Brochure Prix Inserm 2011 · phogénétiques» du Collège de France. Le neurobiologiste, adepte du...

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PRIX INSERM 2011

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  • PRIX INSERM2011

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  • Direction éditorialeYANN CORNILLIER

    Direction artistiqueMYRIEM BELKACEM

    RédactionNICOLAS RIGAUD

    PhotosPATRICE LATRON

    Direction de la communicationCATHERINE D’ASTIER

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  • Depuis onze ans, l’Inserm honore les talents à l’origine de tra-vaux unaniment salués. Les Prix Inserm sont l’occasion demontrer la richesse des métiers de la recherche d’aujourd’hui,ainsi que la passion des femmes et des hommes qui la por-tent au quotidien. Chercheurs, ingénieurs ou techniciens sontainsi récompensés pour leur persévérance à faire progresserles connaissances en sciences de la vie et de la santé. Autravers de la trace laissée par un seul, c’est aussi le savoir-faire d’équipes entières qui est distingué.

    Cette année encore, l’excellence des parcours de rechercheest reconnue. Lauréat du Grand Prix 2011, le passionné delittérature, Alain Prochiantz, scrute les processus de morpho-genèse neuronale. Prix d’Honneur, la chercheuse engagéeEthel Moustacchi a voué sa carrière aux effets de la radio-activité sur le vivant. L’Américaine férue de mathématiquesSusan Gasser, Prix International, observe les mouvementsintracellulaires grâce à des outils statistiques et informatiquesinnovants. Les deux Prix Recherche consacrent les progrèsdéterminants réalisés par Geneviève de Saint-Basile sur larégulation du système immunitaire, et par Pierre Léopold surla croissance, grâce à ses travaux sur la drosophile. Enfin, lesPrix Innovation récompensent deux spécialistes des techno-logies de pointe, Claude Delpuech du département de magnéto-encéphalographie au CERMEP* de Lyon, et Frédéric Fiorede la plateforme d’exploration des fonctions du système immu-nitaire de la souris (KO-KI Booster) à Marseille.

    Ces lauréats montrent la voie et prouvent que le monde de larecherche scientifique est toujours à explorer. Si la tâche estsouvent ardue, elle n’en est que plus gratifiante lorsqu’elleporte ses fruits, au grand bénéfice de tous.

    YANN CORNILLIER

    ● 3 Grand Prix

    ● 9 Prix d’Honneur

    ● 15 Prix International

    ● 21 Prix Recherche

    ● 33 Prix Innovation

    Sommaire

    * Centre d’étude et derecherche multimodalet pluridisciplinaire enimagerie du vivant

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  • Une petite table basse

    entre deux fauteuils. On

    pourrait y poser deux tasses

    de café et un roman. Situé

    au fond du bureau d’Alain

    Prochiantz, ce petit salon est

    un peu à l’écart des projets de

    recherche, des équations et des

    résultats qui s’affichent sur son ordi-

    nateur. Car le neurobiologiste, écrivain à ses

    heures, est attaché à cette manière de penser à côté,

    sans jargon, l’esprit libre. Et puis, d’un geste de la main :

    «Ce Prix me fait plaisir. Mais asseyez-vous... »

    À son regard, on sent qu’Alain Prochiantz ne s’en laisse pas

    compter. Cet athée affirmé ignore autant les dogmes que

    les idoles. Il ne se vante pas non plus des titres obtenus :

    ancien élève de l’École normale supérieure (1969), docteur

    en biochimie (1976), directeur du département de bio-

    logie de l’ENS jusqu’en 2006, membre de l’Académie des

    sciences depuis 2003, titulaire de la chaire «processus mor-

    phogénétiques» du Collège de France. Le neurobiologiste,

    adepte du doute rationnel et de la méthode expérimentale,

    accorde cependant une place prépondérante à l’imagination,

    fenêtre de liberté ouverte par la littérature. « J’ai toujours

    aimé réfléchir autrement», résume celui dont les ouvrages

    littéraires sont de genres très variés : essais, traités, dialogues

    inspirés du marquis de Sade, pièces de théâtre écrites avec

    Jean-François Peyret1. Il y confronte ses recherches aux

    conceptions d’auteurs qui l’ont précédé, interroge les enjeux

    contemporains de la science et crée de nouvelles hypothèses

    à partir d’une certaine compréhension du vivant. « La vie

    est en effet créatrice de formes », fait-il dire au personnage de

    la belle Léanore2 ; cette capacité du vivant à prendre forme

    et à évoluer dans le temps – en chacun de ses organes,

    3

    Grand PrixALAIN PROCHIANTZ

    LES VARIATIONSDU CERVEAU

    1 Ex vivo / In vitro, auThéâtre de la Colline du17 novembre au17 décembre 20112 La biologie dans leboudoir, éditions OdileJacob, Paris, 1995, p. 25.

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    cerveau compris – constitue la toile de fond des recherches

    comme des écrits d’Alain Prochiantz.

    Un départ salutaireLe chercheur aime prendre le recul nécessaire, le temps de

    réfléchir sur des voies nouvelles. En 1985, alors directeur

    de recherche CNRS dans le laboratoire de neuropharma-

    cologie de Jacques Glowinski, il « s’échappe» aux États-Unis.

    Il s’y passionne pour la morphogenèse, processus par lequel

    les tissus et les organes prennent forme depuis les premières

    divisions cellulaires jusqu’à l’âge adulte. Des découvertes

    génétiques fondamentales étaient en cours : «Les premiers

    gènes de développement de la famille des homéogènes, qui

    encodent les homéoprotéines et déterminent la forme des

    organes, venaient d’être clonés chez la mouche», se souvient-il.

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    La lecture d’auteurs classiques comme D’Arcy Thompson,

    Darwin, et Haeckel lui offre un éclairage historique sur

    l’importance des homéogènes dans la compréhension de

    l’évolution et du développement des formes vivantes. Au-

    delà des premiers instants de la vie, l’organisme adulte sem-

    ble le lieu d’une création continuée, d’une « embryogenèse

    silencieuse»3. Un premier livre clarifie cette réflexion4 et, à

    son retour en France, Alain Prochiantz attaque une double

    question : les homéogènes déterminent-ils la forme des

    neurones au cours du développement et ont-ils, chez

    l’adulte, une fonction morphologique et physiologique ?

    L’inattenduCes recherches produisent en 1991 un résultat inattendu :

    « En vérifiant que des homéoprotéines régulent génétiquement

    la forme de neurones isolés, détaille le morphogénéticien,

    nous avons constaté in vitro, avec surprise, qu’elles sont aussi

    des protéines messagères : ces facteurs de transcription sont

    sécrétés et internalisés, ils passent d’une cellule à une autre !

    Ce sont des morphogènes au sens de Turing5 : des protéines

    qui transmettent une information de position. La cellule qui

    reçoit “connaît” l’origine de celle qui envoie et répond de

    façon appropriée à cette information. » Une telle communi-

    cation semblait impossible. « Ce fut un bouleversement pour

    moi, reconnaît-il. Signaler une position nécessite normale-

    ment de synthétiser une molécule et de la sécréter pour qu’elle

    se fixe à un récepteur cellulaire qui envoie un signal au noyau.

    Ici, le noyau est directement atteint ! Ce caractère parcimo-

    nieux me plaisait. Et puis, d’un point de vue évolutionniste,

    il pouvait s’agir d’un mode primitif de signalisation chez les

    premiers organismes pluricellulaires ! »

    Quinze ans de recherche furent nécessaires pour démon-

    trer in vivo ce transfert d’homéoprotéines. « Au fond de moi,

    je sais bien que je travaille mû par quelque instinct qui me

    pousse à essayer de découvrir la vérité », écrivait Darwin cité

    par Alain Prochiantz6. Lui, de son côté, relativise : « J’aime

    ce métier merveilleux : on fait des découvertes, on maintient

    une activité cérébrale, on se donne des émotions – en même

    temps ce n’est jamais aussi grave que d’oublier son bistouri

    dans le ventre d’un malade ! » Ces années de difficultés

    conceptuelles et techniques font pourtant comprendre que

    la science est, comme la littérature, un métier à part, où le

    chercheur obstiné se livre tout entier à la ténacité de son

    objet : « La science comme une tauromachie », formule-t-il

    en référence à Michel Leiris. « Nous avons été très lents et

    nous avions des doutes, convient-il. Nous ne parvenions pas

    à bloquer le passage des protéines sans annuler leur fonction

    intracellulaire. Il est certes agréable de trouver quelque chose

    de totalement inédit. Mais la communauté scientifique est

    3 Claude Bernard.La révolution physiologique,éditions PUF Philosophies,1990.4 Les stratégies del’embryon, PUF, Paris, 1988.

    5 « The chemical basis ofmorphogenesis », Philtrans B. vol 237 : 37-72,1952.6 Les Variations Darwin,éditions Odile Jacob,Paris, 2005, p. 21.

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  • nécessairement conservatrice et nous étions un peu seuls dans

    cette traversée du désert. Nous avons dû mieux nous armer

    pour mieux convaincre. »

    Un physiologiste convaincuDurant ces années d’incertitude, l’équipe

    améliore sa compréhension du système.

    Elle découvre les pénétratines, peptides

    par lesquels les homéoprotéines par-

    viennent à traverser la double couche

    lipidique de la membrane cellulaire. Il

    devient ainsi possible de transporter

    une substance pharmaceutique dans

    les cellules, leur cytoplasme et leur

    noyau. C’est la naissance du champ,

    aujourd’hui fructueux, de la vectorisa-

    tion peptidique. « Tout cela était très bien,

    admet Alain Prochiantz, mais ce n’était pas

    ce que je cherchais : je voulais comprendre les

    fonctions physiologiques de cette signalisation : à

    quoi servait-elle ?»

    Au moins 200 gènes codent pour ces homéoprotéines.

    « Je pense qu’il s’agit d’une voie de signalisation essentielle à

    la construction d’un organe ; et donc à sa destruction puisque

    les deux sont commandées par la même physiologie »,

    annonce le fervent lecteur de Claude Bernard. L’équipe

    démontre7 que les homéoprotéines sont impliquées dans

    le guidage axonal, fonction qui permet à un neurone

    d’atteindre sa cible. Leur transport participerait aussi à la

    formation des frontières au sein du neuroépithélium et la

    formation précoce de compartiments au sein du cortex. Ces

    aspects font l’objet de collaborations en Allemagne et au

    Royaume-Uni. Qui plus est, ces facteurs de transcription

    sont des facteurs de survie pour certains types cellulaires :

    l’homéoprotéine Engrailed protège d’une mort spontanée

    les neurones dopaminergiques, dont la dégénérescence

    6

    Un grand homme« Cette découverte d’un système de

    signalisation aussi nouveau qu’inattendu estune grande prouesse des vingt dernièresannées, s’enthousiasme Andrew Lumsden,

    neurobiologiste au King’s College de Londres.Alain a eu le courage de tenir bon face à

    l’incrédulité, jusqu’à prouver qu’il avait raison.C’est la mesure d’un grand homme. »

    7 Brunet, I., Weinl, C.,Piper, M., Trembleau, A.,Volovitch, M., Harris, W.,Prochiantz, A., et al. (2005).The transcription factorEngrailed-2 guides retinalaxons. Nature, 438(7064):94-8

    On dit de lui...

    Coupes de cerveaux desouris.

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    conduit à la maladie de Parkinson8 ; Otx2 joue, quant à lui,

    un rôle similaire à l’égard des neurones ganglionnaires

    rétiniens impliqués dans le glaucome.

    La plasticité du cerveauChacun aujourd’hui en convient, le cerveau n’est pas une

    machine figée. Il ne cesse de se renouveler, d’adopter de

    nouveaux équilibres neuronaux, mieux adaptés à son environ-

    nement. Ces transformations n’ont pourtant pas toujours

    lieu avec la même facilité. «Pour parler couramment une

    langue ou jouer impeccablement du violon, mieux vaut com-

    mencer jeune, confirme le chercheur en regardant ses mains.

    Il existe une période critique, ou période de plasticité, pour

    toutes nos modalités, qu’elles soient sensorielles, affectives ou

    cognitives. Or si l’on bloque chez l’adulte le passage de cer-

    taines homéoprotéines, on rouvre la plasticité du cortex ! Nous

    avons ainsi montré avec Takao Hensch9 qu’une souris adulte

    peut retrouver son acuité visuelle si l’on bloque l’inter-

    nalisation du facteur Otx2 dans une classe de neurones du

    cortex visuel10. » Ne pourrait-on interpréter certains trou-

    bles psychiatriques comme des problèmes de période cri-

    tique, marqués par une difficulté d’adaptation du cerveau

    aux changements hormonaux et physiologiques de la

    puberté ? «Cette question me fascine, confie-t-il, mais on ne

    saurait l’aborder avec trop de prudence. »

    8 Alvarez-Fisher, D.,Fuchs, J., Castagner, F.,Stettler, O., Massiani-Beaudoin, O., Moya, K.,Bouillot, C., et al. (2011).Engrailed protectsmouse midbrain dopami-nergic neurons againstmitochondrial complex Iinsults. Nature Neuro-science, in press9 Harvard Medical School10 Sugiyama, S., Di Nardo,A., Aizawa, S, Matsuo, I.Volovitch, M. Prochiantz, Aand Hensch, T. K. (2008).Experience-dependenttransfer of Otx2 homeo-protein into the visualcortex activates postnatalplasticity. Cell: 134, 369-77

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    Prix2011Inter_revu2_Mise en page 1 17/11/11 16:22 Page8

  • Ethel Moustacchi est

    amusée de recevoir le Prix

    d’Honneur de l’Inserm :

    «Alors que je suis officielle-

    ment à la retraite depuis 1998,

    sourit-elle, deux récompenses

    me sont décernées en cette fin

    d’année. La catastrophe nucléaire de

    Fukushima a sans doute mis en évidence

    que nos recherches étaient nécessaires, dans

    l’un des pays les plus nucléarisés au monde.

    C’est une redécouverte, qui me surprend tout autant

    qu’elle me réjouit !»

    Le grand sautSeptembre 1951. Un bateau quitte l’Égypte. Il emporte la

    jeune bachelière Ethel Moustacchi loin de son pays natal,

    vers la France. «Ma décision n’était pas facile à prendre, se

    souvient-elle, je quittais ma famille, pour partir seule. » Pour

    autant, cette fille de parents grecs francophones se sent très

    proche de la patrie de Descartes : « J’étais un pur produit de

    la Mission laïque française. Mes professeurs nous avaient

    appris à raisonner avec rigueur et logique, mais aussi à faire

    preuve de créativité et de fantaisie intellectuelle. »

    L’adolescente est résolue à devenir biologiste. Après une

    année à Montpellier, elle s’inscrit en licence à la faculté des

    sciences de Paris. « J’ai commencé à me passionner pour la

    biologie vers 13 ans, raconte-t-elle. En convalescence d’une

    diphtérie, je lisais des revues scientifiques. La distinction entre

    un être vivant et un cristal de virus du tabac me captivait !»

    Le décès de son père contraint l’étudiante en exil à choisir

    un métier rapidement. Elle intègre ainsi l’École de chimie

    de Paris, qui la fera vite entrer dans la vie active, mais poursuit

    ses études de biologie en parallèle.

    9

    Prix d’HonneurETHEL MOUSTACCHI

    LE RAYONNEMENTD’UNE RADIOBIOLOGISTE

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    En 1954, la jeune chimiste est recrutée comme stagiaire

    dans la section de physique-chimie de l’Institut du radium.

    «C’est ici que j’ai appris à manipuler des radioéléments,

    indique-t-elle en pointant depuis sa fenêtre le bâtiment en

    briques intégré à l’Institut Curie. Depuis le temps de

    Marie Curie, des biologistes et des chimistes y ont étudié les

    effets de la radioactivité sur le vivant.» La double formation

    d’Ethel Moustacchi est donc un atout. Elle se spécialise en

    génétique à la Sorbonne auprès de Boris Ephrussi. « Ce fut

    pour moi une révélation, s’exclame-t-elle. Il revenait des

    États-Unis avec des méthodes novatrices d’enseignement et

    de recherche, très éloignées des cours magistraux ! » Une

    bourse de la Ligue nationale de la lutte contre le cancer

    puis, en 1959, son recrutement au CNRS lui permettent de

    mener une thèse sur les facteurs de radiorésistance de la

    levure, supervisée par Raymond Latarjet, directeur de la

    section de biologie de l’Institut du radium. Forte de ce double

    parrainage, elle rencontre d’autres figures de premier plan :

    Jacques Monod, François Jacob, André Wolff, Salvador Luria.

    Ces « magnifiques personnages » ne cessent de l’inspirer

    depuis la soutenance de sa thèse en 1964.

    Un esprit en mouvementEthel Moustacchi aime voyager et se confronter à de nou-

    velles cultures. Les pierres de son bracelet chinois s’entre-

    choquent tandis qu’elle évoque son post-doctorat dans le

    département de génétique qui venait d’être créé à l’université

    de Washington (Seattle) : « Ce furent des recherches passion-

    nantes: nous avons été, avec Donald Williamson, parmi les

    premiers à démontrer l’existence de l’ADN mitochondrial.

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    Et le cadre était magnifique à bien des égards : des appareil-

    lages scientifiques de pointe associés à une ambiance de Far

    West ! » À son retour des États-Unis, la chercheuse du

    CNRS, alors âgée de 33 ans, est chargée par Raymond

    Latarjet de diriger un nouveau laboratoire de radiobiologie,

    annexe de l’Institut du radium à la faculté d’Orsay. « C’était

    un voyage, à l’époque, entre Paris et Orsay ! », plaisante-t-elle.

    Elle y mènera jusqu’en 1985 des recherches innovantes sur

    des mécanismes de production de lésion de l’ADN, leur ré-

    paration et leur contrôle génétique, tissant de nombreux

    liens avec des laboratoires européens et brésiliens. « J’ap-

    partiens à une génération où il était possible d’être un peu ar-

    tiste, de s’intéresser à des sujets divers, confesse-t-elle. Nous

    nous amusions tout en travaillant beaucoup. Je déplore que

    cette liberté disparaisse et que triomphe une logique techno-

    cratique de construction de projets. »

    La génotoxicologue n’aime pas plus l’inertie institution-

    nelle que la spécialisation à outrance. Aussi participe-t-elle

    activement aux mouvements de Mai 1968. « Ma motivation

    n’était pas tant politique que scientifique et éducative, se

    défend-elle. J’avais connu le pénible mandarinat de la

    Sorbonne. Il fallait secouer ce cocotier pour apporter du

    renouveau ! Ce fut une rupture formidable, jusque dans notre

    façon de travailler : une parole bien plus libre a commencé à

    émerger. Le travail scientifique, c’est aussi cela ! »

    Une orientation médicaleÀ la suite d’une année passée dans le département de

    pathologie de l’université de Stanford, Ethel Moustacchi est

    invitée en 1985, à prendre en charge l’unité de recherche

    de Raymond Latarjet à l’Institut Curie. « J’ai émigré une

    dernière fois à Paris », résume-t-elle. Ce retour se double

    d’un changement d’orientation décisif : ses recherches por-

    tent désormais sur les cellules humaines en culture. « Nous

    pouvions établir des ponts avec les radiothérapeutes de l’Institut

    Curie, explique-t-elle. Il était temps que nos travaux sur la

    mutagenèse et l’instabilité génétique soient utilisés pour les

    patients ! »L’équipe étudie ainsi les facteurs génotoxicologiques

    qui déterminent une prédisposition au cancer. Elle démontre

    La mutation de protéinesimpliquées dans laréplication de l’ADN et laséparation deschromosomes constitueun élément majeurd’instabilité génomique,responsable de rarespathologies génétiquesde prédispositionaux cancers telles quela maladie de Fanconi(protéine FANC).

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    notamment que l’apparition de cancers secondaires long-

    temps après une radiothérapie d’un premier cancer peut

    être due à une diminution de la capacité de réparation de

    l’ADN. Surtout, elle consacre plus de dix ans à l’étude des

    défauts de réparation moléculaire impliqués dans l’anémie de

    Fanconi, une maladie génétique rare prédisposant au cancer.

    Cet intérêt pour la santé humaine conduit le laboratoire à

    déborder le cadre des rayonnements ionisants pour étudier

    la génotoxicité des rayons ultraviolets et des agents

    chimiques. Ethel Moustacchi joue alors un rôle de lanceur

    d’alerte. Elle démontre la toxicité des psoralènes, agents uti-

    lisés en dermatologie et cosmétologie. « Nous avons obtenu

    qu’ils soient presque entièrement retirés des crèmes à bron-

    zer, et les crèmes utilisées efficacement contre le psoria-

    sis ont pu être mieux dosées. Ce fut une longue

    bataille », déclare-t-elle avec fierté.

    Conseiller scientifique auprès du Commis-

    sariat à l’Énergie atomique depuis 1995,

    Ethel Moustacchi ne cesse de s’intéres-

    ser aux effets sanitaires des faibles

    doses de rayonnement ionisant, qui

    concerne aussi bien les travailleurs de

    l’industrie nucléaire que les profes-

    sionnels de santé. « Nous manquons

    encore de connaissances suffisantes en

    ce domaine, regrette-t-elle. C’est pour-

    tant une question importante de santé

    publique : nous sommes, en effet, de plus

    en plus exposés à des doses faibles du fait des

    développements variés de l’utilisation médicale

    des radiations, y compris en prévention. La créa-

    tion d’une nouvelle plateforme de recherche européenne

    sur l’étude des faibles doses (Melodi1) est une excellence ini-

    tiative. » Elle se réjouit également de la direction prise par

    son ancienne unité de recherche : « Désormais, l’UMR 218

    est orientée davantage vers l’épigénétique. Ce domaine, qui

    permet l’étude de la modulation de l’expression des gènes par

    l’environnement, est en parfaite continuité avec nos précédents

    travaux ; en même temps... c’est l’avenir ! »

    Un regard sur le mondeChevalier de la Légion d’honneur depuis 2000, Ethel Mous-

    tacchi a le sens du contexte politique et social. Elle sait que,

    particulièrement en matière de nucléaire, la recherche n’est

    pas déconnectée de la société. « Déjà à Orsay, confirme-t-

    elle, je faisais bien plus que de travailler sur des levures ! Mon

    orientation scientifique participait d’une forme de conviction

    idéologique : le nucléaire devait permettre à la France de trouver

    son indépendance économique. Raymond Latarjet avait ainsi

    Une vision dynamique« Par sa vision dynamique et originale,

    souligne Geneviève Almouzni, directrice del’UMR 218 à l’Institut Curie, Ethel Moustacchi

    a contribué à la compréhension des effetsmutagènes des radiations et agents chimiques,

    des mécanismes de réparation et de leurcontrôle génétique, pour une meilleure

    évaluation des risques. »

    On dit d’elle...

    1 MultidisciplinaryEuropean Low DoseInitiative.

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  • 13

    persuadé le Général de Gaulle que, si l’on voulait développer

    correctement le nucléaire, avec les précautions nécessaires, il

    fallait financer la recherche en radiobiologie. »

    La chercheuse, qui était enfant lorsque la bombe atomique

    fut lancée à Hiroshima, a longtemps cru en la capacité des

    autorités réglementaires à contrôler la puissance nucléaire,

    avec le soutien de la société civile : « Dans un État démo-

    cratique comme la France, explique-t-elle, la compétence des

    ingénieurs, que je connaissais, devait permettre de garantir

    la sécurité des centrales, avec le rétrocontrôle de commissions

    locales, d’associations et de syndicats bien informés. » Depuis

    la catastrophe de Fukushima, ce modèle démocratique

    lui semble ébranlé : « J’ai pris conscience des ravages que peut

    produire la corruption humaine. Cela m’a fortement inter-

    rogée. Il était naïf de croire au progrès sans considérer que,

    dans toute société, le mal existe aussi, dans l’homme. » Elle en

    sort alors plus lucide : « Durant les années à venir, en atten-

    dant les énergies de substitution, il faudra veiller très stricte-

    ment au contrôle démocratique du nucléaire. Toute la clé est

    là, je crois : s’assurer que l’utilisation de cet outil fascinant

    renforce notre liberté ! »

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    Prix2011Inter_revu2_Mise en page 1 17/11/11 16:23 Page14

  • L’abstract ion es t l e

    domaine de prédilection

    de Susan Gasser: elle aime

    gravir des sommets, où la

    vision devient globale, où

    la logique du paysage prend

    son sens. La biologiste, directrice

    du prestigieux Institut Friedrich

    Miescher de Bâle, se réjouit d’être la

    lauréate du Prix International de l’Inserm.

    Elle explique : « La France est une nation dont je

    regarde de très près les découvertes scientifiques. J’y ai des

    amis, des collaborateurs et... des concurrents ! »

    La joie de Susan Gasser réchauffe l’atmosphère de cette salle

    de réunion. De grande taille, la chercheuse se tient très

    droite sur sa chaise, avec assurance. Elle ne tarit pas d’éloges

    sur le dynamisme des équipes de recherche françaises.

    Membre de l’Académie des sciences, elle se remémore, les

    yeux mi-clos, le temps où, étudiante américaine, elle

    séjourna un mois à Tourettes-sur-Loup près de Nice.

    «Ce mois en France fut décisif, même si je n’y ai pas beaucoup

    appris le français. J’hésitais entre continuer des études de phi-

    losophie ou de biologie. Dans ce cadre idyllique, la lecture de

    Qu’est-ce que la vie d’Erwin Schrödinger, j’ai décidé de de-

    venir biologiste !»

    Un esprit tourné vers l’avantCette vocation conduira Susan Margaret Gasser jusqu’en

    Suisse. « J’ai grandi dans une petite ville de l’Oregon, aux

    États-Unis, mais l’Europe me fascinait », confie-t-elle. Aussi

    décide-t-elle de suivre son futur mari d’origine helvétique

    à Bâle en 1979, après une licence de biophysique à l’uni-

    versité de Chicago, pour y mener des recherches doctorales

    15

    Prix InternationalSUSAN M. GASSER

    MOUVEMENTS DANSL’ESPACE CELLULAIRE

    Prix2011Inter_revu2_Mise en page 1 17/11/11 16:23 Page15

  • 16

    en biochimie jusqu’en 1982. Après un stage postdoctoral à

    Genève, et la naissance de son fils, elle ouvre son labora-

    toire à l’Institut suisse de recherche expérimentale sur le

    cancer (ISREC) près de Lausanne. «À partir de là, j’ai été

    prise à 200% par ma recherche et ma famille, reconnaît-elle.

    Il est vrai que j’ai dû renoncer à certains loisirs mais au fond,

    je n’ai pas beaucoup de regrets, ni professionnels ni person-

    nels. Comme scientifique, on a plutôt tendance à regarder vers

    l’avant !» Nommée en 2001 professeur de biologie molé-

    culaire à l’université de Genève, Susan Margaret Gasser a

    rejoint en 2004 l’université de Bâle et l’Institut Friedrich

    Miescher pour la recherche biomédicale.

    À la croisée des mathématiqueset de la biologieSusan Gasser a participé, de manière fondamentale, à l’élar-

    gissement de la recherche sur le noyau cellulaire. Elle a

    démontré l’intérêt d’adopter une vision globale, qui intègre la

    dimension spatiale et dynamique du noyau. « J’étudie ce

    globe mouvementé qu’est le noyau de la cellule, résume-t-

    elle. J’ai montré que son organisation en trois dimensions a

    une influence sur l’expression du génome et sur sa capacité

    de réparation, ainsi que sur de nombreux changements tels que

    la différenciation des cellules, leur développement et les mo-

    difications génétiques induites par l’environnement. Nous étu-

    dions la logique de cette situation dynamique. » La

    chercheuse, qui aime séjourner dans l’air pur des mon-

    tagnes, en est convaincue : « Pour comprendre la complexité

    de la nature, il faut pouvoir la décrire en termes mathéma-

    tiques. Sans quoi l’épanouissement d’une fleur serait toujours

    un simple miracle. On y perd sans doute ce qui fait la chair des

    êtres, ou le parfum des fleurs, mais cela permet de penser de

    Prix2011Inter_revu2_Mise en page 1 17/11/11 16:23 Page16

  • 17

    façon plus large et de progresser, de libérer l’imagination.

    L’abstraction, je trouve cela très excitant ! »

    La danse des chromosomesQuelques pas de danse sous les lumières d’un microscope

    ont renforcé cette conviction mathématique. En 2001, en

    effet, un article fait sensation dans Science1 : l’équipe de

    Susan Gasser, à l’université de Genève, est parvenue à filmer

    et quantifier le mouvement des gènes dans le noyau d’une

    cellule de levure. Avant 1997, aucun microscope n’avait une

    assez haute résolution pour suivre le mouvement d’un seul

    locus. «Nous y sommes parvenus grâce aux progrès de la tech-

    nologie, que nous avons perfectionnée, analyse-t-elle. Cette

    danse était fascinante, on aurait pu la regarder pendant des

    heures! Pour sortir de la fascination et en tirer des connaissances,

    1 P. Heun, T. Laroche,K. Shimada, P. Furrer,S. M. Gasser, Science(7 December 2001);Chromosome Dynamicsin the Yeast InterphaseNucleus, 2181-2186.

    Prix2011Inter_revu2_Mise en page 1 17/11/11 16:23 Page17

  • 18

    nous avons voulu quantifier ces mouvements. Ce fut un

    tournant décisif pour nos recherches. » L’équipe fait alors

    appel, de manière croissante, aux compétences mathéma-

    tiques de statisticiens, et d’experts en analyse et modélisa-

    tion des images. Dans le cadre de ce projet, elle étudie

    désormais les corrélations entre lésion et mouvement des

    chromosomes. Des erreurs de positionnement chromoso-

    mique peuvent accélérer le vieillissement ou induire une

    évolution vers un cancer. « Ainsi, si je mène des recherches

    uniques, propose-t-elle, c’est peut-être par cette façon de

    combiner les technologies de la microscopie du vivant, de la

    génétique et de l’étude mathématique du mouvement, pour

    répondre à des questions d’organisation biologique fonda-

    mentales sur la stabilité du génome ou la transcription. Je suis

    très attachée à cette phrase d’André Gide : “On ne découvre

    pas de terre nouvelle sans consentir à perdre de vue,

    d’abord et longtemps, tout rivage”.2 Autrement dit, il faut

    oser dépasser ce qui est déjà connu !»

    Au cœur du génomeLa stabilité du génome constitue, en effet, l’un des grands

    champs d’investigation de l’équipe. La directrice de l’Institut

    Friedrich Miescher s’interroge : « Que faut-il pour que

    le génome soit répliqué sans erreur, et réparé si

    besoin ? En cas de cassure d’ADN, la répara-

    tion doit être orchestrée. Comment la lésion

    est-elle indiquée et identifiée dans

    l’espace? Quel itinéraire les protéines de

    réparation prennent-elles pour redresser

    la situation ? Quelles sont les répercus-

    sions d’une perte d’organisation dans

    l’espace du noyau ?»

    La seconde interrogation principale

    du laboratoire relève de l’épigéné-

    tique, c’est-à-dire de l’influence de

    facteurs qui contrôlent l’expression des

    gènes : quels sont les schémas hérédi-

    taires de cette expression ? Selon les tissus

    cellulaires, les expériences et l’environnement

    des cellules vivantes, certains nucléotides du

    génome sont activés et d’autres non. Ces différentes

    lectures d’un même code génétique tiennent à l’influence

    de facteurs de transcription épigénétiques, qui peuvent

    provenir de l’environnement (exposition à un produit

    toxique, par exemple) ou avoir une cause interne et héré-

    ditaire (telle que la structure des histones autour desquels

    s’enroule la chromatine). Susan Gasser explique : «On sait

    que la différenciation d’une cellule souche en différents types

    de tissus a lieu à partir du même ADN, par l’inactivation de

    Un style contagieux« Susan Gasser se distingue par son

    excellence scientifique à tous lesniveaux !, souligne David Allis, spécialiste

    de l’épigénétique (Rockfeller University,New York). Son style est contagieux.

    Elle transmet son énergie et son enthousiasmeà tous ceux qui l’approchent. Scientifique

    pleine de talents, personnalité remarquable,elle est vraiment à part. »

    On dit d’elle...

    2 Les Faux-monnayeurs,in Gide, André, romans ;Gallimard, Bibliothèquede la Pléiade, Ligugé,1958, p. 1214

    Prix2011Inter_revu2_Mise en page 1 17/11/11 16:23 Page18

  • certains gènes. Comment ce processus s’opère-t-il et se pro-

    page-t-il de cellule en cellule ? Quel est le rôle de l’organisa-

    tion spatiale dans cette propagation ? » Les réponses à de

    telles questions sont susceptibles de renforcer la compré-

    hension du vieillissement et de la mort cellulaire.

    Éloge de la libertéL’ancienne présidente de l’Organisation européenne de

    biologie moléculaire (EMBO) a été membre fondateur du

    premier réseau d’excellence européen sur l’épigénétique,

    Epigenome. C’est dire si elle reconnaît que l’échange et le

    travail en réseau sont indispensables : « La science ne peut

    pas être confinée aux frontières nationales, elle gagne à être

    mise en commun – ce que font les savants d’Europe depuis

    des siècles. Elle peut aussi parfois traverser les domaines dis-

    ciplinaires : dans le réseau suisse de biologie systémique Sys-

    temsX, nous cherchons par exemple une logique commune à

    toutes les différenciations cellulaires (sanguine, immunitaire,

    nerveuse, tissulaire). Cette perspective est innovante, elle nous

    permet de dépasser les détails de chaque spécialité ! »

    À la tête de l’Institut Friedrich Miescher, Susan Gasser se

    trouve confrontée au défi d’identifier les domaines de

    recherche innovants qui peuvent servir le monde biomédi-

    cal. L’Institut, fondé il y a quarante et un ans, est financé à

    80 % par la Fondation Novartis. « La Fondation s’intéresse

    beaucoup à l’innovation et à la découverte. Nous sommes

    invités à envisager des possibilités d’application médicales et

    pharmaceutiques, ce que je trouve très stimulant depuis mon

    expérience à l’ISREC.Mais la Fondation a saisi que les vraies

    découvertes médicales arrivent rarement là où on les attend.

    C’est pourquoi la recherche fondamentale suit son chemin de

    découverte, librement. Notre situation est malheureusement

    rare, dans un monde où il est de plus en plus nécessaire de

    renforcer l’investissement dans la recherche fondamentale. »

    Prix2011Inter_revu2_Mise en page 1 17/11/11 16:23 Page19

  • 20

    Prix2011Inter_revu2_Mise en page 1 17/11/11 16:23 Page20

  • «Pourquoi moi ?, s’inter-

    roge Geneviève de Saint-

    Basile. Beaucoup d’autres

    chercheurs auraient mérité

    ce prix.» La lauréate du Prix

    Recherche se reprend : «Mais,

    comme pour tout chercheur qui a

    consacré sa carrière à la recherche, cette

    forme de reconnaissance est agréable.»

    Portrait d’une chercheuse aussi modeste que

    remarquable, qui a choisi d’étudier le vivant pour

    améliorer la qualité de vie des patients.

    Vocation: chercheuseD’un tempérament réservé, Geneviève de Saint-Basile

    s’exalte cependant dès qu’il s’agit de recherche. « J’ai tou-

    jours voulu être chercheuse !», lance-t-elle. Cette passion, elle

    l’a acquise au contact de la nature : «Vers 10 ans, confie-t-

    elle, j’avais même construit un laboratoire ! Je passais mes va-

    cances à collectionner et disséquer toutes sortes d’animaux :

    têtards, papillons, etc. J’en ai encore des collections ! Je voulais

    déjà comprendre les mécanismes complexes des êtres vivants,

    si efficaces et harmonieux. Puis l’étude des pathologies

    humaines m’a vite attirée.» Pour concrétiser ce rêve de labo-

    ratoire, Geneviève de Saint-Basile a mené conjointement

    des études de médecine et de sciences, jusqu’à soutenir

    deux thèses à une année d’intervalle – en 1981 à la faculté

    de médecine Paris-Descartes et en 1982 à la faculté des

    sciences Paris-Diderot. Toutes deux portent déjà sur la

    régulation du système immunitaire : exploration des méca-

    nismes entraînant des anomalies au niveau des cellules

    phagocytaires dans le syndrome Chediak-Higashi ; étude

    du rôle des anticorps anti-idiotypiques, qui ont la capacité

    de se diriger contre d’autres anticorps pour moduler la

    réponse immunitaire.

    21

    Prix Recherche

    GENEVIÈVE DE SAINT-BASILEUNE IMMUNOLOGISTE

    AU SERVICE DES PATIENTS

    Prix2011Inter_revu2_Mise en page 1 17/11/11 16:23 Page21

  • Au cours de ces années de formation, la chercheuse a sur-

    tout acquis une conviction : «La recherche doit être au ser-

    vice des patients et proche d’eux. » Elle se souvient : « J’étais

    déjà externe ici, dans l’unité d’immunologie pédiatrique de

    l’hôpital Necker. Claude Griscelli, directeur du service cli-

    nique, était très attaché à ce que la clinique et la recherche

    fondamentale soient constamment associées. Alain Fischer,

    à sa suite, a prolongé et énormément amplifié cette

    vision.» Geneviève de Saint-Basile restera fidèle

    à cette unité de l’hôpital Necker-Enfants

    malades : « Cette façon de travailler est assez

    unique en France et à l’étranger. Elle me

    plaît et elle m’anime ! Car être à l’inter-

    face de la recherche et des malades, c’est

    à la fois utile et fructueux : l’étude des

    pathologies permet de poser des questions

    fondamentales puis de revenir à

    l’application médicale grâce aux notions

    acquises. »

    Des recherches pionnièresGeneviève de Saint-Basile a été recrutée en

    1983 dans l’unité Inserm «Développement

    normal et pathologique du système immunitaire »

    (unité Inserm 768), que dirige actuellement Alain

    Fischer. Elle est alors l’une des premières chercheuses de

    l’unité à utiliser les outils naissants de la génétique. «Nos

    recherches ont d’abord porté sur les déficits immunitaires liés

    au chromosome X. C’était plus simple : nous savions au moins

    sur quel chromosome chercher », plaisante-t-elle. En dix ans,

    son équipe localise plusieurs gènes impliqués dans ces

    déficits et en caractérise un, associé au syndrome d’hyper-IgM

    lié à l’X, une pathologie rare affectant la production d’im-

    munoglobines, essentielle à la réponse des anticorps1.

    Mais sa principale contribution concerne l’étude des syn-

    dromes hémophagocytaires, tels que le syndrome Chediak-

    Higashi ou de Griscelli. Cette famille de maladies est

    marquée par une dérégulation du système immunitaire.

    «Au début, nous ne comprenions vraiment rien à ces syn-

    dromes, reconnaît-elle. Le système immunitaire réagit de

    façon excessive et inappropriée, au point de détruire les

    cellules produites par la moelle osseuse, jusqu’au décès des

    enfants s’ils ne reçoivent pas une greffe à temps.» Douze ans

    d’acharnement ont permis de faire progresser les connais-

    sances, au-delà même du cadre de ces maladies rares :

    «Nous avons finalement réussi à montrer2 que l’excès de

    réponse immunitaire est causé par un défaut de la fonction

    cytotoxique des lymphocytes. Nous savions que ces cellules

    “tuaient” les cellules tumorales ou infectées par un virus

    Un modèle pour les jeunesPour l’immunologiste Alain Fischer,

    « Geneviève de Saint-Basile est unechercheuse remarquable, d’une grande

    rigueur. Ses travaux, mondialement reconnus,reposent sur une vision globale de

    la recherche. Elle a su utiliser les maladies pourune découverte fondamentale qui a un intérêt

    médical ! C’est un modèle merveilleuxpour les jeunes. »

    1 DiSanto JP, BonnefoyJY, Gauchat JF, FischerA, de Saint-Basile G.CD40 ligand mutations inx-linked immunodeficiencywith hyper-IgM. (1993)Nature11;361(6412):541-32 Pachlopnik Schmid J,Ho CH, Chrétien F,Lefebvre JM, Pivert G,Kosco-Vilbois M, FerlinW, Geissmann F, FischerA, de Saint-Basile G.(2009)Neutralization of IFNgdefeatshaemophagocytosis inLCMV-infected perforin-and Rab27a-deficientmice. EMBO MolMed;1(2):112-24

    On dit d’elle...

    22

    Prix2011Inter_revu2_Mise en page 1 17/11/11 16:23 Page22

  • 23

    ayant pénétré dans l’organisme. Mais personne n’avait ima-

    giné que cette fonction jouait aussi un rôle essentiel dans la

    régulation du système immunitaire !» L’étude moléculaire

    de ces pathologies a ensuite permis de décrypter les méca-

    nismes fins de cette fonction cytotoxique3 : «Chacune des

    molécules identifiées est responsable d’une étape précise du

    fonctionnement de la machinerie des granules cytotoxiques –

    ces boulets de canon que projettent les lymphocytes pour per-

    forer la cellule cible et la faire mourir. On le voit, l’étude des

    maladies apporte beaucoup à la recherche fondamentale :

    dans le cas d’une pathologie, une étape physiologique clé est

    bloquée, ce qui nous permet de l’analyser.»

    L’étude de ces mécanismes de sécrétion cytotoxique a éga-

    lement bénéficié de comparaisons avec la sécrétion des

    neuromédiateurs au niveau de la synapse neurologique :

    «On apprend beaucoup en rapprochant les thématiques,

    reconnaît la chercheuse. Immunologie, biologie moléculaire

    et cellulaire, neurologie : la recherche, cela fait voyager !»

    Aider les famillesLes connaissances acquises par l’équipe de Geneviève de

    Saint-Basile ont été très vite dirigées en retour vers les patients.

    «C’est un aspect à la fois indispensable pour les familles et

    Cheveu de sujet atteintde maladie de Griscelliou albinisme-déficitimmunitaire.G. de Saint-Basile©Inserm

    3 De Saint-Basile G,Ménasché G, Fischer A.Molecular mechanisms ofbiogenesis and exocytosisof cytotoxic granules. NatRev Immunol.(2010);10(8):568-79.

    Cellules cytotoxiques(rouge) dirigeant leursgranules lytiques (vert)vers les cellules cibles àleur contact (noyaubleu).G. de Saint-Basile©Inserm

    Prix2011Inter_revu2_Mise en page 1 17/11/11 16:23 Page23

  • 24

    très valorisant», confirme-t-elle. Ainsi, dès 1987, quand les

    premiers gènes de déficits immunitaires liés à l’X sont iden-

    tifiés, la chercheuse crée un service de diagnostic et de

    conseil génétiques au sein même du laboratoire d’immu-

    nologie pédiatrique. «Ce service de l’hôpital était géogra-

    phiquement intégré dans l’unité de l’Inserm, ce qui permettait

    de basculer immédiatement les résultats de la recherche vers

    le diagnostic, explique-t-elle, assise entre son ordinateur de

    recherche et un autre relié aux dossiers de l’hôpital. Nous

    continuons à proposer ce service, pour toutes les pathologies

    dont nous identifions les gènes.»

    Ce souci des malades la conduit à envisager de meilleures

    stratégies thérapeutiques. Ainsi, raconte-t-elle, «nous savions

    que l’interféron Gamma (IFγ) est un facteur de l’immunité

    qui joue un rôle très important dans le développement d’un

    syndrome hémophagocytaire. Par un modèle murin, nous

    avons montré que beaucoup de symptômes disparaissent

    lorsque sa production est neutralisée. » Cette découverte

    exceptionnelle4 suscite l’espoir : inhiber cet interféron pour-

    rait suffire à traiter les formes acquises, non récidivantes de

    la maladie, ou servir de préalable à la greffe dans les formes

    héréditaires. « À l’heure actuelle, résume-t-elle, il faut

    détruire tous les lymphocytes du patient avant la greffe, ce qui

    crée un risque d’infections opportunistes. On pourrait peut-

    être remplacer cette phase par une molécule inhibant l’action

    de l’IFγ ! Nous envisageons la possibilité d’un essai clinique.»

    Geneviève de Saint-Basile est une chercheuse à plein temps :

    «La recherche, analyse-t-elle, ce n’est pas vraiment un mé-

    tier ; c’est une attitude, un peu comme l’art. On reste cher-

    cheur à tout instant.» Pour se ressourcer, elle retrouve ses

    4 Pachlopnik Schmid J,Côte M, Ménager MM,Burgess A, Nehme N,Ménasché G, Fischer A,de Saint-Basile G. (2010)Inherited defects inlymphocyte cytotoxicactivity. ImmunolRev.;235(1):10-23

    Méduse d’ADN isolé àpartir d’un échantillon desang de patient.

    Prix2011Inter_revu2_Mise en page 1 17/11/11 16:23 Page24

  • passions de jeunesse dans le Pays d’Auge, en Normandie :

    « Ce sont mes racines, même si je suis née à Paris, confesse-

    t-elle. Le lien avec la nature est toujours pour moi une source

    inépuisable d’enseignement. »

    25

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  • 26

    Prix2011Inter_revu2_Mise en page 1 17/11/11 16:23 Page26

  • Le Prix Recherche réjouit

    Pierre Léopold mais l’em-

    barrasse un peu: «Je suis très

    sensible à la reconnaissance

    des pairs : elle est ce que nous

    pouvons revendiquer de mieux.

    Mais ce prix, orienté sur ma per-

    sonne, ne doit pas occulter l’essentiel :

    la recherche, c’est une aventure collective ! »

    L’esprit d’équipePierre Léopold arpente les allées du parc Valrose où est im-

    plantée l’UFR Sciences de l’université Nice Sophia-

    Antipolis. Il jette un regard à l’imposant château du baron Von

    Derwies. «Le parc a été créé par cet ami du tsar Alexandre II,

    raconte-t-il. Il s’y est retiré à 45 ans, après avoir fait fortune

    grâce au Transsibérien.» Le directeur de recherche Inserm

    s’assied non loin d’une statue de Diane chasseresse, qui

    semble tendre l’oreille. Il vient de sortir de son laboratoire,

    situé au sein de l’Institut de biologie du développement et

    cancer (IBDC).

    « Je ne recherche ni l’argent ni le pouvoir, lance-t-il, et ne

    pense pas avoir un ego surdimensionné, mais l’indépendance

    de mon équipe me tient à cœur et je souhaite avant tout que

    nos projets puissent se réaliser.» Le spécialiste de la crois-

    sance des insectes est surtout heureux d’avoir réuni une

    équipe de recherche soudée par ce qu’il appelle une « com-

    munauté d’esprit». Il en avait connu le manque en 1993, à

    son retour d’un post-doctorat à San Francisco, alors qu’il

    démarrait des recherches dans la station marine de Ville-

    franche-sur-Mer. « J’étais rentré plein d’énergie mais un peu

    naïf, pensant pouvoir introduire à moi tout seul le modèle

    drosophile à Nice, se souvient-il. J’avais sous-estimé la

    nécessité de travailler avec d’autres. Ce furent des années de

    doute et de frustration. » Il ne l’oubliera pas.

    27

    Prix Recherche

    PIERRE LÉOPOLD

    UN BIOLOGISTEEN CROISSANCE

    Prix2011Inter_revu2_Mise en page 1 17/11/11 16:23 Page27

  • Lorsqu’il rejoint en 1998 l’université de Nice, c’est pour

    participer à la mise en place d’un pôle de recherche sur la

    drosophile, devenu aujourd’hui incontournable. « Cinq

    équipes travaillent sur ce modèle, avec de nombreuses inter-

    actions et des réunions régulières, décrit-il. C’est très stimulant !

    Nous constituons une masse critique de connaissances qui

    nous rend très visibles en France et à l’étranger. » Les collines

    de Nice offrent de sublimes panoramas. Pierre Léopold

    habite sur l’une d’elles. « Ici, les pentes sont raides, je me

    déplace à vélo... électrique ! », sourit-il.

    Prix2011Inter_revu2_Mise en page 1 17/11/11 16:23 Page28

  • 29

    Volontaire et passionnéLe Conseil de la recherche européen (ERC) finance, pour

    cinq ans, le projet original de Pierre Léopold sur l’identifi-

    cation des mécanismes génétiques et physiologiques

    contrôlant la croissance chez la drosophile. La compétition

    fut rude mais le chercheur a toujours eu le sens des défis.

    «Même si j’ai l’air détendu, remarque-t-il, je peux déployer

    une énergie considérable pour atteindre un objectif. » Il se

    souvient : «Mes parents m’ont appris à aimer la montagne,

    parmi tant d’autres choses. Jeune, j’aimais bien me dépasser,

    arriver en haut. J’ai tenté moi-même de transmettre le sens de

    l’effort à mes enfants par la fréquentation de la montagne. »

    Des années plus tard, cette volonté de fer permet à l’étu-

    diant d’intégrer l’École normale supérieure de Saint-Cloud.

    «C’était une erreur d’orientation, proteste-t-il. Je voulais

    devenir médecin, et je pensais qu’une classe préparatoire m’y

    aiderait.»

    Ces deux années au lycée Saint-Louis sont pourtant

    l’occasion d’une rencontre décisive : « Je dois une grande

    part de ma formation d’esprit à un fantastique professeur de

    biologie, André Darchis. Il m’a appris, avec beaucoup

    d’enthousiasme, à poser une question. Le sens biologique est

    là : il ne s’agit pas de produire à la chaîne des résultats techni-

    quement utilisables, mais avant tout de poser la bonne ques-

    tion dont la réponse permettra nécessairement d’améliorer la

    compréhension d’un système.» Fort de cette conviction, le

    jeune normalien fait partie des « premiers dissidents » qui ne

    veulent pas passer l’agrégation. « Je ne me posais aucune

    question matérielle, s’amuse-t-il. Je voulais faire de la

    recherche, à tout prix.»

    Un biologiste à sensibilité médicaleLa pluie commence à tomber sans que Pierre Léopold n’y

    prête attention. « Bien souvent, poursuit-il, les meilleures

    questions sont les plus simples – et les plus simples sont aussi

    les plus difficiles ! Par exemple, pourquoi mes deux bras sont-

    ils de cette longueur ? » Le chercheur du laboratoire de

    génétique et physiologie de la croissance chez la drosophile

    explique : « La taille moyenne d’une espèce est contrôlée par

    son patrimoine génétique, mais la taille réelle d’un individu

    dépend de sa perception de l’environnement. Comment s’effectue

    le couplage entre génétique et environnement ? »

    En situation de carence nutritionnelle, les organismes

    n’atteignent pas leur taille cible. Par quels mécanismes par-

    viennent-ils à moduler leur croissance ? « Nous avons montré,

    se réjouit-il, qu’un organe de la drosophile, nommé le

    corps gras, joue un rôle de “sentinelle” capable de ressentir la

    carence et d’empêcher l’émission d’hormones de croissance

    par le cerveau. » Chez les mammifères, le foie et le tissu

    Prix2011Inter_revu2_Mise en page 1 17/11/11 16:23 Page29

  • adipeux pourraient jouer un rôle analogue. Le laboratoire

    consacre une grande partie de son activité à étudier ces mé-

    canismes de communication entre tissus. Par l’ensemble de

    ces travaux, le chercheur est un relais dans la communauté

    scientifique : « C’est l’intérêt de travailler sur les drosophiles,

    dit-il. Il y est plus aisé de défricher de nouveaux

    mécanismes qui peuvent être ensuite validés dans

    des modèles biologiques plus complexes. »

    Le laboratoire a fait récemment l’acquisi-

    tion d’une collection de 11 000 souches

    de drosophiles, permettant chacune

    l’inactivation d’un des gènes de l’in-

    secte. L’utilisation de ces souches

    permettra d’analyser les mécanismes

    qui déterminent la taille cible d’un

    organisme : « Si un tissu est lésé ou

    croît moins vite, il parvient à ralentir

    la croissance de l’organisme tout en-

    tier, indique le chercheur. Quel signal ce

    tissu envoie-t-il pour synchroniser la crois-

    sance de tous les autres ? C’est ce que nous ai-

    merions connaître. » Parallèlement, enfin,

    l’équipe étudie les mécanismes impliqués dans le

    contrôle de la prise alimentaire : « C’est un projet très ex-

    citant qui ne fait sans doute que commencer, se délecte le bio-

    logiste. La mouche possède des atouts et des outils

    fantastiques pour étudier ces questions nouvelles. »

    Pierre Léopold ne souhaite plus devenir médecin. Il croit en

    la nécessaire indépendance de la recherche fondamentale,

    même si une forte sensibilité médicale perce tout de même

    au travers de ses projets. Il l’avoue : « Je trouve extrêmement

    gratifiant que la recherche puisse trouver une application bio-

    médicale. C’est une satisfaction qui s’ajoute à celle de la seule

    compréhension des mécanismes biologiques, à laquelle nous

    sommes tous sensibles au sein de l’équipe. »

    Un mariage heureuxLe généticien Stéphane Noselli côtoie

    chaque jour Pierre Léopold à l’IBDC.Il le décrit avec lyrisme :

    « Pierre Léopold ? Un mariage heureux avec la reine drosophile,

    un esprit créatif, des découvertes majeureset une présence internationale,

    un regard malicieux et attentif aux autres,un exemple et une fierté pour notre Institut. »

    On dit de lui...

    Prix2011Inter_revu2_Mise en page 1 17/11/11 16:23 Page30

  • Prix2011Inter_revu2_Mise en page 1 17/11/11 16:23 Page31

  • 32

    Prix2011Inter_revu2_Mise en page 1 17/11/11 16:23 Page32

  • Depuis la plus haute tour

    de Lyon, le lauréat du Prix

    de l’Innovation a les yeux

    rivés sur une mer de toits

    rouges. Passionné de voile, il

    déroule en rêve les étapes d’un

    voyage idéal autour du monde.

    « Je ne suis pas fait pour la compéti-

    tion : j’aime naviguer la nuit, découvrir

    des paysages et des horizons ouverts, avancer

    au rythme du vent, partager », lance Claude

    Delpuech. Puis il regagne son département de recherche,

    pour un voyage magnétique au cœur de l’activité cérébrale.

    Une machine à partLorsqu’il ne «brave» pas la Méditerranée sur un catamaran

    avec ses petites-filles, Claude Delpuech est à la barre d’un

    surprenant vaisseau, le magnétoencéphalographe. Celui-ci

    emmène l’ingénieur de recherche classe exceptionnelle

    (unité Inserm 1028 «Dynamique cérébrale et cognition»)

    au plus près des zones activées par le cerveau. Technique

    récente d’imagerie cérébrale, la magnétoencéphalographie

    (MEG) permet d’observer, à la milliseconde près, le champ

    magnétique créé par l’action combinée d’un ensemble (ou

    cluster) composé d’environ 50000 neurones. Les sujets sont

    assis ou allongés, la tête entourée de capteurs et enserrée

    dans une monumentale pile blanche. «C’est une cuve d’hé-

    lium liquide à -269 °C dans laquelle sont immergés des cap-

    teurs de champ magnétique ultra-sensibles », indique le

    responsable du département MEG au CERMEP Imagerie

    du vivant1 de Lyon. Implantée dans le parc de l’hôpital du

    Vinatier, la machine est isolée du reste du bâtiment par

    neuf tonnes de blindage. «Cette belle situation nous met à

    l’abri de beaucoup de perturbations urbaines électriques, drama-

    tiques pour nos mesures.Nous devons aussi éviter tout métal

    33

    Prix Innovation

    CLAUDE DELPUECH

    LE MAGNÉTISMECÉRÉBRAL

    1 Centre d’étude et derecherche multimodal etpluridisciplinaire enimagerie du vivant

    Prix2011Inter_revu2_Mise en page 1 17/11/11 16:23 Page33

  • 34

    dans la chambre blindée. Nous fabriquons donc tout nous-

    mêmes, de l’électronique spéciale au dispositif expérimental.

    C’est assez artisanal », s’amuse ce fils d’ébéniste du faubourg

    Saint-Antoine.

    Un ingénieur pluridisciplinaireEn 2001, seul l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris dispo-

    sait d’un magnétoencéphalographe. Claude Delpuech fut

    sollicité par François Mauguière et Jacques Pernier pour

    étudier l’implantation de ce type d’instrument à Lyon.

    L’électrotechnicien de formation2 a en effet acquis des com-

    pétences exceptionnelles en physique des champs magné-

    tiques. Il a notamment obtenu un DEA sur les fusions

    provoquées par induction électromagnétique dans les ma-

    tériaux multicouches et un doctorat au CEA sur la transi-

    tion superfluide de l’hélium liquide par désaimantation de

    terres rares (Russell B. Scott Memorial Award). Au sein de

    l’unité Inserm 280 à Lyon, il se consacrait depuis quinze

    ans à des questions d’électrophysiologie : étude de l’apnée

    du sommeil et développement de dispositifs de diagnostic

    commercialisés sous licence Inserm, puis recherche sur la

    perception des voix familières au niveau cérébral chez les

    patients en état de coma. Dès 2001, il participe ainsi à toutes

    les décisions concernant l’introduction de la MEG à Lyon :

    faisabilité, choix du site, achat, intégration dans la plate-

    forme technique d’imagerie du vivant GIE CERMEP.

    « Depuis, je suis dans la MEG jusqu’au cou», s’amuse-t-il

    avec un brin d’autodérision.

    2 BTS, cours du soir auCNAM, où il enseignemaintenant le traitementdu signal, et écoled’ingénieur à Grenoble.

    Prix2011Inter_revu2_Mise en page 1 17/11/11 16:23 Page34

  • Un mélomane faceaux processus mentauxClaude Delpuech est mélomane. Il aime écouter et décou-

    vrir, d’Othello à Jerho... et interpréter les champs magné-

    tiques. « Comme un chef à l’écoute de son orchestre, nous

    essayons de comprendre ce que fait chaque groupe de neu-

    rones et comment ceux-ci interagissent. Tout cela avec beau-

    coup de physique et de statistiques, dans des domaines de

    recherche très divers, et grâce à de nombreux échanges avec

    mes amis des autres centres MEG. »

    Le département MEG a ainsi participé, de la bibliographie

    jusqu’à la rédaction d’articles, à des recherches sur la prise

    de décision au volant3, l’intentionnalité de la parole4, la

    détection des variations de hauteur tonale des sons5.

    Domaines de pointe, la MEG « temps réel », les interfaces

    cerveau-machine et les études de connectivité dans les

    réseaux neuronaux font l’objet d’études en cours, que ce

    soit pour moduler des paradigmes expérimentaux, piloter

    des robots ou imaginer une rééducation motrice virtuelle pré-

    opératoire à destination de personnes tétraplégiques.

    «L’objectif est d’apprendre à refaire un mouvement naturel à

    partir d’un nouveau réseau neuronal », explique Claude

    Delpuech.

    Une sensibilité médicaleOutre la fibre musicale, l’ingénieur de recherche a aussi la

    fibre médicale. Aussi n’avait-il pas hésité en 1981 à répon-

    dre à une petite annonce de recrutement de l’Inserm :

    « J’avais étudié les écoulements d’air dans les souffleries

    supersoniques de l’Office national d’études et de recherches

    aérospatiales (ONERA), et l’on me proposait de modéliser des

    3 ISH & INRETS. Fort A.et al. Attentional demandand processing ofrelevant visual informationduring simlated driving:a MEG study Brain Res.2010.4 ISC. Carota F. et al.Neural dynamics ofintention to speak Cereb.Cortex 2010.5 Inserm, U821. Foxton J.et al. The neural basesunderlying pitchprocessing difficultiesNeuroimage 2009.

    Enregistrement dedonnées MEG avec testde vidéo projection.

    35

    Prix2011Inter_revu2_Mise en page 1 17/11/11 16:23 Page35

  • 36

    mécanismes d’écoulement et d’expiration

    forcée dans la trachée ! Ce fut un change-

    ment radical d’échelle, avec des mesures très

    délicates sur des trachées excisées. Mais la fina-

    lité clinique me tenait très fortement à cœur. » Il se

    réjouit ainsi que la MEG puisse désormais servir à la

    prise en charge de l’épilepsie : « Depuis un an, nous menons

    dans ce domaine des examens indispensables, pour des pa-

    tients envoyés par l’hôpital neurologique de Lyon. Ce n’est

    plus seulement de la recherche. » Parmi 20% de patients

    pharmaco-résistants, environ la moitié peut subir une inter-

    vention chirurgicale du cerveau. « Nous localisons les foyers

    neuronaux des crises, par l’étude des pointes intercritiques,

    c’est-à-dire l’activation neuronale haute fréquence de groupes

    de neurones qui seraient à l’origine des crises », précise-t-il.

    Si un seul foyer est identifié par la MEG, la plupart du

    temps validé par d’autres techniques (IRM, Pet-Scan, vidéo

    EEG) et confirmé par l’implantation d’électrodes profondes,

    l’intervention chirurgicale peut être envisagée.

    Pôle d’excellence en neurosciences, la ville de Lyon dispose

    ainsi d’une expertise particulière en matière d’épilepsie.

    Celle-ci sera bientôt renforcée par la création d’un centre

    de référence pour les enfants épileptiques sur le site de l’hô-

    pital neurologique de Lyon. « Qui plus est, à long terme,

    espère l’ingénieur, l’identification des signaux précurseurs des

    Il ne recule jamaisJacques Pernier, ancien directeur de

    l’unité Inserm 280 à Lyon, l’affirme :« Claude Delpuech possède des compétences

    techniques dans de nombreux domaines.Outre un excellent sens de l’organisation et dela gestion, il ne recule devant aucune difficultéet fait preuve de beaucoup d’initiatives utiles

    pour notre communauté scientifique. »

    On dit de lui...

    Prix2011Inter_revu2_Mise en page 1 17/11/11 16:23 Page36

  • pointes permettra peut-être d’améliorer la chirurgie ou la sti-

    mulation par électrode profonde. » Claude Delpuech appa-

    raît confiant : il sait que le temps peut apporter du neuf.

    « En quelques années, révèle-t-il, j’ai appris la sculpture sur

    marbre, après la terre et le plâtre. La création, comme l’inno-

    vation, s’inscrit dans une temporalité longue où seule compte

    l’exigence de qualité ! »

    37

    Prix2011Inter_revu2_Mise en page 1 17/11/11 16:23 Page37

  • 38

    Prix2011Inter_revu2_Mise en page 1 17/11/11 16:23 Page38

  • «Notre plateforme offre

    un service très complet de

    construction de souris »,

    annonce Frédéric Fiore. La

    formulation pourrait faire

    sourire mais elle est choisie

    avec un grand souci d’honnêteté.

    Car le Marseillais Frédéric Fiore

    n’aime pas exagérer. Tout à sa mission,

    le lauréat du Prix Innovation se livre à demi-

    mots, un regard vers le nouveau bâtiment qui

    abritera bientôt son équipe.

    «Nous sommes prestataires de services, analyse Frédéric Fiore.

    Le cœur de notre métier consiste à produire à façon des souris

    génétiquement modifiées, selon la demande de nos clients.

    Nous les aidons si besoin à définir leur projet puis nous prenons

    tout en charge jusqu’à la livraison des souris 12 à 18 mois plus

    tard.» Plus que tout, le responsable technique de la plate-

    forme d’exploration des fonctions du système immunitaire

    de la souris (KO-KI Booster) apprécie le caractère complet

    de cette mission. «Cela implique plusieurs métiers, tous pas-

    sionnants ! reconnaît-il. Je dois étudier la pertinence straté-

    gique des projets avec nos clients, vérifier que nous pouvons

    techniquement réaliser le modèle, coordonner l’équipe,

    accompagner le travail en laboratoire et analyser les résultats.

    S’y ajoutent tous les aspects liés au management d’une plate-

    forme.»

    Un professionnel du knock-outC’est que Frédéric Fiore, 40 ans, ingénieur de recherche

    Inserm, a acquis des compétences exceptionnelles en matière

    de génie génétique. En 1993, un BTS de biotechnologie

    en poche, il entre dans l’équipe de Daniel Birnbaum

    comme technicien Inserm au Centre de recherche en

    39

    Prix Innovation

    FRÉDÉRIC FIORE

    DES MODÈLES ANIMAUXDANS LES CALANQUES

    Prix2011Inter_revu2_Mise en page 1 17/11/11 16:23 Page39

  • cancérologie de Marseille (CRCM) pour concevoir des souris

    knock-out. Il explique : « Le Prix Nobel Mario Capecchi avait

    décrit en 1987 cette méthode de création de souris génétique-

    ment modifiées1 visant à modifier ou « invalider » certaines

    séquences génétiques afin de décrypter la fonction des gènes.

    Il s’agit d’opérer, dans le génome des cellules souches embryon-

    naires de souris, des modifications géniques – un seul codon,

    parfois ! Ces cellules souches porteuses de la mutation sou-

    haitée sont alors injectées dans un embryon de souris pour

    donner ce que nous appelons une souris chimère. » Il déve-

    loppe ainsi des modèles animaux destinés à la cancérologie

    par knock-out, par remplacement d’un gène par un autre

    (knock-in) ou par addition d’un gène provenant d’un autre

    animal (transgenèse). « Au bout de cinq ans, dit-il, voyant de

    nombreux étudiants en DEA travailler autour de moi, j’ai

    demandé à mon directeur, Claude Mawas, l’autorisation de

    poursuivre mes études en parallèle. Et je suis parvenu

    jusqu’au doctorat, en 2002 ! » Une année de post-doc à

    l’hôpital de la Salpêtrière (IFR 70) achèvera sa formation :

    il y apprend à utiliser des équipements que le CRCM

    souhaite acquérir pour étudier l’évolution d’une tumeur

    in vivo chez le petit animal.

    Fort de ces expériences, cet homme tranquille au phrasé

    très posé a conscience des enjeux éthiques que soulève

    l’utilisation d’animaux pour la recherche : «Lorsque l’on

    travaille sur des modèles animaux, on doit être attaché au res-

    pect de règles éthiques très strictes, souligne-t-il. La recherche

    in vivo est nécessaire : les cellules d’un organisme interagis-

    sent souvent de façon surprenante par rapport aux résultats

    d’une étude in vitro. C’est pourquoi la création de modèles

    animaux est indispensable à la compréhension des méca-

    nismes et des interactions moléculaires complexes –donc au

    progrès de la recherche médicale.»

    La science au soleilLa plateforme KO-KI Booster est située derrière les calanques de

    Marseille et de Cassis, sur le site du Centre d’immunologie

    Marseille-Luminy (CIML). Lorsque le poste de responsable

    1 Thomas KR, CapecchiMR. Site-directedmutagenesis by genetargeting in mouseembryo-derived stemcells. Cell. 1987 Nov6;51(3):503-12.

    Prix2011Inter_revu2_Mise en page 1 17/11/11 16:24 Page40

  • 41

    technique s’ouvre à la mobilité en 2007, Frédéric Fiore

    n’hésite pas : «L’ampleur du projet m’intéressait énormé-

    ment : la plateforme mutualise des outils technologiques de

    pointe et regroupe des compétences de haut niveau. Qui plus

    est, Bernard Malissen, notre directeur, est un des précurseurs

    dans la construction de souris génétiquement modifiées. Ce

    poste, sur un campus universitaire très agréable, a été un

    véritable virage dans ma vie.»

    Pour s’y rendre, Frédéric Fiore chevauche un roadster de

    marque japonaise : «La moto, c’est un rêve d’enfant, confie-

    t-il en embrassant du regard les collines de pins et de maquis.

    J’aime ce moyen de transport : j’aime sentir le vent et les

    parfums de la nature en venant travailler chaque jour.»

    Et même les labels d’excellence de la plateforme ont un air

    ensoleillé : Rio2créé en 2002, puis Ibisa3en 2006. Ce dernier

    marque une forte ouverture au monde académique et

    industriel, s’accompagnant d’une gestion qui garantit la

    qualité des prestations et la pérennité de la performance

    technologique. «Sur environ trente projets par an, estime

    Frédéric Fiore, la grande majorité répond à des demandes

    d’équipes de recherche académiques, parfois liées au milieu

    associatif de la lutte contre les myopathies ou les anomalies

    génétiques rares chez l’enfant.»

    Un soutien de grande envergureDepuis sa fenêtre, l’ingénieur observe la construction du

    bâtiment voisin, le futur Centre d’immunophénomique

    (Ciphe-US012). Il en attend avec impatience l’inaugura-

    tion début 2012. Le plan d’architecte de ses 3 000 m2 est

    déroulé sur son bureau. « Avec ce déménagement, se réjouit-il,

    nous aurons les moyens techniques et humains de répondre à

    une hausse de la demande. » D’importants consortiums

    2 Réseau inter-organismes.3 Infrastructure enbiologie santé etagronomie.

    Prix2011Inter_revu2_Mise en page 1 17/11/11 16:24 Page41

  • Un très proche collaborateurPour Bernard Malissen, directeur

    scientifique de la plateforme KO-KI Booster,« Frédéric possède toutes les qualités

    attendues d’un très proche collaborateur :fiabilité dans les projets, désir constant

    d’innover, ténacité et optimisme, une grandeattention pour ceux qu’il dirige et une forte

    adhésion aux missions de l’Inserm. »

    On dit de lui...

    Prix2011Inter_revu2_Mise en page 1 17/11/11 16:24 Page42

  • européens et nord-américains s’appuieront ainsi dès 2013

    sur Frédéric Fiore et son équipe : «Ces consortiums produi-

    sent à haut débit des vecteurs permettant d’invalider un

    maximum des 30 000 gènes de la souris, détaille-t-il. Avec

    d’autres partenaires, nous serons chargés des dernières étapes,

    depuis l’injection des cellules sélectionnées jusqu’à la nais-

    sance et l’analyse de l’animal. L’implication du CIPHE dans

    les consortiums internationaux est très stimulante. »

    Exalté par ce renforcement des responsabilités confiées à la

    plateforme, Frédéric Fiore annonce que celle-ci proposera

    un nouveau service, l’analyse du comportement phénoty-

    pique que les modifications génétiques induisent chez la

    souris : « Les chercheurs pourront passer une commande glo-

    bale, incluant non seulement la production de souris généti-

    quement modifiées mais aussi l’analyse des marqueurs

    immunologiques liés à cette modification. Cette analyse multi-

    paramétrique de plus de 300 marqueurs du système immu-

    nitaire de la souris sera unique en France.» Si Frédéric Fiore

    coordonne un réseau national de transgenèse et s’implique

    dans de nombreux réseaux internationaux, c’est toujours

    pour garantir une expertise de pointe : «C’est passionnant,

    avoue-t-il enfin, de pouvoir contribuer aussi globalement à

    l’avancée des connaissances, par cette mutualisation de fortes

    compétences technologiques. Certains modèles animaux

    seront sans doute à l’origine de nouvelles applications médicales.

    C’est une motivation supplémentaire à notre travail !»

    Prix2011Inter_revu2_Mise en page 1 17/11/11 16:24 Page43

  • DIDIER RAOULT

    pour ses travaux sur les agents pathogènes etsa découverte des virus géants

    YEHEZKEL BEN-ARIpour ses travaux sur l’épilepsie et la maturation cérébrale

    ALAIN FISCHER

    pour ses travaux de thérapie génique de certains déficitsimmunitaires

    CHRISTINE PETIT

    pour ses travaux sur les gènes impliqués dans la surdité,la pathogénie de ces atteintes et la physiologiemoléculaire du système auditif

    PIERRE CORVOL

    pour ses travaux sur la compréhension de l’hypertensionartérielle et des pathologies vasculaires

    BERNARD MALISSEN

    pour ses travaux sur les molécules impliquées dansla reconnaissance des antigènes par les lymphocytes T

    JEAN-MARC EGLYpour ses travaux sur le facteur TFIIH impliqué dans latranscription et la réparation de l’ADN

    MIROSLAV RADMAN

    pour ses travaux sur la réparation de l’ADN,la mutagenèse et l’évolution des espèces

    MONIQUE CAPRON

    pour ses travaux en immunoparasitologie et enallergologie

    YVES AGID

    pour ses travaux sur les mécanismes etles conséquences de la neurodégénérescence

    ARNOLD MUNNICH

    pour ses travaux sur les maladies génétiques de l’enfant

    2010

    2009

    2008

    2007

    2006

    2004

    2005

    2003

    2002

    2001

    2000

    Lauréats duGrand Prix

    Prix2011Inter_revu2_Mise en page 1 17/11/11 16:24 Page44

  • L’Institut national de la santéet de la recherche médicale (Inserm)

    est un organisme dédié à la recherchebiologique, médicale et en santé

    des populations.Il se positionne sur l’ensemble

    du parcours allant du laboratoirede recherche au lit du patient.

    Il est membre fondateur d’Aviesan,l’Alliance nationale pour les sciences

    de la vie et de la santé.

    Inserm, la recherche en sciences

    de la vie et de la santé

    Cré

    atio

    n et

    mis

    e en

    pag

    e : M

    yrie

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    cem

    – In

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    , dép

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    n sc

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    e et

    com

    mun

    icat

    ion

    – Im

    pres

    sion

    Clu

    mic

    Arts

    Gra

    phiq

    ues

    – no

    vem

    bre

    2011

    Département de l’information scientifiqueet de la communication

    101, rue de Tolbiac75654 Paris Cedex 13

    Tél. 01 44 23 60 84Fax 01 44 23 60 68

    www.inserm.fr

    Prix2011Couv_V1_Mise en page 1 10/11/11 18:37 Page1