350me de couverture SEBASTIEN JOCHMANS.doc)doxa.u-pec.fr/theses/th0232909.pdfdes ruptures d’une...

99
UNIVERSITE PARIS VAL-DE-MARNE FACULTE DE MEDECINE DE CRETEIL ****************** ANNEE 2004 THESE POUR LE DIPLOME D’ETAT DE DOCTEUR EN MEDECINE Discipline : Médecine Générale ________ Présentée et soutenue publiquement le à CRETEIL (PARIS XII) ________ Par Sébastien JOCHMANS Né le 24 Novembre 1976 à MELUN (Seine et Marne) ________ TITRE : RUPTURES CARDIAQUES ET TRAUMATISMES FERMES DU THORAX Analyse d’un cas de rupture de l’oreillette droite, d’un cas de rupture de l’auricule droit et revue de la littérature DIRECTEUR DE THESE : LE CONSERVATEUR DE LA Monsieur le Docteur BIBLIOTHEQUE UNIVERSITAIRE Karim Tazarourte Signature du Cachet de la bibliothèque

Transcript of 350me de couverture SEBASTIEN JOCHMANS.doc)doxa.u-pec.fr/theses/th0232909.pdfdes ruptures d’une...

  • UNIVERSITE PARIS VAL-DE-MARNE

    FACULTE DE MEDECINE DE CRETEIL

    ******************

    ANNEE 2004 N°

    THESE

    POUR LE DIPLOME D’ETAT

    DE

    DOCTEUR EN MEDECINE Discipline : Médecine Générale

    ________

    Présentée et soutenue publiquement le

    à CRETEIL (PARIS XII) ________

    Par Sébastien JOCHMANS

    Né le 24 Novembre 1976 à MELUN (Seine et Marne)

    ________

    TITRE : RUPTURES CARDIAQUES ET TRAUMATISMES FERMES DU THORAX

    Analyse d’un cas de rupture de l’oreillette droite, d’un cas de rupture de l’auricule droit et revue de la littérature

    DIRECTEUR DE THESE : LE CONSERVATEUR DE LA Monsieur le Docteur BIBLIOTHEQUE UNIVERSITAIRE Karim Tazarourte Signature du Cachet de la bibliothèque

  • .UNIVERSITE PARIS VAL-DE-MARNE

    FACULTE DE MEDECINE DE CRETEIL

    ******************

    ANNEE 2004 N°

    THESE

    POUR LE DIPLOME D’ETAT

    DE

    DOCTEUR EN MEDECINE Discipline : Médecine Générale

    ________

    Présentée et soutenue publiquement le

    à CRETEIL (PARIS XII) ________

    Par Sébastien JOCHMANS

    Né le 24 Novembre 1976 à MELUN (Seine et Marne)

    ________

    TITRE : RUPTURES CARDIAQUES ET TRAUMATISMES FERMES DU THORAX

    Analyse d’un cas de rupture de l’oreillette droite, d’un cas de rupture de l’auricule droit et revue de la littérature

    DIRECTEUR DE THESE : LE CONSERVATEUR DE LA Monsieur le Docteur BIBLIOTHEQUE UNIVERSITAIRE Karim Tazarourte Signature du Cachet de la bibliothèque Directeur de thèse universitaire

  • Tous mes remerciements au Docteur Karim Tazarourte qui a bien voulu être mon

    Directeur de Thèse. Je le remercie aussi pour son enseignement rigoureux et sa

    compréhension.

    Un grand merci aux Docteurs Arnaud Delahaye, Christophe Fossay et Thierry Lherm

    qui m’ont apportés des documents forts utiles ainsi que leurs expériences et leurs

    connaissances et bien plus important encore leurs amitiés.

  • Je voudrais profondément remercier les médecins qui ont traversé mes études et que je

    considère un peu comme mes Maîtres :

    Professeur Laurent Brochard,

    Professeur Christian Brun-Buisson,

    Professeur Daniel Cattan,

    Professeur Bertrand Godeau,

    Professeur François Lemaire,

    Docteur Marc Michel,

    Professeur Annette Schaeffer.

  • Merci également à mes Maîtres de Stage et à ceux qui m’ont appris la Médecine.

    D’une façon non exhaustive, je salue :

    Docteur Thierry Badoual,

    Docteur Didier Béguin,

    Docteur Wahib Bendeddouche,

    Docteur Patrick Bicharzon,

    Docteur Nicolas Briole,

    Professeur Marcel Bombard,

    Professeur Jean-Claude Cachin,

    Professeur Pierre Césaro,

    Professeur Pierre-Denis Degos,

    Professeur Jean-Charles Delchier,

    Docteur Muriel Fartoukh,

    Docteur Thierry Gamin,

    Docteur Dominique Gizolme,

    Docteur Laurent Goix,

    Docteur Charlie Gozlan,

    Docteur Robert Kitmacher,

    Docteur Christian Legall,

    Docteur François Lellouche,

    Docteur Jean-Yves Le Tarnec,

    Docteur Philippe Oberlin,

    Docteur Bruno Pamar,

    Professeur Bernard-Jean Paniel,

    Docteur Jeanine Perennec,

    Docteur Claude Pouges,

    Docteur Lilia Soufir,

    Docteur Gilles Tordjman,

    Docteur Eric Vibert,

    Docteur Stéphane Welschbillig,

    Docteur Jean-Ralph Zahar.

  • Merci à ma famille et à mes parents qui m’ont soutenu pendant mes longues études.

    Merci à mes amis qui ont été présents et qui m’ont aidés lors de mes études. Pour ne

    citer que quelques uns :

    Docteur Sébastien Abad,

    Docteur Michaël Amzallag,

    Docteur Benoît Bensaïd,

    Docteur Fabrice Bienvenu,

    Docteur Gonzague Bonnet-Eymard,

    Docteur Edmond Bouchoucha,

    Docteur Samuel Chartier,

    Docteur Loïc Chimot,

    Monsieur Patrice Corcos,

    Docteur Maryline Deschouwer,

    Docteur Arash Djavadian,

    Docteur Stéphanie Gahinet-Dianteill,

    Monsieur Xavier Hurtes,

    Docteur Régis Lachkar,

    Docteur Benjamin Langman,

    Docteur Thibaud Liot,

    Docteur Anne Menguy,

    Docteur Bruno Michel,

    Mademoiselle Dominique Monchain,

    Docteur Milé Pavlovski,

    Docteur Sandrine Pineau,

    Mademoiselle Laure Ragonnet,

    Docteur Samia Rettab,

    Docteur David Sebag,

    Docteur Peggy Taffin-Abad,

    Docteur Sylvain Tassy,

    Docteur Stéphane Vignes.

  • Et surtout un immense MERCI à Carole. Tu as réussi à nous supporter moi, mon

    emploi du temps, mes sautes d’humeur, mes recherches bibliographiques en urgence, les

    cartons de déménagement toujours pleins depuis 6 mois...

    Je ne peux que t’en aimer d’avantage.

  • SOMMAIRE

    REMERCIEMENTS………………………………………………...……………… 2

    SOMMAIRE………………………………………………………………………… 7

    TABLE DES ILLUSTRATIONS…………………………….……………………. 10

    INTRODUCTION………………………………………………………….…..…… 12

    I. CAS CLINIQUES……………………………………………………..… 14

    1. DOSSIER MEDICAL N°1………………………… 14

    2. DOSSIER MEDICAL N°2………………………… 23

    3. EN QUOI CES DOSSIERS SONT-ILS

    REMARQUABLES ?................................................ 28

    II. ANATOMIE CARDIOPERICARDIQUE ET PHYSIOPATHOLOGIE DES

    TRAUMATISMES FERMES DU THORAX…………………………. 30

    A. RAPPELS D’ANATOMIE………………………………………….. 30

    1. TRONCS ARTERIO-VEINEUX

    SUPRACARDIAQUES……………………………… 30

    2. PERICARDE…………………………………………. 31

    3. CŒUR…………………………………………………. 33

  • B. TRAUMATISMES THORACIQUES FERMES : ASPECTS

    BIOMECANIQUES ET PHYSIOPATHOLOGIQUES…………… 37

    1. GENERALITES……………………………………… 38

    2. CHOC DIRECT……………………………………… 39

    3. DECELERATION…………………………………… 40

    4. BLAST………………………………………………… 42

    5. CONCLUSION……………………………………….. 45

    III. RUPTURES CARDIAQUES LORS DES TRAUMATISMES FERMES DU

    THORAX : EPIDEMIOLOGIE ET MECANISMES LESIONNELS… 46

    A. EPIDEMIOLOGIE…………………………………………………… 46

    B. PHYSIOPATHOLOGIE…………………………………………… 48

    IV. ANALYSE DES PROCEDURES DIAGNOSTIQUES………………… 52

    A. ORIENTATION ANAMNESIQUE ET CLINIQUE……………… 52

    1. ORIENTATION……………………………………… 52

    2. EPANCHEMENT PERICARDIQUE,

    TAMPONNADE……………………………………… 54

    3. INDICES ET SCORES DE GRAVITE……………… 56

    B. EXAMENS BIOLOGIQUES SANGUINS…………………………… 64

    C. ELECTROCARDIOGRAMME……………………………………… 66

  • D. RADIOGRAPHIE THORACIQUE…………………………………… 67

    E. ECHOGRAPHIE TRANSTHORACIQUE, ECHOGRAPHIE

    TRANSOESPHAGIENNE ET FAST………………………………… 67

    F. EXAMEN TOMODENSITOMETRIQUE…………………………… 72

    G. VIDEOTHORACOSCOPIE…………………………………………… 73

    V. CONDUITE A TENIR THERAPEUTIQUE……………………………… 74

    A. PRISE EN CHARGE PREHOSPITALIERE………………………… 75

    B. PRISE EN CHARGE AUX URGENCES……………………………. 79

    C. TAMPONNADE………………………………………………………. 83

    D. HEMOTHORAX……………………………………………………… 85

    E. PRISE EN CHARGE CHIRURGICALE…………………………… 86

    CONCLUSION………………………………………………………………………… 89

    BIBLIOGRAPHIE……………………………………………………………………. 92

  • TABLE DES ILLUSTRATIONS

    Fig. 1. Radiographie thoracique de face, assis, réalisée aux urgences. (Collection

    personnelle)…………………………………………………………………………… 15

    Fig. 2. Tomodensitométrie thoracique sans injection de produit de contraste réalisée aux

    urgences. (Collection personnelle)…………………………………………………… 16

    Fig. 3. Electrocardiogramme réalisé aux urgences (Collection personnelle)………… 17

    Fig. 4. Numération Formule sanguine et Hémostase à partir de H0 (début de prise en charge

    hospitalière)…………………………………………………………………………… 18

    Fig. 5. Examens biochimiques sanguins à partir de H0 (début de prise en charge

    hospitalière)…………………………………………………………………………… 19

    Fig. 6. Gazométrie sanguine à partir de H0 (début de prise en charge hospitalière)…. 20

    Fig. 7. Radiographie pulmonaire de face, couché, réalisée à l’arrivée en réanimation.

    (Collection personnelle)……………………………………………………………… 20

    Fig. 8. Radiographie thoracique de face, couché, réalisée pendant la réanimation cardio-

    pulmonaire. (Collection personnelle)………………………………………………… 22

    Fig. 9. Tomodensitométrie thoracique avec injection de produit de contraste. (Collection

    personnelle)…………………………………………………………………………… 24

    Fig. 10. Electrocardiogrammes réalisés en préhospitalier et aux urgences. (Collection

    personnelle)…………………………………………………………………………… 25

    Fig. 11. Bilans biologiques de H0 (bilan préhospitalier) à H4……………………….. 26

    Fig. 12. Troncs artério-veineux supra-cardiaques. A gauche vue antérieure. A droite vue

    antéro-latérale gauche...……………………………………………………………….. 30

    Fig. 13. Aorte Thoracique et ses branches proximales. Vue antérieure……………… 31

    Fig. 14. Péricarde et ses ligaments suspenseurs. En haut coupe transversale. En bas vue

    latérale droite…………………………………………………………………………… 32

    Fig. 15. Schéma du cœur. En haut coupe longitudinale. En bas coupe axiale………… 34

    Fig. 16. Système cardio-necteur. Vue latérale droite…………………………………… 36

    Fig. 17. Système artériel coronaire. Face antérieure…………………………………… 36

    Fig. 18. Evaluation des poids apparents (kg) de différents organes en fonction de la vitesse de

    décélération (différentielle de vitesse par seconde)…………………………………… 42

  • Fig. 19. Algorithme de triage préhospitalier de l’American College of Surgeon’s Committee

    on Trauma. Chicago 1989……………………………………………………………… 59

    Fig. 20. Tableau descriptif des grades de l’Organ Injury Scale de l’American Association for

    the Surgery of Trauma………………………………………………………………… 60

    Fig. 21. Corrélation entre lactatémie et mortalité chez les patients de réanimation…… 62

    Fig. 22. Corrélation entre lactatémie artérielle et mortalité chez les patients présentant une

    affection hépatique sévère……………………………………………………………… 63

    Fig. 23. Valeurs diagnostics comparées de la clinique, de l’échographie pulmonaire et de la

    radiographie thoracique d’après Simon 2003 (70)……………………………………… 67

    Fig. 24. Valeurs diagnostiques de l’échographie et de la radiographie pour les hémothorax

    d’après Feliciano 1999 (24)……………………………………………………………… 68

    Fig. 25. Schéma de prise en charge d’accueil d’après Senard (69)……………………… 82

    Fig. 26. Schéma de prise en charge d’une hypotension d’origine cardiaque dans les suites

    d’un traumatisme fermé du thorax d’après Malangoni 1994 (55)……………………… 87

  • INTRODUCTION

    Les accidents sont la quatrième cause de mortalité en Europe et aux Etats-Unis, après

    les maladies cardio-vasculaires, les cancers et les pathologies cérébro-vasculaires. Les

    traumatismes représentent la première cause de mortalité chez les jeunes de 1 à 34 ans (la

    deuxième étant le suicide), et entraînent 40% des décès chez l'enfant. Les accidents de la voie

    publique sont, en Europe, le plus grand pourvoyeur de ces traumatismes et sont responsables,

    en France, d'environ 9000 décès par an et de 200000 blessés nécessitant une hospitalisation

    d'au moins 24 heures. Leur incidence annuelle est estimée à 363 pour 100000 habitants avec

    15 décès immédiats pour 100000 habitants. Ils représentent ainsi la première cause d'années

    de vie perdues pour les personnes de moins de 65 ans.

    L'atteinte thoracique est retrouvée chez 33% des traumatisés, toutes causes

    confondues, et chez 40 à 50% des conducteurs non ceinturés. Ils sont présents dans environ

    50% des cas de décès par accident de la voie publique. Les traumatismes thoraciques

    constituent la première cause de décès immédiats chez l'enfant et l'adulte jeune. Ils sont

    également responsables de 25 à 50% des décès secondaires et les lésions thoraciques jouent

    un rôle prépondérant dans le pronostic du traumatisé. Si 25% des traumatisés du thorax sont

    graves d'emblée et menacent le pronostic vital immédiat, 25% peuvent encore s'aggraver

    secondairement après une période de calme apparent. (73)

    Des lésions cardiaques sont retrouvées chez un tiers des traumatisés graves du thorax.

    Ces atteintes sont variées : ruptures des insertions des vaisseaux, contusions myocardiques,

    infarctus du myocarde dû à une atteinte coronaire, lésions intracardiaques variées,

    communications interauriculaires et interventriculaires, lésions valvulaires (19). En plus des

    lésions liées au traumatisme, le cœur peut également subir des lésions indirectes, surtout liées

    à un traumatisme crânien, une hémorragie ou un état de choc.(59)

  • Les ruptures cardiaques sont beaucoup moins souvent évoquées. Pourtant l’incidence

    des ruptures d’une cavité cardiaque lors d’un traumatisme fermé du thorax est de 0,1 à 5%.

    Elles représentent de 28 à 64% des causes de mortalité par traumatisme thoracique fermé (19).

    Leur pronostic péjoratif n’est pas uniquement du à la brièveté de la survie puisqu’un quart des

    victimes survivent au minimum 45 minutes. Les a priori font que ce diagnostic est trop

    méconnu et trop peu évoqué, même dans la phase préopératoire des séries de cas de guérison.

    (19)

    Les améliorations en médecine préhospitalière, pendant le transport et aux urgences

    augmentent le nombre de traumatismes thoraciques graves avec lésions cardiaques sévères

    accessibles à un sauvetage dans les services d’accueil hospitaliers. Il nous est donc nécessaire

    de mieux connaître ces traumatismes pour mieux les prendre en charge (46). D’autant que les

    patients « vivants » présentant une rupture cardiaque diagnostiquée aux urgences des trauma

    center américains ont des taux de survie compris allant de 70 à 80 % ! (67) Il y a là un enjeu

    majeur.

    D’après 2 cas cliniques documentés, nous discuterons de la prise en charge

    diagnostique et thérapeutique des ruptures cardiaques lors des traumatismes thoraciques

    fermés pouvant permettre un gain de mortalité.

    L’échocardiographie aux urgences et mieux encore lors de la phase préhospitalière est

    encore sous-utilisée au bénéfice principalement de la tomodensitométrie. Elle devrait pourtant

    jouer un rôle majeur dans l’orientation et la prise en charge de ces traumatisés. Nous

    essaierons ainsi d’établir la démarche diagnostique la plus efficiente que les connaissances

    actuelles nous permettent de réaliser.

  • I. CAS CLINIQUES

    1. DOSSIER MEDICAL N°1

    Mr M., 26 ans, sans antécédent médical, est victime d'un accident de la voie publique

    pendant la nuit. Conducteur, il tombe dans un fossé et n'est retrouvé que 8 à 10 heures plus

    tard. Il arrive conscient aux urgences, après une perte de conscience immédiate de durée

    impossible à estimer.

    Aux urgences, après ramassage par les Pompiers en transport non médicalisé, la

    tension artérielle est mesurée à 85/50 mm de mercure (mmHg) avec une fréquence cardiaque

    à 125 bpm (battements par minute). La glycémie capillaire est mesurée à 1.54 g/L,

    l'Hémocue® est retrouvé à 13.6 g/dL et la température s'élève à 37°C. L'examen clinique est

    très pauvre, ne retrouvant qu'une douleur costale gauche. En particulier, l'abdomen est

    parfaitement souple. Sur le plan cutané, ne sont notées que des dermabrasions à la tempe et à

    la main gauches.

    La radiographie de thorax (Fig.1) puis l’examen tomodensitométrique thoracique sans

    injection de produit de contraste (Fig.2) mettent en évidence une contusion pulmonaire

    gauche, un épanchement péricardique et une fracture de la 5ème côte gauche.

    L'électrocardiogramme (Fig. 3) quant à lui est normal, excepté des ondes T hautes et pointues

    dans les dérivations septo-apicales. Il n'y a notamment pas de microvoltage. Une échographie

    trans-thoracique met en évidence un épanchement péricardique modéré (environ 1-2 cm) et

    postérieur avec une cinétique du ventricule gauche correcte.

  • Fig.1. Radiographie thoracique de face, assis, réalisée aux urgences. (Collection personnelle)

  • Fig.2. Tomodensitométrie thoracique sans injection de produit de contraste réalisée aux urgences.

    (Collection personnelle)

  • Fig. 3. Electrocardiogramme réalisé aux urgences.

    Les examens biologiques effectués montrent une insuffisance rénale avec une natrémie

    à 150 mmol/L, une kaliémie à 4.8 mmol/L, une créatininémie à 235 µmol/L pour une urée

    conservée à 7 mmol/L, des CPK à 921 UI/L et une hémoglobine à 14 g/dL (Fig.4, 5, 6). Le

    bilan toxicologique et l'alcoolémie sont négatifs. La tomodensitométrie cérébrale réalisée est

    normale.

    Devant la persistance d'une tension artérielle peu élevée (95-100 mmHg de Pression

    artérielle systolique) associée à une tachycardie persistante à 125-130 bpm malgré un

    remplissage vasculaire de 2000 mL, une échographie abdominale est réalisée. Celle-ci montre

    un épanchement péritonéal abondant.

    Le patient passe donc au bloc opératoire où il est découvert un hémopéritoine de 1.4

    litre en rapport avec une plaie hépatique du segment VII. Il est réalisé une suture simple de la

    plaie hépatique, un lavage péritonéal, et un drainage sous-diaphragmatique. Il n'est noté

    aucune complication per-opératoire excepté un collapsus à 75mmHg de tension artérielle

    systolique à l'induction de l’anesthésie générale. Le patient reste tachycarde entre 115 et 135

  • bpm malgré la perfusion de 2000mL d'Hydroxyéthylamidons et Ringer Lactate. Aucune

    transfusion n'est réalisée. Une antibioprophylaxie per-opératoire est réalisée par

    AUGMENTIN® 2g IV.

    En post-opératoire, il est transféré dans le service de réanimation polyvalente (H+6 de

    la prise en charge). A son arrivée, la pression artérielle est de 65/30 mmHg, la fréquence

    cardiaque est à 130/min, la glycémie capillaire à 3.07 g/L, la saturation digitale à 100% sous

    FiO2 50%. Le patient est intubé, ventilé, sédaté. L'auscultation cardio-pulmonaire ne retrouve

    ni souffle audible, ni signe d'insuffisance ventriculaire droite ou gauche. On retrouve quelques

    crépitants à la base gauche. L'abdomen est souple, le drain peu productif (100mL). Le patient

    est oligurique.

    Biologiquement:

    H0 H+6 H+8

    Hématies (T/l) 4.68 2.74 2.27

    Hémoglobine (g/dL) 14.2 8.4 7

    Hématocrite (%) 43.5 25.4 21

    Leucocytes (M/L) 33100 17600 14500

    Neutrophiles (M/L(%)) 29130 (88) 15490 (88) 10730 (74)

    Eosinophiles (M/L(%)) 0 (0) 0 (0) 0 (0)

    Basophiles (M/L(%)) 0 (0) 0 (0) 0 (0)

    Lymphocytes (M/L%)) 2040 (6) 1580 (9) 2900 (20)

    Monocytes (M/L(%)) 1660 (5) 530 (3) 870 (6)

    Plaquettes (M/L) 252000 129000 97000

    TP (%) 68 25 21

    TCA Ratio 1.03 1.54 4.04

    Fibrine (g/L) 1.15 0.93

    Fig.4. Numération Formule sanguine et Hémostase à partir de H0 (début de prise en charge hospitalière).

  • H0 H+6 H+8

    Sodium (mmol/L) 150 142 156

    Potassium (mmol/L) 4.8 7.3 5.1

    Chlorures (mmol/L) 108 113 110

    Réserve Alcaline (mmol/L) 16.6 13.5 27.1

    Protides (g/L) 74 33 24

    Créatinine (µµµµmol/L) 235 201 216

    Glucose (mmol/L) 8.03 15.25 20.07

    Lactates (mmol/L) 8.9 15.7

    Urée (mmol/L) 7 7

    Magnésium (mmol/L) 0.69 0.73

    Calcium (mmol/L) 1.74 2.08

    Phosphore (mmol/L) 2.31 2.61

    ASAT/ALAT (UI/L) 707/516

    Phosphatases Alcalines (UI/L) 43

    γγγγGT (UI/L) 45

    CPK (UI/L) 921 397 322

    Myoglobine (µµµµg/L) 3915 1109 1022

    Troponine (µµµµg/L) 1.75 1.51 1.47

    CRP (mg/L) 19.4

    Fig.5. Examens biochimiques sanguins à partir de H0 (début de prise en charge hospitalière).

  • H+2 H+6 H+8

    Mode ventilatoire Masque à haute concentration Ventilation Assistée Contrôlée Ventilation Assistée Contrôlée Paramètres ventilatoires 13 L/min FR 15 Vt 600 PEEP 0 FiO2 0.5 FR 15 Vt 600 PEEP 0 FiO2 1 pH 7.31 7.23 7.23

    pCO2 (mmHg) 29.7 37.5 65.7

    pO2 (mmHg) 247.4 159.1 26.4

    HCO3- (mmol/L) 14.6 15.8 26.7

    CO2 Total (mmol/L) 15.5 16.9 28.7

    Excès de bases (mmol/L) -10.1 -11 -2.5

    SaO2 (%) 99.5 98.7 37.4

    Fig.6. Gazométrie sanguine à partir de H0 (début de prise en charge hospitalière). FR : fréquence

    respiratoire. Vt : volume courant. PEEP : Pression positive de fin d’expiration. FiO2 : fraction inspirée en

    oxygène.

    Radiographie pulmonaire: cardiomégalie avec élargissement du médiastin supérieur

    et opacités alvéolaires du champ pulmonaire gauche (Fig.7).

    Fig.7. Radiographie pulmonaire de face, couché, réalisée à l’arrivée en réanimation.

  • ECG: tachycardie sinusale sans trouble de repolarisation

    Attitude thérapeutique initiale en réanimation:

    . Poursuite de la sédation et de la ventilation (Ventilation Assistée Cotrôlée

    15 x 600, PEP 0, FiO2 0.5)

    . Remplissage vasculaire par 2 flacons d'Albumine 20% et 1000mL de

    gélatines.

    . Alcalinisation par Bicarbonates 4,2% 500mL

    . Mise sous Dopamine 5 γ/kg/min

    L'évolution initiale est marquée par une stabilisation de l'état hémodynamique après

    remplissage vasculaire et augmentation de la Dopamine à 10 µg/kg/min en dehors de la

    persistance d'une tachycardie sinusale à 130/min. Sur le plan métabolique, alcalinisation

    rapide en raison de l'hyperkaliémie associée à une acidose métabolique lactique.

    A H+8 de la prise en charge, survenue d'un arrêt cardio-respiratoire en asystolie non

    récupéré malgré:

    . Adrénaline IVD 50mg au total puis relais à la seringue électrique à 5mg/h majoré par

    la suite à 10mg/h

    . Bicarbonates 8.4% 500mL

    . Gluconate de calcium IVD 5g au total

    . Massage cardiaque externe

    . Chocs électriques externes (6 au total)

    . Transfusion d'un culot globulaire

    . Majoration de la FiO2 à 100%

    Pendant la Réanimation, une Radiographie thoracique (Fig.8) et une échographie

    transthoracique sont réalisées (par le réanimateur). L'échographie cardiaque montrait une

    majoration de l'épanchement ne semblant cependant pas compressif.

  • Fig. 8. Radiographie thoracique de face, couché, réalisée pendant la réanimation cardio-pulmonaire.

    Le patient est déclaré mort après une heure de réanimation (H+9).

    Une autopsie est demandée. Celle-ci retrouve principalement :

    - Région céphalique : sans particularité sous réserve d’un examen

    anatomopathologique du cerveau.

    - Région cervicale : sans particularité.

    - Région thoracique : fracture médio-sternale transversale, fractures des 2ème, 3ème,

    4ème, 5ème et 6ème côtes droites, hémothorax de 100mL, petites plaies du lobe

    pulmonaire inférieur droit, hémopéricarde abondant de 400mL, désinsertion de

    l’oreillette droite sur sa face postérieure au niveau de la jonction avec le ventricule

    droit sur 2 cm de long.

    - Abdomen et petit bassin : hémopéritoine minime de 100mL, plaie suturée de 4

    cm du bord droit, présence à la coupe d’une zone de dilacération du lobe hépatique

    droit sur 6 à 7 cm.

  • - Membres : sans particularité.

    Conclusion : Décès dû à une plaie de l’oreillette droite responsable d’un

    hémopéricarde.

    2. DOSSIER MEDICAL N°2

    Monsieur C., 45 ans sans antécédent ni traitement actuel, est victime d’un accident de

    la voie publique vers 8 heures 30. Il était conducteur ceinturé et a heurté frontalement à forte

    vitesse un véhicule à l’arrêt. Une équipe du SMUR rapidement sur place retrouve un patient

    initialement obnubilé suite à un traumatisme crânien avec perte de connaissance brève.

    A l’arrivée du SMUR :

    Pression artérielle 110/60 mmHg

    Fréquence cardiaque 130 par minute

    Saturation en O2 digitale 96 % en air ambiant

    Fréquence respiratoire 30 par minute

    Hémocue® 15,8 g/dL

    Glasgow coma Scale 14 (Y4, V4, M6)

    Cliniquement, la symptomatologie neurologique régresse rapidement sans déficit.

    L’auscultation pleuro-pulmonaire met en évidence une diminution nette du murmure

    vésiculaire à droite. Les bruits du cœur sont réguliers et rapides sans souffle cardiaque ni

    frottement péricardique audible. Les pouls périphériques sont tous présents et symétriques.

    L’examen abdominal est sans particularité. Il n’existe pas de point d’appel douloureux

    rachidien. On retrouve une probable fracture ouverte de la rotule droite. Le reste de l’examen

    clinique est sans particularité.

    Sur le terrain, deux voies veineuses périphériques sont posées. Une antalgie par

    Paracetamol IV et par Morphine IV est débutée. Le genou droit est immobilisé par une attelle.

    Le patient est transporté à l’hôpital du secteur.

  • Le bilan morphologique retrouve :

    - fracture ouverte de la rotule droite

    - tomodensitométrie cérébrale sans anomalie

    - radiographies rachidiennes sans anomalie

    - tomodensitométrie et échographie abdominales sans anomalie

    - volumineux hémothorax droit avec une petite bulle de pneumothorax, une

    contusion pulmonaire droite. On ne retrouve pas de fracture costale ou sternale. A

    noter un aspect suspect au niveau du hile droit. (Fig.9)

    Fig.9. Tomodensitométrie thoracique avec injection de produit de contraste.

  • L’électrocardiogramme s’inscrit en rythme sinusal rapide avec de troubles de

    repolarisation initialement à type d’ondes T amples dans le secteur antéro-septo-apical avec

    rabotage de l’onde R. Secondairement, négativation des ondes T avec apparition d’un courant

    d’ischémie sous-endocardique dans le secteur antérolatéral (Fig.10).

    Fig.10. Electrocardiogrammes réalisés en préhospitalier et aux urgences.

    Le patient est drainé aux urgences. Le drainage thoracique rapporte immédiatement

    500 mL de sang frais non cailloté. Le drain est alors clampé. Parallèlement, à partir de la

    troisième heure de prise en charge, une hypotension artérielle à 70-80 mmHg de systolique

    apparaît associée à une tachycardie sinusale à 130 bpm. Le taux d’hémoglobine passe de 15.8

    g/dL à 9.2 g/dL en moins de 4 heures (Fig. 11). Devant l’absence d’amélioration malgré

  • remplissage par 2 concentrés globulaires, 1000 mL de solution macromoléculaire et 1000 mL

    de sérum physiologique, le patient est mis sous Noradrénaline IVSE à 0.2 mg/h.

    H0 H3 H4 Leucocytes (M/mL) 13100 24900 19900 Hématies (MM/mm3) 5.09 4.25 3.11 Hémoglobine (g/dL) 15.2 12.8 9.4 Hématocrite (%) 45.7 38.3 27.6 Plaquettes (M/mL) 390000 325000 274000 Glycémie (mmol/L) 12.68 Urée (mmol/L) 6.8 Créatinine (�mol/L) 111 Sodium (mmol/L) 138 Potassium (mmol/L) 4.3 Protides (g/L) 71 Bilirubine Totale (�mol/L) 26.1 Phosphatases Alcalines (UI/L) 55 Gamma GT (UI/L) 20 ASAT/ALAT (UI/L) 111/118 LDH (UI/L) 1068 CPK (UI/L) 427 Troponine Ic (�g/L) 1.1 Amylase (UI/L) 99 Lipase (UI/L) 99 pH 7.32 pCO2 (mmHg) 37 pO2 (mmHg) 187 HCO3- (mmol/L) 18.7 SaO2 (%) 99

    Fig. 11. Bilans biologiques de H0 (bilan préhospitalier) à H4.

    On obtient une relative stabilité hémodynamique avec une Pression artérielle

    systolique à 100 mmHg et une fréquence cardiaque à 130 /min. Une antibioprophylaxie par

    AUGMENTIN® ainsi qu’un contrôle de l’immunocompétence antitétanique sont par ailleurs

    réalisés.

    Le patient est alors transféré dans le service de chirurgie cardio-thoracique du Centre

    Hospitalier Marie Lannelongue pour la prise en charge chirurgicale de l’hémothorax massif.

    Une exploration y est effectuée par thoracotomie droite permettant de retrouver :

    - 1500 mL de sang frais non coagulé

    - rupture péricardique sur environ 10 cm de hauteur

    - rupture de l’auricule droit au niveau de sa base sur 4 cm

  • Un contrôle très rapide du saignement par un clamp de type Statinski est effectué.

    L’auricule est ensuite suturé simplement. Le péricarde est rapproché par trois points séparés

    permettant un drainage dans la grande cavité pleurale.

    Après réparation, on retrouve une hémodynamique stable permettant un sevrage

    complet de la noradrénaline qui avait du être majorée à 0.5 mg/h pour le geste chirurgical.

    Le patient est ensuite transféré à l’hôpital du Kremlin Bicêtre pour la poursuite de la

    prise en charge.

    Devant le rétablissement de la stabilité hémodynamique, l’ostéosynthèse de la fracture

    de rotule droite est effectuée par deux broches.

    Sur le plan ventilatoire, l’évolution est satisfaisante avec une extubation le 4ème jour et

    le clampage du drain thoracique droit le 5ème jour.

    Sur le plan hémodynamique, on retrouve une tachycardie sinusale à 130 bpm.

    L’échographie cardiaque trans-thoracique met en évidence un épanchement péricardique en

    apical, latéral et en inférieur sans retentissement sur le remplissage des cavités cardiaques et

    sans argument pour une tamponnade.

    Progressivement apparaît une insuffisance cardiaque droite associée à une ascension

    du taux de troponine conduisant à réaliser une coronarographie le 7ème jour. Celle-ci retrouve

    une lésion coronaire droite en amont de la naissance de d’artère interventriculaire postérieure

    avec un probable infarctus ventriculaire droit au dessous du plancher des valves tricuspides

    mis sur le compte de la suture. L’examen angiographique se complique d’un passage en bloc

    auriculo-ventriculaire de 3ème degré nécessitant la mise en place d’une sonde d’entraînement

    électrosystolique.

    Le patient est retransféré au Centre Hospitalier Marie Lannelongue où son état évolue

    progressivement vers une amélioration clinique. Le patient ressort quelques semaines plus

    tard sans séquelle majeure cardiaque.

  • 3. EN QUOI CES DOSSIERS SONT-ILS REMARQUABLES ?

    Tout d’abord le fait d’avoir rencontré ces deux cas dans notre courte expérience de

    médecine d’urgence pourrait amener à supposer que ce type de pathologie n’est pas

    exceptionnel mais surtout que l’on peut y survivre assez longtemps pour qu’une prise en

    charge hospitalière chirurgicale soit possible. Bien évidemment un tel raisonnement n’a aucun

    fondement scientifique.

    Ce qui semble plus intéressant de noter c’est que dans les deux cas le diagnostic n’a, à

    aucun moment, été évoqué. Même dans le premier dossier médical où pourtant une

    échographie et une tomodensitométrie avaient retrouvé un épanchement péricardique. De

    plus, le patient, à l’occasion de la laparotomie, n’a pas pour autant bénéficié d’une exploration

    du péricarde, pourtant techniquement aisée une fois l’abord abdominal réalisé.

    Ce dossier est à rapprocher de celui de Williams (78) dont le patient était mort d’une

    tamponnade à la 12ème heure de prise en charge d’un accident de la voie publique, après avoir

    bénéficié d’une laparotomie revenue « blanche ».

    De fait, si la prise en charge est rationnelle dans le 2ème cas clinique, plusieurs écueils

    dans le premier permettent d’expliquer le décès du patient : on note une absence de prise en

    charge préhospitalière médicalisée, l’absence d’exploration cardiopéricardique chirurgicale

    devant un épanchement post-traumatique et l’absence de remise en question d’un diagnostic

    étiologique, malgré la persistance d’un état hémodynamique médiocre après une prise en

    charge adaptée au diagnostic suspecté.

    Il faut remarquer par ailleurs que l’électrocardiogramme ne montrait absolument

    aucune anomalie spécifique. Le taux de troponine n’était que faiblement augmenté. La

    radiographie thoracique n’était pas franchement évocatrice à l’arrivée aux urgences.

    Notons enfin que dans le 2ème dossier la nécrose du ventricule droit était probablement

    due soit à une contusion étendue non vue, soit à une lésion de la coronaire droite lors de la

    suture due à la localisation de la plaie. En tout état de cause, le geste chirurgical de sauvetage

    s’avérait être techniquement simple et ne nécessita pas de circulation extracorporelle.

  • En conclusion, on peut évoquer comme pistes de réflexion, à l’occasion de ces

    dossiers :

    - les ruptures cardiaques sont probablement plus fréquentes qu’on le suppose

    - le temps de survie peut parfois permettre une chirurgie salvatrice

    - le diagnostic est rarement évoqué en préopératoire

    - l’existence d’un épanchement péricardique post-traumatique devrait conduire à

    son exploration chirurgicale (diagnostic rapide par échographie)

    - l’électrocardiogramme ne semble pas spécifique

    - la tomodensitométrie n’apporterait pas plus d’éléments que l’échocardiographie

    Nous verrons ensuite quelles réponses la littérature médicale peut nous apporter dans

    la prise en charge de ce type de pathologie.

  • II. ANATOMIE CARDIO-PERICARDIQUE ET PHYSIOPATHOLOGIE DES

    TRAUMATISMES FERMES DU THORAX

    A. RAPPELS D’ANATOMIE

    1. TRONCS ARTERIO-VEINEUX SUPRA-CARDIAQUES

    Ils comprennent la veine cave supérieure provenant de l’union des troncs brachio-

    céphaliques droit et gauche. Elle se jette dans l’oreillette droite. Du ventricule droit part le

    tronc de l’artère pulmonaire se divisant rapidement en artères pulmonaires droite et gauche.

    Le sang oxygéné provenant des poumons revient dans le cœur par les quatre artères

    pulmonaires se jetant dans l’oreillette gauche. Le sang quitte finalement le cœur par l’aorte

    ascendante. Au niveau de la crosse aortique naissent le tronc brachiocéphalique droit, l’artère

    thyroïdienne, la carotide commune gauche et l’artère sous-clavière gauche. L’aorte se poursuit

    par une portion descendante qui passe derrière l’oreillette gauche.

    Fig.12. Troncs artério-veineux supra-cardiaques. A gauche vue antérieure. A droite vue antéro-latérale

    gauche. OD : oreillette droite. VD : ventricule droit. VG : ventricule gauche.

  • Fig.13. Aorte Thoracique et ses branches proximales. Vue antérieure. T : vertèbre thoracique. d : droit. g :

    gauche.

    2. PERICARDE

    Le cœur est constitué de trois tuniques : le péricarde, qui est une sorte de sac

    enveloppant la totalité du cœur, le myocarde, principale tunique cardiaque, et l’endocarde,

    tunique la plus interne, directement en contact avec le sang. Le péricarde est formé de deux

    structures de nature différente : le péricarde séreux, vers l’intérieur, et le péricarde fibreux

    vers l’extérieur. Le péricarde séreux comprend lui-même deux feuillets accolés : le plus

    profond adhère au myocarde, le plus superficiel est séparé du précédent par une cavité

    virtuelle et adhère au péricarde fibreux. Il protège et facilite les mouvements rythmiques de

    contraction et de relaxation du cœur.

  • Le péricarde enveloppe ainsi hermétiquement le cœur. L’ensemble est mobile dans la

    cage thoracique, relié aux parois par des ligaments suspenseurs plus ou moins solides et épais

    (Fig.12).

    Fig.14. Péricarde et ses ligaments suspenseurs. En haut coupe transversale. En bas vue latérale droite.

    VD : ventricule droit. VG : ventricule gauche.

  • 3. CŒUR (16)

    Le cœur est assimilable à une pyramide triangulaire couchée sur le côté. La base est en

    arrière avec un grand axe passant par le sommet (apex), oblique en bas, en avant et à gauche.

    Il occupe la partie inférieure du médiastin antérieur et se projette sur les vertèbres D6 à D8

    selon la respiration. On note deux oreillettes (droite et gauche) et deux ventricules (droit et

    gauche). Les limites entre oreillettes et ventricules sont marquées à la surface du cœur par des

    sillons : les sillons inter-atriaux, interventriculaires et atrioventriculaires.

    L’oreillette droite (atrium droit) reçoit en haut la veine cave supérieure par un orifice

    avalvulaire et en bas la veine cave inférieure par un orifice partiellement recouvert d’un repli

    falciforme, la valvule d’Eustachi. Au niveau de la cloison inter-atriale, on trouve la fosse

    ovale, vestige du canal atrial fœtal. A la jonction entre paroi septale et paroi inférieure se

    trouve l’orifice du sinus veineux coronaire partiellement limité par un repli en croissant

    (valvule de Thébésius).

    La cavité du ventricule droit est couverte de colonnes musculaires charnues formées

    de replis myocardiques et des muscles papillaires (piliers). Le septum interventriculaire est en

    grande partie musculaire sauf à son origine en haut près des oreillettes où il est fibreux. C’est

    à ce niveau que s’insèrent la grande valve mitrale et la valve septale tricuspide. Au dessus de

    la cavité ventriculaire s’ouvre le cône artériel d’éjection vers le tronc pulmonaire. La frontière

    entre ces 2 zones est réalisée par la crête supraventriculaire ou éperon de Wolff.

  • Fig.15. Schéma du cœur. En haut coupe longitudinale. En bas coupe axiale. A/V : atrio-ventriculaire. OD :

    oreillette droite. VG : ventricule gauche.

    L’oreillette gauche est la cavité la plus postérieure du cœur. Elle reçoit les 4 veines

    pulmonaires à ses extrémités droites et gauches. Le repli semi-lunaire y est le vestige gauche

    du canal atrial fœtal.

  • La paroi musculaire du ventricule gauche est beaucoup plus épaisse que celle du

    ventricule droit. L’apex du cœur est entièrement compris dans la paroi ventriculaire gauche.

    Les quatre valves cardiaques sont fixées sur le squelette fibreux du cœur, tissu

    conjonctif dense séparant la musculature des oreillettes de celle des ventricules. Ce squelette

    forme deux anneaux fibreux reliés à l’adventice de l’aorte et du tronc pulmonaire. Les deux

    valves artérielles (tricuspide et aortique) sont chacune constituées de trois valvules semi-

    lunaires. Lors de la contraction ventriculaire (systole), les valvules s’écartent pour laisser

    passer le flux sanguin puis, quand la pression de l’artère devient supérieure à celle du

    ventricule (diastole), les valvules se redéploient. C’est au dessus des valvules aortiques droite

    et gauche que naissent les artères coronaires, dans les sinus de Valsalva. Ainsi les deux artères

    coronaires se remplissent quand les valvules sont déployées (donc en diastole).

    Les valves atrioventriculaires sont des replis de l’endocarde reliés aux muscles

    papillaires de la cavité ventriculaire par des cordages tendineux qui amarrent la valve et

    l’empêchent de faire irruption dans l’oreillette. La valve tricuspide, mesurant entre 35 et 38

    mm de diamètre est l’ostium atrioventriculaire droit. Elle comporte trois valves (ou cuspides).

    La valve mitrale à gauche mesure de 30 à 35 mm de diamètre. Elle ne comporte qu’une

    grande valve insérée sur le septum en avant et une petite postérieure. Celles-ci sont amarrées à

    des muscles papillaires plus puissants que ceux du ventricule droit et comportant plusieurs

    racines.

    Le système cardionecteur responsable de l’automatisme cardiaque débute au nœud

    sinusal (ou sino-atrial) de Keith et Flack, situé sur la paroi antérieure de l’oreillette droite,

    entre l’abouchement de la veine cave inférieure et le bord supérieur de l’auricule droit.

    Ensuite, l’excitation traverse l’oreillette et rejoint le nœud atrioventriculaire d’Aschoff-

    Tawara situé à la partie basse de la cloison inter-atriale, juste au dessus de l’orifice du sinus

    veineux coronaire et en arrière de l’insertion de la cuspide septale. Il se prolonge par le tronc

    du faisceau de His traversant le septum interventriculaire où il se divise en deux branches : la

    branche droite gagne la cloison septo-marginale vers le muscle papillaire antérieur du

    ventricule droit, la branche gauche se ramifie en éventail à la base des muscles papillaires du

    ventricule gauche. Le faisceau de His s’éteint vers l’apex en constituant les fibres de Purkinje.

    La fréquence du nœud sinusal est de 70/min et celle du nœud atrioventriculaire de 40/min.

  • Fig.16. Système cardio-necteur. Vue latérale droite. VCS/I : veine cave supérieure/ inférieure.

    Fig.17. Système artériel coronaire. Face antérieure. R : rameau. VD : ventricule droit. VG : ventricule

    gauche.

  • B. TRAUMATISMES THORACIQUES FERMES : ASPECTS

    BIOMECANIQUES ET PHYSIOPATHOLOGIQUES

    La compréhension des mécanismes à l'origine des différentes lésions traumatiques du

    thorax doit permettre d'améliorer les prises en charge tant diagnostique que thérapeutique des

    traumatisés graves. Ainsi elle doit surtout guider le clinicien dans l'évaluation des lésions et

    dans l'anticipation des complications éventuelles. Elle doit enfin contribuer à la prise en

    compte de mesures de prévention.

    En France, le taux de mortalité total des décès par traumatisme est d’environ

    46/100000 habitants. Toutes les études mettent en évidence une prépondérance masculine

    (70-75%). (74)

    Il est à noter que les lésions secondaires aux accidents de la voie publique ont changé :

    le choc direct grâce à la ceinture est maintenant remplacé par la décélération (11).

    En 1998, le taux de mortalité par accident de la voie publique en France était de

    14.3/100000 habitants (l’un des plus élevé d’Europe). Le taux global des victimes est de

    300/100000. 696/100000 de 15 à 24 ans, 133/100000 pour les moins de15 ans et 165/100000

    pour les plus de 65 ans. On note d’ailleurs une disparité selon les véhicules concernés :

    - 4006 blessés et 210 décès pour 1 million de véhicules de tourisme.

    - 4036 blessés et 381 décès pour 1 million de voiturettes

    - 12477 blessés et 254 décès pour 1 million de cyclomoteurs

    - 18181 blessés et 869 décès pour 1 million de motocyclettes (74)

  • 1. GENERALITES (11,12,17,73)

    La particularité des traumatismes thoraciques fermés repose sur la difficulté

    diagnostique et pronostique. En effet, il est facile de diagnostiquer un volet thoracique, un

    pneumothorax ou un hémothorax; ces lésions n'engagent que rarement le pronostic vital

    immédiat. Leur traitement est aisé, rapide le plus souvent, et bien codifié. Mais il est

    beaucoup plus difficile de faire un diagnostic précoce de contusion pulmonaire ou cardiaque

    dont le diagnostic suspecté sur l'évolution et les examens complémentaires ne pourrait être

    affirmé que par l'histologie. De même les lésions vasculaires sont souvent latentes et peuvent

    se décompenser brutalement.

    Parmi les traumatismes fermés, trois mécanismes lésionnels sont en cause seuls ou

    associés:

    - La compression ou l'écrasement est à l'origine des fractures (côtes, sternum),

    des contusions pulmonaires, des atteintes cardiaques ou aortiques (aorte thoracique

    descendante distale).

    - La décélération est responsable de déchirures ou de sections de l'aorte

    thoracique, ainsi que de contusions pulmonaires.

    - Le blast (onde de choc) entraîne un phénomène d'éclatement lorsqu'il

    rencontre un changement de densité du milieu. Les lésions rencontrées sont alors

    essentiellement pulmonaires.

    Il est très difficile d'établir des chiffres globalement représentatifs de la répartition

    épidémiologique des traumatismes fermés du thorax. En effet, ceux-ci sont très dépendants

    des conditions socio-économiques et géographiques des différentes études. Ainsi, si

    l'immense majorité des traumas de décélération se partagent entre accidents de la circulation

    et chutes d'un lieu élevé, la proportion de chaque étiologie est extrêmement variable. On

    comprend parfaitement que la probabilité d'être victime d'un accident de la route en France

    soit supérieure à celle que l'on pourrait estimer dans un pays du tiers monde. De même entre

    les villes d'un même pays voire d'un même département.

  • Il ressort cependant qu’en France, si le traumatisme fermé reste le cas le plus fréquent,

    sa cause a évolué ces dernières années. Les lésions dues aux accidents de la voie publique se

    sont modifiées avec l’apparition de mesures de protection : le choc direct grâce à la ceinture

    de sécurité est maintenant remplacé par la décélération dont les conséquences sont plus

    insidieuses. Par contre, les accidents de sport (équitation, alpinisme, deltaplane…) et de loisirs

    violents ou risqués (chutes d’escalier, échelle, toit, arbres…) entrant dans le cadre du

    syndrome du « tarzan du dimanche » laissent présager une recrudescence importante des

    blessés thoraciques classiques. Malheureusement, beaucoup de ces blessés sont des

    polytraumatisés (deux fois sur trois) pour lesquels il est clair que les conséquences des

    lésions ne s’additionnent pas mais se multiplient.

    2. CHOC DIRECT (32,36,73)

    Ils représentent 20 % des traumatismes cardiaques (contusion myocardique, lésions

    valvulaires, hémo/pneumopéricarde, commotio cordis, rupture pariétales…).

    Lors d'une incarcération ou d'un ensevelissement (éboulement, séisme), l'écrasement

    peut être à l'origine d'un traumatisme thoracique. Les lésions s'observent en regard du point

    d'impact. De nombreux facteurs sont en jeu : la force appliquée lors de l’impact, sa vitesse,

    l’importance de la décélération, la durée et direction de l’impact, la zone d’application de la

    force… Ce qui fait surtout la gravité du traumatisme est l'énergie cinétique de l'agent

    vulnérant et le siège de son application. Principalement responsable de lésions pariétales, il

    génère aussi des atteintes des organes sous-jacents.

    La transmission de l’onde de choc est plus importante sur le thorax souple et

    déformable du sujet jeune que chez le patient d’âge mûr dont les fractures de la cage

    thoracique absorbent une partie de l’énergie cinétique. Cette absorption variable de l'énergie

    cinétique explique les lésions différentes selon l'âge: le volet thoracique est plus fréquent chez

    le sujet âgé au thorax rigide; une contusion pulmonaire ou une rupture diaphragmatique

    s'observera plus volontiers chez le sujet jeune au thorax souple; une torsion pulmonaire chez

    le jeune enfant.

    Il existe également des traumatismes thoraciques non pénétrants iatrogènes dont le

    principal est le massage cardiaque externe sur lequel nous reviendrons.

  • 3. DECELERATION (32,36,37,54,73,79)

    La plupart des traumatismes à thorax fermé procèdent de ce type de mécanisme lié au

    choc entre deux mobiles en mouvement ou bien entre un mobile en mouvement et un obstacle

    fixe. L'impact est responsable d'un phénomène de compression directe associée à une

    décélération, qu'il s'agisse d'un mouvement de translation horizontal (accident de circulation)

    ou vertical (chute d'un lieu élevé). Les caractéristiques de la force appliquée à la zone

    d'impact ou celles de l'énergie cinétique transférée expliquent la sévérité des lésions. Cette

    force est d'autant plus grande que l'accélération est élevée et donc que les lésions sont sévères.

    De plus, lors d'un choc, l'énergie cinétique ( ½ mv2 ) transférée à l'obstacle par le corps

    brutalement arrêté est restituée par l'obstacle à l'organisme.

    Le corps arrêté brutalement par un obstacle est soumis à une décélération qui génère

    une force gravitationnelle négative dépendant de la vitesse initiale et de la durée de la

    décélération.

    ���� = ( 0.05 x v2 ) / t

    Ainsi, une variation de vitesse inférieure à 20 km/h produit généralement peu de

    lésions. Au dessus de 35 km/h les lésions sont de gravité moyenne et au delà de 50 km/h, le

    risque de lésions sévères est important. Il est à noter que les seuils de tolérance envers ces

    variations de force diffèrent selon l'axe du corps sur lequel elles sont appliquées: on estime

    que la tolérance est maximale pour une décélération exercée d'avant en arrière (80 �),

    intermédiaire d'arrière en avant (40 �), faible dans un axe vertical (20 �) et minimale pour

    une décélération latérale (10 �).

    Lors d'une chute, l'énergie potentielle de pesanteur est convertie en énergie cinétique

    sous l'influence de la gravité (avec de nombreux facteurs de correction comme la résistance de

    l'air, la vitesse du vent, la surface de prise d'air...). La sévérité des lésions est donc directement

    influencée par la vitesse à l'impact, reflet de l'accélération gravitationnelle. Les

    caractéristiques physiques de la zone de réception qui peut être un sol dur ou une surface plus

    ou moins déformable, influent beaucoup sur l'étendue des traumatismes. L'existence d'un plan

  • de réception déformable allonge le temps pendant lequel la force est appliquée à la zone de

    contact, d'où une libération d'énergie cinétique plus lente et par conséquent une décélération

    moindre.

    FORCE de réaction du sol sur le corps = masse du corps x accélération

    Ainsi la chute d'une hauteur d'un étage sur une surface dure (béton) génère une

    décélération de 720 � alors qu'une chute d'une hauteur de 3 étages sur une surface souple

    (boue) se traduit par une décélération de 67 �.

    La transmission des forces de décélération et la sévérité des lésions sont influencées

    par la surface de contact du corps (position du corps lors du choc) et par les propriétés visco-

    élastiques des organes qui subissent le choc (viscères pleins ou creux, os, muscles, "ressort"

    articulaire...).

    Il est à noter que, dans les chocs à très haute vélocité, les pics de pression observés se

    rapprochent des pressions mesurées expliquant ainsi la production de lésions évocatrices de

    blast pulmonaire (pneumothorax, rupture diaphragmatique...).

    Le mécanisme de décélération est la plupart du temps ajouté à un mécanisme de

    compression directe où l'énergie cinétique libérée lors du choc est en partie transférée à

    l'organisme au niveau de la zone d'impact. Cela dépend ensuite des capacités de déformabilité

    et donc d'élasticité propres à chaque organe, les tissus visco-élastiques (muscles par exemple)

    pouvant absorber une quantité d'énergie important sans se rompre à l'instar des tissus rigides

    (os).

    Cette notion d'inégalité de tolérance des différents organes pour une même force

    exercée est importante à retenir. Elle explique l'absence de parallélisme entre l'importance des

    lésions pariétales et celles des lésions intrathoraciques.

    Lors de l'arrêt brutal du corps, chaque organe poursuit son mouvement de translation à

    la vitesse initiale. Ces mouvements d'organes intrathoraciques peuvent être abordés plus

    simplement en utilisant la notion dite de poids apparent.

  • Poids apparent = Poids réel de l'organe x nombre de ���� de décélération

    ORGANES 0 km/h (1 ����) 36 km/h (10 ����) 72 km/h (40��������) 108 km/h (90 ����)

    Cerveau 1,5 15 60 135

    Cœur 0,35 3,5 14 31,5

    Rate 0,25 2,5 10 22,5

    Foie 1,8 18 72 162

    Corps entier 70 700 2800 6300

    Fig. 18. Evaluation des poids apparents (kg) de différents organes en fonction de la vitesse de décélération

    (différentielle de vitesse par seconde).

    Ainsi, les organes intrathoraciques ayant des densités, des volumes et des poids

    apparents différents, sont soumis à des déplacements dont l'importance et la vitesse varient.

    Des phénomènes de tiraillement, de cisaillement ou d'écrasement sont constatés au niveau des

    zones de jonction entre les structures de densité différentes. Cette biomécanique interne

    devient encore plus complexe lorsque l'on prend en compte les "attaches" fibreuses et/ou

    viscoélastiques des différents organes ce qui modifie leurs déplacements propres, d'autant que

    ces mouvements modifiés se répercutent sur d'autres organes. C'est le cas du coeur

    principalement qui est relié à la paroi thoracique par plusieurs ligaments suspenseurs plus ou

    moins permissifs pour certains mouvements dans l'espace, mouvement se répercutant sur les

    système des gros vaisseaux supra-cardiaques, eux mêmes fixés à des organes de mobilité

    différente et dont les déplacement propres se répercuteront sur le coeur...

    4. BLAST (11,36,73)

    Le blast ou effet de souffle est « l’ensemble des conséquences sur l’organisme des

    changements brutaux de la pression atmosphérique déterminés par une explosion » (Hill

    1989). Elles désignent donc des lésions liées à la transmission dans l’organisme des ondes de

    surpression et de température créées par une explosion violente. Lors d’une explosion dans

    l’air, la vague de pression a une forme radiante depuis la source et perd en intensité quand on

    s’en écarte. Elle est suivie par une onde de dépression qui peut également induire des lésions.

  • Les lésions observées sont rarement « pures ». Il s’y associe en effet des lésions dues à la

    projection de particules éjectées lors de l’explosion, à de brûlures, à l’inhalation de gaz

    chauds, fumées ou débris, à la chute lorsque la victime a été soufflée par l’explosion.

    Les lésions dites primaires sont liées à la transmission des ondes de surpression créées

    par une explosion violente. On retrouve deux types d’onde :

    - L’onde de pression statique (onde de Friedlander) traduite par une augmentation

    très brutale de la pression ambiante sans déplacement gazeux

    - L’onde de pression dynamique avec déplacement gazeux.

    On note une augmentation de la pression presque instantanée suivie d’une

    décroissance exponentielle puis une onde de pression négative de moindre amplitude et

    rapidement amortie. En milieu aérien, l’onde de choc à proximité de sa source se déplace à

    vitesse supersonique (365 m/s) mais son amortissement est rapide et proportionnel au cube de

    la distance. En milieu liquide, non seulement la surpression est plus importante mais la vitesse

    de propagation est plus grande (1500 m/s).

    Dans un espace plus ou moins clos, l’onde de choc sera réverbérée par les parois et les

    obstacles. Dans ces cas l’onde est amplifiée plusieurs fois et il y a plusieurs pics de pression

    successifs. L’onde de choc est donc le plus souvent complexe et comporte une série d’ondes

    successives qui se surimposent à une montée plus lente de pression.

    Les facteurs lésionnels sont : la puissance de l’engin explosif, la survenue dans un

    milieu ouvert ou fermé et la position du sujet par rapport à l’épicentre de l’explosion. Le

    pouvoir lésionnel dépend de la valeur du pic d’hyperpression et de sa durée. Plus le temps de

    montée en pression est bref plus l’onde est nocive.

    L’angle d’incidence (position du sujet) joue un rôle essentiel. Lorsqu’une onde heurte

    la surface de l’organisme, une partie est réfléchie mais la fraction la plus importante est

    absorbée et se propage dans l’organisme comme une onde de pression. On observe une mise

    en mouvement brusque de la paroi thoracique et des organes intrathoraciques. Soumis à une

    onde, le thorax a un comportement viscoélastique amorti.

  • La paroi subit un déplacement de haute vélocité et celui-ci est transmis aux organes

    intra-thoraciques. De plus lorsque l’onde de surpression est de durée élevée, elle peut

    présenter des oscillations et les organes peuvent entrer en résonance, susceptible d’entraîner

    ou d’aggraver les lésions. Les différents organes en raison de densités différentes sont soumis

    à des accélérations variables entraînant lors de la décélération des lésions par collision,

    cisaillement et arrachement.

    L’implosion est le deuxième mécanisme impliqué. Lors du passage de l’onde positive,

    les variations de pression induisent des variations de volume des cavités gazeuses (diminution

    puis brusque expansion pouvant entraîner les ruptures des parois de l’organe).

    La pulvérisation ou fragmentation de l’onde (spalling) est un phénomène survenant au

    niveau de l’interface de tissus de densité différentes. Lorsque l’onde de choc atteint une

    interface organe plein/organe creux, la différence de vitesse entre les deux tissus crée des

    turbulences, d’où des lésions par cavitation ou par éclatement.

    Si les lésions primaires sont dues au passage de l’onde de choc dans l’organisme, les

    lésions secondaires sont dues à des projectiles contenus dans l’engin explosif ou à des objets

    environnants mis en mouvement et qui viennent heurter la victime. Enfin, les lésions

    tertiaires sont secondaires au déplacement du sujet par le souffle et sa projection sur un

    obstacle ainsi qu’aux lésions thermiques.

    Au niveau de l’oreille, la rupture du tympan témoigne que l’organisme a été soumis à

    un blast. A l’inverse, il est possible d’observer des lésions pulmonaires sans rupture

    tympanique. C’est au niveau thoracique que l’on retrouve les lésions les plus sévères avec des

    lésions pulmonaires à type de rupture alvéolaire avec hémorragies intra-alvéolaires, des

    ruptures péribronchiques et périvasculaires avec œdème interstitiel. De graves embolies

    gazeuses peuvent exister, elles sont dues à des fistules entre les voies aériennes et les veines

    pulmonaires.

  • 5. CONCLUSION

    Ainsi il faut donc devant un traumatisme fermé du thorax garder à l'esprit trois notions

    fondamentales:

    . IL N'Y A AUCUN PARALLELISME ENTRE L'IMPORTANCE DES

    LESIONS PARIETALES ET CELLES DES LESIONS INTRATHORACIQUES.

    . TOUT TRAUMATISME PEUT, APRES UNE PERIODE PLUS OU

    MOINS LONGUE DE BONNE TOLERANCE, SE DECOMPENSER

    BRUTALEMENT.

    . UNE TARE PREALABLE, SURTOUT RESPIRATOIRE, AGGRAVE

    CONSIDERABLEMENT LE PRONOSTIC.

    C'est dire l'importance de la surveillance de ces blessés. Un traumatisme fermé du

    thorax doit être considéré comme un malade en danger jusqu'à preuve du contraire et donc

    nécessite une surveillance en réanimation. Et ce d'autant plus que les traumatismes

    apparaissent bénins alors que les mécanismes d'apparition font évoquer des lésions sévères

    potentielles. Il va donc sans dire que l'interrogatoire qui apprécie le terrain et la cinétique de

    l'accident permet de moduler la conduite à tenir.

  • III. RUPTURES CARDIAQUES LORS DES TRAUMATISMES FERMES DU

    THORAX : MECANISMES LESIONNELS ET EPIDEMIOLOGIE

    A. EPIDEMIOLOGIE

    Les données épidémiologiques sont paradoxalement nombreuses. Cependant elles

    divergent beaucoup entre elles rendant leur analyse difficile. Il est en effet impossible de

    comparer des statistiques avec d’aussi importants biais de sélection. Les systèmes de prise en

    charge évoluent en une trentaine d’années ; les systèmes de soins français, anglo-saxons,

    japonais sont différents ; la mortalité tous traumatisés confondus est différente de celle dans

    les services hospitaliers ; il arrive plus de cas arrivant vivants mais moribonds dans les

    hôpitaux français que dans les hôpitaux américains car ils ne disposent pas de réanimation

    préhospitalière….

    Le premier cas de rupture cardiaque dans les suites d’un traumatisme thoracique fermé

    a été décrit par Bérard en 1826. Le patient était mort de tamponnade 2 heures 30 après une

    chute d’une fenêtre.

    Il est à noter que le 1er drainage péricardique pour tamponnade a été réalisé par

    l’ancien chirurgien de Napoléon, Larrey, en 1829. La première réparation avec succès d’une

    rupture cardiaque dans les suites d’un traumatisme fermé du thorax date de 1955. Elle a été

    réalisée par Desforges chez un patient souffrant d’une plaie de la jonction oreillette droite-

    veine cave supérieure dans les suites d’un accident de la route.

    Aux États-unis, on compte 900 000 traumatismes mortels pour 2 000 000 de blessés

    par accident de la voie publique. Les traumatismes thoraciques mortels représentent 56,4 %

    des morts (7). En 1989, les victimes décédées dans les suites d’un accident de la route

    présentaient dans 68 % des cas des lésions thoraciques (67 % de lésions abdominales, 61 % de

    lésions crâniennes) (77). La mortalité par traumatisme thoracique est évaluée en moyenne à

    33 % soit 25 % de mortalité immédiate et 25 % de comortalité.(27,29,75)

    La mortalité des ruptures cardiaques varie en fait de 15 à 85 %, dépendant entre autre

    du taux de mortalité élevé sur le site et pendant le transport. La comparaison de la mortalité

    dans différentes séries est difficile du fait de la sélection des patients, du type de mécanisme,

    de la cavité touchée et de l’efficacité du système de transport. Ainsi les patients qui meurent

  • sur la scène ou pendant le transport peuvent être sauvés par des soins médicaux

    préhospitaliers et un transport rapide. Les taux de survie aux USA supérieurs aux taux de

    survie en France sont en grande partie dus au biais de sélection des patients : certes ils

    meurent plus dans les hôpitaux français, cependant aux USA, du fait de l’absence de

    réanimation médicale préhospitalière, on retrouve 32 % de décès sur place et 57 % de décès

    pendant le transport. Seuls 11 % arrivent vivants à l’hôpital ! (43) Il a été démontré que la

    survie était augmentée s’il y avait une prise en charge préhospitalière médicalisée tout

    simplement par une augmentation des patients arrivés vivants dans les services hospitaliers

    (20).

    Les ruptures cardiaques seraient à l’origine de 4 % des décès par accidents de la voie

    publique en 1945 aux États-unis (62) et de 15 % en 1986 (29). Les chutes, quant à elles, ont

    une mortalité de 26.5 %. Parmi elles, un traumatisme thoracique est retrouvé dans 17 à 65 %

    des morts (54).

    Les chiffres de mortalité les plus consensuels retrouvent :

    - Une médiane de mortalité à 85 % (20,56)

    - Près de 100 % de mortalité en cas de survenue d’un arrêt cardio-respiratoire ou en

    cas d’atteinte de deux chambres cardiaques (20,56)

    - Une survie lors des atteintes de l’oreillette droite supérieure aux atteintes du

    ventricule droit (50). Les atteintes du ventricule gauche sont de plus mauvais

    pronostic. Ainsi les régimes de pression bas du cœur droit vont avec des taux de

    mortalité plus faibles (41,43). Les morts par atteinte du ventricule gauche sont bien

    plus élevées du fait des pressions artérielles intracavitaires systoliques conduisant

    à une exsanguination ou une tamponnade rapides. (43)

    - Il s’agirait de la première ou de la deuxième cause de mortalité au décours d’un

    traumatisme thoracique (19)

    - On retrouve des survies dépassant les 50 % en cas d’atteinte isolée de l’oreillette

    droite ou si l’on exclue du calcul les patients présentant un arrêt cardio-respiratoire

    avant l’arrivée aux urgences (26,40,44)

    - Enfin, les ruptures cardiaques diagnostiqués vivants aux urgences des trauma

    center américains ont des taux de survie compris entre 70 à 80 % ! (24)

  • L’incidence des ruptures cardiaques dans les traumatismes du thorax vivants ou

    décédés est relativement constant dans la littérature et varie entre 0.1 et 5 %

    (19,20,26,29,41,44,56,62,64,72). L’atteinte cardiaque lors des traumatismes thoraciques est

    retrouvée entre 15 et 75 % et une rupture cardiaque est retrouvée chez 5 à 75 % des morts par

    traumatisme thoracique (10,20,29,67).

    Il semblerait que ces chiffres soient en voie d’augmentation, probablement à cause de

    l’amélioration dans la prise en charge préhospitalière et à cause des transports plus rapides.

    Par ailleurs, il est à noter que le massage cardiaque externe augmente la fréquence des

    ruptures cardiaques (31).

    Il ne se dégage pas vraiment de prédominance nette d’un site de rupture. Les auricules

    de part leur finesse sont les plus vulnérables et représentent ainsi le site de rupture atrial le

    plus fréquent (4). Il semblerait que l’atteinte des cavités droites soit la plus fréquente de part

    leur finesse et leur position (19,20,35,50,67,72).

    B. PHYSIOPATHOLOGIE

    Les lésions dépendent de la vitesse de décélération, du degré d’écrasement initial du

    sternum et de la vitesse d’épuisement de l’énergie cinétique résiduelle dans le cœur.

    L’application des forces anormales sur le cœur est médiée par le couple résistance/élasticité

    de la paroi et par la durée de pression qui entraîne rapidement une incapacité ventilatoire. La

    déformation brusque et l’augmentation des pressions intracavitaires peuvent conduire à la

    rupture des parois cavitaires et notamment de la structure la plus faible : les oreillettes. La

    Vulnérabilité de l’oreillette s’explique par cette fragilité pariétale théoriquement augmentée

    en fin de systole ventriculaire (donc remplie et avec les valves auriculo-ventriculaires

    fermées) et maximum en fin d’inspiration. (75)

  • De nombreuses études sont consensuelles sur les mécanismes mis en cause dans la

    genèse des ruptures cardiaques (5,20,40,46,52,56,59,78). On y retrouve en fait les principaux

    grands mécanismes biomécaniques vus plus haut :

    - Choc direct (donc transfert d’énergie direct) sur la face antérieure du sternum en

    fin de diastole pour les lésions ventriculaires et en fin de systole pour les lésions

    atriales. Les chambres cardiaques remplies sont plus vulnérables. La compression

    (augmentation de pression) provoque un transfert d’énergie cinétique entraînant

    une tension d’expansion des masses de fluides d’où ruptures aux points faibles :

    auricules et jonctions atrio-veineuses (72). Les fractures multiples costales

    absorbent l’énergie cinétique dissipant les forces. Beaucoup des lésions cardiaques

    surviennent à la jonction ventricule droit/septum interventriculaire (zone de

    faiblesse myocardique). Le traumatisme induit une onde de choc avec résonance

    pendant 500 microsecondes suivie d’une augmentation sur 2 à 3 ms de la pression

    statique en rapport avec le déplacement maximum de la paroi thoracique. C’est le

    2ème pic qui semble le plus délétère. Le facteur de gravité de lésions cardiaques est

    le degré de déplacement de la paroi thoracique (étudié chez des cochons). Ce

    déplacement est corrélé à l’augmentation de pression interne du ventricule droit.

    Le degré de déplacement dépend de l’énergie cinétique, de la zone d’impact et des

    caractères physiques du thorax de la victime (18).

    - Écrasement de l’abdomen et des membres augmentant la pression intra-thoracique,

    intracardiaque et donc la précharge (phénomène de piston hydraulique). Cependant

    il semblerait que ce mécanisme induise plutôt des ruptures de l’aorte.

    - Écrasement entre le sternum et les vertèbres.

    - Accélérations ou décélérations intenses. Une décélération rapide provoque

    volontiers des désinsertions des oreillettes. Au Japon, la première cause de rupture

    cardiaque est la chute de grande hauteur avant les accidents de la route. On

  • retrouve une vitesse moyenne de 39 km/h. il s’agit souvent d’une décélération

    brutale avec un arrêt brusque du corps mais poursuite du déplacement des viscères

    et en particulier du cœur touchant surtout le ventricule droit qui vient s’impacter

    dans le sternum. Par ce mécanisme, des lésions sévères sont possibles avec peu ou

    pas de lésion pariétale

    - Rupture secondaire à une contusion ou une lacération endocavitaire.

    - Massage cardiaque externe : il a été décrit des ruptures de l’oreillette droite, de

    l’aorte, du ventricule droit, du ventricule gauche, de l’oreillette gauche, des lésions

    pariétales thoraciques, du foie, des intestins et des lésions coronaires. La rupture se

    produirait lors de l’augmentation de la pression quand les cavités sont pleines, les

    valves fermées et en cas de gêne à l’expulsion due à un obstacle ou à la

    compression elle-même. Il est recommandé par certains de débuter le massage

    cardiaque externe par un coup de poing sternal ayant 2 rôles : la réduction d’une

    possible tachycardie ventriculaire voire d’une fibrillation ventriculaire et

    l’induction d’une contraction cardiaque pouvant vider les ventricules. Toutefois,

    l’utilisation du coup de poing sternal n’a de fondement que théorique (6,25,31).

    - Blast.

    - Rotation cardiaque rapide avec fixité des gros troncs supra-aortiques.

    Ainsi, une rupture cardiaque doit être suspectée chez les patients présentant un

    accident avec décélération ou un traumatisme précordial sévère.

    Il a été noté à plusieurs reprises que les atteintes atriales ou du cœur droit permettaient

    des durées de survie significatives (4,19,29,41,44,50,51,72). Dès 1935, Bright et Beck

    observaient que si le diagnostic avait été posé, tous les patients de leur série auraient eu le

    temps d’être sauvés, d’autant plus que la réparation de sauvetage ne semblait pas complexe.

    Ainsi au moins 20 % des patients présentant une rupture cardiaque ont une survie supérieure à

    45 minutes.

  • Ce délai dépend du nombre, de la taille et du siège des lésions. Une petite plaie

    myocardique associée à une brèche péricardique semblent être la situation de choix pour une

    survie prolongée vu qu’à la fois une tamponnade et une exsanguination rapide sont évitées.

    De plus, l’épanchement péricardique permet dans ce cas un certain degré d’hémostase.

    Plus récemment, Fulda (26) fait le même constat en évaluant à au moins 1/3 le nombre

    de patients « soignables » au niveau temps. Il a même été dit que si les plaies cardio-

    péricardiques sont petites, les lésions peuvent passer inaperçues et soit guérissent

    spontanément, soit se décompensent secondairement. C’est surtout le cas pour des petites

    lésions de l’oreillette droite où les régimes de pression sont tels qu’une tamponnade ou un

    hémothorax peuvent évoluer longuement à bas bruit.

  • IV. ANALYSE DES PROCEDURES DIAGNOSTIQUES

    En l’absence de définition diagnostique pratique clairement établie, les lésions

    myocardiques sont retrouvées chez 0 à 63 % des patients ayant subit un traumatisme

    thoracique fermé. Une douleur thoracique associée à une dyspnée et à des modifications

    électrocardiographiques sont fréquentes chez les traumatisés thoraciques même en dehors de

    toute lésion cardiaque. (2)

    Une prise en charge efficiente des ruptures cardiaques nécessite un diagnostic rapide

    suivi d’un transfert primaire dans un centre de chirurgie cardio-thoracique permettant une

    intervention chirurgicale en urgence. Cependant, la première phase, essentielle, celle du

    diagnostic fait bien souvent défaut, parce que cette pathologie est méconnue et parce qu’elle

    est beaucoup trop rarement évoquée. Ainsi le diagnostic n’est que rarement posé ou même

    évoqué en préopératoire (41). Dans la série de Parmley, il n’a été évoqué qu’une seule fois

    dans les 13 cas de survie temporaire et que deux fois chez les 24 patients opérés avec succès !

    (50)

    Si l’anamnèse du traumatisme et l’examen clinique ont un rôle important, il faut

    garder à l’esprit que l’imagerie est l’élément essentiel du bilan et qu’elle doit être réalisée

    dans le même temps que les gestes thérapeutiques urgents. En effet, l’examen clinique n’est

    fiable que chez 50 % des polytraumatisés conscients avec 56 % de faux positifs et 40 % de

    faux négatifs (49).

    A. ORIENTATION ANAMNESIQUE ET CLINIQUE

    1. ORIENTATION

    Le diagnostic de lésion cardiaque post-traumatique est cliniquement difficile car le

    tableau présente une multitude de signes inconstants et non spécifiques.

    Grossièrement, le tableau clinique dépend de l’intégrité du sac péricardique. S’il est

    intact, on se retrouve devant un tableau de tamponnade ou de choc cardiogénique chez un

    patient volontiers jeune et souvent sans antécédent cardiologique. Si le péricarde est lésé, on

    se retrouve en présence d’un hémothorax abondant, récidivant, de sang frais et incoagulable

    menant à une exsanguination rapide en l’absence de chirurgie d’hémostase urgente.

  • La répartition des deux tableaux entre eux est plutôt en faveur de la tamponnade

    puisqu’elle est retrouvée dans 60 à 90 % des cas contre 10 à 40 % d’hémothorax. Cependant,

    ces valeurs sont à relativiser. En effet, dans bien des cas, l’examen clinique est sans

    particularité, une tamponnade franche n’étant pas classique chez un polytraumatisé. La

    clinique est donc loin de faire seule le diagnostic et il faut utiliser un faisceau d’arguments

    pour avancer dans le diagnostic (5,7,10,20,26,38,50,56,65).

    En dehors des signes de détresse patente respiratoire ou cardiovasculaire, la gravité du

    traumatisme thoracique devra être soupçonné sur des critères liés : au mécanisme du

    traumatisme (notion de décélération importante, notion de compression thoracique aigue et

    brutale ou prolongée, existence d’une éjection de la victime ou d’une chute de grande hauteur,

    notion d’explosion ou d’exposition à une onde de choc), au patient traumatisés (âge,

    terrain,tares associées), au délai écoulé avant la prise en charge médicale, à l’importance des

    lésions associées.

    Chez les patients à risque qui ne sont pas stabilisés avec un remplissage semblant

    suffisant aux vues de la perte sanguine, l’hypothèse de rupture cardiaque doit être posée.

    Ainsi Getz en 1986 (29) a essayé de trouver différents signes en faveur du diagnostic. La

    triade de Beck (baisse des bruits du coeur, hypotension artérielle, augmentation de la pression

    veineuse centrale) est souvent absente. Pour Goarin (32), elle ne serait présente que dans 10 %

    des cas. De plus l’auscultation cardiaque est difficile dans le contexte préhospitalier ou même

    dans les services d’urgences. L’hypotension est masquée par les autres traumatismes et la

    pression veineuse centrale est abaissée par l’hypovolémie. Donc, le diagnostic pourrait être

    suggéré par :

    1. Hypotension et/ou hypovolémie hors de proportion par rapport aux lésions

    suspectées

    2. Hypotension et/ou hypovolémie ne répondant pas à un remplissage important

    3. Hémothorax massif ou récidivant ne se tarissant pas au drain de Joly et ne répondant

    pas au remplissage

    4. Acidose métabolique persistante malgré remplissage

    5. Augmentation de la pression veineuse centrale avec turgescence jugulaire et

    hypotension malgré remplissage. Donc un état de choc cardiogénique.

  • On s’aperçoit bien vite des limites de ces items : le drainage thoracique est rarement

    réalisé en préhospitalier ; la pression veineuse centrale non plus ; une acidose est difficilement

    dosable sur le terrain (quelques exceptionnelles Unités Mobiles Hospitalières sont dotées d’un

    appareil permettant la mesure des gaz du sang).

    Plusieurs études ont recherché des signes cliniques fréquents et évocateurs

    (44,48,64,71) :

    - hypotension artérielle avec pression artérielle systolique < 80 mmHg (70 à 100 %)

    - pression veineuse centrale supérieure ou égale à 20 cmH2O (78 à 95 %)

    - tachycardie (89 %)

    - turgescence jugulaire (20 à 80 %)

    - cyanose du territoire cave supérieur (76 %)

    - diminution des bruits du cœur (10 à 61 %)

    - lésions pariétales associées (20 à 60 %)

    Ainsi, les signes les plus fréquents sont inconstants et loin d’être spécifiques, surtout

    chez un polytraumatisé. Cependant une hypotension persistante chez une victime d’un

    traumatisme thoracique sévère est en général le résultat d’une rupture d’un organe plein

    abdominal. Un remplissage vasculaire rapide restaure une pression artérielle satisfaisante dans

    la plupart des cas d’hémorragie intra-abdominale. Une turgescence jugulaire importante est

    inhabituelle dans ce cadre et la persistance d’une hypotension est prédictive d’une lésion

    cardiaque.

    De ce fait, la découverte chez un patient d’une hypotension artérielle inexpliquée dans

    un contexte de traumatisme thoracique doit faire rechercher une plaie cardio-péricardique.

    2. EPANCHEMENT PERICARDIQUE, TAMPONNADE

    (3,32,50,61,68,72)

    La tamponnade est une véritable urgence diagnostique et thérapeutique. Elle est

    parfois révélatrice et s’explique en général par la constitution rapide d’un épanchement

    d’importance moyenne. Elle entraîne une gêne brutale au remplissage ventriculaire par

    augmentation de la pression intra-péricardique entraînant au maximum une adiastolie aiguë.

  • Les tamponnades sont soit :

    - secondaires à une péricardite aiguë (bactérienne, tuberculeuse, virale,

    rhumatismale, collagénose).

    - dues à un hémopéricarde compressif retrouvé lors des traumatismes et plaies du

    cœur, des dissections ou des fissurations d’anévrismes de l’aorte et parfois dans les

    tumeurs cardiaques ou péricardiques.

    - iatrogènes (traitement anticoagulant mal équilibré, infarctus du myocarde étendus,

    cathétérisme cardiaque, sonde de stimulation intracavitaire et chirurgie cardiaque).

    Les signes fonctionnels se résument à une douleur thoracique et une orthopnée. Les

    signes physiques, plus ou moins nets et complets sont nombreux :

    - des signes droits : turgescence jugulaire, reflux hépato-jugulaire, parfois ascite et

    oedèmes des membres inférieurs en cas de constitution lente, cyanose thoraco-

    faciale, agitation, orthopnée

    - des signes auscultatoires : tachycardie, galop, bruits du cœur assourdis, frottement

    péricardique parfois présent malgré l’abondance de l’épanchement.

    - des signes de choc : tachycardie, baisse de la pression artérielle systolique et

    différentielle pincée.

    - le signe principal est l’apparition d’un pouls paradoxal de Küssmaul. Il est défini

    comme une réduction inspiratoire de la pression artérielle systolique d’au moins 10

    mmHg par rapport à l’expiration. Ce phénomène faussement appelé « pouls

    paradoxal » s’explique par l’augmentation importante du retour veineux à

    l’inspiration (où les pressions intra-thoraciques sont négatives), entraînant une

    dilatation du ventricule droit. Comme l’épanchement péricardique est important et

    compressif, il empêche toute distension de la paroi libre du ventricule droit. La

    dilatation de ce dernier s’exerce donc aux dépens du ventricule gauche dont les

    dimensions sont réduites par le bombement du septum interventriculaire. Il y a

    donc une diminution inspiratoire du volume sanguin éjecté dans l’aorte et une

    diminution inspiratoire de la pression artérielle. En expiration, le retour veineux

    cave est diminué : le ventricule gauche reçoit alors le retour veineux pulmonaire

    augmenté de l’inspiration précédents et donc accroît le volume d’éjection

    systolique, la pression artérielle systolique augmente.

  • Il est à noter que le bombement du septum interventriculaire dans le ventricule gauche

    provoque au maximum le contact des deux feuillets endocardiques induisant le passage en

    tachycardie ventriculaire puis en fibrillation ventriculaire. C’est d’ailleurs ce mécanisme qui

    explique les arrêts circulatoires brutaux au cours des asthmes suraigus et des embolies

    pulmonaires massives.

    Une tamponnade doit être évoquée chez des patients hypotendus ayant eu un

    traumatisme thoracique avec ou sans cause évidente d’hypotension d’autant que les signes

    sont inconstants, surtout au début. Il est important de noter que les épanchements

    péricardiques post-traumatiques sont volontiers de faible abondance et souvent localisés en

    regard d’une cavité cardiaque (62). C’est surtout sa rapidité de constitution qui est

    responsable de la mauvaise tolérance. Bien souvent, le remplissage vasculaire est le premier

    geste à effectuer.

    3. INDICES ET SCORES DE GRAVITE (13,45,46)

    Les indices et scores de gravité peuvent-ils être dans ce cadre utiles, si ce n’est pour le

    diagnostic mais au moins pour leur intérêt de triage ?

    Le RTS (Revised Trauma Score) a spécialement été conçu et expérimenté pour

    permettre l’évaluation préhospitalière des polytraumatisés. Les paramètres mesurés, codés et

    multipliés par un facteur de pondération, sont calculés à partir de la base de données nord-

    américaine qui traduit leur influence relative sur le pronostic. Le RTS permet ainsi une

    évaluation précise de la probabilité de survie.

    Le CRAMS (Circulation Respiration Abdomen Motor Speech) est voisin du RTS.

    Comme lui, il prend en compte des paramètres portant sur la respiration, la circulation, la

    réponse motrice et la parole. En revanche il s’en distingue par l’introduction de l’examen de

    l’abdomen et du thorax.

  • L’AIS (Abbreviated Injury Scale) repose sur un dictionnaire de lésions cotées de 1

    (mineure) à 6 (constamment mortelle). L’appréciation des lésions est statique à un moment

    donné, empêchant ainsi d’intégrer le potentiel évolutif d’une lésion qui s’aggrave et

    compromet le pronostic vital. L’AIS ne décrit qu’une seule lésion à la fois et en conséquence

    n’est pas adapté à un polytraumatisé dont plusieurs lésions s’aggravent mutuellement.