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SES - Terminale ES – Lycée Hoche – 2013/2014 CHAPITRE 6 : INTEGRATION, CONFLIT, CHANGEMENT SOCIAL Bruno Dourrieu – ikonomics.com 1 CHAP. 6 INTEGRATION, CONFLIT, CHANGEMENT SOCIAL 6.1 Quels liens sociaux dans des sociétés où s'affirme le primat de l’individu ? Comment utiliser ce cours ? * Ce cours est organisé comme un cours « en classe ». En plus du texte, qui constitue le cours lui-même et renvoie régulièrement aux documents du manuel (en donnant entre parenthèses le numéro du document et la page), vous trouverez des activités qui se présentent sous la forme d’encadrés, comme l’encadré « Trouver l’intrus » qui se trouve page suivante. Ces activités renvoient en règle générale au manuel et consistent à lire des documents et à répondre aux questions indiquées. Prenez le temps de les faire : elles vont vous permettre de découvrir, de vous familiariser et/ou d’approfondir les notions importantes du chapitre. Considérez-les donc comme des exercices d’entrainement au bac. Les réponses aux activités sont données à la fin du document. Comparez vos réponses à la correction et ainsi, auto- évaluez-vous. Vous trouverez également en fin de document quelques sujets du bac avec leur correction issus de différents manuels de terminale. Bon courage. Indications complémentaires Après avoir présenté l'évolution des formes de solidarité selon Durkheim, on montrera que les liens nouveaux liés à la complémentarité des fonctions sociales n'ont pas fait pour autant disparaître ceux qui reposent sur le partage de croyances et de valeurs communes. On traitera plus particulièrement de l'évolution du rôle des instances d'intégration (famille, école, travail) dans les sociétés contemporaines et on se demandera si cette évolution ne remet pas en cause l'intégration sociale. Acquis de première : socialisation, sociabilité, anomie, désaffiliation, disqualification, réseaux sociaux. Notions : solidarité mécanique/organique, cohésion sociale. Plan du cours I. Comment évolue la solidarité dans une société d’individus ? A. De la solidarité mécanique à la solidarité organique B. Le lien social dans les sociétés contemporaines II. L’évolution des instances d’intégration remet- elle en cause le lien social ? A. La famille : une instance d’intégration en question B. L’école : les défis de l’intégration par le diplôme C. Le travail : entre intégration et précarité. Exemples de sujets au bac ** Dissertation 1. Quel est le rôle de l’école dans l’intégration sociale aujourd’hui ? (BO 254) 2. Vous montrerez que le rôle de la famille dans l’intégration sociale a évolué. (BO 396) 3. Quels sont les effets de la montée de l’individualisme sur la cohésion sociale ? (M 254) 4. Quel rôle joue le travail dans l’intégration sociale ? (BE 291) 5. En quoi l’école favorise-t-elle la cohésion sociale ? (BE 293) 6. La pauvreté est-elle un obstacle à la cohésion sociale ? (HT 250) 7. Analysez les formes du lien social aujourd’hui en France. (HC 276) 8. Comment la cohésion sociale s’est-elle transformée depuis environ cinquante ans ? (N 247) 9. L’évolution du rôle des instances d’intégration remet-elle en cause l’intégration sociale ? (N 410) 10. Quelle est la contribution de l’école à la cohésion sociale en France aujourd’hui ? (Sujet zéro) Epreuve composée - Partie 1 11. Présentez l’évolution des formes de solidarité selon Durkheim. (BO 253) 12. En quoi solidarités organique et mécanique se distinguent-t-elles chez Durkheim ? (BE 292) 13. En quoi le rôle de l’école dans l’intégration sociale s’est transformé dans les sociétés contemporaines ? (BO 400)

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CHAP. 6 INTEGRATION, CONFLIT, CHANGEMENT SOCIAL

6.1 Quels liens sociaux dans des sociétés où s'affirme le primat de

l’individu ?

Comment utiliser ce cours ? * Ce cours est organisé comme un cours « en classe ». En plus du texte, qui constitue le cours lui-même et renvoie régulièrement aux documents du manuel (en donnant entre parenthèses le numéro du document et la page), vous trouverez des activités qui se présentent sous la forme d’encadrés, comme l’encadré « Trouver l’intrus » qui se trouve page suivante. Ces activités renvoient en règle générale au manuel et consistent à lire des documents et à répondre aux questions indiquées. Prenez le temps de les faire : elles vont vous permettre de découvrir, de vous familiariser et/ou d’approfondir les notions importantes du chapitre. Considérez-les donc comme des exercices d’entrainement au bac. Les réponses aux activités sont données à la fin du document. Comparez vos réponses à la correction et ainsi, auto-évaluez-vous. Vous trouverez également en fin de document quelques sujets du bac avec leur correction issus de différents manuels de terminale. Bon courage.

Indications complémentaires Après avoir présenté l'évolution des formes de solidarité selon Durkheim, on montrera que les liens nouveaux liés à la complémentarité des fonctions sociales n'ont pas fait pour autant disparaître ceux qui reposent sur le partage de croyances et de valeurs communes. On traitera plus particulièrement de l'évolution du rôle des instances d'intégration (famille, école, travail) dans les sociétés contemporaines et on se demandera si cette évolution ne remet pas en cause l'intégration sociale. Acquis de première : socialisation, sociabilité, anomie, désaffiliation, disqualification, réseaux sociaux. Notions : solidarité mécanique/organique, cohésion sociale. Plan du cours I. Comment évolue la solidarité dans une société d’individus ? A. De la solidarité mécanique à la solidarité organique B. Le lien social dans les sociétés contemporaines

II. L’évolution des instances d’intégration remet-elle en cause le lien social ? A. La famille : une instance d’intégration en question B. L’école : les défis de l’intégration par le diplôme C. Le travail : entre intégration et précarité.

Exemples de sujets au bac ** Dissertation

1. Quel est le rôle de l’école dans l’intégration sociale aujourd’hui ? (BO 254) 2. Vous montrerez que le rôle de la famille dans l’intégration sociale a évolué. (BO 396) 3. Quels sont les effets de la montée de l’individualisme sur la cohésion sociale ? (M 254) 4. Quel rôle joue le travail dans l’intégration sociale ? (BE 291) 5. En quoi l’école favorise-t-elle la cohésion sociale ? (BE 293) 6. La pauvreté est-elle un obstacle à la cohésion sociale ? (HT 250) 7. Analysez les formes du lien social aujourd’hui en France. (HC 276) 8. Comment la cohésion sociale s’est-elle transformée depuis environ cinquante ans ? (N 247) 9. L’évolution du rôle des instances d’intégration remet-elle en cause l’intégration sociale ? (N 410) 10. Quelle est la contribution de l’école à la cohésion sociale en France aujourd’hui ? (Sujet zéro) Epreuve composée - Partie 1

11. Présentez l’évolution des formes de solidarité selon Durkheim. (BO 253) 12. En quoi solidarités organique et mécanique se distinguent-t-elles chez Durkheim ? (BE 292) 13. En quoi le rôle de l’école dans l’intégration sociale s’est transformé dans les sociétés contemporaines ? (BO 400)

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14. Montrez que les transformations de la structure familiale conduisent à en organiser les solidarités sur la base de logiques plus largement affinitaires. (BE 292)

15. Comparez la solidarité organique et la solidarité mécanique. (HT 390) 16. Comment l’Etat contribue-t-il à la cohésion sociale ? (BO 253) 17. Comment se réalise l’intégration sociale d’un individu ? (HT 396) 18. Quel est le lien entre la socialisation et la sociabilité ? (N 248) Epreuve composée - Partie 2 19. Etudiez l’impact du revenu dans l’intégration sociale. (BO 252) 20. Montrez que différentes formes de solidarité coexistent en France aujourd’hui. (BO 398) (tab. stat sur le

fondement de l’identité) 21. Expliquez les effets du chômage sur l’intégration sociale des individus. (BE 290) (Texte entretien La misère du

monde) 22. Dans quelle mesure le document permet de tempérer le diagnostic de disparition des formes traditionnelles de

solidarité. (BE 292) (texte Coeur de banlieue-Lepoutre) 23. La pauvreté des enfants peut-elle s’expliquer selon l’activité des parents ? (HT 388) 24. Mettez en évidence les caractéristiques de l’engagement associatif en France. (HC 277) (tab. stat taux d’adhésion

à différents types d’association par PCS et niveau d’étude) 25. Quels sont les facteurs du processus d’individualisation ? (N 248) (tab. stat. évol° familles selon nombre d’enfants) Epreuve composée - Partie 3 26. Analysez l’importance du rôle joué par les solidarités familiales aujourd’hui. (BO 253) 27. Quels sont les effets des évolutions du marché du travail sur l’intégration sociale ? (BE 292) 28. En quoi le lien entre travail et intégration sociale est-il fragilisé par certaines évolutions de l’emploi ? (HT 366) 29. Comment le travail favorise l’intégration sociale ? (HT 396) 30. Montrez que la massification de l’école n’a pas permis de faire disparaître toutes les inégalités. (HC 278) 31. Montrez que le travail ne permet pas à lui seul d’assurer la cohésion sociale. (N 249)

Trouvez les intrus : 4 sujets qui ne peuvent pas tomber au bac se sont glissés dans cette liste. Saurez-vous les retrouver ? Astuce : regardez la Fiche méthode 2 que je vous ai distribuée en début d’année (Les sujets de la dissertation et de l’épreuve composée) et regardez bien les recommandations aux concepteurs de sujets.

* Ce cours s’inspire de la fiche Eduscol consacrée à ce chapitre (Ministère de l’éducation nat., de la jeunesse et de la vie associative - DGESCO, Avril 2012).

** Liste de sujets établie à partir d’un recensement des sujets proposés dans les manuels de Terminale réalisé en 2012 par Marjory Gally, profeseur de S.E.S au lycée Fustel de Coulanges de Strasbourg (www.toileses.org). Entre parenthèses, le nom de l’éditeur et la page dans le manuel : BE = Belin / BO = Bordas / HC = Hachette / HT = Hatier / M = Magnard / N = Nathan.

Trouvez les intrus (solutions) Sujet 3 : bien que le phénomène de l’individualisme doive être abordé dans ce cours, comme vous allez le voir, la notion ne figure explicitement nulle part dans le programme : ni dans le titre du thème (Intégration, conflit, changement social), ni dans le questionnement (Quels liens sociaux dans des sociétés où s'affirme le primat de l’individu ?), ni dans les notions ou indications complémentaires. Logiquement, il ne pourrait pas tomber le jour du bac. Sujet 16 : l’Etat ne fait pas partie des instances d’intégration qui sont visées dans les indications complémentaires, contrairement à : famille, école, travail. Sujet 25 : même remarque pour le sujet 3 pour le terme individualisation. Sujet 30 : même remarque pour le sujet 3 à la fois pour les termes massification de l’école et inégalités.

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Introduction Avant de commencer, faites les exercices de révisions de Première p. 252/253 du manuel (corrigés : p. 448)

Les liens sociaux sont ce qui permet aux individus de « faire société », de vivre ensemble. Comment les sociétés font-elles pour « tenir », pour ne pas se déliter, alors qu’elles sont constituées d’une multitude de groupes différents, d’individus dissemblables dont les intérêts, les opinions, les convictions peuvent diverger ? La réponse : le lien social, c’est à dire l’ensemble des valeurs et des normes communes qui unissent les individus les uns aux autres et les rendent solidaires.

Le lien social n’est pas mesurable en tant que tel mais il s’exprime en permanence à l’occasion de chaque échange entre individus : conversation, repas, rencontre… Il peut se tisser entre deux individus ou entre les membres d’une même communauté ou d’un même groupe. Il ne naît pas spontanément mais résulte de l’intégration opérée des instances de socialisation que sont la famille, l’école, le travail… En somme, le lien social assure la cohésion sociale, qu’on pourra définir de deux manières différentes. Comme état de la société, la cohésion sociale est ce qui caractérise une société dont les membres sont intégrés, c’est à dire unis par des relations fortes. Comme processus, la cohésion sociale désignera la nature et l’étendue des mécanismes qui existent au sein de la société pour en assurer son unité.

Selon Emile Durkheim, c’est la division du travail et les liens d’interdépendance qu’elle crée qui engendre la cohésion sociale des sociétés modernes.

I. Comment évolue la solidarité dans une société d’individus ? A. De la solidarité mécanique à la solidarité organique

La naissance, à la fin du 19ème siècle, de la sociologie comme discipline visant une connaissance scientifique du social, résulte fondamentalement des inquiétudes provoquées par la montée de l’individualisme dans les sociétés occidentales. Sous la poussée conjointe des révolutions démocratique et industrielle, de nouveaux rapports sociaux, économiques et politiques bouleversent progressivement l’ordre social traditionnel, qu’on pourrait qualifier de holiste (cf. encadré). On observe simultanément un affaiblissement de l’emprise de la religion sur les représentations (sécularisation et laïcisation), une baisse de l’influence de la famille sur les destinées (égalisation des chances et idéal méritocratique) et un recul du pouvoir des autorités traditionnelles sur les individus (démocratisation). Durkheim construit un cadre théorique permettant à la fois d’expliquer les mécanismes sur lesquels reposent les phénomènes à l’œuvre et d’analyser les problèmes qu’ils posent. Son projet peut se résumer à l’élucidation d’un paradoxe énoncé dans De la division du travail social (1893) : « Comment se fait-il que tout en devenant plus autonome, l’individu dépende plus étroitement de la société ? Comment peut-il être à la fois plus personnel et plus solidaire ? »

Des sociétés sans individus ? Les sociétés holistes sont caractérisées par des rapports étroits entre ses membres réunis au sein de petits collectifs (tribus, villages…) cimentés par des normes familiales et religieuses importantes qui régissent les comportements de manière étroite. Elles se traduisent par des niveaux élevés d’intégration et de cohésion sociale. L’anthropologue et ethnologue Françoise Héritier (1933-) écrit ainsi que « tout prouve que l’individu n’a pas d’autre identité que celle dictée par la volonté du groupe qui lui assigne sa place ». Au contraire, les sociétés individualistes sont marquées par une forte autonomie des individus vis-à-vis du groupe et des logiques communautaires et par une plus grande différenciation des comportements individuels.

Activité à faire avant de lire la suite du cours : découvrir la théorie d’Emile Durkheim en lisant les textes 3 et 4 p. 257 et en répondant à l’ensemble des questions.

Les scarifications sont des marquages corporels effectués le plus souvent au moment de cérémonies traditionnelles identifiables à des rites de passage (entrée dans l’âge adulte, maternité…). Ils témoignent de la pleine appartenance de l’individu à sa tribu à travers les rituels et les croyances constitutifs de son identité. Photo : scarification chez un homme Dassanech (Ethiopie)

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Dans De la division du travail social (1893), Durkheim explique que les sociétés modernes connaissent un approfondissement de la division du travail : les tâches qui composent la vie sociale se subdivisent et les individus appelés à les remplir se spécialisent. Cette division du travail ne trouve pas sa source dans un quelconque avantage économique (plus grande productivité comme chez Smith) mais est la conséquence de la progression démographique des sociétés : celle-ci augmente la densité matérielle des sociétés (développement des villes et des voies de communications) qui stimule à son tour leur densité morale, c’est à dire les interactions au sein de la population.

Il met ainsi en évidence deux types de société. Les sociétés traditionnelles sont relativement homogènes, elles connaissent des différenciations individuelles limitées et les divisions sociales que l’on y rencontre apparaissent essentiellement fondées sur la parenté, l’âge et le sexe. La conscience collective – sentiments et représentations – imprègne les consciences individuelles, et la cohésion de l’ensemble repose sur une solidarité mécanique, ou solidarité par similitude, fondée sur la ressemblance entre individus et leur conformité aux normes, aux valeurs et aux rôles sociaux traditionnels. Dans les sociétés complexes, la vigueur du processus de division du travail provoque une différenciation des individus et modifie les bases de la cohésion sociale. La solidarité organique, ou solidarité par complémentarité, conduit ainsi les individus, non seulement à se différencier (spécialisation fonctionnelle), mais également à devenir plus autonomes. La socialisation participe donc elle-même à la différenciation des individus et à leur spécialisation. Les consciences individuelles s’émancipent dans une large mesure de la conscience collective. Logiquement, cette différenciation individuelle croissante trouve son point ultime dans la commune humanité présente en chaque individu : seule la qualité d’homme reste commune à chaque individu au-delà de leurs différences. En somme, il y a concomitamment une interdépendance croissante des individus du point de vue du fonctionnement de la société et une individualisation grandissante des personnes.

Bien que le déclin des fondements traditionnels de l’intégration – liens sociaux fondés sur le sang, la religion, la langue, les coutumes – soit avéré, la solidarité mécanique s’amenuise-t-elle réellement lorsque la complexité sociale augmente ? Rien n’est moins sûr.

B. Le lien social dans les sociétés contemporaines On observe en effet que nombre de liens sociaux contemporains sont entretenus par des groupes, des mouvements ou des institutions qui conservent des dimensions relevant de la solidarité mécanique et qui exercent une socialisation dont les effets sont perceptibles sur les identités individuelles : communautés basées sur la coutume locale, la langue ou l’appartenance ethnique, mouvements religieux ou spirituels, groupes politiques défendant un style de vie ou une cause commune… De même, la vie associative garde-t-elle en France une place importante puisqu’en 2008, près d’1 français sur 3 est engagé dans une association sportive, culturelle, humanitaire, syndicale ou politique (INSEE). La part des français engagés dans des actions de bénévolat a même tendance à progresser depuis 20 ans (23% en 1996) et les formes de l’engagement citoyen tendent même à se renouveler, comme le montre l’émergence de nouveaux mouvements sociaux dont les revendications se portent vers la défense des sans-papiers, la lutte contre le chômage ou la mondialisation libérale (ATTAC, DAL…). L’individualisme, qui désigne le mouvement par lequel s’affirme l’identité des individus et l’autonomisation croissante de ces derniers par rapports aux valeurs collectives, ne se traduit pas donc pas forcément par un repli sur la sphère privée ou par une diminution des liens sociaux mais plutôt par une multiplication de liens choisis par l’individu. En effet, à mesure que l’autonomie des individus progresse dans

A savoir : Durkheim met en évidence les différents types de solidarités au cours du temps en se basant sur l’évolution des formes du droit qui passe d’un « droit répressif » dans les sociétés traditionnelles (sanction des manquements aux mœurs) à un « droit restitutif » (qui vise à réparer plus qu’à sanctionner). Ce faisant, il applique la première des règles de la pensée sociologique qui est, selon lui, que seul un fait social peut expliquer un autre fait social.

Le ghetto : un espace social à solidarité mécanique ? La sociologie urbaine a montré que les « quartiers difficiles » relèvent de règles très particulières qui organisent en profondeur la vie collective et individuelle. Le quartier protège ses habitants du monde extérieur, de ses échecs et de ses humiliations, en procurant les ressources sociales et culturelles nécessaires à la survie des individus. Mais en contrepartie, les habitants se replient sur leurs relations primaires (familles, groupes de pairs) et sont cantonnées à des rôles sociaux très traditionnels, notamment familiaux ou de genre. L’identification rigide à ces rôles sociaux a néanmoins un prix : la solitude. L’individu se doit de rester secret ; il ne peut se révéler à quelqu’un d’autres. Voir pour la France les travaux de Didier Lapeyronnie.

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les sociétés modernes, les liens sociaux deviennent « plus personnels, plus électifs et plus contractuels », comme le note le sociologue François de Singly (doc. 4, p. 259). Le développement des réseaux sociaux en offre un bon exemple. De même, les valeurs politiques et religieuses sont de moins en moins imposées aux individus par des constructions collectives et tendent à résulter d’un « bricolage individuel » où chacun se compose un système hétéroclite et instable de valeurs (doc. 3, p. 259).

Pour autant, le primat de l’individu comporte une autre dimension qu’il ne faut pas négliger : l’individualisation peut s’accompagner également d’une fragilisation des individus. D’un part, l’absence ou l’affaiblissement des normes collectives peut désorienter l’individu et le plonger, selon Durkheim, dans l’anomie. D’autre part, des conditions socioéconomiques précises doivent être réunies pour permettre aux individus de s’individualiser. Les liens de dépendance personnelle (parenté, paternalisme, patronage) reculent tandis que les relations plus impersonnelles progressent à travers la médiation d’institutions (droit du travail associé au salariat, Etat-providence et redistribution, administration et services publics) qui participent positivement à l’autonomie de l’individu (cf. doc. 4, p. 259). Ainsi, pour Robert Castel, la promotion du salariat a été historiquement indissociable de la promotion de l’individu puisqu’elle a conduit à diminuer les tutelles traditionnelles et les liens de subordination. C’est par l’intermédiaire de collectifs que des protections sociales ont pu être mises en place et ont contribué à l’autonomie des individus. Mais l’affaiblissement de ces collectifs entraîne le recul des protections et débouche sur un individualisme négatif, c’est-à-dire un individualisme par soustraction d’attaches, de protections, de statut et de reconnaissance. La désaffiliation (R. Castel) décrit ainsi les mécanismes qui amoindrissent l’intégration par le travail et appauvrissent les liens sociaux et familiaux. Les instances traditionnelles de socialisation et d’intégration peuvent-elles résister à ce risque de délitement du lien social ou y participent-elles au contraire, même involontairement ?

II. L’évolution des instances d’intégration remet-elle en cause le lien social ? A. La famille : une instance d’intégration en question Instance fondamentale de la socialisation primaire (voir cours de Première), la famille a pour rôle de faire intérioriser aux individus les normes et les valeurs de leur milieu spécifique ainsi que celles de la société dans son ensemble. Par là, elle intègre les individus tout en contribuant au contrôle social. C’est également en mettant à la disposition de ses membres une série de ressources – affectives et morales, sociales et relationnelles, matérielles et monétaires – que la famille concourt à leur intégration sociale. Ainsi, la fonction de solidarité qu’elle remplit contribue-t-elle activement à la création du lien social. Or la famille a connu depuis le milieu du 20ème siècle des transformations importantes : fragilisation du lien conjugal, progression des divorces, multiplication des formes familiales autres que la famille nucléaire...

Analyse de doc statistique (doc. 1 p. 260) : répondre aux questions 2 et 3 (corrigés à la fin du cours). Pour la question 3, aidez-vous si besoin du doc. 4 p. 261.

Ces transformations, qui font de la famille une institution moins normée et plus instable, ont pu faire craindre une diminution du rôle de la famille comme instance d’intégration. Or, les études sociologiques montrent au

contraire que la famille reste un lieu d’entraide et de solidarité très actif. Les échanges, qu’ils soient sous formes de flux financiers, matériels ou de services, se multiplient entre les générations du fait de l’allongement de la vie, mais également au sein des familles recomposées où les liens familiaux sont plus choisis que subis. On observe même que les solidarités familiales s’adaptent au changement économique et social, comme le montre bien le doc. 3 p. 261.

La famille, loin d’être en crise, reste une valeur fondamentale de la société et le pilier de l’identité des individus. Néanmoins, les ressources familiales tout comme les liens familiaux sont inégaux d’un milieu social à l’autre. Par conséquent, lorsque la solidarité familiale croît afin de pallier les insuffisances de la solidarité publique par exemple, elle tend à accentuer les inégalités économiques et sociales.

A faire (doc. 3 p. 261) : complétez le tableau récapitulatif.

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B. L’école : les défis de l’intégration par le diplôme Comme la famille, l’école est aujourd’hui l’objet de critiques voire la source de désillusions quant à sa fonction socialisatrice et intégratrice. En effet, l’école contribue à la cohésion sociale de plusieurs manières. Elle transmet d’abord des normes et des valeurs qui servent de base à la culture commune. Elle diffuse ensuite des savoirs et des qualifications qui permettent aux individus de trouver une place dans la division du travail. Par ailleurs, elle participe à leur épanouissement car, à travers les connaissances qu’elle délivre, elle accroît la compréhension qu’ils ont du monde et, partant, leur autonomie. Enfin, le projet de l’école républicaine, porté notamment par Jules Ferry dans le dernier quart du 19ème siècle, n’était pas seulement d’élever le niveau général d’instruction de la Nation mais plus fondamentalement de faire reculer les inégalités sociales (doc. 1 p. 262). L’école est donc censée participer à l’intégration sociale en assurant à chaque personne une égalité des chances. Que devient cette fonction d’intégration dès lors que l’institution scolaire poursuit plusieurs objectifs, parfois contradictoires, et se trouve confrontée à de multiples défis ?

D’un point de vue quantitatif, la massification scolaire a incontestablement fait augmenter le nombre de diplômés et a permis un allongement général de la durée de la scolarité (doc. 2). Même pour les moins qualifiés, le niveau d’instruction n’a rien à voir avec ce qu’il était à l’époque des « hussards noirs » de la République. Néanmoins, le bilan qualitatif est plus mitigé et l’école reste fortement inégalitaire. Les inégalités scolaires reflètent d’ailleurs très largement les inégalités sociales, économiques et culturelles au point de mettre en question le principe méritocratique et sa légitimité.

Analyse : entraînez-vous à la synthèse d’informations statistiques en répondant à la question 4 du doc 2b p. 262

Par ailleurs, la prééminence du rôle de l’école et du diplôme en matière d’insertion professionnelle – plutôt renforcée que desserrée par les problèmes de l’emploi et la dévaluation des titres scolaires –, confère aux verdicts scolaires un poids considérable sur la destinée sociale des individus. La mobilisation des familles et leurs stratégies éducatives s’accentuent et contribuent ainsi à creuser les inégalités scolaires. Enfin, face à des publics scolaires plus hétérogènes à la fois sur le plan social et culturel, l’école éprouve davantage de difficultés à transmettre une culture commune. Dans ce contexte, l’échec scolaire est perçu comme un stigmate et vécu comme une forme de mépris. L’institution scolaire est alors le théâtre de diverses manifestations anomiques : violences, absentéisme, décrochage scolaire et déscolarisation. C. Le travail : entre intégration et précarité. Dans les sociétés à solidarité organique, le travail est une instance clé d’intégration. Le travail assure d’abord un revenu d’activité qui conditionne l’accès à la société de consommation et permet le développement de liens marchands mais aussi de liens électifs souvent associés aux loisirs. Le travail contribue également à la construction de l’identité sociale au sein de laquelle l’identité professionnelle forme une composante importante. Par leur rôle de socialisation secondaire, les relations professionnelles donnent accès à diverses formes de participation sociale (syndicats, associations professionnelles) et influencent la sociabilité des individus. Enfin, le travail donne accès à des droits sociaux qui concourent à la protection des individus face aux différents risques de la vie sociale.

Mais le rôle d’intégration du travail est aujourd’hui remis en cause. D’une part, les mutations de l’organisation du travail (flexibilité, mobilité, intensification du travail et individualisation de la gestion des ressources humaines) renforcent les contraintes professionnelles, dans un environnement économique plus risqué et place les travailleurs dans des situations de stress qui génèrent des problèmes de santé et un mal-être aux conséquences plus ou moins graves (doc. 1 p. 264). D’autre part, le travail ne permet plus de protéger de manière certaine de la pauvreté comme en témoigne la progression du nombre de travailleurs pauvres, lesquels sont souvent des ouvriers ou des employés, faiblement diplômés, dont les revenus, même tirés d’un CDI à temps plein, ne permettent pas d’assurer un train de vie décent au ménage (doc. 1 p. 398 et 3 p. 264). Enfin, la perte d’un emploi et l’expérience du chômage, souvent douloureuse, risque de dégénérer en un processus cumulatif de rupture des différents types de liens sociaux (doc. 3 p. 398). Si la montée du chômage et la précarité du travail n’expliquent pas à elles seules l’exclusion sociale, on observe que pauvreté, marginalisation et exclusion sont, directement ou indirectement, liées à l’absence de travail

Ne pas confondre : désaffiliation et disqualification sociale sont des concepts proches mais distincts. Ils sont tous deux associés au phénomène (central dans cette partie de programme) d’exclusion sociale. Parcourez le TD 2 p. 271 et répondez à la question 1 et à la question de synthèse.

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et entraînent différentes formes de disqualification sociale. Quand on interroge les Français, on observe d’ailleurs que le travail est considéré comme la clef du bonheur, avant la santé et la famille, par près de la moitié des chômeurs et des actifs en CDD (doc. 2 p. 264).

Entraînement : • Auto-évaluez-vous en répondant aux questions p. 275 • Faites les questions de cours et de synthèses du manuel p. 257, 259, 263 et 265 (réponse en fin de doc.)

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SOLUTION DES QUESTIONS De la solidarité mécanique à la solidarité organique (doc. 3 p. 257) 1. La division du travail social correspond à la répartition des tâches au sein de la société, entre des individus ou des groupes sociaux différents. Elle correspond à la spécialisation des rôles sociaux : les métiers, mais aussi les tâches au sein de la famille, etc. 2. La solidarité organique est créée par les différences entres les individus, qui en se spécialisant deviennent complémentaires. Ils sont ainsi indispensables à tous les autres, et tous les autres leurs sont indispensables : c’est l’interdépendance. La solidarité mécanique repose sur la ressemblance entre les individus, la similitude de leurs croyances. La conscience collective s’impose fortement à tous et crée la solidarité. 3. Dans les sociétés traditionnelles, la socialisation va consister à ce que l’individu intègre le plus parfaitement possible les valeurs et normes en vigueur, afin de « ressembler à ses semblables ». Dans les sociétés modernes, cet apprentissage n’a pas disparu, car la conscience collective subsiste, mais la socialisation va laisser une marge de liberté plus grande aux individus pour qu’ils puissent se différencier. 4. La société française correspond davantage à une société « moderne », à solidarité organique. Les rôles sociaux sont différenciés, et la conscience collective, si elle se traduit bien par des valeurs communes, laisse une grande marge de liberté aux individus. La cohésion sociale repose sur les différences (doc. 4 p. 257) 1. Voir lexique. 2. La conscience collective, c’est l’ensemble des valeurs et des croyances en vigueur dans un groupe ou une société. La conscience collective se traduit concrètement dans les consciences de chaque individu. 3. La phrase soulignée précise sur quoi repose la solidarité dans les sociétés modernes. La division sociale du travail conduit à la spécialisation des individus, donc à leur interdépendance. En même temps, ils sont de plus en plus différents les uns des autres. Durkheim met donc en évidence un paradoxe : c’est en étant de plus en plus différents que les individus sont de plus en plus liés. 4. Durkheim prend appui sur la biologie pour décrire le lien social dans les sociétés modernes. Chaque individu y a une fonction précise, tel un organe. Comme dans un organisme, les individus sont différenciés, et pourtant chacun est indispensable aux autres et à la société entière. Tel un organisme, la société a besoin de tous ses « organes », de chaque individu. Des évolutions démographiques transforment la famille (doc. 1 p. 260) 2. La famille a connu une évolution de la mise en couple : le nombre de mariages a diminué, tandis que le nombre de divorces a augmenté. Cela ne signifie pas que les personnes vivent moins en couple, car on assiste à une augmentation du nombre de Pacs (et d’unions libres, qui n’apparaissent pas dans le tableau). Des évolutions également du côté de la natalité : le nombre de naissances a diminué de 3,2 % entre 1960 et 2009. Mais on peut noter une tendance à la hausse du nombre de

naissances à partir des années 2000. Il faut noter également que la baisse des mariages n’empêche pas les couples d’avoir des enfants : la part des enfants nés de parents non mariés a augmenté très fortement. Alors que 6 % des enfants naissaient hors mariage en 1960, c’est le cas aujourd’hui de plus d’un enfant sur deux. 3. L’individualisation se traduit par une plus grande liberté de choix ; cela peut avoir pour effet la volonté de choisir son conjoint, et la liberté de s’en séparer (d’où une augmentation du nombre de divorces). De même, les femmes peuvent décider de ne pas avoir d’enfants, ou d’en avoir moins, ce qui explique en partie la diminution du nombre de naissances. La possibilité de choix du mode de vie, en couple marié ou non, explique quant à lui l’augmentation de la part des naissances hors mariages. Les solidarités familiales s’adaptent au changement économique et social (doc. 3 p. 261)

Âge ou situation

Changement socio-économique qui rend les solidarités familiales nécessaires

Exemple de solidarités familiales

Jeunes adultes

– Augmentation de la durée des études – Difficultés à s’insérer sur le marché du travail – Instabilité des premières mises en couple

– Hébergement – Aides financières – Garde des jeunes enfants

Perte d’un emploi

– Chômage de masse – Précarisation de l’emploi

– Aide financière – Aide dans les démarches pour trouver un emploi

Personnes âgées

– Allongement de l’espérance de vie – Développement de la dépendance

– Hébergement – Aide pour les démarches administratives – Aide pour les gestes du quotidien, les tâches ménagères

Massification et démocratisation (doc. 2b p. 262) 4. Les inégalités scolaires se sont réduites dans la mesure où toutes les catégories sociales ont bénéficié de la massification scolaire. La part des sortants du système scolaire sans qualification s’est nettement réduite : pour les hommes, elle est passée de 25 % des sortants en 1996 à 19 % en 2009. Les taux de réussite au baccalauréat ou au brevet sont très élevés, y compris pour les enfants des catégories les plus modestes. Ainsi, les enfants d’ouvriers candidats au baccalauréat ont 83,3% de chances de l’obtenir en 2009. Il faut noter également que les inégalités scolaires entre hommes et femmes se sont nettement réduites : les femmes sont désormais plus diplômées que les hommes. Cependant, les inégalités liées à l’origine sociale des élèves restent fortes. Les taux de réussite aux diplômes restent très différents pour les enfants de cadres ou professions intermédiaires et les enfants d’ouvriers ou de Retraités. Ainsi (question 3), Le taux de réussite au brevet des enfants de cadres est 24 % plus élevé que celui des enfants d’ouvriers (calcul : (94,4 – 76,2) / 76,2 × 100 = 24); pour la réussite au baccalauréat, l’écart est de 11 %, toujours en faveur des enfants de cadres.

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TD 2 – Analyser la notion d’exclusion (p. 271) 1. La pauvreté monétaire est définie par un revenu inférieur à un certain seuil (en France et en Europe : 60% du revenu médian). La pauvreté de conditions de vie est définie comme l’impossibilité d’accéder à certains biens considérés comme essentiels à la vie sociale. La désaffiliation est un processus de fragilisation progressive des liens qui unissent une personne aux autres membres de la société (Robert Castel). La disqualification est un processus qui conduit les individus à un statut social spécifique, inférieur et dévalorisé (Serge Paugam). Synthèse L’exclusion est un processus engendré par le cumul d’inégalités et de situations d’instabilité. Les principales sources d’instabilité sont économiques (chômage), familiales (ruptures conjugales), sociales (problème d’accès au logement, maladie, etc.). L’exclusion consiste en une difficulté à participer concrètement aux différents aspects de la vie sociale. Les individus exclus peuvent l’être de la vie économique : chômage, faible revenu, difficulté à consommer. Ils peuvent l’être de la vie politique : non accès au droit de vote ou abstention. Ils peuvent aussi être exclus des liens familiaux et affectifs. Ils peuvent enfin être exclus de l’école, de la santé, des loisirs, de la vie culturelle… Les exclus qui bénéficient d’aides sociales peuvent être disqualifiés socialement (Serge Paugam). Plus largement, l’exclusion constitue une fragilisation de la cohésion sociale : certains individus ne sont plus membres de la société à part entière. Entraînez-vous (p.257) Question de cours. La division du travail social rend les individus différents, mais en même temps complémentaires. Ils sont donc interdépendants : chacun a besoin de tous les autres membres de la société. Le lien social repose donc sur une solidarité « organique » dans laquelle chaque individu a sa place. Synthèse. Les liens sociaux prennent des formes variées dans les sociétés contemporaines. Ce sont à la fois des liens de solidarité, de civilité et de sociabilité entre les individus. Les relations que ces derniers entretiennent peuvent être des relations directes (de face-à-face) ou indirectes, elles peuvent être marchandes, amicales, familiales, etc. Mais le fondement de ces liens évolue : d’une solidarité mécanique, basée sur la ressemblance, nos sociétés sont passées à une solidarité organique, fondée sur la division du travail social. La cohésion sociale repose donc aujourd’hui sur les différences entre des personnes interdépendantes. (p. 259) Question de cours. Dans les sociétés modernes, où la solidarité organique se développe, l’individualisation correspond au développement des possibilités de choix pour les individus. Il s’agit de la mise en pratique de l’autonomie accrue de chacun, qui peut choisir librement ses croyances religieuses, ses orientations politiques, ses valeurs, etc.

Synthèse.

Effets positifs Effets négatifs

– Isolement, solitude – Repli sur soi, égoïsme – Incivilités

– Liberté des croyances et des valeurs – Développement de la démocratie représentative – Développement des liens électifs

(p. 263) Question de cours. Le chômage et la précarité rendent l’action de l’État de plus en plus nécessaire : les prestations sociales, comme les allocations chômage ou les minima sociaux, offrent aux individus des revenus de remplacement ou de complément qui leur permettent de continuer à participer à la vie sociale. Mais cette action est fragilisée, car l’augmentation du nombre de bénéficiaires augmente le coût des prestations : les dépenses de solidarité sont de plus en plus élevées. Par ailleurs, cette action est de plus en plus critiquée : les bénéficiaires sont de plus en plus considérés comme responsables de leur situation, ils sont culpabilisés. Certaines personnes renoncent alors à faire valoir leurs droits. Synthèse. L’école française a en partie atteint l’objectif, fixé par Jules Ferry, d’augmenter le niveau d’instruction pour tous et de lutter contre les inégalités sociales. Le niveau de sortie de l’école ne cesse d’augmenter, et les sortants sans diplôme sont de plus en plus rares, même si ce phénomène ne disparaît pas. Les inégalités filles-garçons ont fortement diminué. Par contre, les inégalités liées à l’origine sociale des élèves restent très fortes. Les enfants d’origine populaire ont bénéficié de la massification scolaire, mais leurs parcours scolaires et leurs taux de réussite aux diplômes reste nettement inférieurs à ceux des enfants de catégories favorisées. (p. 265) Question de cours. Le lien social engendré par le travail est aujourd’hui fragilisé. Les transformations de l’organisation du travail défont les droits collectifs et individualisent le rapport salarial, ce qui est source d’inégalités. La souffrance au travail augmente. La fragilisation du lien social se traduit aussi par l’augmentation de la précarité des emplois. Enfin, la difficulté d’accéder à certains droits sociaux comme le logement s’ajoute aux difficultés du travail et fragilise davantage le lien social. Synthèse. La précarisation de l’emploi a des conséquences qui dépassent largement la sphère du travail. L’incertitude sur le fait de conserver son emploi, donc son statut et son revenu, rend toute la vie sociale incertaine. Les précaires ont donc des difficultés fortes à s’intégrer dans la vie sociale. Par ailleurs, la précarité déborde les seuls précaires et inquiète aussi les stables (ce que Robert Castel appelle la « déstabilisation des stables »). C’est donc bien toute la société qui est précarisée.

Source des corrigés : Hachette éducation, 2012

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SUJETS DE BAC : DISSERTATION Quel est le rôle de l’école dans l’intégration sociale aujourd’hui ?

Source : Manuel Bordas, p. 254

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SUJETS DE BAC : EPREUVE COMPOSEE Partie 2 – Etude d’un document

À l'aide de vos connaissances et du dossier documentaire, vous analyserez l'importance du rôle joué par les solidarités familiales aujourd'hui.

Partie 3 – Raisonnement s'appuyant sur un dossier documentaire

À l'aide de vos connaissances et du dossier documentaire, vous analyserez l'importance du rôle joué par les solidarités familiales aujourd'hui.

(manuel Bordas, p. 253)

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Corrections Dissertation

Analyse du sujet C’est un sujet typique de type analyse / explication qui invite à recenser les éléments qui permettent d’illustrer le rôle de l’école dans l’intégration sociale. Mais le terme « aujourd’hui » ajoute une dimension particulière et soulève plusieurs questions (qu’on pourra citer en introduction) : le rôle de l’école dans l’intégration sociale a-t-il pu changer dans le temps ? Continue-t-elle de jouer aujourd’hui les mêmes rôles que par le passé ou au contraire la situation présente est-elle inédite ou nouvelle ? En utilisant ce terme, on peut « problématiser » le sujet et s’éviter un plan un peu rébarbatif du type : rôle 1, … 2, …3.

Analyse des doc. et utilisation dans le cadre du sujet Le doc. 1 permet de montrer que 1/ les taux de réussite et le type de bac sont différenciés selon l’origine socioprofessionnelle, 2/ l’accès au bac s’est largement massifié puisque les taux de réussite sont importants pour l’ensemble des élèves. Le doc. 2 permet de montrer le relatif consensus entourant les missions de l’école (socialisation aux normes et valeurs de base, préparation de l’intégration professionnelle, transmission de savoirs), mais également l’importance du rôle intégrateur de ces missions. Le doc. 3 permet de montrer le rôle protecteur du diplôme face au risque de chômage et donc d’exclusion économique. Par ailleurs, on peut mettre en relation les doc. 1 et 2 car ils montrent l’importance de l’école dans la société et en particulier dans l’intégration sociale. Il s’agit de faire le lien avec la question de la massification, des difficultés de l’école aujourd’hui à faire consensus du fait de la contradiction potentielle entre toutes ses missions. On peut lier également les doc. 1 et 3 car les inégalités de réussite et de type de série de bac ont des conséquences sur l’insertion professionnelle et économique, et on peut imaginer que les individus sont donc inégaux face au chômage selon leur origine sociale. On peut enfin faire le lien entre les doc. 2 et 3 car ils illustrent parfaitement à la fois l’importance du rôle accordé à l’école dans l’insertion professionnelle et les difficultés pour cette institution à réaliser cet objectif.

Proposition de plan I. L’école occupe traditionnellement une place importante dans l’intégration sociale… A. … car l’école joue un rôle important de socialisation et de contrôle social (doc. 2)… B. … car l’école est un facteur de cohésion sociale.

1. Importance de l’intégration professionnelle (doc. 2 et doc. 3, en particulier rôle protecteur du diplôme). 2. Transmission de la citoyenneté. 3. Historiquement, une arme de diminution des inégalités (massification/démocratisation).

II. … mais ce rôle lui est de plus en plus difficile à tenir aujourd’hui. A. La confiance accordée à l’école est de plus en plus remise en cause.

1. Échec de la transmission de normes et valeurs (doc. 2, montée des incivilités). 2. Le diplôme est une condition de plus en plus nécessaire mais de moins en moins suffisante (chômage des jeunes important).

B. La réalité de l’intégration sociale par l’école : une réalité inégalitaire.

1. L’école est marquée par l’élitisme républicain (doc. 1, inégalités de réussite et de types de bac, et doc. 3, jeunes sans qualification)… 2. … qui ne lui permet pas de remplir complètement ses missions de contrôle social et de socialisation, notamment citoyenne.

Epreuve composée

Partie 2 Le document est un tableau statistique produit par l’Insee à partir d’une enquête réalisée en 2008. Il présente le taux d’adhésion à des associations, c’est-à-dire la part des individus résidant en France métropolitaine adhérant à une ou plusieurs associations. Ces taux d’adhésion sont distingués en fonction du type d’association, mais aussi en fonction du niveau de diplôme et de la catégorie socioprofessionnelle des adhérents. Les associations qui attirent le plus les Français sont d’abord les associations sportives, puis les clubs de troisième âge, les syndicats professionnels, enfin les associations culturelles et de loisirs. On note également que le taux d’adhésion à une association, et le type d’association auquel on adhère, varie beaucoup en fonction du niveau de diplôme. De manière générale, ce sont les plus diplômés qui ont les taux d’adhésion les plus élevés. On peut faire le même constat avec la catégorie socioprofessionnelle : les cadres et les professions intermédiaires ont les taux d’adhésion les plus élevés, tandis que les ouvriers ont les taux d’adhésion les plus faibles. Partie 3 Il s’agit ici de montrer à la fois l’importance, les formes ainsi que le rôle des solidarités familiales dans la cohésion sociale. La réponse peut se faire en deux parties : – La première partie peut mettre en avant l’importance assez généralisée des solidarités familiales, même si les formes peuvent varier selon l’origine sociale des familles. – La deuxième partie peut permettre de nuancer ce propos en montrant que ces solidarités familiales s’insèrent dans un ensemble d’autres types de solidarités (protection sociale, socialisation par l’école, etc.) qui sont autant de moyens pour maintenir la cohésion sociale.