des pièces afin de savoirs’ils sont effectivement couverts par le LegalPrivilege. Il est, en outre, possible que les partiesdemandent aux enquêteurs de ne pas examinerdu tout certaines pièces, en raison de motifs spé-cifiques.

En droit français, aucune procédure particulièren’envisage un recours spécifique relatif auxpièces protégées par le Legal Privilege.

En droit Communautaire, si les enquêteurs esti-ment qu’il n’est pas exclu qu’un document litigieuxbénéficie du Legal Privilege, alors la pièce encause sera placée sous enveloppe scellée en vuede son examen futur de telle sorte que soit résolueultérieurement la question de sa confidentialité.

Si la Commission rejette les motifs invoqués parles parties pour obtenir le bénéfice du LegalPrivilege pour certains documents, elle devra ren-dre une décision de refus et les parties pourrontcontester sa décision devant la CJUE. LaCommission ne pourra pas ouvrir l’enveloppescellée contenant les pièces litigieuses avant quene soit rendue la décision !

Mais attention, les requêtes dilatoires relatives auLegal Privilege nullement justifiées et visant uni-quement à retarder la procédure pourront êtresanctionnées financièrement8.

En droit interne, pour contester la saisie de piècescouvertes par le Legal Privilege, les partiesdevront contester le déroulement des visites etsaisies (cf. art. 450-4 du Code de commerce etLettre du Cabinet mars-avril 2010) sans toutefoisavoir un recours spécifique permettant le place-ment des pièces litigieuses sous scellés ainsi queprévu en droit communautaire.

Les précautions prises par les autorités commu-nautaires se retrouvent notamment dans l’examendes pièces numérisées et plus particulièrementdans la saisie des messageries électroniques.

En droit français, les juges considèrent les messa-geries électroniques de type « Outlook » ou« Lotus Note » comme une pièce unique et insé-cable, c'est-à-dire comme un document ne pou-vant pas être différencié, en considérant leséléments qu’il contient. C’est sur ce principe queles enquêteurs français se fondent pour saisir l’in-tégralité des messageries électroniques alorsmême que s’y trouveraient des correspondancesprivées ou des documents bénéficiant du LegalPrivilege.

C’est ainsi que la Cour de cassation dans l’affaireShering-Plough9 a annulé la décision du Juge desLibertés et de la détention autorisant la restitutionde documents informatiques non différenciés quiavaient été saisis grâce au procédé du ciblage parmot-clé. La Cour réaffirme le principe de l’inséca-bilité des messageries électroniques et estime,dans la mesure où les documents saisis contien-nent au moins en partie des éléments permettantde démontrer l’existence des pratiques anticon-currentielles suspectées, que la saisine globaleest alors licite.

Ces méthodes de saisie diffèrent de la procéduremise en œuvre par les enquêteurs de laCommission qui ne considèrent pas ab initio queles messageries électroniques ou tout autre docu-ment constituent un tout insécable. Les enquê-teurs examineront chacun des éléments etnotamment les courriers électroniques de la mes-sagerie. La saisie globale s’opèrera uniquementdans des cas particuliers où les enquêteurs man-queront de temps pour inspecter chacune despièces sur site ; il leur est par conséquent permisde saisir des pièces de façon globale mais cesdocuments seront placés sous enveloppes scel-lées qui ne seront ouvertes qu’en présence desparties afin de procéder à l’examen des pièces.

Par cet exemple, on peut observer que le respectdu Legal Privilege est davantage garanti en droit

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(7) “Best Practices on the conduct of proceedings con-cerning thearticles 101 and 102 TFEU”.

(8) Article 23(1) du Règlement 1/2003.(9) Décision du 20 mai 2009, n°07-8643.

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communautaire où des procédures strictes ont étéédictées.

Malgré une extension du Legal Privilege à de nou-velles catégories de documents et l’existence deprocédures tendant à favoriser le respect de ceprincipe, cette protection demeure somme touteencore limitée notamment en ce qui concerne les

pièces, opinions, documents émanant de juristesd’entreprise.

Il nous faut donc attendre la suite et la fin de lasaga Akzo-Nobel qui apportera certainement deprécieux enseignements en matière de protectionau titre du Legal Privilege !

Nous vous en tiendrons informés.

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La lettre du CabinetJ U I N 2 0 1 0

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AVOCATS

FLASH CONCURRENCE N° 6La Question Prioritaire de Constitutionnalité !Une vraie réforme !Le Conseil constitutionnel devient juge de la loi !Par Jean-Christophe Grall, Mathilde Lefèvre et Marine Grall

Depuis son entrée en vigueur le 1er mars 2010, la question prioritaire deconstitutionnalité, nouvel outil juridique des parties à l’instance, connaît un succès sansprécédent avec au-jourd’hui plus d’une quarantaine de questions posées au Conseilconstitutionnel et déjà quatre décisions rendues.

La question prioritaire de constitutionnalité (ci-après « QPC ») a été introduite par la réformeconstitutionnelle du 23 juillet 2008 qui a ajouté unarticle 61.1 à la Constitution par lequel :

« Lorsque, à l'occasion d'une instance encours devant une juridiction, il est soutenuqu'une disposition législative porte atteinteaux droits et libertés que la Constitutiongarantit, le Conseil constitutionnel peut êtresaisi de cette question sur renvoi du Conseild'État ou de la Cour de cassation qui se pro-nonce dans un délai déterminé. Une loi orga-nique détermine les conditions d'applicationdu présent article ».

Par ailleurs, le deuxième alinéa de l’article 62 pré-voit qu’« une disposition déclarée inconstitution-nelle sur le fondement de l’article 61-1 estabrogée à compter de la publication de la décisiondu Conseil constitutionnel ou d’une date ultérieurefixée par cette décision. Le Conseil constitutionneldétermine les conditions et limites dans lesquellesles effets que la disposition a produits sont sus-ceptibles d’être remis en cause ».

Par cette réforme, le contrôle du Conseil constitu-tionnel se fait désormais

l non seulement par voie d’action, a priori eten amont de la promulgation de la loi ;

l mais aussi par voie d’exception, a posterioriet en aval de la promulgation de la loi.

Cette réforme a un triple objectif :

- donner un droit nouveau au justiciable en luipermettant de faire valoir les droits qu’il tirede la Constitution ;

- purger l’ordre juridique des dispositionsinconstitutionnelles ;

- assurer la prééminence de la Constitutiondans l’ordre interne.

Pourquoi parle-t-on de question prioritaire deconstitutionnalité ? La question est dite prioritairecar d'une part, lorsqu'elle est posée devant unejuridiction de première instance ou en appel, laquestion doit être examinée sans délai et le tempsd'examen de la question prioritaire de constitution-nalité doit s'imputer sur le temps de la procédureet ne doit pas la retarder.

D'autre part, elle est considérée comme prioritairecar, dès lors que la juridiction est saisie demoyens contestant à la fois la constitutionnalité dela loi et le défaut de conformité de cette loi auxtraités et accords internationaux (exception dited'inconventionnalité), la juridiction doit d'abordexaminer la question de constitutionnalité.

Comment se déroule le processus de la questionprioritaire de constitutionnalité ?

Il est tout d’abord important de préciser que le justi-ciable ne peut saisir directement le Conseil constitu-tionnel : en effet, la question prioritaire deconstitutionnalité doit être posée au cours d'une ins-tance, administrative ou judiciaire. La question peut

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en outre être posée en première instance, en appelou devant la Cour de cassation en matière judiciaireou le Conseil d’Etat en matière administrative.

C'est la juridiction saisie de l'instance qui procèdesans délai à un premier examen. La juridiction exa-mine si la question est recevable. Les critères derecevabilité de la question sont fixés par la loi orga-nique ; pour qu’une QPC soit recevable, il faut que :

- la disposition législative critiquée soit appli-cable au litige ou à la procédure, ou constituele fondement des poursuites ;

- la disposition législative critiquée n'ait pasdéjà été déclarée conforme à la Constitutionpar le Conseil constitutionnel ;

- la question soit nouvelle ou présente uncaractère sérieux

Si ces conditions sont réunies, la juridiction saisietransmet la question prioritaire de constitutionna-lité au Conseil d'État ou à la Cour de cassation.

Le Conseil d'État ou la Cour de cassation procèdeà un examen plus approfondi de la QPC et décidede saisir ou non le Conseil constitutionnel. Cesdeux cours ont donc un rôle de filtrage des ques-tions prioritaires de constitutionnalité, afin d’éviterun engorgement du Conseil constitutionnel dû àun véritable tsunami de contentieux. Il faut préci-ser que ces deux cours ne sont pas des jugesconstitutionnels : leur fonction se limite à accepterou refuser de transmettre la QPC au Conseilconstitutionnel.

S’il est saisi, le Conseil constitutionnel doit juger laQPC dans un délai de trois mois :

- si le Conseil constitutionnel déclare que ladisposition législative contestée estconforme à la Constitution, cette dispositionconserve sa place dans l'ordre juridiqueinterne. La juridiction doit l'appliquer, à moinsqu'elle ne la juge incompatible avec une dis-position d'un traité international ou du droitcommunautaire.

- si le Conseil constitutionnel déclare que la dis-position législative contestée est contraire à laConstitution, la décision du Conseil constitu-tionnel a pour effet d'abroger cette disposition.Elle disparaît de l'ordre juridique français.

La QPC, qui permet désormais que le contrôle deconstitutionnalité des lois se fasse à la fois parvoie d’action et par voie d’exception, a priori et aposteriori, contribuera à renforcer le pouvoir duConseil constitutionnel dans sa mission de gar-dien du respect de la Constitution et de protecteurdes droits fondamentaux.

Il assure désormais la plénitude des missionshabituellement dévolues aux juridictions constitu-tionnelles tel qu’envisagé par exemple aux Etats-Unis avec le « Judicial Review » ; Robert Badintervoulait même l’appeler Cour Constitutionnellepour souligner ses nouvelles prérogatives qui ten-

dent à le rapprocher de plus en plus des autrescours constitutionnelles européennes.

En chiffres : on compte déjà 132 QPC posées à lacour de cassation, et 72 QPC posées au conseild’Etat en mai 2010. Au 14 juin 2010, le Conseil adéjà rendu 4 décisions statuant sur des questionsprioritaires de constitutionnalité.

La première décision n°2010-1 du Conseil consti-tutionnel a été rendue le 28 mai 2010 après unesaisine du Conseil d’Etat relative au régime spé-cial des pensions applicables aux ressortissantsdes pays et territoires autrefois sous souverainetéfrançaise et, en particulier, aux ressortissantsalgériens. Le Conseil constitutionnel a reconnucomme inconstitutionnelles les dispositions légis-latives sur les pensions de retraites des militairesétrangers dès lors qu’elles prévoyaient une reva-lorisation différente de celles prévues par le Codedes pensions civiles et militaires de retraite. Enprésence d’une différence de traitement, contraireau principe d’égalité, le Conseil s’est donc vucontraint d’abroger de telles dispositions.

La décision n°2010-6/7 rendue le 11 juin 2010, areconnu que la radiation des listes électorales despersonnes dépositaires de l’autorité publique,chargées d’une mission de service public ouinvesties d’un mandat électif public lorsqu’ellescommettent certaines infractions, contrevenait auprincipe d’individualisation des peines dans lamesure où cette radiation est considérée commeune sanction ayant le caractère de punition. Parconséquent le Conseil décide d’abroger l’articleL.7 du code électoral prévoyant une telle sanction.

Enfin, il est à noter que par une décision n°2010-2rendue ce même 11 juin, le Conseil a estimé quel’article L.114-5 du Code de l’action sociale et desfamilles souvent critiqué, interdisant à l’enfant deréclamer la réparation d’un préjudice du seul faitde sa naissance, ne contrevenait pas à laConstitution, tout en rappelant que le législateuravait fondé son choix sur des considérationséthiques et sociales ainsi que sur des motifs finan-ciers qui relèvent de son pouvoir d’appréciation.

Au regard de ces décisions et en vue des nom-breuses autres à venir (une QPC a notamment étéposée en fin de semaine dernière et vise l’incons-titutionnalité des dispositions de l’article L.450-4du code de commerce en matière de visites et sai-sies !), il ne fait nul doute que la réforme a permisau Conseil constitutionnel de trouver une placecentrale dans le contentieux juridictionnel et dedevenir une véritable cour constitutionnelle.

En conclusion, si certains voient dans cetteréforme des désavantages tels que la perte destabilité juridique ou encore la banalisation de laplace de la loi, une majorité s’accorde à reconnaî-tre les nombreuses possibilités qu’offre désormaiscette saisine du Conseil constitutionnel au traversdu prisme de la question prioritaire de constitu-tionnalité !

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1°) CJUE, 11 mars 2010, aff. n°C-522/08,Telekomunikacja Polska SA w Warszawie /Prezes Urzędu Komunikacji Elektronicznej

Les décisions de la Cour de justice de l’Unioneuropéenne (CJUE) se suivent et se ressemblenten matière de ventes liées et, plus généralement,d’interdictions nationales de pratiques commer-ciales per se.

Par un nouvel arrêt en date du 11 mars 2010, laCJUE rappelle qu’est contraire au droit commu-nautaire la législation d’un Etat membre – en l’oc-currence la Pologne – qui interdit par principe unepratique commerciale alors que celle-ci ne fait paspartie des 31 pratiques qualifiées de déloyales perse énumérées par l’annexe I de la directive2005/29 CE du 11 mai 2005, laquelle opère une« harmonisation maximale » de la matière.

Le cas d’espèce, opposait un opérateur polonaisde télécommunication, la société TelekominikacjaPolska (ci-après « TP ») au Président de l’Autoritéde régulation nationale des communications élec-troniques (« Urzędu Komunikacji Elektronicznej »ci-après « UKE »).

A l’origine du litige, l’UKE avait interdit à la sociétéTP de subordonner la conclusion d’un contrat deservices Internet haut débit à la conclusion d’uncontrat de services téléphoniques, par applicationde la loi polonaise sur les télécommunications quiprévoit que, le Président de l'autorité des commu-nications électroniques peut, dans le but de proté-ger l'utilisateur final, contraindre un opérateur detélécommunications jouissant d'une puissancesignificative sur le marché de détail, à ne pasimposer à l'utilisateur final la souscription de ser-vices qui lui sont inutiles.

Le recours de l’opérateur contre la décision del’UKE ayant été rejeté, il a alors saisi la juridictionde cassation polonaise qui a elle-même saisi laCour de justice d’une question préjudicielle.

La question préjudicielle de la juridiction de cassa-tion polonaise portait en réalité sur le point desavoir si les directive du 7 mars 2002, n°2002/21,relative à un cadre réglementaire commun pourles réseaux et services de communications élec-troniques (dite directive « cadre ») et n°2002/22concernant le service universel et les droits des

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AVOCATS

FLASH CONCURRENCE N° 7Une actualité estivale chargée en matière d’interdictions des ventesliées :1°) La CJUE réaffirme, s’agissant cette fois de la législation polonaise, qu’une telle

in-terdiction de principe est contraire aux dispositions de la directive 2005/29CE sur les pratiques commerciales déloyales (CJUE, 11 mars 2010, n°C-522/08).

2°) La Cour de cassation française conforte, par un très récent arrêt du 13 juillet2010, la décision « Orange Sport » de la Cour d’appel de Paris en rejetant lespourvois de Free et SFR et en se positionnant ainsi dans la droite ligne de lajurisprudence communautaire (C. Cass, 13 juillet 2010, non encore publiée à ce jour).

3°) L’administration française fait part de son insatisfaction vis-à-vis de cettesituation et de sa volonté d’obtenir une révision de la directive du 2005/29 CE,laquelle en-traînerait « une diminution du degré de protection desconsommateurs » (Réponse ministérielle n°63029, JOAN du 4 mai 2010).

Par Jean-Christophe Grall et Eléonore Camilleri

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utilisateurs au regard des réseaux et services decommunications électroniques (dite directive« service universel »)1 », s’opposent à une régle-mentation nationale qui interdirait les ventes liéesaux consommateurs.

A cet égard, la CJUE, prenant en compte les dis-positions des directives, leurs objectifs et le mar-ché en cause, considère qu’il est possible, pourles autorités nationales de régulation d’interdireles vente liées à un opérateur, au regard desdirectives sur les télécommunications.

Toutefois, par la même occasion, la CJUE s’inter-roge sur la compatibilité de la règlementationpolonaise au regard de la directive n°2005/29 CEdu 11 mai 2005 sur les pratiques commercialesdéloyales, alors que ce point n’avait pas été sou-levé dans la question préjudicielle.

C’est bien évidemment là que ce situe tout l’intérêtde cette nouvelle décision de la Cour de justice.

A ce titre, la CJUE précise que : « la directive doitêtre interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à uneréglementation nationale qui, sauf certainesexceptions et sans tenir compte des circons-tances spécifiques du cas d’espèce, interdit touteoffre conjointe faite par un vendeur à un consom-mateur ».

Ainsi et sans surprise, la Cour de justice suit lemême raisonnement d’ores et déjà adopté dansses arrêts du 23 avril 2009 relatif à l’interdictionbelge des offres conjointes2 et du 14 janvier 20103

s’agissant de la prohibition allemande des loteriespayantes.

2°) Cour de cassation, 13 juillet 2010, « OrangeSport » non encore publiée :

A l’instar des juridictions nationales de premier etsecond degré, la Cour de cassation se plie à laposition de la CJUE en rejetant le pourvoi dessociétés Free et SFR à l’encontre de l’arrêt« Orange Sport » du 14 mai 2009 de la Cour d’ap-pel de Paris.

Les juridictions françaises ont rapidement prisacte, avec réalisme, de l’interprétation de la CJUEdévoilée pour la première fois par son arrêt du 23avril 2009 en refusant de faire application desrèglementations nationales qui interdisent telle outelle pratique commerciale ne figurant pas dans laliste des clauses noires, réputées déloyales « entoutes circonstances » de l’annexe 1 de la direc-tive 2005/29 CE.

En effet, et alors que l’article L.122-1 du Codefrançais de la consommation prohibant les ventesliées est théoriquement toujours en vigueur, un

certain nombre de juridictions nationales ontrefusé d’en faire application pour cause de non-conformité avec le droit communautaire. À cetégard, les exemples les plus flagrants sont, biensûr, les affaires « UFC Que Choisir / HP » du TGIde Nanterre4 et surtout « Orange Sport » du 14mai 20095 et, plus récemment, « UFC Que Choisircontre Darty » du 26 novembre 20096, dans les-quelles la Cour d’appel de Paris a, sans ambages,écarté l’application de l’article L.122-1 du Code dela consommation et procédé à une analyse ducaractère déloyal des offres subordonnéescompte tenu des circonstances de chaqueespèce, au regard des critères posés aux articles5 à 9 de la directive.

La Cour de cassation vient de rajouter sa pierre àl’édifice en rejetant, par un arrêt du 13 juillet 2010,les pourvois formés par Free et SFR à la suite del’arrêt précité du 14 mai 2009 de la Cour d’Appelde Paris dans l’affaire « Orange Sport ».

Cette décision de la Cour de cassation n’ayantpas encore été publiée, elle fera l’objet de plusamples développements dans un prochain FlashConcurrence MG Avocats.

3°) Réponse ministérielle n°63029, JOAN du4 mai 2010 :

Si les juridictions françaises semblent avoir prispartie pour l’analyse in concreto prônée par laCJUE, en refusant d’appliquer les interdictions deprincipe de certaines pratiques, la position del’Administration française demeure quant à ellebien moins docile et ne semble pas envisagerdans l’immédiat une refonte du Code de laconsommation, bien au contraire…

Rappelons que le 26 juin 2009, la CommissionEuropéenne a adressé à la France une mise endemeure de se conformer aux dispositions de ladirective du 11 mai 2005, en ce sens que la trans-position devait être « adéquate » et que la Francene pouvait garder, au sein du Code de la consom-mation, des dispositions plus strictes que cellesde la directive, pour quelque raison que ce soit.

Après s’être fait attendre un certain temps, la posi-tion de l’Administration s’est manifestée suite àune question d’un parlementaire7 sur ce point, luidemandant ce que la France comptait mettre enœuvre pour réformer le droit français des pra-tiques commerciales afin de le rendre conformeau droit européen.

Le Ministère de l’Economie de l’industrie et del’emploi, indique dans une réponse publiée le4 mai 2010, avoir bien pris acte de la position de la

JUILLET 2010 MG Avocats — Grall & Associés n www.mgavocats.fr n [email protected]

(1) Directives 2002/21 et 2002/22, JOCE n° L 108, 24 avr. 2002 p. 33.(2) CJCE, 23 avril 2009 – aff. C-261/07 et C-299/07 « VTB-VAB NV

Galatea BVBA c/ Total Belgium c/Sanoma Magazines Belgium NV ».(3) CJUE, 14 janv. 2010 aff. C-304/08 « Zentrale zur Bekämpfung

unlauteren Wettbewerbs eV c/ Plus WarenhandelsgesellschaftmbH».

(4) TGI, Nanterre, 30 Octobre 2009 – n° 06/15333.(5) CA Paris, 14 mai 2009, ch. 5, n° RG : 09/03660, SA France Telecom

c/ SAS Free et autres.(6) CA Paris, 26 nov. 2009, ch. 5, n° RG : 08/12771, SAS Darty c/

Association UFC Que Choisir et autres.(7) Question n°63029 publiée au JO le 10/11/2009 page 10540 et

réponse publiée au JO le 05/05/2010 page 4996.

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CJUE mais que « la France ne se satisfait pas dela situation actuelle, qui se traduit par une diminu-tion du degré de protection des intérêts desconsommateurs et une insécurité juridique pourles opérateurs ».

Sans évoquer une réforme du Code français de laconsommation, le Ministre entend profiter du bilande l’application de la directive du 11 mai 2005 quedevrait présenter la Commission européenne en2011 afin de « demander à cette occasion, et enrelation si possible avec d'autres États membres,une révision de cette directive, afin de pouvoirmaintenir un encadrement juridique des pratiquesprécitées et plus généralement des pratiquesdites promotionnelles, approprié à la protectiondes intérêts économiques des consommateurs ».

Ainsi, loin de vouloir harmoniser sa législation surles ventes promotionnelles et actions promotion-nelles, la France souhaite clairement initier uneréforme de la directive elle-même et ce, dans un

souci de « protection des intérêts du consomma-teur ».

Notons qu’une telle réforme pourrait essentielle-ment consister dans une modification de l’an-nexe 1 de la directive précitée, en ajoutantd’autres pratiques telles que les ventes liées et lesloteries payantes. Cette solution permettrait eneffet de conserver une protection effective duconsommateur, tout en gardant un contrôle inconcreto de la plupart des pratiques des entre-prises, ce qui leur laisserait une certaine marge deliberté.

Il conviendrait cependant que la situation s’éclair-cisse au plus vite dans un objectif de sécurité juri-dique optimale pour les entreprises ; il parait dèslors peu concevable d’attendre une éventuelleréforme du droit communautaire de la consomma-tion qui ne serait évoquée qu’en 2011 avec le longprocessus que l’on connaît avant d’aboutir à untexte modificatif de la directive 2005/29 CE du 11mai 2005 !

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La lettre du CabinetS E P T E M B R E 2 0 1 0

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AVOCATS

FLASH CONCURRENCE N° 8Loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche (LMAP) du27 juillet 2010Contractualisation obligatoire : Présentation et incertitudes !Par Jean-Christophe Grall et Sarah Darmon

L’article 12 de la Loi de modernisation de l’agricul-ture et de la pêche (ci-après dénommée « LMA »)prévoit une obligation de contractualisation (arti-cles L.631-24, L.631-25 et L.631-26 du Coderural) pour les ventes de produits agricoles. Denombreuses questions se posent (II).

Un rappel de l’environnement législatif existantpréalablement à la LMA est à cet égard utile (I).

I. Environnement législatif existant préalable-ment à la LMA :

Ainsi que l’explique Benoît Grimonpez, demanière très pédagogique, deux grands types deconventions existent dans le secteur agro-industriel1 : celles translatives de propriété etcelles qui ne le sont pas. Les premières corres-pondent à des ventes à livrer par lesquelles l’agri-culteur, maître de ses produits et de ses méthodesde production, transfère des denrées à un ache-teur moyennant un certain prix (article 1582 duCode civil). Les secondes sont des contrats d’en-treprises (souvent des contrats « à façon »), parlesquels une entité propriétaire de denrées,demande à un agriculteur de les travailler selondes directives précises. Seule la première catégo-rie d’opérations est concernée par la LMA. Ceciest novateur dans la mesure où, jusque-là, lavente de produits agricoles relevait très largementdu droit commun, sauf quant il s’agissait decontrats d’intégration2.

Cependant il convient de noter que dans certainesfilières, comme la filière laitière, aucune conven-tion écrite ne venait précéder l’accomplissementdes prestations et les producteurs de lait sontdans le flou, en ne sachant pas à l’avance à quelprix leur sera payé le lait livré.

Ainsi, jusqu’à présent, certes l’article 32 de la loidu 5 août 1960 d’orientation agricole prévoyaitl’établissement, par le Ministre de l’agriculture, enaccord avec les producteurs, les transformateurset les acheteurs, de contrats-types par produits,mais celui-ci était resté sans suite en l’absence detout texte d’application3. Le contrat de vente deproduits agricoles faisait donc figure d’exceptiondans les différentes filières agricoles4.

La loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 d’orientationagricole reprise et complétée par la loi Chatel du3 janvier 2008 avait prévu, à l’article L.632-3 duCode rural5 que les accords conclus dans le cadredes interprofessions puisse être étendus (c’est-à-dire, rendus obligatoires par l’autorité administra-tive compétente) lorsqu’ils tendent, par descontrats types, à favoriser le développement des

(1) Benoît Grimonprez, « Relations commerciales agricoles : l’aube dela contractualisation. – A propos de la loi n° 2010-874 du 27 juillet2010 de modernisation de l’agriculture », La Semaine Ju-ridiqueEntreprise et Affaires n° 36, 9 septembre 2010, 1771.

(2) Selon Jean-Jacques Barbiéri, la règlementation de ces dernierscontrats découle d’une loi du 6 juillet 1964 et vise la situation oùl’agriculteur travaille à façon et reçoit une rémunération selon unbarème incluant primes et pénalités, selon le degré d’exécution desdisciplines contractuellement imposées.

Le terme intégration désigne la constitution d’un centre unique dedécisions qui aménage tant la production que la transformation etl’écoulement des produits. Il ajoute :

« Sans imposer directement un contenu aux obligations desparties, le Code rural constitue un socle contractuel afin d’éclairerle consentement du producteur et de le mettre à l’abri de sanctionsautomatiques, en interdisant certaines clauses telles que lesclauses résolutoires et les clauses pénales, et en exigeant desprécisions sur des éléments essentiels, tels que la nature, les prixet les qualités des fournitures réciproques, des produits ou desservices, les conditions de durée, de re-nouvellement, de révisionet de résiliation ».(Cf. Jean-Jacques Barbiéri, « Contrats du négoce agricole etcontrats d’affaires » : RD Rural 2009, dossier n°22).

(3) Franck Roussel, « Les principales dispositions de la loi du 27 juillet2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche », La semaineJuridique Notariale et Immobilière n° 36, 10 septembre 2010, 1270.

(4) Ibid.(5) La LMA a aujourd’hui modifié cet article qui dispose à présent : « Les

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rapports contractuels entre les membres des pro-fessions représentées dans l’organisation inter-professionnelle. Cependant, il convient desouligner que ces contrats-types ne devenaientobligatoires que lorsque les parties avaient décidéde contractualiser leurs relations professionnelles.Il ne leur était aucunement imposé une obligationde contractualisation.

Parmi les autres mesures destinées à favoriser lacontractualisation, il convient de citer l’articleL.441-2-1 du Code de Commerce introduit par laLoi n° 2005-157 du 23 février 2005 et modifiée,notamment, par la Loi de Modernisation del’Economie en date du 4 août 2008 prévoyant lesdispositions suivantes :

« Pour les produits agricoles périssables ouissus de cycles courts de production, d'ani-maux vifs, de carcasses ou pour les produitsde la pêche et de l'aquaculture, figurant surune liste établie par décret, un distributeur ouprestataire de services ne peut bénéficier deremises, rabais et ristournes ou prévoir larémunération de services rendus à l'occa-sion de leur revente, propres à favoriser leurcommercialisation et ne relevant pas desobligations d'achat et de vente, ou de ser-vices ayant un objet distinct, que si ceux-cisont prévus dans un contrat écrit portant surla vente de ces produits par le fournisseur.

« Ce contrat comprend notamment desclauses relatives aux engagements sur lesvolumes, aux modalités de détermination duprix en fonction des volumes et des qualitésdes produits et des services concernés et àla fixation d'un prix. Il indique les avantagestarifaires consentis par le fournisseur au dis-tributeur au regard des engagements de cedernier.

« Lorsqu'un contrat type relatif aux activitésmentionnées au premier alinéa est inclusdans un accord interprofessionnel adoptépar l'organisation interprofessionnelle recon-nue pour le produit concerné et étendu enapplication des dispositions des articlesL.632-3 et L.632-4 du code rural, le contratmentionné au premier alinéa doit êtreconforme à ce contrat type. Toute infractionaux dispositions du présent article est punied'une amende de 15 000 Euros ».

Ainsi, pour les produits décrits ici, et uniquementlorsque l’acheteur des produits en cause souhaitebénéficier de remises, ristournes ou de rémunéra-tion de services de coopération commerciale, la

loi impose la conclusion d’un contrat de venteécrit.

L’ensemble de ces dispositions démontre àquel point la possibilité d’une obligation decontractualisation, introduite par la LMA, estnovatrice, malgré l’existence de certainesdispositions législatives introduites antérieu-rement, par le législateur, au sein du Codede commerce (article L.441-2-1) et du Coderural (article L.632-3).

II. L’obligation de contractualisation introduitepar la LMA :

L’introduction des dispositions de la LMA visant àposer le principe d’une obligation de conclure uncontrat de vente de produits agricoles découle dela volonté du législateur de donner plus de visibi-lité aux agriculteurs sur leurs débouchés et desécuriser leurs revenus.

Nous examinerons d’abord les conditions de cetteobligation de formalisation des échanges agri-coles (A) puis le contenu que doivent présenterces contrats de vente de produits agricoleslorsqu’ils sont rendus obligatoires (B) et enfin, lessanctions applicables (C).

A. Conditions de l’obligation de contractuali-sation :

L’article 12 de la LMA introduit dans le Code ruralun nouvel article L.631-24 dont les dispositionssont les suivantes :

« I. - La conclusion de contrats de vente écritsentre producteurs et acheteurs, ou entreopérateurs économiques mentionnés au pre-mier alinéa de l'article L.551-1, propriétairesde la marchandise, et acheteurs, peut êtrerendue obligatoire pour les produits agricolesdestinés à la revente ou à la transformation.

Ces contrats écrits comportent des clausesrelatives à la durée du contrat, aux volumeset aux caractéristiques des produits à livrer,aux modalités de collecte ou de livraison desproduits, aux critères et modalités de déter-mination du prix, aux modalités de paiementet aux modalités de révision et de résiliationdu contrat ou au préavis de rupture. Cesclauses prévoient l'interdiction, pour lesacheteurs, de retourner aux producteurs ouaux opérateurs économiques mentionnés aupremier alinéa les produits qu'ils ont accep-tés lors de la livraison ; cette interdiction nes'applique pas en cas de non-conformité desproduits à des normes légales ou réglemen-taires. Sauf stipulations contraires, cescontrats sont renouvelables par tacite recon-duction pour une période équivalente à cellepour laquelle ils ont été conclus.

Ils peuvent être rendus obligatoires :

a) Par extension ou homologation d'unaccord interprofessionnel, dans les condi-

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(5) accords conclus dans le cadre d'une organisationinterprofessionnelle reconnue peuvent être étendus, pour une duréedéterminée, en tout ou partie, par l'autorité administrativecompétente dès lors qu'ils prévoient des actions communes ou visantun intérêt commun conformes à l'intérêt général et compatibles avecla législation de l'Union européenne ».

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tions définies aux articles L.631-10,L.632-3, L.632-4 et L.632-12 ;

b) Ou, si aucun accord interprofessionnelayant le même objet n'a été étendu ouhomologué, par un décret en Conseild'Etat. L'application de ce décret est sus-pendue en cas d'extension ou d'homolo-gation d'un accord interprofessionnelmentionné au a.

L'accord interprofessionnel mentionné au aou le décret en Conseil d'Etat mentionné aub fixe, par produit ou catégorie de produits etpar catégorie d'acheteurs, la durée minimaledu contrat qui est de un à cinq ans, ainsi queles modes de commercialisation pour les-quels une durée inférieure est admise.

II. - La conclusion de contrats soumis auxdispositions du I doit être précédée d'uneproposition écrite de l'acheteur conforme auxstipulations de l'accord interprofessionnelmentionné au a du I ou aux dispositions dudécret en Conseil d'Etat mentionné au b du I.

Si le contrat prévoit la fourniture à l'acheteurdes avantages mentionnés au premier ali-néa de l'article L.441-2-1 du code de com-merce, il comporte pour les produitsmentionnés au même article des clausesrelatives aux modalités de détermination duprix en fonction des volumes et des qualitésdes produits et des services concernés et àla fixation d'un prix. Il indique les avantagestarifaires consentis par le fournisseur au dis-tributeur ou au prestataire de services auregard des engagements de ce dernier.

Les sociétés mentionnées à l'article L.521-1sont réputées avoir satisfait à l'obligationmentionnée au premier alinéa du présent IIdès lors qu'elles ont remis à leurs associéscoopérateurs un exemplaire des statuts oudu règlement intérieur intégrant les clausescontractuelles mentionnées au deuxièmealinéa du I.

En cas de litige relatif à la conclusion ou àl'exécution d'un contrat de vente soumis auxdispositions du même I, le producteur, l'opé-rateur économique ou l'acheteur mention-nés au premier alinéa du même I peut saisirun médiateur dont les compétences sontfixées par décret.

III. - Le présent article est applicable auxventes de produits agricoles livrés sur le ter-ritoire français, quelle que soit la loi applica-ble au contrat.

Il n'est pas applicable aux ventes directes auconsommateur ni aux cessions réalisées aubénéfice des organisations caritatives pourla préparation de repas destinés aux per-sonnes défavorisées.

Le présent article est d'ordre public ».

Nous verrons ici que l’obligation de contractualisationn’est pas générale (1) et qu’elle est applicable seule-ment à certaines parties (2) et certains produits (3).

1) Sur l’absence de généralité de l’obligationde contractualisation :

Selon les termes du nouvel article L.631-24 duCode rural, les contrats de vente de produits agri-coles destinés à la revente ou à la transformationpeuvent être rendus obligatoires :

« a) Par extension ou homologation d'unaccord interprofessionnel, dans les condi-tions définies aux articles L.631-10,L.632-3, L.632-4 et L.632-12 ;

b) Ou, si aucun accord interprofessionnelayant le même objet n'a été étendu ouhomologué, par un décret en Conseild'Etat. L'application de ce décret est sus-pendue en cas d'extension ou d'homolo-gation d'un accord interprofessionnelmentionné au a ».

Ainsi, l’obligation de contractualisation n’est pasgénérale. Celle-ci dépend de l’existence d’unaccord interprofessionnel étendu (c’est-à-dire,rendu obligatoire par arrêté ministériel ou pardécision de l’autorité administrative compétente)ou homologué6. C’est seulement à titre subsi-diaire, si aucun accord interprofessionnel n’a étéétendu ou homologué, que l’Etat pourra se substi-tuer à l’interprofession et prendre un décret enConseil d’Etat ayant le même objet. De plus, l’ap-plication de ce décret sera suspendue en casd’extension ou d’homologation d’un accord inter-venu par la suite.

Ainsi que l’a expliqué Bruno Le Maire, Ministre del’agriculture, lors des débats devant l’Assembléenationale7, répondant aux critiques de la contrac-tualisation, « il a été décidé que les contratsseraient négociés en première instance par lesinterprofessions, filière par filière, afin de tenircompte des spécificités de chacune d’entre elles.Il ne s’agit donc pas, contrairement au contrat dela loi de 1964, d’un contrat unique qui s’imposerasur l’ensemble du territoire national. Il varieraselon les filières et sera adapté à leurs spécifici-tés ».

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(6) Article L.632-12 du Code rural : « Les accords nationaux ourégionaux conclus dans le cadre de l'organisationinterprofessionnelle constituée entre les producteurs de lait, lesgroupements coopératifs agricoles laitiers et les industries detransformation du lait par les organisations les plus représentativesde ces professions peuvent être homologués par arrêtés conjointsdu ministre de l'agriculture et du ministre chargé de l'économie. Si l'homologation est prononcée, les mesures ainsi arrêtées parl'organisation interprofessionnelle sont obligatoires pour tous lesproducteurs et transformateurs de la zone concernée. Tout contratde fourniture de lait entre producteurs et transformateurs doit êtreconforme aux accords conclus, à peine de nullité pouvant êtreprononcée, notamment à la demande de l'organisationinterprofessionnelle, et sans préjudice des sanctions qui peuventêtre prévues.

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Il convient de noter que le II de l’article L.631-24du Code rural précité prévoit que :

« La conclusion de contrats soumis aux disposi-tions du I doit être précédée d'une propositionécrite de l'acheteur conforme aux stipulationsde l'accord interprofessionnel mentionné au adu I ou aux dispositions du décret en Conseild'Etat mentionné au b du I ».

Ainsi, une fois qu’un contrat a été rendu obliga-toire, l’obligation de contractualisation écrite pèsesur l’acheteur.

Toutefois, comme l’explique Bruno Le Maire, « leproducteur aura toujours la faculté de refuser cecontrat ».

De plus, l’alinéa 4 du II de l’article L.631-24 du Coderural prévoit qu’ « En cas de litige relatif à la conclu-sion ou à l'exécution d'un contrat de vente soumisaux dispositions du même I, le producteur, l'opéra-teur économique ou l'acheteur mentionnés au pre-mier alinéa du même I peut saisir un médiateur dontles compétences sont fixées par décret».

Ainsi, l’obligation de contractualisation, du fait de soncaractère particulier et non général et de la libertéqu’elle confère aux producteurs, ne favoriserait pasla formation d’un contrat d’intégration, unique etrigide, ainsi que le craignaient ces derniers.

2) Sur les parties concernées :

L’article L.631-24 du Code rural précité vise « lescontrats de vente écrits entre producteurs et ache-teurs, ou entre opérateurs économiques mention-nés au premier alinéa de l’article L.551-1,propriétaires de la marchandise, et acheteurs ».

Le premier alinéa de l’article L.551-1 du Coderural et de la pêche maritime vise les sociétés coo-pératives agricoles et leurs unions, les sociétésd’intérêt collectif agricole, les associations entreproducteurs agricoles régies par les dispositionsde la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’as-sociation, les sociétés commerciales et les grou-pements d’intérêt économique régis par lesdispositions du livre II du code de commerce(reconnus par l’autorité administrative comme« organisation de producteurs » s’ils répondent àcertains critères posés par l’article L.551-1) .

Le Rapport n° 436 de MM. César et Revet, renduau nom de la Commission de l’économie et enre-

gistré par la présidence du Sénat le 6 mai 2010,fournit, quant au champ d’application de l’articleL.631-24 du Code rural, les précisions suivantes :

« La rédaction proposée précise que le contratdoit être conclu non seulement entre un pro-ducteur isolé et un acheteur, mais égale-ment, entre une organisation de producteurset son acheteur, lorsque les producteurs onttransféré la propriété de leurs productions àcette organisation de producteurs. Dans cecas, le contrat ne vaut qu’à ce niveau et nonpas à celui entre producteur et organisationde producteur.

Toutefois, afin d’éviter que la coopérationbénéficie d’un traitement trop dérogatoirevis-à-vis de ses adhérents, le texte adoptépar la commission dispose que les coopéra-tives sont réputées avoir satisfait aux obliga-tions de contractualisation écrite dès lorsqu’elles intègrent dans leurs statuts ou dansleurs règlements intérieurs les clauses obli-gatoires des contrats, ces documents étantremis chaque année aux associés ».

Ainsi, selon ce rapport, lorsque la conclusion d’uncontrat de vente écrit est rendue obligatoire parextension ou homologation d’un accord interprofes-sionnel ou par décret en Conseil d’Etat, celle-ci neconcernerait que les contrats conclus entre le pro-ducteur et son acheteur ou l’opérateur économiquementionné à l’article L.551-1 alinéa 1 du Coderural, propriétaire de la marchandise, (ci-après,« l’opérateur économique ») et son acheteur, maisnon les contrats conclus au niveau amont entre cetopérateur économique et le producteur.

Cependant, postérieurement à ce premier rapport,a été enregistré à la Présidence, cette fois, del’Assemblée nationale, un second rapport n° 2636de MM. Michel Raison et Louis Guédon, le 17 juin2010, contredisant les dispositions ci-dessus :

« Le présent article définit tout d’abord, au pre-mier alinéa du I, le champ d’application de lacontractualisation, qui doit être compris demanière extensive. Ainsi, lorsqu’à l’alinéa 11,est prévue la conclusion de contrats entreproducteurs et acheteurs, il convient d’enten-dre par le terme d’« acheteur » non seule-ment les grossistes, transformateurs oudistributeurs avec lesquels les producteurspourraient être directement en relation, maiségalement la coopérative dont ils sont mem-bres et qui leur achète leur production ouencore l’organisation de producteurs com-merciale (OPC avec transfert de propriété) àlaquelle ils appartiennent. En outre, dans cesderniers cas de figure, la contractualisationpeut non seulement être rendue obligatoire àce premier stade mais également au stadeultérieur de la commercialisation par la coo-pérative ou l’OPC, l’alinéa 11 visant égale-ment la conclusion de contrats entre

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(6) Lorsqu'un accord inclut un contrat type mentionné au deuxièmealinéa de l'article L.632-2-1, l'autorité administrative saisie aux finsd'homologation le soumet à l'Autorité de la concurrence. Celle-cirend son avis dans le délai de deux mois ; si l'Autorité de laconcurrence n'a pas rendu son avis à l'expiration de ce délai,l'autorité compétente peut homologuer l'accord.L'autorité compétente dispose d'un délai de deux mois à compterde la réception de la demande d'homologation pour statuer.Lorsque l'Autorité de la concurrence est saisie, ce délai est de troismois. Si, au terme de ce délai, l'autorité compétente n'a pas notifiésa décision, la demande est réputée acceptée ».

(7) Compte rendu intégral des débats devant l’Assemblé nationale,deuxième séance du jeudi 1er juillet 2010, p.65.

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« opérateurs économiques visés au premieralinéa de l’article L.551-1, propriétaires de lamarchandise » et acheteurs ».

Ainsi, selon ce second rapport destiné àl’Assemblée Nationale et contrairement au pre-mier rapport destiné au Sénat, lorsque la conclu-sion d’un contrat de vente écrit est rendueobligatoire par extension ou homologation d’unaccord interprofessionnel ou par décret enConseil d’Etat, celle-ci concernerait non seule-ment les contrats conclus entre le producteur etson acheteur ou l’opérateur économique men-tionné à l’article L.551-1 alinéa 1 du Code rural,propriétaire de la marchandise, (ci-après, « l’opé-rateur économique ») et son acheteur, mais éga-lement les contrats conclus entre le producteur etcet opérateur économique.

Ce rapport étant le plus récent, nous considére-rons que celui-ci fournit l’interprétation la plusexacte du premier alinéa de l’article L.631-24 duCode rural.

De plus, il convient de noter qu’ une exigence estapportée par l’article L.631-24 II alinéa 3, en cequi concerne les sociétés coopératives agricoleset leurs unions, visées par l’article L.521-1 duCode rural : celles-ci seront réputées avoir satis-fait à l’obligation de proposer un contrat écrit auproducteur dès lors qu’elles auront remis à leursassociés coopérateurs un exemplaire des statutsou du règlement intérieur intégrant les clausescontractuelles mentionnées au deuxième alinéade l’article L.631-24 I que nous étudierons ci-après.

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Schéma récapitulatif des parties au contrat de vente de produits agricoles, rendu obligatoireet visé par l’article L.631-24 du Code rural :

Opérateur économique*

propriétaire de la marchandise

PRODUCTEUR (agriculteur)

Proposition de contrat de vente de produits

agricoles

Proposition de contrat de vente de produits

agricoles

Remise au coopérateur d’un exemplaire des statuts ou du règlement intérieur intégrant les clauses contractuelles obligatoires de

l’article L.631-24-I du Code rural

Société coopérative agricole

(également opérateur économique)

Proposition de contrat de vente de produits

agricoles

* Défini à l’article L.551 alinéa 1 du Code rural qui vise les sociétés coopératives agricoles et leurs unions, les sociétés d’intérêt collectif agricole, les associations entre producteurs agricoles régies par les dispositions de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association, les sociétés commerciales et les groupements d’intérêt économique régis par les dispositions du livre II du code de commerce (reconnus par l’autorité administrative comme « organisation de producteurs » s’ils répondent à certains critères posés par l’article L.551-1)

ACHETEUR

(grossiste, transformateur, distr ibuteur)

Contrats de vente de produits agricoles susceptibles d’être rendus obligatoires parextension ou homologation d’un accord interprofessionnel ou par décret

en Conseil d’Etat

Sont concernés tant les contrats conclus avec desgrossistes, centrales, distributeurs, qui achètentseulement pour revendre aux consommateurs,que les contrats passés avec des industriels quitransforment les produits avant de les mettre surle marché. Tous les types de revendeurs sontdonc potentiellement touchés par le nouveau

cadre légal, même ceux qui, en raison de la fai-blesse des volumes d’achat, avaient conservéune tradition essentiellement orale8.

(8) Benoît Grimonprez, « Relations commerciales agricoles : l’aube de lacontractualisation. – A propos de la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010de modernisation de l’agriculture », La Semaine Juridique Entrepriseet Affaires n° 36, 9 septembre 2010, 1771.

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En revanche, sont expressément exclues duchamp d’application de l’article L.631-24 lesventes directes aux consommateurs ainsi que lescessions réalisées au bénéfice des organisationscaritatives pour la préparation de repas destinésaux personnes défavorisées.

Enfin, les dispositions de l’article L.631-24 sontapplicables aux ventes de produits agri-coleslivrés sur le territoire français, quelle que soit la loiapplicable au contrat. Le critère étant le lieu delivraison, une opération conclue en France maisexécutée à l’étranger n’entre pas dans le domainede la loi, à moins que les parties n’aient retenu laloi française comme loi du contrat. A l’inverse, lesapprovisionnements auprès de producteurs étran-gers, s’ils sont livrés en France, doivent obéir auxexigences de l’article L.631-249 selon notre com-préhension et interprétation des textes.

3) Sur les produits concernés :

L’article L.631-24 I visant les contrats de vente deproduits agricoles, nous pouvons en déduire quesont exclus les contrats de prestations de servicesoù l’agriculteur ne fait que transformer le produit etainsi, tous les contrats « à façon » dans lesquelsl’entreprise agro-industrielle conserve la propriétédes denrées10.

Quant aux produits concernés, l’article L.631-24vise les « produits agricoles destinés à la reventeou à la transformation ».

L’Assemblée nationale a ici supprimé la notion derevente en l’état des produits agricoles initiale-ment prévue, afin de couvrir également les pro-duits agricoles conditionnés.

Ainsi que le prévoit le II de l’article 12 de la LMA :

« La liste de produits pour lesquels la proposi-tion écrite de contrat est obligatoire est arrê-tée avant le 1er janvier 2013 ».

B. Contenu obligatoire des contrats de ventede produits agricoles :

L’article L.631-24 du Code rural régit non seule-ment les conditions liées à l’obligation de contrac-tualiser la vente de produits agricoles, maiségalement le contenu de ces contrats. Il prévoitles principales clauses que devra comprendre lecontrat (1), la durée du contrat (2) et les clausesde modalités de fixation de prix dans certains cas(3). L’article L.631-24 étant d’ordre public, les par-ties aux contrats entrant dans son champ d’appli-cation ne peuvent y déroger.

1) Les principales clauses obligatoires :

L’article L.631-24 I alinéa 2 prévoit que devrontimpérativement figurer dans le contrat de vente deproduits agricoles la liste des clauses suivantes,précisant :

- la durée du contrat- les volumes des produits à livrer- les caractéristiques des produits à livrer- les modalités de collecte ou de livraison des

produits- les critères et modalités de détermination du

prix11

- les modalités de paiement - les modalités de révision et de résiliation du

contrat ou préavis de rupture.- l’interdiction, pour les acheteurs, de retour-

ner aux producteurs ou opérateurs écono-miques mentionnés au premier alinéa del’article L.631-24, les produits qu’ils ontacceptés lors de la livraison excepté en casde non-conformité des produits à desnormes légales ou réglementaires.

2) La durée du contrat :

L’accord interprofessionnel ou le décret enConseil d’Etat rendant obligatoire les contrats etmentionnés au a et b du I de l’article L.631-24 duCode rural, fixe, par produit ou catégorie de pro-duits et par catégorie d'acheteurs, la durée mini-male du contrat qui est de un à cinq ans, ainsi queles modes de commercialisation pour lesquelsune durée inférieure est admise.

Il est également prévu que sauf stipulationscontraires, les contrats rendus obligatoires sontrenouvelables par tacite reconduction pour unepériode équivalente à celle pour laquelle ils ontété conclus.

3) Les clauses de modalités de fixation de prixpour les produits visés par l’article L.441-2-1 du Code de commerce :

Selon l’article L.631-24 II alinéa 2 du Code rural :

« Si le contrat prévoit la fourniture à l'acheteurdes avantages mentionnés au premier alinéade l'article L.441-2-1 du code de commerce,il comporte pour les produits mentionnés aumême article des clauses relatives auxmodalités de détermination du prix en fonc-tion des volumes et des qualités des produitset des services concernés et à la fixation d'unprix. Il indique les avantages tarifairesconsentis par le fournisseur au distributeurou au prestataire de services au regard desengagements de ce dernier ».

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(9) Ibid.(10) Ibid.

(11) Le Rapport précité n° 2636 de MM. Raison et Guédon en date du 17juin 2010 précise à ce su-jet :« Ces éléments permettront aux producteurs de connaître le prix devente de leurs produits, qui évoluera en fonction des référenceschoisies dans le contrat. On peut ainsi imaginer que la référence debase soit le prix du marché ou bien l’indice de tendance de marchéproduit par l’interprofession pour le produit concerné, auquelpourraient s’ajouter, par exemple, des « bonus » liés à la qualité duproduit ou permettant de tenir compte de l’évolution du coût desintrants, mais aussi des « malus » intégrant le différentiel de prixavec des produits identiques vendus moins chers dans un paysconcurrent. En revanche, aucun prix fixe ne figurera dans le contrat.Il est en effet économiquement impossible de garantir dans lecontrat un prix d’achat fixe aux producteurs, indépendamment del’évolution des cours sur le marché ; »

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L’article L.441-2-1 du code de commerce, introduitpar la loi n° 2005-157 du 23 février 2005 (et citédans la première partie de cette note) vise, pourles produits agricoles péris-sables ou issus decycles courts de production, d’animaux vifs, decarcasses ou pour les produits de la pêche et del’aquaculture, figurant sur une liste établie pardécret12, les avantages suivants bénéficiant audistributeur ou prestataire de services :

- les remises, rabais, ristournes, ou- la rémunération de services rendus à l’occa-

sion de la revente des produits susvisés,propres à favoriser leur commercialisation etne relevant pas des obligations d’achat et devente ou de services ayant un objet distinct.

Ainsi, pour ces produits et lorsque la conclu-sionde contrats de vente de ces produits est rendueobligatoire en vertu de l’article L.631-24 du Coderural, les avantages tarifaires précités ne peuventêtre consentis par le vendeur, qu’à condition queles contrats de vente comportent certainesclauses relatives :

- aux modalités de détermination du prix enfonction des volumes et des qualités desproduits et des services concernés,

- à la fixation d’un prix- aux avantages tarifaires consentis par le

fournisseur au distributeur ou au presta-tairede services au regard des engagements dece dernier.

Il convient de noter ici que l’application de l’articleL.631-24 du Code rural est exclusive de l’applica-tion de l’article L.441-2-1 du Code de commerce.Ceci résulte du dernier alinéa de l’article L.441-2du Code de commerce inséré par l’article 13 de laLMA qui dispose:

« Les deuxième et troisième alinéas [relatifsaux clauses obligatoires du contrat visé parl’article L.441-2-1 alinéa 1 et à l’obligation dese conformer à ce contrat si celui-ci estétendu] ne sont pas applicables aux produitspour lesquels la conclusion de contrats écritsa été rendue obligatoire en application del'article L.631-24 du code rural et de la pêchemaritime ».

Une exception a toutefois été introduite en matièrede fruits et légumes frais. La LMA a en effet crééun nouvel article L.441-2-2 du Code de commercesupprimant, pour l’achat de ces produits (par toutacheteur, distributeur ou prestataire de services)

le droit de bénéficier de remises, rabais ou ris-tournes. Cette interdiction entrera en vigueur le28 janvier 2011 seulement. Ainsi, le fait pour unacheteur, distributeur ou prestataire de servicesde bénéficier de tels avantages financiers cons-tituera un comportement fautif passible de sanc-tion car la LMA a introduit un article L.442-6-I-13°dans le Code de commerce qui dispose que :

« engage la responsabilité de son auteur etl'oblige à réparer le préjudice causé le fait,[…] de bénéficier de remises, rabais et ris-tournes à l'occasion de l'achat de fruits etlégumes frais en méconnaissance de l'articleL.441-2-2 ».

C. Sanctions :

L’article L.631-25 du Code rural prévoit une sanc-tion administrative d’un montant maximal de75.000 euros :

« Lorsque la conclusion de contrats de venteécrits a été rendue obligatoire dans lesconditions prévues au I de l'article L.631-24,est sanctionné par une amende administra-tive, dont le montant ne peut être supérieur à75 000 € par producteur ou par opérateuréconomique mentionné au premier alinéa del'article L.551-1 et par an, le fait pour unacheteur :

- de ne pas remettre au vendeur une proposi-tion de contrat écrit ;

- ou de ne pas inclure dans la proposition decontrat écrit une ou plusieurs clauses obliga-toires ;

- ou de rédiger ces clauses en méconnais-sance du I de l'article L.631-24.

Est sanctionné de la même manière le fait pourune société mentionnée à l'article L. 521-1 dene pas remettre à un associé coopérateur unexemplaire des statuts ou du règlement inté-rieur dans les conditions prévues au II de l'arti-cle L.631-24.

Le montant de l'amende peut être porté audouble en cas de réitération du manquementdans un délai de deux ans à compter de la pre-mière commission des faits. Il est proportionnéà la gravité des faits constatés, notamment aunombre et au volume des ventes réalisées eninfraction. L'autorité administrative compétentepeut, en outre, ordonner la publication de ladécision ou d'un extrait de celle-ci.

L'amende mentionnée au premier alinéa duprésent article est versée au Trésor public etest recouvrée comme les créances de l'Etatétrangères à l'impôt et au domaine ».

Ainsi, le texte législatif prévoit une amendeadministrative d’un montant maximal de 75 000Euros par producteur ou par opérateur écono-mique et par an.

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(12) Liste établie par le Décret n° 2005-524 du 20 mai 2005 aujourd’huicodifié à l’article D.441-2 du Code de commerce, qui dispose :« Les produits agricoles auxquels s’appliquent les dispositions de l’article

L.441-2-1 sont les suivants :

- Fruits et légumes, à l’exception des pommes de terre de conservation,

destinés à être vendus à l’état frais au consommateur ;

- Viandes fraîches, congelées ou surgelées de volailles et de lapins ;

- Œufs ;

- Miels. »

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Les manquements sont constatés par les agentsde la concurrence, de la consommation et de larépression des fraudes et par les agents des ser-vices de l’Etat chargés de l’agriculture (ArticleL.631-26 alinéa 1 du Code rural).

L’intéressé peut présenter, dans un délai de deuxmois, ses observations écrites ou orales. C’estl’autorité administrative compétente qui pourraéventuellement prononcer la sanction prévue àl’article L.631-25 précitée, après procédurecontradictoire (Article L.631-26 alinéa 2 du Coderural).

Cette décision est susceptible de faire l’objet d’unrecours gracieux, hiérarchique ou contentieux,dans un délai de deux mois à compter de la notifi-cation de la sanction (Article L.631-26 alinéa 3 duCode rural).

Ainsi que le souligne fort justement Benoît

Grimonprez13, « la nullité du contrat est à exclure,

faute de texte érigeant l’instrumentum en condi-

tion de validité de l’acte. En revanche, rien n’em-

pêche de tenir la violation de la loi comme une

faute susceptible d’engager la responsabilité civile

de l’acheteur indélicat. Mais pour engager une

telle action, il faudra s’adresser au juge civil, ce

qui risque d’enchevêtrer les procédures ».

(6) Benoît Grimonprez, « Relations commerciales agricoles : l’aube dela contractualisation. – A propos de la loi n° 2010-874 du 27 juillet2010 de modernisation de l’agriculture », La Semaine JuridiqueEntreprise et Affaires n° 36, 9 septembre 2010, 1771.

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La lettre du CabinetO C T O B R E 2 0 1 0

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AVOCATS

FLASH CONCURRENCE N° 9L’affaire « Chattawak » : l’avenir de la commission - affiliation en jeuPar Nathalia Kouchnir-Cargill

Le domaine de la distribution est riche de la diver-sité des systèmes par lesquels un fabricant peutchoisir de commercialiser ses produits.

L’alternative de départ repose sur le choix entre lerecours à des intermédiaires et la commercialisa-tion par des distributeurs qui achètent pour reven-dre les produits du fournisseur.

Mais il existe une difficulté persistante à poser descritères clairs de qualification des différentes caté-gories d’intermédiaires intervenant dans cedomaine : agents commerciaux, mandataires d’in-térêt commun, courtiers, commissionnaires, etc.

Si le postulat de départ est que l’intermédiairen’achète pas pour revendre les produits qu’il com-mercialise, les frontières permettant de distinguerjuridiquement les différents statuts d’intermé-diaires restent floues et incertaines.

Les rebondissements procéduraux de l’affaire« Chattawak » en sont l’illustration.

La Sarl Chantal Pieri avait conclu en 1987 avec lasociété de prêt à porter Chattawak un contrat defranchise auquel avait été substitué à partir del’année 1999 un contrat de commission-affiliation.

Ce type de contrat que l’on rencontre principale-ment dans le secteur de la distribution, notam-ment de produits textiles au sein duquel ilrencontre un évident succès, résulte d’une adap-tation des dispositions de l’article L.132-1 du Codede commerce qui prévoient : « Le commission-naire est celui qui agit en son propre nom ou sousun nom social pour le compte d’un commettant ».

Ce statut ancien a ainsi été utilisé dans lesréseaux de distribution afin de pallier certainsinconvénients de la franchise en permettantnotamment au distributeur, affilié au réseau etexerçant sous son enseigne, de ne pas supporterle coût du stock et des invendus, et permettant parailleurs au fournisseur, devenu commettant, de

réduire son risque d’impayés, de gérer seul lesapprovisionnements et les assortiments et decontrôler enfin la politique commerciale de sondistributeur, et notamment les prix de revente.

Après un litige entre le commettant et le commis-sionnaire ayant mené à la cessation du contrat, cedernier a entrepris de saisir le Tribunal de com-merce de Paris aux fins de voir requalifier soncontrat en contrat d’agence commerciale et d’ob-tenir une indemnité de rupture du contrat.

La société Chantal Pieri a obtenu gain de causedevant le Tribunal de commerce de Paris puisdevant la Cour d’appel laquelle, dans un arrêt du13 septembre 2006, a considéré, au vu d’un cer-tain nombre d’éléments de fait (utilisation de laseule enseigne « Chattawak », mention du nom« Chattawak » sur les tickets de caisse ainsi quesur les factures, ou encore les courriers adresséspar la banque …) que la société Chantal Pieriagissait, non seulement pour le compte de lasociété Chattawak, mais également au nom decette dernière - et non pas en son nom propre -, cequi était constitutif selon la Cour d’un contratd’agence commerciale.

La Cour se fondait ainsi à titre principal sur ladivulgation du nom du commettant pour exclure laqualification du contrat de commission. Le faitd’agir au nom et pour le compte de Chattawaktransformait selon elle le contrat en mandat.

Il restait surprenant que la Cour, sans autre expli-cation, considère qu’il s’agissait d’un contratd’agence commerciale, sans même prendre lapeine de vérifier si les critères requis pour un telstatut, à savoir ceux posés par l’article L.134-1 duCode de commerce, étaient réunis et notammentl’existence d’un pouvoir de négociation de lasociété Chantal Pieri.

C’est finalement sur l’existence d’une contradic-tion manifeste dans l’arrêt que cette décision sera

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cassée par une décision de la Chambre commer-ciale de la Cour de cassation du 26 février 2008aux termes de laquelle la haute juridiction relèveque la Cour d’appel ne pouvait sans se contredireremarquer que le contrat liant les parties contenaitune disposition selon laquelle la société ChantalPieri était « un commerçant indépendant proprié-taire de son fonds de commerce » et lui attribuersimultanément la qualité d’agent commercial.

La Cour de cassation relevait à cet égard qu’unagent commercial est un simple mandataire quin’a pas de clientèle propre et ne peut donc êtretitulaire d’un fonds de commerce, contrairementau commissionnaire.

C’est donc bien sur la qualification d’agence com-merciale que la Cour de cassation avait alorssanctionné la Cour d’appel de Paris.

En revanche, dans cet arrêt du 26 février 2008, laCour de cassation ne remettait pas en cause entant que telle la requalification du contrat de lasociété Chantal Pieri en mandat du fait qu’elleavait été considérée par la Cour comme agissantau nom et pour le compte de Chattawak.

L’affaire est revenue devant la Cour d’appel deParis et celle-ci, prenant acte des motifs de la cas-sation, confirma dans un arrêt du 9 avril 2009 laqualité d’agent commercial de la société ChantalPieri, mais en précisant cette fois-ci les motifspour lesquels elle considérait que, nonobstant laclause insérée dans le contrat, la société ChantalPieri était en réalité dépourvue de fonds de com-merce.

La Cour d’appel de Paris exposait à cet égard quele fonds de commerce est une universalité de faitcomprenant divers éléments au nombre desquelsse trouvent la clientèle, le droit au bail, l’enseigne,le matériel, le stock, les marques, les licences.

En l’occurrence, la Cour constatait que la plupartdes éléments susceptibles de composer le fondsde commerce appartenaient à la sociétéChattawak, ou étaient contrôlés par celle-ci, spé-cialement l’enseigne, le matériel et le stock.

En ce qui concerne plus particulièrement la clien-tèle, la Cour a estimé que l’influence de la sociétéChantal Pieri sur la clientèle locale attachée à lamarque était « d’autant plus difficile à cerner,qu’hormis la qualité de l’accueil, les moyens misen œuvre étaient étroitement contrôlés parChattawak ».

La Cour d’appel confirmait donc l’existence d’uncontrat d’agent commercial, sans cependant unenouvelle fois s’interroger sur les conditions d’exis-tence d’un tel statut au regard de l’article L.134-1du Code de commerce, le pouvoir de négociationde la société Chantal Pieri pouvant à tout le moinsêtre discuté puisque la Cour relevait elle-mêmeque celle-ci n’avait finalement aucune marge demanœuvre dans son activité.

La position de la Cour sur la propriété de la clien-tèle pouvait également surprendre dans la mesureoù la Cour de cassation avait admis dans sa déci-sion du 27 mars 2002 dans une affaire« Trevisan » que la clientèle appartenait simulta-nément au franchiseur et au franchisé en confir-mant que, si une clientèle est au plan nationalattachée à la notoriété de la marque du franchi-seur, la clientèle locale n’existe que par le fait desmoyens mis en œuvre par le franchisé, citantnotamment l’élément incorporel que constitue lebail.

Or, il est difficile de comprendre la différenced’analyse sur cette question de la propriété de laclientèle entre le franchisé et le commissionnairedans la mesure où le commissionnaire met luiaussi ses propres moyens matériels corporels etincorporels au service de la commercialisation dela marque.

Et c’est bien sur ce dernier point que l’arrêt de laCour d’appel de Paris a fait l’objet d’une nouvellecassation par décision en date du 29 juin 2010.

La Cour de cassation considère notamment que laCour d’appel de Paris a bien identifié, au traversd’une motivation certes alambiquée, une clientèlepropre à la société Chantal Pieri qui avait su fidé-liser une clientèle à l’évidence détachable de lamarque Chattawak et qu’elle ne pouvait en consé-quence lui octroyer le statut d’agent commercial,lequel n’a pas de clientèle propre.

La Cour de cassation semble ainsi s’inscrire dansla lignée de l’affaire « Trévisan » précitée, certessur la base d’une contradiction dans la motivationde la Cour d’appel de Paris, mais en semblantadhérer à l’idée d’une clientèle propre au commis-sionnaire.

La Cour de cassation sanctionne également laCour d’appel de Paris pour ne pas avoir tenucompte du fait que la société Chantal Pieri ait puêtre titulaire d’un bail commercial alors qu’elleconsidère que cet élément est essentiel pourdéterminer si elle pouvait avoir la qualité de com-merçant qu’une agent commercial ne peut possé-der.

Enfin, la Cour de cassation soulève un point quiest tout à fait important dans le cadre de larecherche de la qualification du contrat et qui estrelatif, non aux conditions de la relation entre lecommettant et le commissionnaire, mais à la rela-tion entre le commissionnaire et la clientèle.

En effet, le contrat de commission se distingue ducontrat de mandant en ce que le commissionnairequi agit en son propre nom est lié contractuelle-ment au tiers à l’égard duquel il a bien la qualité devendeur.

De ce fait, c’est le commissionnaire qui peut exi-ger du tiers l’exécution de ses obligations (notam-ment payer le prix) et il sera responsable vis-à-vis

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du tiers de l’exécution des obligations du vendeur(délivrance, garantie, etc.).

Or, cette question était curieusement restéeabsente des débats, même si certains auteursavaient pu relever ce point depuis le début de laprocédure.

La Cour de cassation s’en saisit aujourd’hui etreproche à la Cour d’appel de Paris de ne pasavoir recherché laquelle des deux sociétés,Chattawak ou Chantal Pieri, avait la qualité devendeur.

La simple divulgation du nom du commettant nesuffit en effet pas à considérer que le commission-naire n’agit plus en son nom propre et ce faisant,c’est la qualification même de mandat qui est sus-ceptible de tomber. Ainsi, la Cour n’aurait pas seu-lement eu tort de requalifier le contrat de la sociétéChantal Pieri en agence commerciale mais aussi

d’avoir considéré qu’il puisse s’agir d’un mandatau sens de l’article 1984 du Code civil.

En d’autres termes, « agir en son nom » doit êtreapprécié au sens juridique du terme et larecherche de la qualité de vendeur est à ce titreessentielle.

L’affaire est aujourd’hui repartie devant la Courd’appel de Paris.

Il ressort en tout état de cause clairement de laposition de la Cour de cassation, que celle-ci, quelque soit le fondement de sa motivation, rejettel’idée dans le cas présent d’une requalification ducontrat de commission – affiliation en agencecommerciale.

Reste à savoir si la Cour d’appel de Paris va s’in-cliner ou résister.

Affaire à suivre …

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La lettre du CabinetO C T O B R E 2 0 1 0

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AVOCATS

FLASH CONCURRENCE N° 10Des sanctions clarifiées et plus dissuasives en matière de pratiquesanticoncurrentielles :Le rapport Folz-Raysseguier-SchaubPar Jean-Christophe Grall et Peggy Tourret

La Mission Folz-Raysseguier-Schaub, chargéepar le ministre de l’Economie, de l’Industrie et del’Emploi de réfléchir aux sanctions en matière depratiques anticoncurrentielles, a rendu le 20 sep-tembre dernier son rapport. Cette Mission avaitpour objet de faire des propositions sur lesméthodes envisageables pour améliorer la prévi-sibilité du montant de ces sanctions et leur carac-tère dissuasif. La réflexion a principalement portésur des éléments de procédure et sur le mode decalcul de la sanction.

Le contexte actuel :

Un arrêt rendu le 19 janvier 2010 par la Cour d’ap-pel de Paris1, réformant une décision du Conseilde la concurrence du 16 décembre 2008 ayantlourdement sanctionné l’affaire dite « du cartel del’acier »2, a rappelé la diversité des approchess’agissant de la détermination des sanctions enmatière de pratiques anticoncurrentielles.

Dans cette affaire, la Cour d’appel a ainsi réduitles amendes prononcées de 575 millions à 75 mil-lions d’euros, soit de 500 millions d’euros !

Le Conseil avait repris selon sa pratique décision-nelle habituelle, les quatre critères prévus par l’ar-ticle L.462-4 du Code de commerce pour évaluerla sanction : la gravité de la pratique tout d’abord,qui dépend du type de pratique relevée (les res-trictions verticales étant généralement placées enbas de la fourchette de gravité et les cartels sur

les prix en haut), l’importance du dommage àl’économie, spécificité du droit français, qui recou-vre deux principaux aspects : la perte d’efficacitéde l’économie et les dommages aux victimes de lapratique, ensuite la durée et la réitération des pra-tiques et enfin l’individualisation de la sanction.

Le plafond légal de l’amende est fixé à 10 % duchiffre d’affaires mondial consolidé hors taxes dugroupe en cause.

La Cour d’appel a de son côté adopté uneapproche très différente.

En effet, contrairement au Conseil, la Cour d’ap-pel de Paris, juridiction de recours, n’est liée paraucun mode de calcul précis. La Cour d’appel deParis réforme d’ailleurs régulièrement le montantdes amendes prononcées par l’Autorité de laconcurrence3.

Dans cette décision du cartel de l’acier, la Courd’appel avait reproché notamment au Conseil,tout d’abord de ne pas avoir pris en compte lacrise économique du secteur et ensuite le modede calcul de la sanction. Sur ce second point laCour, a, en particulier, considéré que contraire-ment au Conseil qui détermine le montant del’amende en se fondant sur les critères de l’articleL.462-4 puis vérifie dans un second temps que leplafond légal n’est pas dépassé, il convient d’utili-

(1) CA Paris 19 janvier 2010, RG n°2009/00334.(2) Cons.conc, décision n°08-D-32 du 16 décembre 2008 relative à des

pratiques mises en œuvre dans le secteur du négoce des produitssidérurgiques.

(3) A titre d’exemples : Cons.conc, décision n°08-D-12 relative à despratiques mises en œuvre dans le secteur de la production decontreplaqué réformé par CA Paris 29 septembre 2009, RG n°2008/12495 / Cons. conc, décision n°07-D-08 du 12 mars 2007relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur del’approvisionnement et de la distribution du ciment corse, réformépar CA 6 mai 2008, RG 2007/06172.

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ser le plafond légal comme point de départ du rai-sonnement du montant de l’amende.

Cet arrêt a illustré le manque de cohérence dansl’appréciation des sanctions en matière de pra-tiques anticoncurrentielles entre l’Autorité de laconcurrence et la Cour d’appel de Paris.

Une telle incertitude dans la détermination dumontant des sanctions est très insécurisante pourles entreprises.

Cette affaire a donc conduit le Ministre del’Economie, de l’Industrie et de l’Emploi à confier,par lettre du 19 février 2010, à trois personnalités(Jean-Martin Folz, ancien président directoire dePSA, Christian Raysseguier, premier avocatgénéral près la Cour de cassation et AlexanderSchaub, avocat et ancien directeur général de laconcurrence puis du marché intérieur à la com-mission), la mission ayant pour objet de faire, enlien avec l’Autorité de la concurrence, la DGCCRFet la Chancellerie, des propositions sur lesméthodes envisageables pour améliorer la prévi-sibilité du montant de ces sanctions et leur carac-tère dissuasif.

C’est ainsi que pendant cinq mois, de nombreuxacteurs et spécialistes du droit de la concurrence,français et européens ont été consultés.

Les personnes auditionnées ont formulées un cer-tain nombre de critiques majeures à l’égard dusystème actuel de sanctions et c’est sur cettebase et à partir de sa propre réflexion que laMission a pu émettre un certain nombre de recom-mandations.

La Mission a rendu son rapport « Sur l’apprécia-tion des sanctions en matière de pratiques anti-concurrentielles » le 20 septembre dernier.

∗ ∗ ∗

Les propositions de la Mission :

Dans son rapport, la Mission, après avoir notam-ment rappelé le système actuel français de sanc-tions des pratiques anticoncurrentielles ainsi queles approches en la matière de la Commissioneuropéenne, de différents Etats de l’Union(Royaume-Uni, Allemagne, Espagne) et des EtatsUnis, puis précisé les principales critiques faites àl’encontre du système actuel, a consacré la der-nière partie du rapport à ses recommandations quisont de plusieurs ordres :

• Sur la procédure :

Selon le rapport « les auditions ont relevé unmanque de transparence et un déficit de débatcontradictoire dans la fixation de la sanction. Lasanction prononcée par l’Autorité de la concur-rence est une sanction quasi-pénale et dès lorselle doit s’inscrire dans une procédure qui res-pecte les principes généraux du procès équitable

et des doits de la défense consacrés par le droitnational et conventionnel »4.

C’est pourquoi, le rapport préconise, en premierlieu, qu’un débat contradictoire sur la sanction aitlieu plus tôt dans la procédure. En effet, les rap-porteurs abordent la question de la sanction à l’oc-casion de la notification des griefs ou du rapportfinal et les parties ne prennent pleinementconnaissance de la sanction que lors de la déci-sion.

Le rapporteur pourrait donc faire connaitre, austade de son rapport, outre son appréciation dudommage à l’économie, la nature de la sanctionqu’il préconise et s’il s’agit d’une amende pécu-niaire, une fourchette de son montant.

La Mission estime également qu’il serait opportunde mettre en place une commission des sanctionsséparée du collège de l’Autorité de la concurrencequi permettrait de mieux garantir l’indépendanceentre les phases de poursuite et d’instructiond’une part, et la décision quant à la fixation dessanctions, d’autre part.

• Sur le mode de calcul de la sanction :

S’agissant du mode de calcul, il ressort des cri-tiques formulées à l’égard du système actuel queles « principes posés par l’article L. 464-2 sonttrès généraux et ne permettent que très peu deprévisibilité quant à la sanction encourue. Si laprévisibilité ne doit pas être totale […], elle doitcependant exister à un certain degré afin d’éviterdes incohérences dans l’attribution des sanctionset de permettre une sécurité juridique »5.

Par ailleurs, il est également considéré que lanotion de dommage à l’économie est une notion« floue » pour les justiciables. En effet, la pratiquede l’Autorité de la concurrence et de la Cour d’ap-pel n’a pas permis de clarifier ce qui est entendupar son « importance ».

La Mission recommande dès lors une nouvelleapproche pour le mode de calcul de la sanction.

- Le rapport suggère tout d’abord d’abandon-ner le recours au critère du dommage àl’économie, lequel ne devrait intervenir qu’austade des pondérations comme circons-tance atténuante ou aggravante, dans lesseuls cas où il peut être véritablement iden-tifié.

- Il est ensuite préconisé de définir un montantde base pondéré par des circonstances atté-nuantes ou aggravantes. Un instrument deréférence doit prévoir le montant de base àprendre en compte correspondant à unpourcentage de la valeur des ventes des

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(4) Rapport « Sur l’appréciation de la sanction en matière de pratiquesanticoncurrentielles », Jean Martin Folz, Christian Raysseguier,Alexander Schaub, p.32.

(5) Cf supra n° 4, p. 28

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produits ou services concernés par la pra-tique anticoncurrentielle (par exemple 5 à15% de la valeur des ventes). C’est donc lechiffre d’affaires affecté qui servirait d’as-siette de calcul de l’amende. La fixation dupourcentage doit correspondre à la gravitéde la nature de la pratique anticoncurren-tielle, dans une fourchette de 5 à 15 %.

- La durée des pratiques constitue égalementun élément déterminant du calcul del’amende. Le rapport met en avant le modèleespagnol, à savoir de multiplier la base del’amende par un coefficient annuel dégres-sif.

- S’agissant des circonstances atténuantes etaggravantes venant pondérer le montant debase de l’amende, la mission suggère despondérations classiques telles que l’exis-tence d’une coopération avec l’Autorité de laconcurrence, la situation économique etfinancière de l’entreprise concernée, la réité-ration des pratiques ou encore l’entrave àl’enquête. D’autres types de pondérationssont également proposés, tels que la margemoyenne du secteur concerné, les indemni-sations des victimes proposées directementpar une entreprise dans le cadre de la pro-cédure devant l’Autorité de la concurrence,l’existence ou non de programmes deconformité réels et sérieux de l’entreprise etleur mise en œuvre efficace, ou encore ledommage à l’économie.

• Sur le plafond légal et l’imputabi-lité de la pra-tique :

La Mission recommande que le plafond légal del’amende prévu par l’article L.464-2 du Code decommerce, qui fait référence au chiffre d'affairesdu groupe consolidé au niveau mondial lorsque lasociété reconnue responsable fait partie d'un telgroupe, agisse en tant que limite à ne pas dépas-ser et non en tant que point de départ du calcul dumontant de l’amende. Ce plafond ne doit doncintervenir qu’une fois le montant de base del’amende déterminé.

Quant à l’imputabilité de la pratique, celle-ci doitse limiter à la société concernée. Il convient derespecter le principe d’individuali-sation de lasanction. Le rapport propose donc que la respon-sabilité de la société mère ne soit retenue quelorsque celle-ci a été indifférente quant aux agis-sements de sa filiale ou négligente dans la mise

en œuvre au sein du groupe d’un programmesérieux de prévention des pratiques anticoncur-rentielles, ou avait connaissance des pratiques oua participé à l’infraction.

• Sur la possibilité de recourir au sursis :

Pour les atteintes les moins graves au droit de laconcurrence, il est proposé de recourir au sursisavec mise à l’épreuve en cas de première infra-ction.

• Sur l’importance des sanctions individuelles :

Le rapport souligne les limites d’un système desanctions qui ne repose que sur la responsabilitéde l’entreprise. Il est en effet précisé qu’ « unesanction pécuniaire sur l’entreprise revient à punirles actionnaires et les clients pour les agisse-ments de personne qui, ont parfois quitté l’entre-prise »6.

Il préconise donc de développer des sanctionsindividuelles, qui ont de plus un effet plus dissua-sif (amendes personnelles, interdiction de gérer,d’exercer des mandats sociaux, etc.).

∗ ∗ ∗

S’agissant de la mise en œuvre de ces recom-mandations, la Mission a proposé dans sonrapport plusieurs instruments. Après avoir décon-seillé la voie législative, elle a mis en avant lerecours à des lignes directrices qui auraientnotamment l’avantage de pouvoir être modifiéesplus facilement. Le recours à un décret est égale-ment une option retenue.

Le Ministre semble toutefois avoir tranché etchoisi la voie des lignes directrices puisqu’il consi-dère que « le rapport constitue une base solidepour l’élaboration de lignes directrices »7.

Le Ministre a invité l’Autorité de la concurrence àlancer sans tarder les travaux d’élaboration, enconcertation, comme le préconisent les membresde la Mission dans leur conclusion, avec l’ensem-ble des parties et autorités concernées. L’objectiffixé est que les sanctions des pratiques anticon-currentielles en France soient toujours plus effi-caces et dissuasives, mais également prévisibles,si possible avant la fin de l’année 2010.

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(6) CF supra, p.36.(7) Communiqué de presse du ministère de l’économie du 20

septembre 2010, « Pratiques anticoncurrentielles : ChristineLagarde a reçu le rapport sur l’appréciation de la sanction »

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AVOCATS

FLASH CONCURRENCE N° 11Stratégie d'exclusion sur les marchés des récupérateursautomatiques de déchets : le Tribunal de l’Union européenneconfirme la décision de la Commission dans l’affaire TomraPar Jean-Christophe Grall et Philippe Jouvet

Dans un arrêt rendu le 9 septembre 2010, dansl’affaire Tomra contre Commission (T-155/06), leTribunal de l’Union Européenne a confirmé dansson intégralité, l’analyse de la Commission quiavait condamné pour abus de position domi-nante, la société Tomra. Cette dernière, leader surle marché européen des récupérateurs automa-tiques d’emballages pour boissons, avait mis enplace une stratégie d’exclusion via des accordsd’exclusivité, ainsi que des engagements quanti-tatifs et une politique de rabais rétroactifs indivi-dualisés, ce qui verrouillait dés lors le marché à laconcurrence !

Les pratiques relevées n’avaient rien de révolu-tionnaire : quand Tomra ne parvenait pas àconclure des accords d'exclusivité avec sesclients, des chaînes de supermarchés, il leuraccordait des ristournes pour des quantités indivi-dualisées correspondant à la totalité ou à la quasi-totalité de la demande ou des rabais de fidélité,subordonnés à la condition que les clients s'ap-provisionnent pour la totalité ou la majeure partiede leurs besoins. Selon la Commission, ces pra-tiques avaient pour objectif l’exclusion des concur-rents du marché et les privait de toute possibilitéd'expansion.

Dans ce recours contre la décision C (2006) 734de la Commission, du 29 mars 2006, Tomradénonce l'utilisation par la Commission depreuves manifestement inexactes et peu fiablespour la constatation que les requérantesmenaient une stratégie d'exclusion. Elle reprocheaussi à la Commission diverses erreurs mani-festes d'appréciation concernant sa capacité à éli-miner la concurrence. Enfin, elle invoque laviolation des principes de proportionnalité et denon-discrimination dans le calcul de l'amende.

Néanmoins, le Tribunal rejette l’intégralité desarguments, point par point :

l La Commission ne s'est pas uniquementfondée sur l'intention ou la stratégie desrequérantes pour démontrer la stratégied’exclusion. Elle a aussi tenu compte de ladocumentation interne des parties (point35) ;

l Le Tribunal rappelle, dans le droit fil d’unejurisprudence communautaire bien établie,que le fait pour une entreprise en positiondominante « de lier des acheteurs par uneobligation ou une promesse de s’approvi-sionner pour la totalité ou pour une partconsidérable de leurs besoins exclusive-ment auprès d’elle constitue une exploita-tion abusive d’une position dominante (…),soit que l’obligation en question soit stipu-lée sans plus, soit qu’elle trouve sa contre-partie dans l’octroi de rabais ». (point 295) ;

l La Commission a démontré que les enga-gements sur les quantités convenues àl'origine correspondaient généralement à latotalité ou à une proportion élevée desbesoins effectifs des clients au cours d'unepériode contractuelle donnée, l'analyse expost montrant que les volumes des achatseffectifs sont, dans la plupart des cas, légè-rement supérieurs aux volumes prévusdans les engagements quantitatifs ;

l La Commission ne s'est pas contentéed'analyser le contenu des accords en ques-tion et a bien pris en considération lecontexte dans lequel lesdits accords s'ins-crivaient, en examinant la capacité de cespratiques à fausser la concurrence dansles circonstances de l'espèce, en recher-chant les effets réels des pratiques, en pre-

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nant en compte la prétendue supérioritétechnique des produit de Tomra, ainsi quela qualité d'acheteur professionnel de sesclients, mais aussi en relevant l'absence dejustifications économiques objectives etrespectueuses de la concurrence des pra-tiques en cause ;

l La Commission a eu raison, selon leTribunal, de considérer qu'en fait d'engage-ments non contraignants sur les quantités,la grande majorité de ces accords subor-donnait le prix et les conditions commer-ciales à l'achat d'un certain volume par leclient et était proche d'une politique derabais rétroactifs.

On relèvera encore du présent arrêt deux préci-sions d'importance :

Tout d'abord, Le Tribunal juge que la Commissiona, à juste titre, considéré que, en verrouillant unepartie significative du marché, comme dans le casd’espèce, l’entreprise dominante a limité l’entrée àun ou quelques concurrents et, donc, a restreintl’intensité de la concurrence dans l’ensemble dumarché :

« En effet, le verrouillage d’une partie substan-tielle du marché par une entreprise dominante nepeut être justifié par la démonstration que la partiedu marché susceptible d’être conquise est encoresuffisante pour faire place à un nombre limité deconcurrents. En effet, d’une part, les clients qui setrouvent dans la partie verrouillée du marchédevraient avoir la possibilité de profiter de toutdegré de concurrence qui est possible sur le mar-ché et les concurrents devraient pouvoir se livrerconcurrence par les mérites pour l’ensemble dumarché et pas seulement pour une partie de celui-

ci. D’autre part, le rôle de l’entreprise dominanten’est pas de déterminer combien de concurrentsviables sont autorisés à la concurrencer pour laportion de la demande encore susceptible d’êtreconquise ». (point 240 et 241).

Autre précision d'importance concernant celle-làl'assiette de calcul de l'amende, le Tribunal estimeque la Commission, faisant application des lignesdirectrices de 1998, n'a pas violé le principe denon-discrimination en fixant l'amende à 8 % duchiffre d'affaires global mondial des requérantes,sans égard pour le chiffre d'affaires afférent auxproduits en cause. S'il ne saurait être nié que lechiffre d'affaires afférent aux produits en causepeut constituer un fondement approprié pour éva-luer les atteintes à la concurrence sur le marchédesdits produits au sein de l'EEE, il n'en demeurepas moins que cet élément ne constitue pasl'unique critère d’appréciation. La nature propre del'infraction, l'impact concret de celle-ci lorsqu'il estmesurable, l'étendue géographique du marchéaffecté et la nécessaire portée dissuasive del'amende sont autant d'éléments, en l'espèce prisen considération par la Commission, pouvant jus-tifier à suffisance de droit le montant de l'amende.Au cas d'espèce, le chiffre d'affaires réalisé, dansles marchés concernés par l'infraction, représen-tait 25 % du chiffre d'affaires global. Estimant qu'ils'agit là d'une part relativement importante de l'ac-tivité de l'entreprise, le Tribunal retient en tout étatde cause qu'il ne saurait être prétendu que lesrequérantes n'ont réalisé qu'une part ténue de leurchiffre d'affaires global sur les marchés en cause(pts. 316 à 320).

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AVOCATS

FLASH CONCURRENCE N° 12« La collusion et la corruption dans la passation des marchéspublics » : l’OCDE met en ligne les actes de la table ronde : Plus decontrôle et plus de sévérité en perspective !Par Jean-Christophe Grall et Nicolas Bodin

Lors du neuvième Forum mondial sur la concur-rence en février 2010, L’OCDE a organisé unetable ronde dont le sujet était la collusion et la cor-ruption dans les marchés publics. L’OCDE a misen ligne plus de cinq cents pages qui reprennentles débats, la note de référence du Secrétariatgénéral et les contributions soumises par les diffé-rents pays et intervenants. Le but de cette tableronde était en effet de mettre en commun les par-ticipations des acteurs afin d’optimiser la luttecontre ces infractions, que ce soit en termes dedétection ou de répression. Un tel travail a été par-ticulièrement enrichissant en ce sens que les mul-tiples nationalités présentes ont permis d’avoirune vision multiculturelle et croisée de ces infra-ctions.

Dans un premier temps, les problèmes de collu-sion et de corruption ont été abordés comme desphénomènes distincts. Il a été observé par les dif-férents intervenants que la corruption pouvait êtrefacilitée par la faiblesse du système législatif encause qui peut permettre des comportementsdélictueux des fonctionnaires ou encore par lesvaleurs culturelles et sociales qui peuvent induire,dans certains pays, une coopération entrecitoyens, qui elle-même alimente le processus decorruption. Une transparence excessive des mar-chés favorise aussi les comportements délic-tueux. Il est important de préciser que dans lesmarchés publics, l’acheteur n’est pas directementle payeur, ce qui contribue à faciliter la corruption.Pour la collusion, les facteurs qui facilitent cettepratique sont divers : on peut notamment citer lamauvaise conception des procédures de passa-tion des marchés, un excès de complexité ouencore un manque de formation des fonction-naires responsables. Au cours de cette tableronde, il a été aussi remarqué que si la collusion etla corruption sont présentes dans tous les

domaines, il n’en reste pas moins qu’elles se ren-contrent plus souvent dans certains secteurs par-ticuliers comme le BTP ou la santé.

Dans un second temps, les deux infractions ontété envisagées ensemble, ce qui peut semblerparfaitement logique. En effet, si ces deux infra-ctions sont distinctes d’un point de vue juridique, ilfaut aussi ajouter que leur effet est souvent lemême, à savoir, la désorganisation d’un marchépublic par son attribution sur la base de critèresautres que la concurrence équitable et les méritesde l’offre retenue. Et dans ce cas, l’utilisation desdeniers publics n’est pas optimale. Il existe mêmedes liens entre la corruption et la collusion qui serenforcent mutuellement. De manière générale,ce lien entre les deux infractions permet de répon-dre à deux impératifs :

l La nécessité de « dédommagement » oud’attribution de marchés secondaires, afinque le délit de corruption ne soit pasrévélé ;

l Et la volonté de rendre la corruption moinsvisible afin de créer une apparence deconcurrence.

Compte tenu de ces éléments, les intervenants dela table ronde se sont focalisés sur la question dela lutte contre ces deux infractions. Comme pourleurs effets, deux approches sont possibles, unelutte contre chacune des infractions ou contre lesdeux de front. Parmi les mécanismes de luttecontre la corruption on peut notamment citer lesaudits ex post, les poursuites judicaires à hautevisibilité afin d’engendrer un soutien public auxefforts d’application de la loi ou encore la limitationdu pouvoir discrétionnaire des fonctionnaires parune accentuation de la transparence. Contre lesententes et cartels anticoncurrentiels, il est possi-ble d’envisager des mécanismes tels que l’ouver-

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ture des marchés à la concurrence internationale,une conception des adjudications qui ne laisseaucune marge pour la collusion ou encore unemeilleure formation des fonctionnaires en chargede ces procédures et un dialogue accru avec eux.

Mais toute la difficulté repose sur le fait que lesméthodes de prévention de l’une et de l’autre sontparfois concurrentes alors qu’une protection opti-male de passation des marchés publics passe parune lutte contre les deux en même temps. A cetitre, l’amélioration de la transparence conçuecomme une plus grande disponibilité des informa-tions et accessibilité à celles-ci sur les marchés,une amélioration des règles de procédure de pas-sation de ces marchés, la prise de décision rapideet la vérification systématique de l’application desrègles de concurrence, est une arme à doubletranchant. En effet, cette transparence est unearme redoutable pour la prévention de la corrup-tion. Néanmoins, cette transparence peut aussipermettre la collusion entre soumissionnaires carla diffusion d’informations commercialement sen-sibles permet aux concurrents d’aligner leur stra-tégie et facilite la formation d’un cartel. De plus,une transparence excessive peut rendre le pro-cessus d’adjudication prévisible et facilitera d’au-tant plus la collusion !

C’est dans cette optique que la coopération revêttoute son importance car elle permet de mettre aupoint une stratégie d’ensemble cohérente, pourque les infractions fassent l’objet de poursuitesefficaces. Cette coopération revêt deux aspects :d’une part, entre les autorités de concurrence etles entités adjudicatrices et d’autre part, entre lesautorités de concurrence et les organismes delutte contre la corruption. Si une telle coopérationexiste déjà dans de nombreux pays, des travauxcomplémentaires seraient nécessaires sur cepoint, notamment sur le champ d’application desprotocoles d’accord entre les autorités decontrôle. Toutefois, il semble que cette coopéra-tion soit une « approche fructueuse » et donc unevoie à approfondir. Il faut aussi trouver un équilibre

entre les divers mécanismes qui ont été mis aupoint pour préserver et améliorer le processus depassation des marchés publics, afin de concilierles exigences parfois contradictoires de la préven-tion de la collusion et de la corruption. Et cela, entenant compte du droit de la concurrence, du droitpénal et de la réglementation des marchéspublics, qui constituent le cadre législatif et/ouréglementaire actuel.

En termes de dissuasion, le plus efficace est sansnul doute la perspective crédible pour les soumis-sionnaires de voir leurs actes découverts et pour-suivis, en association avec des sanctions sévèresà vertu pédagogique. Réflexion est faite que lesamendes infligées pour un comportement fraudu-leux sont parfois considérées comme un simplecoût opérationnel par les entreprises concernées !La mauvaise publicité faite à l’entreprise par lapublication de la décision de condamnation, l’in-terdiction de répondre aux futurs appels d’offres etl’interdiction potentielle d’exercer certaines fonc-tions au sein de l’entreprise pour les dirigeantsmis en cause sont de véritables épées deDamoclès, beaucoup plus dissuasives sur un planpratique !

Ainsi, si la poursuite d’un objectif d’éliminationtotale de ces comportements semble encore bienutopique à ce jour et être un idéal, le développe-ment d’une véritable « culture de conformité audroit » constituera une étape importante vers unelimitation de ces infractions. Car si la coopérationdes autorités régulatrices et/ou de contrôle est pri-mordiale, les soumissionnaires sont les mieux pla-cés pour détecter les irrégularités, ce qui devraitinduire un double contrôle, interne et externe, et lamise en œuvre progressive de programmes decompliance au sein des entreprises afin d’éviterles comportements à risque et d’éradiquer toutetentation de certains salariés d’échanger desinformations sensibles avec leurs concurrentsnotamment.

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FLASH CONCURRENCE N° 13L’analyse des effets anticoncurrentiels dans une pratique de « huband spoke »Par Jean-Christophe Grall et Philippe Jouvet

Quel poids donner à l’analyse des effets anticon-currentiels dans le cadre d’une pratique de « huband spoke » dite encore « ABC » : Illustration avecun cas d’espèce récent.

I. Rappel sur les pratiques de « hub andspoke » :

Dans le cadre des relations entre fournisseurs etdistributeurs, la nature horizontale ou verticaled’une entente anticoncurrentielle peut être difficileà déterminer.

Dans une apparente restriction horizontale, il fautsavoir déceler en quelque sorte un maître d’œu-vre, l’organisateur de l’entente situé en amont,voire en aval.

Aux États-Unis, cela fait référence à la notion de« hub and spoke conspiracy ».

Un opérateur est au centre (« hub ») de relationsbilatérales ou multilatérales avec des distributeurs(« spokes »).

En d’autres termes, il est l’organisateur d’uneentente en apparence horizontale, qui sert en finde compte ses intérêts dans le rapport de vertica-lité.

Il s’avère que cet opérateur économique peut êtreun producteur/fournisseur dans le cadre de la dis-tribution de ses produits par des grandes surfacessituées sur différents territoires communautaires.

Le fournisseur sert ainsi de hub en collectant etdiffusant des informations sur les prix envisagéspar ses distributeurs, ce qui permet à ces derniersde connaitre le prix de leurs concurrents sans éta-blir de contact horizontal entre eux.

A titre d’illustration : un fabricant de produits Aapprend que l’enseigne X n’augmentera le prixdes produits A que si les enseignes concurrentesY et Z font de même. Le fabricant alerte alors Y etZ qui confirment qu’ils augmenteront le prix des

produits A si X les augmente. Le fabricantconfirme cette information à X qui n’a pas à crain-dre une baisse de part de marché en cas d’aug-mentation des prix des produits A et procède ainsià la hausse de prix, étant en effet suivi de factopar ses concurrents distributeurs sur le marché !

L’organisateur du réseau peut également être undistributeur.

Ainsi, dans la célèbre affaire Toys “R” Us1, jugéeaux Etats-Unis en 2000, ce distributeur de jouets aété reconnu comme le coordinateur d’une ententehorizontale entre fabricants de jouets. En l’es-pèce, le grand distributeur ne s’était pas contentéde nouer avec ses fournisseurs des relationscontractuelles. Il les avait également incités à boy-cotter les clubs de jouets qui constituaient unautre canal de distribution.

De façon générale, le « hub and spoke » peuts’observer quand au moins un marché (amont ouaval) est fortement concentré. Il est dès lors plusfacile de contrôler l’entente avec peu de partici-pants.

Le « Hub and spoke » s’observe tout particulière-ment quand un fournisseur n’a pas d’intérêt à ceque les prix de revente de ses produits auxconsommateurs soient relativement faibles, ceque provoquerait logiquement une forte concur-rence entre distributeurs. L’entente apparaîtquand cette baisse du prix des produits auxconsommateurs ne profite pas au fournisseur.

Ainsi, le fournisseur peut agir de concert avec lesdistributeurs pour maintenir des prix de reventeélevés pour le consommateur puisqu’il y trouveun intérêt, non pas dans l’augmentation des

(1) United States Court of Appeal for the Seventh Circuit 2000, 221 F.3d 928. V, 1er Aout 2000.

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ventes sur le marché aval (qui n’existe pas du faitde prix élevés) mais par l’avantage que le fournis-seur détient sur ses concurrents sur le marchéamont grâce à ses accords tacites avec les distri-buteurs.

II. Cas pratique d’un échange d’informa-tion dansune pratique de « hub and spoke » :

Dans le cas type d’un « Hub and spokes », leseffets que peut avoir un échange d’informationsorganisé par le Hub sur le consommateur finalpeuvent se relever déterminants.

Prenons le cas d’école suivant2 : le responsablecommercial d’un fournisseur communique paremail des prix portant sur ses produits avec plu-sieurs distributeurs. Dans plusieurs courriels, leresponsable commercial présente une analysespéculative à chaque distributeur, sur ce quepourrait être le prix futur de revente de ses concur-rents.

Deux types d’analyse sur les effets peuvent êtredéveloppés :

- Une analyse fondée sur le prix final payépar le consommateur :

Il s’agit ici d’évaluer dans quelle mesure l’informa-tion échangée a été jugée pertinente et détermi-nante pour la stratégie des distributeurs.

Ainsi si le responsable commercial écrit : « Le dis-tributeur A est d’accord pour augmenter son prixde revente de 10%, et si vous (distributeur B) vousalignez sur ce prix, alors A maintiendra ces prix àun haut niveau », ce genre d’information pourraeffectivement aider à prouver l’existence d’uneentente de type Hub and Spoke. Mais ce type demails peut également constituer une sorte de rusepour convaincre les distributeurs qu’il y a unconsensus à la hausse des prix de revente, alorsmême que les distributeurs n’ont pas décidé d’unetelle hausse de prix.

Avec une analyse rétrospective des prix, on a pudéterminer que, quelle que soit la motivation etl’intention des parties, il n’y avait pas de relationentre les informations du fournisseur sur les inten-tions des distributeurs d’augmenter les prix futurset les prix réellement pratiqués par ces derniers.

Autrement dit, l’information relayée par le fournis-seur n’était pas crédible.

- Une analyse des marges du fournisseur etdes distributeurs :

Cette analyse consiste à observer s’il existe deshausses de marge en amont et en aval pendant lapériode d’échange d’informations, ce qui induitune analyse des coûts internes et des marges dufournisseur, ainsi que des données sur les prix derevente.

En l’espèce, il n’y avait pas de relation entre unehausse des marges et la période pendant laquellel’information avait été échangée. En outre, la poli-tique de marges et de prix n’avait pas évolué unefois que la pratique avait été connue des autoritésde concurrence.

Il n’y avait ainsi pas de liens entre l’échanged’email et la hausse des prix pour les consomma-teurs.

Enfin, au cas d’espèce, l’instruction devant lesautorités de concurrence ne s’est pas poursuivie,l’entreprise en cause prenant des engagementscomportementaux.

Elle ne se serait pas poursuivie également, selonles conseils de la partie en cause, puisque l’ana-lyse des effets contredisait un comportement sup-posé nuisible au bien être du consommateur.

Cet exemple démontre qu’il appartient aux autori-tés de la concurrence de distinguer, d’une part, leséchanges d’informations organisant un véritableréseau témoignant d’une entente de type « huband spoke » et, d’autre part, les échanges de cor-respondances non susceptibles de caractériserune véritable entente de nature anticoncurren-tielle !

(2) Le cas suivant est exposé par le cabinet de micro économieCharles River Associates dans son « memo concurrence »d’octobre 2010 : « Effects analysis in Hub and Spoke Cartels ».

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FLASH CONCURRENCE N° 14La remise en question par la Cour d’appel de Paris de la méthode desaisie globale des messageries électroniques employée parl’Autorité de la concurrence dans le cadre des opérations de visiteset saisies.Par Jean-Christophe Grall et Peggy Tourret

Le Premier Président de la Cour d’appel de Parisa rendu le 2 novembre dernier trois ordonnances1

dans lesquelles il s’interroge fortement sur laméthode de saisie globale des messageries élec-troniques employée par les agents de l’Autorité dela concurrence ou de la DGCCRF.

Saisi de recours formés par trois entreprises ayantfait l’objet d’opération de visites et de saisies auto-risées par le Juge des Libertés et de la Détention(JLD) du Tribunal de Grande Instance de Paris, lemagistrat a décidé de surseoir à statuer et d’or-donner une expertise ayant pour objet de détermi-ner s’il est possible ou non d’effectuer une saisiesélective de messages dans la messagerie élec-tronique sans pour autant compromettre l’authen-ticité de ceux-ci !

Ces trois entreprises dénonçaient, en effet, lesmodalités de saisies des messageries électro-niques qui auraient été effectuées, en violationdes droits de la défense, du secret des correspon-dances avocat-client et du droit à la vie privée. Ilétait notamment reproché aux agents de l’Autoritéde la concurrence de ne pas avoir procédé auciblage de leurs saisies, ce qui aurait conduit à lasaisie de documents hors du champ de l’autorisa-tion judiciaire. En conséquence, elles deman-daient l’annulation pure et simple des saisies etdes procès-verbaux les relatant, et, pour deuxd’entre elles, une expertise sur les modalités desaisie de documents informatiques et de messa-geries, et d’inventaire informatique.

Les trois ordonnances prononcées par le déléguédu Premier Président de la Cour d’appel étaientinattendues. C’est la première fois que le PremierPrésident de la Cour d’appel de Paris remet enquestion la méthode de saisie globale des messa-geries électroniques.

Il convient, en effet, de rappeler que, s’agissantdes saisies informatiques effectuées dans lecadre d’enquêtes lourdes prévues par l’articleL.450-4 du Code de commerce, l’administrationuse du principe selon lequel les documents infor-matiques sont insécables et qu’ils doivent doncfaire l’objet d’une saisie globale.

Ce principe est largement repris par la jurispru-dence qui considère également qu’il n’est pasinterdit à l’administration de saisir des pièces pourpartie utiles, seulement, à la preuve desdits agis-sements.

La Cour de cassation s’est ainsi prononcée en cesens dans l’arrêt SITA du 12 décembre 20072

considérant que pour que la saisie des message-ries informatiques soit licite, elles doivent viser« au moins en partie » les pratiques anticoncur-rentielles suspectées.

La Cour de cassation est allée plus loin s’agissantdu contenu des documents saisis dans deuxarrêts du 13 janvier 20103, en confirmant la déci-sion du JLD estimant que l’article L.450-4 du Codede commerce n’exclut pas du champ des docu-ments pouvant faire l’objet d’une saisie, ceux quiseraient de nature à porter atteinte à la protection

(1) Cour d’appel de Paris, ordonnances du 2 novembre 2010, n°365,366, 369.

(2) Cass. crim, 12 décembre 2007, n°06-81.907.(3) Cass.crim, 13 janvier 2010, n°07-86228 et n°07-86229.

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du secret des affaires. La Cour de cassationestime en effet que, conformément à l’articleL.463-4 du Code de commerce, la partie mise encause a la possibilité, en cas de contentieuxdevant l’Autorité de la concurrence, de demanderle retrait ou l’occultation partielle des pièces met-tant en jeu ledit secret. En l’espèce, le JLD aconsidéré la saisie régulière puisque la sociétédemanderesse a sollicité la restitution de l’intégra-lité des données saisies, mais n’a pas précisé lesfichiers dont l’ensemble des documents contenusétaient hors du champ de l’autorisation.

Jusque là, le Premier Président de la Cour d’appelde Paris avait toujours partagé cette position.Récemment encore, il a refusé de faire droit auxdemandes d’annulation d’opérations de saisie, enrappelant le principe d’insécabilité des documentsinformatiques en ces termes4 :

« Qu'il est désormais de jurisprudence qued'une part, si l'administration ne peut appré-hender que des documents se rapportant auxagissements retenus par l'ordonnance d'auto-risation de visite et de saisie, il ne lui est pasinterdit de saisir les pièces pour partie utiles àla preuve desdits agissements ;que les fichiersinformatiques copiés doivent seulement fairel'objet d'un inventaire, dont la mention est por-tée au procès verbal relatant les opérations ;que, dans le cas des courriels, le fait que la sai-sie a été pratiquée après une fouille sommairede cette messagerie, sans autre inventaire quela liste des fichiers figurant dans le procès-ver-bal des opérations et que la saisie de docu-ments pour parties utiles ne saurait permettrede saisir indistinctement la totalité d'une mes-sagerie comprenant principalement des docu-ments étrangers à l'administration de la preuvede pratiques anticoncurrentielles, n'empêchenullement que la totalité de fichiers saisisfigure intégralement dans la copie effectuée enprésence de l'occupant des lieux et remise à lasociété ; qu'ainsi, l'administration n'a pas àindividualiser, sur place, les seuls messagesentrant dans le champ de l'autorisation judi-ciaire ».

Le maintien d’une telle position était pourtant lar-gement critiqué par la doctrine et les entrepriseselles-mêmes dès lors que cette saisie en massepeut conduire à la saisie de documents hors duchamp de l’enquête, couverts par le secret profes-sionnel ressortant de la relation avocat/client ouencore de documents relevant de la vie privée desdirigeants et des salariés de manière plus géné-rale.

Ces pratiques vont donc à l’encontre des prin-cipes admis en matière de saisies de documents

sur support papier, à savoir le principe de spécia-lité des visites domiciliaires en vertu duquel nepeuvent être appréhendés que les seuls docu-ments en rapport avec la pratique anticoncurren-tielle dont la preuve est recherchée, ainsi que leprincipe d’insaisissabilité des documents couvertspar le « legal privilege » dont bénéficient les avo-cats5.

La décision du délégué du Premier Président de laCour d’appel de Paris est donc particulièrementsurprenante, mais tout aussi heureuse ; l’on peuttoutefois s’interroger sur les raisons qui l’ontpoussé dans ces affaires à adopter une positiondifférente.

A la lecture des trois ordonnances du 2 novembre2010, et plus particulièrement de l’ordonnancen°369 qui est la plus développée, l’on comprendque le Premier Président de la Cour d’appel deParis considère en réalité que ces ordonnancesse distinguent des autres précédents et ce, pourtrois raisons :

- Le magistrat précise tout d’abord qu’a étérapportée au débat l’existence d’une autreméthode de saisie de documents informa-tiques et de messagerie, qui permettrait deconcilier les droits effectifs de la défenseavec une lecture au premier degré des arti-cles 56 du Code de procédure pénale, etL.450-4 du Code de commerce.

Il précise, s’agissant de cette méthode,qu’elle ressort d’« un argumentaire tech-nique, écrit et oral, qui se différencie desnotices générales ou études établies sanscontradiction qui avaient pu être produitesdans les autres espèces invoquées » ;

- La deuxième raison qui semble avoirpoussé le délégué du Premier Président àremettre en question la méthode de saisieglobale des messageries pourrait résulterdu fait que les saisies opérées par lesagents de l’Autorité de la concurrence ontconduit à la saisie de messages évidem-ment couverts par le secret de la corres-pondance entre un avocat et son client ;

- Enfin, le Premier Président a égalementsoulevé le caractère insuffisamment expli-cite du procès-verbal de saisie qui apparaîtselon lui « sommaire sur les modalitéstechniques des opérations de saisies dedocuments et de messagerie ; notamment,les opérations de sélection des documentset des messages, le transfèrement desfichiers sur le DVD-R vierge, les modalités

(4) Cour d’appel de Paris, ordonnance du 4 mars 2010, Schering-Plough, n°09/14362. Pour un autre exemple : Cour d’appel deParis, ordonnance du 14 septembre 2010, n°09/17586, Luxottica.

(5) Principe prévu par l’article 66-5 de la loi n°71-1130 du 31 décembre1971 portant réforme de certaines professions judiciaires etjuridiques ; voir CJUE, 14 Septembre 2010, n° C-550-07, AkzoNobel Chemicals Ltd. e.a. c/ Commission européenne refusant le« legal privilege » aux juristes d’entreprises.

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successives de copie et d’inventaire, enfinles raisons qu’il y avait de ne pas recouriraux scellés semblent rudimentaires ouinexistante, en comparaison des énoncia-tions qui sous-tendaient les autres espècesinvoquées ». De la même façon, l’inven-taire des messages est jugé peu précis etpermettant donc difficilement l’identificationde ces messages par le juge, par l’entre-prise contrôlée ou les enquêteurs.

Telles sont les raisons qui ont manifestementpoussé le délégué du Premier Président de laCour d’appel de Paris à surseoir à statuer et àdésigner un expert chargé d’établir un rapport per-mettant de déterminer s’il est techniquement pos-sible d’effectuer une saisie sélective desmessageries, tout en garantissant l’authenti-citéet l’intégrité des documents.

Si une telle méthode de sélection des messagespouvait effectivement être utilisée par les agentsde l’Autorité de la concurrence, celle-ci permettraitcertainement de mieux garantir les entreprisesvisitées contre les saisies illicites de documentsrelevant du legal privilege, de la protection de lavie privée ou ne faisant pas partie du champ del’enquête.

Le Premier Président de la Cour d’appel de Parisrecommande d’ailleurs à l’expert désigné, afind’élaborer son rapport, de confronter la pratiqueactuelle de l’Autorité de la concurrence aux procé-dures utilisées par la Commission européenne,par les autorités néerlandaises ou encore de pren-dre connaissance des recommandations del’International Competition Network.

Ces différentes autorités sont en effet connuespour utiliser des procédures de saisies considé-rées comme étant plus respectueuses des inté-rêts en présence.

Ainsi, par d’exemple, la Commission européennen’a pas pour pratique d’effectuer des saisies enmasse. Elle procède, en effet, à une véritablesélection préalable sur site. Une saisie en massen’interviendra que dans l’hypothèse où la sélec-tion ne peut être achevée sur place. Par ailleurs etdans une telle hypothèse, cette saisie sans sélec-tion préalable est placée sous une enveloppescellée qui ne sera ouverte qu’en présence del’entreprise.

Il semble donc opportun que l’Autorité de laconcurrence s’inspire de ces autres pratiques.

Le rapport de l’expert devrait être rendu auPremier Président de la Cour d’appel de Paris d’icisix mois.

S’il s’avérait qu’au vu de ce rapport, la saisiesélective de messages dans la messagerie élec-tronique est techniquement réalisable, sans pourautant compromettre l’authenticité de ceux-ci,c’est-à-dire, ainsi que le précise le magistrat « s’iln’était démontré que les méthodes des enquê-teurs étaient les seules qui garantissent la sécu-rité et l’efficacité des opérations », les saisiesréalisées des messageries en cause pourraientêtre tout simplement annulées, ce qui constitueraitalors une première !!!

Affaire à suivre …

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La lettre du CabinetD É C E M B R E 2 0 1 0

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AVOCATS

FLASH CONCURRENCE N° 15Nouvelle décision de la CJUE en matière de promotion des ventes :Arrêt du 9 novembre 2010 dans l’affaire C-540/08 MediaprintZeitungs - und Zeitschriftenverlag GmbH & Co. Kg contre «Österreich» -Zeitungsverlag GmbHUne interdiction générale des ventes avec prime est contraire à ladirective du 25 mai 2005 sur les pratiques commerciales déloyales !Par Jean-Christophe Grall et Eléonore Camilleri

Par un nouvel arrêt en date du 9 novembre 2010,la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE)réaffirme avec constance et force sa position enmatière d’interdictions nationales des pratiquescommerciales per se, s’agissant cette fois desventes avec prime, poursuivant ainsi sa volontéd’éradiquer des législations nationales tout textede nature à interdire des opérations promotion-nelles et qui ne respecterait pas la Directive com-munautaire 11 mai 2005 relatives aux pratiquescommerciales déloyales.

* * *

Cette affaite trouve son origine dans un litigeentre deux concurrents évoluant sur le marchéautrichien des quotidiens et plus précisémentune action en cessation introduite par MediaprintZeitungs dirigée contre le journal Österreich,compte tenu de l’organisation d’un jeu promo-tionnel reposant sur l’offre d’une prime, ce qui esten principe interdit par le droit national autrichien.

L’opération promotionnelle en cause avait étémise en place en fin d’année 2007 par le quoti-dien Österreich, lequel avait informé ses lecteursde l’élection du « footballeur de l’année ». Onpouvait notamment lire dans un article que :« Participer en vaut la peine: gagnez un dîneravec le gagnant de la grande élection du footbal-leur de l’année ». À gauche de l’article se trouvaitun bulletin de vote comportant la mention « àdécouper et envoyer ». À droite était signalée lapossibilité de voter par Internet.

Relevons d’ores et déjà que l’opération en causeétait particulièrement intéressante du point devue de la "mécanique promotionnelle", dès lorsqu’elle s’analysait en une vente avec prime, maiségalement en une loterie payante ! C’est néan-moins et essentiellement sur l’aspect vente avecprime que l’opération était critiquée au regard dela réglementation autrichienne.

En effet, Mediaprint Zeitungs avait demandé leretrait de cette annonce, estimant qu’elle consti-tuait une prime interdite au sens de l’article 9 bis,paragraphe 1, point 1 de la loi autrichiennecontre la concurrence déloyale (ci-aprèsl’« UWG ») qui dispose que :

« Quiconque, dans l’exercice d’une activitécommerciale concurrentielle,

1) annonce, dans des avis publics ou d’autrescommunications destinées à un nombreimportant de personnes, qu’il accorde auxconsommateurs des avantages gratuits(primes) associés à des produits ou à des ser-vices, ou qui offre, annonce ou octroie auxconsommateurs des avantages gratuits(primes) en lien avec des périodiques ou

2) propose, annonce ou octroie à des entre-prises des avantages gratuits (primes) asso-ciés à des produits ou à des services,

peut faire l’objet d’une action en cessation eten dommages-intérêts. Cela s’applique éga-lement lorsque la gratuité de cet avantage est

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dissimulée par des prix globaux pour les pro-duits ou services, par des prix fictifs pour uneprime ou de toute autre manière ».

Après quelques péripéties judiciaires en pre-mière et deuxième instances, l’ObersterGerichtshof a sursis à statuer et a saisi la CJUEdes questions préjudicielles suivantes :

« 1) Une disposition nationale interdisant, àl’exclusion d’exceptions limitativement énu-mérées, l’annonce, l’offre ou l’octroi d’avan-tages gratuits accompagnant des périodiquesainsi que l’annonce d’avantages gratuitsassociés à d’autres produits ou services, sansobligation de vérifier au cas par cas le carac-tère trompeur, agressif ou déloyal d’une tellepratique commerciale, est-elle contraire auxarticles 3, paragraphe 1, et 5, paragraphe 5,de la [directive] ou à d’autres dispositions decette directive, même lorsque la dispositionnationale en cause poursuit non seulement unbut de protection des consommateurs, maiségalement d’autres fins échappant au champd’application matériel de la [directive], telsque, par exemple, le maintien du pluralismede la presse ou la protection des concurrentsplus faibles ?

2) En cas de réponse affirmative à la premièrequestion, la possibilité de participer à un jeu-concours doté d’un prix, liée à l’achat d’unjournal, est-elle une pratique commercialedéloyale au sens de l’article 5, paragraphe 2,de la [directive], du seul fait que cette possibi-lité de participer à un jeu représente, au moinspour une partie du public concerné, certesnon pas l’unique motif, mais certainement lemotif déterminant qui les a poussé à acheterle journal ? »

n Sur la première question préjudicielle :

S’agissant de la première question préjudicielle,la CJUE réaffirme qu’est contraire au droit com-munautaire la législation d’un Etat membre – enl’occurrence l’Autriche – qui interdit par principeune pratique commerciale – ici la vente avecprime – alors que celle-ci ne fait pas partie des 31pratiques qualifiées de déloyales per se énumé-rées par l’annexe I de la directive n° 2005/29 CEdu 11 mai 2005, laquelle opère une « harmonisa-tion maximale » en la matière.

La solution n’est guère surprenante puisqu’ellese place dans la droite ligne de la jurisprudencede la CJUE depuis ses arrêts du 23 avril 2009relatif à l’interdiction belge des offres conjointes1,

du 14 janvier 20102 s’agissant de la prohibitionallemande des loteries payantes et du 11 mars2010 sur la législation polonaise qui interdisaitles ventes liées3. (voir, à ce titre, nos précédentsarticles sur ces décisions notamment dans lesFlash-Concurrence n° 4 et 7 de l’année 2010 etdans la Revue Lamy Droit des Affaires - N° 48 -Avril 2010 "Une interdiction de principe des lote-ries est contraire au droit communautaire").

Cette décision de la CJUE en deviendrait ainsipresque « banale », si elle n’apportait pas unenouvelle précision, par rapport aux affaires pré-cédentes, s’agissant du champ d’application dela directive.

En effet et en l’occurrence, la Cour a dû examinersi une disposition nationale telle que l’article 9bis, paragraphe 1, point 1, de l’UWG pouvait rele-ver du champ d’application de la directive,nonobstant le fait que, comme le précisait la juri-diction de renvoi, elle avait une finalité plus éten-due que celle de la directive puisqu’elle visait nonseulement à protéger les consommateurs, maispoursuit également d’autres objectifs.

A cet égard, et lors de l’audience, le gouverne-ment autrichien avait fait valoir que la dispositionnationale en cause au principal ne relevait pas duchamp d’application de la directive en ce qu’ellepoursuit essentiellement le maintien du plura-lisme de la presse en Autriche.

Sur ce point, la CJUE rappelle que la directive secaractérise par un champ d’application matérielparticulièrement large s’étendant à toute pratiquecommerciale qui présente un lien direct avec lapromotion, la vente ou la fourniture d’un produitaux consommateurs.

La Cour en conclut que « ne sont ainsi excluesdudit champ d’application, ainsi que cela ressortdu sixième considérant de cette directive, que leslégislations nationales relatives aux pratiquescommerciales déloyales qui portent atteinte« uniquement » aux intérêts économiques deconcurrents ou qui concernent une transactionentre professionnels. »

En l’occurrence, la CJUE relève que l’article 9bis, paragraphe 1, point 1, de l’UWG vise expres-sément la protection des consommateurs et nonpas uniquement celle des concurrents et desautres acteurs du marché.

La Cour enfonce le clou en observant que« même à supposer » que la disposition natio-nale en cause au principal poursuive essentielle-

(1) CJCE, 23 avril 2009 – aff. C-261/07 et C-299/07 « VTB-VAB NVGalatea BVBA c/ Total Belgium c/Sanoma Magazines BelgiumNV ».

(2) CJUE, 14 janv. 2010 aff. C-304/08 « Zentrale zur Bekämpfungunlauteren Wettbewerbs eV c/ Plus WarenhandelsgesellschaftmbH ».

(3) CJUE, 11 mars 2010, aff. n°C522/08, « Telekomunikacja Polska SAw Warszawie / Prezes Urzędu Komunikacji Elektronicznej ».

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ment le maintien du pluralisme de la presse enAutriche, la possibilité, pour les États membres,de maintenir ou d’instaurer sur leur territoire desmesures qui ont pour objet ou pour effet de qua-lifier des pratiques commerciales commedéloyales pour des motifs tenant au maintien dupluralisme de la presse, ne figure pas parmi lesdérogations au champ d’application de la direc-tive énoncées aux sixième et neuvième considé-rants ainsi qu’à l’article 3 de celle-ci.

La CJUE en conclut que la directive doit êtreinterprétée en ce sens qu’elle s’oppose à unedisposition nationale, telle que celle en cause auprincipal, qui prévoit une interdiction généraledes ventes avec primes et qui vise non seule-ment à protéger les consommateurs, mais pour-suit également d’autres objectifs (tels que parexemple le maintien du pluralisme de la presseou la protection des concurrents les plus faibles).

n Sur la seconde question préjudicielle :

Par sa seconde question, l’Oberster Gerichtshofdemandait à la CJUE si les ventes avec primedevaient être considérées comme des pratiquescommerciales déloyales au sens de l’article 5,paragraphe 2, de la directive n° 2005/29, du seulfait que la possibilité de gain représente, aumoins pour une partie du public concerné, lemotif déterminant qui l’a poussé à acheter le pro-duit principal.

La question était pour le moins intéressante, etimpliquait que la CJUE s’aventurât sur le terrainde la qualification du caractère déloyal de la pra-tique en cause, ce dont elle s’était bien gardéejusqu’à présent.

A cet égard, la CJUE précise que la circonstanceque la possibilité de participer à un concoursreprésente, au moins pour une partie du publicconcerné, le motif déterminant de l’achat d’unjournal constitue l’un des éléments dont le jugenational peut tenir compte dans le cadre d’unetelle analyse.

Elle indique qu’en effet, « cette circonstancepourrait amener le juge national à considérer quela pratique commerciale en cause altère ou estsusceptible d’altérer de manière substantielle lecomportement économique du consommateur,au sens de l’article 5, paragraphe 2, sous b), dela directive ».

La CJUE précise néanmoins et de façon trèsferme qu’« en aucune manière, cette circons-tance ne permet à elle seule de considérer unevente avec prime comme une pratique commer-ciale déloyale au sens de la directive ».

Elle rappelle qu’il faut en effet également vérifiersi la pratique en question est contraire aux exi-gences de la diligence professionnelle, au sens

du point a) de l’article 5, paragraphe 2, de ladirective.

La Cour en conclut que dans ces conditions, il ya lieu de répondre à la seconde question que lapossibilité de participer à un jeu-concours dotéd’un prix, liée à l’achat d’un journal, ne constituepas une pratique commerciale déloyale au sensde l’article 5, paragraphe 2, de la directive du 11mai 2005, du seul fait que cette possibilité de par-ticiper à un jeu représente, au moins pour unepartie des consommateurs concernés, le motifdéterminant qui les a incités à acheter ce journal.

* * *

Au delà de ses spécificités, l’affaire ayant donnélieu à l’arrêt du 9 novembre 2010 confirme unefois encore qu’il devient de plus en plus pressantpour les Etats membres de « revoir leur copie »en adaptant leur législation à la directive du 11mai 2005, laquelle a été généralement mal trans-posée si l’on en croit la jurisprudence de laCJUE.

La France est particulièrement concernée avecses nombreuses dispositions interdisant des pra-tiques commerciales per se (loteries payantes,ventes avec primes, ventes liées ou subordon-nées, etc.), ces disposition étant à ce jour encoreen vigueur - malgré une mise en demeure du 25mai 2009 de la Commission européenne à cetégard - mais non applicable en pratique comptetenu de la jurisprudence de la CJUE.

A cet égard, les autorités françaises ont faitsavoir qu’elles envisageaient bien, dans un pre-mier temps, d’adapter le droit national de laconsommation aux exigences de la jurispru-dence communautaire en matière de pratiquescommerciales, mais qu’elles souhaitaient sur-tout, à terme, une modification de la directive du11 mai 2005 sur les pratiques commercialesdéloyales, celle-ci ne permettant plus d’assurer,au regard de la jurisprudence de la CJUE, un« haut degré de protection des consomma-teurs ».

Le sujet devrait être sérieusement abordé par laFrance et d’autres Etats membres lors du pre-mier bilan d’application de cette directive qui seraorganisé par la Commission européenne aucours de l’année 2011, mais ce processus demodification du droit communautaire prendra iné-luctablement beaucoup de temps.

Dans l'attente d'une éventuelle révision de ladirective, un amendement à la proposition de loide « simplification et d’amélioration du droit » aété présenté devant le Sénat par leGouvernement le 28 octobre dernier, afin demodifier le Code français de la consommation,notamment sur les ventes liées, les ventes avecprimes et les loteries avec obligation d’achat, en

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vue de mettre le droit français en conformité avecla directive 2005/29/CE.

Il s’agit néanmoins de modifications a minimaconsistant essentiellement à compléter les dispo-sitions concernées (L.121-35 sur les ventes avecprime, L.121-36 sur les loteries réalisées par voie

d’écrit et L.122-1 sur les ventes liées ou subor-données) afin de préciser que si de telles pra-tiques sont interdites, c’est seulementlorsqu’elles « revêtent un caractère déloyal ausens de l'article L.120‑1 ».

Affaire à suivre…

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Animation de formations dispensées au sein del’entreprise ou à notre Cabinet, consacrées :

n A la loi de modernisation de l’économie (LME) du4 août 2008: négociabilité des tarifs, fin de la dis-crimination abusive, négociation et contractuali-sation des Plans d’Affaires Annuel («PAA»)2011 : conditions générales de vente, conditionscatégorielles de vente, conditions particulières devente, conditions d’achat + services: coopérationcommerciale et autres obligations, règles de factura-tion, « Trois fois net » comme nouveau seuil derevente à perte issu de la loi Chatel du 3 janvier2008, Prix de vente conseillés, situation des gros-sistes et exception de revente à perte, « NIP », etc. ;

n A la mise en place de Programme de « com-pliance » pour se conformer strictement auxrègles de concurrence et vérifier la légalité despratiques des entreprises au droit de la concur-rence et de la distribution;

n Au contrôle des concentrations

n Contrôle communautaire des concentrations :[règlement n° 139/2004 du 20 janvier 2004relatif au contrôle des concentrations entreentreprises]

n Contrôle français des concentrations dans lecadre des pouvoirs conférés à la nouvelleAutorité de la concurrence installée le 13 janvier2009: [détermination des seuils, définition dumarché pertinent, procédure de notificationdans le cadre de la LME du 4 août 2008 et del’ordonnance du 13 novembre 2008, etc.] ;

n A la rupture fautive des relations commercialesétablies [rupture brutale et rupture abusive] ;

n A l’audit juridique des accords de distributiondans le cadre du nouveau Règlement 330/2010 du10 avril 2010 et de ses lignes directrices du 10 mai2010 : incidences sur les contrats de distribution auregard des articles 101 et 102 du TFUE et des articlesL.420-1 et L.420-2 du Code de commerce sanction-nant les ententes et les abus de domination –Définition des marchés pertinents à prendre en consi-dération désormais – marché de l’approvisionnement ;Dual pricing ; Prix imposés ; vente sur internet ; etc. ;

n A la définition des pratiques anticoncurren-tielles aux termes des dispositions visées sous lesarticles L.420-1 et L.420-2 du Code de commerce,et 101 et 102 du TFUE [ ententes et abus dedomination / pratiques concertées / standard

de preuves requis par les autorités de concur-rence ;

n Aux enquêtes de concurrence françaises et com-munautaires [droits et obligations des personnesenquêtées et des enquêteurs] et ce, dans le cadredes pouvoirs conférés à la nouvelle Autorité de laconcurrence par la LME du 4 août 2008 et l’or-donnance du 13 novembre 2008 + loi du 12 mai2009;

n Aux échanges d’informations et de statistiquesentre entreprises et/ou au sein de fédérationsprofessionnelles [droit français et communautairede la concurrence] ;

n A l’application des règles de concurrence auxmarchés publics;

n Aux promotions des ventes [pratiques commer-ciales trompeuses/déloyales dans le cadre de la loiChatel du 3 janvier 2008 et de la LME du 4 août2008, et de la jurisprudence communautaire de 2009et 2010: jeux – concours – loteries, ventes avecprimes, ventes par lots, offres de réductions de prixaux consommateurs, cartes de fidélité, publicitécomparative, etc.].

n Aux responsabilités et obligations des produc-teurs et fournisseurs: responsabilité contractuelle,responsabilité pénale, responsabilité du fait des pro-duits défectueux, obligation générale de sécurité,garantie légale des vices cachés, garantie légale deconformité, garantie commerciale et contractuelle,clauses limitatives de responsabilité.

* * *

n Proposition d’audit de structures tarifaires : Tarifs/ Réductions de prix / CGV / CCV / CPV / servicesde coopération commerciale et autres obliga-tions / SRP / prix de vente conseillés et limites ;

n Proposition de rédaction de plan d’affaires annuel2011, comprenant la rédaction d’un contrat cadreet d’un modèle de contrat d’application ou celled’un contrat unique reprenant l’ensemble de lanégociation commerciale : CGV/CCV/CPV et lesautres obligations définies par l’article L.441-7-I-3°du Code de commerce + les services de coopéra-tion commerciale, avec différentes options rédac-tionnelles en termes de définition de services etde modalités de rémunération ;

n Proposition d’accompagnement juridique de lanégociation commerciale annuelle.

Q u e l q u e s i n f o r m a t i o n s :[un catalogue fédérant l’ensemble des propositions d’intervention/formation

est disponible sur simple demande]

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