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Directeur de la publication

Jacques Valeix

Rédactrice en chef

Dominique de VillebonneComité éditorial

Joseph Behaghel, Yves Birot, Peter Breman, Jean-Marc

Brézard, François Chièze, Jean-Luc Dunoyer, Claude

Jaillet, Patrice Mengin-Lecreulx, Rémy Metz, Pierre-Jean

Morel, Frédéric Mortier, Jérôme Piat, François-Xavier

Rémy, Jacques Valeix, Dominique de Villebonne

Maquette, impression et routage

Imprimerie ONF - Fontainebleau

Conception graphique

NAP (Nature Art Planète)

Crédit photographique

page de couverture

En haut : réunion du réseau mammifères non ongulés

(L. Tillon, ONF)

En bas : en forêt de Sénart (A.-M. Granet, ONF)

Périodicité

4 numéros par an, et un hors série

Rendez-vous techniques est disponible au numéro ou par

abonnement auprès de la cellule de documentation

technique, boulevard de Constance, 77300 Fontainebleau

Contact : [email protected]

ou par fax : 01 64 22 49 73

prix au numéro : 10 euros

abonnement : 45 euros (tarif 2005) durée 1 an

(4 numéros et un hors série 2005)

Dépôt légal : août 2005

R e n D e z - V o u s

t e c h n i q u e s

Toutes les contributions proposées à la rédaction sont soumises à l’examen d’un comité de lecture.

à suivren 10 - automne 2005

Prochain dossier : les futaies hétérogènes

parution : novembre 2005

La problématique des futaies hétérogènes a largement évolué ces dernières années. Ce premier dossier consacré à cette thématique s'attachera avant tout à présenter ces peuplements qui rassemblent les futaies irrégulières (en structures) et les futaies mélangées (en essences), et leurs enjeux en matière de gestion.

Retrouvez RenDez-Vous techniques sur intraforêt

Tous les textes de ce numéro sont accessibles au format PDF dans la rubrique qui lui est désormais consacrée dans le portail de la direction technique (Recherche et développement/Documentation technique). Accès direct à partir du sommaire.

Mail : [email protected] : [email protected]

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RDV techniques n° 9 - été 2005 - ONF

Évolution des modes de désignation des coupespar Julien Bouillie et Frédéric Malgouyres

Les réseaux de compétences naturalistes

3

23

19

49

n 9 - été 2005

zoom

La désignation des arbres objectif par François Chièze et Thierry Sardin

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6Effets de l'ozone sur la végétation forestièrepar Erwin Ulrich

connaissances

La clématite : une stratégie pour son contrôlepar Isabelle Vinkler, Catherine Muller, Claude Robert, Philippe Pernodet, Antoine Gama

pratiques

La fréquentation des forêts en Francepar Michelle Dobré, Nathalie Lewis, Philippe Deuffic, et Anne-Marie Granet

connaissances

Conservation des éléments importants pour la biodiversitépar Jean-Marc Brézard

pratiques

Pour une exploitation forestière durable en Guyane françaisepar Stéphane Guitet

pratiques

Protection des arbres lors des exploitationspar Michel Bartoli

pratiques

pratiques

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dossier pratique

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RDV techniques n° 9 - été 2005 - ONF

Le directeur technique et commercial bois

Jacques VALEIX

En lien avec nos préoccupations et actions en matière de gestion durable et intégrée des forêtspubliques, c’est la diversité des sujets et thématiques qui prime dans ce numéro des « Rendez-voustechniques ». De l’étude de la fréquentation des forêts par la population française jusqu’à celle de lamaîtrise technique, économique et environnementale de l’exploitation forestière en Guyane, notresouci est bien en effet de mieux connaître et comprendre le contexte mais aussi les enjeux qui caracté-risent les forêts que nous gérons pour nous permettre d’intervenir de manière concertée, efficace et àbon escient.

Grâce entre autres à l’organisation de ses réseaux naturalistes, l’ONF peut désormais mieux mobiliser,valoriser et partager les compétences des nombreux experts des milieux naturels qui se forment, se spé-cialisent en son sein et peuvent intervenir aussi bien en interne qu’en externe. Certains de leurs travauxsont restitués ici, car ouvrant des perspectives intéressantes pour une meilleure intégration des aspectsnaturalistes dans la gestion forestière.

La volonté de l’Office national des forêts de mieux prendre en compte et afficher les préoccupationsd’ordre environnemental dans ses diverses actions s’est traduite par la décision en 2004 de créer la direc-tion de l’environnement et du développement durable. Aussi, la conception du dossier de ce numérodes « Rendez-vous techniques », comme la réalisation en cours de chantiers de fond (refonte, en par-tenariat avec le Cemagref, du guide pour la prise en compte de la biodiversité dans la gestion forestière,recherches et répercussions en matière de gestion forestière des changements climatiques pressentis)sont des exemples bien concrets des travaux menés en synergie entre nos directions.

« Rendez-vous techniques », dont le comité éditorial vient d’être renforcé grâce à l’implication desautres directions de l’ONF (direction de l’environnement et du développement durable, direction dumarketing et du développement, département de la communication), s’attachera à présenter dans sesprochains numéros d’autres travaux menés conjointement.

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e programme de rechercheet développement, exposé

dans un précédent Rendez-vous tech-niques1, a pour objectif prioritaire deréduire la pénibilité de la désignationdes coupes, tout en maintenant voireaméliorant son efficacité. Il porte surl’amélioration du marteau forestier,l’amélioration du marquage à la pein-ture2, et sur l’évolution des pratiquesde marquage dans certaines situationssylvicoles. Les travaux, pilotés par ledépartement recherche et suivis parun groupe de travail, ont permis defranchir plusieurs étapes dans l’amé-lioration du marteau forestier et dumarquage à la peinture.

L’amélioration du marteauforestier

Les trois principaux axes d’améliora-tion portent sur :

l’adaptation à la diversité des pra-tiques (ce qui conduit à proposerplusieurs modèles de marteaux),

la diminution de la valeur maxima-le des efforts au cours du martelage,

la réduction du transfert des vibra-tions de l’outil vers l’utilisateur.

Mesures et modélisations au labo-ratoireEn 2004, un partenariat a été concluavec le laboratoire de biomécaniquede la société d’études et derecherches de l’ENSAM (École natio-nale supérieure des arts et métiers).Dans un premier temps, les proprié-tés des matériels existants ont étédéfinies par des mesures sur lescaractéristiques dynamiques du mar-teau (fréquences propres et amortis-sement des vibrations) et sur lesefforts engendrés par la frappe.Les résultats ont servi à élaborer dif-férentes modélisations, qui ont ensui-te été comparées pour déterminer et

quantifier l’influence sur les efforts auniveau de la main de paramètres telsque la longueur du manche, la densi-

té et le poids des matériaux, l’inser-tion d’un dispositif d’amortissement,la prise en main de l’outil.

Évolution des modes de désignation des coupes :

le point sur l’avancement des travaux

LL

RDV techniques n° 9 - été 2005 - ONF

1 RDVT n°4, printemps 2004, p. 42 Le développement éventuel d’autres outils fait l’objet d’une veille technologique

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RDV techniques n° 9 - été 2005 - ONF

Conception de plusieurs modèlesde marteauxLes études au laboratoire, coordon-nées avec des travaux en interne surl’amélioration des fers, ont abouti àla conception et la descriptiondétaillée de plusieurs modèles demarteaux pertinents.Les principales évolutions par rap-port au marteau actuel sont résu-mées dans le tableau ci-dessous.Les paramètres à l’origine des diffé-rences entre les modèles de mar-teaux sont :

la longueur, le profil et le matériaudu manche,

l’orientation du tranchant et lepoids du fer.

Fabrication d’une présérie de pro-totypes en vue de tests lors de la

prochaine campagne de martelageUne présérie de ces modèles de mar-teaux est en cours de fabrication,avec une livraison programmée dansle courant de l’été et l’objectif de lestester sur le terrain lors de la pro-chaine campagne de martelage.Le protocole de test cherchera à éva-luer les différences par rapport aumarteau actuel, comme à comparercertains modèles entre eux.Différentes situations de martelagedevront être reflétées entre les sitesparticipant au test : écorcefine/écorce épaisse, intensité dumarquage, fréquence et répétitiondes journées de martelage.

En parallèle, étude d’un systèmede dissociation amovible entrel’empreinte et le reste du marteau

La mise au point de ce système, quipermet de prolonger à son terme lapersonnalisation du marteau, est trai-tée parallèlement à la fabrication etaux tests des prototypes. Des solu-tions en cours d’application serontmises en œuvre sur quelques mar-teaux, le risque de perte de l’em-preinte devant être nul.Dans l’attente de ces études, desconseils pratiques pour améliorer dèsà présent votre marteau vous sontdonnés dans l’encadré ci-contre.

L’amélioration du marquageà la peinture

Une étude a été confiée en 2004 à unorganisme spécialisé, l’IRAFQ(Institut de recherche appliquée à la

Dispositif de mesure des efforts créés par la frappe

Caractérisation dynamique (mesure par accéléromètres)

Sera

m

ÉVOLUTIONS DU MARTEAU PAR RAPPORT AU MARTEAU ACTUEL

Partie manche Partie fer et tranchant

Optimisation des dimensions et du profil Suppression des parties inutiles

Définition d’un système de dissipation d’énergie Réduction des frottements

Détermination des valeurs appropriées entre longueur du manche et poids du fer

Amélioration de la résistance aux chocs et au désaffûtage

Ajout d’accessoireÉvolution de la forme du tranchant (courbure et orientation)

pour favoriser la coupe et le décrochage de l’écorce

J.B

oui

llie,

ON

F

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Conseils pratiques pour améliorer la performance et le confort de son marteau

L’affûtage du tranchant

Il s’agit de diminuer l’effort de coupe dans le bois en travaillant le profil du tranchant et son polissage. L’affûtage consis-te à faire reculer le talon en arrière du tranchant, comme indiqué ci-dessous :

La forme du tranchant sera plus pointue, sans être toutefois trop à platpour permettre au marteau de ressortir naturellement du bois.L’affûtage peut être réalisé au disque abrasif (monté sur une meuleused’angle), en employant un grain 60 à métaux pour dégrossir et en finis-sant avec un grain à 120. L’épaisseur sera d’abord diminuée à proximitédu noyau d’emmanchement, puis l’affûtage sera étendu par passes suc-cessives jusqu’au tranchant. Le port de lunettes et de gants de protec-tion est nécessaire tout au long de l’affûtage.

Un accessoire très apprécié, le manchon de préhension

Lorsque le marteau est muni du manchon en caoutchouc, la prise en mainest plus souple, le grip est amélioré et les chocs atténués.Le manchon de prise en main est notamment disponible à un prix raison-nable auprès du fournisseur actuel de marteaux Morin Gravure : typePlastisol LD80, référence 010106.

La pose du manchon sur le manche est facilitée par le versement à l’intérieurd’un produit tel que liquide vitres, laque ou gel coiffant, qui favorisera enoutre la fixation sur le manche après séchage.

Polissage avecdisque abrasif

formulation, l’analyse et la quali-tique), en vue d’analyser les produitsexistants au regard de nos principauxcritères de marquage : innocuité vis-à-vis de la santé humaine et de l’en-vironnement, visibilité et maintien dela marque sur une durée ≥3 ans, pos-sibilité d’emploi par temps de pluieet température basse, utilisation nonsalissante.L’étude conclut à la bonne adapta-tion des traceurs forestiers de lamarque SOPPEC. Elle formule égale-

ment des propositions d’améliora-tion :

sur la composition de la peintureet

sur l’outil d’application, en vue delimiter les dispersions latérales de lapeinture.Sur la base de ces résultats, la miseau point d’un système amélioré demarquage des arbres par bombe depeinture est actuellement en coursde définition et de conception, avecl’objectif de fabriquer une présérie

de prototypes pour la fin de cetteannée.

Julien BOUILLIEONF, direction technique

département [email protected]

Frédéric MALGOUYRESONF, DT Bourgogne Champagne-

Ardenneagence de Châtillon-sur-Seine

[email protected]

Talon

Avant affûtage Après affûtage

Manchon de préhension

F. M

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NF

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RDV techniques n° 9 - été 2005 - ONF

Effets de l’ozone sur la végétation forestière.Introduction générale dans la problématique

Depuis une dizaine d’années, les médias et le grand public sont sensibilisés par l’ozone

(O3) et ses effets sur la santé humaine. Les effets sur la végétation sont rarement

évoqués, et pourtant ils existent ! Bien que régulièrement des alertes d’O3 pour le

dépassement des seuils de la santé humaine aient été diffusées en France, aucune

information n’a concerné la végétation. Les forestiers qui se posent des questions sur l’O3

n’ont pas vraiment accès à une information synthétique. Cet article vise à combler ce

vide. Il sera suivi par un deuxième article faisant l’état des mesures des concentrations

en milieu forestier et des observations de symptômes sur le feuillage dans le cadre du

réseau RENÉCOFOR.

66666

n 1992, une première direc-tive européenne sur l’O3

(n° 92/72/CEE du conseil du 21 sep-tembre 1992) a fixé plusieurs seuils deconcentration :

pour la protection de la santé humai-ne (110 μg/m3 pour la moyenne mobilesur 8 heures) et

pour la protection de la végétationsur une (200 μg/m3) ou 24 heures(65 μg/m3).

En 2002, du fait de l’évolution desconnaissances scientifiques notam-ment sur les effets sur la végétation, ladirective n° 2002/3/CE (tableau 1) l’aabrogée. Plus que les concentrationsseuils, les plantes sont susceptibles deréagir à une dose cumulée d’O3, avecdivers symptômes décrits plus bas.Cette dose se calcule en multipliant aufur et à mesure chaque concentrationhoraire mesurée avec sa durée. Lesvaleurs « cible » et les objectifs à longterme indiqués dans le tableau 2 (p.12)ont été déterminés par des expérimen-tations réalisées sur des dizaines d’es-pèces différentes (voir synthèse dans

VDI, 2002), et l’ensemble de ces étudesa permis de définir les seuils du règle-ment de 2002 (tableau 1). Ce sont plu-tôt les fortes concentrations qui ont unimpact sur la plante. La dose cumuléejusqu’à l’apparition de symptômesvisibles est normalement différente

pour chaque espèce (VanderHeyden etal., 2001). La valeur « cible » de18 000 μg/m3.heure protège plutôt lesplantes peu sensibles et l’objectif àatteindre à long terme est de6 000 μg/m3.heure pour les espècessensibles.

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Feuille du frêne commun avec symptômes d’ozone en forêt domaniale de Haguenau, Alsace

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RDV techniques n° 9 - été 2005 - ONF

Quelles sont lescaractéristiques de l’ozone ?

Le mot O3, vient du grec « οζο » quisignifie « je sens ». L’ozone ou trioxygè-ne O3, a une odeur électrique pour uneconcentration de plusieurs centaines deμg/m3. Cette odeur est perceptible parexemple à côté d’imprimantes laser, dephotocopieuses ou de lampes UV.Incolore à température ambiante etbleu clair à très basse température, l’O3

est un oxydant très puissant aussi bienen milieu acide que basique. Il sert entreautres à forte concentration à désinfec-ter l’eau dans des stations d’épurations.L’O3 peut provoquer chez l’homme desmaux de tête, de l’asthme, des irrita-tions des yeux, de la gorge, ou detoutes les muqueuses en contact directavec l’air (Lévy et al., 2001).

L’air contient 78,09 % d’azote (N2),20,95 % d’oxygène (O2) et environ0,93 % d’argon (Ar). Les 0,03 % restantscontiennent une multitude de gaz (plu-sieurs centaines) en quantité assezvariable, dont le dioxyde de carbone(CO2), le méthane (CH4), le dihydrogène(H2), le protoxyde d’azote (N2O), lemonoxyde de carbone (CO) et l’ozone(O3 ≈10-8 à 10-7 %).

De quel ozone parlons-nous ?

Nous parlons ici uniquement de l’O3 dela troposphère (couche de l’atmosphèrese trouvant entre 0 et 12 à 14 km d’alti-tude en moyenne). Au-dessus de la tro-posphère se trouve la tropopause, d’uneépaisseur d’environ 2 - 3 km et danslaquelle circulent des vents assez forts,puis au delà la stratosphère jusqu’à envi-

ron 40 km. La « couche d’ozone » setrouve dans la stratosphère. Le problè-me de l’O3 est inversé entre la tropo-sphère et la stratosphère : dans la pre-mière les concentrations augmentent,dans la seconde elles diminuent, condui-sant au « trou d’ozone ». Les échangesentre les deux sphères existent maissont faibles, la tropopause avec sesvents forts empêchant probablementune grande partie de ces échanges.

Comment l’ozone est-il formé ?

En présence de rayons ultraviolets decourte longueur d’onde, une moléculede dioxygène (O2) peut être casséepour former deux atomes d’oxygèneélémentaire très réactifs. Ceux-ci peu-vent réagir avec le dioxygène pour for-mer le trioxygène : l’O3 (on parle ainside photo-oxydant). Cette réaction, laplus simple, concerne en moyenne unemolécule pour 1 million de dioxygèneentre 15 et 30 km dans la stratosphère.

Dans la troposphère, une multitude degaz à faible concentration intervient enplus dans la formation d’O3 : le dioxyded’azote (NO2, provenant des émissionsde monoxyde d’azote, NO, en majoritéproduit par les moteurs thermiquesdes automobiles et des bateaux) et leshydrocarbures d’origine anthropique(émis aussi bien par les automobilesque par l’industrie pétrolière). Plusieurscentaines de réactions chimiquesconduisent à la production d’ozonesoit en tant que sous-produit, soit entant que produit final (voir par exempleLopez et al., 1989). C’est l’augmenta-tion des émissions d’oxydes d’azote etd’hydrocarbures qui a conduit à l’aug-

mentation des concentrations d’O3

depuis 1850 (voir plus bas).La formation de l’O3 prend du temps etles concentrations les plus fortes sontenregistrées hors des zones de produc-tion des précurseurs d’O3. Souvent, leslieux de production sont les grandesagglomérations et les fortes concentra-tions d’O3 se situent en milieu rural, verslequel les masses d’air se sont dépla-cées. Pendant ce déplacement, avec l’ai-de des rayons ultraviolets et de la cha-leur, la production d’O3 est amplifiée.

Pourquoi ne parle-t-ontoujours que de l’ozone ?

N’y a t-il pas d’autres photo-oxydants ?

L’ozone est la molécule phare desphoto-oxydants. Il existe plusieursdizaines de photo-oxydants (parexemple le PAN = peroxy-acétyle-nitra-te, l’eau oxygénée, H2O2, les aldéhydes).L’O3 a l’avantage de pouvoir se mesurerfacilement en continu. Ce n’est pas lecas des autres photo-oxydants, pourlesquels les méthodes de mesure sonttrès lourdes et ne permettent qu’unéchantillonnage discontinu. Le problè-me principal réside dans la concentra-tion : l’O3 a les plus fortes concentra-tions. Les autres photo-oxydants, pasmoins réactifs, sont en moyenne 10 à100 fois moins concentrés dans l’air.

La végétation participe-t-elleà la production d’ozone ?

Toutes les plantes émettent des hydro-carbures lors de leurs échanges gazeuxavec l’atmosphère. Avec le méthane(CH4, émis essentiellement par le sol et

77777

Référence Valeur cible Objectif à long terme

Santé humaineMaximum journalier de la moyenne

glissante sur 8 heures120 μg/m3 à ne pas dépasser plus de

25 jours par année civile120 μg/m3 à ne jamais dépasser

VégétationAOT401, calculé à partir de valeurs supé-rieures à 80 μg/m3 sur 1 heure, de mai à

juillet, mesurées entre 8 et 20 heures18 000 μg/m3.heure par an 6 000 μg/m3.heure par an

(1) AOT40 : dose accumulée au-dessus du seuil de 40 ppb2

(2) ppb : partie par milliard

Tab. 1 : limites pour la santé humaine et la végétation fixées par la directive européenne n° 2002/3/CE du parlement européen et du conseil du 12 février 2002, relative à l’O3 dans l’air ambiant

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RDV techniques n° 9 - été 2005 - ONF

par les eaux de surface), les émissionsnaturelles d’hydrocarbures de tous lesécosystèmes dépassent d’un facteurd’environ 5 les émissions anthropiques(Jay et Stieglitz, 1989). Les émissions demonoterpènes des plantes seraient auniveau mondial de l’ordre de 9*108

tonnes par an, comparées aux émis-sions anthropiques d’hydrocarbures del’ordre de 65*106 tonnes par an (Kotziaset al., 1991).

Les terpènes essentiellement produitspar les arbres, même si leur quantité estextrêmement faible, jouent le rôle decatalyseurs dans la production en chaî-ne des photo-oxydants, mais pasnécessairement dans la production del’ozone. Les terpènes sont d’aborddégradés en consommant de l’ozone.Ensuite les produits de cette dégrada-tion participent entre autres à la pro-duction d’O3, ainsi que d’aérosols quipeuvent à leur tour être responsablesdu smog (Pandis et al., 1991). La pro-duction de photo-oxydants et d’autrescomposés potentiellement toxiques estdonc amplifiée en forêt. Ce n’est paspour autant qu’il faille rendre la végéta-tion responsable de l’augmentationdes niveaux d’ozone, bien qu’elle soitresponsable d’un fond « naturel » dephoto-oxydants qu’elle est tout à faitcapable de supporter. L’augmentationdes émissions humaines, surtout enoxydes d’azote mais également enhydrocarbures, reste bien la seule res-ponsable. L’augmentation de la surfaceforestière française depuis 1940, deprès de 5 millions d’hectare (Agreste,2000) peut être considérée comme res-ponsable de l’augmentation d’émis-sions de terpènes. Leurs produits dedégradation ne seraient certainementpas orientés vers des photo-oxydants sivariés si les concentrations en oxydesd’azote n’étaient pas si élevées (Collinset al., 2000).

Quelles seraient lesconcentrations naturelles de

l’ozone ?

Les concentrations les plus faiblesmesurées dans les régions les moinssoumises à des émissions industriellespeuvent nous donner un ordre de

grandeur. Kato et al. (2001) etPochanart et al. (2002) ont par exemplemesuré l’O3 dans l’air en 1997 et 1998dans le Pacifique Ouest, dans l’île deChichi-jima, les îles d’Okinawa,Ogasawara, Oki et Rishiri entourant leJapon jusqu’à une distance de1 000 km. Ils ont mesuré environ26 μg/m3 d’ozone dans la période esti-vale, avec des origines des masses d’airessentiellement maritimes et de l’ordrede 80 μg/m3 d’ozone en période hiver-nale, où les masses d’air venaient sou-vent du continent asiatique et des îlesjaponaises. Les concentrations esti-vales concordent bien avec les mesuresréalisées en France au milieu du19e siècle (voir ci-dessous).

Évolution des concentrationsd’ozone depuis 1850

Jusqu’au début des années 1990, diffé-rentes sources internationales mon-trent des tendances à une augmenta-tion généralisée de 1 à 2 % par an(Bojkov, 1988, Penkett, 1988, Smidt etGrabler, 1994). Entre 1990 et 2000, peude publications existent pouvant attes-ter ces tendances. Depuis 2000, plu-sieurs publications parues dans desjournaux scientifiques de haut niveaumontrent des tendances variablesselon le critère observé et la couche del’atmosphère concernée (hausse, bais-se ou stabilité).

Pour la France, actuellement aucunepublication n’a fait état des tendancessur les 20 à 30 dernières années, car leréseau français de mesures de l’O3 n’aété consolidé que les dix dernièresannées (ADEME, 2003). Pour cette rai-son nous tentons une comparaisonindirecte. Cette comparaison reposesur des mesures à basse altitude, afinde se rapprocher le plus possible desconditions dans lesquelles la majoritéde la forêt française se trouve.

Parmi les mesures les plus fiables aumonde au milieu du 19e siècle figurentcelles d’Albert-Lévy. Ces mesures ontmême été testées avec des analyseursmodernes (Volz et Kley, 1988) ce qui amontré leur parfaite pertinence. Lesconcentrations observées par Albert-Lévy entre 1876 et 1910 étaient del’ordre de 20 μg/m3 d’air en moyenneannuelle (figure 1-(a)). Sur la base deces 20 μg/m3 des simulations (avec destaux d’augmentation variant de 0,5 % à1 %) sont présentées figure 1 entre1850 et 2020. Dans les années 1990, lesréseaux français de surveillance de laqualité de l’air ont progressivementinstallé des analyseurs continus d’O3. Àce jour et depuis seulement une dizai-ne d’années, plus de 400 stations demesure sont répertoriées (ADEME,2003), dont seulement un faiblenombre (n = 37) est en site « rural ». Lesconcentrations moyennes annuelles de

88888

0

20

40

60

80

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1201 % par an

0,75 % par an

0,5 % par an

0,6 % par an

0,65 % par an

Microgrammes par mètre cube

(a) (b)

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Années

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1990

2010

2030

Fig. 1 : comparaison d’augmentations hypothétiques des concentra-tions annuelles moyennes d’O3 à partir de 1850, en partant de

20 μg/m3 (a) de 0,5 %, 0,6 %, 0,65 %, 0,75 ou 1 % par an avec lesconcentrations moyennes annuelles mesurées par 37 stations

« rurales » en France en 1994, 1997 et 2001 (b) ainsi que leur amplitude((c), centile 10 et 90)

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RDV techniques n° 9 - été 2005 - ONF

ces 37 stations sont indiquées pour lesannées 1994, 1997 et 2001 dans la figu-re 1-(b). En 11 ans seulement, de 1991à 2001, l’ADEME (2003) observe unehausse pour ces 37 stations. La compa-raison entre les concentrations de 1850et celles de 1994 à 2001 indique plutôtune tendance à la hausse de l’ordre de0,6 % en moyenne annuelle sur unsiècle et demi. Ce ne sont pas lesmoyennes annuelles qui inquiètent,mais plutôt l’augmentation des maxi-ma (voir doubles flèches oranges =amplitude minimum-maximum). Si lafréquence des fortes concentrationsaugmente, dépassant les seuils accep-tables des plantes sensibles à très sen-sibles, les effets à court, moyen et longterme décrits plus bas risquent dedevenir réalité. Seule une politique deréduction massive des émissionsd’oxydes d’azote peut faire infléchircette tendance.

Quels sont les effetsphysiologiques ou

biochimiques de l’ozone surla végétation ?

Un nombre très important de travauxscientifiques sur l’O3 a vu le jour ces20 dernières années dans le monde.En France, différentes équipesd’écologie et écophysiologie fores-tière ont travaillé en milieu forestier,essentiellement sur la physiologie etles modifications biochimiques desessences suivantes :

peuplier (Populus tremula x alba)érable à sucre (Acer saccharum)plusieurs espèces de pin (Pinus hale-

pensis, P. cembra, P. taeda)hêtre (Fagus sylvatica)plusieurs espèces de chêne

(Quercus robur, Q. petraea, Q. rubra,Q. cerris)

deux espèces d’épicéa (Picea abies,P. sitchenis).

Selon l’espèce, une feuille ou uneaiguille possède entre 20 et 900 sto-mates par mm2 de surface (soit surfacesupérieure, soit inférieure, soit lesdeux, Lüttge et al., 1996). Après le pas-sage des stomates, l’O3 dégrade petit àpetit les cellules les plus vulnérables(Günthardt-Goerg, 1996, Günthardt-

Goerg et al., 2000). Chaque plante aune capacité naturelle de détoxicationde l’O3 ou de ses produits de dégrada-tion qui permet de neutraliser des radi-caux libres ou de l’oxygène élémentai-re, très réactifs. Si les concentrationsd’O3 sont fortes et que la plante n’arri-ve pas à produire suffisamment de sub-stances pour le dégrader, des dom-mages visibles apparaissent (Innes etal., 2001, Novak et al., 2003, SanzSanchez et al., 2001, Skelly et al. (Ed.),1987, Utriainen, 2002, Vollenweider etal., 2003).

En général et durant des périodes avecdes concentrations d’O3 élevées, lesplantes montrent des réactions biochi-miques diverses bien avant l’apparitionvisible de symptômes, par exemple,augmentation de la photosynthèse, dela respiration, du métabolisme du car-bone, ou du processus de détoxica-tion. Ces changements dans le méta-bolisme cellulaire concernent la répa-ration et la maintenance de la structuredes cellules.

Comme cela a été montré dans diffé-rents travaux, la dose cumulée jusqu’àl’apparition de symptômes visibles estnormalement différente pour chaqueespèce (voir figure 2 page suivante).Des disparités d’AOT 40 très impor-tantes sont observées entre lesespèces les plus sensibles (ici parexemple le cerisier tardif, Prunus sero-tina ou le sureau à grappes, Sambucusracemosa) et les espèces un peu plusrésistantes (par exemple le hêtre,Fagus sylvatica). Les différences entreannées de doses provoquant dessymptômes chez la même espèce (ici1997 et 1998) semblent, en revanche,faibles.

Quels effets peut-on craindreà l’avenir si les

concentrations continuent àaugmenter ?

Les concentrations d'O3 sont régulière-ment plus importantes dans le Sud.Dans le Nord, cependant, les dégâtsdus à l’O3, bien que moins importants,sont indéniables. La sécheresse et lachaleur sont des facteurs provoquant la

fermeture des stomates et c’est pour-quoi, dans le Sud, la pénétration d’O3

peut être réduite. En outre, dans leNord, du fait d’un bon approvisionne-ment en eau, de températures favo-rables et d’une illumination naturelleprolongée, les dégâts dus à l’O3 (etvisibles) peuvent être conséquents, carles doses (= effet cumulatif) peuventêtre importantes.

Après environ 20 ans de recherchesur les effets physiologiques de l’O3

sur les plantes, l’hypothèse d’unenchaînement des effets est envisa-geable selon la longueur de la pério-de d’impact, à condition que lesconcentrations continuent à aug-menter comme dans le passé. Leseffets peuvent être classés commesuit :

Effets à court terme : ils sontobservés quotidiennement pour lesplantes sensibles. Il s’agit d’effetsvisibles, par exemple : ponctuationsjaunes internervaires, nécroses. Ceseffets sont provoqués par l’entrée del’O3 au niveau des voies de respira-tion, des stomates.

Effets à moyen terme : dans les10 à 20 années à venir, les plantessensibles évolueraient vers l’affaiblis-sement de leur état physiologique :- raccourcissement des périodes de

végétation à cause d’une sénescen-ce prématurée (Braun et Flückiger,1995) ;

- légère diminution de la croissance,actuellement observée pour lesjeunes arbres (Günthardt-Goerg etal., 1999, Kolb et Matyssek 2001 ,Utriainen et Holopainen, 2001) etarbres âgés (Vollenweider et al.,2003b) ;

- probable difficulté progressive dela maturation des fruits et desgraines, chez les feuillus notam-ment ;

- probable difficulté progressive dela reproduction/régénération desespèces les plus sensibles ;

- finalement disparition des espècessensibles à très sensibles dans lesrégions les plus polluées par l’O3.

9999

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RDV techniques n° 9 - été 2005 - ONF

Effets à long terme : dans les 20 à 50années à venir. La déstabilisation d’éco-systèmes entiers pourrait apparaîtreavec un changement progressif de lacomposition floristique et arborée, enfonction des conditions locales et régio-nales et de la sensibilité des plantes. Auniveau forestier, cela pourrait poser desproblèmes de régénération d’espècesprincipales de la forêt française.

Il est bien entendu que ce scénarion’est valable que dans l’hypothèsed’une constante augmentation desconcentrations d’ozone. Si lesmesures de diminution des émissionsarrivent à stabiliser, voire infléchir lesconcentrations, ce scénario ne seraheureusement qu’une utopie.Malheureusement, il sera difficile,mais nécessaire, de faire la part due à

l’O3 et celle due au changement clima-tique, l’eutrophisation par l’azote, etc.

Quels sont les effets del’ozone sur les plantes

agricoles ?

En agriculture, les expérimentations surl’ozone ont démarré bien avant celles enforesterie. Les très fortes concentrationsd’O3 enregistrées en plaine de Californieet la chute de production agricoleconstatée parallèlement ont permisd’engager de très nombreuses études.Ainsi, des plantes comme les pommesde terre, le blé (d’hiver ou d’été), le soja,les haricots, le maïs, le coton etc. ont étésoumises à des concentrations contrô-lées d’O3. Les mêmes effets physiolo-giques présentés ci-dessus sont obser-vés. Ces effets conduisent, selon la plan-te, à des réductions de rendement pou-vant aller jusqu’à 30 %, avec une moyen-ne située entre 10 et 15 % (Benton et al.,2000, Fuhrer et al., 1989, Heagle, 1989,Köllner et Krause, 2000, Lehnherr et al.,1987, Meyer et al., 2000, Miller et al.,1989, Mills et al., 2000).

Y a-t-il une différenceimportante entre les effetssur les plantes agricoles et

ceux sur les plantesforestières ?

Oui ! La plupart des plantes agricolessont des plantes annuelles. Il n’y a doncpas d’effet cumulé sur plusieurs annéescomme chez les arbres, arbustes etplantes herbacées pluriannuelles, àl’exception de plantes herbacéesannuelles, bien sûr.

Cette différence est loin d’être négli-geable pour au moins quatre raisons :

le cumul pluriannuel et donc deseffets « mémoire » possibles sur lefonctionnement physiologique et bio-chimique interne ;

l’évolution de la sensibilité desarbres et arbustes avec l’âge ; celle-cisemble plutôt aller dans le sens d’unemeilleure résistance des sujets plusadultes pour des doses comparablesd’ozone (Kolb et Matyssek, 2001) ;

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plantes en conditions controlées soumises à l'air ambiant

plantes en conditions controlées où l'air a été filtré pour enlever presque tout l'ozone

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Jun-

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Jul-5

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Aug

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Date

pp

b.h

O3

plantes à l'air libre

plantes en conditions controlées soumises à l'air ambiant

plantes en conditions controlées où l'air a été filtré pour enlever presque tout l'ozone

Fig. 2 : AOT 40 cumulé en fonction de la date d’apparition de symp-tômes d’ozone visibles sur le feuillage des plantes indiquées

en 1997 (a) et 1998 (b). Résultats d’une expérimentation avec deschambres à ciel ouvert dans le Tessin, en Suisse

(reproduit de VanderHeyden D., Skelly J., Innes J., Hug C., Zhang J.,Landolt W., Bleuler P., 2001, avec l’autorisation d’Elsevier)

(a)

(b)

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la différentiation spatiale réelledes effets de l’ozone selon les condi-tions édaphiques des arbres etarbustes : il s’agit par exemple dedifférences atmosphériques (fré-quence de temps humides) ou denutrition (une déficience en phos-phore avec de l’ozone conduira à deseffets différents par rapport à unedéficience azotée ou magnésienne,etc., Utriainen et Holopainen, 2001),auxquelles s’ajoute bien sûr, une pol-lution de l’ozone assez variabled’une région à l’autre et même ausein d’un massif forestier ;

la prédisposition croissante à desattaques parasitaires (champignons,insectes, etc.) à cause d’un affaiblis-sement des sujets, bien avant ladétection d’effets visibles(Sandermann, 1998).

Quelle est la répartitionverticale des concentrations

d’ozone à l’intérieur d’unpeuplement ?

De nombreuses mesures de profilsverticaux des concentrations d’ozo-ne, à l’aide de tours érigées à l’inté-

rieur de peuplements adultes etmontant jusqu’à 50 m (Enders etTeichmann, 1989, Gasch etKrapfenbauer, 1990, 1991, Ulrich etal., 1993), montrent la distributionsuivante : les concentrations les plusfaibles se trouvent près du sol jus-qu’à quelques mètres au-dessus. Lesconcentrations augmentent jus-qu’au-dessus des cimes pouratteindre un maximum à hauteur dusommet de la canopée, puis ellesdécroissent très lentement. Enmoyenne annuelle, le gradient deconcentration en ozone entre, parexemple 44 m et 7 m de hauteur, estde l’ordre de 4 μg/m3, mais peutatteindre dans des situationsextrêmes (fortes températures, fortensoleillement) jusqu’à 60 μg/m3

(Ulrich et al., 1993).

Quelles espèces sontconsidérées aujourd’huicomme sensibles ou très

sensibles ?

En juin 2004, la liste des espèces consi-dérées à ce jour comme sensibles com-porte 179 espèces et 18 genres(tableau 2, page suivante).

Conclusions

En 2001, nous venons juste de com-mencer l’inventaire des effets de l’ozo-ne sur la végétation forestière française(à paraître dans un numéro ultérieur).Nous ne pouvons donc pas donnerd’informations sur son ampleur auniveau du territoire français. Il est évi-dent que les effets sont très variablesd’une région à l’autre et d’une espèceà l’autre, ce qui nous impose une gran-de vigilance.En revanche, la France connaît, grâce àson système de surveillance de la santédes forêts (DSF, 2002), un nombre trèsimportant de problèmes phytosani-taires. Ces problèmes sont essentielle-ment abiotiques (vent, grêle, sécheres-se, feu, déficiences nutritionnelles, etc.)et biotiques (insectes, champignons,bactéries, etc.). Actuellement, plusieurscentaines de problèmes potentielssont dénombrées, dont seulement plu-sieurs dizaines ont un impact écono-mique (L.M. Nageleisen, communica-tion personnelle). Les observations des20 dernières années nous permettentde dire que ces problèmes prévalentactuellement largement et couvrentparfois de très grandes surfaces (cf.tempêtes de 1999, feux de forêt,attaques parasitaires etc.).

Dans cette perspective, l’ozone n’estqu’un problème de plus. Mais il sepeut, à condition que les concentra-tions d’ozone continuent à monter, quel’effet de sélectivité sur les plantes sen-sibles à très sensibles et surtout l’effetd’affaiblissement des plantes, les pré-dispose aux attaques parasitaires.L’ozone pourra alors être à long termeun « grand » problème.

Erwin ULRICHONF, direction technique

département rechercheréseau Renécofor

[email protected]

Bibliographie

La bibliographie complète de cetarticle est disponible sur demandechez l’auteur.

Symptomes d’ozone sur feuilles de hêtre communL.

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Abies cephalonica Laburnum alpinum Salix albaAcer campestre Lamiastrum galeobdolon Salix capreaAcer granatense Lapsana communis Salix daphnoidesAcer platanoides Larix decidua Salix glabra

Acer pseudoplatanus Ligustrum ovalifolium Salix pentandraAcer saccharinum Ligustrum vulgare Salix purpurea

Agrimonia eupatoria Liriodrendron tulipifera Salix viminalisAilanthus altissima Lonicera caprifolium Sambucus ebulus

Alchemilla xanthochlora Lonicera etrusca Sambucus nigraAlnus glutinosa Lonicera implexa Sambucus racemosa

Alnus incana Lonicera nigra Senecio nemorensisAlnus viridis Lonicera xylosteum Senecio ovatus

Anthyllis cytisoides Morus alba Sequoiadendron giganteumAquilegia vulgaris Morus nigra Solanum sodomeum

Arbutus unedo Mycelis muralis Solidago canadensisArtemisia campestris Myrtus communis Sorbus aria

Artemisia vulgaris Oenothera biennis Sorbus aucupariaAruncus dioecus Oenothera rosea Sorbus chamaemespilusAsclepias syriaca Onobrychis viciifolia Sorbus domesticaAstrantia major Ostrya carpinifolia Sorbus mugeotii

Atropa bella-donna Parthenocissus quinquefolia Stachys officinalisBerberis vulgaris Picea abies Succisa pratensisBetula pendula Picea glauca Symphoricarpos albus

Buxus sempervirens Pinus banksiana Syringa vulgarisCalamintha grandiflora Pinus cembra Taxus baccata

Calystegia sepium Pinus contorta v. latifolia Thalictrum minusCarpinus betulus Pinus halepensis Tilia cordataCentaurea nigra Pinus nigra Tilia platyphyllos

Centaurea nigrescens Pinus pinaster Trifolium pratenseCentaurea paniculata Pinus pinea Tsuga canadensisCirsium helenidoides Pinus ponderosa Tsuga heterophylla

Cistus salviifolius Pinus strobus Ulmus glabraClematis flammula Pinus sylvestris Ulmus minor

Clematis spp. Pistacia lentiscus Vaccinium myrtillusClematis vitalba Pistacia terebinthus Vaccinium uligunosum gaultherioides

Colutea arborescens Plantago lanceolata Valeriana montanaConvolvulus arvensis Plantago major Verbascum sinuatum

Cornus alba Polygonum bistorta Veronica urticifoliaCornus mas Populus alba Viburnum lantana

Cornus sanquinea Populus nigra Viburnum opulusCorylus avellana Populus tremula Viburnum tinus

Crataegus laevigata Prunus armeniaca Viburnum x bodnanteseCrataegus monogyna Prunus avium Vinca difformisCrataegus oxyacantha Prunus dulcis Vitis viniferaCystisus heterochrous Prunus persica

Dittrichia viscosa Prunus serotinaIndépendamment des espèces mentionnées ci-dessus,

d’autres genres contiennent des espèces sensiblesEpilobium angustifolium Prunus spinosa

Epilobium collium Prunus virginianaEpilobium hirsutum Pseudotsuga menziesii Agrostis

Euonymus europaeus Pyrus malus subspp. malus AquilegiaEuphorbia dulcis Quercus robur BetulaFagus sylvatica Reseda odorata Calystegia

Filipendula ulmaria Reynoutria japonica CampanulaFrangula alnus Rhamnus alaternus Carya

Fraxinus angustifolia Rhamnus catharticus ForsythiaFraxinus excelsior Ribes alpinum Hieracium

Fraxinus ornus Ricinus communis LamiumFraxinus pennsylvanica Robinia pseudoacacia Myosotis

Fraxinus spp. Rosa canina Populus (clones)Geranium sylvaticum Rubia peregrina Ribes

Helleborus niger Rubus fruticosus RosaHeracleum sphondylium juranum Rubus idaeus Rubus

Hippophae rhamnoides Rubus spectabilis Salix sp.Impatiens parviflora Rubus ulmifolius Sambucus

Ipomoea indica Rudbeckia lacinata SpiraeaJuglans nigra Rumex obtusifolius TrifoliumJuglans regia Rumex pulcher

Les espèces sont triées par ordre alphabétique ; source : groupe de travail sur l’ozone du PIC-Forêt(www.gva.es/ceam/ICP-Forests, menu « contents », puis menu « list of species »).

TAB. 2 : LISTE DES ESPÈCES FORESTIÈRES CONSIDÉRÉES COMME ÉTANT SENSIBLES À L’OZONE

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RDV techniques n° 9 - été 2005 - ONF

a clématite (Clematis vitalba,renonculacée) est une liane

très commune dans la moitié Nord de laFrance. Très présente le long des som-mières et en clairière, elle envahit égale-ment la canopée des peuplementsadultes où elle fructifie en abondance,puis dissémine un important stock degraines. Des conditions d’éclairementfavorables, une concurrence herbacée etligneuse modérée suffisent ensuite àassurer son développement « explosif »dans les régénérations : elle va jusqu’àformer un couvert dense, véritable « bou-chon » qui pèse sur le recrû, empêche lacroissance et déforme bien souvent defaçon irréversible les semis et les plants.Le hêtre est probablement l’essence laplus vulnérable car sa pousse annuelle nese redresse qu’à l’aoûtement. Le frêne,l’érable sycomore et même le chêne,dont les pousses sont érigées, y sontmoins sensibles.

Dans les peuplements du Nord-Est de laFrance, la clématite est particulièrementmenaçante dans les zones bouleverséespar les guerres (zone rouge) et reboiséesen résineux dans les années qui suivirent :ces peuplements sont aujourd’hui encours de renouvellement, bien souventpar plantation de hêtre sous abri. Les tra-vaux de nivellement du sol, la situation demi-lumière, la présence des bandesd’abri qui offrent un support idéal à la clé-

matite, contribuent à expliquer sonampleur. À la différence des futaies fer-mées où elle n’est présente au sol que defaçon très discrète, la clématite est sou-vent associée aux peuplements présen-tant une certaine hétérogénéité (peuple-ments issus de TSF, forêts alluviales…),qui offrent à la fois support et conditionsd’éclairement favorables. Le morcelle-ment de la propriété, en multipliant leslisières, augmente encore le risque. Enfin,la tempête de décembre 1999 l’a mal-heureusement favorisée par l’ouverture

brutale de larges espaces et en multi-pliant souches et rémanents. De nom-breux diagnostics de parcelles post-tem-pête l’attestent. Elle représente donc,surtout sur plateau calcaire, une des prin-cipales espèces susceptibles de nuire for-tement à l’installation de la régénération.

Cet article se propose donc de dresserun bilan des connaissances actuellesconcernant la prévention et les tech-niques de lutte contre la clématite.L’objectif n’est pas de l’éradiquer, mais

La clématite : une stratégie pour son contrôle

La clématite est une liane à l’origine de graves difficultés dans les parcelles en

régénération. Depuis de nombreuses années, sa maîtrise fait l’objet en Lorraine de

réflexions visant à identifier les techniques les plus adaptées, tant d’un point de vue

préventif que curatif. L’Inra (C. Muller), le Cemagref (A. Gama) sont associés à cet

effort de recherche conduit par l’ONF. C’est le fruit de ces réflexions qui est ici présenté,

en s’appuyant sur une connaissance approfondie de la biologie et de l’écologie de cette

espèce, ainsi que sur les résultats de différents essais expérimentaux.

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Parcelle en FD Haye (54) : la clématite forme d’épais tapis couvrant lerecrû ligneux

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1 Le triclopyr est efficace mais à une concentration élevée uniquement homologuée pour la destruction des broussailles sur pied en prairies permanentes, donc nonréglementaire en forêt.

RDV techniques n° 9 - été 2005 - ONF

de la contrôler de façon à éviter qu’ellene devienne une contrainte sylvicolemajeure en régénération.

Biologie et écologie de laclématite : un pouvoir de

nuisance considérable

Croissance et reproduction de la clé-matite : un rythme de développe-ment remarquableLa clématite présente un rythme decroissance et de reproduction remar-quable. Pour s’en convaincre, un pied declématite âgé de 6 ou 7 ans (diamètreau pied égal à 1,5 cm) a été entièrementmesuré : sa longueur totale (tiges plusramifications mises bout à bout) attei-gnait 49 m, dont 17 m de rameaux fruc-tifères portant au total environ 50 000graines ! La distance de disséminationdes graines n’est pas bien connue.Néanmoins, les graines de clématite(akènes), légères et pourvues d’unelongue arête plumeuse, sont parfaite-ment adaptées à la dissémination par levent. De plus, la capacité de cette lianeà envahir des arbres adultes, jusqu’à 20,parfois 25 m de hauteur, fait redouter untransport sur d’importantes distances.Les tiges de clématite présentent enoutre une grande capacité à s’enraci-ner au niveau de chaque nœud de latige, soit tous les 15 cm environ (Ryan,1985 ; Bungard et al., 1997). Cette apti-tude au marcottage assure une multi-plication rapide des brins, que peuventfavoriser encore le travail du sol, l’ou-verture de cloisonnements sylvicolesou les dégagements.

Son terrain de prédilection : azote,calcaire… et surtout soleil !La clématite présente une forte amplitu-de trophique : bien qu’elle soit généra-lement dite calcicole, des travaux récentsmontrent que sa croissance n’est fran-chement réduite que lorsque le sol esttrès pauvre (Hume et al., 1995). Elle estpar ailleurs légèrement nitrophile : uneélévation de la concentration en nitratedu sol, à la suite d’une ouverture dumilieu (mise en lumière) ou d’un travaildu sol, favorise la germination desgraines (Bungard et al., 1997). Enfin sur leplan hydrique, elle préfère les sols lesplus frais (Beekman, 1984), mais on la

trouve des sols les plus humides aux plussecs (exception faite des sols hydro-morphes) (Schnitzler, 1993).

Le caractère héliophile de la clématiteest très marqué : des mesures de pho-tosynthèse foliaire confirment qu’elle estcapable d’exploiter des niveaux d’éclai-rement très élevés (Van Gardingen,1986). Une mise en lumière entraîne ainsiune forte augmentation du nombre defeuilles (qui servent également de pointsd’attache) ainsi qu’une plus forte ramifi-cation de la tige (Baars et Kelly, 1996).Croissance et indirectement potentielde floraison sont donc très fortement sti-mulés par l’éclairement.

Compte tenu de ce caractère héliophi-le, la maîtrise de la clématite par un iti-néraire sylvicole approprié, reposantsur le maintien d’un certain ombrage etévitant les mises en lumière brutalesavait été envisagée. Une analysebibliographique a fait malheureuse-ment apparaître que la clématite sup-porte très bien l’ombre (Baars et Kelly,1996 ; Bungard et al., 1997) : le seuild’éclairement nécessaire à sa survie esttrès faible, en moyenne proche de 1 %du plein découvert. En conditions decroissance optimales (NouvelleZélande), on a pu observer une crois-sance de la tige égale à 1 m par anpour un éclairement égal à 7 % duplein découvert ! Des niveaux decroissance déjà très élevés sont obser-vés en situation de mi-lumière. Il paraîtdonc illusoire d’espérer maîtriser cetteliane là où elle est envahissante uni-quement par le dosage de la lumière.

Lutter contre la clématiteinstallée… un défi difficile à

relever

La méthode traditionnelle : lesdégagements manuelsDans les régénérations, la pratiquecourante consiste à rabattre les brinsqui s’accrochent à l’étage supérieurdes semis ou fourrés. Cette pratiques’est révélée à la fois excessivementcoûteuse et techniquement peusatisfaisante : en moyenne, les sur-coûts liés à la présence de clématitedans les dégagements de fourrés en

régénération naturelle ont été évaluésà 80 % environ dans la région deVerdun, avant la tempête (Giraud,1999). Par ailleurs, ce travail est très fas-tidieux et donc très partiel. Il entraînesouvent une mise en lumière du sol etfavorise ainsi l’apparition de rejetsvigoureux qui imposent à leur tour despassages fréquents. Trois passages auminimum sont généralement néces-saires pour espérer un résultat.

Les dégagements chimiquesDifférents essais de contrôle à l’aided’herbicides ont été tentés : certainesmatières actives telles que le glyphosa-te, le sulfosate, voire le triclopyr 1 sonttout à fait efficaces contre la clématite.Malheureusement, ces produits n’épar-gnent pas nos essences forestières quisont sensibles aux mêmes doses et auxmêmes époques que la clématite.Aucun traitement efficace n’étant sélec-tif, les traitements en plein ne peuventêtre pratiqués qu’au stade de la prépa-ration avant régénération naturelle ouplantation. En présence de régénéra-tion ou de recrû ligneux que l’on sou-haite préserver, il faudra donc envisagerune intervention locale dirigée, particu-lièrement soigneuse, si possible aprèscoupe rez de terre des pieds de cléma-tite (cas des gros tapis de clématite).Bien que très contraignante car ellenécessite deux passages successifs,cette technique avec recépage préa-lable permet d’améliorer l’efficacité dutraitement : on parvient en effet plusfacilement à toucher l’ensemble desfeuilles de chaque pied, ce qui est indis-pensable pour obtenir la destructioncomplète de la liane. Cette applicationlocalisée sera réalisée avec un pulvérisa-teur à dos. Lorsque la clématite est pré-sente au sol à l’état de jeunes plantulesdisséminées (sol encore peu colonisé), ilest possible de tamponner du glypho-sate sur les jeunes pousses à l’aided’une canne : cette dernière technique(dite « par humectation ») a été miseen œuvre avec pleine satisfaction enMeurthe-et-Moselle (voir encadré ci-contre). Elle présente l’intérêt d’uneintervention précoce, et permet ainsid’éviter les stades d’envahissementultérieurs où la clématite est beaucoupmoins facilement maîtrisable.

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Conclusion

Actuellement, il n’existe pas une solu-tion technique qui permette à elleseule de combattre la clématite enprésence de régénération. Les déga-gements chimiques seuls restent demise en œuvre délicate et d’efficacitépartielle. Par ailleurs, même en prépara-tion, la maîtrise de la clématite est ren-due difficile du fait des possibilités d’ap-port latéral de graines et de l’existenceprobable d’un stock de graines dans lesol. Différents produits herbicides (oxa-diazon, metsulfuron méthyle) ont ététestés dans la perspective d’empêcherla germination de ce stock de graines :ces essais se sont malheureusement sol-dés par un échec. Ainsi, dans les forêtsoù la clématite est très présente, la miseen œuvre de deux traitements chi-miques en plein (en préparation à la

plantation) ne permet de contenir la clé-matite que pendant deux à trois ans

(voir encadré ci-après essai enFD Morthomme), ce qui reste décevanten regard de l’investissement consenti.

Quelques conseils peuvent néanmoinsêtre apportés afin d’améliorer l’effica-cité d’interventions contre la clématiteen présence de régénération

Pratiquer un délianage des pour-tours de la parcelle, surtout lorsquedes arbres adultes sont envahis à proxi-mité immédiate : ce délianage inter-rompt l’arrivée d’un flux continu degraines qui réduit rapidement à néantles efforts de dégagement réalisés.

Lorsque la clématite est très envahis-sante et répartie par taches, préférer letraitement chimique après recépagepréalable, beaucoup plus efficacequ’une intervention manuelle.

Cibler les interventions en dégage-ment manuel si possible exclusivementcontre la clématite : toute mise enlumière profite en effet prioritairementà cette dernière. Proscrire l’enlèvementdu recrû ligneux qui, en contribuant àl’ambiance forestière, limite le déve-loppement de la clématite.

Couper les pieds de clématite et leslaisser sécher en cime plutôt que dechercher à les extirper (opération inutile).

Lorsque les cloisonnements sylvi-coles servent d’appui à la clématite,envisager l’entretien chimique de cesderniers.

Éviter le travail du sol qui a tendanceà favoriser le marcottage de la clématite.

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Une technique confortable : « la canne Pascals »

L’envahissement par la clématite n’est souvent constaté que trois à quatre annéesaprès l’ouverture du peuplement. Le diagnostic de présence est donc tardif au regarddes deux à trois années d’installation durant lesquelles les pieds de clématite sedéveloppent discrètement. Or, durant ces toutes premières années, la plante estfacilement accessible pour une application manuelle d’herbicide par humectation.Seule la confusion avec le lamier jaune impose un certain coup d’œil pour repérer lesjeunes pieds de clématite dans la strate herbacée. L’humectation, ou badigeonnage,satisfait la contrainte de précision nécessaire à la préservation du reste de lacouverture végétale et permet de limiter au maximum l’application de matière active.

La canne « Pascals » mise au point à Pont-à-Mousson permet de régulerefficacement l’installation de cette adventice. Cette canne est constituée d’unmanchon de canne à pêche (réservoir) équipé d’une mèche en coton faisant office detampon à son extrémité qui dépasse de la canne-manchon. Une bouillie à 3,6 % deglyphosate (soit 10 % de produit commercial) appliquée sur les très jeunes pieds declématite les fait disparaître en une quinzaine de jours. Le succès est spectaculaire. Lescontraintes d’utilisation (météo, hygiène et sécurité) de cette technique sont lesmêmes que pour un traitement classique.

Cette technique a été testée sur la clématite et le frêne en FD de Puvenelle, et en FCde Martincourt (54). Après sept années d’expérience, nous pouvons évaluer l’efficien-ce du procédé :

un coût maximal équivalent à celui du dégagement manuel traditionnel (150 à 300euros/ha selon la densité),

un seul passage, ou au maximum deux, quand il en fallait parfois jusqu’à dix (soit uneéconomie de l’ordre de 80 % en moyenne sur les pratiques traditionnelles),

une intervention plus précoce (semis) qui libère de l’espace pour la biodiversité,un impact visuel et mécanique quasiment nul,une tâche appréciée par le personnel.

Pour davantage de précisions, contacter Claude Robert (ONF, DT Lorraine).

Parcelle en régénération envahie par la clématite

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Vers une approche préventivedu problème

Une faible longévité des grainesdans le solCompte tenu d’une part de la fantas-tique capacité de croissance, de fructifi-cation et de dissémination de la clémati-te, d’autre part de la grande difficultétechnique à la maîtriser une fois dévelop-pée, enfin de l’impossibilité économiqueà financer de tels investissements répé-tés, il est essentiel de concevoir une stra-tégie de lutte préventive : il s’agit princi-palement de pouvoir éviter la mise enlumière de parcelles riches en plantuleset en graines. Cette approche préventiveconduit à s’interroger sur les conditions

écologiques permettant la germinationdes graines, ainsi que sur la longévité desgraines dans le sol. Une étude récentemenée conjointement par l’INRA etl’ONF (voir encadré ci-contre) a montréque les graines disséminées au prin-temps, après un hiver passé sur le pied-mère, germent rapidement et en totalitédans la saison de végétation qui suit,quelles que soient les conditions d’éclai-rement (y compris à l’obscurité). Cettefaible longévité des graines dans le solest un élément nouveau très encoura-geant en faveur d’une gestion préventivedu problème posé par la clématite : lesgraines n’ayant pas la faculté de resterdormantes au sol, un délianage réalisésuffisamment tôt dans l’année précé-

dant la mise en lumière permettra deréduire considérablement le potentielde germination l’année suivante.

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Contrôle de la clématite avant plantation par glyphosate(essai STIR Nord Est AR 94.14.02)

Objectif de l’essai : évaluer une stratégie de lutte préventive (avant plantation)en zone rouge (terrain bouleversé suite aux guerres), dans un peuplement de pinnoir à transformer en hêtraie par plantation avec abri latéral.Localisation : FD du Morthomme (55), parcelle 25 sur sol brun calcique assezsuperficiel à forte pierrosité, terrain bouleversé, absence d’ambiance forestière(parcelle en bordure de champ).Dispositif : 6 placettes localisées dans 6 bandes à planter : on compare 3 bandestémoin non traitées à 3 bandes traitées deux fois avec du glyphosate en plein, aucanon (6 kg/ha Hockey GS). Les deux traitements ont été pratiqués en septembre1994 et septembre 1995, respectivement avant et après travaux de nivellementdu sol (mai 1995).RésultatsDans les bandes témoin, la clématite, peu présente en 1994, s’est maintenue àun niveau constant pendant deux ans pour exploser la troisième année. Trois ansaprès le début de l’expérimentation, elle forme par endroits d’épais tapis quirecouvrent les plants.Dans les bandes traitées, la situation initiale était beaucoup plus critique dès1994. Suite aux deux traitements herbicides et au nivellement du sol, la liane aquasiment disparu pendant deux ans. On la voit réapparaître fin 97, sous formede jeunes plantules réparties par taches.Le traitement glyphosate a démontré son efficacité dans des conditions d’enva-hissement critique. Néanmoins, il n’est pas suffisant pour juguler définitivement laclématite, dès lors que celle-ci est très présente alentour. Un traitement d’appointlocalisé sur les taches naissantes reste nécessaire, en complément du délianage.

Sont représentés : moyenne etécart-type des 3 bandes de chaque

traitement (témoin/glyphosate)Première notation en sept 94 réaliséeavant le premier traitement (fin sep-tembre 1994) ; nivellement du solen mai 1995 ; deuxième notation

(août 1995) réalisée avant le secondtraitement (septembre 1995).

sept 1 99 4 a out 1 99 5 oct 1 99 6 oct 1 99 7

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B andes témoinBa ndes tra itées a u glyphosa te

Reproduction de la clématite : qu’enest-il stock de graines du sol ?(d’après Vinkler et al., 2004)

Une expérimentation réalisée enconditions contrôlées à partir degraines de clématite récoltées dans leNord-Est de la France a été réaliséeafin d’apporter les premiers élémentsde connaissance concernant les condi-tions de germination de cette liane :les graines disséminées au printempsgerment-elles massivement ou sont-elles encore dormantes ? Quels fac-teurs interviennent dans ce cas pourfavoriser la levée de dormance, puis lagermination ? La lumière, en particu-lier, est-elle nécessaire à une germina-tion massive des graines ?Les résultats obtenus montrent que lesgraines disséminées au printempssont viables pour 94 % d’entre elles,et sont en grande partie dormantes.Mais cette dormance n’est pas trèsprofonde : l’alternance journalière destempératures 5/15 °C, qui se rap-proche des températures minimales(nuit) et maximales (jour) observées auprintemps en Lorraine, est suffisantepour déclencher la germination massi-ve (83 %) et rapide des graines. Cettegermination a lieu quelles que soientles conditions d’éclairement (y com-pris obscurité).

En conditions naturelles, le froid etl’humidité subis par les grainesdurant l’hiver, puis les températuresfraîches observées durant la nuit auprintemps, suffisent vraisemblable-ment à déclencher la germinationmassive des graines dans la saisonde végétation qui suit. Cette obser-vation rend donc très peu vraisem-blable la survie des graines dans le solplusieurs années consécutives, ce quiconstitue un élément très encoura-geant en faveur d’une gestion préven-tive du problème : le délianage réali-sé une à deux saisons avant l’ouvertu-re des peuplements permet de rédui-re très significativement le risque degermination de plantules.

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Itinéraire pour une maîtrise préventi-ve de la clématiteUne méthode pour maîtriser la clémati-te, combinant un délianage préventifet un contrôle chimique avant régéné-ration, peut donc être envisagée.

Cette stratégie doit s’appuyer dansun premier temps sur un diagnostic dumassif : il s’agit d’identifier, parmi les

parcelles dont l’ouverture est prévueprochainement, celles où le risqued’envahissement par la clématite est leplus important. Cette étape doit êtreréalisée avec attention, en observantbien ce qui se passe au sol (la clémati-te y est souvent très discrète avant lamise en lumière), et dans les houp-piers, y compris des parcelles voisines.

Dans un deuxième temps, un effortde délianage doit être réalisé au coursd’une des deux années précédant lamise en lumière de ces parcelles : ils’agit de couper les lianes présentesdans les arbres adultes des parcellesconcernées, sans oublier les lisières etclairières des peuplements voisins enallant assez loin du côté des vents

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Mise en œuvre d’un traitement chimique contre la clématite : quelques repères techniques

Produits utilisables (selon les informations disponibles en juin 2005)Aucun produit à base de triclopyr ne peut être préconisé car il n’y a pas de spécialité autorisée pour un usage forestier à une dose per-mettant une efficacité suffisante.Il convient donc de se tourner vers des herbicides permettant d’apporter 4320 g/ha de glyphosate acide ou N-phosphonomethylgly-cine (nom chimique de la substance pour laquelle MONSANTO a déposé le nom de glyphosate). Cet acide est formulé en liquide sousdifférents sels d’amine, l’un d’entre eux ayant été renommé sulfosate (480 g de cette amine correspondent à 360 g de glyphosate).Parmi les herbicides homologués pour un usage en forêt à ce jour, les produits suivants sont utilisables (dans la mesure où on parvientà en trouver en stock, les gammes commerciales évoluant fréquemment) :

sous l’appellation glyphosate- ROUNDUP BIOVERT (MONSANTO) en l’utilisant à 12 l/ha ; cette spécialité présente l’avantage d’une absence de classement toxi-

cologique grâce à une formulation sans adjuvant nocif ; un recours à une telle formulation impose, pour ne pas perdre l’avantage surle plan toxicologique, de ne pas l’utiliser en rajoutant un mouillant classé Xi ou Xn ;sous l’appellation sulfosate

il faut alors 5760 g/ha de substance active et la spécialité est classée Xn (nocif), mais il est possible de l’utiliser avec un adjuvant quipermet d’améliorer l’efficacité dans les cas les plus difficiles, ou d’envisager de réduire la dose d’herbicide à 10, voire 8 l/ha, sur de laclématite encore peu installée.- BASE BROUSSAILLES (COMPO, distribué par AROLE) ; dose conseillée pour le contrôle de la clématite : 12 l/ha ; peut voir son effi-

cacité accrue par l’adjonction de 3 l/ha d’HERBIDOWN (725 g/l d’huile minérale paraffinique avec un émulgateur, sans classementtoxicologique, commercialisé par TOTAL et AGRIDYNE, distribué par AROLE).

Remarque : le TOUCHDOWN Système 4 (SYNGENTA) et le SHINAÏ Forêt (COMPO France) n’ont été homologués que tout récem-ment et à 6 l/ha seulement : à cette dose l’efficacité devrait être insuffisante sur la clématite. Aucun emploi d’huile mouillante n’estprévu dans la documentation accompagnant ces herbicides ; leur formulation, comme celle du ROUNUP BIOVERT a été étudiée defaçon à obtenir l’exemption de classement toxicologique et l’adjonction de certains adjuvants pourrait compromettre la sécurité sup-plémentaire ainsi offerte.

Époque d’applicationDe juin à mi-septembre. La clématite se comporte vis-à-vis de sulfosate-glyphosate comme une herbacée et non comme un ligneux :l’efficacité est bonne même en période d’élongation. Il n’est pas nécessaire d’attendre la fin d’une pousse et la phase d’accumulationdes réserves pour que le traitement soit efficace comme c’est le cas pour la plupart des ligneux. Il convient cependant de ne pas trai-ter tard à l’automne pour avoir un délai suffisant pour la systémie lié à la distance entre feuillage et organes de réserve, surtout sil’on traite des clématites bien installées.

Technique de mise en œuvrePas d’exigence particulière, en dehors des précautions d’usage associées à toute application d’herbicide. En régénération, il convientd’éviter autant que possible les matériels qui provoquent la création de brouillard, tels que les pulvérisateurs pneumatiques, parfoisdésignés sous les noms de « canon » ou d’« atomiseur ». Ces engins sont souvent retenus pour leur capacité tout terrain du fait del’absence de rampe. Si leur emploi ne peut être évité, il faudra veiller à ce qu’il n’y ait pas de convection ascendante. Le brouillard ainsigénéré ne doit en aucun cas s’élever vers le feuillage des semenciers.

Prix de revientProduit : 90 à 150 €/ha Frais d’application : pulvérisateur sur tracteur : 50 à 100 €/ha

pulvérisateur à dos : 160 à 240 €/hasoit un coût total pouvant varier de 150 à 400 €/ha.

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dominants. Ce délianage devra êtremaintenu dans les années suivantespour éviter tout nouvel afflux degraines.

Enfin, si la clématite est déjà instal-lée au sol dans ces parcelles, le travailde délianage doit impérativement êtrecomplété par un contrôle chimiquede la clématite, notamment le longdes lisières et dans les trouées (voirencadré p. 17). Cette interventionnécessitera généralement deux pas-sages sur des zones bien localisées : lepremier en visant les « bouchons » declématite bien visibles avant la coupe,le second après l’ouverture du peuple-ment, pour contrôler les clématites quivégétaient à l’ombre sous le peuple-ment et qui profitent de la mise enlumière. Ce second passage imposera,dans le cas des plantations, de laisserpasser une année entre la coupe et laplantation et, dans le cas des régéné-rations naturelles, il faudra accepter desacrifier certains semis préexistants desessences souhaitées si ces dernierssont en mélange trop intime avec laclématite. La volonté de ne perdreaucun semis peut en effet conduire àlaisser des points d’appui à la clémati-te pour la reconquête de la parcelle.Or, s’il est possible de juguler la cléma-tite en préparation, il faut garder à l’es-prit qu’il n’existe pas de solution éco-nomique en dégagement. Dans l’étatactuel des connaissances, délianageet contrôle chimique doivent doncêtre associés de façon très complé-mentaire pour gérer au mieux lessituations difficiles où la clématitereprésente un risque important. Onévitera ainsi des dégagements coû-teux, répétés et peu efficaces.

Des méthodes alternatives de contrôlede la clématite, notamment par luttebiologique, pourront peut-être, à l’ave-nir, permettre d’éviter le recours au trai-tement chimique. Une piste séduisanteconsisterait à limiter l’installation de laliane en permettant, préalablement àla mise en lumière, la mise en placed’une espèce végétale « couvre-sol »qui constituerait un obstacle physiqueau développement de la clématite(sous réserve que cette espèce ne pré-sente pas un inconvénient du niveau

de celui de la clématite ou des herbi-cides envisagés). De tels essais ontdéjà été tentés avec des légumineuses,mais sans succès probant.

Dans l’état actuel des connaissances,c’est donc dans le sens d’un diagnosticattentif de la présence de clématite etde son risque d’extension qu’il fautfaire porter l’effort : pour vaincre défi-nitivement la clématite dans les massifsqu’elle a largement colonisés, il faudraprévoir un investissement en délianagerelativement léger, mais continu surplusieurs années, et concentré sur leslisières et l’ensemble des surfaces àouvrir dans les deux années suivantes :ce n’est qu’à ce prix que la clématitecessera d’être une menace.

Isabelle VINKLERENGREF, Nancy (54)

[email protected]

Claudine MULLERINRA, unité de recherches sur les

semences forestièresNancy (54)

[email protected]

Claude ROBERTONF, DT Lorraine

service recherche et progrès [email protected]

Pilippe PERNODETONF, agence Meurthe-et-Moselle Nord

unité territoriale de la Woë[email protected]

Antoine GAMACEMAGREF, unité de recherche

« Écosystèmes forestiers »Nogent sur Vernisson (45)

[email protected]

Remerciements

Les auteurs remercient vivement lesnombreux personnels ONF ayant parti-cipé aux échanges consacrés à la clé-matite.

Bibliographie

BAARS R., KELLY D., 1996. Survival andgrowth responses of native and intro-duced vines in New Zealand to lightavailability. New Zealand Journal ofBotany, vol. 34, pp. 389-400

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ans un peuplementforestier à vocation de

production de bois d’œuvre, unarbre objectif est un arbre choisi endébut de phase d’amélioration pourparvenir au terme du cycle sylvicultu-ral et être exploité selon les critèresoptimaux d’exploitabilité.En futaie régulière, ces arbresconstituent donc l’essentiel du peu-plement final avant régénération.Ce sont par conséquent des arbresau profit desquels on travaille enpriorité lors des éclaircies. Si la dési-gnation est tout à fait envisageableen futaie irrégulière, pour les mêmesraisons que celles mentionnées auparagraphe « Pourquoi désigner ?», sa mise en œuvre diffère par rap-port à la futaie régulière et ne seradonc pas abordée dans cet article.

La désignation est l’opération sylvicolequi consiste à choisir ces arbres dans unpeuplement et à les repérer physique-ment à la peinture.

La désignation, une méthodequi évolue

La désignation d’arbres dans un peuple-ment est une technique apparue dans lesannées 1970. Au départ, ce sont les« arbres de place » qui étaient identifiéssur le terrain. Ces arbres étaient répartis

idéalement sur toute la parcelle pourconstituer le peuplement final. On comp-tait alors sur la sylviculture pour qu’ils pro-duisent de la qualité, mais c’était suresti-mer l’action du forestier par rapport aupotentiel génétique des tiges.

Ensuite la désignation a évolué vers lechoix de tiges très élancées, élaguéesnaturellement très haut, pour la plupartd’entre elles codominantes. La sylvicul-ture faite à leur profit devait leur per-mettre d’accélérer leur croissance etainsi occuper tout l’espace au momentde l’entrée en phase de régénération.Or il s’est avéré que les éclaircies profi-taient finalement plus aux arbres domi-nants conservés à proximité. Lors deséclaircies successives, les marteleursétaient alors conduits à prélever desarbres initialement désignés, phénomè-ne accentué par une trop forte densitéde tiges désignées, ce qui a nuit à l’ima-ge de cette méthode.

La désignation des arbres de placeintervenait également trop tard (lesjeux étaient faits). De ces échecs,les forestiers ont tiré des leçons quileur ont permis d’améliorer la tech-nique. La désignation des arbresobjectif aujourd’hui n’a plus grand-chose à voir avec la désignation desarbres de place d’hier (voirtableau 1 ci-après).

La désignation des arbres objectif

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Désignation d’arbres objectif en chênaie

La désignation des arbres

objectif constitue une

étape clé de la conduite

sylvicole des

peuplements : pourquoi

désigner ? Quand et

comment réaliser cette

opération ? Quels

peuplements privilégier ?

Voici une synthèse à

vocation très pratique.

Y. S

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Pourquoi désigner ?

La désignation permet de seconcentrer vers une production debois d’œuvre de qualité.Les arbres pour lesquels on va travaillersont choisis avec soin à leur contact etavec le temps nécessaire, alors que lorsd’un martelage sans désignation lechoix des arbres à favoriser se fait à dis-tance et rapidement. Avec les résineux,la désignation est toujours confondueavec un élagage : dans ce cas la quali-fication de la tige est artificielle etsimultanée à la désignation.

La désignation garantit une crois-sance soutenue et donc une bonnestabilité des arbres objectif.Elle facilite la mise en œuvre d’une syl-viculture dynamique en favorisant leséclaircies par le haut, effet importantdans les situations de premières éclair-cies en retard. Elle assure une continui-té de l’action en concentrant les inter-ventions au profit des mêmes arbrestout au long de la vie du peuplement.

La désignation peut contribuer aumaintien du mélange d’essences.Outre le choix des arbres objectif quiconstitueront le peuplement final, ladésignation peut aussi concerner destiges dont l’âge et le diamètre d’ex-ploitabilité moindres conduiront à unerécolte intermédiaire (cas du merisierdans une chênaie).

La désignation facilite et améliore lemartelage.

Séparer le choix des arbres à favoriserde celui des arbres à enlever permetd’améliorer la qualité du martelage.Dans un peuplement, plus le choix destiges pour lesquelles le forestier doittravailler est complexe et nécessitebeaucoup de réflexion, de technicité,plus la désignation apporte un gainsignificatif en terme de temps et dequalité de travail. La désignation inciteà faire des choix au bon moment, ce quiest indispensable en présence d’uneconcentration de beaux arbres qui nepourront être conservés ensemble jus-qu’au terme du peuplement.

La désignation permet une meilleu-re protection des arbres de qualitécontre les dégâts d’exploitation.

Les arbres désignés et repérés, quiconstitueront l’essentiel de la valeurlors de la récolte finale, sont plus res-pectés lors des exploitations car lesindemnités pour blessure aux arbresobjectif sont dissuasives (l’indemnitépeut être multipliée jusqu’à 25 par rap-port à une tige ordinaire).

Réflexions entendues sur ladésignation…

Cela prend du temps…Le temps passé à désigner se récupèreau marquage des éclaircies suivantesqui sont plus aisées donc plusrapides… et de meilleure qualité !

À quoi ça sert, on martèle aussi biensans…L’éclaircie est une intervention qui doitse faire le plus possible au profit destiges de qualité, elle ne doit pas secontenter d’éliminer les « moches etles tarés » : ce doit être une opérationpositive. Or le repérage des bellestiges prend du temps car il doit être faitau pied de l’arbre, temps dont on nepeut disposer à chaque martelage. Ens’aidant de la désignation, le marteleurconcentre son effort au profit de laqualité et réalise un travail plus soi-gneux.

Après désignation le martelage estmoins intéressant…Au contraire, marteler efficacement auprofit des arbres désignés est déjà d’untrès grand intérêt. Dans le cas où l’iti-néraire retenu prévoit également uneéclaircie dans le peuplement d’accom-pagnement, le martelage combinedeux opérations complémentaires.

Certains arbres objectif sont remis encause lors des martelages suivants…Cette constatation a souvent été faiteaprès les désignations d’arbres deplace. La priorité donnée à l’époque àla répartition et au choix de tiges bienélancées, donc plutôt codominantes(avec un houppier peu développé), enest la cause, ainsi que la désignationd’une trop forte densité de tiges. Avecle choix d’un nombre limité d’arbres,correspondant à la densité finale, surdes critères prioritaires de vigueur et

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TAB. 1 : ÉVOLUTION DE LA DÉSIGNATION DANS LE CAS DU CHÊNE SESSILE EN FD DE MONTARGIS

Époque Années 70 Aujourd’hui

Nom des tiges Arbre de place Arbre objectif

MéthodeChoix d’un arbre par rectangle

de 11,5 x 12,5 mChoix à l’avancement par bande de 25 m de large1

Stade 70 à 80 ansHo = 20 m (fertilité 1) à 19 m (fer-

tilité 2), soit entre 45 et 53 ans

Critères de choix2

par ordre de priorité

1 - l’espacement 2 - la rectitude3 - la qualité

1 - la vigueur et la dominance2 - la qualité de la bille de pied

3 - l’espacement

Nombre 70/ha 55 (fertilité 1) à 70/ha(fertilité 2)

1 25 m correspondant à l’entraxe des cloisonnements d’exploitation ; pour désigner 60 tiges par hectare,

15 arbres doivent être repérés sur 100 m de long (voir encadré ci-dessous).2 Si l’ordre de priorité entre les critères de vigueur, qualité et espacement a évolué, le critère de bon état

sanitaire de la tige choisie a été et est toujours primordial.

Formule pour calculer le nombrede tiges à désigner dans un peu-

plement cloisonné

Mon peuplement est cloisonné àE mètres d’axe en axe.Je cherche à désigner (ou à conser-ver lors d’un dépressage ou uneéclaircie) une densité de D tiges/ha.Le nombre de tige N à désigner surune longueur de L mètres sur mabande est égal à :

N = E x D x L/10000.

Ex. : dans le cas d’une désignation de chênesur une bande de 25 m de large de 60 arbresobjectif par hectare, je choisis 25 x 60 x 100/10 000 soit 15 arbres tous les100 m.

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de dominance, cette remise en causene concerne plus que 2 à 3 % desarbres objectif. Si cela arrive, un rem-plaçant peut être recherché dans lepeuplement d’accompagnement.

Quels arbres désigner ?

Le critère principal pour le choix d’unarbre objectif est la vigueur, traduitepar son diamètre et son statut dedominant. Le fait qu’il ait un dia-mètre plutôt supérieur à celui de sesvoisins est déjà un avantage (ilatteindra son diamètre d’exploitabili-té plus rapidement). Son caractèrede dominant lui confère un houppierbien développé qui lui permettra demieux réagir que ces voisins auxéclaircies et donc de conserver sonstatut tout au long de la vie du peu-plement.

Le second critère est la qualité de labille de pied. Il ne s’agit pas dejuger l’arbre dans son entier, maisuniquement de la partie qui consti-tuera l’essentiel de la valeur aumoment de la récolte finale. Il fautfaire abstraction de ce qui pourraitêtre considéré comme un défaut auniveau de la surbille et du houppier(sauf cas de fourche à risque élevé decasse avec entre-écorce). Les critèresde qualité dépendent de l’essence.Ils peuvent être parfois discrets (casdes picots sur le chêne) et nécessi-

tent donc de bien observer la tige deprès. Avec les résineux, c’est l’élaga-ge qui crée la qualité des tiges dési-gnées.

Enfin la répartition, traduite parl’écartement moyen entre tiges, estle dernier critère à prendre en comp-te pour le choix des arbres objectif.Si les tiges de qualité sont rares oumal réparties dans le peuplement, ilne faut pas hésiter à en sélectionnerdeux côte à côte jusqu’à pratique-ment la moitié de l’écartementmoyen :

écartement minimum de 8 m pourune densité de 60 à 70 AO/ha

écartement minimum de 4-5 mpour une densité de 200 AO/ha.

Le but de la désignation n’est pasd’assurer une répartition théoriquedes tiges en vue du renouvellementdu peuplement, au risque de recon-duire les erreurs commises avec lesarbres de place, mais avant tout dechoisir les arbres les plus vigoureuxet de la meilleure qualité possible.Mais il ne faut pas non plus aboutir àune surdensité d’arbres désignés surune parcelle, ce qui serait contre pro-ductif. L’espacement moyen entrearbres objectif correspond à la densi-té finale recherchée qui dépend prin-cipalement de l’essence et de l’itiné-raire technique retenu pour une ferti-lité donnée (voir tableau 2).

Quand désigner ?

La sélection des arbres objectif est àfaire dès que la phase de qualificationest terminée, c’est-à-dire lorsque la billede pied est formée et que l’on peutjuger de sa qualité. Elle doit intervenir àun moment où le statut des arbres s’eststabilisé et qu’il n’y a plus trop de risquede changement. Le meilleur momentdépend donc de l’essence concernée.

Avec le chêne sessile destiné à la pro-duction de bois à grain fin, c’est lorsquela hauteur dominante du peuplementest de 20 m (en classe de fertilité I) à18 m (en classe III), que le choix desarbres objectif est fait, en général justeavant la troisième éclaircie. Pour lehêtre, c’est plutôt avant la premièreéclaircie, à la sortie de la phase de com-pression qui a permis à l’élagage naturelde former la bille de pied, qu’il est réali-sé (soit entre 15 et 18 m de hauteurdominante dans la majorité des cas).Avec les résineux, la désignation estréalisée avant que les tiges ne soienttrop grosses pour bénéficier d’un élaga-ge, c’est-à-dire avant que le diamètremoyen des tiges ne dépasse 20 cm.

Dans quels peuplementsdésigner ?

La désignation est conseillée dès lorsque l’on cherche à produire de la qua-lité supérieure. C’est pratiquementtoujours le cas avec les feuillus, pourlesquels la mise en œuvre exige de latechnicité si l’on ne veut pas refaire leserreurs du passé. Mais si son intérêtincite à vouloir la généraliser, il fautparfois faire des choix de priorité.

Aussi la désignation est à privilégier :dans les peuplements où les tiges de

qualité sont rares. Les martelages ydeviennent vite ennuyeux et il est alorsfacile de passer à côté d’une belle tigesans intervenir à son profit.

Dans les peuplements où la détermi-nation des tiges de qualité de l’essen-ce objectif nécessite une observationsoigneuse à proximité de l’arbre, parceque les défauts peuvent être discrets.C’est le cas pour les chênes (bour-geons dormants, picots, galle…).

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TAB. 2 : EXEMPLES DE DENSITÉ D’ARBRES OBJECTIF DE L’ESSENCE PRINCIPALE PRÉCONISÉS DANS LES GUIDES

Essence Fertilité (Ho/âge) Densité E. m.1 Référence

Chêne sessile Moyenne (28 m à 100 ans) 60 à 70 14 à 13Guide de la chênaie

atlantique

Chêne rouge Très bonne (30 m à 50 ans) 60 14Le chêne rouge du domaine atlantique

Frêne Bonne (30 m à 60 ans) 60 14 Bulletin technique n° 31

HêtreBonne (35 m à 100 ans)

Bonne (30 m à 100 ans)

70

50 à 60

13

15 à 14

Guide d’Île-de-FranceNord-Ouest (projet)

Guide Lorraine (projet)

Douglas Très Bonne (36 m à 50 ans) 180 8Guide douglas national

(projet)

Épicéa Bonne 250 7DT Bourgogne -ChampagneArdenne et Franche-Comté

Pin laricio Bonne 220 7 DT Centre-Ouest

1 E.m. = écartement moyen, pour une distribution en quinconce

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RDV techniques n° 9 - été 2005 - ONF

Dans les peuplements où les pre-mières éclaircies interviennent enretard, soit en facilitant la réalisationd’une éclaircie très dynamique soit enréalisant deux éclaircies plus modéréesmais à intervalle réduit au profit desarbres désignés.

Dans les peuplements où les tiges dequalité sont nombreuses. Le risque estde marquer des éclaircies trop faibles etde ne pas faire le choix entre les bellestiges trop proches les unes des autres.

Dans les peuplements très mélan-gés. Le martelage est dans ce cas unvrai casse-tête et devient facilité par ladésignation. Elle permet de contrôlerle nombre de tiges du mélange tem-poraire pour lequel on va travailler.

Pour les résineux, sur les meilleuresclasses de fertilité où l’élagage sera lemieux rentabilisé.

La désignation est à éviter :dans les rares peuplements sur des

stations à faible potentialité qualitative.Il s’agit de contextes où l’on sait qu’onne fera jamais de la production de qua-lité (à distinguer des peuplements oùon peut trouver des tiges de qualitémais où elles sont rares du fait proba-blement du passé sylvicole, et où ladésignation est recommandée).

François CHIÈZEONF, agence du Loiret

unité territoriale Les [email protected]

Thierry SARDINONF, direction technique

département forêtsToulouse

[email protected]

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Guide pratique de la désignation en feuillu

Désignation

Elle se fait en équipe, en virée et à l’avancement.En feuillu, la désignation se fait hors feuille.Les critères de choix retenus sont précisés avant le début de l’opération.

Quelques arbres peuvent être désignés en commun pour s’assurer que le critèrede vigueur est bien pris prioritairement en compte par tous : l’erreur la plus cou-rante à éviter est de choisir plutôt un codominant à l’allure générale flatteuse(longue surbille aux branches fines) par rapport à un arbre plus gros et qui auraitla hauteur élaguée souhaitée mais pas plus.

Puis- aller directement sur le plus gros dominant ;- s’il est de bonne qualité ou de qualité au moins égale à ceux qui l’entourent, le

désigner ;- s’il est de qualité médiocre, choisir le plus gros parmi ceux de qualité supé-

rieure. Dans ce cas, le gros dominant est prélevé presque systématiquement àl’opération de martelage qui suit.Signalisation des arbres objectif : ils doivent être facilement repérables par les

marteleurs mais aussi par les exploitants (plusieurs possibilités : 2 points ou2 traits horizontaux diamétralement opposés, 1 anneau…).

Les arbres de qualité ne sont que très rarement répartis de manière homo-gène : ne pas hésiter à adapter l’espacement entre arbres objectifs sans se res-treindre à l’espacement moyen (ne pas refaire les « arbres de place ») !

Martelage

La désignation doit être réalisée peu de temps avant le marquage d’uneéclaircie afin que les arbres objectif puissent tout de suite bénéficier d’uneintervention.

Se servir de la désignation pour marteler : travailler d’abord au profit del’arbre objectif, puis, si l’itinéraire technique choisi le nécessite, éclaircir dans lepeuplement d’accompagnement.

Exploitation

En début d’exploitation, rappeler à l’exploitant, mais surtout au bûcheron queles amendes peuvent être multipliées par 25 en cas de dégâts sur les AO. C’esttrès dissuasif.

Suivi optionnel

La désignation est une occasion de faire un suivi dendrométrique léger despeuplements.

Lors de l’opération de désignation, mesurer le diamètre des arbres objectif (vule faible nombre de classes de diamètre rencontré dans un peuplement, le plussouvent 2 ou 3, les arbres sont comptabilisés avec un compteur).

Reprendre les mesures avant les éclaircies suivantes. On dispose ainsi dunombre et du diamètre moyen des AO de la parcelle, bonne base pour un suividendrométrique.

La désignation des arbres objectif dans un peuplement :

c’est concentrer les efforts sylvicolessur les tiges de qualité supérieuresqui constitueront le peuplementfinal ;c’est optimiser la protection des tigesd’élites vis-à-vis des dégâts d’exploi-tation ;c’est la possibilité d’un suivi dendro-métrique des arbres qui constituentl’essentiel du revenu du peuplement.

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RDV techniques n° 9 - été 2005 - ONF���������

À travers des exemples pratiques d'études, d'analyses bibliographiques, de travaux et d'expériences de terrain, ce dossier illustre la diversité de contributions que les réseaux de compétences naturalistes peuvent produire à destination des gestionnaires.

Les réseaux de compétences naturalistes de l'ONF

p. 24 Réseaux naturalistes de l'ONF : une valorisation des compétences

p. 42 Gîtes sylvestres à chiroptères : une étude pour mieux connaître

p. 26 Rapaces diurnes et gestion forestière

p. 34 Cenococcum geophilum : un champignon méconnu et pourtant omniprésent

p. 38 Dégradation des arbres par des champignons lignivores

p. 46 Recommandations sylvicoles pour la conservation de Rosalia alpina

DossierDD

par Jean-Marc Brézard et Patrice Hirbec

par Hubert Voiry

par Thierry Noblecourt

par Bernard Almeras et Hubert Voiry

par Laurent Tillonles facteurs environnementaux

par Alain Perthuis

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RDV techniques n° 9 - été 2005 - ONF

Réseaux naturalistes de l’ONF : unevalorisation des compétences

a loi d’orientation forestièrede 2001 et le contrat État-

ONF 2001-2006 ont réaffirmé l’importan-ce d’une gestion multifonctionnelle dela forêt française et plus particulièrementdes espaces confiés à l’ONF. La prise encompte de la biodiversité est donc unecomposante essentielle de la gestiondes forêts publiques.

Le chapitre III du contrat État-ONFprécise que l’Office accompagnera lapolitique du ministère en charge del’environnement en développant dansles forêts domaniales des mesures deprotection ou de gestion favorables àla biodiversité par la création d’unréseau de réserves biologiques dotéesd’un observatoire, de réserves natu-relles, et apportera un concours auxplans nationaux de sauvegarde d’es-pèces de la faune et de la flore. Autitre I, il est prévu la réalisation fin 2006d’un bilan patrimonial de la forêtdomaniale à renouveler tous lescinq ans ainsi que le renforcement desrelations avec les organismes interve-nant dans le domaine de la protectionde l’environnement.

Par ailleurs, l’ONF est impliqué dans lamise en place du réseau Natura 2000 : ilgère des espaces forestiers et associés àla forêt de grande valeur, avec un degréde naturalité souvent élevé du fait del’ancienneté du couvert arboré. L’ONFest actif dans la rédaction de documentsd’objectifs (20 % de ces documents degestion des sites sont rédigés par l’ONF)comme dans l’animation des sites où laforêt publique est prédominante.

Pour ces raisons, et dans le cadre de lanouvelle organisation de l’ONF et dudéveloppement du travail en réseauxthématiques, il a été jugé nécessairede disposer en interne d’une capacitéd’expertise naturaliste de haut niveau.Alors qu’il y a 30 ans, le forestier natu-raliste exerçait son activité naturalistedans le cadre associatif en dehors du

service, dès les années 1990, les spé-cialistes « environnement » étaientconnus au moins au niveau départe-mental. En 1994, un groupe cigognenoire s’est constitué avec le soutiende la direction technique et commer-ciale de l’époque, pour mieuxconnaître cette espèce et accompa-gner son retour dans certains grandsmassifs forestiers de France après delongues années d’absence. En 2000, ladirection régionale de Bourgogne aofficialisé l’existence d’une celluled’études naturalistes qui a fourni unimportant travail dans le cadre du pro-gramme Life Forêts de la Bourgognecalcaire et milieux associés.

La diversité des origines et des motiva-tions des personnels qui travaillentaujourd’hui à l’ONF font qu’un certainnombre d’entre eux y sont venus parintérêt pour la nature. Jadis d’originemajoritairement rurale, les forestièreset forestiers sont maintenant pourbeaucoup d’origine citadine. La média-tisation de l’environnement, la loi sur laprotection de la nature de 1976, ledéveloppement des loisirs de plein air,ont rendu « curieux de nature »nombre de jeunes qui ont eu le choixentre des formations nouvelles axéessur l’environnement, et les filières plustraditionnelles de l’enseignement agri-cole ou des grandes écoles.

Les réseaux de compétences natura-listes sont composés de personnesvolontaires dont les connaissances(acquises lors de leur formation initia-le, en formation continue ou au coursde leurs loisirs) ont été validées parles animateurs de chaque réseau etles pilotes nationaux.

La note de service 04-G-1150 du3 février 2004 a mis en place en placeles réseaux de compétences natura-listes suivants :

réseau avifauneréseau entomologie

réseau mycologieréseau mammifères non ongulésréseau arboreta.

Le réseau arboreta, qui sera présentédans un prochain n° de Rendez-voustechniques, est un réseau de sites,animé par le Conservatoire génétiquedes arbres forestiers qui dépend dudépartement recherche de la directiontechnique.

En 2004, ce sont près de 60 personnesqui composaient les quatre premiersréseaux de cette liste pour un équiva-lent de 8 temps pleins. Ces quatreréseaux sont pilotés conjointement parla direction de l’environnement et dudéveloppement durable (DEDD -département biodiversité) et la direc-tion technique (département forêts).

Les missions et les objectifsdes réseaux de compétences

naturalistes

Les principales missions des réseauxde compétences naturalistes sont lessuivantes :

la veille sur le thème propre au réseau,la définition de protocoles d’études

et d’inventaires, l’interprétation desrésultats, l’élaboration de rapports desynthèse,

la diffusion des connaissances à des-tination de la communauté techniqueONF et au sein du réseau (par alimen-tation d’une branche sur intraforêt, despublications, des comptes rendus decolloques, la communication interne…),et le soutien à des opérations de com-munication du département communi-cation ou de son réseau, dans leurdomaine de compétence,

la participation en tant que forma-teur à des stages de formation initia-le ou continue organisés par ledépartement de la formation eninterne ou en partenariat (avecl’Atelier technique des espaces natu-rels par exemple),

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RDV techniques n° 9 - été 2005 - ONF

la communication externe en présen-tant les réseaux et leurs travaux dans descolloques nationaux et internationaux,

la participation aux activités de sou-tien technique (rédaction de guides,de référentiels…),

le soutien à la gestion du réseau desréserves biologiques,

le soutien aux dossiers Natura 2000en forêt domaniale,

l’appui et le suivi des plans de pro-tection ou de restauration des espècesmenacées.

Divers aspects de ces missions serontillustrés à travers les articles qui consti-tuent ce dossier.

Moyens

Le temps de personnel est pris en char-ge par le siège ; des moyens financierssont délégués aux directions territo-riales pour les frais de fonctionnementcourant ; des moyens spécifiques sontalloués pour les missions de représen-tation dans des réunions, des colloquesen France et à l’étranger. Une note deservice annuelle faisant référence à lacharte des réseaux précise la composi-tion des réseaux, et leur fonctionne-ment administratif.

Bilan d’une année defonctionnement

Nous détaillerons l’exemple de la pre-mière année de vie du réseauMammifères non ongulés. Comme laFrance ne compte que très peu de labo-ratoires scientifiques qui travaillent surles mammifères et la forêt, l’année 2004

a été mise à profit pour faire un point surl’écologie et la situation des mammi-fères en forêt, et plus spécialement leschiroptères, groupe pour lequel l’ONFest reconnu pour ses compétences. Sil’inventaire bibliographique commenceà s’étoffer, même si les documents sontencore peu accessibles, la récupérationde données de terrain qui existent à cejour s’avère plus délicate du fait desgrandes différences dans la récolte desdonnées. Plusieurs tests ont donc étéamorcés sur les techniques d’échan-tillonnage et de suivi des chauves-souris,afin d’uniformiser les procédures métho-dologiques, et de rendre les informa-tions comparables entre elles. Les pre-miers résultats montrent que le réseaupossède aujourd’hui un outil méthodo-logique permettant de proposer des sui-vis sur les terrains de chasse, sur les sitesde reproduction et d’hibernation intrafo-restiers, même dans les arbres (voirarticle de L. Tillon p. 42 dans ce dossier).Ces suivis ne sont enrevnche pas encoreréalisables pour les autres groupes (car-nivores et micromammifères). Ceci laissedonc présager un avenir studieux à ceréseau, avec de nombreux partenariats.Juin 2005 a été marqué par le premierstage propre au réseau sur les méthodesd’inventaire et de suivi des mammifères,mettant à contribution des intervenantsextérieurs (INRA, groupe mammalo-gique breton). Enfin, des enquêtes ontété lancées en 2004 pour la collecte dedonnées permettant ensuite d’engagerdes actions de gestion sur les sitesreconnus d’importance majeure pour laconservation des mammifères sur lessites relevant du régime forestier.

En bref et en complément des actionsdont la liste a été donnée auparavant,on peut relever que le réseau entomo-logie a lui aussi travaillé à l’exploitationdes nombreuses revues concernant lesinsectes, et à la formation de sesmembres, en l’axant sur une spécialisa-tion par groupes taxonomiques.L’animateur du réseau a participé à uncolloque international en Estonie surles insectes saproxyliques.

Le réseau avifaune a consacré unegrande partie de son temps à la collec-te des données sur les 460 points

d’écoute des oiseaux implantés enforêt domaniale dans le cadre de lamise en œuvre du protocole de suivides oiseaux communs du Muséumnational d’histoire naturelle, qui est undes indicateurs du bilan patrimonial. Larédaction de 14 fiches pour les Cahiersd’espèces oiseaux dans le cadre deNatura 2000, la participation auxréunions des comités de pilotage desplans de restauration du balbuzard, dumilan royal, ou à des colloques natio-naux (et en Hongrie sur les cigognes),sont aussi à signaler.

Le réseau mycologie s’est constitué en2004 ; son animateur a participé à uncolloque sur les champignons ligni-vores avec un représentant du réseauarbre-conseil et proposé un protocoled’étude des champignons dans les RBI.

Les évolutions prévisibles

La création de la DEDD avec desmoyens dédiés va permettre d’amélio-rer le fonctionnement des réseaux decompétences naturalistes ; lescontacts sont renforcés avec les diffé-rentes organisations non gouverne-mentales s’intéressant à la nature(Ligue pour la protection des oiseaux,Société française pour l’étude et la pro-tection des mammifères, Union ento-mologique de France, sociétés myco-logiques...), et le Muséum nationald’histoire naturelle. La création d’unréseau regroupant les experts sur laflore et les habitats naturels est envisa-gée. Pour des groupes plus restreints(comme les reptiles et amphibiens) ouplus difficiles à aborder (mousses,lichens), l’identification de spécialistesest programmée.

Jean-Marc BRÉZARDONF, direction technique

département forê[email protected]

Patrice HIRBECONF, direction de l’environnement

et du développement durabledépartement biodiversité

[email protected]

Pilotes des réseaux naturalistes

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L. T

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Le stage du réseau mammifèresen juin 2005 a été l’occasion pour

chacun de se former sur lesméthodes de suivis des micro-

mammifères en forêt

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RDV techniques n° 9 - été 2005 - ONF

Rapaces diurnes et gestion forestière

La gestion forestière représente une composante importante de la conservation des

espèces de rapaces diurnes. À l’heure où la prise en compte de la biodiversité est

reconnue et affichée, l’auteur présente le point des connaissances sur ces espèces

symboliques et patrimoniales de l’avifaune de France, et les actions à mettre en œuvre

dans les forêts relevant du régime forestier.

e 2000 à 2002, la com-munauté ornitholo-

gique nationale (1700 observateursissus de 131 associations ornitholo-giques ou organismes dont l’ONF),sous l’égide de la Ligue de la protec-tion des oiseaux (LPO), et avec lacoordination scientifique du Centrenational de la recherche scientifique(CNRS), a conduit, à la demande duministère de l’Écologie et du déve-loppement durable (MEDD), un

recensement des rapaces diurnesnicheurs de France métropolitainedont les résultats viennent d’êtrepubliés (Thiollay et Bretagnolle,2004). L’ouvrage, auquel le lecteurpourra se référer en complément decet article, souligne l’importance desmilieux forestiers pour bon nombred’espèces ainsi que la responsabilitéde la France qui abrite plus de 20 %des populations européennes deneuf espèces dont cinq bien pré-

sentes en forêt. Les monographiesspécifiques comprennent une cartede répartition, une carte d’abondan-ce, une fourchette d’estimation, etprésentent la taxonomie, l’écologie(habitat, régime alimentaire, migra-tion, traits démographiques, biolo-gie de reproduction), la distributionet les effectifs, la dynamique et lestendances, la conservation. Deuxpetits chapitres évoquent la migra-tion et l’hivernage ainsi que la situa-

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DD

Espèces forestières Période de présence Site reproduction Régime alimentaire

Bondrée apivore 04 à 09 arbres de futaies hyménoptères

Milan noir 03 à 08 ripisylves, lisières varié

Milan royal* 02 à 09, sédentaire SW lisières varié

Vautour moine* sédentaire pins tabulaires charognard

Circaète Jean-le-Blanc* 03 à 09 pins tabulaire, chênes méditéranéens reptiles

Busard Saint-Martin sédentaire partiel au sol dans régénérations petits mammifères et oiseaux

Busard cendré 04 à 08 au sol dans régénérations petits mammifères, invertébré.

Autour des palombes* sédentaire arbres de futaies oiseaux

Épervier d’Europe sédentaire perchis, lisières oiseaux

Buse variable sédentaire arbres de futaies varié

Aigle royal* sédentaire falaises, arbres de futaies résineuses mammifères et oiseaux

Aigle botté* 04 à 08 arbres de futaies oiseaux

Balbuzard pêcheur* 03 à 09 pins tabulaires poissons

Faucon crécerelle sédentaire lisières avec nids de corvidés petits mammifères, invertébrés

Faucon hobereau 04 à 09 arbres de futaies claires, lisières, avec nids de corvidés invertébrés, oiseaux

Rapaces rupestres parfois installés dans les massifs forestiers

Gypaète barbu* sédentaire cavité ossements

Vautour fauve* sédentaire vire protégée (en colonie) charognard

Vautour percnoptère* 03 à 09 cavité charognard

Aigle de Bonelli* sédentaire cavité mammifères, oiseaux

Faucon pèlerin* sédentaire vire protégée, cavité oiseaux

*= espèce montrant un fort attachement à son site nid

Présentation synthétique du cycle annuel, du site de reproduction et du régime alimentaire des espèces se reproduisant dans la forêt française

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RDV techniques n° 9 - été 2005 - ONF���������

Espèce Nombre couplesTendance d’évolution

Répartition nationaleEffectif Distribution

Bondrée apivore 11-15 000 0 0 Partout sauf régions basses méditerranéennes et Corse

Milan noir 22 500-26 000 +1 +1 Sauf large bande NW-N, SE partie et Corse

Milan royal 3200-4200 0 +1 Diagonale SW à NE plus Corse

Vautour moine 8-10 N N Réintroduit dans les Causses

Circaète-Jean-le-Blanc 2400-2650 0 0 Au sud de l’axe Vendée-Sologne-Jura

Busard Saint-Martin 7800-11 200 +1 +1 Partout sauf bordures Sud et Est

Busard cendré 3800-5100 F 0 Surtout Centre-Ouest, NE, du massif central au Roussillon

Autour des palombes 4600-6500 +1 +1 Partout, rare au nord de l’axe pays de Loire/Pas de Calais

Épervier d’Europe 27-48 000 +1 +1 Tout le pays

Buse variable 125-176 000 +1 0 Tout le pays

Aigle royal 400-450 0 0 Alpes, Pyrénées, Sud Massif central

Aigle botté 380-650 0 0 Le long d’une diagonale NE/SW

Balbuzard pêcheur 380-740 +2 +1 Centre et Corse

Faucon crécerelle 72-110 000 0 0 Tout le pays

Faucon hobereau 6500-9500 +1 0 Tout le pays

Rapaces rupestres parfois installés dans les massifs forestiers

Gypaète barbu 37 0 0 Alpes, Corse, Pyrénées

Vautour fauve 540-600 +2 +1 Alpes, Causses, Pyrénées

Vautour percnoptère 69-75 0 0 Causses, Provence, Pyrénées

Aigle de Bonelli 23 -2 -2 Pourtour méditerranéen

Faucon pèlerin 1100-1400 +2 +2 Massifs montagneux et littoral de la Manche

Effectifs et répartition en France d’après l’enquête 2000/2002 des rapaces forestiers nicheurs, et tendances* d’évolution au cours du dernier quart du XXe siècle (d’après Livre rouge)

Évolution des effectifs/de la distribution : +2 = augmentation supérieure à 50 % ; +1 = augmentation comprise entre 20 et 50 % ; 0 = stabilité ou variations com-prises entre +20 et – 20 % ; -1 = diminution comprise entre 20 et 50 % ; -2 = diminution supérieure à 50 % ; F = effectifs fluctuants ; N = nouvelle espèce nicheuse

* = les tendances mentionnées ne proviennent pas de l’enquête 2000-2002 qui ne fournit pas de preuves de cette évolution (à l’exception de quelques espèces àfaibles effectifs telles le balbuzard pêcheur) faute de pouvoir comparer aux résultats antérieurs obtenus avec des protocoles distincts.

tion des rapaces diurnes des dépar-tements et territoires d’outre-mernon concernés par cette enquête.

Les rapaces forestiers

L’Hexagone abrite vingt-quatreespèces de rapaces diurnes repro-ducteurs. Quinze d’entre elles (soitprès des deux tiers) nidifient dans lespeuplements forestiers, parmi les-quelles trois y sont marginales(Busard cendré, Aigle royal et Fauconcrécerelle) bien que régulières. Enl’absence de définition d’un rapaceforestier, et bien que toutes lesespèces possèdent des domainesvitaux qui sortent des massifs, nousretiendrons les espèces qui sereproduisent dans les arbres et les

différents faciès de la forêt. Ellesappartiennent à l’ordre desAccipitriformes et aux familles desAccipitridés (12 espèces), desPandionidés (1 espèce) et desFalconidés (2 espèces).Quelques taxons supplémentaires, ànidification rupestre, sont égalementinstallés dans les périmètres fores-tiers à la faveur de parois rocheuses :l’aigle de Bonelli, le faucon pèlerin,le gypaète barbu, les vautours fauveet percnoptère, toutes espèces àforte valeur patrimoniale dans notrepays.

Curieusement, parmi les indicateursde gestion durable des forêts fran-çaises (MAP, 2000) figure l’élanionblanc, rapace des milieux ouverts !

Rapaces et gestion

La France héberge plus de 20 % deseffectifs européens de neuf espèces :bondrée apivore (21-23 %), busardcendré (26 %), busard Saint-Martin(52-56 %), buse variable (25-27 %),circaète Jean-le-Blanc (31-35 %), fau-con crécerelle (26-28 %), fauconhobereau (21-22 %), gypaète barbu(30-32 %) et milan noir (55-58 %).L’enquête souligne l’importance desmilieux forestiers pour la reproduc-tion des rapaces diurnes français (ilsabritent les plus fortes densitésreproductrices) notamment, à desdegrés divers, pour les neuf espècesprécitées. Le bilan patrimonial, inscritau contrat État/ONF, retient deuxrapaces au titre d’indicateurs des

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espèces patrimoniales : le balbuzardpêcheur et le milan royal. Ce mêmecontrat nous demande de participeraux plans nationaux de restaurationdont sept intéressent actuellementdes rapaces présents dans les ter-rains gérés par l’ONF : aigle deBonelli, autour des palombes sous-espèce Corse, balbuzard pêcheur,gypaète barbu, milan royal, vautourmoine, vautour percnoptère.L’annexe 1 de la directive Oiseauxmodifiée du 2 avril 1979 liste vingtespèces de rapaces nicheurs enFrance comprenant dix-sept desvingt recensées dans les terrains rele-vant du régime forestier. Quatreespèces, à savoir l’aigle botté, l’éla-

nion blanc, le circaète Jean-le-Blancet le balbuzard pêcheur, sont listéesdans l’indicateur 4.6 de la gestiondurable des forêts françaises.Ceci implique une prise en comptede ce patrimoine, élément de la bio-diversité, et confère à notre gestionune forte responsabilité.Deux axes de menaces sont souventévoqués pour les milieux forestiers :

la fragmentation des boisements,marquée principalement en plaine. Ellene nous paraît pas de première impor-tance pour les forêts domaniales etcommunales qui constituent des mas-sifs de grande étendue et auxquelles lerégime forestier offre des garantiesfortes de maintien ;

la gestion forestière et tout particu-lièrement les travaux pendant la pério-de de reproduction.

Actions recommandées

Suivis et localisation des couples etdes nidsConnaître est la première nécessité.Les inventaires ZNIEFF et ZICO sontde précieuses sources d’informa-tions. Les relations avec les ornitho-logues locaux sont toujours enrichis-santes.Les inventaires exhaustifs d’une forêten interne et/ou avec des partenairesexternes nécessitent une techniquelourde qui combine la recherche desnids (beaucoup d’espèces sontfidèles à leur site de reproduction) etl’observation des cantonnements(parades, transports de matériaux oude proies…) depuis des postes àlarge visibilité (à l’extérieur des mas-sifs si nécessaire) entre février etaoût. Dans de nombreux endroits,des passionnés les mettent en œuvreet les publient. Un des derniersexemples en date concerne la presti-gieuse forêt de Tronçais (03)(Fombonnat, 2004) où l’auteur syn-thétise vingt-deux années de suivi. Enforêt domaniale d’Orléans (45),depuis 1995, sous l’égide de laDIREN, un comité de pilotage multi-partenaires définit et réalise le suiviannuel de la population de balbuzardpêcheur et les opérations à mettre enœuvre, de même qu’à Chambord parle personnel de l’établissement.Lors de chaque révision d’aménage-ment le point des connaissances méri-te d’être réalisé et pris en compte,d’autant que, pour les espèces les pluslocalisées et à valeur patrimoniale éle-vée, la situation est généralementconnue avec beaucoup de précision.Le réseau avifaune de l’ONF peut natu-rellement apporter sa contribution.Il est également possible de solliciterles équipes de marteleurs qui locali-sent de nombreux nids dont la positionpourrait être repérée (éventuellementà la peinture sur le terrain, au GPS) surle croquis de la feuille de martelagepuis transmise au correspondant biodi-versité de l’UT (qui peut être formé au

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Les grandes étapes du retour du balbuzard pêcheur reproducteur enFrance continentale et de son suivi

1984 : découverte en FD d’Orléans (45), nidification régulière depuis 1985.Suivi permanent du couple pionnier jusqu’en 1995 (surveillance, information,

mesures limitatives des exploitations et de la chasse, clôture du site, interdictionphotos et recueil de données biologiques).

Nouvelles découvertes en 1991, puis installation à Chambord en 1995.Étude commandée par l’ONF en 1995 (Pratz, 1996) et début du programme de

baguage (CRBPO), mise en place d’un comité de pilotage régional avec les par-tenaires associatifs et administratifs (2 réunions annuelles).

Ouverture de l’observatoire du Ravoir en 1996, puis de la MF de la forêt avecretransmission caméra en 2001.

Plan d’action national de 1997 à 2003, embauche d’un emploi jeune.En 2004, population dynamique (21 couples nicheurs) avec une bonne produc-

tivité tandis que d’autres indices d’installation se manifestent en France.

Alain PerthuisONF, DT Centre-Ouest

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besoin) pour identification. Le sommierde la forêt doit être renseigné et l’agentdu triage impliqué dans les mesuresconservatoires mises en œuvre.De par leur présence sur le terrain, lesagents de l’ONF sont conduits à ren-contrer de nombreux rapaces dont cer-tains peuvent être marqués (baguescouleur, décoloration du plumage,marques alaires). Une attention particu-lière mérite d’être apportée lors detelles rencontres. Il convient de consi-gner le maximum de détails qui seronttransmis au réseau avifaune.

Plusieurs espèces bénéficient deréseaux structurés de suivis et sur-veillance, souvent dans le cadre deplans d’action nationaux. L’ONF a natu-rellement sa place comme partenairedans ces structures et siège dans lescomités de pilotage.

Gestion des habitatsIl semble que la gestion en futaie àlongue révolution soit favorable auxrapaces qui occupent préférentielle-ment les lisières, ce qui est incontesta-blement un cas de figure fréquent dansnos forêts ! Le maintien de bouquetsde pins dans les peuplements feuillusest considéré comme favorable caroffrant une meilleure dissimulation dunid en début de reproduction avant lapousse des feuilles.Quelques espèces affichent une grandefidélité à leurs nids : rapaces rupestres,balbuzard pêcheur, aigle botté, autourdes palombes, milan royal… Aussi lemaintien sur pied des arbres porteurs etle respect de leur environnement immé-diat est-il conseillé : lors d’une couped’amélioration, ne pas marteler dans unrayon égal à la hauteur de l’arbre du nidà conserver ; lors d’une coupe définitiveou rase, soit s’assurer qu’un milieu desubstitution proche existe, soit maintenirun îlot (de taille variable selon l’espèceet la situation, pouvant aller de quelquesarbres isolés pour le balbuzard pêcheurà quelques ha pour l’autour Corse). Pourles espèces emblématiques, il est pos-sible de s’orienter vers la mise en placed’une réserve biologique. Suivant uneapplication stricte de la loi, une autorisa-tion serait même nécessaire pour l’abat-tage d’un arbre avec nid (DIREN

Centre) ! Dans des cas précis, il est pos-sible de construire des aires artificielles.Une récente étude bourguignonne sou-ligne qu’après les tempêtes de fin 1999,la population d’autour des palombespeut rester cantonnée jusqu’à un seuilde perturbation du peuplement de30 % (Penteriani et al., 2002).Plusieurs espèces (bondrée apivore,grands aigles, circaète…) souffrent dela fermeture des milieux ouvertsnécessaires à leurs activités de chasse.Il convient de ne pas s’acharner sur leboisement des terrains dont la rentabi-lité forestière reste hasardeuse.

Dans l’Aude, une gestion appropriée apu être mise en place à destination del’aigle royal.Dans les landes du Pinail (86), lareconstitution des landes est mêmeprogrammée pour fournir aux busardsdes milieux propices qu’ils ne trouventplus dans les espaces d’agriculturecéréalière intensive.Les busards nichent au sol dans les cou-verts de landes ou de régénération.Lors des créations ou des entretiens decloisonnements, à réaliser de préféren-ce en dehors de la période critiqued’avril à juillet, il est toujours possible

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Le gypaète dans les Pyrénées

Six agences pyrénéennes de l’ONF gèrent des espaces naturels propices auxdifférentes activités vitales du gypaète. Leurs personnels sont donc sensibilisés,pour les opérations de gestion, à la prise en compte des besoins de cet animalemblématique.L’ONF est par ailleurs impliqué dans un réseau d’observation spécifique dugypaète (voir Chollet, 2003). Ce réseau est animé par la LPO et piloté par laDIREN Aquitaine. Il regroupe des services de l’État et des collectivitésterritoriales, des associations naturalistes, des gestionnaires de réservesnaturelles et des structures d’éducation à l’environnement de part et d’autre desPyrénées. L’ONF y intervient plus particulièrement sur la prospection et le suivi decouples, sur des comptages transfrontaliers et des opérations de nourrissage.Depuis 2002, les actions de ce réseau sont partiellement financées par unprogramme INTERREG.

Dans le futur, l’ONF et la LPO envisagent de collaborer pour la détermination deZPS (zone de protection spéciale) dédiées au gypaète ainsi que la mise en placed’actions de gestion conservatoires spécifiques de ces zones, qui pourraient êtrefinancées par le MEDD.

François CholletONF, DT Sud-Ouest

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de relever le broyeur (à défaut de sur-seoir) sur quelques dizaines de mètresautour du point de décollage de la cou-veuse afin de préserver la nichée(consignes aux chauffeurs). Plusieurscouples peuvent être établis dans lamême parcelle et sont généralementdémonstratifs lors d’intrusions sur zone.

En Corse, dans le cadre d’un program-me LIFE Nature pour une gestionconservatoire des habitats à pin laricio,piloté par l’ONF, un guide techniquepermettra une meilleure prise encompte de la sous-espèce cyrno-sardede l’autour des palombes, dont moinsde 100 couples peuplent l’île.

S’il est illusoire de vouloir interdire tousles travaux forestiers pendant la périodede reproduction, ceux-ci doivent néan-moins être réfléchis en prenant en comp-te la présence de ces espèces, toutcomme pour l’ouverture de nouvellespistes. C’est sans conteste le problèmemajeur des relations forestiers/rapaces et

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L’aigle royal dans l’Aude

L’aigle royal (Aquila chrysaëtos), dont l’aire de répartition est situéedans l’hémisphère Nord, se rencontrait autrefois en France dans tousles grands massifs montagneux et forestiers, y compris en plaine. Lesaigles ont été décimés au 19e et début du 20e siècle. La réglementa-tion, à compter de 1970, et l’interdiction du DDT, ont mis fin à ce quisemblait une irréversible disparition. Aujourd’hui, l’espèce a reconquisl’essentiel des massifs de l’arc alpin, des Pyrénées et du centre et suddu Massif central. L’enquête nationale de 2000/2002 permet d’estimerla population nationale à 412/432 couples nicheurs.

Dans l’Aude, c’est entre 100 et 1800 m d’altitude que 16 couplesterritoriaux se partagent une vingtaine de territoires. Face à l’abandondes espaces pastoraux et aux dérangements occasionnés par lesactivités humaines, l’ONF et la LPO ont rédigé une plaquette sur laconnaissance et la protection de l’aigle royal dans l’Aude(Recommandations pour la gestion de l’aigle royal dans l’Aude,ONF/LPO – 12/1993). Ce document richement illustré et fortementdocumenté a été diffusé auprès de l’ensemble des personnels del’ONF du département, des administrations, des élus des collectivitésforestières, des professionnels exploitants et entrepreneurs forestierset enfin, des services forestiers concernés en France par l’aire derépartition de l’aigle royal. La LPO Aude s’est chargée de la diffusionauprès du public.

À la suite de cette initiative une réelle sensibilisation a permisd’engager des actions de réouverture de milieux (également mise enœuvre ailleurs à destination de l’aigle de Bonelli par pâturage ovin). L’ONF a entrepris de 1995 à 1999 sur son budget travaux,sept opérations de réouverture de milieux au profit de l’aigle royal dans les forêts domaniales, représentant une surface de21,5 ha. L’ONF a souvent avancé l’objectif de réhabilitation d’espaces en faveur des grands rapaces au même titre quel’objectif de lutte contre les risques d’incendie lors du montage des projets de coupures vertes pastorales. L’objectifd’amélioration du potentiel alimentaire de chasse de l’aigle royal a permis de renforcer aux yeux des financeurs l’intérêt desprojets à vocation DFCI dans certains secteurs de la Montagne noire en particulier.

Les renouvellements des peuplements par transformation dans les grandes forêts domaniales des Corbières occidentalesoffrent encore à l’aigle royal des surfaces de chasse non négligeables dans un contexte local fortement frappé par la dépriseet la reforestation. Enfin des opérations de brûlage dirigé a forte vocation cynégétique, visant la dynamisation des populationsde petit gibier sont susceptibles de profiter fortement aux grands rapaces.

Relevons que le conseil général de l’Aude, cofinanceur habituel avec la région, l’État et la Communauté Européenne del’ensemble de ces actions de protection des milieux et des espèces présente sur son site Internet (www.cg11.fr) un documentinteractif remarquable ayant pour vocation une meilleure connaissance des rapaces nicheur de l’Aude.

Thierry RutkowskiONF, DT Méditérranée

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le sujet sur lequel des demandes serontformulées dans les DOCOB (documentsd’objectif) ! L’application ne devrait passouffrir d’exceptions pour celles bénéfi-ciant d’un plan de restauration. Le péri-mètre de sécurité préconisé, adapté à latopographie, varie de 100 à 300 m derayon. Il est donc nécessaire pour lesexploitations de mentionner des restric-tions aux clauses particulières (du typeclause biodiversité : exploitation =abattage, façonnage, débardage, inter-dite du… au…) et de différer les travauxsylvicoles à une autre période. La DTAuvergne-Limousin a rédigé avec leconcours d’un ornithologue spécialisteune plaquette très détaillée sur le circaè-te Jean-le-Blanc en instance de parution.

Dans les futaies feuillues du Nord-Ouest, les derniers stades de la régé-nération abritent régulièrement etpresque exclusivement la reproductiondu faucon hobereau. Nicheur tardif,l’envol de la nichée intervient autourdu 15 août ; aussi l’abattage de cescoupes devrait-il se réaliser après le1er septembre par exemple voire plustard, ce qui limiterait également l’abat-tage en feuilles sur semis.De nombreux massifs conduits depuisdes décennies en futaie régulière pré-sentent des peuplements très fermés.Des éclaircies plus vigoureuses bénéfi-cient à la biodiversité en général et auxrapaces en particulier.

Contrôle des perturbations, sensibili-sation, formationL’accueil du public prend une placecroissante dans nos missions et les acti-vités sportives et de loisirs se dévelop-pent dans les milieux forestiers. Unerègle de base consiste à s’abstenir d’or-ganiser des activités de groupe à l’inté-rieur des parcelles au printemps, a for-tiori à proximité de zones de reproduc-tion identifiées. Les chercheurs de muesde cerf, incontrôlés et difficilementcontrôlables, sont mentionnés commesource perturbante à Tronçais(Fombonnat, 2004). Ponctuellement, lesbattues de chasse de fin de saison délo-calisent les oiseaux (vautour moine dansles Causses par exemple). De la mêmemanière il ne sera pas délivré d’autorisa-tions de photographie ou prise de son

au nid pour les espèces bénéficiant d’unplan national (le gypaète barbu bénéfi-cie d’un arrêté réglementaire –24 février 2000 – sur un rayon de 700 m).La négociation doit permettre de réglerces aspects de même que l’informationdes adjudicataires avec au besoin men-tion aux clauses particulières des lots.La fermeture des pistes à la circulationautre que professionnelle est unemesure intéressante aux abords dessites de reproduction.En milieu rocheux, les conflits sont fré-quents pour le partage des parois. Lessolutions négociées (au besoin avecchartes ou convention), ont jusqu’ici lar-gement prévalu. Le recours à l’arrêté deprotection de biotope existe si ledésaccord persiste.A contrario, la visite canalisée et/ou enca-drée est éventuellement possible commesur le site du Ravoir en forêt domanialed’Orléans où l’on peut observer directe-ment à distance, sans le déranger, le bal-buzard pêcheur et sa famille, ou l’admirerpar retransmission vidéo dans le cadred’une maison de la forêt voisine.

Les programmes de formation profes-sionnelle incluent des modules ornitholo-giques, les rapaces y tiennent leur place.Les membres du réseau avifaune peuventau besoin dispenser des sessions ciblées.

Actions de soutienEntretien et construction d’aires

Sans juger du fondement de tellesmesures, au moins deux espèces bénéfi-cient en France de telles opérations : lebalbuzard pêcheur et le faucon pèlerin.Pour le premier, force est de constaterque la construction d’ébauches de nidsne rencontre le succès que là où l’espè-ce est déjà implantée. Aucun des essaisréalisés ailleurs en France n’a à ce jourpermis la fixation durable d’un couple.Pour le balbuzard pêcheur, la mise àdisposition d’un nid artificiel de substi-tution peu permettre de régler sansdommages un problème de gestion !Dans le cas du faucon pèlerin, leséchecs répétés de 20 % des couplesjurassiens avec pour causes l’insalubri-té de l’aire choisie et son accessibilitéaux prédateurs ont conduit à entre-

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Prise en compte de l’avifaune endémique dans les habitats à pin laricio deCorse, autour des palombes cyrno-sarde Accipiter gentilis arrigonii

(Kleinschmidt, 1903)

Dans le cadre du programme LIFE Nature (LIFE00NAT/F/7273) – pour unegestion conservatoire des habitats à pin laricio (2001-2004), piloté par l’OfficeNational des Forêts – région Corse, une des nombreuses actions du programme(D1) vise le suivi de la faune endémique et la réalisation d’un guide techniquepour la prise en compte des populations par les propriétaires et lesgestionnaires. Deux espèces ont pu bénéficier de cette action : la sittelle corseet l’autour cyrno-sarde.

L’autour des palombes cyrno-sarde est un oiseau sédentaire forestier dont lapopulation est estimée entre 37 et 80 couples en Corse. La fragmentation desdonnées sur ce faible effectif nous a contraint à cibler notre recherche en partenariatavec le parc naturel régional de la Corse sur les ZPS. Nous avons réalisé unensemble d’inventaires ciblés sur les stations les plus propices durant les périodesoptimales suivant un protocole et des fiches de suivis pré-établis ainsi qu’une fichede description de l’aire. Des massifs de l’Ospedale et Bavella au Sud aux territoiresdu Nord, d’Asco à la forêt d’Aitone, des centaines heures d’observations ont permisde connaître un peu mieux l’utilisation du domaine vital et de localiser quelqueszones de nidification. Ces données seront bientôt intégrées dans un guidetechnique qui permettra une meilleure prise en compte de cette espèce forestièredans les plans de gestion et les aménagements forestiers.

Dominique ChéryONF, DR Corse

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prendre le ré-aménagement ou l’amé-nagement de nombreuses aires artifi-cielles dans les parois rocheuses avecune certaine efficacité et des moyensparfois peu naturels (béton, PVC…) !Ce genre de mesure ne sera en princi-pe entrepris que dans le cadre d’unprogramme bien défini.

PerchoirsBon nombre d’espèces utilisent despostes d’affût pour chasser. Aussi le main-tien de quelques arbres sur pied, souventde faible valeur y compris des arbresmorts, dans les grandes coupes de régé-nération et rases valorise ces terrains dechasse et sert de postes de guet auxfemelles de busards qui s’y reproduisent.

NourrissagesDans le cadre de plans d’actions, lescharniers ou placettes d’alimentationfavorisent le succès de la reproduction etla survie des espèces totalement ou par-tiellement nécrophages. Des équipes del’ONF se sont vu confier l’entretien desites de nourrissage dans les Pyrénées, àdestination du gypaète barbu qui a ainsipu coloniser de nouveaux territoires.L’arrêté ministériel du 7 août 1998 a fixéle cadre réglementaire de ces pra-tiques, encadrées au niveau départe-mental par la direction départementaledes services vétérinaires. Aujourd’huiles nouvelles conditions européennes(crises épizootiques obligent) rendentson application plus difficile si desadaptations ne sont pas trouvées !

Réintroduction d’oiseauxLa remise en liberté des oiseaux réha-bilités dans les centres de soins agréésne relève pas de ces techniques (voirsite de l’union nationale des centres desauvegardes de la faune sauvage :http://www.chez.com/uncs.Les lâchers d’oiseaux dans le cadre deprogrammes de réintroduction d’es-pèces disparues ou dont les popula-tions sont au seuil de l’extinction sontdes opérations lourdes nécessitant desautorisations ministérielles. Elles s’ins-crivent dans la durée et ont jusqu’à cejour concerné trois espèces deVautours :- gypaète barbu dans les Alpes :

44 individus en France de 1985 à 2002,

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Protection des rapaces

Code de l’environnement (article L. 411-1 et article R. 211-1) qui a codifié la loidu 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature.Le code de l’environnement prévoit que pour les espèces présentant un inté-rêt scientifique particulier ou devant être préservées au titre du patrimoine bio-logique sont interdits :- la destruction ou l’enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la des-

truction, la capture ou l’enlèvement, la perturbation intentionnelle, la natura-lisation d’animaux de ces espèces ou, qu’ils soient vivants ou morts, leur trans-port, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leurvente ou leur achat ;

- la destruction, l’altération ou la dégradation du milieu particulier à cesespèces.

Les mesures de protection spécifiques à chaque espèce sont prévues par desarrêtés conjoints du ministre chargé de la protection de la nature et, soit duministre chargé de l’agriculture, soit lorsqu’il s’agit d’espèces maritimes, duministre chargé des pêches maritimes.

Arrêté du 17 avril 1981 (modifié) fixant la liste des oiseaux protégés sur l’en-semble du territoire :article 1 : Falconiformes : toutes les espèces de rapaces diurnes sous réservede l’article 4bis (qui concerne la chasse au vol et les modalités d’autorisation dedésairage d’autour des palombes et épervier d’Europe) – Strigiformes : toutesles espèces de rapaces nocturnes.

Arrêté du 9 juillet 1999 fixant la liste des espèces de vertébrés protégéesmenacées d’extinction en France et dont l’aire de répartition excède le terri-toire d’un département : gypaète barbu, vautour moine, aigle de Bonelli, fau-con crécerellette.

Directive n°79/409/CEE du conseil du 2 avril 1979 concernant la conservationdes oiseaux sauvagesArticle 4.1 : les oiseaux figurant en annexe I (24 espèces de rapaces diurnes et4 de nocturnes) font l’objet de mesures de conservation spéciales concernantleur habitat afin d’assurer leur survie et leur reproduction dans leur aire de dis-tribution (ZPS).

Convention de Berne du 19 septembre 1979 relative à la conservation de la viesauvage et du milieu naturel d’Europe (Loi n° 89-1004 du 31 décembre 1989(JORF 2/01/1990) et Décret n° 90-756 du 22 août 1990 (JORF 28 août) entréeen vigueur le 1er août 1990).Annexe II : espèces de faune strictement protégées :Falconiformes : toutes les espèces de rapaces diurnes ;Strigiformes : Tytomidae : toutes les espèces — Strigidae : toutes lesespèces

Convention de Bonn du 23 juin 1979 sur la conservation des espèces migra-trices appartenant à la faune sauvage (Loi n° 89-1005 du 31 décembre 1989(JORF 2/01/1990) et décret n° 90-962 du 23 octobre 1990 (JORF 30 oct) entréeen vigueur le 1er juillet 1990).Annexe I : FalconiformesAnnexe II : Strigiformes

Jean-Marc BrézardONF, direction technique

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- vautour fauve dans le sud du Massifcentral (gorges de la Jonte, du Tarn,de la Vis) et les Alpes du Sud(Baronnies, Diois et gorges duVerdon) : au total 284 oiseaux lâchésde 1981 à 2002,

- vautour moine dans les Causses :54 individus lâchés de 1992 à 2003.

Ces opérations ont permis le retourspectaculaire et réussi de ces grandesespèces en des lieux d’où elles avaientdisparu plus ou moins récemment(échec dans les gorges de la Vis), et s’ins-crivent dans des programmes validés àl’échelle internationale, l’ONF apportantson appui et son soutien sur le terrain.

Réseau électriqueLe réseau de transport électriquereprésente une menace forte (électro-cution, collision) pour les oiseaux et enparticulier les rapaces (686 cas recen-sés de 1982 à 1991, Sériot et Rocamora,1992). Cette mortalité peut se révélerpréjudiciable pour les espèces au sta-tut fragile. Divers dispositifs existentpour réduire avec efficacité ce facteur(rendre visible les câbles, systèmesd’effarouchement, enfouissement deslignes). Leur mise en place est à étudierau cas par cas sur les tronçons à proxi-mité des sites de reproduction fores-tiers pour les espèces patrimoniales.

Protection juridiqueLes dispositions législatives et régle-mentaires accordent une protectionstricte en tout temps à toutes lesespèces de rapaces diurnes de notreterritoire métropolitain (Art. L.211-1 ducode rural et arrêté modifié du 17 avril1981). Seules des autorisations ministé-rielles (arrêté du 31 janvier 1984) auto-risent le désairage pour la pratique dela chasse au vol d’exemplaires d’éper-vier d’Europe ou d’autour despalombes. Pour de telles demandesinstruites dans les forêts relevant durégime forestier, nous conseillons l’ap-plication des principes suivants : nepas intervenir sur des couples isolés,prélever dans une aire contenant deuxà trois jeunes (deux dans la charte del’Association nationale des Fauconnierset Autoursiers) et éviter le prélèvementannuel dans le même nid et toujoursdirigé sur des femelles.

Plusieurs textes internationaux (directiveOiseaux, conventions de Berne et deBonn) conduisent à la mise en œuvre demesures de conservation de leurs habi-tats. Les ZICO forestières, préliminaire àla désignation des ZPS du réseau Natura2000, hébergent plus de 50 % des effec-tifs nationaux de sept espèces : aigle deBonelli, vautour moine, gypaète barbu,vautour fauve, vautour percnoptère,aigle royal, circaète Jean-le-Blanc(Deuceuninck, 2001). Le réseau desréserves biologiques de l’ONF abrite 33couples nicheurs de 10 espèces sur 225km2 en 1999 (Beaudesson, 2000).

Pour conclure…

Les actions simples préconisées neremettent pas en cause la gestion sylvi-cole qui nécessite généralement depetites adaptations, souvent localiséesdans l’espace ou le temps. Les résultatsobtenus, tel le développement du bal-buzard pêcheur dans les forêts de pro-duction de la Loire moyenne, témoi-gnent de notre volonté d’intégrer la bio-diversité en général et les rapaces enparticulier dans notre travail quotidien.

Alain PERTHUISONF, DT Centre-Ouest

service technique et rechercheanimateur du réseau avifaune

[email protected]

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Cenococcum geophilum : un champignonméconnu et pourtant omniprésent

Voici une espèce longtemps énigmatique, dont le rôle dans la nutrition des arbres,

et peut-être plus encore dans la résistance au stress hydrique, pourrait être

d’importance.

ans l’humus des solsforestiers, de nombreux

champignons s’associent aux radicellesdes arbres pour former les ectomyco-rhizes (Garbaye, 2004). À l’interface entrel’arbre et le sol, cette flore fongique joueun rôle très important en facilitant lanutrition minérale (surtout azote et phos-phore) et l’absorption de l’eau. Enretour, les arbres fournissent du sucre àces champignons bénéfiques. Un seularbre adulte peut réaliser cette symbio-se ectomycorhizienne avec une centained’espèces fongiques différentes.

Souvent considérés comme descuriosités, les mycorhizes et leschampignons mycorhiziens méritentune attention particulière, ne serait-ce que pour leur rôle majeur dans lefonctionnement de l’écosystèmeforestier. Parmi les explications surleur méconnaissance près de 120 ans

après leur découverte, signalons toutsimplement le fait que les ectomyco-rhizes de taille réduite sont difficilesà observer en forêt.

Les Basidiomycètes constituent l’es-sentiel des espèces ectomycorhi-ziennes : parmi elles figurent ungrand nombre d’espèces comes-tibles, non comestibles et parfoistrès toxiques (amanites, cortinaires,bolets, lactaires, russules, tricho-lomes, inocybes, hébélomes) etmême certaines « croûtes ».Toutefois, il existe aussi desAscomycètes ectomycorhiziens : onpense d’emblée aux truffes maisd’autres espèces sont concernées.

Faisons justement plus ampleconnaissance avec un Ascomycètemycorhizien bien particulier :Cenococcum geophilum Fr.

Un champignon présent dansle monde entier

Le « Cenococcum » est un champi-gnon peu banal : il a une répartitionuniverselle mais sa forme sexuéen’est pas connue ! En effet,Cenococcum geophilum a été signa-lé dans les forêts tempérées, médi-terranéennes et boréales où il formedes mycorhizes avec de nombreusesespèces d’arbres : chênes, hêtre,pins, sapin, épicéa… C’est, semble-t-il, le champignon ectomycorhizienle plus répandu sur Terre. Toutes lesétudes récentes de terrain sur lesectomycorhizes le signalent !

Les connaissances sur les mycorhizesont progressé ces dernières annéesnotamment grâce à l’utilisation destechniques de la biologie moléculai-re. En 2002, une thèse financée par

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Fig. 1 : ectomycorhize de Cenococcum geophilumsur épicéa

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Fig. 2 : coupe transversale d’ectomycorhize de Cenococcum

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l’ONF et la région Lorraine a portésur la diversité génétique deCenococcum (Jany et al., 2002 ;2003). Tout récemment, la thèse deFranck Richard (2004) consacrée auxchampignons ectomycorhiziens duchêne vert en Corse signale aussil’importance de Cenococcum (voirplus loin).

Des mycorhizes d’un noir de jais

Comme l’indiquent Ponge (1988) etGarbaye (1990), les ectomycorhizesde Cenococcum ont été décrites parde nombreux auteurs. Leur couleurnoire (on parle de « jet black myce-lium », en français noir de jais) et lesnombreuses hyphes partant à angledroit constituent deux caractèresremarquables. Leur forme généraleest en massue, quelquefois dichoto-mique chez les pins mais jamais rami-fiée (figure 1). Certains auteurs évo-quent plus prosaïquement le nom de« mycorhize poilue ». Cenococcumcoexiste souvent avec d’autres myco-rhizes, en l’occurrence sur le clichéavec une mycorhize claire.

En microscopie, la mycorhize estbien caractérisée (figure 2). Le man-teau qui, comme son nom l’indiqueentoure la radicelle, est de couleurtypique noire. Il est formé des cel-lules mélanisées du champignonassemblées comme un mur de pavésronds. En dessous du manteau, setrouve une couche de cellules jau-nâtres de l’arbre : les cellules à tan-nins.Le réseau de Hartig est l’ensembledes cellules du champignon encontact avec le parenchyme végétal.Le mycelium externe formé d’hyphesépaisses noires est bien caractéris-tique.

Un champignon à sclérotes

Rappelons que chez les champi-gnons, les sclérotes sont descondensations de mycelium quiconstituent des formes de résistanceet ne se rencontrent que chez cer-taines espèces.

Chez Cenococcum, les sclérotes seprésentent sous forme de sphèresnoires d’un diamètre qui peut varierde 0,2 à 7 mm. Pour certains, onobserve des hyphes noires commechez les mycorhizes souvent reliés àdes particules de terre (figure 3).

Une énigme pour lasystématique

C’est au début du siècle dernierqu’une remarquable monographie aété consacrée à Cenococcum parFerdinandsen et Winge (1925) quiont fait le point des connaissancesde l’époque. Cenococcum n’étaitalors connu que par ses sclérotes. Ilsrapportent que ce champignon estsignalé dans de nombreux paysd’Europe dans des milieux variés :forêt, lande et tourbière. Les forêtsde hêtre sont souvent citées maisaussi les forêts de chêne, pins, etc. Ilsmontrent que c’est un vrai sclérote etqu’il ne renferme pas de sporescomme l’avaient signalé précédem-ment à tort plusieurs auteurs. Ilsémettent l’hypothèse queCenococcum peut former des myco-rhizes et concluent qu’un champi-gnon d’une telle importance doit

jouer un grand rôle dans le sol.L’appartenance à Cenococcum dusclérote et de la mycorhize n’a étéconfirmée que plus tard notammentpar Trappe (1971 in Ponge 1988).La place de Cenococcum dans la sys-tématique a constitué depuis long-temps une énigme. Ferdinandsen etWinge rapportent même qu’à leurépoque des doutes avaient été émissur sa nature fongique.

Après de nombreux errements, c’estfinalement la biologie moléculairequi a récemment pu apporter deséléments clairs de classification : enfait Cenococcum geophilum est bienun Ascomycète. Espèce à part, c’estle premier Loculoascomycète myco-rhizien. En effet, ces champignons,caractérisés par une fructificationsubglobuleuse, sont généralementsaprophytes ou parasites. Dans cegroupe, on rencontre d’ailleurs denombreuses espèces de couleurnoire. D’autre part, le fait queCenococcum soit asexué n’est pasaberrant si l’on fait une analogie aveccertaines glomales, champignonsendomycorhiziens qui ont évolué defaçon asexuée depuis le Dévonien.

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Fig. 3 : sclérote à hyphes noires

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Par ailleurs, nous ne sommes pas aubout de nos surprises : Jany et al.(2002) ont mis en évidence une fortevariabilité génétique de ce micro-organisme à l’échelle régionale. Desprélèvements de Cenococcum ontété réalisés dans cinq sites répartisdans les hêtraies lorraines aux carac-téristiques stationnelles différentes.La technique de RAPD (randomamplified polymorphic DNA) (enfrançais, amplification aléatoired’ADN polymorphe) a été appliquéeà des isolats du champignon. Ceux-ciprovenaient de mises en culture desclérotes prélevés dans les placettes.Elle a révélé une grande variabilitégénétique entre les placettes. Dansun échantillon de un dm3 de sol pré-levé dans un site, on a même pudétecter une variabilité locale en dis-tinguant jusqu’à trois types géné-tiques de Cenococcum. Tous cesrésultats impliquent pourCenococcum qu’une recombinaisongénétique a bien lieu malgré l’absen-ce de forme sexuée !

Cenococcumchampignon fossile

Ferdinandsen et Winge (1925) rela-tent que le premier paléontologue àciter l’importance de Cenococcumen tant que fossile est Weber en1896 ce qu’ils ont eux-mêmes confir-mé à partir d’échantillons fossiles.Cenococcum est signalé comme fos-sile dans la tourbe par plusieursauteurs en Scandinavie et auCanada. Il est même indiqué commele plus courant des fossiles despériodes préglaciaires (Pléistocène)et interglaciaires. Ce champignon adonc pu se développer au cours depériodes très froides puis à despériodes tempérées.

Plus récemment, des observationssurprenantes ont été réalisées dansla grotte de Ramioul située dans laprovince de Liège en Belgique, unegrotte calcaire. Parmi les décou-vertes effectuées dans ce site, onrapporte qu’en 1986, des sphèresnoires, ressemblant à du caviar,

incrustées dans les fines couchesd’argile ont attiré l’attention des per-sonnes en charge de la grotte.L’examen minutieux a révélé qu’ils’agissait de sclérotes fossilisés deCenococcum geophilum (Malloch etal., 1986). Deux formes de scléroteslégèrement différentes ont mêmeété distinguées.

Des études menées par Malloch etses étudiants en Ontario ont révéléque les sclérotes de Cenococcumpeuvent être transportés par l’eau etqu’on les trouve en abondance dansles eaux de ruissellement printa-nières. Pour le site de Ramioul, leschercheurs ont émis l’hypothèse queles sclérotes fossilisés, d’une impor-tance inhabituelle, avaient été dépo-sés sur les parois de la grande sallede la grotte lorsque les eaux de ruis-sellement avaient reculé, il y a decela entre 7500 et 2500 ans.

Ces observations illustrent l’impor-tance des sclérotes de Cenococcumgeophilum dans les sols puisqu’onles retrouve même à l’état fossile.

Importance de Cenococcum

Nous avons vu que Cenococcum étaitun champignon particulièrementabondant dans les sols forestiers. Desétudes en Scandinavie citent uneabondance relative de 15 à 18 % desmycorhizes rencontrées et une bio-masse de sclérotes de 440 kg/ha.Dans le Nord-Est de la France, l’impor-tance des mycorhizes de Cenococcumen hêtraie a été estimée à 47 % (Blaiseet Garbaye, 1983). Récemment, uneétude sur le chêne vert en Corse(Richard, 2004) donne une proportionde 24 % à 75 % d’apex mycorhizés parce champignon. Jean André (commu-nication personnelle) a observéCenococcum partout dans les sols depessière à myrtille dans les Alpes maisréparti de façon hétérogène : il estplus abondant dans les mor et lesmoder que les mull et à un endroitdonné plus présent dans la couche OHque la couche OF.

D’autre part Cenococcum geophilumest connu pour sa production d’anti-biotiques. Ponge (1988) en observantminutieusement un humus sous pinsylvestre a pu observer des figuresde dissolution bactérienne à proximi-té du champignon. Il a aussi noté laprésence de Cenococcum à l’inté-rieur d’aiguilles ou à la surfaced’écorces de pins laissant supposeraussi une activité saprophytique duchampignon.

Des études physiologiques en condi-tions contrôlées montrent queCenococcum est moins performantque d’autres Basidiomycètes commeLaccaria laccata ou Paxillus involutuspour la nutrition des arbres.Toutefois, Cenococcum présente uneaptitude particulière : il est plusrésistant au stress hydrique que lesautres mycorhizes et il permet auxracines absorbantes de rester fonc-tionnelles plus longtemps. Il a mêmela capacité de remplacer les autreschampignons symbiotes déficientslors de ces phases de sécheresse(Jany, 2003). Cenococcum est doncun élément important des écosys-tèmes forestiers qui contribue à larésistance des arbres à la sécheresse(Garbaye, 2004) ! Une autre étude amis en évidence la résistance deCenococcum à l’action allélopa-thique* de la molinie sur des semisde chêne rouge (Timbal et al., 1990).

Enfin, Cenococcum geophilum pour-rait être influencé par des modifica-tions du sol comme l’amendementcalcique. Le Tacon rapporte qu’unapport de calcium dans une hêtraiesur sol acide en Normandie a faitdiminuer son importance (Le Taconet al,. 2001). Mais Bakker et al. (2000)trouvent plutôt le contraire dans uneexpérimentation sur chêne. La fré-quence du champignon est corréléeau pH du sol : plus le pH est élevésoit naturellement soit après amen-dement, plus il y a de mycorhizes deCenococcum. Cette question mérite-rait d’être approfondie.

����������* Tout effet direct ou indirect, positif ou négatif d’une plante sur une autre, par le biais de composés biochimiques libérés dans l’environnement.

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Comment observerCenococcum ?

Il apparaît donc que parmi la multitu-de des micro-organismes du sol etparmi les nombreuses espèces ecto-mycorhiziennes (5 000 environ enforêt tempérée), Cenococcum geo-philum est un acteur important del’écosystème forestier qu’il est sou-haitable de connaître.

L’observation des mycorhizes est pos-sible en forêt à l’aide d’une loupe deterrain. Il suffit de prélever dans l’hu-mus une racine de faible diamètre etd’enlever les particules de terre. Lecliché (fig. 4) reproduit ce que l’onpeut observer : une racine principaleet les racines courtes dont certainessont mycorhizées par Cenococcum(et d’autres par un champignon àmycelium blanc). La taille des myco-rhizes noires est d’un mm. En sallesous une loupe binoculaire et dansl’eau, l’observation est évidemmentplus aisée et on peut même consta-ter que Cenococcum est moins sen-sible au dessèchement consécutif autransport que les autres mycorhizes.

L’observation des sclérotes sur le ter-rain peut se faire sur un profil de sol.Elle est plus facile dans les sols pod-zoliques au niveau de l’horizon OH.Dans le cadre des études qui utili-sent les sclérotes, on effectue lesprélèvements par tamisage des hori-zons du sol.

Hubert VOIRYONF, agence de Remiremont

service patrimonialanimateur du réseau national

[email protected]

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Fig. 4 : observation de racines d’épicéa à la loupe

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Dégradation des arbres par des champignons lignivores

Quels sont les agents et les processus responsables de la dégradation du bois ?

Indispensable au mycologue ou au pathologiste, la connaissance des champignons

lignivores n’est pas sans intérêt dans le domaine de la biodiversité, comme dans celui du

diasgnostic des arbres en ville…

es 23 et 24 septembre2004, des journées consa-

crées à la dynamique de dégradationdes arbres par des champignonslignivores ont été organisées àTournai en Belgique par Arboresco,association d’arboriculteurs et parHainaut développement. Ce col-loque s’inscrivait dans la probléma-tique de gestion de l’arbre en milieuurbain. Il a rassemblé environ 150participants de divers pays : arbo-ristes, paysagistes, mycologues, ges-tionnaires de patrimoines arboréspublics, experts parmi lesquels unedouzaine d’experts et conseillers duréseau Arbre Conseil® ONF des DTMéditerranée, Île-de-France, Lorraineet Sud-Ouest. Parmi les intervenantsfiguraient des spécialistes en arbori-culture mais aussi des chercheurs dedifférents pays. Ce texte reprend sur-tout les informations concernant leschampignons lignivores.

Quelle dangerosité desarbres en ville ?

Dans les parcs et jardins et en ville, lesarbres ont vocation à être maintenus leplus longtemps possible. L’une des pré-occupations majeures des gestionnairesest de pouvoir évaluer leur dangerositéà l’égard du public en fonction principa-lement des risques de rupture de troncou de branches. Le diagnostic confié àdes experts s’appuie sur une analysevisuelle et sur des méthodes d’évalua-tion de la tenue mécanique de l’arbre.

Comme en milieu forestier, l’arbre enville est sujet à des attaques parasi-taires qui peuvent être liées à desfacteurs abiotiques : déficithydrique, excès d’eau, minéralisationdes sols, travaux de voirie… dont lesrisques peuvent être aggravés par lepiétinement et la pollution. Outreces pathologies, l’expert s’intéresseaux défauts de structure, et en parti-culier aux altérations dues aux cham-pignons lignivores. Il ne s’agit pasbien sûr de faire abattre un arbre dèsque l’on observe un champignon surle tronc ou les racines mais plutôt dedéterminer l’importance relative dubois carié, et son incidence sur latenue mécanique de l’arbre.

Plusieurs paramètres interviennent eten particulier l’essence et le champi-gnon incriminé. L’identification del’espèce fongique responsable de lapourriture est une information impor-tante pour le diagnostic. Nous rap-pellerons des éléments de biologiesur les champignons lignivores, leurmode d’action, les mécanismes derésistance des arbres et un aperçudes techniques de diagnostic.

Quels champignons dégradentle bois des arbres ?

Souvent répertoriés avec les crypto-games (algues, mousses, fougères…)les champignons sont en fait à pré-sent considérés comme un règne àpart : le règne fongique.

Les champignons comme les végé-taux sont immobiles et comme lescryptogames peuvent se reproduirepar des spores. Mais ils sont inca-pables de photosynthèse c’est-à-direqu’ils sont hétérotrophes.

Trois modes de vie liés à l’hétérotro-phie sont classiquement distingués :saprophyte, parasite ou symbiote.Les champignons lignivores qui nousintéressent sont des parasites ligni-coles car ils se développent sur desarbres vivants. Certains sont desparasites vrais et peuvent coloniserles tissus vivants mais beaucoup sontde réels saprophytes car ils ne peu-vent vivre que dans les partiesmortes d’un arbre vivant : branchesmortes, bois de cœur… Certains ontmême les deux facettes comme lefomès (Heterobasidion annosum)parasite d’aubier sur le pin et sapro-phyte de bois de cœur chez l’épicéa.

Ces champignons sont essentielle-ment des basidiomycètes. Les pluscourants sont appelés polypores. Ceterme recouvre des espèces coriacesà pores incrustés dans la chair et àpied absent ou rudimentaire. Lesplus connus sont le fomès, l’amadou-vier, les ganodermes, les phellins,etc. D’autres lignivores à lames sanspied sont par exemple des pleuroteset d’autres plus classiques à pied etlames sont des armillaires, hypho-lomes…

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Les ascomycètes qui constituent ungroupe immense sont peu représen-tés parmi les lignivores. CitonsUstulina deusta en forme de croûtenoire et grise.

Attaque par le champignon

Sur un arbre vivant, l’infection esttransmise en général par les sporesdu champignon à la faveur d’une« porte d’entrée ». Il s’agit soit deblessures soit d’ouvertures naturelles(branche cassée, lenticelle…). Lesplaies peuvent être provoquées pardes attaques d’insecte ou par desblessures de taille, d’élagage ou dedébardage. L’écorce est la meilleureprotection de l’arbre contre ceschampignons, et le maintien de sonintégrité est important : attentionaux blessures d’abattage et dedébardage en forêt et aux plaiesd’élagage en parc et jardins. Uneconsole d’amadouvier est capablede produire une quantité invraisem-blable de spores : jusqu’à887 000 000 par heure. Les sporespeuvent aussi être véhiculées par lasève et se développer sur un arbreaffaibli sans que la voie d’entréeparaisse évidente. Cela concerne lespourritures du tronc et des branches.

D’autres caries peuvent apparaîtresur les grosses racines ou à la basedes troncs : le fomès se propage parles spores sur les souches puis par lemycélium par contact racinaire. Lesarmillaires colonisent les racines parleurs rhizomorphes (mycélium encordons).La plupart des lignicoles peuventcoloniser le bois de cœur. Citonscomme exception une espèce quin’attaque que l’aubier du hêtre :Schizophyllum commune, petiteespèce blanchâtre à lames particu-lières.

La dégradation du bois :différents types de

pourritures

Une fibre de bois est composée enmoyenne de 50 % de cellulose, 25 %d’hémicellulose et 25 % de lignine.

Schématiquement, le bois peut êtrecomparé à un bloc de béton armé. Lalignine confère la rigidité et peut êtrecomparée au béton. La cellulose etl’hémicellulose donnent l’élasticité,c’est l’armature. Dans le détail, cescomposés se situent dans les paroisdes différentes cellules du bois.

Les champignons lignivores par leurshyphes excrètent des enzymes puis-santes capables de dégrader lescomposés du bois. En fait chaqueespèce a son mode d’action particu-lier selon son arsenal enzymatique etla réaction de l’arbre. On peut distin-guer trois grands types de pourriture.

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Une pourriture cubique

Le polypore marginé (Fomitopsis pinicola)

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Les pourritures cubiques appeléesaussi marron cubiques ou rougecubiques : elles résultent de ladégradation préférentielle de la cel-lulose (voir photo). Le bois perd deson élasticité et devient cassant.L’arbre peut se briser soudainement.Citons comme agents de pourriturecubique : le polypore soufré(Polyporus sulphureus), le polyporemarginé (Fomitopsis pinicola) (voirphoto) ou la phéole de Schweinitz(Phaeolus schweinitzii).

Les pourritures blanches : ellesconcernent près de 80 % desespèces lignivores et résultent de ladégradation préférentielle de lalignine. Le bois devient blancfibreux. Les champignons fabriquenten quelque sorte de la pâte à papier.Citons les ganodermes, le polyporegéant, les tramètes… On distingueune pourriture blanche dite simulta-née où cellulose et lignine sontdégradées. C’est le fait par exemplede l’amadouvier : Fomes fomenta-rius (voir photo).

On distingue enfin la pourriturealvéolaire : cellulose puis ligninesont dégradées par petites poches,en alvéole. Citons comme exemplel’ascomycète Ustulina deusta.

La compartimentation :réaction de l’arbre auxattaques infectieuses

Dans la phase d’infection, les pre-miers agents sont des bactéries puisdes champignons microscopiques.Les champignons lignivores s’instal-lent ensuite. Le risque d’infectiond’une blessure où le bois est mis à nudépend de la dimension de la plaie :au delà de 10 cm2 le risque devientplus important.

À la suite d’une blessure, les arbresélaborent des barrières pour limiterla progression des micro-organismesenvahisseurs et s’en protègent enisolant la zone atteinte. La créationde barrières par l’arbre est appeléecompartimentation. Ce mécanisme afait l’objet de recherches aux États-

Unis dans les années 1970 par AlexShigo.En simplifiant, on peut distinguerdeux phénomènes. D’une part, lacréation d’une zone de réaction dubois. L’arbre émet des phénols, desterpènes et bouche certains vais-seaux conducteurs avec des thylles.D’autre part, la création d’une zonede barrage marquée par une lignenoire. Le cambium forme un mur decellules qui protégera le bois quisera formé après la blessure. Cesphénomènes sont observables sur lasection d’un tronc au niveau d’uneblessure ancienne.

Dans le processus de compartimenta-tion, on peut considérer que le but ulti-me de l’arbre est la préservation de soncambium. Un arbre creux vivant est unexemple de compartimentation réussie.Toutes les essences n’ont pas la mêmeaptitude : certaines compartimententtrès bien (hêtre, charme, chêne, tilleul etérable), d’autres plus difficilement (bou-leau, marronnier, frêne).

Diagnostic de tenuemécanique

L’expertise s’appuie sur une analysevisuelle complète de l’arbre. C’est la

méthode VTA (visual tree assesment)mise au point par l’allemand ClaussMattheck. La mise en évidence, lecas échéant, d’une attaque de cham-pignons et l’identification de l’espè-ce sont des points importants decette démarche d’expertise. La diffi-culté est que le sporophore duchampignon n’est visible qu’au boutd’un certain temps. C’est la partieémergée de l’iceberg… l’arbre peutêtre carié depuis très longtemps aucœur sans que cela soit visible.Toutefois, l’expérience de l’expert luipermet de déceler des indices (écou-lements, bosses, lésions, fissures,cavités internes…) symptomatiquesd’une attaque de lignivores. L’expertidentifie également comment l’arbrea réagi à ces attaques et s’il a mis enplace les barrières de compartimen-tation. L’état physiologique est unfacteur déterminant dans la réactionde l’arbre aux agressions.

Cette analyse visuelle peut être com-plétée par l’utilisation d’outils d’aideau diagnostic : maillets, résisto-graphe, marteau à ondes sonores,sylvotest, tomographe à ondes. Ilspermettront à l’expert de quantifieret de localiser avec précision ledegré d’altération du bois par le

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Pourriture simultanée sur hêtre due à l’amadouvier (Fomes fomentarius)

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champignon lignivore. Des proto-coles ont été également mis au pointpour calculer les contraintes méca-niques maximales que pourra sup-porter l’arbre avant rupture. Ils res-tent d’un usage limité et doivent êtrecorroborés par les résultats du dia-gnostic.

Discussion

Cette approche de la tenue méca-nique des arbres en rapport avec laprésence de champignons lignivoresfournit des informations intéres-santes sur la biologie de ces espèceset sur la réaction des arbres dans un

domaine encore peu vulgarisé. Lesexperts accumulent des informationset des observations qui complètentles connaissances sur ces champi-gnons. D’autre part, ils peuvent êtreconfrontés à d’autres espèces. Toutcela milite pour un rapprochemententre experts du réseau Arbre-Conseil® et membres du réseaumycologie. Cette coopération per-mettrait de confronter les détermina-tions en cas d’espèce nouvelle etd’enrichir la connaissance de la bio-logie des espèces. Cette relation adéjà commencé puisque certainsexperts ont pu assister aux journéesde formation du campus sur les

champignons lignivores et la mycolo-gie. D’autre part, un projet communde réalisation d’un cd rom d’identifi-cation des principales espèces dechampignons lignivores est en cours.

Ces connaissances sur la biologiedes champignons lignivores sontimportantes aussi dans le domainede la biodiversité. Les champignonslignivores sont à l’origine des cavitésdes arbres qui servent ensuite derefuge à diverses populations d’in-sectes, d’oiseaux ou de chauve-sou-ris. D’autre part dans le comparti-ment bois mort, les champignonslignivores (appelés aussi saproxy-liques par analogie avec les insectes)jouent un rôle très important dans ladécomposition du bois. Les champi-gnons qui se développent sur l’arbredebout conditionnent la nature desespèces fongiques qui se succéde-ront ensuite sur le tronc couché. Laforme de pourriture a aussi sonimportance : la pourriture cubiqueretient l’eau et constitue un substratfavorable aux champignons mycorhi-ziens et à la régénération naturelle.

Les connaissances sont à conforterdans le domaine de l’arbre « cham-pignonné ». Tous les champignonsresponsables n’ont pas la même inci-dence économique ni écologique.Des recherches dans ce domaine ontété réalisées au Danemark ou enSuède. Il serait intéressant aussid’exploiter cette bibliographie.

Bernard ALMERASONF, DT Lorraine

service commercialanimateur du réseau national

arbre [email protected]

Hubert VOIRYONF, agence de Remiremont

service patrimonialanimateur du réseau national

[email protected]

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Hêtre « champignonné » (Fomes fomentarius et Fomitopsis pinicola)

H. V

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Gîtes sylvestres à chiroptères : une étudepour mieux connaître les facteurs

environnementaux

La forêt est source de biodiversité. Certains scientifiques vont même plus loin,

considérant ce milieu comme une zone refuge pour un bon nombre d’espèces. Il est

aujourd’hui admis par la plupart des chiroptérologues qui travaillent sous climat

tempéré, que la forêt est un espace où se sont réfugiées la plupart des espèces de

chauves-souris. Pourquoi en forêt ? Parce que si comme tous les espaces naturels, la

forêt subit des modifications, c’est peut-être là qu’elles sont les moins pesantes sur un

environnement global plus ou moins dégradé.

Quelques rappels sur labiologie et l’écologie des

chiroptères

L’ordre des Chiroptères compte1200 espèces au monde, dont 33 enFrance métropolitaine. Toutes lesespèces françaises sont nocturnes etinsectivores, ce qui leur impose d’utili-ser un système très perfectionnéd’écholocation (émission d’un son etretour de l’écho pour dresser une imagede l’environnement immédiat) pour semouvoir dans un espace en trois dimen-sions. Mais qui dit écholocation, dit exi-gences très fortes vis-à-vis de la structu-re du paysage. En effet, une rupture del’habitat peut empêcher un animal de sedisperser, ce dernier ayant perdu sesrepères « visuels ». Autre point impor-tant, chaque femelle met au monde unseul jeune par an, rarement deux. Laperte d’un individu au sein d’une colo-nie constitue donc un coût non négli-geable pour une colonie, dont les effec-tifs varient en fonction de l’espèce.

Ces différents points ont des consé-quences quant à l’impact de ces ani-maux sur leur environnement. Un indivi-du peut dévorer jusqu’à 50 % de sonpoids par nuit, soit pour une pipistrelle

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Murin de Natterer (Myotis nattereri)

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commune, l’équivalent de 1000 mous-tiques. De plus, certaines espèces (lesplus sensibles comme la barbastelle, lemurin de Beschtein ou de Natterer parexemple) sont particulièrement adap-tées pour se focaliser sur les pullula-tions d’insectes ravageurs. Ces deuxdernières ont la capacité de glaner leschenilles à la surface des feuilles desarbres. L’intérêt de les conserver estdonc évident pour le forestier.

Un constat alarmant

En France comme en Europe, toutes lesespèces de chauves-souris sont suiviesde près, et le constat est frappant : leseffectifs de plusieurs espèces chutentdepuis les années 1960. Certainesmesures ont freiné ce processus, mais lasituation reste alarmante pour certainesespèces (Mayle 1990 ; Mitchell-Jones etal., 1993). Ceci s’explique par la dégrada-tion progressive de l’environnement, parla fermeture ou la dégradation des gîtesd’hibernation et d’estivage, à cause despollutions directes ou indirectes (entraî-nant une perte de proies potentielles ouune intoxication des animaux), ou pardestruction directe des animaux par desindividus peu sensibles à la protection dela nature. De fait, la forêt est considéréecomme une zone refuge pour leschauves-souris par de nombreux scienti-fiques. C’est d’autant plus vrai pour lesespèces presque exclusivement fores-tières comme le murin de Bechstein. Laresponsabilité du gestionnaire fores-tier est donc très fortement engagée.

L’état des connaissances

Les Nord-Américains sont les plus enavance quant à l’acquisition de connais-sances sur les mammifères en forêt. Leschauves-souris sont fortement concer-nées, ces espèces ayant déjà fait l’objetde deux colloques sur le sujet (en 1995et en 2004). Pourtant, ils admettent quele sujet est vaste, et que les connais-sances ne sont que très fragmentaires, àla fois sur leur répartition en forêt, leurabondance, et leur autécologie. Enfin,même si les forêts feuillues représentent51 % de la surface forestière aux USA etau Canada, il est étonnant de constaterque seuls les peuplements résineux font

l’objet d’observations (Miller et al.,2003). Cette pénurie d’informationss’explique principalement par le carac-tère récent des techniques d’observa-tion des chiroptères, comme la détec-tion ultrasonore, et par la difficulté desuivre une population (Fenton, 2003 ;Mills et al., 1996 ; O’Shea et al., 2003).

En Europe, les travaux qui traitent decette problématique sont très récents. Ilsse contentent d’être très descriptifs, qu’ils’agisse des terrains de chasse (Roué etBarataud, 1999), ou des gîtes sylvestres,en se focalisant sur quelques arbres occu-pés par des chauves-souris (Arthur etLemaire, 1999 ; Giosa et Fombonnat,1999 ; Hermanns et al., 2003 ; Jones,1995 ; Mayle, 1990 ; Pénicaud ,2000,2003 ; Van der Wijden et al., 1999). Trèsrécemment, une synthèse a été proposéepar les Allemands, à partir de toutes lesétudes qu’ils ont réalisées depuis plus de10 ans (Meschede et Heller, 2003). Mais ilfaut être prudent dans la généralisationdes mesures proposées, car les forêtsallemandes ont une histoire, donc unecomposition, une structure et une sylvi-culture trop différentes des forêts fran-çaises. Les chauves-souris sont-elles sen-sibles à ce point à l’histoire des forêts ?En tout cas, le cortège d’espèces est

quelque peu différent entre l’Allemagneet la France, tout comme le climat. Leursrésultats doivent donc être modulés.D’ailleurs, les toutes dernières étudesfrançaises sur le murin de Bechstein mon-trent une différence très marquée entreles deux pays… (Barataud comm. pers.).

Une étude en forêt deRambouillet (78)

Une étude (voir encadré protocole) a étémenée en 2003 et 2004 en forêt doma-niale de Rambouillet, dans l’objectif demieux connaître l’utilisation des gîtes syl-vestres par les chauves-souris en situa-tion de grand massif forestier. Opérationdélicate, puisqu’il était nécessaire degrimper jusqu’au gîte pour s’assurer deson utilisation, soit au moment de l’ob-servation, soit antérieurement (tracesanciennes d’occupation). Il était doncimpensable d’inventorier toutes les cavi-tés. L’objectif était de se mettre à laplace du forestier qui doit faire deschoix de gestion, lors des martelagespar exemple, et qui doit facilementreconnaître l’arbre-type à chauves-souris qu’il doit conserver (s’il existe,et sans distinction de l’espèce), etcelui qui n’a que peu de chancesd’être sélectionné par ces animaux.

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Six zones de 5 à 10 ha, représentatives des situations forestières rambolitaines, ont été

échantillonnées ; tous les arbres (à partir d’un diamètre de 7 cm) et toutes les cavités sus-

ceptibles d’abriter un animal y ont été décrits. En vue de trouver les variables explicatives

de la présence et de l’absence de chauves-souris dans un arbre, en fonction des caracté-

ristiques de l’arbre et du gîte, mais aussi en tenant compte de l’environnement immédiat

de l’arbre potentiellement accueillant, plus de 40 variables ont été utilisées à chaque échel-

le pour décrire chaque arbre, avec :pour les cavités : origine et type, position sur l’arbre, état sanitaire à leur niveau, diverses

mesures internes et externes, ou sur les entrées,pour les arbres : essence, statut social, présence de bois de qualité (tranchage),

morphologie (dendrométrie, stature, formes de la cime et du houppier, volume duhouppier), ou encore état sanitaire,

et pour leur environnement immédiat (à 10, 20, 30, 40 et 50 m autour de chaque arbreà cavités), nombre total d’arbres, par essence, par vitalité, par diamètres, statut social,nombre total ou moyen de cavités (par type), occupés ou non par des chauves-souris, ouencore distance aux lisières les plus proches (clairières, chemins) ou éléments structurants(du type buisson ou point d’eau de surface).

Toutes ces données ont été traitées avec une méthode d’analyse multivariée prédictive

(régression logistique pas à pas), puis les individus ont été analysés pour chaque variable

décrite comme pertinente lors de la régression (tests de Student et du Khi2).

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Du peuplement à la cavité :facteurs environnementaux de

gîte des chiroptères

Au total, 3 942 arbres ont été décrits,pour près de 3 000 arbres avec un dia-mètre suffisant pour qu’apparaissentdes cavités (> 12 cm). Deux cent soixan-te cinq arbres présentaient des cavités(soit 6,7 %), dont seulement 39 héber-geaient des chauves-souris (1 %). Celareprésente un total de 565 cavitéspotentielles, avec seulement 52 utiliséespar ces chiroptères, comme le montre lafigure 1, information inédite comptetenu que les autres travaux du genre netraitaient pas la composante cavité enterme de potentialité d’accueil.

À l’échelle du peuplementforestier, il apparaît que les chauves-souris semblent sensibles à leurenvironnement jusqu’à 30 m du gîte.Jusqu’à cette distance, la présence dechênes et de trembles serait plusfavorable que celle de bouleaux, decharmes ou de hêtres. Les arbres choisispar les chauves-souris y sont surtoutdominants, à diamètres plus élevés quela moyenne, et dépérissants pourbeaucoup. Très logiquement, plus lenombre de cavités est élevé à proximité,plus les chauves-souris sélectionnerontleur gîte parmi elles. Pourtant, nosrésultats ont montré qu’un observateuraurait aussi près de 40 % de chances dese tromper en voulant prédire laprésence et l’absence de chauves-sourisen fonction de ces critères.

À l’échelle de l’arbre, les résultatssont plus encourageants, puisque lesniveaux de prédiction sont voisins de95 %. On peut donc considérer qu’ilexiste un arbre-type à chauve-souris àRambouillet. Si certaines variablesinterviennent peu, comme la hauteurtotale, la hauteur des premièresbranches (qui doivent être basses), ou levolume du houppier, ce sont d’autrescritères qui permettent de différencierles arbres intéressant les chiroptères. Ils’agit du nombre de cavités, dudiamètre, du rayon du houppier et de lahauteur de grume, qui doivent êtreélevés. Les chênes sont particulièrementattractifs, d’autant plus s’ils sont

dominants, avec un houppier étalé, etsurtout sains, sinon dépérissants. Cedernier point est très important àprendre en compte, car les donnéesrelatives aux autres groupes biologiquesproposent de conserver surtout lesarbres morts pour la biodiversité. Cetterègle ne s’applique pas aux chauves-souris. Les écorces décollées,caractéristiques des arbres morts, sontparfois utilisées, mais essentiellementpar des pipistrelles.

À l’échelle de la cavité, sur les565 décrites, on rencontrait 1/4 defentes, 1/4 de trous de pics, 1/4d’écorces décollées, et 1/4 de cavitésdiverses (caries, bases de branchesmortes, etc.). Nos résultats montrentqu’il est par contre plus facile de prédirel’absence de chauves-souris (91 %), queleur présence (75 %). Certainesvariables contribuent, comme la hauteurdu gîte par rapport au sol, mais aussi laprofondeur interne, le nombre

d’entrées ou leur hauteur. Les cavitésutilisées sont surtout sur descharpentières saines, et correspondentà des cavités ascendantes etdescendantes ou des fissures étroites(trous de pics déjà dégradés et fentes).Ce dernier point ne fait que confirmerce que d’autres études descriptivesavaient mis en avant (Pénicaud, 2000 et2003 ; Van der Wijden et al. 1999).

Globalement, à Rambouillet (forêtissue de TSF appauvris), les chauves-souris recherchent des chênes sainsdominants dans le peuplement, maisne correspondant pas à des arbres detrès bonne qualité technologique.Elles recherchent aussi un compromisentre les cavités les plus hautes pos-sibles dans l’arbre, et des gîtes à l’en-trée étroite, dont l’intérieur seraitprofond et haut. Ceci explique que lescharpentières soient principalement uti-lisées, même si on trouve des chauves-souris dans des cavités sur les troncs…

���������L’environnement type des arbres à chiroptères...

arbres à cavités(sans chiroptères)

arbres à cavités(avec chiroptères)

cavités avec chiroptères

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cavités sans chiroptères 91 %arbres sans cavité

Fig. 1 : répartition des arbres et des cavités en fonction de la présence de chiroptères

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Conclusion, impacts pour lagestion conservatoire des

forêts de plaine

Comme nous l’avons dit à l’échelle euro-péenne, chaque résultat décrit un étatde fait sur un site donné à un momentdonné. Ce site a une histoire et un fonc-tionnement stationnel et écologique quilui sont propres. Il est donc impossibled’extrapoler nos résultats à l’ensembledes forêts de plaine que nous gérons.Aujourd’hui encore, quelques règlessimples peuvent tout de même s’appli-quer, sans que ces orientations de ges-tion apparaissent négatives pour le cor-tège chiroptérologique.

Du point de vue de la gestion, les résul-tats de notre étude permettent d’affinercertaines directives pour la prise encompte de la biodiversité. Il est trèsimportant de maintenir des arbresmorts en forêt pour une certaine biodi-versité saproxylique, cependant, cetteproposition ne conviendra pas auxchauves-souris. Il est donc souhaitablede rassembler en îlots ces arbres, avecd’autres individus moribonds, et desarbres sains avec des trous de pics etdes fentes (qui peuvent être sur les char-pentières), où on peut laisser s’exprimerd’autres essences comme le tremble, et,entre autre, au cœur des parcelles deproduction. Ces îlots doivent être maté-rialisés sur le terrain, pour permettre deles suivre. Enfin, si cette étude contribueà mieux connaître les relations entre laforêt et les chauves-souris, elle resteinsuffisante, et il sera nécessaire depoursuivre des recherches dans ce sens.Il s’agit certainement d’une future mis-sion du réseau mammifères non ongu-lés de l’ONF, en partenariat avec laSociété française pour l’étude et la pro-tection des mammifères…

Laurent TILLONONF, direction de l’environnement

et du développement durabledépartement biodiversité

animateur du réseau nationalmammifères non ongulés

[email protected]

Remerciements

Je profite de cet article pour remercierStéphane Aulagnier (INRA et la Sociétéfrançaise pour l’étude et la protectiondes mammifères SFEPM), pour sa gran-de disponibilité et ses précieuxconseils, ainsi que François Moutou(Président de la SFEPM), JacquesBardat (et tous les membres du comitéscientifique de gestion des réservesbiologiques de Rambouillet), et les col-lègues de Rambouillet qui ont large-ment contribué à faire avancer ce tra-vail de longue haleine. Grâce à eux,cette étude a été sanctionnée par undiplôme universitaire.

Bibliographie

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VAN DER WIJDEN B., VERKEM S., etal., 1999. L’importance du type de cavi-té et de la structure forestière pour lasélection de gîtes par des chauves-souris arboricoles. Actes des 8èmes

Rencontres nationales « Chauves-sou-ris » de la SFEPM. Paris : Symbioses,pp. 11-16.

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Recommandations sylvicoles pour laconservation de Rosalia alpina (Linné)(Insecta, Coleoptera, Cerambycidae)

Ces recommandations pratiques nous montrent combien une gestion forestière au

quotidien soucieuse d’une réelle prise en compte des espèces, permet le maintien d’une

espèce comme la rosalie alpine, sans avoir recours à des mesures de protection drastiques

et contraignantes.

Connaître la rosalie alpine

DescriptionRosalia alpina est un insecte apparte-nant à l’ordre des Coléoptères, familledes Cerambycidae (longicornes). Il estaisément reconnaissable par sa grandetaille avoisinant souvent les 30 à 40 mmet par sa coloration gris bleuté barréede trois bandes noires plus ou moinscomplètes. Il n’y a pas de confusionpossible avec d’autres coléoptèresCérambycidés de nos régions.

BiologieLe cycle de développement de l’espè-ce dure de 2 à 3 ans. Les plantes hôtesactuellement connues sont : Fagus,Ulmus, Carpinus, Tilia, Castanea,Fraxinus, Juglans, Quercus, Salix,Alnus, et Crataegus sp. En montagneet en Europe centrale, le hêtre sembleêtre l’unique plante hôte.

Les adultes se rencontrent sur les troncsmorts ou fraîchement coupés desplantes hôtes. L’émergence varie de finjuin à août selon la latitude, l’altitude etles conditions météorologiques.

RépartitionL’espèce est présente en Europemoyenne, centrale et méridionale jus-qu’en Crimée, Caucase et Asie mineu-re, Turquie, Iran et Syrie. En Europe,elle se trouve dans une zone compriseentre le nord de l’Espagne, le bassinparisien, la Pologne, le Bosphore et lePéloponnèse.

Pourquoi un statut d’espèceprotégée ?

La notion de rareté est très relative etdépend avant tout de la localisation dusite étudié par rapport à l’aire de répar-tition de l’espèce. En Europe du Nord(Allemagne, Pologne notamment), lesforêts de hêtres sont très dégradées etbeaucoup d’entre elles ont été rempla-cées par des résineux. Ceci peut expli-quer le recul actuel de l’espèce vers lesud où elle est encore bien présentevoire commune.

Les pays très sensibilisés aux pro-blèmes écologiques correspondent àceux où Rosalia alpina n’est pas ou peuprésente, d’où une image de rareté etde symbole de protection. C’est le caspour le Royaume-Uni, la Belgique, lesPays-Bas, le Luxembourg etl’Allemagne. Ce sont des pays dontl’entomofaune est très médiatisée. Paropposition, dans les pays peu prospec-tés (notamment ceux de l’ex-bloc del’Est, République Tchèque, Slovaquie,Hongrie, Bulgarie, Roumanie, exYougoslavie…) et moins préoccupés

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La rosalie alpine

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par les problèmes écologiques, Rosaliaalpina est commune, largement distri-buée et absolument pas rare.

En ce qui concerne la France, l’espèceest relativement commune voire abon-dante par endroits dans les Alpes, leMassif central et les Pyrénées, massifsdans lesquels la hêtraie couvre devastes surfaces. Il y a toutefois deszones, notamment dans les Pyrénées,où la rosalie est totalement absentemalgré des biotopes favorables.

Cette espèce apparaît globalementrare en Europe car sa fréquence d’ob-servation est basée sur une zone enlimite d’aire de répartition où son habi-tat est en régression. Il semble doncque le statut d’espèce protégée deRosalia alpina corresponde davantageà une impression perçue par des per-sonnes issues de pays dans lesquelsl’espèce est soit en régression, soitlocalisée (zone périphérique de répar-tition), qu’à une réalité basée sur laconnaissance globale de sa fréquencesur l’ensemble de son aire de réparti-tion géographique.

De plus, il faut rappeler que l’espèceest en général très discrète et passesouvent totalement inaperçue mêmedans les zones où elle est bien présen-te. Les contacts sont souvent acciden-tels, mais il arrive parfois de rencontrerplusieurs individus ensemble sur destroncs attractifs (coupe de l’année,exposition au soleil en bord de routeou en clairière favorable à « l’échauffe-ment » du bois). Quoiqu’il en soit, lenombre de contacts ne permet enaucun cas d’apprécier l’abondance del’espèce sur un site. Cela permet seule-ment de confirmer la présence, maisl’absence de contact ne doit pas systé-matiquement être interprétée commeabsence sur le site.

Réflexions générales sur lemaintien de l’espèce

Bien que l’espèce soit relativementbien présente en France, des recom-mandations de gestion devront êtreappliquées pour favoriser le maintiende l’espèce, maintien qui ne semble

pas globalement compromis par lagestion actuelle.

Habitat à rosalie : rappel et mise aupointLe maintien de l’espèce passe bien évi-demment par le maintien des hêtraies.De nombreuses citations ou réflexionsont tendance à présenter la vieillehêtraie comme seul habitat favorableau développement de la rosalie. Non !L’habitat de la rosalie est le simple mor-ceau de bois mort dans lequel l’insecteva effectuer son cycle complet dedéveloppement. Il y a une grandenuance. Les insectes colonisent engénéral des microbiotopes et il ne fautpas confondre l’habitat de l’espèceavec le milieu naturel susceptible decontenir cet habitat. Dans le cas de larosalie, réduire les milieux naturelscontenant son habitat aux vieilleshêtraies ou aux hêtraies mal venantesou dépérissantes est beaucoup troprestrictif. L’habitat de la rosalie, un mor-ceau de bois mort, peut tout aussi biense trouver en futaie régulière qu’enfutaie irrégulière ou qu’en taillis, que lepeuplement soit jeune, adulte ouvieux, qu’il soit bien venant ou mal

venant, que la hêtraie soit pure oumixte ! L’habitat peut également setrouver dans d’autres essences, fores-tières ou non, telles les aulnaies ou sau-laies de bord de ruisseaux.

Structure des peuplementsConsidérer qu’une structure est favo-rable ou défavorable au maintien del’espèce est une erreur due à desconclusions hâtives reposant sur desobservations incomplètes ou mal ana-lysées. Rappelons que Rosalia alpinaassure son développement dans lebois mort et ce bois mort peut existerquelle que soit la structure de la forêt.

Ce sont la concentration de bois mortdebout et au sol et sa permanencedans le temps qui augmentent leschances de reproduction de l’espèce.

Composition des peuplementsIl n’est pas du tout nécessaire d’avoirune gestion rigide qui opposerait lespeuplements purs de hêtre aux autrespeuplements, le sapin par exemple.Sur certaines stations la hêtraie est par-faitement à sa place et devra bien évi-demment être conservée. Sur d’autres

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Carte de répartition de Rosalia alpina en Europe de l’Ouest

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stations on pourra parfaitement accep-ter que l’essence objectif soit différen-te du hêtre mais à condition de garderle hêtre en mélange en fortes propor-tions (40 %). À l’inverse, la sapinière oud’autres peuplements pourront avanta-geusement se voir enrichir en hêtretoujours dans une proportion de 30 à40 %. Cette réinstallation du hêtreaura pour incidence d’augmenterconsidérablement la surface desmilieux susceptibles de contenir l’habi-tat à rosalie et d’avoir une meilleurerépartition géographique, élémentimportant de garantie du maintien del’espèce.

Âge des peuplementsComme nous l’avons vu précédem-ment, ce n’est pas tant l’âge des peu-plements qui est important, que la pré-sence de bois dépérissant ou mortdans le peuplement. Il ne semble pasraisonnable de laisser vieillir jusqu’àleur mort naturelle des peuplementsde manière généralisée sur les massifsdans le but de maintenir la rosalie. Celadevra être réservé aux îlots de sénes-cence. Il semble au contraire importantqu’il y ait une bonne répartition des dif-férentes classes d’âges (incluant laphase de sénescence) afin de garantirla pérennité de la hêtraie.

L’habitat à Rosalia alpina : le boismortRosalia alpina effectue son cycle dedéveloppement dans le bois mort. Ilfaut donc lui laisser du bois mort fraisen forêt et l’y conserver assez long-temps. Si la quantité de bois mort lais-sé en forêt est primordiale, sa réparti-tion dans l’espace, sa durée dans letemps et son renouvellement le sontencore davantage. Ce bois mort peutavoir des origines diverses.

Les îlots de vieux boisC’est une solution qui est souvent pré-sentée comme idéale pour la surviedes espèces saproxyliques. C’est sûre-ment vrai, mais pas avant un avenir cer-tainement assez lointain. En effet, lesîlots de vieillissement ou de sénescen-ce qui sont en général laissés sontcomposés de bois âgés si on parle enâge d’exploitabilité, mais souvent

jeunes biologiquement parlant. Cesarbres vont donc vivre ou survivreencore longtemps avant d’entamerleur phase de sénescence et d’offrir àla faune et à la flore saproxylique leursconditions de développement. Enattendant que ces îlots dispersés puis-sent offrir les microbiotopes recherchéspar les espèces saproxyliques, il estindispensable d’assurer le relais enmaintenant suffisamment de bois mortde forts diamètres en dehors de ceszones.

Le maintien d’arbres déperissantsou morts sur pied lors des martelagesCela semble certainement l’opérationla plus réaliste et la plus efficace dansl’immédiat. Les hêtres dépérissants oumorts sur pied ne présentent qu’unefaible valeur économique. Réaliser desdépenses en abattage, façonnage,débardage et transport pour des pro-duits sans valeur commerciale est unréflexe qu’il faut abandonner, d’autantque ces arbres ne gênent en rien ni lepeuplement avoisinant, ni les régéné-rations qui s’installent. Au contraire, ilssont le refuge ou l’habitat d’un grandnombre d’espèces, tant animales quevégétales. Les chablis, arbres renver-sés, défourchés, cassés ou présentantdes cavités sont très attractifs etdevront être laissés sur place dans lamesure où ils sont de faible valeurcommerciale.

Période de débardage et stockagedes bois en forêtUne des principales sources de diminu-tion des effectifs de rosalie, mêmedans des biotopes pourtant très favo-rables à la reproduction est l’exporta-tion des pontes. En effet, les arbres outas de bois stockés en bordure deroutes en début d’été sont très attrac-tifs et de très nombreuses femellesviennent y pondre. Ces bois partent enscierie dans le courant de l’été empor-tant avec eux une partie non négli-geable de la reproduction de l’espèceainsi que de nombreux autres xylo-phages et le cortège de petits carnas-siers qui leur est associé. Dans leszones à rosalie, le hêtre (grume et boisde chauffage) devra être enlevé avantle 1er juillet pour éviter ce phénomène.

Conclusion

Rosalia alpina fait partie du cortègedes xylophages et saproxylophagesmais elle n’est ni plus rare ni moins rareen France que bon nombre d’insectesde ce groupe. Ce groupe a toutefois vuses effectifs se réduire non pas dansdes forêts montagnardes mais plutôtdans des forêts de plaines très forte-ment rajeunies, avec des coupes sani-taires strictes et fréquentes et surtoutune parfaite accessibilité au cœur dechaque parcelle, qui permet la récoltede la moindre grosse branche tombéeau sol pour le bois de feu.

Il est évident et naturel que nous avonspour devoir de maintenir les habitats per-mettant à ces insectes d’effectuer dura-blement leur cycle de développement.Mais pour cela il n’est pas besoin de lais-ser vieillir et mourir sur pied des parcellesentières. Il faut simplement accepter delaisser du bois mort en quantité suffisan-te, soit sur pied soit au sol, dans les peu-plements peu exploités où il existe unemortalité naturelle, ou éventuellementd’aider la nature dans les peuplementsexploités plus énergiquement en laissantvolontairement des chablis, des grumescariées ou de faible valeur ainsi quequelques surbilles avec les houppiers nondémontés.

Comme on peut le constater, le maintiend’une espèce comme la rosalie alpine, etcomme bon nombre d’autres espèces,ne demande pas de mesures de protec-tion drastiques et contraignantes. Dansle cas précis de cette espèce, le bon senset une réelle prise en compte dans lagestion quotidienne valent mieux quetoutes les réserves intégrales. Chaqueforestier, où qu’il se trouve, a le droit et ledevoir d’admirer les merveilles de lanature que la forêt héberge parmi les-quelles figurent les discrètes mais sibelles rosalies alpines.

Thierry NOBLECOURTONF, agence de l’Aude

unité spécialisée aménagementsétudes expertises

animateur du réseau national entomologie

[email protected]

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a littérature scientifiquemet nettement en

exergue le fait que la forêt soit unespace matériel et idéel signifiantpour les individus (Lewis et al., 2004).Depuis le début des années 1990,quelques enquêtes (ONF/BVA 1991,Derf/BVA 1992, Ifen/Credoc 1996)montrent une certaine sensibilité desFrançais aux questions d’environne-ment parallèlement à un attache-ment, voire une préoccupation vis-à-vis des forêts françaises. Mais endehors de ces enquêtes ponctuelles,il n’y a pas de suivi systématique del’opinion publique sur cette ques-tion. Les enquêtes dont nous dispo-sons ne sont pas techniquementcomparables ; elles n’ont pas étéconçues de la même manière, etcontiennent des questions dont lesformulations varient d’une enquête àl’autre. Seules de grandes tendancespeuvent être extrapolées. C’estpourquoi l’ONF pose aujourd’hui lesbases d’un suivi systématique, detype observatoire, de la demande

sociale à l’égard de la forêt. Il impor-te toutefois de préciser ce que l’onentend par demande sociale. Eneffet, même si l’on a tendance – afind’être opérationnel – à parler de « lapopulation » comme d’un groupehomogène, il faudrait plutôt y voirplusieurs groupes aux aspirationsmultiples et souvent contradictoires(Oprese, 1998).

Cela nous conduit à concevoir desoutils variés (afin d’éviter les piègesde chacun d’eux) pour dégager destendances et pour comprendre lerôle social joué par les forêts.L’enquête nationale de 2004 a doncpour objectif essentiel de dégagerles profils les plus courants des pra-tiques et des représentations. Desapproches qualitatives devront per-

La fréquentation des forêts en France :permanences et évolutions

Mieux comprendre les attentes des Français vis-à-vis de « leur » forêt est un

impératif pour l’ONF, gestionnaire de 4,5 millions d’ha de forêts publiques. Après

l’analyse des enquêtes réalisées en France au cours des 40 dernières années (Deuffic

et al., 2004), Rendez-Vous techniques présentera en deux volets les résultats d’une

enquête nationale sur les Français et la forêt réalisée en 2004 à l’initiative de l’ONF,

qui s’insère dans la démarche de recherche et développement présentée

précédemment dans le n° 5 de la revue. Cet article aborde les résultats les plus

significatifs sur la fréquentation actuelle, les activités et les attraits de la forêt en

France : la fréquentation de la forêt, explorée dès la fin des années 1960 dans des

enquêtes désormais classiques, nous réserve quelques surprises.

49

L’enquête sur les usages et les représentations de la forêt a eu lieu en novembre2004, auprès d’un échantillon de 1000 individus, représentatif de la populationfrançaise âgée de 15 ans et plus. Les 1000 interviews en face-à-face (sur la based’un questionnaire à questions fermées et semi-ouvertes) ont été réalisées parl’Institut de sondage Lavialle (ISL). La conception du questionnaire et l’exploita-tion des résultats ont été réalisées par Michelle Dobré, sociologue, en collabo-ration avec le Cemagref et l’ONF. La présentation des résultats reprend les prin-cipales tendances dégagées dans l’étude des tris croisés par les principalesvariables sociodémographiques (âge, sexe, standing, revenu, professions et caté-gories socioprofessionnelles, lieu d’habitation…), auxquelles s’ajoute « la fré-quentation de la forêt » utilisée comme variable explicative. Les corrélations ontété validées par des tests systématiques du Khi2, seules les corrélations signifi-catives ayant servi de base à l’analyse.

LL

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mettre, dans un second temps,d’éclairer les zones d’ombre que lais-se nécessairement une enquêtequantitative.

La fréquentation des forêts,une pratique de proximité

toujours très répandue

Durant l’année écoulée (2004), 71 %des Français se sont rendus au moinsune fois en forêt. Derrière l’apparen-te simplicité de cette question, secache la très grande variété de signi-

fications de l’expression « aller enforêt », et des réalités bien diffé-rentes. On peut avancer avec pru-dence qu’une légère baisse de la« visite en forêt » s’est amorcéedurant la dernière décennie. En 1995,19 % des Français n’allaient jamaisen forêt (Ifen/Derf/Credoc, 1996), ilssont 29 % en 2004. Cette comparai-son n’est qu’indicative, car la ques-tion n’était pas formulée de façonidentique dans les deux enquêtes.Ce constat peut néanmoins être misen parallèle avec celui effectué dans

d’autres sites naturels. Si l’on compa-re la fréquentation de la forêt à unepratique culturelle courante desFrançais, comme la fréquentation ducinéma (52 % de la population estallée au moins une fois au cinéma enun an – Insee, 2002), la sortie en forêtapparaît néanmoins comme une pra-tique parmi les plus répandues.

Parmi les facteurs qui influencent lafréquentation de la forêt, la proximi-té à une forêt est l’un des plusimportants (voir tableau 1). En 2004,la forêt est très facilement accessiblepour trois Français sur quatre : 70 %habitent à moins d’une demi-heureen voiture d’une forêt qui leur estaccessible, 5 % peuvent s’y rendre àpied à partir de chez eux. Situés àplus d’une heure en voiture de laforêt la plus proche, 55 % ne vontjamais en forêt, contre 29 % enmoyenne. Dès lors, la région d’habi-tation et son taux de boisement sontdes éléments déterminants. C’estainsi que les régions où l’on fréquen-te le plus la forêt, telles que l’Est(régions Lorraine, Alsace et FrancheComté) et le Sud-Ouest (régionsAquitaine, Midi-Pyrénées etLimousin), sont aussi les plus boi-sées, et qu’à l’inverse, dans la régionla moins boisée, le Nord (régionNord - Pas-de-Calais), la fréquenta-tion est la plus basse.

Une récente enquête écossaise(Ward Thompson et al., 2004) montreque la fréquentation de la forêt pen-dant l’enfance est un facteur déter-minant de la fréquentation actuelle.Statistiquement, le lien apparaît éga-lement dans l’enquête ONF-2004 :les individus qui ont fréquenté laforêt durant leur enfance et leur ado-lescence ont aussi tendance à la fré-quenter davantage aujourd’hui, avecune intensité similaire à celle de l’en-fance. Mais derrière l’importance deshabitudes acquises pendant le jeuneâge, qui est réelle, se cache un autrefacteur, qui est la mobilité résiden-tielle relativement réduite enFrance : la majorité des habitants desdifférentes régions y ont vécu pen-dant leur enfance, ce qui signifie que

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Du « musée vert » à la forêt des individus : les enseignements desenquêtes passées en perspective

Les enquêtes historiques sur la fréquentation des forêts péri-urbainesmenées par Baillon et Kalaora dans les années 1970 débouchaient sur unmême constat : les usages et les représentations de la forêt étaient stratifiésen fonction de la position sociale. À un usage « contemplatif » (celui desclasses moyennes aisées et diplômées) s’opposait un usage « instrumental» (chasse, cueillette, pique-nique), caractéristique des classes populaires.C’est dans cette logique que la fréquentation de la forêt a été très tôt assi-milée à une « pratique culturelle » (dite du « musée vert ») : les individusles mieux lotis (en diplômes, en revenus ou en position sociale) pratiquaientintensément la forêt comme ils le faisaient aussi pour d’autres pratiques cul-turelles (visites de musée, cinéma…). Dans les années 1980, des questionssur l’environnement (plutôt que sur la « nature » comme auparavant) sontapparues dans les enquêtes, correspondant à une sensibilité écologique enaugmentation. On avait de plus en plus l’impression que la logique « declasse », qui stratifiait les pratiques dans les années 1970, n’opérait plus dela même manière durant la décennie suivante. La montée inexorable de laclasse moyenne, qu’à la suite d’Henri Mendras on a appelé « moyennisation», a entraîné un changement (dans le sens du nivellement des différences)dans les pratiques de loisirs comme dans d’autres domaines (notamment enpolitique). Plus récemment, on a avancé que les pratiques culturellesseraient désormais gouvernées par une logique conciliant toutes sortesd’usages suivant le contexte individuel de l’action (Lahire, 2004). Ce sont lescirconstances de l’action et l’expérience individuelle qui expliquent ce quiest conciliable et ce qui ne l’est pas dans la pratique. On devrait, selon cemodèle de la « contextualisation », voir se généraliser l’usage indifférencié,chez un même individu, d’activités typiques de la classe populaire et de laclasse supérieure, sur le modèle du cadre supérieur amateur de karaoké enmême temps que de visites de musée.

Dans l’enquête ONF de 2004, nous observons des éléments pour et contreces hypothèses. Ce qui plaide pour la « contextualisation », c’est la relativeabsence de distinction sociale des pratiques. Ce qui plaide contre, c’est lefait que les représentations (les valeurs, désirs, attentes, etc.) qui sontattachées à la forêt restent fortement stratifiées. Enfin, la fréquentationproprement dite reste déterminée par la situation matérielle et par le niveaude diplôme : les catégories les plus modestes sont moins présentes en forêtque le reste de la population.

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c’est probablement encore l’accessi-bilité de la forêt qui explique la fré-quentation, tant pendant l’enfancequ’au moment de l’enquête.

Une remarque s’impose sur le profildes 29 % de Français qui ne sontjamais allés en forêt au cours desdouze derniers mois. Ces individushabitent deux fois plus souventqu’en moyenne à plus d’une heured’une forêt ; ce sont aussi, plus sou-

vent, des personnes âgées, aux reve-nus modestes, à mobilité réduite, oune disposant pas de moyen de loco-motion.

À l’opposé de cette population, lesjeunes de 15 à 24 ans vont aussimoins fréquemment en forêt que lamoyenne. Les principales raisonsqu’ils invoquent sont « le manquede temps » (47 % contre 34 % enmoyenne) et « le manque d’attirance

pour la forêt » (44 % contre 26 % enmoyenne).

Campagne et forêt, lieuxde sortie privilégiés

L’attractivité comparée de la forêts’avère parmi les plus élevées parrapport à celle d’autres « espacesverts » ou « milieux naturels » (voirtableau 2).

Pendant le temps libre, la forêt est,après la campagne, le deuxièmeespace le plus « attractif » : 81 %des Français vont en forêt (86 % à lacampagne), toute fréquence confon-due, contre, par exemple, 56 % quivont visiter un parc naturel ou uneréserve, ou bien 71 % qui se rendentà la mer et sur les plans d’eau. Il fautnoter, par comparaison, la plus faiblefréquentation des parcs ou espacesverts en ville, pourtant conçus pourun usage quotidien : 36 % n’y vontjamais pendant leur temps libre.Même parmi les citadins des grandesvilles, 21 % des habitants de l’agglo-mération parisienne et 27 % dans lesvilles de province de plus de 100 000habitants ne les fréquentent jamais(contre respectivement 24 % et 20 %qui ne fréquentent jamais la forêt).

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Source : enquête ONF – Université de Caen/LASMAS, « Forêt et société », 2004

Les chiffres en gras indiquent les corrélations positives les plus fortes entre les variables. Exemple : lorsqu’on habite à moins d’un quart d’heure d’une forêt, on a tendance à aller plus souvent que la

moyenne en forêt « une fois par semaine » (17 % contre 12 % pour l’ensemble de la population)

TAB. 1 : FRÉQUENTATION DES FORÊTS EN FONCTION DE LA DISTANCE À LA FORÊT LA PLUS PROCHE

Au cours des 12 derniers mois,êtes-vous allé en forêt…

Tous les jours ou presque

Une fois parsemaine

Une fois tousles 15 jours

Une fois par mois

Plusieurs foispar an

JamaisTOTAL (+ ou – 1selon arrondis)

Ensemble 3 12 11 16 29 29 100

Distance à la forêt la plus proche

Moins d’1/4 d’heure 5 17 16 21 25 17 100

Entre 1/4 d’heure et 1/2 heure 1 11 11 18 34 26 100

Entre 1/2 heure et 1 heure 1 2 4 9 41 44 100

Plus d’1 heure 4 / 1 4 36 55 100

[J’y vais à pied] 15 18 5 12 23 26 100

NSP / / 1 2 18 79 100

A.-

M. G

rane

t, O

NF

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Pendant les vacances, la hiérarchiedes espaces n’est que peu modifiée,puisque la forêt reste l’espace fré-quenté en troisième lieu par 77 %des Français. La mer et les plansd’eau, avec la campagne, constituentles deux lieux les plus recherchéspour les vacances (à égalité, autourde 82 % pour chacun des deux).Par rapport aux autres espaces (mer,plans d’eau, campagne), la fréquen-tation de la forêt a tendance à appa-raître comme plus « démocratique »,puisqu’elle rassemble des catégoriessociales diversifiées, modestes etaisées. La forêt n’est plus aujourd’huile « musée vert » qu’elle était, cerôle serait joué plutôt par lesréserves et parcs naturels, attirant lespopulations de la classe moyenneinstruite.Le fait d’être marié, une taille deménage de 3 ou 4 personnes, sontdes facteurs importants de la fré-quentation de la forêt. Le niveau dediplôme influence la fréquentation,tandis que la situation matérielle est

déterminante pour la non-fréquenta-tion. Les détenteurs de diplômesd’études supérieures les plus élevéessont aussi ceux qui fréquentent tousles espaces sans exception plusqu’en moyenne. À l’inverse, la situa-tion matérielle, le revenu en particu-lier, joue un rôle important dans unefréquentation réduite : à moins de1 500 euros par mois, la fréquenta-tion de la forêt, tout comme celledes autres espaces d’ailleurs, estmoindre. Les plus modestes (tranchede moins de 915 euros mensuels)sont 50 % à ne jamais aller en forêt,contre 29 % en moyenne.

Activités en forêt :promenades et cueillettes

Parmi les activités des 71 % de lapopulation qui sont allés au moinsune fois en forêt durant l’année pré-cédant l’enquête, la promenadesous toutes ses formes reste le profiltype de la sortie en forêt (voirtableau 3). Un tiers de la population

des visiteurs en forêt se livre à lacueillette des fleurs, des fruits ou deschampignons (35 %), 22 % au sport(faire du vélo, du jogging, de lalongue randonnée ou de l’équita-tion) et 15 % à l’observation desplantes et des animaux. Enfin, entroisième lieu, des activités plusminoritaires apparaissent, telles quela chasse et la pêche (6,5 %) et lesactivités motorisées (0,8 %).

Les hommes et les femmes ont desactivités différentes en forêt : leshommes se promènent plus souventseuls (20 % contre 16 % en moyen-ne), vont chasser ou pêcher (11 %contre 7 %), couper et ramasser dubois (8 % contre 5 %). Les femmesvont plus souvent que les hommesen forêt avec les enfants (30 %contre 24 % en moyenne), en familleou avec des amis (65 % contre 59 %).D’autres activités, comme la cueillet-te, la sortie du chien ou le sport, sontpratiquées par les deux sexes sansdistinction.

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TAB. 2 : FRÉQUENTATION D’ESPACES DE LOISIR PENDANT LE TEMPS LIBRE ET LES VACANCES

Je vais maintenant vous citer plusieurs lieux. Pour chacun d’entre eux, vous me direz si pendant votre temps libre en dehors des vacances vous le fréquentez…

Parc ou espacevert en ville

CampagneMer et plans

d’eauForêt

Parc et réservenaturelle

Montagne

Très souvent 7 28 8 12 4 4

Souvent 25 34 27 30 12 12

Rarement 33 24 36 39 41 31

LIEU FRÉQUENTÉ 64 86 71 81 57 47

Jamais 36 14 29 19 43 53

TOTAL (100 + ou – 1 selon arrondis) 100 100 100 100 100 100

Et maintenant, pour chacun de ces lieux, vous me direz si pendant vos vacances vous le fréquentez…

Très souvent 4 24 21 10 4 7

Souvent 20 37 38 35 20 23

Rarement 33 22 23 32 39 31

LIEU FRÉQUENTÉ 57 80 82 77 62 61

Jamais 43 18 18 23 38 39

TOTAL (100 + ou – 1 selon arrondis) 100 100 100 100 100 100

Source : enquête ONF – Université de Caen/LASMAS, « Forêt et société », 2004

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Les activités sont également diffé-rentes selon les âges. Les plusjeunes pratiquent plus souvent lesport (35 % contre 22 % en moyen-ne pour les 15-24 ans, 30 % pour les25-34 ans) mais aussi le repos et lepique-nique (23 % des 15-24 ans) ;les 25-49 ans se promènent plus sou-vent avec les enfants que le reste dela population (46 % contre 24 % enmoyenne pour les 25-34 ans, 36 %pour les 35-49 ans). Ceux qui se pro-mènent seuls, enfin, sont plus sou-vent des hommes de plus de 65 ans,retraités, et diplômés du supérieur.

La position sociale différencie rela-tivement peu les occupations enforêt. Le pique-nique et le repos nesont plus, comme par le passé, desactivités typiques de la classe popu-laire en forêt : ce sont plutôt deshabitants des grandes villes, desclasses moyennes diplômées, relati-vement jeunes, et fréquentant laforêt de manière ponctuelle (plu-

sieurs fois par an) qui s’y livrent leplus souvent. L’« observation desplantes et des animaux », activité« contemplative » par excellence,reste, comme l’avaient montré lesenquêtes des années 1970, une acti-vité de classe moyenne. Elle estmoins marquée par le niveau dediplôme que la cueillette des fleurs,des fruits ou des champignons (45 %des Bac + 2 pratiquent cette activitécontre 35 % en moyenne).En règle générale, toutes les activi-tés citées différencient moins lescadres et les ouvriers, comme onpouvait le faire du temps de Baillon(1975) pour la fréquentation desurbains. Durant les dernières décen-nies, on a assisté à une baisse numé-rique des catégories les plusmodestes, en même temps qu’à uneélévation moyenne du niveau dediplôme, et à une hausse correspon-dante des employés, professionsintermédiaires et cadres, ce qu’onappelle la « moyennisation » de la

société (Mendras, 1988). Noussommes aujourd’hui confrontés à desusages diversifiés à l’intérieur d’unemême classe moyenne, ce qui lisse leprofil des activités et des usages dela forêt. C’est à l’intérieur de cettecatégorie qu’il faut opérer de nou-velles stratifications et différencia-tions. C’est donc moins à partir desactivités, qu’en analysant les choixdes endroits préférés que l’onobtient des distinctions plus signifi-catives entre les catégories de lapopulation.

Les endroits préférés lorsdes visites en forêt : lechoix étonnant des sous-

bois hors des sentiers

Les endroits les plus fréquentés enforêt par 56 % de ceux qui s’y ren-dent sont les « sentiers de promena-de balisés ou les sentiers de décou-verte » (voir tableau 4). Mais cette

53

TAB. 3 : ACTIVITÉS PRATIQUÉES EN FORÊT

En général lorsque vous allez en forêt pour vos loisirs, quelles sont vos principalesactivités ? (Trois réponses possibles, le total des items cités fait plus de 100)

RangCaractéristiques sur-représen-

tées dans le profil%

Faire une promenade en famille ou avec des amis 1 58 Femme 65

Cueillir des fleurs, des fruits ou des champignons 2 35

Promener les enfants 3 23 25-34 ans 45

Faire du sport (vélo, jogging, longues randonnées, équitation) 4 21 15-24 ans 36

Sortir le chien 5 19

Faire une promenade seul 6 1665 ans et +

divorcéséparé

323033

Observer les plantes et les animaux 7 15Bac

Standing aisé2118

Me reposer, jouer ou pique-niquer sur place 8 1415-2425-39

bac + 2

232121

Chasser ou pêcher 9 6 Artisan 19

Simplement traverser la forêt en voiture 9 6

Couper ou ramasser du bois 11 4 Agriculteur 18

Pratiquer la randonnée arboricole 12 2

Pratiquer une activité motorisée (moto verte, 4x4.) 13 0,8

Autres 14 0,8

Source : enquête ONF – Université de Caen/LASMAS, « Forêt et société », 2004

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préférence se détache peu d’uneautre pratique, pourtant bien diffé-rente, qui consiste à privilégier desendroits non aménagés pour lepublic, tels que « les sous-bois horsdes sentiers » (51 %). « Les clai-rières, les landes et les points devue » sont également très recherchéspar 38 % des usagers de la forêt sui-vis par « les endroits où il y a de l’eau(mares, rivières) (29 %) ». On peutnoter que ces trois dernières catégo-ries sont des espaces que l’on peutassimiler à la « nature », boisée ounon, où l’intervention humaine estpeu visible.Compte tenu de l’activité principaleen forêt, qui est la « promenade enfamille », il peut paraître étonnantque les « sous-bois, hors des sen-tiers » soient autant fréquentés.L’impression générale à l’interpréta-tion des résultats, c’est que dans lesrégions à faible fréquentation, cesont plutôt les endroits aménagésqui sont préférés alors que dans lesrégions à forte fréquentation, ons’aventure plus souvent dans lesespaces non aménagés.

De même, le choix des endroits pré-férés est lié à la fréquence des visitesen forêt. Même s’il apparaît peu decorrélations fortes, nous remarquonspar exemple, que les « sous-boishors des sentiers » sont l’endroit de

prédilection des usagers les plusréguliers, puisque ceux qui y vontrarement (une fois par an), sont net-tement moins nombreux à le choisir(34 % contre 41 % en moyenne).Dans la même logique, les « clai-rières et points de vue » sont égale-ment préférés surtout par les usagersqui vont fréquemment en forêt (26 %contre 21 % y vont au moins une foispar semaine). Les buvettes et restau-rants en plein air sont choisis, enrevanche, par ceux qui vont très rare-ment en forêt.Les usagers vivant en milieu ruraln’ont pas d’usage préférentiel desespaces mentionnés. C’est entre leshabitants des petites villes et ceuxdes grandes villes que les distinc-tions sont les plus fortes : les habi-tants des grandes villes de provincechoisissent plus souvent, commec’est aussi le cas pour la fréquenta-tion comparée des espaces naturels,les réserves naturelles (20 % contre14 % en moyenne) ainsi que lesendroits près de l’eau (35 % contre29 %). De façon assez inattendue, leshabitants de l’agglomération pari-sienne ont tendance à choisir plussouvent les sous-bois hors des sen-tiers (60 % contre 51 %). Enfin, leshabitants des villes moyennes jus-qu’à 100 000 habitants choisissentdeux fois plus souvent que les autrescatégories « les aires d’accueil près

des parkings » (12 % contre 6 % enmoyenne).

Nous constatons que la préférencepour tel ou tel espace en forêt estplus discriminante selon le profilsociodémographique que le choixdes activités. Elle permet de déga-ger des profils qui seront complétéspar les représentations de ce quel’on cherche lorsqu’on va en forêt. Laclasse moyenne, qui domine de loinla distribution des préférences pourles espaces en forêt, se stratifie enquatre catégories suivant les reve-nus, le diplôme, et l’âge :

classe moyenne aisée : préfère lessous-bois hors des sentiers (plutôtâgés) ;

classe moyenne modeste peudiplômée : préfère les parcours desanté (plutôt jeunes) ;

classe moyenne instruite : préfèreles réserves naturelles, clairières etpoints de vue ;

classe moyenne supérieure : pré-fère les pistes pour vélos, cavaliers,skieurs de fond (diplômés, aisés etd’âge moyen).

Les quatre forêts desFrançais

Les raisons principales d’aller enforêt sont, en premier lieu, « le

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TAB. 4 : ENDROITS FRÉQUENTÉS DE PRÉFÉRENCE LORS DES VISITES EN FORÊT

Lorsque vous allez en forêt, où préférez-vous aller ? (plusieursréponses possibles, le total est supérieur à 100)

Moy.Région où l’endroit est choisi le plus

fréquemmentEcart en points

TOTAL % %

Sur les sentiers de promenade balisés ou les sentiers de découverte 56 Nord 72 +16

Dans les sous-bois hors des sentiers 51 Sud Ouest 59 +8

Dans les clairières, prairies, landes et points de vue 38 Est 47 +9

Dans les endroits où il y a de l’eau (mares, rivières.) 29 Sud Est 45 +16

Sur les parcours de santé 15 Est 24 +9

Sur les pistes pour vélos, cavaliers, skieurs de fond… 14 Région parisienne 19 +5

Dans les réserves naturelles 14 Bassin Parisien Ouest 21 +7

Sur les aires d’accueil aménagées près des parkings 6 Nord 10 +4

Aux buvettes ou dans les restaurants en plein air 5 Sud Ouest 8 +3

Source : enquête ONF – Université de Caen/LASMAS, « Forêt et société », 2004Lecture : 56 % des visiteurs en forêt (moyenne) choisissent de préférence les sentiers de promenade balisés, à comparer aux 72 %dans le Nord. Tous les écarts présentés sont significatifs statistiquement.

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calme, la tranquillité, le silence »(78 %), et pratiquement à égalité,des items qui en sont proches : res-pirer l’air pur, s’oxygéner (74 %),se détendre dans un cadre naturel(75 %), ou bien « le contact avec lanature » (74 %). Cela constitue unensemble plutôt consensuel dereprésentations de la forêt, qui ladésigne comme un « espace d’éva-sion hors de la grande ville ». Cetype est délimité par l’oppositionrural/urbain. Trois autres types dereprésentations se dégagent del’analyse des réponses : la forêtcomme espace de sociabilité et departage (67 %), la forêt comme espa-ce d’évasion hors du quotidien (entre40 et 60 %), et la forêt comme cadrepropice à l’exercice physique (moinsde 25 %). Ces trois derniers typesreposent sur la distinctionhomme/femme, avec à l’appuid’autres critères, tels que le diplômeou le standing, défini par la posses-sion d’un certain nombre de biensd’équipement.

La forêt comme espace d’évasionhors de la grande villeLa forêt apparaît ici ou bien commeun espace de « nature » qui faitcontrepoids, en tant qu’espace nonpollué, calme et silencieux, à l’envi-ronnement urbain – ou bien commeun élément du cadre de vie quoti-dien, pour les ruraux – plutôt que denature « pour elle-même ». Le profildes individus qui partagent ce typede représentations (le plus répandunumériquement) se distingue parune sur-représentation des habitants

de la région parisienne et, dans unemoindre mesure, des grandes agglo-mérations de plus de 100 000 habi-tants. Aller en forêt pour « sedétendre dans un cadre naturel »apparaît comme la raison la plustypique de la classe moyenne supé-rieure (voir tableau 5) : elle concer-ne plus de diplômés du supérieur,actifs, d’âge moyen, disposant d’unrevenu supérieur à 1 500 euros parmois, des ménages de plus de troispersonnes, et une fréquentation

régulière de la forêt. Le « contactavec la nature » réunit les habitantsde l’agglomération parisienne, tou-jours sur-représentée, et une légèresurproportion de ruraux, ainsi quedes individus plus âgés. Le rapportdes ruraux à la forêt se distingue decelui des urbains par une plus gran-de familiarité et une plus grandecontinuité entre les activités quoti-diennes et la fréquentation de laforêt. Mais cela n’affecte pas le typedans son ensemble.

55

TAB. 6 : RAISONS PRINCIPALES D’ALLER EN FORÊT (suite)La forêt, espace d’évasion hors du quotidien

Lorsque vous allez en forêt pour vos loisirs, vous y allez pour…

(Oui, principalement)

Ensemble% arrondis

Caractéristiques sur-repré-sentées dans le profil

%

… être dans un espace de liberté sanscontrainte

62 Femme 66

… la contemplation des paysages, le rêve,l’inspiration

51 65 ans et + 59

… échapper à un milieu stressant 41 Ouvriers 50

TAB. 5 : RAISONS PRINCIPALES D’ALLER EN FORÊTLa forêt, espace d’évasion hors la ville

Lorsque vous allez en forêt pour vos loisirs, vous y allez pour… (Oui, principalement)

Ensemble% arrondis

Caractéristiques sur-représentées dans le profil

%

… le calme, la tranquillité, le silence 78 Bac 84

… respirer l’air pur, vous oxygéner 74 Femme 78

… le contact avec la nature 7450-64 ans

Ruraux8579

… vous détendre dans un cadre naturel 76 Diplômé du supérieur 83

Source : enquête ONF – Université de Caen/LASMAS, « Forêt et société », 2004

Source : enquête ONF – Université de Caen/LASMAS, « Forêt et société », 2004

TAB. 7 : RAISONS PRINCIPALES D’ALLER EN FORÊT (suite)La forêt, espace propice à l’exercice physique

Lorsque vous allez en forêt pour vos loisirs, vous y allez pour…

(Oui, principalement)

Ensemble% arrondis

Caractéristiques sur-repré-sentées dans le profil

%

… pratiquer une activité physique afin devous maintenir en forme et en bonne santé

25BEPC

Homme3628

… la performance physique 13 Homme 17

Source : enquête ONF – Université de Caen/LASMAS, « Forêt et société », 2004

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La forêt comme espace de sociabi-lité et de partage« Partager un moment agréableavec la famille et les amis » (67 %)correspond à lui seul à un deuxièmetype de représentations. Il concerneplus souvent des femmes, lesménages de plus de trois personnes,les couples mariés. On y trouve aussibien des individus au standingmodeste, que des individus dispo-sant d’un revenu supérieur à2 200 euros. Les employés d’âgemoyen y sont sur-représentés. Enfin,les individus habitant en milieu ruraly sont moins présents, à l’inverse deshabitants des grandes villes de plusde 100 000 habitants, dont celasemble être l’attente. C’est unereprésentation qui réunit classepopulaire et classe moyenne.

La forêt comme espace d’évasionhors du quotidienLa forêt « évasion hors du quotidien »est caractéristique d’une classemoyenne modeste qui fréquente peula forêt. Elle concerne une frangeféminisée, mais moins diplômée,moins aisée et plus âgée, de la classemoyenne, confrontée à un quotidienchargé de contraintes (voir tableau 6).L’item « pour échapper à un milieustressant », fortement polysémique,emprunte aux trois autres catégoriesde représentations. Il réunit plus sou-vent des ouvriers, aux revenusmodestes, célibataires, peu diplômés

– un profil « classe populaire » en âged’activité (35-49 ans), ayant un emploi.Les habitants en milieu rural y sontsous-représentés.

La forêt, cadre propice à l’exercicephysiqueLes hommes de milieu modeste, lesouvriers, les personnes âgées de 65ans et plus, recherchent plus souventque le reste des usagers la forêt pourse maintenir en forme et « se dépen-ser » (voir tableau 7). La fréquenta-tion est plus régulière que dans lecas de la forêt « évasion hors du quo-tidien », mais la proportion de lapopulation concernée est moindre.C’est le seul type de représentationde la forêt qui réunit de manièrehomogène les traits de la classepopulaire (plutôt masculine) ; lafrange plus féminine de la classepopulaire se retrouve dans le deuxiè-me type, la forêt comme espace desociabilité.

Conclusion

Dans notre enquête, les représenta-tions se sont avérées plus perti-nentes que les activités pour délimi-ter des types dans la population. Lefait qu’il s’agisse de représentationsne doit pas nous inciter à croirequ’elles auraient moins de « réalité »que les pratiques ou les usages. Toutl’intérêt de l’approche sociologiqueconsiste à montrer que, en tant que

« faits sociaux », les représentationsont une incidence aussi importanteque celle des pratiques sur la réalitésociale. Seulement, il est plus com-plexe d’expliquer ou de démontrerleur action : de quelle manière chan-gent-elles avec les pratiques, maisaussi de quelle manière contribuent-elles à changer les pratiques effec-tives (ainsi, par exemple, le « contactavec la nature » est une aspiration,plus qu’une pratique, des habitantsde l’agglomération parisienne. Maiscette aspiration ne va-t-elle pas favo-riser un usage particulier de la visiteen forêt et des attentes qui s’y ratta-chent ?).

Les résultats de 2004 confirment etrenforcent ce qui était déjà apparulors de l’enquête Ifen/Derf de 1996 :loin d’invalider la stratification socia-le des pratiques, toujours marquée àla lecture des résultats statistiques,on voit se détacher quatre profils dereprésentations de la forêt.Cependant, la nature des activités etdes représentations au sujet de laforêt a changé au fil du temps. Lesaspects matériels qui condition-nent la visite en forêt semblentpeser actuellement au moinsautant que les aspects culturels(niveau de diplôme) dans la fré-quentation : ce sont les catégoriesles plus aisées qui vont le plus sou-vent en forêt (comme dans lesautres espaces de loisir), mais lesactivités que l’on y accomplit sontmoins stratifiées que les représen-tations (ce que l’on recherche enallant en forêt). Outre la régiond’habitation et la distance à la forêtla plus proche, les revenus et le stan-ding sont plus discriminants pour lafréquentation, sauf, et ce dans tousles cas, pour les catégories les moinsfavorisées, qui cumulent absence dediplômes et de revenus et sont bienplus nombreux à ne jamais aller enforêt.

Enfin, certains résultats demande-ront à être interrogés différemment(avec des enquêtes de type ethnoso-ciologique) par la suite. C’est, parexemple, le cas de la frange la plus

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A.-

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jeune de la population (15-24 ans),dont l’enquête laisse entrevoir laspécificité. Les plus jeunes sontmoins présents dans chacun destypes de représentations, ce qui lais-se penser que le cadre d’une enquê-te quantitative n’est pas le plusapproprié pour saisir leur univers.Bien d’autres pistes se dégagentpour des questions à aborder dansdes entretiens individuels ou degroupe, ou à travers l’observationdirecte. Ce n’est pas le moindreapport de ce type d’enquête qui, endégageant les grandes tendances,laisse apparaître les coins d’ombre àexplorer pour améliorer la connais-sance du rôle social de la forêt.

Michelle DOBRÉCNRS-EHESS-Université de Caen

Laboratoire d’analyse sociologiqueet des méthodes appliquées aux

sciences sociales (LASMAS)[email protected]

Nathalie LEWISPhilippe DEUFFIC

Cemagref BordeauxUnité ADER

[email protected]@bordeaux.

cemagref.fr

Anne-Marie GRANETONF, direction technique

département [email protected]

Bibliographie

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WARD THOMPSON C. et al., 2004.Open Space and Social Inclusion :Local Woodland Use in CentralScotland. Forestry Commission

575755757

Du point de vue du gestionnaire

À ce stade du travail, il faut souligner la difficulté de réalisation d’une telleenquête, tant dans sa conception que pour l’analyse et l’interprétation desrésultats. Si l’ONF commanditaire de l’étude doit définir ses objectifs dansun cahier des charges clair et précis, et être présent tout au long duprocessus, l’apport des sociologues est indispensable. Les pièges sontnombreux et la validité des résultats dépend de la rigueur et de la cohérenced’ensemble du projet. L’intérêt est bien dans la complémentarité et la miseen commun des apports des forestiers et des sociologues.

Oui, la forêt conserve sa force symbolique et sa spécificité : sa placeprivilégiée parmi les espaces fréquentés, l’attachement que lui manifestentles Français, sont la preuve des valeurs que nous lui attribuons. La recherched’espaces forestiers non ou peu aménagés, les raisons pour lesquelles nousfréquentons la forêt, militent pour une gestion attentive aux représentationset aux valeurs associées à l’espace forestier. Quand nous traduisons la «demande sociale » dans des aménagements pour le public, pensons àpréserver ces espaces que la forêt est seule à pouvoir offrir, notamment àproximité des grandes agglomérations. Ce n’est évidemment pasincompatible avec d’autres types d’aménagements en forêt et hors forêt quirépondent à d’autres attentes.

Non, les usages de la forêt ne se sont pas transformés radicalement depuisles années 1970 et c’est plutôt rassurant pour le forestier qui joue sur le longterme… Certaines « évidences » méritent néanmoins d’être remises enperspective : repos et pique-nique en forêt ne sont plus aujourd’huil’apanage d’une classe modeste, les activités de cueillette ou lafréquentation des sous-bois ne sont pas plus développées chez les ruraux…Ces évolutions doivent nous inciter à rester attentifs et sans a priori. D’autrestendances s’ébauchent peut-être qui méritent approfondissement pard’autres méthodes. Sans oublier que, si la forêt est fréquentée par une fortemajorité de Français, les plus défavorisés y ont beaucoup moins accès. C’estpeut-être, à l’instar des réflexions entreprises par plusieurs de nos voisinseuropéens, un nouvel enjeu pour les forestiers et les décideurs.

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epuis l’apparition del’agriculture, l’homme a

accru son impact sur les milieux natu-rels. Pour satisfaire ses besoins en bois-énergie, en bois de construction, ennourriture, il a exploité la forêt demanière plus ou moins intensive, enmettant à profit les dynamiques natu-relles pour optimiser la production debois. L’ « effet de sillage », hypothèseselon laquelle une sylviculture raison-née de production ne nuit pas au fonc-tionnement général et à l’intégrité del’écosystème forestier, est contestédepuis le début des années 1990(Barthod, 2001). En effet, la gestionforestière simplifie le fonctionnementde l’écosystème en accélérant ou ensupprimant des éléments et desphases qui ne répondent pas directe-ment à l’objectif de production.

Nous comparerons donc d’abord lefonctionnement de la forêt naturelle etcelui de la forêt gérée pour la produc-tion de bois puis nous préciserons lesmoyens dont dispose le gestionnairede forêts publiques pour conserver deséléments des stades absents ou insuffi-samment présents dans les forêtsgérées actuelles.

Cycle sylvigénétique et cyclesylvicole

Dans une forêt naturelle, le renouvelle-ment de la forêt se fait par différentstypes de perturbations qui créent desouvertures dans le peuplement per-mettant ainsi l’apparition de semis oula croissance de jeunes tiges préexis-tant sous le couvert. L’unité de régéné-ration a une surface très variable :quelques ares quand elle correspond àun arbre isolé qui meurt ou qui tombesous l’effet du vent ou de son proprepoids, des centaines d’hectares quand

l’ouverture est faite par l’action du feuou de l’ouragan.

À l’échelle de l’unité de régénérationen forêt naturelle, différentes phases sesuccèdent dans le temps : c’est le« cycle sylvigénétique ». À l’échelle del’unité de gestion en forêt exploitée,on parle de « cycle sylvicole ». Leschéma suivant illustre les différentesphases de chaque cycle et fait appa-raître leurs différences. Soulignons qu’ils’agit d’un schéma simplifié qui ne s’in-téresse pas à l’assemblage spatial desdifférentes unités de peuplement,donc pas aux structures qui en décou-lent ; de même, les successions d’es-pèces ne sont pas évoquées.

Le forestier utilise les phases succes-sives de croissance de l’arbre afin d’op-

timiser la production de bois. Le cyclesylvicole peut donc aller de 10 ans,pour la production de taillis à courterotation pour le charbon de bois ou lescopeaux, à 250 ans voire plus dans lesparcelles label de chêne du Centre dela France (Jarret, 2004).

Dans la forêt exploitée, les phases desénescence et de déclin sont suppri-mées, les arbres étant récoltés aumoment où ils présentent un intérêtmaximum que ce soit au niveau écono-mique ou technologique en faisantréférence à l’âge ou au diamètre d’ex-ploitabilité.

L’amélioration des connaissances surles écosystèmes forestiers dans leursdifférentes composantes (et pas seule-ment sur l’écologie des seuls arbres

Conservation des éléments importants pourla biodiversité : le point sur les dispositifs

proposés au gestionnaire de forêts publiques

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DDPhase de régénération

Phase de déclin

Phase de sénescencePhase optimale

Phase initiale

Phase initiale

Phasepionnière

Régénération

Croissance

Croissance en diamêtre

Croissance en hauteur

Vieillissement

Décrépitude

Écroulement

Régénération

Récolte

Phase optimale ou de maturation

CYCLE SYLVICOLE(à l’échelle de l’unité de gestion)

CYCLE SYLVIGÉNÉTIQUE(à l’échelle de l’unité de régénération)

La durée du cycle sylvigénétique varie selon les essences : 200 ans pour le bouleau, 600 ans pour les chênes

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forestiers) montre qu’un grand nombred’espèces forestières sont liées auxstades âgés du cycle sylvigénétique :qu’il s’agisse des cavités recherchéespar les chauves-souris (ou chiroptères),par les oiseaux cavicoles1 ou plusencore du bois mort à ses différentsstades de maturation et de décom-position qui abrite les mycéliums deschampignons xylophages ou sapro-phages et les larves des insectessaproxyliques. On estime que plus dutiers des espèces d’oiseaux de la forêttempérée dépendent des arbres creux(ONF, 1998) et que plus de la moitiédes espèces d’insectes de l’ordre descoléoptères forestiers dépendent dubois mort, arbres sénescents et vieuxbois (Gosselin et al., 2004).

La suppression des arbres adultes d’unmassif forestier isolé entraînant unerupture ne serait-ce que pendantquelques dizaines d’années dans laprésence de bois mort ou sénescentpeut aboutir à la disparition de nom-breuses espèces inféodées aux grosarbres. C’est ce qu’il ressort de l’étudecomparative de la faune des insectessaproxyliques des bois de Boulogne etde Vincennes (Noblecourt, 2004).

En ce qui concerne les stades pionniersou les milieux ouverts associés à laforêt, certaines espèces leur sont inféo-dées tout au long de leur vie ou seule-ment à certaines phases (par exempleles adultes d’insectes saproxyliquesrecherchent les fleurs en milieu ouvertpour se nourrir durant leur brève pério-de d’existence ailée).

Nous ne ferons que mentionner le rôleque tient la forêt dans la conservationdes espèces autrefois répandues danscertains paysages agricoles (haies,petits bois mais aussi milieux exploitésde manière extensive comme les par-cours pour le bétail), qui ont disparudans de nombreuses régions du faitdes techniques modernes de produc-tion intensive céréalière ou herbagère.

Les mesures proposéesdans la gestion des forêtspubliques pour assurer laprésence d’éléments desstades âgés dans la forêtgérée pour la production

de bois

Ce sont en allant du moins au plus« volontariste » :

la conservation de bois mort,la conservation d’arbres sénescents,d’arbres morts et d’arbres à cavités,la délimitation d’îlots de vieux bois :- les îlots de vieillissement,- les îlots de sénescence,la création de réserves intégrales.

Ces mesures ont été proposées (saufles îlots de vieillissement et de sénes-cence) dès 1993 par l’ONF dans l’ins-truction et le guide sur la prise encompte de la diversité biologique dansl’aménagement et la gestion forestière.Ces directives font actuellement l’objetd’une réactualisation en collaborationavec le Cemagref dans le cadre de l’ac-tion « biodiversité » de la conventioncadre qui lie nos deux établissements.

Des experts venant d’horizons divers(ministères de tutelle, recherche, ges-tionnaires d’espaces naturels) et del’ONF (départements forêts etrecherche de la direction technique,département biodiversité de la direc-tion de l’environnement et du dévelop-pement durable, réseau conservationde la nature et réseaux de compé-tences naturalistes) participent à ce tra-vail qui verra la parution d’un guideréactualisé en 2006.

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Hêtraie vierge de la Néra (Roumanie). Cette forêt des Carpathes, inexploitée depuis plusieurs siècles, s’est jusqu’àmaintenant renouvelée naturellement par des « perturbations douces » : quand un gros hêtre meurt,

il se décompose sur pied et est remplacé par… un jeune hêtre issu de la sélection naturelle qui s’opère dans les cônes de régénération

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1 Même si le mot « cavicole » ne figure pas dans le dictionnaire, nous l’utilisons de préférence à « cavernicole » car il a une signification plus large en faisant réfé-rence à tous les types de cavités

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Conservation de bois mortIl faut distinguer la conservation debois mort de la conservation d’arbrescorrespondant aux stades âgés ducycle sylvigénétique. La conservationde bois mort sous différentes formes(des branchages et billons de qualitémédiocre issus de l’exploitation desarbres aux arbres chablis non récoltés)est une mesure peu coûteuse qui peutprofiter à certaines espèces de la floreet de la faune ; c’est une mesure « pardéfaut » qui laisse sur place les pro-duits de l’exploitation non rentables :les rémanents éparpillés protègent lessemis de la dent du gibier et du soleil ;les tiges mortes du fait de la concur-rence, les surbilles et chablis non récol-tés peuvent assurer un milieu de vie àdes lichens épiphytes, des larves d’in-sectes. Encore faut-il former les exploi-tants successifs (acheteurs, affoua-gistes) à ne pas vouloir « faire propre» par l’incinération ou par la récupéra-tion de tous les produits de la coupe.

Conservation d’arbres isolésLes directives de l’ONF de 1993 pres-crivent de « conserver au moins1 arbre sénescent ou mort à l’hectare »et de « 1 à 10 arbres à cavité pour5 hectares ». Ces chiffres doivent êtrecompris comme étant des minimums àmettre en œuvre dans toutes lesforêts. Le guide reconstitution desforêts après tempêtes (ONF, 2001)prescrit de conserver au moins unechandelle et un volis de diamètre supé-rieur à 35 cm par hectare dans leszones sinistrées.

Des études démontrent que ces élé-ments structurants de l’écosystèmeforestier – qualifiés d’arbres à intérêtbiologique ou d’arbres « bios »dans différentes publications internesà l’ONF – sont souvent insuffisants ennombre, et constituent un facteurlimitant pour les espèces qui endépendent pour leur nourriture, leurgîte ou leur support. Il est doncimportant de dépasser ces chiffresminimums au moins dans certainscantons de forêt.

Une diversité dans les essences, lesdiamètres, l’origine et l’état de dégra-

dation des arbres « bios », les typesde cavité et leur position (haute oubasse), permet de répondre aux exi-gences assez strictes des nombreusesespèces. Il faut par exemple conser-ver les arbres cassés et fendus, lesarbres foudroyés à cœur, les arbres

avec des pourritures de pied, lesarbres avec des carpophores dechampignons au niveau de la surbilleou des branches, les chablis isolésdont l’exploitation serait plus coûteu-se et plus génératrice de dégâts queleur abandon…

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Chandelle de hêtre en FC Laheycourt (55). Ce hêtre fourchu brisé par l’ou-ragan du 26 décembre 1999 mérite d’être conservé comme arbre « bio ». Il présente peu de danger et a déjà servi de loge de nidification pour un

pic ; l’altération progressive de son bois fournira un biotope pour deschampignons xylophages et pour les larves d’insectes xylophages

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Les seules contraintes pouvant justifierl’abattage d’un arbre mort sont la sécu-rité du public, et le risque phytosanitai-re comme la contamination d’arbresvivants par des scolytes essaimant àpartir d’arbres récemment morts dontl’écorce est encore adhérente (c’est lecas de l’épicéa avec l’Ips typographe).

L’intégration paysagère est à prendreen compte pour ne pas donner aupublic et au propriétaire l’image d’uneforêt ruinée, sachant que l’informationdu public sur l’utilité du bois mort etdes arbres « bio » va de pair.

Ces arbres « bios » doivent pouvoirêtre reconnus au moins par le forestierpar un repérage (triangle à la peinture,plaquette…) ; leur inventaire à l’occa-sion des martelages permet d’enconnaître le nombre et ces donnéesseront utilisées dans un futur prochepour l’estimation du bois mort en forêtdans le cadre du bilan patrimonial de laforêt domaniale ou pour une meilleureconnaissance des constituants des éco-systèmes forestiers.

Les îlots de vieux boisLa conservation de quelques arbres degros diamètre, morts, sénescents ou àcavités qui restent à l’état isolé ou enpetits bouquets dans une parcellerégénérée convient bien à certainesespèces des forêts claires ou des ver-gers (pour les oiseaux, le rouge-queueà front blanc et le torcol, voir Muller,2004) mais pas pour les espècesrecherchant la forêt fermée. Cettemesure est donc nécessaire mais passuffisante. « L’ambiance forestière »avec son microclimat tamponné néces-site la conservation de surfaces com-plètes de peuplements adultes quivont de quelques hectares (îlots devieux bois) à des cantons forestierscomplets (zones inexploitables enmontagne, réserves biologiques inté-grales).

Nous proposons de regrouper sous leterme générique d’îlot de vieux bois,tous les types d’îlots, grains, bou-quets… de vieillissement, de matura-tion, de sénescence, d’abandon…,termes qu’on rencontre dans la littéra-

ture pour désigner la conservation surpied de groupes d’arbres qui ontdépassé ou dont l’objectif est dedépasser l’âge théorique d’exploitabi-lité fixé pour l’essence objectif enfutaie régulière, ou le diamètre théo-rique d’exploitabilité en futaie irrégu-lière ou jardinée.

L’îlot de vieillissementÀ l’ONF, le terme « îlot de vieillisse-ment » apparaît dans le manueld’aménagement de 1997. C’est un« petit peuplement bénéficiant d’uncycle sylvicultural prolongé au-delàde l’âge optimal d’exploitabilité surla série ». L’objectif est d’assurer unepermanence de stades âgés assurantun relais pour la transmission d’es-pèces souvent peu mobiles aux peu-plements voisins, en attendant qu’ilsprésentent les conditions propicespour accueillir ces espèces. Leur exis-tence est temporaire (au maximumdeux fois l’âge d’exploitabilité de l’es-sence objectif de la série) afin de limi-ter les sacrifices financiers consentispar le gestionnaire ou le propriétaire.

Le guide reconstitution après tem-pêtes, les notes d’application de ceconcept issu du manuel d’aménage-ment de 1997 régionales (Alsace,Centre, Lorraine) ou territoriales (Île-

de-France Nord-Ouest), le guide dessylvicultures de la chênaie atlantique,prescrivent d’implanter les îlots devieillissement dans les parcelles dugroupe de régénération (5 à 10 % de lasurface du groupe, taille de 0,5 à 5 ha)soit un taux de l’ordre de 2 % à 5 % dela série.

Pour anticiper sur la gestion du flux,des îlots pourront être recrutés dès legroupe de préparation. La question dela délimitation de futurs « îlots devieillissement » dans les parcelles dejeunes peuplements qui peut per-mettre d’orienter la gestion vers unesélection précoce différenciée de tigesà vocation biologique reste posée.

Dans un souci de continuité de la ges-tion, les îlots de vieillissement doiventêtre délimités discrètement mais dura-blement sur le terrain, et inscrits àl’aménagement sur les plans et ausommier de la forêt.

Les interventions à y pratiquer doiventse limiter à des améliorations au profitdes tiges à vocation « production » oud’éléments conservés pour leur intérêtbiologique (détourage, récolte ponc-tuelle avant dépréciation d’une bille dequalité, intervention dans un objectifde sécurité).

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Les études réalisées par Yves Muller dans le grand massif forestier des Vosges duNord ou par Bernard Dubreuil en Moselle sur les cavités creusées par les picsmontrent que ces oiseaux, qu’on peut qualifier de cavicoles primaires,recherchent les points de faiblesse de l’arbre pour creuser leur trou (cicatrice debranche ou partie du tronc dégradée par Phellinus robustus chez le chêne, boistendre des trembles et bouleaux).

Le couple de pics élève sa nichée dans la cavité qui lui convient le plus ; il peutla réutiliser les deux ou trois années suivantes. Les cavités inoccupées sontutilisées par d’autres espèces dites cavicoles secondaires : des oiseaux (commele pigeon colombin, les chouettes forestières, les mésanges, les gobe-moucheset quand les lisières avec les zones non boisées sont proches par l’étourneausansonnet), des hyménoptères (abeilles, frelons), des chiroptères (chauves-souris), des mammifères (loir, martre)… Au fil du temps, la qualité du gîtediminuant, les cavités vont héberger des larves d’insectes se nourrissant desterreaux ou des champignons lignivores.

En plus d’y trouver un biotope, ces espèces des arbres « bios » peuventcontribuer au bon état sanitaire de la forêt : ainsi les rapaces nocturnes, leschauves-souris et les oiseaux insectivores comme d’ailleurs certains insectes(certains hyménoptères, diptères syrphidés et coléoptères) jouent un rôleimportant dans la régulation et le maintien des populations de ravageurs(scolytes, rongeurs…) à un niveau acceptable.

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L’îlot de sénescenceLes échanges entre les gestionnairesforestiers, les naturalistes et lesscientifiques dans le cadre de l’éco-certification PEFC et de la mise enplace du réseau Natura 2000 ont faitémerger le concept d’« îlot desénescence ». Ce dispositif, plusvolontariste et coûteux pour le pro-priétaire ou le gestionnaire que l’îlotde vieillissement vise à conserver despeuplements au stade de la matura-tion pour les laisser évoluer sansintervention jusqu’à ce que tous lesarbres adultes conservés soientmorts. Si l’on considère que l’espaceoccupé ne retournera pas à la pro-duction lorsque tout le bois seradécomposé, on peut utiliser le termed’« îlot d’abandon ».Ces îlots doivent être mis en placedans des zones déjà peu exploitéesconnues pour être des habitats d’es-pèces forestières peu mobiles(insectes saproxyliques) ou per-mettre de conserver des témoins desstructures héritées d’un traitementancien (TSF par exemple). Ce zonagepourrait représenter quelques pourcents de la surface d’une séried’aménagement sous forme de blocs

de plusieurs hectares, ceci afin delimiter les effets de lisière préjudi-ciables aux espèces forestières quicraignent les fortes variations delumière et de température.

Les réserves biologiques inté-gralesL’étape suivante, c’est la délimitationde zones de plusieurs dizaines d’hec-tares dédiées à la conservation de labiodiversité ; pour plus de détails, ilfaut se reporter au dossier deRendez-vous techniques sur les sta-tuts de protection dans la gestionforestière de l’été 2004.

Si les séries d’intérêt écologique par-ticulier et les réserves biologiquesdirigées concernent souvent desespaces associés à la forêt où setrouvent une espèce ou un habitatnécessitant des interventions pourleur maintenir des conditions d’exis-tence précises, les séries d’intérêtécologique général et les réservesbiologiques intégrales (RBI) ontpour vocation de spécialiser desespaces pour laisser libre cours auxévolutions naturelles et pouvoirobserver les différentes phases du

cycle sylvigénétique hors interven-tion de l’homme.

Elles peuvent correspondre à deszones où l’exploitation de bois n’estplus rentable actuellement (cantonsinaccessibles en montagne avec pré-sence de peuplements subnaturelsau sens de l’instruction de 1998 surles RBI), mais aussi des parties deforêts de production représentativesd’un type forestier (chênaie de plainepar exemple). L’objectif est double :préserver les peuplements forestiersprésentant une grande naturalité carl’exploitation forestière y a été aban-donnée depuis plusieurs dizainesd’années et les processus d’évolu-tion naturelle y ont repris le dessus(cas assez fréquent dans les Alpes etles Pyrénées, très localisé dans lesVosges) ; constituer un réseau repré-sentatif des habitats forestiers fran-çais afin de constituer un réseaunational de sites laissés en évolutionlibre permettant un suivi scientifique.

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Les sites du réseau Natura 20002 peuvent faire l’objet d’interventions visant àmaintenir en bon état de conservation les habitats naturels et les habitats desespèces présentes. Ces mesures doivent être prévues dans les documentsd’objectifs de chaque site. Les actions mises en œuvre dans un site peuvent êtredes « bonnes pratiques » qui sont inscrites dans la charte Natura 2000 du site ;les mesures qui visent à restaurer ou améliorer l’état de conservation, informer lepublic font l’objet d’un contrat Natura 2000.

La circulaire du ministère de l’Environnement et du développement durable du24 décembre 2004 détaille le cadre national d’application de ce dispositif ; elledétaille dans la fiche 11 et l’annexe V les mesures pouvant faire l’objet de contratsdans les milieux forestiers : 13 types d’opérations sont détaillés.

Parmi celles-ci, la fiche K concerne le développement de bois sénescents. Lecadre est le suivant : financement possible pour volume minimum de 5 m3 parhectare sous forme de très gros arbres ayant déjà des potentialités d’accueilimportantes, de préférence par groupes, engagement de les conserver pendant30 ans, mode de calcul de l’indemnité pour l’immobilisation du fonds et la pertede valeur des bois avec des adaptations régionales possibles, nécessité de repé-rage sur le terrain…

Des conditions particulières d’application précisent que cette mesure ne peutfaire l’objet d’un contrat qu’accompagnée d’une des autres mesures prévuesdans la circulaire. En forêt domaniale, les cinq premiers m3 ne seront pas indem-nisés car il a été considéré que les bonnes pratiques de l’ONF ont déjà permisd’atteindre ce chiffre.

2 délimités en vertu de la directive européenne habitats-faune-flore de 1992 : il s’agit alors de propositions de sites d’intérêt communautaire (p-sic) appelés ensuitezone spéciale de conservation (ZSC), ou de la directive Oiseaux de 1979, il s’agit alors de zone de protection spéciale (ZPS)

J.-M

. Bré

zard

, ON

F

Contrôle de cavité en FDRambouillet (78). Dans les arbresayant poussé en croissance libre(TSF ou futaie claire), les cavitéssont souvent dans les branches

maîtresses du houppier. Leschauves-souris semblent préférerles cavités dans les arbres vivantscar le micro-climat y est plus sain

que dans un arbre mort

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Conclusion

Dans un contexte où la société s’inquiè-te de la disparition rapide des milieuxnaturels (forêts tropicales et boréales,forêts grignotées par l’urbanisation, for-mations boisées linéaires et arbres isolésdans les zones d’agriculture intensive) etoù les plantations et les forêts exploitéesmécaniquement fournissent des pro-duits calibrés, il serait tentant de mettreune grande partie de la forêt françaisehors des circuits commerciaux.

Mais l’histoire passée de la forêt françai-se et de ses relations étroites avecl’homme, son importance pour l’activitédans le milieu rural, la qualité et la varié-té des bois de l’Europe tempérée, et dela France en particulier, ont permisl’émergence d’une gestion forestièreapte à prendre en compte plusieurs

objectifs (traduits dans le terme de mul-tifonctionnalité dans la loi d’Orientationforestière de 2001).Aujourd’hui, l’ouverture des forestiersvers les autres utilisateurs de la forêt,l’engagement de la France dans la miseen œuvre de la convention internationa-le sur la diversité biologique et dans leprocessus paneuropéen des confé-rences ministérielles pour la protectiondes forêts en Europe, l’incertitude sur lesconséquences du changement globalrendent indispensable une meilleureprise en compte de la biodiversité (et dela demande sociétale qui l’accompagne)dans la gestion forestière quotidienne.

Connaissant les différentes mesures pos-sibles, chaque gestionnaire doit adapterleur mise en œuvre selon le contextegéographique de chaque forêt : la « res-ponsabilité » en terme de biodiversité

d’un grand massif domanial au milieud’une plaine céréalière sera très forte etimposera la mise en œuvre de toute lapanoplie des mesures en faveur de labiodiversité sur un pourcentage significa-tif de la surface alors que dans une peti-te forêt domaniale située dans un massifcomportant aussi plusieurs forêts com-munales et privées (ayant des surfaces,des pratiques et des intensités de ges-tion très variables), le gestionnaire parta-gera cette responsabilité et pourra selimiter à l’application des mesures géné-ralistes concernant le bois mort et lesarbres sénescents, morts et à cavités.

Les mesures proposées dans cet article(et résumées dans le tableau ci-dessus)vont du plus simple et moins coûteux(conservation de bois mort, de quelquesarbres creux, sénescents et morts àl’hectare) au plus contraignant et coû-

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BOIS MORT ET VIEUX BOIS: DISPOSITIFS PROPOSÉS AU GESTIONNAIRE FORESTIER

Objectif recherche

Objectif

Bois mort CavitésGros

arbres

Vieux bois

vivants

Évolutionnaturelle

Caractéristiques

Aspect Durée SurfaceRecrutement,mise en place

Gestion

Rémanents XXX non non non non disséminélimitée

(dégradation)non

calculableclauses

d'exploitationrenouvellement

régulier

Arbres"bios"

Arbres mortsou sénescents

XXX XX X non non disséminélimitée

(dégradation)non

calculableavant ou pendant

martelagerepérageinventaire

Arbres à cavités

X XXX X X non disséminélimitée

(dégradation)non

calculableavant ou pendant

martelagerepérageinventaire

Sur-réserves X X XX XX non disséminélimitée

(récolte)non

calculableavant ou pendant

martelagerepérageinventaire

Parcelle-label X X XX XX non délimitélimitée

(récolte)celle desparcelles

dansl'aménagement

selonl'aménagement

Ilôts devieuxbois

Ilot de vieillissement

X X XX XX non délimitélimitée

(récolte)0,5 à 5 ha dans GR, GP (GA) repérage

Ilot de sénescence (1)

XXX XX XXX XXX XXX délimitélimitée

(dégradation)0,5 ha

minimumdans GR, sitesNatura 2000

repérage

Série d'aménagementindividualisée

si spéciali-sée fort

volume debois mort

non(trop

restrictif)

sispécialisée

sispécialisée

SIEG délimitévariable (amé-

nagement)variable

dansl'aménagement

selonl'aménagement

Réserve biologique intégrale

XXX XXX XXX XXX XXX délimité limitée

plaine : 50 ha

montagne :100 ha

présentation auCNPN arrêté

ministériel

plan de gestion

suiviscientifique

X possible ; XX probable ou pas immédiat ; XXX répond à l'objectif, immédiat

(1) si l'îlot de sénescence est appelé à revenir à une gestion de peuplement une fois tout le bois mort dégradé ou au terme d'un contrat Natura 2000 de 30 ans renou-velé ou pas, on peut introduire le concept d'îlot d'abandon de durée illimitée, équivalant à une mini-réserve intégrale sans suivi scientifique.

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teux (zonage d’espaces dédiés à la bio-diversité). Les directives de 1993 ont étébien transcrites dans les nouveaux amé-nagements comme le préconisait l’ins-truction. Les enseignements tirés desétudes scientifiques et des observationsde terrain montrent une inquiétanteaccélération de la disparition d’espècesanimales et végétales sous l’action direc-te ou indirecte de l’homme (Barbault etChevassus-au-Louis, 2005). C’est pour-quoi’il faut mettre partout en œuvre – etsans attendre les révisions d’aménage-ment – les mesures généralistes concer-nant le bois mort et les arbres « bios »,en expliquant à nos partenaires (com-munes, exploitants forestiers, affoua-gistes) et au public, le rôle primordial dela forêt dans la préservation de la biodi-versité pour les écosystèmes terrestres.

Jean-Marc BRÉZARDONF, direction technique

département forê[email protected]

Remerciements

Merci aux relecteurs attentifs : les col-lègues des départements forêts etrecherche de la Direction technique,du département biodiversité de laDirection de l’environnement et dudéveloppement durable, les anima-teurs des réseaux de compétencesnaturalistes de l’ONF, l’équipe del’Unité de recherches écosystèmesforestiers et paysages du CemagrefNogent-sur-Vernisson.

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vec l’abandon complet dusystème des permis fores-

tiers il y a dix ans, l’Office national desforêts s’est engagé dans une démarched’aménagement multifonctionnel desforêts guyanaises, premier pas vers lamise en place d’une gestion durable deces massifs, à haute valeur patrimoniale àl’échelle planétaire. À ce jour, 95 % desexploitations forestières menées enGuyane ont lieu dans ces forêts aména-gées. Après avoir été desservies et inven-toriées préalablement par l’ONF, lescoupes sont vendues sur pied et à l’unitéde produit. Les ventes suivent une planifi-cation à l’échelle régionale garantissant :

la protection des zones sensibles àtravers un réseau de séries d’intérêtécologique et de réserves,

le respect de règles sylvicolesnécessaires à la préservation du potentielde reconstitution des peuplements,

l’intégration des autres fonctions de laforêt (dispositions spécifiques pour laprise en compte des usages traditionnels,des activités touristiques, minières…).

Si cette phase d’aménagement et deplanification de la gestion est aujourd’huibien organisée, il n’en est pas de mêmepour la phase de réalisation des travauxd’exploitation dont l’efficacité écono-mique et les impacts environnementauxsont actuellement mal maîtrisés.

En 2003, l’ONF s’est donc engagé dansune démarche de progrès organiséeen trois phases :

un diagnostic objectif desproblèmes posés par l’exploitationconventionnelle,

le développement de nouveauxoutils et de nouvelles méthodes per-mettant de les résoudre,

la formation des opérateurs privés àces nouvelles techniques.

L’article qui suit présente les résultats dela première phase de ce travail, baptiséeDPE (diagnostic post-exploitation). Elles’est concrétisée par une étude menéedans le cadre des projets du groupe-ment d’intérêt scientifique Silvolab, avecla collaboration du CIRAD-Forêt et laparticipation financière de l’Union euro-péenne dans le cadre du XIIème contratde plan État-Région.

L’exploitation forestière :une activité très

traditionnelle et peuorganisée

Traditionnellement, l’exploitation réali-sée en Guyane s’organise en une phased’abattage et une phase de sortie desbois totalement indépendantes et sou-vent déconnectées dans le temps.L’équipe d’abattage est constituée de

deux personnes : le bûcheron-prospec-teur et l’aide bûcheron. Lors de l’inven-taire réalisé par l’ONF sur chaque unitéde prospection1 constituant la parcelle,les tiges exploitables ne sont ni mar-quées sur le terrain, ni repérées sur plan.L’équipe de bûcheronnage doit doncrechercher les tiges à abattre disperséesdans le peuplement au fur et à mesurede leur avancement. Une fois repéré, lebois est abattu sans précaution particu-lière, notamment sans maîtrise de ladirection de chute (méthode dite du« jetébwa »). La découpe est alors réali-sée avant la première grosse fourche auniveau le plus accessible, sans démantè-lement du houppier ni façonnage desurbille. La sortie des bois est fréquem-ment réalisée quelques semaines voirequelques mois après l’abattage, aucuneconsigne n’étant passée entre les deuxéquipes. Le débuscage est réalisé à l’ai-de d’un tracteur à chenilles, de typeBulldozer, qui ouvre la piste en mêmetemps qu’il recherche les grumes, en seguidant simplement sur les layons crééspar l’équipe d’abattage ou sur lesouvertures causées par les trouées. Lecâblage n’est pas utilisé et le bulldozerest souvent amené à manœuvrer lagrume pour faciliter son arrimage. Latraîne sur piste principale est ensuiteréalisée par un débardeur à pneu detype Skidder sur plus de 700 m en

Mieux valoriser la ressource en bois etréduire les impacts sur l’environnement :

deux objectifs convergents pour uneexploitation forestière durable en Guyane

française

Afin d’améliorer l’efficacité économique et de mieux maîtriser les impacts

environnementaux, la réalisation des travaux d’exploitation en Guyane a justifié une

étude de diagnostic post-exploitation dont les principaux enseignements sont présentés.

La nécessaire évolution des pratiques d’exploitation habituelles doit impérativement

s’inscrire dans une démarche impliquant l’ensemble de la filière forêt-bois.

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1 une unité de prospection est une unité topographique exploitable de l’ordre de 35 ha en moyenne

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moyenne (et parfois plus de 2 km). Cen’est qu’arrivé sur parc que la grumesera enfin numérotée et cubée.

Cette organisation des chantiers n’estpas sans incidence sur l’efficacité de lamobilisation de la ressource. Une sous-valorisation flagrante de la ressourceest en effet constatée depuis plusieursannées notamment à cause de la pertede matière en purges mais aussi suite àl’abandon d’une proportion importan-te de tiges commerciales sur pied. Afinde mieux caractériser ces pratiques etleurs conséquences en terme de ren-dements économiques mais aussi d’im-pacts sur l’environnement, une étude aété engagée en 2003 par l’ONF, en col-laboration avec le CIRAD-Forêt (Centrede coopération internationale enrecherche agronomique pour le déve-loppement, département Forêt). Desdiagnostics post-exploitation (DPE) ontété établis sur 10 parcelles récemmentexploitées (voir encadré protocolep. 67). Ils ont permis de déterminerl’importance relative des principauxfacteurs de sous-valorisation, et d’éva-luer les dégâts lors de l’exploitationafin d’y remédier par l’adoption d’unestratégie adaptée.

Bilan des pratiquesd’exploitation : moins d’un

tiers de la ressourceexploitable potentielle est

réellement mobilisé

Les pratiques d’exploitation actuellesaboutissent à une mobilisation trèsincomplète de la ressource : seulement27 % des tiges commerciales par hecta-re sont effectivement exploitées (soit2,3 tiges/ha exploitées). Le prélèvementde 14 m3 par hectare exploitable repré-sente 30 % du volume commercial exis-tant sur la coupe. Trois facteurs détermi-nants expliquent ce faible rendement.

Le manque d’organisation desexploitationsLe relief très découpé en une successionde collines et de plateaux, l’absence derepères bien nets dans des parcelles de150 à 300 ha ; la dispersion et l’irrégula-rité de la ressource commerciale dans lepeuplement sont autant de facteurs qui

rendent extrêmement délicate larecherche des tiges exploitables. Dansces conditions, l’absence d’organisationdes opérations d’exploitation aboutit fré-quemment à un parcours incomplet de laparcelle dont 5 % des unités de pros-pection exploitables, en moyenne, nesont pas passées en coupe et s’ajoutentau 40 % de surfaces non exploitables.

Ces difficultés se retrouvent dans laphase de débardage : 5 % desgrumes abattues, pourtant sansdéfauts rédhibitoires, ne sont pas

retrouvées par le débardeur et restentpourrir en forêt (soit 0,12 tige/ha avecun volume arbre moyen de 5,28 m3).

L’utilisation d’un GPS pour se repérer,la numérotation des grumes par lebûcheron dès l’abattag, l’ouverture despistes principales et la recherche destiges préalablement à l’abattage sontautant de techniques simples qui pour-raient réduire ces oublis préjudiciablesà la valorisation des coupes. Elles per-mettraient par ailleurs d’optimiser leparcours des engins dans la parcelle et

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La forêt guyanaise en quelques chiffres : une grande richesse biologiquemais une relative pauvreté en bois commercialisables

8,2 millions d’hectares dont 7,5 millions d’hectares gérés par l’ONF ;440 000 espèces végétales et animales selon les dernières estimations ;plus de 1200 espèces ligneuses et 150 espèces différentes à l’hectare enmoyenne ;8 tiges exploitables* par hectare en moyenne sur les parcelles en production, soit 45à 50 m3 estimés ;70 000 m3 / an exploités sur 40 à 50 parcelles de 300 ha en moyenne ;volume grume de l’arbre moyen exploité : 5,5 m3 pour 77 cm de diamètre à1,30 m.* : tiges appartenant aux 90 espèces d’intérêt technologique reconnu et de diamètre supérieur au

DME = diamètre minimum d’exploitabilité de 55 cm en général

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par conséquent de limiter leur impactau sol et au peuplement tout en opti-misant leur coût fortement affecté parla recherche des grumes.

L’absence de technicité lors del’abattageSi le « jetébwa » permet au bûcherond’atteindre de bons rendements jour-naliers avec 15 à 20 bois tombés paréquipe (soit 75 à 100 m3/jour), le résul-tat est nettement moins satisfaisant surle plan de l’optimisation du volumerécolté par arbre. En effet, les pertes dematière de qualité marchande liées auxtechniques d’abattage atteignent enmoyenne 7 % à 8 % du volume sorti :- les petits défauts internes en patte et

les contreforts font l’objet d’unepurge quasi-systématique (0,86 m3 enmoyenne sur 42 % des tiges) plutôtqu’une réfaction ou un égobelage2

qui permettraient la valorisation decette partie du pied ;

- 28 % des découpes sont réaliséessans souci d’optimisation, à plus de60 cm « fin bout » en laissant plusd’1,80 m de longueur utile (soit0,56 m3 en moyenne).

Par ailleurs, la technique d’abattagecontrôlé n’étant pas appliquée, lesessences réputées nerveuses sontredoutées par les bûcherons et laisséessur pied. C’est notamment le cas dubalata franc (Manilkara bidentata etManilkara huberi), essence bien repré-sentée en Guyane (7,3 % des tigescommerciales) où elle est très peuexploitée, alors qu’elle l’est couram-ment au Brésil.

Une forte sélection spécifiqueAu total, 90 espèces sont considéréescomme commercialisables par l’ONFdu fait de qualités technologiques avé-rées (travaux du CIRAD). Cinquante-cinq d’entre elles ne sont quasimentjamais exploitées. Cette situation résul-te effectivement de réelles contraintesde marché mais englobe aussi cer-taines essences précieuses disperséesdans le peuplement ou mal reconnues.

Trois essences sont principalement utili-sées sur le marché local ou valorisées à« l’exportation » vers les Antilles : l’an-

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Bilan du « diagnostic post-exploitation » (DPE)

Le diagnostic post-exploitation réalisé en 2003 et 2004 a reposé sur un inventaire exhaustif

de 10 coupes, échantillonnées en fonction de leurs caractéristiques dendrométriques et de

leur positionnement sur le marché (représentation des principaux acheteurs et exploitants).

Le protocole incluait :

la mesure de l’extension effective de la coupe par un relevé des pistes de débardage et

de débuscage au GPS ;

un inventaire spatialisé et une description des souches comprenant notamment un

relevé des purges excessives et une estimation du volume de qualité marchande qu’elles

représentent (3316 souches décrites) ;

une recherche et une description des grumes oubliées sur le parterre de la coupe et des

arbres commercialisables restant sur pied à proximité des pistes de débardage.

Les critères de description des arbres, grumes et purges ont été validés lors de rencontres

sur le terrain avec des exploitants et scieurs. Ces résultats sont confrontés aux données de

l’inventaire avant exploitation (DIPA = diagnostic parcellaire approfondi) et aux relevés de

cubage sur parc. Les caractéristiques dendrométriques moyennes sont résumées dans le

tableau suivant.

(* sur la surface effectivement exploitée)

Les principaux facteurs de perte de matière ont pu être estimés. Ils peuvent êtrerésumés par le schéma suivant :

Ressource exploitable(DIPA)

Ressource exploitée (DPE)

Surface 1 690 ha 1 611 ha

Nombre de tige / ha 8,5 2,3*

Diamètre quadratique moyen 66,65 cm 77,52 cm

Surface terrière / ha 2,83 m2 1,11 m2 (*)

Volume estimé / ha 47 m3 14 m3 (*)

Ressource exploitable sur pied =100 %

Unités de prospectionoubliées = 5 %

Grumes non décomptées = 1 %

Bois abattus = 31 %

Volume sorti de parcelle = 28 %

Grumes oubliées = 1 %Purges non justifiées = 2 %

Bois d’essences principales laissés sur pied(faible Ø) = 9 %

Bois d’essences peu exploitées laissés sur pied= 20 %

Essences jamais exploitées = 35 %

Volume décompté = 28 % Principaux facteurs de perte de matière-bois lors de l’exploitation

2 égobelage : enlèvement des pattes et renflements au pied d’un arbre à l’abattage ou au façonnage

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gélique (Dicorynia guianensis), les gon-folos (Qualea rosea, Ruitzeriana albiflo-ra) et le grignon franc (Sextonia rubra).Ces bois, principalement utilisés encharpente, représentent en moyenne75 % de la récolte (pour seulement36 % de la surface terrière du peuple-ment commercial). Leur reconnaissanceaisée et leur répartition spatiale de typeagrégatif, facilitent leur valorisation quiatteint 66 % en nombre de tiges préle-vées (77 % en surface terrière). Toutel’attention des bûcherons se porte surla recherche de ces trois essences.Au final, une trentaine d’espèces seule-ment, recherchées par la première etseconde transformation (notammentles bois utilisés en menuiserie tradition-nelle mais aussi quelques bois blancs),font l’objet d’une mobilisation plus oumoins régulière. Leur taux de prélève-ment, très variable, reste en moyenneinférieur à 1 tige sur 4.

Si la description des tiges restant surpied nous montre que leur qualité intrin-sèque n’est en général pas en cause, onobserve cependant qu’une forte sélec-tion sur le diamètre est opérée : alorsque le diamètre minimum d’exploitation(DME) est fixé à 55 cm pour les troisprincipales essences, l’exploitation seconcentre sur les tiges de plus de 70 cmde diamètre (mobilisées pour les 3/4) quiprésentent un meilleur rendement ausciage. Les tiges de 55 à 65 cm ne sontexploitées que pour 1/4 des tiges maxi-mum. Cette tendance se retrouve aussipour les autres essences exploitées.

De faibles prélèvements negarantissent pas un moindre

impact

On pourrait imaginer que cette faibleintensité de coupe induise des dégâtsréduits. L’impact sur le milieu doit en faitêtre étudié de façon approfondie. Eneffet, le caractère agrégatif du prélève-ment entraîne une forte variabilité desintensités locales de coupe qui peuventatteindre plus de 7 tiges à l’ha enmoyenne pour une unité de prospec-tion (soit 43 m3/ha estimé). De plus,l’absence de technicité lors de l’abatta-ge induit d’importants dégâts au peu-plement résiduel, pouvant hypothéquer

son potentiel d’avenir. Enfin, l’absenced’organisation des opérations dedébardage, conjuguée à la fragilité dessols tropicaux et à la topographie acci-dentée, risque d’entraîner des phéno-mènes de tassements et d’érosion dessols qui sont actuellement mal mesurés.De nouvelles études sur ces différentsaspects ont donc été engagées.

30 % du peuplement endommagéspour moins de 1 % des tiges coupéesLe niveau des dégâts consécutifs auxopérations d’abattage et de débardageconditionne fortement la qualité dupeuplement d’avenir et les capacités dereconstitution du peuplement. La mini-misation de ces dégâts, et notammentla préservation des tiges d’avenir, est unenjeu prioritaire tant écologiquequ’économique. Les premières don-nées recueillies sur deux parcelles fontapparaître un impact important : l’ex-ploitation de 3 à 5 tiges/ha provoquedes blessures graves ou mortelles surplus de 60 à 70 tiges de plus de 10 cmde diamètre par hectare. La surface ter-rière du peuplement est réduite de 13 à14 % par l’exploitation (prélèvement etbris de réserve). Cette diminutiondevrait atteindre 19 à 23 % dans lestrois années qui suivent l’exploitation dufait du dépérissement des arbres lesplus touchés.Ce niveau reste inférieur à la limiteconseillée par le CIRAD-Forêt en réfé-rence aux résultats obtenus sur le dis-positif expérimental de Paracou, soit33 % de la surface terrière initiale etl’intensification de l’exploitation, sou-haitable d’un point de vue écono-mique, reste possible. Elle est cepen-dant conditionnée par une meilleuremaîtrise de l’impact sur le peuplementd’avenir. Elle doit par ailleurs êtreciblée sur les tiges d’avenir et tigesexploitables non valorisées lors decette première coupe de façon à pré-server la plus grande potentialité dereconstitution du peuplement com-mercial : le marquage en réserve systé-matique des tiges d’avenir situées àproximité des tiges exploitables parl’ONF, l’application par les bûcheronsde méthodes d’abattage contrôlé et laplanification des pistes de débardageprincipales avant exploitation sont trois

récentes mesures dans le nouveaucahier des clauses des ventes quidevraient permettre de réduire signifi-cativement l’impact de l’exploitationsur le peuplement résiduel et les sols.

Limiter l’ouverture de la canopéepar l’exploitation : la télédétec-tion comme outil de contrôle de larégénérationEn forêt tropicale encore plus qu’ailleurs,le dosage de la lumière est un paramètreessentiel conditionnant le devenir dupeuplement. La sylvigénèse en forêtnaturelle se base sur une régénérationdes trouées simples apparaissant à l’oc-casion de la mortalité de gros arbres iso-lés et apportant la lumière nécessaire audéveloppement de plantules d’espècessemi-tolérantes ou héliophiles, et à l’ex-pression d’une banque de semencesdormantes (théorie de la perturbationintermédiaire). Sur la base des connais-sances déjà acquises sur la dynamiquedes peuplements après perturbation, onconsidère que des trouées d’abattagepeu nombreuses, dispersées et de petitetaille (< 400 m3), similaires aux chablisnaturels, permettent de dynamiser lacroissance du peuplement sans en bou-leverser la composition spécifique. Leschablis multiples créés par la chute deplusieurs arbres auraient au contraire uneffet négatif, favorisant l’apparition d’es-pèces pionnières héliophiles peu intéres-santes d’un point de vue commercial.Pour une même intensité d’exploitation,

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Éclatement d’un arbre suite à unemauvaise technique d’abattage

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les effets de la coupe sur le peuplementpeuvent donc être très variables en fonc-tion de la répartition du prélèvement etde la qualité de l’abattage. Des tech-niques de télédétection mises au pointpar le CIRAD permettent aujourd’hui demesurer l’ouverture de la canopée. Lespremiers résultats obtenus sur deux par-celles faiblement exploitées (1 à2,7 tiges/ha) montrent ainsi que lesgrosses trouées d’abattage (400 m3)contribuent à la destruction de 4 à 5 %du couvert forestier total de ces parcelles.L’ouverture atteint même 10 à 15 % danscertaines unités de prospections.

Attention sols fragiles !Les sols guyanais, « vieux » sols forméssous climat tropical humide, présententune très faible fertilité chimiqueconcentrée dans les vingt premiers cen-timètres. Leurs caractéristiques phy-siques sont largement influencées parla qualité du drainage, de nombreuxsols forestiers présentant des horizonslimoneux intermédiaires à l’origine denappe perchée ou d’engorgementtemporaire. Il en découle une forte sen-sibilité des sols au tassement et à laperte de fertilité. Le parcours anar-chique des engins de débardage n’estpas sans conséquence, et les ornièresdépassant 1 m de profondeur sontrelativement fréquentes sur des pistesprincipales mal étudiées où plus de500 m3 de bois peuvent transiter (voiraussi le dossier des Rendez-vous tech-niques n° 8 à ce sujet). L’optimisation dutracé de ces pistes principales dedébardage doit donc être envisagéed’autant plus que les réseaux actuelsprésentent des linéaires excessifs auregard des volumes sortis ; ils dépas-sent en effet 120 ml par hectare effecti-vement exploité, soit environ 30 m2/m3

(ce ratio est de l’ordre de 20 à 25 m2/m3

dans les forêts tropicales certifiées duBassin amazonien).

Plus de prélèvement etmoins de dégâts ?

L’ensemble de ces constats démontrela nécessité de faire évoluer les pra-tiques d’exploitation habituelles :

l’intensification de la récolte (objectifde 5 à 6 tiges/ha en moyenne) sur les

parcelles aménagées est indispensableà l’amortissement des lourdsinvestissements réalisés par legestionnaire ;

parallèlement, la maîtrise de l’impactdes exploitations doit être amélioréepour répondre aux exigences degestion durable imposées par ladémarche de certification des forêts.

Plus de prélèvement et moins d’im-pact ! L’équation peut paraître inso-luble mais les techniques d’exploita-tion à faible impact ou RIL (reducedimpact logging) fournissent des solu-tions techniques à bon nombre de pro-blèmes posés, l’organisation des opé-rations étant la clef de voûte de ce sys-tème développé au cours de ces der-nières années par la recherche et lesgestionnaires. La prise en compte deces solutions se heurte cependant àplusieurs contraintes de taille.

Premier obstacle : la sous-qualifica-tion avérée des opérateurs de terrainen charge de l’exploitation. Les condi-tions de travail en forêt, très difficiles,rebutent les actifs malgré des niveauxde rémunération relativement élevés.La main-d’œuvre présente sur les chan-tiers est en règle générale non diplô-mée, fréquemment analphabète etnon francophone. Aucun encadrementqualifié n’existe sur le terrain pourcontrebalancer cette situation.

Deuxième obstacle : l’absence destructuration de la filière bois. Le sec-teur, dominé par les petites unitésindustrielles ou artisanales, est dansl’incapacité de développer significati-vement de nouveaux marchés qui per-mettraient de mieux valoriser la diversi-té des essences présentes localement.Le secteur peine également à restercompétitif face à la concurrence tou-jours plus grande des bois importés ouproduits illégalement.

Au-delà du développement techniquemené par l’ONF sur le sujet, l’accom-pagnement de la filière est donc unfacteur essentiel pour la réussite de cedéfi. Cet effort se traduit par l’organi-sation de formations techniques à l’at-tention des exploitants-scieurs : abat-

tage contrôlé, reconnaissance bota-nique, utilisation du GPS, méthode dedébardage. Il doit aussi aboutir à lamise en œuvre de chantiers pilotes, encollaboration avec les exploitantslocaux, permettant d’aider les entre-prises à organiser leurs chantiers touten démontrant les bénéfices consé-quents de ces techniques, tant pourl’environnement que pour le rende-ment économique de leur activité. Cesactions devraient prendre corps en2005-2006.

Stéphane GUITETONF, DR Guyane

pôle [email protected]

Remerciements

à tous les personnels de l’ONF qui ontpermis la réalisation de ce bilan, ainsiqu’aux stagiaires et VCAT qui ont lar-gement contribué aux différentesphases de terrain.

Bibliographie

BRUNAUX O., DEMENOIS J., 2003.Aménagement forestier et exploitationen FTH guyanaise. Revue forestière fran-çaise, vol. 55, n° spécial 2003, pp. 260-272

DEMENOIS J., GOURLET-FLEURY S.,FUHR M., JOURGET J.G., 2003.Sylviculture en FTH guyanaise. Revueforestière française, vol. 55, n° spécial2003, pp. 273-290

GUITET S., 2004. Évaluation des dégâtsd’exploitation sur le peuplement fores-tier résiduel en forêt aménagée deGuyane française. Rapport interneONF DR Guyane. 13 p.

MOKRANI A., 2004. Analyse de la spa-tialisation des trouées d’abattage partélédétection dans les FTH de la bandecôtière de Guyane française. Rapportde césure.

ONF, 2004. Méthode de contrôle desexploitations : Diagnostic Post-Exploitation. Note Régionale ONF DRGuyane. 14 p.

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ors d’une exploitationforestière, la protection

des tiges réservées a toujours été inclu-se dans les clauses de vente ou de tra-vaux de débardage. Un « toujours » quiremonte au moins à l’Ordonnance de1669 qui, dans l’article XLIII du chapitre« assiette, balivage, martelage &ventes des bois » indique que « lesarbres seront abattus […] sans endom-mager les arbres retenus à peine dedommages et intérêts contre leMarchand ».

Il est clair que c’était alors les dégâtsà l’abattage qui étaient visés. Ledébardage était réalisé avec des che-vaux ; ils causent très peu de dégâts.

Dans les chantiers classiques – abatta-ge manuel et débardage par débus-queur sans cloisonnement – uneétude suisse (Butora et Schwager,1989) montre que plus de 33 % destiges sont blessés, 70 % de ces bles-sures étant dus à la phase de débar-dage. L’intervention d’une abatteuse– bien conduite cela va de soi – réduittrès fortement les dégâts d’abattage.L’intervention d’un porteur modifieaussi fortement les problèmes. Lesranchers1 de cet engin, en fait peutraumatisants pour les peuplements,peuvent parfois blesser les arbres au-dessus de 2 m de haut. Et si, commesouvent, mais des constructeurs ontsu corriger ce problème, les boggies2

avant et les boggies arrière ne suiventpas les mêmes traces, les arbres peu-vent être très abîmés dans les virages.Comment protéger les arbres lors dela phase de débardage lorsqu’est uti-lisé le processus de sortie des bois àl’aide d’un débusqueur ?

Les outils de protection

PrésentationNotre propos ne veut, au sens vrai duterme, qu’illustrer la phrase dumanuel d’exploitation forestière(Armef & CTBA, 1993) qui préconise« d’utiliser des manchons de protec-tion autour des arbres exposés (spé-cialement au coin des couloirs) ».

Quelques techniques de protection desarbres lors des exploitations

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1 Ranchers : montants verticaux sur les côtés d’une remorque.2 Boggie : châssis à deux essieux rapprochés.

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Le manchon de protection est constitué derémanents sanglés sur la tige à protéger. Les

sangles sont tendues à l’aide de boucles métal-liques mises en place comme indiqué. Il existe

aussi des lattes présanglées beaucoup plusfaciles à installer que des rémanents

Une butée de renvoi, accessoire développé parl’Institut fédéral de recherches forestières de

Birmensdorf (Suisse). Deux tubes et trois fers plats soudés suffisent à fabriquer

cet accessoire

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Nous illustrerons également la tech-nique suisse des « butées de renvoi »et rappellerons le matériel annexe dedébusquage qu’est le « sabot dedébardage ». Des tiges peuventaussi servir de glissières puis êtreenlevées en laissant, les souches trèshautes (0,5 à 1 m environ).

Quand faut-il installer ce type deprotections ?Une fois l’abattage fait, il est relative-ment facile d’anticiper le trajet quedevra suivre la charge surtout si des

cloisonnements existent. C’est à cemoment qu’il faut mettre une protec-tion, très vite enlevée dans la plupartdes cas. Elle devra être maintenueplus longtemps sur les tiges situéesvers la sortie des chantiers.

Quant au cône ou sabot de débarda-ge, le Manuel d’exploitation forestièrecité indique « qu’ils sont très prisés enScandinavie. Ils diminuent la résistanceà la traction en empêchant les bois dese ficher dans le sol et évitent en gran-de partie l’arrêt sur les souches en

jouant le rôle de déflecteur ». Il va donc« glisser » sur les souches et moins lesabîmer. Notons que la moindre résis-tance à la traction en fait un accessoireutile pour le débardage à l’aide d’uncheval, ce facteur étant primordial dansce cas. Ce sabot n’est utilisable quepour des grumes de dimensionsréduites (1 m3 au plus).

D’autres techniques directeset indirectes

Bien entendu, il existe d’autres tech-niques pour diminuer les dégâts auxarbres. Certaines seront à introduirepar le gestionnaire dans ses pra-tiques sylvicoles et les autres serontle fait de l’exploitant.

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En forêt communale de Hombourg-Haut (Moselle) lors d’une éclaircie dans unpeuplement très dense, dans un virage de cloisonnement, les souches lais-

sées hautes servent de pivots pour que la charge tourne sans blesser les tigesrestantes. Il est facile d’imaginer ce qui se serait passé sans leur présence

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« Avec l’agent, sur ses conseils, nous avionsprévu d’utiliser des souches laissées hautes dèsla visite du chantier. Il y en a un peu partoutsur les 26 ha d’une coupe délicate, à la foisvaste, en pente et très dense. Cette mise enplace et le soin à faire passer les charges sur cespivots ont pris du temps mais nous en avionstenu compte lors de l’achat et la commune deHombourg-Haut l’a admis. Après la coupe, iln’y a aucun dégât ni aux troncs ni aux racines.Je pense que ces souches hautes pourraientencore servir pour la prochaine coupe. Ellessont devenues un accessoire précieux de l’en-semble sylviculture et exploitation. »

Un sabot – ou cône ou traîneau – de débardage est fait d’une solide coque en plastique munie d’accessoires d’accrochage

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Prise en compte lors de la sylvicultureLa désignation de tiges-objectif est

un moyen de bien identifier les tigesde haute qualité qui doiventimpérativement être préservées detoute altération lors du débardage etque le conducteur d’engin doit pouvoirbien visualiser lors de son travail.

Des sylvicultures fortes avec desinterventions peu fréquentes vont, bienentendu et globalement, dans le sensd’une bonne protection des tiges.

Des cloisonnements pas tropespacés (pas obligatoirementgéométriquement installés, ils doiventpermettre aux grumes d’êtreaccessibles sans treuil. Une vingtainede mètres – 30 à 40 m pour despeuplements adultes – est un chiffrecorrect) pour ne pas conduire à desdistances de câblages longues. Celaest également valable pour ledébardage par câble téléphérique, laphase halage au sol pour rapprocher lebois de la ligne de débardage étantcelle qui génère les dégâts aux tiges.

Des martelages ou des consignesd’exploitation corrects. Sur un chantiermécanisé récent, le marquage avait étébien fait « par le haut ». Mais du coup,les tiges dominées ont subsisté enassez forte densité et lors del’abattage, elles ont été souventblessées donnant du chantier unaspect déplorable bien que sansconséquence sur l’avenir dupeuplement. L’autorisation de couperces tiges eut permis un travail plus netet plus rapide, ces tiges gênant de plusle travail de l’abatteuse.

Une désignation faite en prenant encompte les techniques d’exploitation.

Mise en œuvre lors de l’exploitationUne direction d’abattage, le câblage

des arbres corrects sont des savoir-fairecapitaux pour accompagner l’efficacitéd’un cloisonnement ; cela est valablepour faciliter toutes les techniques dedébardage qui vont suivre pour enleverdes bois de toutes natures etdimensions.

Une exploitation en bois de courteslongueurs limite beaucoup les impacts.

Une poulie de renvoi accrochée à unarbre permettra de dévier lestrajectoires.

L’exploitation hors sève limitefortement les risques.

Bien réfléchir à l’organisationgénérale du chantier avant dedémarrer les travaux.

Protéger ou payer ?

Toutes les techniques présentées sontde fait préventives. Dans un autreregistre, les six alinéas de l’article 39 ducahier des clauses générales desventes de coupes en bloc et sur pied(CCG) – héritiers lointains mais directsde l’ordonnance de 1669 – traitent desréparations financières dues au pro-priétaire en cas de dégâts aux tigesréservées.

Sur trois chantiers récents et variés cou-vrant 18 ha au total, (1) abattage manuelet porteur, (2) abatteuse et porteur (3)abattage manuel et débusqueur ou por-teur suivant les zones, les blessures ontété inventoriées en suivant le protocoleeuropéen COST 3. Sont notés la naturedes blessures (de « éraflé » à « bois for-tement endommagé »), leur emplace-ment (racines jusqu’à 1 m de la base dutronc, empattement, jusqu’à 1 m dehaut entre 1 et 2 m, au-delà de 2 m), lasurface des blessures et ce en relativi-sant les choses par la prise en comptedu devenir estimé de l’arbre (… intact).

Nous avons appliqué le barème d’in-demnisation prévu au 39.3 du Cahierdes clauses générales des ventes debois sur pied sans prendre en compte laprésence – pourtant réelle – de tigesd’élite puisque celles-ci n’avaient pasété marquées au préalable.Pour les trois chantiers, l’indemnité semontait à 4 500 €. L’achat et la mise enplace de protections sur les tiges lesplus belles ou situées dans les lieux oùdevaient tourner les engins ont été esti-més entre 500 et 700 €. Et un minimumde tiges d’avenir aurait été blessé, per-mettant de conduire à terme le peuple-ment comme prévu dans les guides desylviculture.

Il faut noter, et les observations faites surnos trois chantiers le confirment, que laproportion de tiges d’élite blessées estplus forte que pour les tiges

« normales » (Butora et Schwager, 1989.Bartoli, 2000). Pour l’un des 3 chantierscités, 4 % des arbres codominants sontblessés, mais 7 % des arbres dominantsle sont déjà. Cela tient au fait que lescoupes sont réalisées au profit de cesarbres et que les tiges à exploiter setrouvent donc plus près d’elles que lamoyenne. L’intérêt d’une protectionphysique préventive se révèle vraimentutile.

Conclusion

La protection des tiges réservées n’estpas simplement l’affaire de l’entrepre-neur de travaux. forestiers ni des péna-lités des clauses de la vente. Il existedes techniques simples pour les préve-nir au mieux lors de l’exploitation biensûr mais aussi lors des opérations desylviculture.

Michel BARTOLIONF, direction technique

département forê[email protected]

Remerciements

Il faut remercier Christian Apffel(agent patrimonial à l’agence deMetz) et Franck Linck (ETF àLutzelbourg) pour le soin qu’ils ontmis à organiser leur exploitation et àla réaliser. La relecture d’EmmanuelCacot (AFOCEL) a permis d’amélio-rer ce travail.

Bibliographie

BARTOLI M., 2000. L’optimisation del’exploitation forestière dans le Parcnational des Cévennes. Documentinterne, 34 p.

BUTORA A., SCHWAGER G., 1989.Dégâts d’exploitation dans les peu-plements d’éclaircie. Institut fédéralde recherches forestières. Rapport n°288, 41 p.

Armef – CTBA, 1993 . Manuel d’ex-ploitation forestière, T I.

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Directeur de la publication

Jacques Valeix

Rédactrice en chef

Dominique de VillebonneComité éditorial

Joseph Behaghel, Yves Birot, Peter Breman, Jean-Marc

Brézard, François Chièze, Jean-Luc Dunoyer, Claude

Jaillet, Patrice Mengin-Lecreulx, Rémy Metz, Pierre-Jean

Morel, Frédéric Mortier, Jérôme Piat, François-Xavier

Rémy, Jacques Valeix, Dominique de Villebonne

Maquette, impression et routage

Imprimerie ONF - Fontainebleau

Conception graphique

NAP (Nature Art Planète)

Crédit photographique

page de couverture

En haut : réunion du réseau mammifères non ongulés

(L. Tillon, ONF)

En bas : en forêt de Sénart (A.-M. Granet, ONF)

Périodicité

4 numéros par an, et un hors série

Rendez-vous techniques est disponible au numéro ou par

abonnement auprès de la cellule de documentation

technique, boulevard de Constance, 77300 Fontainebleau

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(4 numéros et un hors série 2005)

Dépôt légal : août 2005

R e n D e z - V o u s

t e c h n i q u e s

Toutes les contributions proposées à la rédaction sont soumises à l’examen d’un comité de lecture.

à suivren 10 - automne 2005

Prochain dossier : les futaies hétérogènes

parution : novembre 2005

La problématique des futaies hétérogènes a largement évolué ces dernières années. Ce premier dossier consacré à cette thématique s'attachera avant tout à présenter ces peuplements qui rassemblent les futaies irrégulières (en structures) et les futaies mélangées (en essences), et leurs enjeux en matière de gestion.

Retrouvez RenDez-Vous techniques sur intraforêt

Tous les textes de ce numéro sont accessibles au format PDF dans la rubrique qui lui est désormais consacrée dans le portail de la direction technique (Recherche et développement/Documentation technique). Accès direct à partir du sommaire.

Mail : [email protected] : [email protected]

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