34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire....

64
REVUE DE L’ORDRE DES URBANISTES DU QUÉBEC 11,25 $ Envoi de Poste-publication N° de convention : 400 33 006 HIVER 2016 Aménager pour s’alimenter ALEXANDRE CV

Transcript of 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire....

Page 1: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

R E V U E D E L ’ O R D R E D E S U R B A N I S T E S D U Q U É B E C

11,25 $Envoi de Poste-publicationN° de convention : 400 33 006 HIVER 2016

Aménager pour s’alimenter

ALEX

ANDR

ECV

Page 2: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

L’OFFRE DISTINCTIONPOUR LESPROFESSIONNELSDES SCIENCES

PROFITEZ D’AVANTAGESADAPTÉS À VOTRE RÉALITÉ,INCLUANT�:• Une économie de 14$ par mois sur le

forfait à transactions illimitées• Une remise de 50% des frais annuels

en BONIDOLLARS�MD sur les cartesVisa* Or Desjardins

• Des rabais et des taux avantageuxsur plusieurs produits d’épargne etde �nancement

• Plusieurs autres avantages

desjardins.com/urbaniste

Détails et conditions sur desjardins.com/urbaniste. MD BONIDOLLARS est une des marques déposées de la Fédération des caisses Desjardins du Québec. * Marque de commerce de Visa International Service Association et utilisée sous licence.

Page 3: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

sommaire

URBANITÉ | HIVER 2016 3

dossier Aménager pour s’alimenter» Le système alimentaire comme outil de planification 21

André-Anne Cadieux, Charlotte Horny, urbaniste et Mathieu Langlois, urbaniste

» MUNICIPALITÉS ET URBANISTESDes acteurs de changement pour des systèmesalimentaires durables 22Vincent Galarneau et David Paradis, urbaniste

» Déserts alimentaires au Québec 26SITUATION ET PERSPECTIVES D’INTERVENTIONÉric Robitaille et Pascale Bergeron

» TENDANCES ACTUELLESQuand les villes se préoccupent d'alimentation 30Mathieu Langlois, urbaniste et Charlotte Horny, urbaniste

» L’agroalimentaire au service du développement régional 32André-Anne Cadieux

» DRUMMONDVILLELes commerces alimentaires, un enjeu de proximité 35Véronique Larose, urbaniste et Guy Drouin

» LE SYSTÈME ALIMENTAIRE MONTRÉALAISPremière planification stratégique alimentaire régionale 38Ghalia Chahine

» Planification des systèmes alimentaires aux États-Unis 41Kimberley Hodgson

» Vers un urbanisme alimentaire? 45Manon Boulianne et Carole Després

R E V U E D E L ’ O R D R E D E S U R B A N I S T E S D U Q U É B E C

11,25 $Envoi de Poste-publicationN° de convention : 400 33 006 HIVER 2016

Aménager pour s’alimenter

» Mot du président 4

Donald Bonsant, urbaniste

» Actualités 5

ALLIANCE ARIANEPour un « désormais » en matièred’aménagement du territoire et d’urbanismeSerge Vaugeois, urbaniste

L’Agora métropolitaine de 2015Serge Vaugeois, urbaniste

COMMUNAUTÉ MÉTROPOLITAINE DE MONTRÉALSoutenir les projets TODManuel Poulin, urbaniste et Benjamin Gillis, urbaniste

Forum Priorité piétonsPREMIER RENDEZ-VOUS DE LA CULTURE PIÉTONNE AU QUÉBECAmélie Castaing Rigaud, urbaniste-stagiaire

Propulser le Québec par l’électricitéMarie-Josée Lessard, urbaniste

INCUBATEUR URBAINConsultation citoyenne à l’ère du numériqueAndré-Anne Cadieux

PROJET ARBORAPlus haut immeuble en bois de MontréalAmélie Castaing Rigaud, urbaniste-stagiaire

» Lecture 12VILLE DE QUÉBECLa Vision 2040 soumise aux citoyensPaul Arsenault, urbaniste

Le métro à l’honneur!Jacques Trudel, urbaniste

S’outiller pour assurer la participation citoyenneAndré-Anne Cadieux

» Pratique régionale 14L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE À HYDRO-QUÉBECConcerter les énergiesAndré Boisvert, urbaniste émérite, Raymonde Lavoie, urbaniste,Robert Lussier, urbaniste, Simon Martel, Marie Nobertet Lise Saint-Jacques

» International 18SÉOULRestauration du canal Cheonggyecheonet renaissance du centre-villeJacques Besner, urbaniste émérite

L’image de la couverture a été prisedurant le démontage du marché d’hiverau Marché Jean-Talon. Elle est tirée d’unesérie sur les marchés publics de Montréalvus de nuit lors de la saison froide.La photo illustre un aspect moins apparentde la dynamique de l’approvisionnementalimentaire en ville et des cycles desmarchés publics montréalais.

Crédit photo : Alexandre Cv

» En pratique 49

GRANDES LIGNES ET TENDANCESDemande d’exclusion en zone agricoleMe François Montfils

» Chronique juridique 51

Protection des milieux humides, le pointMe Jean-François Girard

» Regard sur le passé 54

MIXITÉL’héritage paradoxal du zonage cumulatifJacques Trudel, urbaniste

» Nouvelles de l’Ordre 58

Retour sur le congrès annuel

DÉBAT D’IDÉES DE LA RELÈVE EN URBANISMELe 375 MTL, événement éphémère ousignature durable?Michaël Tremblay, urbaniste-stagiaire

Plus de 350 professionnels de l’urbanismeà la soirée annuelle de la Relève en urbanisme!Louis Mazerolle, urbaniste et Jean-François Lefebvre

Entrevue avec Alexandre Taillefer, invité spécialde la soirée de la RU

» À l’agenda 62

Page 4: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

Dans le contexte actuel, l’Ordre des urbanistes du Québecsouhaite s’assurer que ses membres possèdent les com-pétences requises pour faire leur travail et qu’ils demeurent àl’affût des meilleures pratiques, ainsi que des nouveaux outilsprofessionnels en urbanisme. Compte tenu de l’évolutionrapide des enjeux et des changements touchant notre profes-sion, il est impératif que les urbanistes soient en mesure demettre à jour leurs connaissances et habiletés profession-nelles et puissent les parfaire en continu, comme le stipulel’article 50 de la section V de notre Code de déontologie.

Un règlement portant sur la formation continue obligatoirecontribuera directement à notre mission, soit la protection dupublic, et permettra de renforcer la qualité des interventionsprofessionnelles des urbanistes au Québec. Par ailleurs, cerèglement contribuera à l’amélioration de la notoriété de laprofession, notamment dans le contexte d’une réflexion surles actes réservés.

L’implantation d’un règlement portant sur la formationcontinue obligatoire constitue une avancée majeure dansl’histoire de l’Ordre des urbanistes du Québec. Toutefois, cettedécision pourrait avoir des répercussions importantes sur lesressources financières et humaines (permanence etbénévoles) de l’organisation et, à ce titre, il importe de menerune réflexion détaillée et transparente. Un alourdissementdes tâches pour les ressources actuelles n’est passouhaitable. En parallèle, l’Ordre devra s’assurer que tous lesmembres, peu importe leur situation géographique, aientaccès facilement au programme de formation continuereconnue obligatoire, et ce, à un coût raisonnable et selon unhoraire qui convient à chacun et chacune. L’Ordre devra

également voir à ce qu’unoutil permettant l’inscrip-tion et le paiement en lignesoit mis à la dispositiondes membres. Pour yarriver, plusieurs optionssont déjà à l’étude. Leprojet d’adoption d’unrèglement portant sur laformation continue obligatoire feral’objet d’un processus transparent, et leconseil d’administration s’assurera que les membres puissentpréalablement exprimer leurs points de vue et opinions sur cetimportant chantier pour notre profession. Notre objectif estque l’adoption de ce règlement contribue positivement audéveloppement professionnel des urbanistes.

Pour ma part, je suis convaincu que la mise en place d’uneobligation de formation continue aura un impact très positifsur notre pratique professionnelle, améliorera notrecrédibilité à titre d’experts et renforcera notre statut d’expertsen matière d’urbanisme et d’aménagement du territoire.

La nouvelle année s’amorcera donc sous le signe du chan-gement pour l’Ordre des urbanistes du Québec et tous sesmembres, et j’en suis très heureux.

Je profite de l’occasion pour souhaiter à tous et à toutes unjoyeux Noël et une bonne et heureuse année!

Le président,Donald Bonsant, urbaniste

Vers la formation continue obligatoire

mot du président

Réponses à vos questionssur les ordres professionnels

www.ordredeproteger.com.

4 URBANITÉ | HIVER 2016

En octobre dernier, lors de son congrès qui se tenait à Gatineau, le conseil d’administration del’Ordre des urbanistes du Québec a profité de la présentation de sa planification stratégique2015-2020 pour dévoiler les priorités de l’organisation et informer les membres de sa volontéd’entreprendre des démarches visant à adopter un règlement portant sur la formation continueobligatoire pour les urbanistes et stagiaires.

Page 5: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

actualités

Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes,architectes, agriculteurs, écologistes et citoyens s’unissaientsous l’Alliance Ariane1-2, pour que l’aménagement du territoireet l’urbanisme soient considérés comme une priorité. Sonobjectif principal est que le Québec se dote, dans le cadred’une politique nationale de l’aménagement du territoire etde l’urbanisme, d’une vision d’ensemble assortie de principesfondamentaux qui puissent assurer la coordination de l’ensembledes lois, des politiques et des interventions de l’État etdes instances municipales en matière d’aménagement duterritoire et d’urbanisme.

L’Alliance demandait donc au gouvernement du Québec de sedoter d’une politique nationale de l’aménagement du territoireet de l’urbanisme. Elle base sa requête sur le constat suivant :« L’action en matière d’aménagement du territoire et d’urba-nisme est sous la responsabilité d’une multiplicité d’acteurs,dispersée dans de nombreux textes législatifs et autres politiques,éparpillée en autant de domaines et se déploie sans vision

d’ensemble. Cet éclatement décisionnel est responsable de nom-breuses incohérences dont les conséquences environnemen-tales, sociales et économiques sont coûteuses pour l’ensemblede la société québécoise. […] il est fondamental et urgent deréunir, dans un même texte ayant statut de politique nationale,une vision d’ensemble assortie de principes fondamentaux enmatière d’aménagement du territoire et d’urbanisme quipuisse assurer la coordination de l’ensemble des lois, politiqueset interventions de l’État et des instances municipales. »L’Alliance Ariane a aussi rendu publique une déclarationfaisant état de principes de base proposés pour la préparationde la politique (voir l’encadré à la page suivante).

Enfin, lors de cette rencontre, M. Donald Bonsant, présidentde l’Ordre des urbanistes du Québec et membre fondateur del’alliance ARIANE, a rappelé que « Trente-cinq ans après l’adop-tion de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme et 20 ans aprèscelle des orientations gouvernementales en aménagementdu territoire, le moment est propice pour redéfinir la vision dudéveloppement de notre territoire. Les urbanistes du Québecont des solutions concrètes et réalistes à proposer pour mieuxconstruire nos villes et nos villages ».

» SERGE VAUGEOIS, urbaniste

LUCI

EBA

TAIL

LE

ALLIANCE ARIANE

Pour un « désormais » en matièred’aménagement du territoire et d’urbanisme

URBANITÉ | HIVER 2016 5

1 L’Ordre des urbanistes du Québec fait partie des organisations fondatrices de l’Alliance Ariane.2 www.ariane.quebec/declaration/

Les premiers signatairesde l’Alliance Ariane

Page 6: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

actualités

• Le territoire du Québec est le patrimoine commun del’ensemble des Québécois;

• Ce territoire étant une ressource limitée et son altération ayantsouvent un caractère irrémédiable, l’usage qui en est fait doitpréserver le droit des générations futures de répondre à leursbesoins fondamentaux et de s’épanouir;

• L’aménagement du territoire est une responsabilitépartagée entre le gouvernement du Québec et les instancesmunicipales;

• Les instances municipales sont, dans le respect réciproquedes compétences des divers paliers décisionnels, lesgestionnaires du territoire sur lequel s’exerce leur autoritéet sont garantes d’en assurer une utilisation économe;

• À travers leurs politiques, programmes et actions en amé-nagement du territoire et en urbanisme, le gouvernementdu Québec et les instances municipales :

o contribuent à l’atteinte des grands objectifs collec-tifs que s’est donnés et se donnera le Québec enmatière de protection du territoire et des activités agri-coles, de lutte contre les changements climatiques,de réduction de la consommation de pétrole, d’amé-lioration de la santé, d’optimisation des financespubliques, de protection de la biodiversité, de miseen valeur des paysages naturels et bâtis, de mobi-lité durable, et de tout autre enjeu identifié;

o font primer l’intérêt collectif sur les intérêtsparticuliers;

o prennent en compte et reflètent la diversité des collec-tivités québécoises.

• La politique doit prévoir des mécanismes de coordinationpermettant d’assurer la nécessaire cohérence de l’action del’État et de ses partenaires en matière d’aménagement etd’urbanisme, et notamment :

o qu’elle soit la pierre d’assise de la révision des orien-tations gouvernementales en matière d’aménagementdu territoire et des relations entre l’État et lesmunicipalités;

o que l’action des ministères et organismes de l’État,qui prennent tous des décisions qui s’ancreront defaçon permanente sur le territoire, soit cohérenteavec ladite politique;

o que son adoption s’accompagne des ressourcesnécessaires à sa réalisation, autant pour les actionspropres aux ministères et organismes de l’État quepour celles des instances municipales.

• Le ministre des Affaires municipales doit être nomméresponsable de l’application de la politique et, consé-quemment, son ministère doit prendre le nom de ministèredes Affaires municipales, de l’Aménagement et de l’Occu-pation du territoire.

...SUITE DE LA PAGE PRÉCÉDENTE

ALLIANCE ARIANEPrincipes de base proposéspour la politique4

4 Tiré de la Déclaration de l’Alliance Ariane.

Le Plan métropolitain d’aménagement et de développe-ment (PMAD) adopté en 2011 par la Communauté métro-politaine de Montréal prévoit la mise sur pied, tous lesdeux ans, d’une Agora métropolitaine. Il s’agit d’un desprincipaux mécanismes de suivi du PMAD. L’Agora a pourbut de permettre aux parties prenantes de s’informer,d’échanger, de débattre et de proposer des idées quantà la mise en œuvre du PMAD. La première Agora a eu lieuà l’hiver 2013.

La deuxième édition de l’Agora s’est déroulée le5 octobre 20151 en présence de près de 600 partici-pants. Quatre objectifs étaient poursuivis, soit : dévelop-per la fierté d’appartenance au Grand Montréal, mettreen valeur des exemples de réussite, lever les obstaclesà la mise en œuvre du PMAD et mettre de l’avant despropositions novatrices.

Le programme de l’Agora 20152 incluait des séancesde discussion et d’échanges consacrées aux thèmes del’aménagement, de l’environnement et du transport.Les principaux éléments du bilan de la mise en œuvredu PMAD ont été présentés. Le Rapport de monitoringdu PMAD, édition 2015 3 a aussi été rendu public. Depuisson entrée en vigueur, plusieurs actions ont été mises del’avant, soit la réalisation de travaux liés au programmepour la réalisation de projets novateurs d’aménagementaxés sur le transport en commun, aussi appelés TOD(Transit-Oriented Development), l’appui à la réalisation deplans de développement de la zone agricole (PDZA), ledébut des travaux pour le premier axe du Réseau vélométropolitain ainsi que le développement de différentsprojets de protection et de mise en valeur de la Trameverte et bleue du Grand Montréal. Plus d’une vingtained’actions et d’initiatives en lien avec la mise en œuvre duPMAD ont donc été entreprises.

Enfin, plus de 60 projets4 jugés inspirants pour l’aména-gement et le développement de la région métropolitaineont fait l’objet d’une exposition. Les résultats d’unconcours de photos intitulé Le grand Montréal en images 5

ont aussi été dévoilés.

Pour plus d'information sur l'Agora métropolitaine 2015,consultez la page d'accueil du site Web de la Communautémétropolitaine de Montréal, à l'adresse suivante :cmm.qc.ca/evenements/agora-2015/

» SERGE VAUGEOIS, urbaniste

L’Agoramétropolitainede 2015

6 URBANITÉ | HIVER 2016

1 cmm.qc.ca/evenements/agora-2015/2 cmm.qc.ca/fileadmin/user_upload/agora/20150930_Agora_CahierDuParticipant.pdf3 cmm.qc.ca/fileadmin/user_upload/documents/20150618_rapport-du-monitoring-

pmad-2015.pdf4 cmm.qc.ca/evenements/agora-2015/projets-inspirants/liste-de-projets-inspirants/5 cmm.qc.ca/evenements/agora-2015/concours-de-photos-le-grand-montreal-en-

images/photos-soumises/

Page 7: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

actualités

URBANITÉ | HIVER 2016 7

La Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) poursuitses efforts pour soutenir la planification et la réalisation deprojets de Transit-oriented Development (TOD).

À l’automne 2015, la Communauté a ainsi lancé deuxnouveaux outils sur son site Internet, soit une carte interactivedes aires TOD du Grand Montréal et une section dédiéeau suivi de 17 projets faisant l’objet d’une aide financière dela CMM.

La carte interactive des aires TOD du Grand Montréal permet,en un coup d’œil, de parcourir le territoire de la région métro-politaine et de localiser l’ensemble des aires TOD qui s’ytrouvent. Pour chacune des 155 aires TOD, il est dorénavantpossible d’accéder à une fiche d’information qui dresse unportrait sommaire du milieu environnant, de l’utilisation dusol, des caractéristiques sociodémographiques, du foncier,des déplacements et de l’accessibilité.

Quant aux 17 projets novateurs de type TOD, une nouvellesection du site Internet de la CMM leur est désormais dédiée.Cette nouvelle section permet d’en apprendre davantage surces projets et de suivre leur état d’avancement.

Rappelons qu’un TOD est un développement immobilier demoyenne à haute densité, structuré autour d’une station detransport en commun à haute capacité, conjuguant lesdéplacements actifs, la mixité sociale et le design urbain.Un des grands paris d’aménagement du Plan métropolitaind’aménagement et de développement (PMAD) de la CMM,entré en vigueur en 2012, est la réalisation de projets TOD.Le PMAD identifie 155 aires TOD sur le territoire de la CMM.

La Communauté appuie financièrement une planificationdétaillée ou des études portant sur les aires TOD du Grand

Montréal. Entre 2012 et 2015, 17 projets ont été approuvéspour l’octroi d’une aide financière. Six de ces projetss’inscrivent dans le cadre d’un financement conjoint avec legouvernement du Québec, soit les gares Deux-Montagnes,Repentigny, Candiac, Mont-Saint-Hilaire, Saint-Hubert et lastation de métro Namur.

Onze autres projets sont financés par la Communauté soit :les gares de McMasterville, de Saint-Bruno, de Sainte-Thérèseet de Mascouche, les stations de métro Assomption, Langelier-Anjou, Cartier et De la Concorde, la station projetée de SLRPanama ainsi que les terminus Châteauguay et Sainte-Julie.

Pour consulter la carte interactive et les 17 projets TOD,visitez la section Aménagement, Dossiers, Quartiers TOD dusite cmm.qc.ca.

» MANUEL POULIN, urbaniste

» BENJAMIN GILLIS, urbaniste

COMMUNAUTÉ MÉTROPOLITAINE DE MONTRÉAL

Soutenir les projets TOD

Page 8: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

actualités

Dans le cadre de Tous piétons! À la recherche des pas perdus,campagne nationale de promotion de la marche et de laculture piétonne au Québec, Vivre en Ville a organisé, le29 octobre 2015, le forum Priorité piétons.

Appel à une véritable culture piétonne au QuébecLa culture de la marche et du piéton est loin d’être solidementimplantée au Québec. Pour combler ce déficit piéton, il a parudéterminant pour Vivre en Ville et ses partenaires, dont Piétons

Québec, d’ouvrir le débat sur le sujet. « Qu’il s’agisse pour lescitoyens de faire le choix de marcher sur de courtes distances,pour les automobilistes de respecter les passages piétonniers oupour les municipalités de se doter de trottoirs adéquats, tropsouvent la marche et le piéton sont très loin dans la liste despriorités », déplore Christian Savard, directeur général de Vivreen Ville. Pourtant, être marcheur est profondément ancré dansnotre ADN, et le piéton est l’âme de nos villes. « Nous sommes àun momentum avec des initiatives sur la marche qui émergentde différentes sources. La culture piétonne au Québec, c’est ànous de la construire, créons le mouvement! », insiste-t-il.

Le Forum a réuni une centaine de participants venus principa-lement de la région de Montréal, mais aussi d’ailleurs au Québecpour s’exprimer sur la réalité des piétons et pour s’inspirer desexemples présentés par des experts et des passionnés de lamarche, étrangers comme Québécois, réunis sur le sujet.

Avoir le réflexe piétonSelon Jean-François Bruneau, professeur associé au Départe-ment de géomatique appliquée à l’Université de Sherbrooke, quifaisait partie des panélistes du forum, les principaux obstaclesaux déplacements piétons, dans les collectivités québécoises,sont « les mythes urbains qu’on répète sur ce qu’il est possibleou non de faire au Québec. La nordicité du Québec, enparticulier, ne devrait pas être une excuse pour ne rien faire.Au contraire, elle amène à trouver des solutions nouvelles ».Participants aussi bien qu’intervenants sur le forum souhaitentque les collectivités et les divers intervenants sur les rues etroutes aient désormais le réflexe piéton pour qu’il n’y ait plusd’aménagement ou de réaménagement qui soit fait sans prendreen compte, de la conception à la gestion, les besoins de cetutilisateur souvent négligé de la rue.

L’architecte Steve Mouzon, fondateur de Studio Sky et deMouzon Design et membre de la Direction de la New Urban Guilda démontré à quel point le « walk appeal » des rues, qu’onpourrait traduire par « l’attractivité des rues pour les piétons » ala capacité d’attirer ou, faute d’être là, de repousser les piétons.Il a invité les participants du forum à ne pas se satisfaire de ruespeu propices aux piétons : « On n’accepte pas un repas à peinemangeable, pourquoi accepterions-nous des rues à peine"marchables"? ». Cette mobilisation en faveur d’environnementspermettant les déplacements à pied ont trouvé écho en fin dejournée dans l’appel de Sylvie Bernier, ambassadrice des Saineshabitudes de vie pour Québec en forme, à poursuivre latransformation de la norme sociale qui est en cours avecl’émergence de la culture piétonne au Québec.

Pour consulter la programmation complète du forum :vivreenville.org/prioritepietons

Pour plus d’informations sur la campagneTous piétons! À la recherche des pas perdus

et sa programmation : www.touspietons.quebec

» AMÉLIE CASTAING RIGAUD, urbaniste-stagiaire

VIVR

EEN

VILL

E

Forum Priorité piétonsPREMIER RENDEZ-VOUS DE LA CULTURE PIÉTONNE AU QUÉBEC

8 URBANITÉ | HIVER 2016

Sylvie Bernier, ambassadrice des Saineshabitudes de vie pour Québec en Forme

prononce le mot de clôture du ForumPriorité piétons.

Page 9: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

MONTRÉAL

TERREBONNE

SAGUENAY

514 507 3600GROUPEBC2.COM

DESIGN URBAINSTRATÉGIESARCHITECTURE DE PAYSAGEURBANISMEPATRIMOINEENVIRONNEMENTRÉCRÉOTOURISME

actualités

URBANITÉ | HIVER 2016 9

Rendu public le 9 octobre dernier par le Gouvernement duQuébec, le Plan d’action en électrification des transports2015-20201 vise à stimuler le développement économique enmisant sur une filière d’avenir et à réduire la part du secteurdes transports dans les émissions de gaz à effet de serre. Leplan d’action est doté d’un budget de plus de 420 millions dedollars et est le fruit de la collaboration de plusieurs ministèreset organismes gouvernementaux. Au total, 35 mesures sontinscrites à ce plan d’action.

Ce Plan s’articule autour de trois grandes orientations :

Favoriser les transports électriques. Les mesures propo-sées visent les citoyens, les municipalités, les entrepriseset le domaine du transport collectif et individuel despersonnes et celui du transport des marchandises, parexemple : l’achat d’autobus scolaires électriques, les parcsde véhicules de taxis, les autobus urbains, un rabais àl’achat d’un véhicule électrique, l’implantation de bornesde recharges le long des axes rapides, des immeubles àlogements multiples et des immeubles de bureaux,l’installation de bornes de recharge pour le stationnementsur rue, etc.

Développer la filière industrielle. Les mesures propo-sées visent à intensifier la recherche et le développement,à soutenir la commercialisation et l’exportation desproduits novateurs, à stimuler les investissements privéset à former une main-d’œuvre qualifiée.

Créer un environnement favorable. Afin d’encouragerun environnement propice au transport électrique, on pro-pose la mise en place d’un cadre législatif et réglemen-taire favorisant l’électrification des transports. Il s’agit parexemple de mesures telles que l’accès des véhiculesélectriques aux voies réservées où le covoiturage estpermis ou de la révision du Code de construction pourprévoir l’installation de bornes de recharge dans les cons-tructions résidentielles neuves. À noter que le ministèredes Affaires municipales et de l’Occupation du territoire(MAMOT) entend mettre en place des mesures visant àsoutenir la planification urbaine favorisant l’écomobilité etl’adoption de nouvelles orientations gouvernementales enaménagement du territoire qui favoriseront la mobilitédurable et l’intégration de l’électrification des transportsdans la planification territoriale.

» MARIE-JOSÉE LESSARD, urbaniste

Propulser le Québec par l’électricité

1 www.transportselectriques.gouv.qc.ca/fr/plan-daction/

Un congrès important sur l’électrification des transports, SYMPOSIUM EVS 29, aura lieu à Montréal du 19 au 22 juin 2016.Pour en savoir plus : TransportsElectriques.gouv.qc.ca.

Page 10: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

actualités

À la mi-octobre s’est déroulé un événement de consultationcitoyenne nouveau genre, l’Incubateur urbain, portant surle réaménagement d’un tronçon de la rue Atwater dansl’arrondissement du Sud-Ouest à Montréal. À l’initiative deMTL Ville en mouvement, le projet de deux jeunes urbanistes,trois journées de design participatif ont rassemblé cinqéquipes de professionnels (Synopsis, 6nergie, Péril J’ose,Les Gonflés et Réinventer le Sud-Ouest). Elles avaient pourmandat de repenser la rue Atwater entre le métro Lionel-Groulx et le marché Atwater. À mi-chemin entre la charretteet la consultation publique, l’Incubateur urbain proposait uneapproche de « codesign participatif » mettant à l’honneurles technologies, le multimédia et les réseaux sociaux.Les trois journées de la compétition ont d’ailleurs été filmées.Les vidéos des ateliers et des capsules d’experts en urba-nisme, en architecture, en développement local, en architecturede paysage et en consultation publique étaient diffusées afind’inspirer les équipes et les citoyens venus partager leurs idées.

« Les participants seront plongés dans un environnementmultimédia in situ qui stimulera et enrichira le dialogue. À lamanière d’une charrette ouverte, ils seront constammentinspirés par l’environnement multimédia qui diffusera en tempsréel des informations vitales à la compréhension de l’identité duquartier », expliquait Bruno Jobin, directeur général de MTLVille en mouvement, en amont de l’Incubateur urbain.

L’événement était ouvert au public et les cinq équipes tra-vaillaient à leur concept tout en recueillant les commentaireset propositions des citoyens présents. Les équipes étaientinvitées à présenter régulièrement l’évolution de leur travail,pour un « pitch » final devant jury — un comité d’experts pos-sédant une bonne connaissance du secteur – et en présencedu maire de l’arrondissement du Sud-Ouest, Benoît Dorais.

À l’issue de la compétition, l’équipe gagnante Réinventer leSud-Ouest s’est démarquée par sa compréhension des enjeuxdu secteur, soit le transport et le côté attractif du secteur.Le groupe propose notamment l’aménagement d’une prome-nade urbaine reliant le métro Lionel-Groulx au marché Atwateret d’une grande place publique modulable. Une patinoire sur lecanal Lachine compte aussi parmi les idées mises de l’avant.Une mention a été octroyée à l’équipe Les Gonflés pour leurancrage au territoire, leur approche historique du lieu etleur compréhension des deux pôles du site (le marché et lemétro). La flexibilité de l’aménagement et le confort piéton setrouvaient au cœur du concept.

L’événement s’est déroulé les 16, 17 et 18 octobre derniers, àla caserne de Saint-Henri. Les propositions d’aménagementissues de l’exercice de cocréation seront présentées dans lecadre de la programmation du Printemps numérique à la Sociétédes arts technologiques au printemps 2016 à Montréal.

» ANDRÉ-ANNE CADIEUX

INCUBATEUR URBAIN

Consultation citoyenne à l’ère du numérique

10 URBANITÉ | HIVER 2016

JIM

MY

PAQU

ET-C

ORM

IER

Page 11: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

actualités

URBANITÉ | HIVER 2016 11

La construction en bois revient à la mode, notamment pourles immeubles. Un nouveau record est sur le point d’être battuau Québec dans le domaine avec le projet Arbora à Montréal,le plus important projet d'habitation doté d'une structureen bois d'ingénierie au Québec, avec sa structure en panneauxde bois massif lamellés-collés (CLT), reconnus pour leurperformance et leur robustesse.

Ce projet peut voir le jour grâce à la révision en 2015 de laréglementation de la Régie du bâtiment pour permettre laconstruction d'immeubles en bois de 12 étages et moins. Autresigne de la tendance, afin de favoriser une plus grandeutilisation du bois dans la construction, une Charte du bois aété adoptée en avril 2013.

Complexe mixte et certification LEEDSi Arbora reste en dessous des 13 étages de la tour Originedans l'écoquartier de la Pointe-aux-Lièvres, à Québec, il n’endeviendra pas moins le plus haut immeuble résidentiel deMontréal construit en bois d'ingénierie.

Les promoteurs LSR GesDev et Sotramont se sont associés avecl'homme d'affaires Aldo Bensadoun pour réaliser ce projet dansle quartier Griffintown, en plein renouveau. Cet ensembled’immeubles et de maisonnettes urbaines prévu dans lequadrilatère formé des rues William, Eleanor, de la Montagneet Ottawa se veut un « projet signature » selon l’expressiond’Annie Lemieux, présidente de LSR GesDev.

Ensemble mixte d'une valeur de 130 millions de dollars, Arboraproposera 434 logements dans trois immeubles de huit étages :130 logements locatifs, 274 en copropriétés et 30 maisonnettes.La mixité du projet est également fonctionnelle, puisque cecomplexe résidentiel et commercial accueillera 35 000 piedscarrés de locaux commerciaux en rez-de-chaussée, avec

notamment la boulangerie L'Amour du pain et la fruiterieCitron. D’une superficie de 597 560 pieds carrés, ce serait,selon les promoteurs, le plus important projet d'habitation enbois massif CLT au Québec, et probablement dans le monde.

Arbora compte aussi se prévaloir de la certification LEED platine,ce qui serait une première dans le quartier de Griffintown.

» AMÉLIE CASTAING RIGAUD, urbaniste-stagiaire

PROJET ARBORA

Plus haut immeuble en bois de Montréal

LEM

AY+

CHA

HUM

ÀDE

SIGN

Page 12: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

lecture

12 URBANITÉ | HIVER 2016

La Ville de Québec procède à la révision de son Schémad’aménagement et de développement. Dans ce contexte, ellea déposé en octobre dernier sa « Vision stratégique d’aména-gement et de développement pour l’agglomération deQuébec 2040 »1. Ce document présente les priorités en matièred’aménagement et de développement du territoire pour l’agglo-mération sur un horizon de 25 ans. En soumettant cette visionà la population, en amont de processus, la Ville souhaite obtenirdes commentaires et des suggestions des citoyens afin d’enrichirle projet de Schéma d’aménagement et de développementrévisé qui sera transmis au gouvernement pour approbation.

Comme l’a déclaré le maire de Québec et président de l’agglo-mération de Québec, M. Régis Labeaume : « D’ici 2040, nousdevrons faire face à plusieurs enjeux qui influenceront le déve-loppement de l’agglomération. Déjà se pointe la perspectived’accueillir 60 000 nouveaux ménages. Cela représente un défiimportant qui influencera le développement urbain et lestransports, mais aussi l’offre de services aux citoyens comme,par exemple, les besoins en équipement de loisirs ».

Pour recueillir les commentairessur ces grandes orientations,l’agglomération de Québec atenu, jusqu’au 22 novembredernier, une consultation publique en ligne sur le site Web dela Ville de Québec. Cette dernière souhaite, par cet exercicede planification, permettre aux citoyens d’influencer ledéveloppement de l’agglomération et de faire de Québec unecapitale « Plus attractive, plus dynamique, plus performante,plus durable, plus résiliente et plus efficiente ».

Après cette première étape de consultation en ligne, ladémarche de révision du Schéma d’aménagement et dedéveloppement de l’agglomération de Québec inclut des séancesde consultation traditionnelles auprès des citoyens, et ce, avantl’adoption finale du document.

Ville de Québec. Vision stratégique d'aménagement et dedéveloppement de l'agglomération de Québec 2040;Document de consultation en ligne. Site de la Ville deQuébec, [En ligne]. www.ville.quebec.qc.ca/actualites/docs/510-COM-a.pdf (Page consultée le 25 novembre 2015)

» PAUL ARSENAULT, urbaniste

1 www.ville.quebec.qc.ca/apropos/vie_democratique/administration/planification/sad/docs/vision_SAD-2040.pdf

2040

2040

VISION

Vision stratégiqued’aménagement

et de développementde l’agglomération

de Québec - 2040

DOCUMENT POUR LA CONSULTATION EN LIGNE

444004442202040

IS

00440404004400044444444444420020

420

40004000

N

Le beau livre intitulé Carnets du métro de Montréal, qui associeles textes de François Barcelo et les illustrations de RaynaldMurphy, est le dernier paru de l’excellente série de carnetsédités par Les heures bleues. Quelle merveilleuse idée d’associerdes textes inspirants et des œuvres d’artistes pour illustrerl’exploration de divers milieux du Québec et d’ailleurs!

Chaque ouvrage de la collection, qui compte déjà plus d’unevingtaine de parutions, mérite l’attention. S’il a paru particuliè-rement utile de remarquer la toute dernière, lancée enoctobre 2015, c’est qu’elle ajoute un intérêt urbanistique desplus significatifs en mettant en lumière l’immense apport dumétro de Montréal au développement et à la qualité des espacesurbains de la métropole.

Comme le souligne l’éditeur en couverture, « ce livre offre denotre métro et des gens qui l’utilisent deux visions personnelles :celle d’un écrivain qui en parle avec humour et affection, et celled’un artiste qui aime en montrer l’intérêt et la beauté ». L’ordrede présentation des stations n’est pas systématique, maiss’enchaîne selon diverses thématiques, allant de la toponymieaux œuvres d’art intérieures, en passant par les destinations, lesmilieux environnants, l’ambiance des wagons et des stations, sibien que la lecture n’est jamais routinière ou banale; elle peuts’amorcer et se reprendre dans tous les sens. De courts textes

finement ciselés émail-lent le tout, accompa-gnés d’aquarelles et dedessins magnifique-ment évocateurs.

L’ouvrage a le grandmérite de rappeler quele métro de Montréal,dont on fêtera le cin-quantenaire en 2016,demeure le moyen de transport collectif de loin le plus efficacesous notre climat, et le meilleur outil de densification, deconnectivité et d’animation du centre et des quartiers. Qu’on aitsi longtemps mis de côté ses prolongements est proprementincompréhensible; notre société actuelle serait, paraît-il, troppauvre pour se payer ce « luxe » que les Montréalais de 1960ont eu la vision de s’offrir pour notre plus grand profit.

En refermant cet ouvrage, on ne peut s’empêcher de penser ànotre regretté collègue Michel, frère de l’écrivain FrançoisBarcelo, et à son incomparable recueil d’aquarelles sur les ruesde Montréal paru en 2013. Chapeau à ces deux frères qui nousont offert en partage une si inépuisable culture urbaine!

François Barcelo et Raynald Murphy (2015). Carnets dumétro de Montréal. Les heures bleues, collection Les carnets,128 pages.

» JACQUES TRUDEL, urbaniste

Le métro à l’honneur!

VILLE DE QUÉBEC

La Vision 2040 soumiseaux citoyens

Page 13: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

lecture

URBANITÉ | HIVER 2016 13

Au printemps dernier, le Centre d’écologie urbaine de Montréal(CEUM) publiait le guide L’Urbanisme participatif : aménager laville avec et pour ses citoyens, un outil destiné à inspirer tous lesacteurs impliqués dans l’aménagement des villes et des quar-tiers. Le document présente la démarche d’urbanisme participatifdu CEUM, fruit de plusieurs années de travail, notamment dansle cadre de l’accompagnement des communautés à la réalisationdes quartiers verts.

Plusieurs types de projets peuvent bénéficier d’une approcheparticipative, par exemple l’élaboration d’un plan de mobilitédurable d’un quartier, la requalification d’un ancien secteurindustriel, l’aménagement d’une place publique ou encore leverdissement d’espaces collectifs. La participation citoyennedans de tels projets a pour avantage d’amener un nouvel éclai-rage sur les enjeux, les problématiques et les besoins, en plusd’enrichir les propositions d’aménagement en mettant enrelation le savoir citoyen et les connaissances des experts.

Les six étapes à suivre pour mener un projet participatif ysont décrites, de la phase de démarrage, en passant par lediagnostic et l’exploration des solutions, jusqu’à l’élaborationd’un plan d’action :1. Démarrer le projet : établir un partenariat avec les acteurs

locaux et définir un plan d’action;2. Comprendre les enjeux : réaliser un portrait-diagnostic de

l’utilisation de l’espace;3. Explorer les solutions : identifier les diverses possibilités

d’aménagement, selon les besoins identifiés;4. Décider des scénarios : valider auprès des différents

intervenants et bonifier les solutions proposées;5. Agir ensemble : implanter des aménagements, prendre des

engagements;6. Inaugurer les aménagements : souligner le travail accompli

par des événements mobilisateurs.

Quelques facteurs clés pour une participation réussie : onmentionne notamment un niveau de participation adéquat, c’est-à-dire le fait d’impliquer les bonnes personnes au bon momentet l’importance d’une communication efficace et structurée pourbien mobiliser.

Le livret comprend également plusieurs exemples de cas inspi-rants, à l’international et au Québec, où l’urbanisme participatif adéjà fait ses preuves.

Centre d'écologie urbaine de Montréal (2015). L'urbanismeparticipatif. Aménager la ville avec et pour ses citoyens,Montréal, 56 pages. (Disponible en version numérique sur lesite du Centre d'écologie urbaine de Montréal).

» ANDRÉ-ANNE CADIEUX

RÉAMÉNAGEMENT DE LA CITÉ ADMINISTRATIVE, MONTRÉAL

CTIVITÉCRÉAATIVITÉ OLLECTIVEC

AA

CONCEPTION 3D / DESIGN GRAPHIQUE

TSTION DES TRANSPORPLANIFICAATION DES TRANSPOR

TÉGIQUETION STRAATÉGIQUEPLANIFICAATION STRA

DÉVELOPPEMENT DURABLE

YSAGEAAYSAGEARCHITECTURE DE P

ARCHITECTURE

DESIGN URBAIN

URBANISME

.lemaywww AAD .lemaywww.com C

CONCEPTION 3D / DESIGN GRAPHIQUE

TS

.lemaywww ENILNO .comAHC .com

S’outiller pour assurerla participation citoyenne

Page 14: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

pratique régionale

14 URBANITÉ | HIVER 2016

Les pratiques d’Hydro-Québec en aména-gement possèdent des traits communsavec celles des ministères, municipalitéset organismes supramunicipaux. Qu’ellessoient liées à un mandat sectoriel(transport, électricité, etc.) ou global (pland’urbanisme municipal, plan ou schémad’aménagement), ces pratiques sefondent sur une nécessaire concertationdes points de vue et des expertises.Les considérations techniques doiventprendre en compte l’espace géographi-que, le cadre de vie et l’environnement.

Dans ce contexte, les préoccupationspropres à Hydro-Québec se rattachent àl’intégration et à la pérennité des équi-pements et des installations, tout enconsidérant le caractère spécifique des

territoires qu’elle a l’obligation dedesservir en électricité. Ainsi, plusieurstypes d’enjeux découlent de l'expansiondu réseau et de son exploitation. De cesenjeux, notons : la qualité du cadre devie, les retombées économiques, la com-patibilité des usages, les conséquencesenvironnementales, les effets sur les res-sources collectives (naturelles, patrimo-niales, archéologiques, paysagères), etc.

Le traitement de ces enjeux a conduitHydro-Québec à développer des exper-tises reconnues en aménagement, enétudes et suivis d’impacts sur l’environ-nement ainsi qu’en matière de relationsavec les collectivités. Ces expertisess’appliquent à une grande variété d’ins-tallations et d’équipements situés tantdans des milieux densément peuplés quedans des régions rurales.

Une intervention très diversifiéeTout comme dans les milieux municipaux,l’aménagement du territoire à Hydro-Québec se pratique dans les limites

d’un cadre réglementaire, financier ettechnique. En effet, la planification etl’intégration des équipements d’Hydro-Québec dans les milieux d’accueildoivent tenir compte de plusieurs fac-teurs, plus ou moins conflictuels, enregard des visions des instances muni-cipales, régionales et nationales oucitoyennes. Le travail des professionnelsd’Hydro-Québec consiste, entre autres, àtrouver l’équilibre entre les préoccu-pations suscitées par les activités del’entreprise, l’acceptabilité sociale etl’adoption de solutions techniquementréalisables à coût raisonnable.

En tant qu’entreprise exploitant unréseau aussi étendu et diversifié, l’undes principaux défis d’Hydro-Québec enaménagement du territoire est de devoirintervenir à de nombreuses échellesgéographiques et administratives, et ce,dans certains cas, dans le cadre d’unmême projet. Ces échelles multiplesreprésentent certes un défi, mais aussiune rare occasion de travailler à tous lesniveaux de la planification du territoire.

Des démarches multidisciplinairesLa présence de professionnels issusde plusieurs disciplines au sein del’entreprise contribue à établir une bellesynergie en matière d’aménagement duterritoire. De nombreuses réalisationsainsi que des développements scienti-fiques et méthodologiques en résultent,dont ceux-ci :

• une démarche d’évaluation environ-nementale des projets de lignes et depostes qui tient compte de la diversitédes milieux traversés et des préoccu-pations des publics (paysages, designdes équipements, milieux protégés,champs électromagnétiques, etc.);

»ANDRÉ BOISVERT, urbaniste émérite

»RAYMONDE LAVOIE, urbaniste

»ROBERT LUSSIER, urbaniste

»SIMON MARTEL»MARIE NOBERT»LISE SAINT-JACQUES

L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE À HYDRO-QUÉBEC

Concerter les énergies

1 Pour un résumé du rôle et de la mission d’Hydro-Québec, on peut se référer à la page suivante du site Web de l’entreprise : www.hydroquebec.com/a-propos-hydro-quebec. On trouvera aussi des informationssimilaires concernant la Régie de l’énergie sur le site de l’organisme, à l’adresse : www.regie-energie.qc.ca.

Dans l’accomplissement de sa mission1, Hydro-Québec déploie ses installations sur le territoire québécois dans des milieux trèsdiversifiés. Outre les aspects proprement techniques de ces installations, leur insertion et leur exploitation reposent sur un ensemblede considérations découlant du cadre législatif de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et de l'environnement mis en placedurant la deuxième moitié du XXe siècle. Ce cadre revêt une importance accrue dans le présent contexte de lutte aux changementsclimatiques et d’utilisation efficace des ressources.

HYDR

O-QU

ÉBEC

Centrale de La Gabelle en Mauricie

Page 15: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

pratique régionale

URBANITÉ | HIVER 2016 15

• des méthodes permettant d’assurerl’implantation et l’entretien continud’un réseau de distribution très vasteautant en milieux urbains densesqu’en milieux ruraux et forestiers;

• le développement et la mise en valeurd’un patrimoine matériel (bâtiment etéquipement) et immatériel étroitementlié à l’histoire industrielle du Québec;

• le développement de la connaissancedes milieux nordiques dans le cadredes grands projets hydroélectriques;

• un processus de participation dupublic permettant la cueillette etl’intégration des préoccupations desmilieux concernés par les projets.

La contribution d’Hydro-Québecà l’aménagement du territoireDepuis plus de 40 ans, Hydro-Québec aprocédé à une multitude d’études et derecherches en matière d’intégration deséquipements. Ainsi, nombre de métho-

dologies et d’outils de travail ont été misen place afin d’évaluer les impacts envi-ronnementaux de ses projets et de sesactivités, tout en y intégrant les préoccu-pations du public et des gestionnairesdu territoire.

Fournir de l’électricitéPour fournir de l’électricité aux clientsrésidentiels, commerciaux ou institution-nels, l’intégration de l’aménagement duterritoire se pose principalement entermes de qualité du cadre de vie etdu paysage de proximité. Cette préoccu-pation se manifeste notamment par lepartage des structures (poteaux et bornesde raccordement) avec les autres entre-prises de réseaux câblés (téléphonie,télécommunications, etc.) ainsi que pardes démarches méthodologiques spécia-lisées pour l’intégration des équipementsdu réseau de distribution dans différentsmilieux, dont une démarche d’interven-tions archéologiques préventives.

Y contribuent également la conception etle design d’équipements mieux adaptésaux milieux et aux cadres de vie :traverses et montages compacts ou plusesthétiques, boîtiers pour équipementsde télécommande, appareils sur socle duréseau souterrain, bornes de raccor-dement multipartenaires, etc. Une docu-mentation spécialisée sur l’intégrationdes réseaux de distribution aériens etsouterrains est d’ailleurs offerte auxgestionnaires des territoires. En outre, unprogramme d’aide financière auxmunicipalités facilite l’enfouissementdu réseau aérien et la mise en valeur desressources archéologiques.

Les équipements de transportLes lignes et les postes du réseau detransport sont présents autant dansles milieux nordiques que dans lesterritoires plus organisés du sud duQuébec. Les lignes de transport sontdes éléments structurants du territoire.

Poste de Trois-Rivières

HYDR

O-QU

ÉBEC

Page 16: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

pratique régionale

16 URBANITÉ | HIVER 2016

Ligne de distribution à Baie-des-Sables dans le Bas-Saint-Laurent

HYDR

O-QU

ÉBEC

Le bon arbre au bon endroitLa présence de végétation contribue à notre qualité de vie. Plus que jamais, le verdissement doit être encouragé.Chaque gain contribue à la lutte contre les changements climatiques et les îlots de chaleur. Cependant, avant de choisirun arbre, un arbuste ou même une plante grimpante pour projet, on doit tenir compte de l’espace que cette planteoccupera à maturité. En effet, toute plante vit et grandit, chacune selon les caractéristiques propres à son espèce. Afind’aider les aménagistes et la population à bien choisir les espèces à placer à proximité du réseau électrique, Hydro-Québec rend disponible en ligne un guide intitulé Le bon arbre au bon endroit, qu’on peut consulter à l’adressesuivante : www.hydroquebec.com/plantation/recherche-arbres-arbustes?contextPageGrandPublic

Les problématiques d’insertion concer-nent également le paysage et la qualitédu cadre de vie ainsi que les milieuxnaturels et culturels au sein desquels sesont établies les collectivités et qu’ellesveulent conserver.

Diverses solutions ont été explorées.Ainsi, on a élaboré une méthode d’éva-luation environnementale spécifiquepour les lignes et les postes, soutenuepar de nombreuses méthodes sectoriellesauxquelles sont associées une démarcheassurant une meilleure intégrationvisuelle des postes dans leurs milieux, de

même que la conception de supports plusesthétiques ou occupant une superficieau sol réduite. L’entreprise s’est aussidotée d’une base de donnéesgéographique des éléments environne-mentaux sensibles à l’implantationd’équipements électriques qui tientcompte des milieux naturels et humains.

Une entente conclue en 1986 et réviséeen 1997 et en 2014 avec l’Union des pro-ducteurs agricoles du Québec a pour objetde diminuer et de compenser les impactsdes infrastructures de transport en milieuagricole. Une revue analytique des cen-

taines d’études réalisées dans le domainedu transport sur plus de 40 ans a parailleurs conduit à la publication d’unesynthèse, accessible sur le site Internetde l’entreprise, dont plusieurs thèmestouchent l’aménagement du territoire2.

Les installations de productionQuant aux installations de productionhydroélectrique, elles s’inscrivent aussidans des milieux fort diversifiés –urbains, ruraux ou forestiers, tant dansle Québec méridional que nordique –,mais comme elles sont plus particuliè-rement reliées aux sources d’énergie,

2 Létourneau, Hélène et collaborateurs (2013). Synthèse des connaissances environnementales pour les lignes et les postes – 1973-2013. Montréal : Hydro-Québec. 776 p.www.hydroquebec.com/developpement-durable/centre-documentation/synthese.html#

Page 17: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

pratique régionale

URBANITÉ | HIVER 2016 17

l’aménagement du territoire concernealors davantage les usages de l’eau, dusol et des ressources.

Les activités relatives à l’aménagementdu territoire portent notamment sur lagestion de la polyvalence des équipe-ments, des installations et des propriétésde l’entreprise ainsi que des réservoirs,rendus accessibles à la collectivité aumoyen d’aménagements ou de program-mes d’interprétation. L’entreprise intègrela polyvalence dès la conception des nou-veaux ouvrages et favorise des mesuresde cette nature lors des projets ou destravaux de réfection. La cohabitation dedifférents usages de l’eau est renduepossible, notamment au moyen de direc-tives d’exploitation qui impliquent lagestion de débits réservés et de niveauxd’eau selon des engagements pris oudes ententes conclues avec diversesparties prenantes.

L’entreprise assure la conservation et lamise en valeur de son propre patrimoine

industriel par des inventaires et la miseen œuvre de bonnes pratiques (guideset outils). Elle se dote également d’outils(notamment des banques de données)qui lui servent à optimiser la perfor-mance environnementale de ses acti-vités et installations de production, enprenant en compte, entre autres, leseffets des modifications à sa gestion del’eau sur des éléments du milieu commeles infrastructures riveraines.

En somme, Hydro-Québec bénéficied’une expertise diversifiée associantplusieurs types de compétences enaménagement du territoire. Tout commeles services d’urbanisme, de travauxpublics ou d’aménagement et de déve-loppement du territoire des instancesmunicipales et gouvernementales, l’amé-nagement du territoire à Hydro-Québecs’exerce avec des contraintes et opportu-nités similaires. Une coordination et unarbitrage complexes entre les différentespositions des multiples parties prenantes

doivent être conciliés avec les contraintestechniques et technologiques propresà un réseau électrique s’étendant de lacentrale à la maison, sur de très longuesdistances. Le réseau électrique doitrépondre à la demande croissante de lapopulation du Québec. Les approches etméthodes d’intervention sur le territoiredoivent évoluer au même rythme queles communautés et les connaissancesscientifiques.

Les défis d’aménagement du territoire,de manière générale, comportent unemultitude de considérations et de sujets,dont la responsabilité est partagée entreles différents acteurs. Les professionnelsen aménagement d’Hydro-Québec sontconscients d’en faire partie.

André Boisvert, Ph. D., urbaniste émérite, Raymonde Lavoie,urbaniste, Robert Lussier, urbaniste, Simon Martel, géographe,Marie Nobert, géographe et Lise Saint-Jacques, anthropologuesont tous des employés ou ex-employés d’Hydro-Québec.

Les Membranes Hydrotech Corp.10951 Parkway, Ville d’Anjou, QC H1J 1S1

800-361-8924 | www.hydrotechmembrane.ca

Les

Le système Garden Roof® d’Hydrotech vouspermet de profiter pleinement des bienfaits

du jardinage.

Gary Comer Youth Center - Chicago, IL

Protégez votre membranede toiture et votre

investissement avec lesystème Garden Roof

d’Hydrotech. Avec unemembrane ayant un cycle

de vie éprouvé de 50années, votre potager

perché sera utile pour denombreuses années.

Le maraîchage urbain peut se pratiquer survotre toiture, pourvu que l’imperméabilisation

soit préservée en spécifiant une couvertureà membrane protégée. La Membrane

Monolithique 6125® d’Hydrotech estsituée loin des bris mécaniques occasionnés

par les outils et matériaux de jardinage. Parcequ’elle est posée directement sur le pontage

structural, sous la couche d’isolation, cecipermet d’éliminer tout risque potentiel.

Page 18: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

international

18 URBANITÉ | HIVER 2016

1 Article inspiré d’une communication diffusée à la radio de Radio-Canada le 14 juillet 2015 : ici.radio-canada.ca/emissions/c_est_pas_trop_tot/2014-2015/chronique.asp?idChronique=378150www.youtube.com/watch?v=AEPIBFdWLqo

SÉOUL

Restauration du canal Cheonggyecheonet renaissance du centre-ville

L’ancienne rivière Cheonggyecheoncoulait d'est en ouest sur une distancede 13,7 kilomètres, juste au nord del’actuel centre-ville de Séoul. Certainesde ses sections faisaient alors de 20 à85 mètres de largeur et étaient navi-gables. Au fil des ans, les populationsles plus démunies ont construit desbidonvilles le long de cette rivière.

» JACQUES BESNER, urbaniste émériteAprès la guerre de Corée (1950-1953),la situation se dégrade avec la migra-tion massive des populations ruralesvers Séoul. Le lit de la rivière est alorsenvahi de taudis et de déchets. Leségouts s’y déversent et la pollutiondevient si grave que le gouvernementdécide en 1958 de canaliser la rivièresur six kilomètres, puis de la surplomberpar une route. Avec l’industrialisation dela Corée du Sud dans les années 1960,

la région devient un exemple de moder-nité et Séoul connaît une forte augmen-tation du nombre de véhicules privés.

La route couvrant la rivière Cheong-gyecheon devient rapidement conges-tionnée. Le gouvernement de Séouldécide alors d’y ajouter une autoroutesurélevée à quatre voies par sens, quiouvrira en 1976. Vingt ans plus tard,cette autoroute était tout autant con-gestionnée. Les enquêtes de circulation

Le canal Cheonggyecheon constitue une promenade de près de six kilomètres au centre de Séoul, en Corée du Sud. Ouverte en 2005,après le réaménagement d’une ancienne rivière que l’on avait canalisée puis recouverte d’une autoroute, elle a complètementtransformé le centre-ville de cette métropole de 10 millions d’habitants et est maintenant saluée comme un grand succès derestauration urbaine dans le monde1.

DOM

AINE

PUBL

IC,T

IRÉE

DULI

VRE

CORÉ

EN:"

SEOU

LUN

DER

JAPA

NESE

RULE

(191

0-19

45)"

PUBL

IÉPA

RLE

SEOU

LM

ETRO

POLI

TAN

CITY

HIST

ORY

COM

MIT

TEE

Autoroute en construction (circa 1975)

Taudis le long de la rivière Cheonggyecheon (circa 1945)

« Après un long examendes coûts d’entretien etde l’impact économiquenégatif de l'autoroute,

le gouvernement décidede la démolir en

juillet 2002. »

Page 19: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

international

URBANITÉ | HIVER 2016 19

menées par le gouvernement métropo-litain de Séoul ont montré que chaquejour, il y avait environ 1,5 million devéhicules entrant ou sortant des24 rampes d’accès de l'autoroute. Versla fin des années 1990, la sécurité de lastructure de l'autoroute était aussimenacée par le trafic lourd et l'humiditéprovenant de la rivière canalisée. Lesexperts de la Société coréenne de géniecivil ont alors donné à l'autoroute unscore global de sécurité de « C », ce qui

signifie que l'autoroute pouvait à peinesupporter des débits de circulationsemblables à ceux mesurés à son ouver-ture en 1976. L'entretien de l’autorouteet la réduction de la circulation étaientnécessaires pour assurer une sécuritépermanente. Les coûts d’entretienannuels explosent, et la Ville décideen 1997 de réduire la circulation auxseules voitures des particuliers, aveccomme résultat une diminution sévèrede l'attrait du centre-ville et une perte

de 40 000 habitants et de 80 000emplois. Après un long examen descoûts d’entretien et de l’impact éco-nomique négatif de l'autoroute, legouvernement décide de la démolir enjuillet 2002.

Une solution s’imposaitLe gouvernement municipal décidealors de restaurer la rivière Cheonggye-cheon sous l'autoroute. Le maire deSéoul, Lee Myung-bak, fait adopter unepolitique urbaine ambitieuse, en utili-sant ce projet de restauration pour fairede Séoul une ville axée sur l'humain etl’environnement, permettant ainsi auxgens de redécouvrir son histoire et saculture, d’améliorer les déplacements etde revitaliser le centre-ville avec unparc de classe mondiale. Il réussira sonpari et deviendra plus tard président dela République de Corée de 2008 à 2013.

Le projet de restauration comportaitquatre volets, soit le retrait de l'auto-route et des rampes d’accès, la réou-verture de la rivière trois mètres en basde la surface, la construction des instal-lations de dépollution de l'eau avec desplantes indigènes et la constructiond'un parc linéaire de part et d’autre dela rivière avec des ponts, des cascades,des fontaines et du mobilier urbain. Enparallèle, la Ville adopte une politiquede restriction de la voiture au centre-ville et l’instauration d’artères réser-vées pour autobus à plusieurs endroitssur la future promenade. Les critiquesfusent, venant des automobilistes, descommerçants et des regroupementsd’entreprises du centre-ville. Ceux-cicraignaient une réduction des possibilitésd’accéder au centre-ville, accompagnéed’une réduction des valeurs foncières etde la capacité à attirer des entreprises.

OPEN

URBA

NISM

,27

AOÛT

2012

OPEN

URBA

NISM

,27

AOÛT

2012

DOM

AINE

PUBL

ICPA

RER

IKM

ÖLLE

R

SOCI

ALNE

WS

-WOR

LDSO

CIAL

NEW

SM

ARCH

21,2

015

Chantier de restauration de la rivièreCheonggyecheon (2005)

Autoroute Cheonggyecheon (circa 1990)

La promenade Cheonggyecheon (2015)

Page 20: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

international

20 URBANITÉ | HIVER 2016

Pour vendre son projet, le maire a con-sulté les citoyens et commerçants, missur pied des groupes de recherche etcommandé des études de simulation dutrafic et de ses impacts. Malgré l’oppo-sition de la communauté d'affaires, lessondages montraient que près de 80 %des habitants de Séoul soutenaientl'idée, et le projet a alors démarré grâceà l’appui de la population.

La promenade le long du cours d'eauouvre au public en septembre 2005,après des travaux d’une valeur de425 millions de dollars, réalisés en untemps record de seulement deux ans ettrois mois. Plusieurs représentations dela culture et de l’art coréens sont visi-bles tout le long de la promenade, dontdes fontaines et cascades, ainsi queneuf ponts qui sont des reconstitutions

de ceux qui traversaient la rivière avantles années 1970. Des spectacles sonet lumière y sont présentés sur unebase régulière.

Les impacts positifs du projetSéoul bénéficie maintenant d’unnouveau parc linéaire de 16 mètres delargeur sur 5,8 kilomètres, bordé devoies réservées pour autobus et taxis,qui offre une alternative bien supé-rieure à l’autoroute désormais démolie.La circulation a diminué de 40 % aucentre-ville et la qualité de l'air s’estaméliorée. L'accessibilité par transporten commun a augmenté et contraire-ment aux craintes exprimées par lesgrands propriétaires fonciers, le projet aété un catalyseur pour la valeur et lenombre de nouvelles constructionsrésidentielles et de bureaux au centre-

ville. La suppression de l'autoroute aaussi réduit de huit degrés Celsius latempérature dans le secteur, tout endiminuant la pollution de l’air et le bruit.

Le canal est aujourd’hui un lieu dedétente pour les habitants de Séoul etune destination touristique courue, avecen moyenne 53 000 visiteurs par jour ensemaine et 125 000 par jour les fins desemaine. Plus de neuf habitants de Séoulsur dix considèrent le projet comme unsuccès de classe mondiale.

Jacques Besner, urbaniste émérite, est détenteur d’unbaccalauréat en architecture et d’une maîtrise en urbanisme del’Université de Montréal. À la suite de divers emplois auGouvernement du Québec et dans le secteur privé, il estembauché comme urbaniste par la Ville de Montréal en 1983.Il a coordonné divers dossiers urbains d’envergure, dont celuidu Montréal souterrain. Il a pris sa retraite de la Ville en 2010et agit depuis comme consultant et bénévole au sein dediverses organisations.

« Séoul bénéficie maintenant d’un nouveau parc linéairede 16 mètres de largeur sur 5,8 kilomètres, bordé de voies réservées

pour autobus et taxis, qui offre une alternative bien supérieureà l’autoroute désormais démolie. La circulation a diminué

de 40 % au centre-ville et la qualité de l'air s’est améliorée. »

La bonne combinaison.

La Personnelle désigne La Personnelle, assurances générales inc.Certaines conditions, exclusions et limitations peuvent s’appliquer.

L’Ordre des Urbanistes du Québeca choisi La Personnelle comme assureurde groupe auto, habitation et entreprise

1 888 476-8737lapersonnelle.com/ouq

Demandez une soumission et comparez

Page 21: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

Les différentes activités qui constituent le système alimen-taire, de la production à la gestion des déchets en passantpar la transformation et la distribution, ont un impact majeursur le territoire et occupent une place prépondérante dansl’économie locale.

Depuis le début des années 1990, on constate l’émergenced’une gouvernance alimentaire à l’échelle régionale oumunicipale, issue de la prise de conscience de l’impact dusystème alimentaire sur la ville. Ce changement d’échelle, quis’accompagne d’un mouvement pour un système alimentairedurable et qui priorise la santé, s’inscrit dans une vision deterritoire et soutient la concertation entre les acteurs concernés.En parallèle, de nombreuses initiatives émanant de la com-munauté ou d’entreprises participent à complexifier le systèmealimentaire traditionnel en proposant des circuits plus courts eten introduisant la production hors des territoires désignés.

Cet accent nouvellement mis sur l’alimentation pourrait être unressort pour la planification des municipalités québécoises. C’estpeut-être pourquoi la question du système alimentaire semblepeu à peu s’ajouter aux intérêts habituels des urbanistes.

Les interventions menées par les urbanistes les plus directe-ment liées au système alimentaire portent sur l’agriculture :la gestion du territoire agricole et, plus récemment, l’enca-

drement de l’agriculture urbaine. D’autres enjeux commel’obésité, l’étalement urbain, l’impact environnemental dutransport de marchandises ou les déserts alimentaires ontamené les urbanistes à s’intéresser, ponctuellement, à cedomaine d’intervention.

Ce dossier d’Urbanité vise, dans un premier temps, à exposerce que représente la planification du système alimentaire àl’échelle d’une ville ou d’une région et le rôle que l’urbanistepeut y jouer. Par la suite, plusieurs enjeux spécifiques —commerces de proximité, déserts alimentaires, dévelop-pement de la filière agroalimentaire — sont abordés. Nousverrons ensuite comment une association professionnelled’urbanistes, l’American Planning Association, a pris encharge ce champ d’intervention. Le dossier se conclut parune réflexion sur l’apport de l’enjeu de l’alimentation àune planification durable des territoires.

Après les TOD, irons-nous vers les FOD (Food OrientedDevelopment)?

Bonne lecture!

» ANDRÉ-ANNE CADIEUX» CHARLOTTE HORNY, urbaniste

» MATHIEU LANGLOIS, urbaniste

URBANITÉ | HIVER 2016 21

dossier

Le système alimentaire comme outilde planification

TINA

GIRA

RD

Page 22: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

L’accessibilité des ressources naturel-les (terres fertiles, cours d’eau, forêts)explique en bonne partie l’emplace-ment qu’occupent aujourd’hui laplupart des villes et villages québécois.Compte tenu des moyens de transportà leur disposition, dont la rapidité et lacapacité étaient moindres qu’aujour-d’hui, les établissements urbains etvillageois d’antan ont naturellementopté pour la compacité pour assurer laproximité entre les lieux de production,notamment agricole, d’échanges et deconsommation. Dans les grandes villescomme Montréal et Québec, cetteconcentration de population a tôt faitde générer d’importants enjeux desanté publique. L’urbanisme est alorsapparu comme un moyen efficaced’enrayer ces problèmes à la source.

Ainsi, au milieu du XIXe siècle, le mou-vement hygiéniste a conduit à l’aéra-tion des villes surpeuplées, notammentpar l’élimination des ouvrages defortification enserrant les villes etl’aménagement de vastes parcs publics.Cela prendra cependant plus d’unsiècle et demi pour que la grandemajorité des villes et villages québé-cois puissent se doter d’infrastructuressanitaires (égouts et usines de traite-ment des eaux) dignes de ce nom,permettant de parachever « l’assainis-sement » des milieux de vie.

Après la Seconde Guerre mondiale,la démocratisation de l’automobile, ledéploiement du réseau routier supérieuret la mise en place de programmesd’accès à la propriété ont favorisé lasuburbanisation rapide des villes etvillages, puis son exacerbation sous laforme d’un étalement urbain géné-

ralisé (voir figure 1). Ils ont ainsi poséles bases de problèmes de santé moinstangibles et plus pernicieux, commel’adoption d’un mode de vie séden-taire, lequel augmente les risques dedévelopper des maladies chroniquesliées à l’obésité (diabète de type 2,insuffisance cardiaque, hypertension,etc.). À présent, les urbanistes peuvents’allier aux autres acteurs de l’aména-gement du territoire et de la santépublique afin d’encourager la créationd’environnements favorables auxsaines habitudes de vie, y compris ence qui a trait à l’alimentation.

Les enjeux d’un systèmealimentaire délocaliséSi l’urbanisme hygiéniste et l’avène-ment de l’automobile ont façonné levisage des villes contemporaines,l’industrialisation de l’agriculture et lamondialisation des échanges écono-

miques ont pour leur part métamorphosél’ensemble du système alimentaire.

La production de masse pour le marchénational et international s’est substi-tuée à une production vivrière essen-tiellement destinée au marché local,et ce, à grands coups de politiquespubliques favorisant la productivité etl’exportation. La consolidation desentreprises agricoles, de plus en plusgrandes, mécanisées, capitalisées etspécialisées, s’est également accompa-gnée d’une intensification de l’utilisa-tion des ressources naturelles et desproduits de synthèse tels que lesengrais et les pesticides.

La distribution, essentiellement organi-sée autour de la vente directe au sein demarchés locaux et de centres de distri-bution régionaux, a graduellement faitplace à de nombreux intermédiaires,éloignant toujours davantage les

dossier

La planification des villes fait continuellement face à des enjeux de santé publique : salubrité, pollution de l’air et de l’eau, sédentarité,îlots de chaleur urbains, etc. Bien que ces enjeux ne soient pas associés aux responsabilités traditionnellement confiées auxurbanistes, bon nombre de solutions sont tout de même entre leurs mains. L’alimentation n’est pas en reste et s’ajoute désormaisà la longue liste des variables à prendre en considération pour concevoir des milieux de vie complets et de qualité.

22 URBANITÉ | HIVER 2016

» VINCENT GALARNEAU» DAVID PARADIS, urbaniste

MUNICIPALITÉS ET URBANISTES

Des acteurs de changement pourdes systèmes alimentaires durables

Marché publicde Burlington

VIVR

EEN

VILL

E

Page 23: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

dossier

mangeurs et les producteurs. Cette dis-tance, à la fois spatiale et relationnelle,n’est pas étrangère à l’incompréhensionqui règne encore bien souvent entreles milieux agricoles et urbains, malgréles efforts actuels pour tenter deles rapprocher.

La reconfiguration de la distributions’est aussi accompagnée d’un change-ment dans le nombre, la taille et lalocalisation des marchés d’alimenta-tion. Les grandes chaînes de vente audétail, auxquelles les petits producteursont difficilement accès, ont tendance à

déserter les milieux de vie pour serapprocher du réseau routier supérieur1.Elles participent ainsi à la consolidationde pôles commerciaux dépendants del’automobile, soutiennent l’étalementurbain et nuisent au renforcement descentralités locales. Cette tendance con-tribue de fait à la diminution de l’acces-sibilité géographique de l’alimentation,voire dans certains cas, à la création dedéserts alimentaires2.

Les externalités négatives de ce systè-me alimentaire sur le tissu social,l’économie régionale et la qualité del’environnement touchent directementles collectivités québécoises, notam-ment puisque les municipalités doiventen assumer la gestion, par exempledans le cas des matières résiduelles.Revoir l’arrimage entre, d’une part, lecycle de vie des aliments et, d’autrepart, la planification et la gestion duterritoire offre toutefois l’opportunitéde mettre en place des systèmes ali-mentaires plus durables (voir figure 2).

Des stratégies pour mettre en placedes systèmes alimentaires durablesRecourir à une approche systémique del’alimentation permet d’appréhender lacomplexité et l’interdépendance desenjeux, des acteurs, des activités et des

URBANITÉ | HIVER 2016 23

1 VIVRE EN VILLE (2013). Bâtir au bon endroit : la localisation des activités et des équipements au service des collectivités viables. 107 p. (coll. Outiller le Québec ; 4). [www.vivreenville.org]2 L’accessibilité des commerces alimentaires est ainsi considérée comme limitée pour près de la moitié (45,5 %) de la population du Québec, alors que la proportion de la population québécoise vivant

dans un désert alimentaire serait de 5,7 %. | Source : QUÉBEC. INSTITUT NATIONAL DE SANTÉ PUBLIQUE [INSPQ] (2013). Accessibilité géographique aux commerces alimentaires au Québec :analyse de situation et perspectives d’interventions, INSPQ [PDF]. 47 pages.

VIVR

EEN

VILL

E,D'

APRÈ

SCO

MM

UNAU

TÉUR

BAIN

EDE

MON

TRÉA

L,19

73,E

TCO

MM

UNAU

TÉM

ÉTRO

POLI

TAIN

EDE

MON

TRÉA

L,20

11.

FOND

:GOO

GLE

EART

H,20

14.

Figure 1 : Une urbanisation qui se fait au détriment des terres agricoles

Figure 2 : Des chaînes d’approvisionnement ancrées sur le territoire. Localiser le cycle de vie des aliments sur le territoire peut permettre de stimuler l'économie régionale,d'optimiser les déplacements et les infrastructures existantes et de rapprocher des consommateurs les acteurs de la production, de la transformation et de la distribution. Lesmatières résiduelles du système alimentaire deviennent quant à elles des ressources à mettre en valeur, par exemple sous forme de compost dans les sites de production.

VIVR

EEN

VILL

E

Limites de la Communauté Métropolitaine de Montréal

Territoire urbanisé 1961 Territoire urbanisé 2006

Page 24: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

24 URBANITÉ | HIVER 2016

infrastructures impliqués dans la sécu-rité alimentaire, ce qui est incontour-nable pour mettre en place des systèmesalimentaires réellement durables. Lesstratégies découlant d’une telle appro-che peuvent être regroupées en cinqgrandes catégories3 : la protection et lamise en valeur du territoire productif, lesoutien aux entreprises ayant despratiques responsables, l’améliorationde l’accès aux aliments sains, l’accrois-sement de la demande de proximité etl’optimisation du cycle de vie des ali-ments. À ces cinq catégories s'ajoute lagouvernance alimentaire (voir figure 3).

Adopter une telle approche exige tou-tefois de reconnaître le rôle stratégiqueque jouent les activités agricoles etalimentaires dans le fonctionnement dela ville et d’accepter d’ouvrir la porte à larelocalisation des systèmes alimentaires,c’est-à-dire à une réflexion sur la répar-tition et l’implantation des activités etdes infrastructures alimentaires sur unterritoire donné.

Les municipalités ont un important rôle àjouer pour renforcer l’ancrage territorialdes systèmes alimentaires. Elles peuvent

mettre en valeur leur territoire agricole(p. ex. Burlington, Longueuil) et lever lesbarrières au développement de l’agri-culture urbaine (p. ex. San Francisco,Boston, Vancouver). Pour garantir unmeilleur accès aux aliments sains, ellespeuvent encadrer la localisation desinfrastructures alimentaires (épiceries,jardins communautaires, cuisines collec-tives, etc.) pour s’assurer qu’elles soientaccessibles à pied, à vélo ou en transporten commun à partir des milieux de vie, etfaciliter leur implantation dans lesquartiers moins bien desservis (p. ex.Drummondville, Philadelphie). Enfin, deconcert avec la santé publique, les com-merçants et les organismes du milieu, lesmunicipalités peuvent travailler à l’amé-lioration de l’offre alimentaire dans lesinstallations municipales et les com-merces les plus fréquentés, notammentles dépanneurs (p. ex. Philadelphie,Toronto, Montréal). Ce ne sont évidem-ment là que quelques exemples (voirfigure 4).

Des opportunités d’actionpour les urbanistesQu’il en soit ou non conscient, l’urba-niste a un impact sur l’alimentation,

par la planification et la gestion duterritoire : cohabitation entre usagesagricoles et activités urbaines, localisa-tion des centres de distribution alimen-taire, collecte des matières résiduelles,etc. Sa pratique peut donc servir delevier puissant à la mise en œuvred’une stratégie alimentaire.

dossier

3 VIVRE EN VILLE (2014). Villes nourricières : mettre l’alimentation au cœur des collectivités. 141 0. (coll. Outiller le Québec; 6). [www.vivreenville.org]

Figure 3 : Les ingrédients des villes nourricières

VIVR

EEN

VILL

E

Figure 4 : Villes nourricières : un outil à la dispositiondes urbanistes. La publication Villes nourricièrespropose une réflexion sur la relocalisation dessystèmes alimentaires et leur arrimage avec laplanification et la gestion du territoire. Douze axesstratégiques y sont mis de l'avant, des dizainesd’études de cas et une centaine de pistes d’action.

VIVR

EEN

VILL

E

Page 25: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

dossier

URBANITÉ | HIVER 2016 25

Concrètement, un urbaniste peut pro-poser d’élargir la démarche d’un plande développement de la zone agricole(PDZA), afin d’y inclure l’ensemble desactivités agroalimentaires qui ont lieudans une municipalité. L’alimentationpeut également être inscrite au cœurde différentes politiques municipales(développement durable, saines habi-tudes de vie, famille, etc.) ou encored’un énoncé de vision stratégique, etainsi servir d’assise pour l’élaborationdes documents à valeur juridique. Parla suite, le plan d’urbanisme et lesprogrammes particuliers d’urbanismepeuvent servir à protéger et à planifierdes espaces de production alimentaire,prévoir des espaces de distribution et devente au sein des milieux de vie etdéterminer les réseaux à mettre en placepour accéder à ceux-ci. Le règlement dezonage peut, pour sa part, être modifiépour autoriser l’agriculture urbaine àl’intérieur du périmètre d’urbanisation,ou encore l’établissement de points devente dans les ensembles à vocation

résidentielle. Autant d’occasions quepeuvent saisir l’urbaniste ou sa muni-cipalité pour traduire les enjeux dusystème alimentaire dans la planifica-tion et la réglementation municipales.

Vers une gouvernancealimentaire localeLa mise en place de systèmes alimen-taires de proximité représente uneopportunité de réunir, autour d’unenjeu rassembleur, les acteurs publicset privés provenant de différentssecteurs d’activités. Le rôle stratégiqueet transversal des systèmes alimen-taires dans les efforts de lutte contre lapauvreté, l’insécurité alimentaire et leschangements climatiques, de promo-tion des saines habitudes de vie et deprotection de l’environnement devraitinciter les collectivités à s’investir dansla gouvernance alimentaire. D’ailleurs,de plus en plus de municipalités de laplanète comprennent l’importance dese doter d’une politique alimentaireforte et cohérente pour atteindre leurs

objectifs, comme la Ville de Toronto quibénéficie d’un Conseil de politiquealimentaire depuis 19914 (voir figure 5).

Au moment d’écrire ces lignes, 46 villesdes pays du Nord et du Sud5 avaientindiqué qu’elles seraient signatairesd’un pacte pour des politiques alimen-taires urbaines initié par Milan, dans lafoulée de l’Exposition universelle 2015ayant pour thème « Nourrir la planète,énergie pour la vie ». La question estdésormais de savoir si les municipalitésquébécoises entreront dans la danse etse saisiront du pouvoir rassembleur del’alimentation. Leurs urbanistes ferontalors partie des acteurs de changementaptes à déployer des systèmes alimen-taires durables et des collectivitésen santé.

Vincent Galarneau, anthropologue, est conseiller en agricultureet environnement au sein de l’organisme Vivre en Ville, etrédacteur principal de l’ouvrage Villes nourricières : mettrel’alimentation au cœur des collectivités.

David Paradis, urbaniste, est directeur de la recherche, de laformation et de l’accompagnement au sein de l’organismeVivre en Ville

4 CITY OF TORONTO (s.d.). Toronto Food Policy Council. [http://www1.toronto.ca] (consulté le 15 juin 2015). BAKER, Lauren (2014, 2015). Entretiens avec Vivre en Ville.5 www.foodpolicymilano.org/

Figure 5 : Les acteurs de la gouvernance alimentaire

VIVR

EEN

VILL

E

Page 26: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

dossier

26 URBANITÉ | HIVER 2016

Le concept de « désert alimentaire » aété utilisé pour la première fois il y a plusde 20 ans au Royaume-Uni. Depuis,plusieurs études scientifiques ont montréque la disponibilité et l’accessibilitégéographique à différents types decommerces d’alimentation peuventvarier en fonction du statut socio-économique du milieu. Ces disparitéssociales dans l’accès à l'alimentationpeuvent à leur tour être reliées à unealimentation déficiente ou à l'obésité.L'accès aux commerces offrant desaliments à valeur nutritive élevée,dans les quartiers défavorisés socio-économiquement, serait plus difficilequ'ailleurs. C'est l'hypothèse desétudes sur les déserts alimentaires. Undésert alimentaire est un secteur quiprocure un faible accès à des com-merces offrant des aliments liés à unesaine alimentation et qui est défavorisésur le plan socioéconomique. Or, selonle ministère de la Santé et des Servicessociaux (MSSS), « les aliments possé-dant la meilleure valeur nutritive,notamment les aliments de base etceux qui sont peu transformés, sontceux qui devraient composer la plusgrande part de l’offre alimentaire et lesconsommateurs devraient y êtreexposés plusieurs fois par jour. Ce sontles aliments quotidiens 1. »

Le phénomène des déserts alimentairesn’a pas seulement été étudié en milieuxurbains. La présence de tels secteurs aaussi été documentée dans les milieux

non métropolitains et ruraux. Plusieursfacteurs seraient à l’origine du dévelop-pement de ces secteurs. Parmi ceux-ci,notons des politiques en matièred’aménagement du territoire qui ontfavorisé l’étalement urbain. Une certainedélocalisation des commerces d’alimen-tation vers les banlieues s’en seraitsuivie, les entreprises voulant suivreles consommateurs. Un autre facteurserait lié à la demande qui, dans lesquartiers urbains défavorisés ou dansles milieux ruraux dévitalisés, nejustifierait plus une certaine offrealimentaire. Également, la forte compé-tition entre les grands détaillants auraitprovoqué la disparition de plusieursbannières indépendantes qui caracté-risaient l’offre alimentaire des secteursdevenus des déserts alimentaires.

Les déserts alimentaires au Québec :état des lieuxSelon les résultats des analysesréalisées par l’Institut national de lasanté publique du Québec (INSPQ) en20132, au Québec, près de 45,5 % de lapopulation habite des secteurs offrantun faible accès à des commercespouvant favoriser une saine alimen-tation (supermarchés, marchés publicset marchés de fruits et de légumes,boucheries, poissonneries et boulan-geries). Ces secteurs sont localisés àplus d’un kilomètre (secteur urbain) ouà plus de 16 kilomètres (secteur rural)d’un commerce d’alimentation. Seloncette même étude, 5,7 % de la popula-tion habite des secteurs pouvant êtreconsidérés comme des déserts alimen-

taires, soit des secteurs offrant un faibleaccès aux commerces d’alimentation etqui sont définis comme étant défavorisés,c’est-à-dire des secteurs où le revenumoyen est plus faible, où la proportionde personnes peu scolarisées est élevéeet où le rapport emploi/populationest faible.

Ces résultats sont variables d’unerégion à l’autre. Pour la région deGaspésie–Îles-de-la-Madeleine, c’estprès de 36 % de la population quihabite des secteurs qualifiés de désertsalimentaires. À Montréal, la proportionest de 1,6 %. Au total, près de 424 883Québécois vivraient dans un possibledésert alimentaire, soit 230 948 enmilieu urbain et 193 935 en milieurural (voir la figure 1).

Des interventions pour pallierles déserts alimentaires

L’analyse du paysage alimentaire qué-bécois a révélé que plusieurs secteurs,tant urbains que ruraux, sont caracté-risés par un faible accès à des com-merces offrant des produits liés à unesaine alimentation. Plusieurs orga-nismes en santé publique ont reconnul’importance de développer ou de con-solider un environnement alimentairepropice à l’adoption et au maintien d’unesaine alimentation. Plusieurs commu-nautés aux États-Unis, au Canada et auQuébec tentent d’améliorer la situationdans ces déserts alimentaires par desmodifications aux règlements de zonage(p. ex. : permettre l’établissement devendeurs mobiles de fruits et légumes3),

Au Québec, plusieurs municipalités abritent des secteurs dépourvus de commerces offrant des aliments ayant une valeur nutritiveélevée. Ces déserts alimentaires peuvent avoir des impacts négatifs sur la santé et le bien-être de la population. Pour pallier lesdifficultés qu’ils peuvent engendrer, des solutions existent, et elles sont souvent initiées par les autorités municipales.

» ÉRIC ROBITAILLE» PASCALE BERGERON

Déserts alimentaires au QuébecSITUATION ET PERSPECTIVES D’INTERVENTION

1 MSSS (rédaction,Andrée-Ann Dufour Bouchard et al. ; sous la direction de Lilianne Bertrand,Alain Poirier, Marie Rochette) (2010). Vision de la saine alimentation : pour la création d’environnements alimentairesfavorables à la santé. [En ligne] : publications.msss.gouv.qc.ca/acrobat/f/documentation/2010/10-289-06F.pdf

2 ROBITAILLE, É. et P. BERGERON (2013). Accessibilité géographique aux commerces alimentaires au Québec : analyse de situation et perspectives d’interventions. Montréal, Institut national de santé publiquedu Québec (disponible en ligne). On trouvera dans cet ouvrage de nombreuses références bibliographiques qui ont documenté également le présent article.

3 NYC (2015). « NYC Green Carts », dans NYC Green Carts [En ligne] : www.nyc.gov/html/doh/html/living/greencarts-vendor.shtml

Page 27: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

4 COMITÉ D’ACTION EN SÉCURITÉ ALIMENTAIRE DE LAVAL (2014). Bulletin d’information électronique en sécurité alimentaire, n° 16. [En ligne] : www.securitealimentairelaval.org/publications/documents/BulletindeAssietteaAction-hiver2014.pdf

5 MENDES, W. (2011). « Pour des connaissances en matière de politiques publiques favorables à la santé » dans Les conseils de politique alimentaire : note documentaire, Montréal, Centre de collaborationnationale sur les politiques publiques et la santé : Institut national de santé publique du Québec.

6 TRF (2015). « Pennsylvania Fresh Food Financing Initiative » [En ligne] : www.trfund.com/pennsylvania-fresh-food-financing-initiative/.7 Voir article Les commerces alimentaires, un enjeu de proximité, p. 28-31.8 COMMERCE-DRUMMOND (2013). « Charte de développement commercial » [En ligne] : www.commerce-drummond.com/documents/charte-developpement-commercial

dossier

URBANITÉ | HIVER 2016 27

par des incitatifs financiers (p. ex. :soutenir l’implantation d’épiceriesd’économie sociale4), par des stratégiesd’aménagement du territoire (p. ex. :améliorer l’offre de transport collectifvers les commerces d’alimentation, favo-riser l’agriculture urbaine) et par l’éta-blissement de comités locaux (p. ex. :mettre en place des conseils de politiquealimentaire5). Les interventions se décli-nent généralement en trois catégories :l’implantation de nouveaux commer-ces, des solutions de rechange àl’approvisionnement en magasins etle soutien à la mobilité.

L’implantation de nouveaux commercesAux États-Unis, ces interventions pren-

nent souvent la forme d’incitatifsfiscaux ou financiers ou encore de lamodification du règlement de zonagepour encourager des entrepreneurs àouvrir une nouvelle épicerie ou unnouveau supermarché dans des com-munautés qualifiées de déserts alimen-taires. Par exemple, à Philadelphiedepuis quelques années, le PennsylvaniaFresh Food Financing Initiative (partena-riat public-privé) a financé la mise enplace de bon nombre de commerces etde coopératives d’alimentation6. AuQuébec, Drummondville a opté pour lamise en place d’une Charte7 de déve-loppement commercial répondant à desobjectifs de développement durable etd’aménagement du territoire8. Cette

charte ne vise pas spécifiquement lescommerces d’alimentation, mais grâce àcelle-ci, il a été possible d’améliorerl’accessibilité à des supermarchés dansplusieurs quartiers de la municipalité.

La seule implantation d’un nouveaucommerce n’apporte cependant pastoujours les effets escomptés. Une étudepubliée récemment a évalué l’impact del’implantation d’un nouveau super-marché dans un secteur qualifié dedésert alimentaire à Philadelphie. Lesrésultats de l’étude montrent que lavenue du supermarché a amélioré lesentiment d’accessibilité à ce type decommerce sans toutefois se répercuterfavorablement sur les habitudes alimen-

Figure 1 - Localisation des secteurs qualifiés de « déserts alimentaires » au Québec.

Page 28: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

dossier

28 URBANITÉ | HIVER 2016

taires. Le même constat a été fait récem-ment à New York. Les auteurs concluentque la simple construction d’un nouveaucommerce d’alimentation dans unsecteur donné n’est peut-être passuffisante pour promouvoir une sainealimentation dans la population. Desstratégies différentes et plus globalespourraient aussi s’avérer nécessaires9.

Des solutions de rechange àl’approvisionnement en magasinsDans les zones moins bien desserviespar les magasins, offrir d’autres modesd’approvisionnement pourrait aussiaméliorer l’accessibilité géographique àdes aliments plus nutritifs. Ces solutionsde rechange consistent notamment endes marchés publics, des kiosques à laferme, des kiosques mobiles ou desinitiatives relevant de l’agriculture

soutenue par la communauté (paniers defruits et légumes distribués à domicile, autravail, ou dans divers points de chute,agriculture urbaine). Elles sont en fortecroissance aux États-Unis et dansl’ensemble du Canada. Par exemple, auQuébec, l’arrondissement montréalaisd’Ahuntsic-Cartierville propose durant lasaison estivale des marchés ambulantsde fruits et légumes étant, entre autres,alimentés par des projets d’agricultureurbaine. Il s’agit du projet Haltesmaraîchères Ahuntsic de l’organismeVille en vert10.

Bien que l’impact de ces autres modesd’approvisionnement alimentaire n’aitpas fait l’objet de beaucoup d’évalua-tions scientifiques rigoureuses, certainesétudes en dégagent tout de même desretombées prometteuses sur l’alimen-

tation. Aux États-Unis, il a été documentéque dans les populations défavoriséessur le plan socioéconomique, les gensqui fréquentent des marchés publicsconsomment plus de fruits et légumes11.À New York et à Philadelphie, des pro-grammes d’incitatifs financiers (distri-bution de coupons d’aide alimentairebonifiés à utiliser dans les marchéspublics) combinés à de la publicité ontpermis d’augmenter la fréquentationdes marchés publics dans les popu-lations défavorisées, et un impact positifsur la consommation de fruits etlégumes a été observé12.

Finalement, l’agriculture urbaine etl’agriculture soutenue par la commu-nauté pourraient améliorer la situationdes populations vivant à l’intérieur desecteurs qualifiés de déserts alimen-

9 CUMMINS, S., E. FLINT et S. A. MATTHEWS (2014). « New Neighborhood Grocery Store Increased Awareness Of Food Access But Did Not Alter Dietary Habits Or Obesity », Health Affairs, vol. 33, n° 2, p.283‑291; ELBEL, B.,A. MORAN, L. B. DIXON, K. KISZKO, J. CANTOR, C.ABRAMS et T. MIJANOVICH (26 février 2015). « Assessment of a government-subsidized supermarket in a high-need area on householdfood availability and children’s dietary intakes », Public Health Nutrition, p. 1‑10.

10 VILLE EN VERT (2015). « Haltes maraîchères » [En ligne] : www.villeenvert.ca/haltes-maraicheres-ahuntsic/11 PITTS, Jilcott. S. B., A. Gustafson, Q. Wu, M. Leah Mayo, R. K. Ward, J. T. McGuirt, A. P. Rafferty, M. F. Lancaster, K. R. Evenson, T. C. Keyserling et A. S. Ammerman (2014). « Farmers’ market use is associated

with fruit and vegetable consumption in diverse southern rural communities », Nutrition Journal, vol. 13, p. 1.

Les haltes maraîchères Ahuntsic visent à favoriser le développement d'initiatives d’agriculture urbaine et de vente de fruits et légumes par un marché mobile dans différentssecteurs du quartier.

INSP

Q

Page 29: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

dossier

URBANITÉ | HIVER 2016 29

taires. C’est la conclusion des analysesde Paddeu sur des initiatives d’agricul-ture urbaine à New York et à Détroit13.L’agriculture urbaine devient alors lepoint de départ d’un système alimen-taire en fournissant, par exemple, desproduits à des marchés locaux.

Le soutien à la mobilitéDes études récentes montrent que lesrésidents des déserts alimentaires fonttout de même leurs achats importantsdans des supermarchés, qui se trouventbien entendu à l’extérieur de leur zoneimmédiate de résidence14. Rendre lescommerces existants plus accessiblesaux résidents de quartiers voisins

peut donc s’avérer intéressant pourenlever certaines barrières physiquesà la mobilité.

Des interventions qui misent sur l’amé-lioration de l’accès aux commerces déjàexistants, notamment par une meilleureplanification des transports collectifsvers ceux-ci sont mises en place. Éga-lement, l’amélioration des réseaux depistes cyclables et de sentiers piétonsdesservant les commerces et reliant lesquartiers entre eux peut égalementfaire partie de la solution.

Les municipalités détiennent des levierspour améliorer l’approvisionnementd’aliments nutritifs dans les déserts

alimentaires. Les études scientifiquesnous apprennent cependant que pourmaximiser l’effet de nouveaux com-merces ou d’autres formes d’appro-visionnement, il importe de les accom-pagner de stratégies complémentairescomme de la publicité, des incitatifsfinanciers à fréquenter les nouveauxendroits ou l’éducation à la sainealimentation.

Éric Robitaille travaille à l’Institut national de santé publique duQuébec à titre de conseiller scientifique et il est chargéd’enseignement clinique au département de médecine socialeet préventive à l’Université de Montréal.

Pascale Bergeron est conseillère scientifique au sein del'équipe Nutrition, activité physique et prévention desproblèmes liés au poids à l'Institut national de santé publiquedu Québec.

12 OLSHO, L. E., G. H. Payne, D. K. Walker, S. Baronberg, J. Jernigan et A. Abrami (2015). « Impacts of a farmers’ market incentive programme on fruit and vegetable access, purchase and consumption », PublicHealth Nutrition, p. 1‑10.

13 PADDEU, F. (2012). « L’agriculture urbaine dans les quartiers défavorisés de la métropole New-Yorkaise : la justice alimentaire à l’épreuve de la justice sociale », VertigO - la revue électronique en sciencesde l’environnement, vol. 12, n° 2. [En ligne] : doi.org/10.4000/vertigo.12686; PADDEU, F. (2014). « L’agriculture urbaine à Detroit : un enjeu de production alimentaire en temps de crise? », Pour - La revuedu Groupe Ruralités, Éducation et Politiques, vol. 224, n° 4, p. 89.

14 DUBOWITZ, T., S. N. Zenk, B. Ghosh-Dastidar, D. A. Cohen, R. Beckman, G. Hunter, E. D. Steiner et R. L. Collins (2014). « Healthy food access for urban food desert residents : examination of the foodenvironment, food purchasing practices, diet and BMI », Public Health Nutrition, p. 1‑11.

DROIT MUNICIPAL | DROIT DU TRAVAIL | DROIT DE L’ENVIRONNEMENT | LITIGE

dufresnehebert.ca

NOTRE CABINETUNE FORCE COLLECTIVE

« Les études scientifiques nous apprennent cependantque pour maximiser l’effet de nouveaux commerces

ou d’autres formes d’approvisionnement, il importe de les accompagnerde stratégies complémentaires comme de la publicité, des incitatifs financiersà fréquenter les nouveaux endroits ou l’éducation à la saine alimentation. »

Page 30: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

dossier

30 URBANITÉ | HIVER 2016

TENDANCES ACTUELLES

Quand les villes sepréoccupent d'alimentation

» MATHIEU LANGLOIS, urbaniste

» CHARLOTTE HORNY, urbaniste

L’émergence de la question alimentaire en Europe et enAmérique du Nord a amené de nombreuses villes etrégions, et même certains pays, à considérer le systèmealimentaire comme un pilier pour la planification durabledes territoires. Cette vision systémique est embryonnaireet parfois partielle. Les cas présentés ici permettentde constater la diversité des interventions liées à l’amé-nagement pouvant être accomplies sous l’angle globalde l’alimentation.

La Ville de Portland s’est donné pour objectifsd'accroître l'accès à l'alimentation saine et

abordable pour tous ses résidants et de soutenirl'économie de l'alimentation locale. Pour ce faire,

un amendement de zonage (Urban foodzoning code) a été adopté en juin 2012 pour

que les activités liées à l'alimentation urbaine –ici répertoriées en jardins marchands etcommunautaires, en sites de distribution

alimentaire et en marchés fermiers – soientclairement définies et autorisées sur davantagede sites, tout en limitant leurs impacts négatifs

potentiels sur le voisinage. Les nouvelles normesd'encadrement portent entre autres sur les

superficies maximales des usages selon les typesde zone, les équipements autorisés, les heures

d'opération et de vente, le nombre maximalde vendeurs, la localisation des activitésextérieures, voire l'obligation d'aviser et

de rencontrer les voisins.

PORTLAND, ÉTATS-UNISUn zonage révisé pour un meilleur

accès à la nourriture

En 1991, se constituait à Toronto le premierConseil de politique alimentaire (food policy

council) au Canada. Instance bénévoleregroupant les parties prenantes du système

alimentaire de la région, il a pour mandatd’examiner le fonctionnement du système

alimentaire local et de faire desrecommandations au gouvernement régional.

Parue en 2010, la stratégie alimentaire dela Ville de Toronto se donne comme priorité

le développement de quartiers « food friendly »,où la nourriture devient un pilier de la

communauté. Des partenaires de divers milieuxsont impliqués, comme la Toronto CommunityHousing, l’agence responsable du logement

social, afin d’intégrer de manière systématiquel’enjeu de l’accès à l’alimentation dans

leurs projets. Dans ce cadre, un projet pilotede dépanneurs santé, dotés d’une offre

alimentaire saine et abordable, va être implantédans deux secteurs où l’accès aux aliments

sains est déficient.

TORONTO, CANADAL’action à l’échelle des quartiers

Page 31: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

dossier

URBANITÉ | HIVER 2016 31

La Loi d’avenir pour l’alimentation, l’agricultureet la forêt française, adoptée en 2014, met

en place un nouvel outil de planification basé surle système alimentaire local : le Projet

Alimentaire Territorial (PAT). Celui-ci viseà mettre en œuvre un système agricole et

alimentaire territorial intégré approvisionnantun bassin de consommation en produits locaux etsains. Des acteurs privés et publics représentantles étapes du système alimentaire sont réunis en

vue d’encourager les circuits courts etl’approvisionnement de la restauration collective.Ainsi, le Pays Médoc, territoire situé en bordurede l’Atlantique à l’ouest de Bordeaux, entame

cette démarche autour de trois éléments :la création d’une pépinière d’entreprises

agricoles, une réflexion sur la distribution vers lesrestaurants scolaires, les services de restauration

pour personnes âgées et les restaurantsd’entreprises, ainsi que l’élaboration d’une

stratégie foncière luttant contrela déprise agricole.

FRANCELa ville au centre

d’un système agricole local

Le projet d’aménagement de la Ville de Lausanne pourle parc d’agglomération de la Blécherette, secteur agricole

et naturel à la sortie de la ville, concilie la vocation agricolede proximité, la préservation des espaces non bâtis et la

création d’une destination de loisirs et de détente. À traversle projet Parc Agricole Récréatif et Culture (P.A.R.C),

la municipalité et ses partenaires, les municipalités voisines,cherchent à reconsidérer la transition ville-campagne surles plans paysager et économique. La stratégie présente

des moyens d’agir sur le système alimentaire localen diversifiant les modes de production, de transformationet de distribution. À chacune de ces étapes, elle favoriseles interactions entre consommateurs et producteurs ainsi

que le rapprochement entre professionnels de l’agriculture etjardiniers : vente directe, autocueillette, jardins partagésou encore espaces didactiques en lien avec la production

alimentaire. Le paysage sera maintenu libre de constructionset le patrimoine bâti, en particulier rural, sera revitalisé.

La ville de Munich, qui comprend 1,4 million d'habitants,a fait le choix, au début des années 1990, de protéger

naturellement ses sources d'eau, et de faire l'économie detout traitement de potabilisation de l'eau en ayant recoursà l'agriculture biologique. D'abord, la Ville a délimité, dans

le bassin hydrographique de la rivière Mangfall, le périmètrede protection des captages, soit une zone de 6 000 hectares,

dont 2 250 de terres agricoles, le reste étant occupé parla forêt. Ensuite, de l'assistance technique et financière a été

accordée aux producteurs agricoles concernés afin qu'ilsse convertissent à l'agriculture biologique. D'autres

compensations leur ont été attribuées pour honorer leurcontribution à la protection de l'eau et compenser

la diminution de leurs rendements. Pendant ce processus,plusieurs associations d'agriculture biologique, égalementsoutenues par la Ville, se sont collectivement occupées de

la transformation des produits biologiques par des entreprisesspécialisées et de l'ouverture de débouchés dansles commerces, créant ainsi des « circuits courts »

dans l'économie régionale.

MUNICH, ALLEMAGNEEau potable et agriculture biologique

LAUSANNE, SUISSEUne rencontre entre ville et ruralité

Page 32: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

32 URBANITÉ | HIVER 2016

En nous basant sur trois cas québécois,nous tenterons de mettre en lumière larelation entre le développement agroali-mentaire et la planification régionale.Ces cas sont : l’essor des petites entre-prises agricoles dans les régions deChaudière-Appalaches et de la Gaspésie,la Route des Couleurs de la Municipalitérégionale de comté (MRC) des Basqueset le Plan de développement du territoireet des activités agricoles (PDTAA) de laMRC de la Nouvelle-Beauce. Parmi lespremiers constats, il en ressort que destimuler le développement de la filièreagroalimentaire, plus spécifiquementdes modèles d’agriculture alternatifsplutôt que celui de production de masse,bénéficierait à l’ensemble de la collec-tivité en mettant en valeur le territoire(paysage, milieu de vie, etc.), tout enrevitalisant des terres laissées en friche.Si les choix d’urbanisme ont un rôleimportant à jouer pour le développementdu secteur agricole, ce dernier peutinfluencer grandement les enjeux deplanification régionale et d’aménage-ment du territoire.

Revitaliser les régions avec desmodèles agroalimentaires alternatifsAlors que depuis les vingt dernièresannées l’agriculture et son impact sur leterritoire ont été grandement marquéspar la mondialisation et la production demasse, certaines régions voient émergerdes modèles agricoles alternatifs, baséssur d’autres atouts du milieu. Cesnouvelles productions de plus petitetaille, par exemple les culturesmaraîchères, les filières fromagères et detransformation de produits carnés, se

distinguent par la qualité et la spécificitédes aliments plutôt que par leur quantité.« Dans le cas de la MRC des Basques,pour des raisons de climat et de qualitédes sols, la région n’a pas la mêmecapacité de produire un aussi grosvolume que d’autres territoires où leclimat est plus favorable. Une réflexionsur le potentiel de notre territoire était àavoir pour valoriser nos ressources »,explique Bertin Denis, préfet de la MRCdes Basques. « Nous avions une volontéde mettre en place un projet d’agricul-ture adapté à notre réalité. En variant lescultures (sureau, amélanche, églantier),nous avons créé des paysages coloréspropres à notre région ». C’est ainsiqu’en 2012 est née la Route des Cou-

leurs2, un projet qui a relevé le doubledéfi de dynamiser la région de la MRCdes Basques par la mise en valeur despaysages et d’encourager l’émergencede nouvelles productions agricoles deplus petite taille.

Il a également été constaté que cesnouveaux modèles de production et detransformation agroalimentaire peuvents’avérer une solution pour revitaliser desterres laissées en friche. Au cours de sestravaux, menés auprès de petitesentreprises des régions de Gaspésie etde Chaudière-Appalaches3, la Chaire derecherche du Canada en développementrégional et territorial de l’Université duQuébec à Rimouski (UQAR) a pu observerque les producteurs de filières agroali-

L’agroalimentaire au servicedu développement régional

» ANDRÉ-ANNE CADIEUX

Le système alimentaire représente une part importante de l’économie régionale. Or, arrimer aménagement durable du territoire et déve-loppement de l’agroalimentaire1 constitue un défi. Comment les décisions en matière d’aménagement peuvent-elles contribuer à assurerà la fois un milieu de vie rural complet, une utilisation responsable des ressources naturelles et un développement agroalimentaire viable?

1 On entend par agroalimentaire le secteur d'activités correspondant à la production, à la transformation et à la distribution de produits alimentaires (production végétale, animale, issue de la pêche etde l’aquaculture, etc.).

2 À la suite de la réflexion menée par la MRC des Basques autour de la mise en valeur de ses paysages et de son patrimoine agricole, le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentationdu Québec (MAPAQ) lançait un programme sur la multifonctionnalité de l’agriculture afin de favoriser des projets comme la Route des Couleurs.

3 À noter que les travaux de la Chaire de recherche du Canada en développement régional et territorial de l’UQAR ont principalement porté sur des PME et des entreprises familiales de Chaudière-Appalaches et de la Gaspésie, un type d’entrepreneuriat agricole qui se distingue par la qualité et la spécificité des produits (dits du terroir ou régionaux) plutôt que sur la quantité produite.

dossier

Aménagement de ruchesà Saint-Clément

MRC

DES

BASQ

UES

Page 33: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

URBANITÉ | HIVER 2016 33

mentaires en émergence sont nombreuxà s’installer sur ces terres oubliées parles plus gros joueurs pour y développerleur entreprise. La Route des Couleurs dela MRC les Basques offre un bel exemplede cette réappropriation des terres enfriche; le projet ayant permis dereconquérir près de 300 ha de terresabandonnées, dont 50 ha le long desroutes 132 et 293.

Stimuler l’industrie agroalimentairepar la qualité du territoireOutre la qualité des sols, le territoirereprésente beaucoup plus pour lesentrepreneurs agricoles. En effet, plu-sieurs autres facteurs déterminentmaintenant le choix de s’installer dansune région plutôt qu’une autre : laprésence de partenaires d’affairespotentiels, la nature, les paysages,l’esprit de communauté, etc. Ceséléments, autrefois moins valorisésdans le développement de la filièreagroalimentaire, contribuent à définirle territoire comme un milieu de vie etdevient un incitatif à la localisationdes entrepreneurs.

« Les urbanistes ont un rôle à jouerpour favoriser cette émergence d’unenouvelle industrie agroalimentairede plus petite échelle, basée sur des

produits distinctifs, dits du terroir oucertifiés. La qualité du territoire et dumilieu de vie devient un enjeu clé. Lapromotion du développement agricoleest un argument de plus pour planifierle voisinage, les infrastructures muni-cipales, assurer des normes environ-nementales serrées et la préservationdes paysages, etc. », fait valoir Marie-Josée Fortin, titulaire de la Chaire de

recherche du Canada en développe-ment régional et territorial à Rimouski.

Selon Marie-Josée Fortin, les PME agri-coles seraient beaucoup plus mobilesqu’avant, de même que le climat, lestraditions et les savoir-faire seraientmoins liés à la localisation et auterritoire. Ainsi, pour attirer les entre-prises agroalimentaires, les munici-palités auraient donc avantage àdévelopper leurs infrastructures et àaccroître les services offerts, par exempleles marchés publics, ainsi qu’à miser surle développement d’une vision d’amé-nagement et sur le caractère identitairede la région.

Arrimer agroalimentaireet aménagementExplorer le concept de multifonction-nalité de l’agriculture4 s’avère une piste

intéressante pour arrimer le dévelop-pement de la filière agroalimentaire et ledéveloppement local. Comme en témoi-gne le projet de la Route des Couleurs,miser sur la multifonctionnalité del’agriculture a pour effet de favoriser desprojets qui mettent de l’avant d’autresfacettes de l’agriculture qui ne sonttraditionnellement pas valorisées par lemarché, par exemple les paysages (leur

variété, leurs couleurs, la morphologiegéographique), la faune, les insectespollinisateurs, le tourisme, etc.

Bertin Denis, préfet de la MRC desBasques, abonde en ce sens : « L’intérêtde la Route des Couleurs, bien qu’ils’agisse d’un projet d’agriculture, estprincipalement touristique. Nous encou-rageons la culture de petits fruits spéci-fiques à la région qui ont des saveursparticulières, prisées des gourmets etdes chefs de nouvelle génération.Nous avons développé, en lien avecces cultures, un projet de production decrème glacée ».

De plus, si les municipalités et les urba-nistes ont un rôle à jouer pour stimuler ledéveloppement de la filière agroali-mentaire sur le territoire, ils peuventégalement grandement bénéficier de

4 « La multifonctionnalité de l’agriculture fait référence à ses différentes fonctions productives, sociales et environnementales. Au-delà de sa vocation première de production, l’agriculture procure desbénéfices à la société. Le concept de multifonctionnalité de l’agriculture s’appuie sur la production de biens publics et d’externalités positives engendrées par les activités agricoles. » (MAPAQ)

dossier

Plantation d'églantiers et desarrasin à Saint-Clément

MRC

DES

BASQ

UES

Page 34: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

la participation du secteur agricole à laplanification régionale. L’implication desacteurs de la filière agroalimentaire dansdes processus de planification, commece fut le cas dans la concertation menéelors de la réalisation du PDTAA de laMRC de la Nouvelle-Beauce, peuts’avérer un soutien important pour gérerdes enjeux d’aménagement, par exemplela gestion de la croissance démogra-phique. « L’inclusion et la concertationdu milieu agricole sur des questionsd’agrandissement du périmètre urbainest important pour prendre en compte laprotection et la valorisation des fonctionsagricoles, les préoccupations environne-mentales que peut susciter la densifi-cation, etc. », affirme Érick Olivier,

directeur du service d’aménagement duterritoire et du développement de la MRCde La Nouvelle-Beauce.

Comme le soulignent Marie-Josée Fortin,Bertin Denis et Érick Olivier, il faut éviterla reproduction des modèles et le«copier-coller» et plutôt puiser dans lesracines des régions pour élaborer despropositions ancrées dans la réalitélocale. Les acteurs du secteur agricoleconstituent un facteur important à consi-dérer dans le processus de planificationlocale et régionale, afin de respecter leuridentité distinctive.

André-Anne Cadieux est journaliste et coordonatrice de contenuschez Novae.

dossier

Plantation de sureaux

MRC

DES

BASQ

UES

RÉFÉRENCES

Entrevues :• Marie-Josée Fortin, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en développement régional et territorial de l’Université du Québec à Rimouski (UQAR)• Bertin Denis, préfet de la MRC des Basques• Érick Olivier, directeur du service d’aménagement du territoire et du développement de la MRC de La Nouvelle-Beauce.

MAPAQ, Fiche d’information sur la multifonctionnalité de l’agriculture. En ligne : www.mapaq.gouv.qc.ca/SiteCollectionDocuments/DeveloppementRegional/Multifonctionnalite/definition_multifonctifonctionnalite.pdf

Les grandsconstats

Les modèles alternatifsd’agriculture, c’est-à-direles petites et moyennes

entreprises de production etde transformation agricoles,constitueraient une solutionpour dynamiser certainesrégions dévitalisées et les

terres abandonnées à causedu modèle productiviste

en place.

• • •

La qualité du territoireconstitue un élément

attrayant pour lesentrepreneurs agricoles;il y a ainsi une nécessité

de mettre en valeurles particularités de la région

telles que l’image, lespaysages, les infrastructures,

les services et l’esprit dela communauté, pour stimulerle développement de filièresagroalimentaires distinctives.

• • •

La multifonctionnalitéde l’agriculture s’avère

une avenue intéressanteà explorer pour intégrer

le développement agricoledans la planification régionale.

34 URBANITÉ | HIVER 2016

Page 35: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

dossier

URBANITÉ | HIVER 2016 35

À l’instigation de Commerce Drummond,la Ville de Drummondville s’est dotéeen 2009 d’une Charte de développe-ment commercial1 qui guide ses actionsdans le développement de l’armaturecommerciale de Drummondville. Issued’un long processus de diagnostics etde consultations, cette charte décline etprécise les objectifs et principes géné-raux exprimés dans le Plan d'urbanismede la Ville de Drummondville et définitles grands axes de développementcommercial, afin d’encourager l’émer-gence de projets adaptés aux attenteset aux besoins de la population. Les

objectifs de la Charte se traduisent dansles différents règlements découlant duPlan d’urbanisme, dont le règlement dezonage et le Plan d’intégration etd’implantation architecturale (PIIA).

Le document souligne la transformationradicale de la structure commercialedes villes nord-américaines au coursdes dernières décennies. Si les con-sommateurs d’aujourd’hui ont davan-tage de choix de lieux d’achats, deproduits et de services qu’autrefois,dans le domaine de l’alimentation, latendance chez les détaillants a plutôtété de fermer plusieurs commerces demoins de 25 000 pi2.

En parallèle, le dynamisme économi-que et démographique crée aussi desenjeux en matière d’offre alimentaire.À Drummondville, la croissance démo-graphique observée depuis 2001 permetd’envisager une croissance de popu-lation dépassant les 5 % entre chaquerecensement, jusqu’en 2025. L’effetcombiné de ces tendances est que l’offrealimentaire de certains quartiers rési-dentiels, anciens ou nouveaux, est défi-ciente, augmentant ainsi la distance àparcourir (3-4 km) pour combler lesbesoins courants des résidents.

Intervenir sur l’offre alimentaireUn des objectifs de la Charte est donc dedévelopper une fonction commerciale

Avec sa Charte de développement commercial, la Ville de Drummondville s’est donné entre autres objectifs de développer la fonctioncommerciale de proximité dans les quartiers mal desservis, en respectant l’échelle du quartier et en créant un milieu de vie qui offreune alternative au modèle du tout à l’auto.

» VÉRONIQUE LAROSE, urbaniste

» GUY DROUIN

DRUMMONDVILLE

Les commerces alimentaires,un enjeu de proximité

1 Commerce Drummond. Charte de développement commercial, [En ligne], 2009. [www.commerce-drummond.com/medias/doc/charte_developpement_comm_22-04-09.pdf] (Page consultée le 17 août 2015)

Figure 1 : Carte des commerces alimentaires avec fruits et légumes à Drummondville

COM

MER

CEDR

UMM

OND

Commerces alimentaires avec fruits et légumes

Page 36: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

dossier

2 Couture, Pierre, « IGA express à Saint-Augustin : grande première au Québec », Le Soleil, 4 décembre 2013.3 IGA [En ligne] [www.iga.net/fr/a_votre_service/concepts_de_magasin/] (Page consultée le 13 août 2015).4 Ce logiciel a été vendu dans plus d’une vingtaine de villes jusqu’à maintenant. Pour en apprendre davantage sur le logiciel de Commerce Drummond : www.commerce-drummond.com/documents/logiciel-

personnalise-profilcite

de proximité dans les quartiers dépour-vus ou mal desservis et de répondreaux besoins des résidents des quartiersen produits et services de consom-mation courante.

Pour atteindre cet objectif, la stratégiede Commerce Drummond consiste àidentifier, chiffres à l’appui, les lacunesde l’offre et les fuites commercialestant à l’échelle de la région et de laville que d’un secteur. Pour y arriver,Commerce Drummond a développé lelogiciel ProfilCité©4, qui répertorie l’en-semble de l’offre commerciale de la MRC.Rapidement, ce logiciel permet d’iden-tifier l’offre déficitaire des catégoriescommerciales répertoriées. De plus, àl’aide de différents outils d’analyses del’offre et de la demande, de positionne-ment, des enquêtes de consommationainsi que des différentes statistiquesdémographiques et économiques,Commerce Drummond est en mesurede démarcher des entreprises qui per-mettent de diversifier et d’équilibrerl’offre commerciale qui répond avanttout aux besoins des résidents. C’est decette façon que plusieurs commercesen alimentation ont pu être convaincusde s’établir à Drummondville, et ce, àdifférents endroits. (Voir figure 1)

Quelques exemplesCette méthode a notamment été appli-quée pour développer des commercesde proximité dans des secteurs en pleinessor avec une offre alimentaire prati-

quement inexistante. Cela doit se faireen considérant que le seuil de rentabi-lité minimal pour atteindre uneviabilité commerciale est de 6000 per-sonnes. Un exemple est le secteur

Saint-Charles, un quartier en crois-sance depuis plus de 20 ans, mais dontl’ensemble de l’offre alimentaire avaitdisparu. En 2009, Commerce Drummonda recruté un promoteur en immobiliercommercial et convaincu le propriétairedu supermarché IGA de s’y établir.En plus de cette entreprise, une phar-macie, un commerce d’alimentationspécialisé, un café et un restaurant ontvu le jour.

Récemment, à cause des difficultés duGroupe Épicia, le marché Végétarien,qui répondait à des besoins alimentairesspécialisés, a fermé ses portes et a étéremplacé par le Marché des Saveurs.En concertation avec le propriétaireimmobilier, nous avons analysé lespossibilités et recruté des commercesspécialisés en fruits et légumes, enboulangerie et pâtisserie ainsi qu’enfromages et en mets préparés répondantà la demande.

Au centre-ville, le centre commercialPlace Drummond était vacant depuis2001, avec la fermeture de l’Inter-marché. Commerce Drummond a entre-pris des démarches de recrutementauprès de Provigo et de Sobey’s; deuxdes trois joueurs majeurs en alimen-tation à l’époque. Les défis étaient derequalifier le premier centre commercialde Drummondville datant du début desannées 60 et de recruter un commerce

36 URBANITÉ | HIVER 2016

Le commerce de proximitéLe commerce de proximité correspond à des points de vente souvent situés àproximité du domicile (moins d’un kilomètre) où l’on peut faire l’achat debiens et services courants. C’est le type de biens et de services que le clienta l’habitude d’acheter fréquemment avec un minimum de risque et d’effort.Mentionnons la vente au détail d’épicerie, de fruits et légumes, de viande,de médicaments et d’articles de soins personnels, les centres de santé, lesnettoyeurs, etc.

Malgré les apparences, les commerces de proximité ont un réel avenir.Le commerce en ligne, qui est en pleine expansion, amène les commercesqui ont pignon sur rue à diminuer leur superficie, mais aussi à se démarquer.IGA en est un exemple concret; l’entreprise a commencé à ouvrir desmagasins dont les surfaces sont plus petites2. En 2013, la chaîne de magasinsSobey’s prévoyait investir 100 M$ en cinq ans pour le déploiement denouvelles bannières IGA express et IGA mini, de petites épiceries de moinsde 5000 pi2, ouvertes 24 heures sur 24. Un premier IGA express a vu le jourà Saint-Augustin en 2013 et un premier IGA mini à Magog en 2014.3

Secteur Saint-Charles,commerce d’alimentation IGA

COM

MER

CEDR

UMM

OND

Page 37: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

dossier

alimentaire de l’une ou l’autre ban-nière. Après plusieurs offensives enrecrutement commercial, ce n’est pasune, mais deux grandes surfacesalimentaires qui se sont établies, soitIGA et Maxi. Trois commerces supplé-mentaires venant répondre autant auxbesoins des résidents que de l’ensemblede la ville se sont également implantés,dont une succursale de la SAQ, disparuedu centre-ville depuis une quinzained’années.

Implantée depuis peu au centre-ville,la coopérative alimentaire Goûts dumonde regroupe sous un même toit unepetite épicerie spécialisée, un restau-rant ainsi qu’un lieu de formation enentreprise répondant à une clientèleimmigrante. Commerce Drummond afacilité la rencontre entre les respon-

sables de la coopérative et le proprié-taire du supermarché IGA. Cette aides’est aussi matérialisée à différentsniveaux, allant de la recherche delocaux à l’ouverture officielle. Ce typede commerce répond aux orientationscommerciales du centre-ville, à savoiry poursuivre la spécialisation commer-ciale afin de le différencier des autressecteurs commerciaux.

Ces exemples montrent comment laCharte de développement commercialest utilisée par Drummondville pourdoter les quartiers de commercesalimentaires répondant aux besoins deses résidents.

Ces initiatives s’inscrivent aussi dansun objectif de développement durable.Pour encourager les consommateurs àutiliser d’autres moyens que l’auto-mobile, Drummondville vise à maximiserles liens physiques et fonctionnels entreles rues et les commerces (p. ex. : aména-gement de pistes cyclables, de passagespiétonniers, d’îlots paysagers dans lesstationnements, etc.). La Ville encourageégalement l’utilisation des transportsactifs (marche, vélo) et collectifs (autopartage, autobus et taxi bus) pour dimi-nuer les engorgements et limiter lesimpacts négatifs des transports surl’environnement.

Véronique Larose, urbaniste, et Guy Drouin, directeur général, sontà l'emploi de Commerce Drummond, à la Ville de Drummondville

URBANITÉ | HIVER 2016 37

Marché des Saveurs, regroupant commercesspécialisés en fruits et légumes, en boulangerieet pâtisserie, en fromages et en mets préparés

COM

MER

CEDR

UMM

OND

Nouveaux commercesétablis au centre-ville

COM

MER

CEDR

UMM

OND

COOP

ÉRAT

IVE

ALIM

ENTA

IRE

GOÛT

DUM

ONDE

L’intérieur de la coopérative alimentaire Goûts du monde.

Page 38: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

La démarche montréalaise du systèmealimentaire montréalais (SAM) 2025répond directement à un besoin régionalet local exprimé en maillage (coordi-nation, mobilisation, réseautage, repré-sentation) de l’ensemble des secteurs etdes acteurs du système alimentaire touten faisant clairement écho à un mouve-ment mondial fort.

Plus de 263 villes nord-américaines,dont 57 au Canada1, se sont dotées d’unconseil des politiques alimentaires.Plusieurs de ces villes ont aussi adoptédes politiques, des règlements ou desmesures en appui à leur stratégiealimentaire régionale.

En octobre 2015, 117 villes à travers lemonde, dont Montréal, signent le Milan

Food Policy Act 3, un protocole interna-tional qui engage les maires et les déci-deurs urbains à coordonner leurs effortspour un système alimentaire équitable etdurable. Le mouvement est clair et latendance lourde à l’échelle mondiale :les villes ont un rôle important à jouerdans l’alimentation.

Bien ancré, ce mouvement mondialsuscite l’attention et provoque plusieursquestionnements. Quelle importancedoit-on accorder à l’élaboration d’unplan de développement du systèmealimentaire dans une métropole commeMontréal? Quelle contribution et quelimpact pourrait avoir un tel outil sur lequotidien d’une collectivité et sur lesautres planifications régionales et loca-les? Et quel apport peuvent avoir diversprofessionnels dans l’élaboration et lamise en œuvre d’une stratégie alimen-taire régionale?

Bref historique du SAMEn 2011, la Conférence régionale desélus de Montréal4 a entamé avec ses par-tenaires la démarche d’élaboration d’unplan de développement d’un systèmealimentaire durable et équitable de lacollectivité montréalaise (Plan de déve-loppement SAM 2025).

Ce grand chantier de réflexion a permisde poser les fondements de la premièrestratégie alimentaire montréalaise(2012-2014) grâce aux développementssuivants :

• constats et expériences de quelquedeux cent quatre-vingt-dix (290)participants issus de 80 organisationsmontréalaises locales, régionales etnationales;

• échanges intersectoriels (15 ateliers detravail en 2012-2013) sur les travauxdu comité de pilotage (20 organi-sations et institutions membres, dontla Ville de Montréal, la Direction desanté publique de Montréal, leministère de l’Agriculture, des Pêche-ries et de l’Alimentation du Québec(MAPAQ), l’union des producteursagricoles du Québec (UPA), Équiterre,le Conseil régional en environnement(CRE), Moisson Montréal, la coalitiondes tables de quartier, Option-Consommateurs et Québec en forme);

• données sectorielles à jour du systèmealimentaire (production, transfor-mation, distribution, consommation etpostconsommation).

La stratégie alimentaire régionale quedéfinit le Plan de développementSAM 2025 et à laquelle adhéreraofficiellement la Ville de Montréal enassemblée du conseil municipal auprintemps 2014 se structure autour deséléments suivants :

• une vision collective claire etfédératrice :

« Innover pour mieux se nourrir et sedévelopper » – En 2025, toutes lescitoyennes et tous les citoyens de l’île deMontréal auront accès à une saine

LE SYSTÈME ALIMENTAIRE MONTRÉALAIS

Première planification stratégiquealimentaire régionale

» GHALIA CHAHINE

Un système alimentaire est un ensemble complexe d’enjeux et de spécialisations sectorielles (production, transformation,distribution, consommation et postconsommation), d’échelles d’intervention et d’interaction (locales, régionales, nationales etsupranationales), d’intervenants et d’acteurs (communautaires, coopératifs, institutionnels, privés, etc.) et d’enjeux transversaux etglobaux (développement durable, technologies, multifonctionnalité, équité, solidarité, recherche, etc.). Chaque interaction entre cesmaillons du système alimentaire a un impact direct et réel sur la santé d’une collectivité, sur les milieux de vie et sur l’organisationd’un quartier, d’un arrondissement, d’une ville, d’une agglomération ou même d’une métropole.

1 The John Hopkins Bloomberg school of public Health. www.jhsph.edu/research/centers-and-institutes/johns-hopkins-center-for-a-livable-future/projects/FPN/directory/index.html2 Commission sur le développement social et la diversité montréalaise. « Analyse de l’opportunité de se doter d’un conseil des politiques alimentaires (CPA) », 16 septembre 2015.

ville.montreal.qc.ca/pls/portal/docs/PAGE/COMMISSIONS_PERM_V2_FR/MEDIA/DOCUMENTS/DOCCONSULT_CPA_20150901.PDF3 veilleaction.org/fr/la-veille/agroalimentaire/2988-montreal-et-116-autres-villes-ont-sign%C3%A9-le-pacte-de-politique-alimentaire-de-milan.html4 www.mamrot.gouv.qc.ca/developpement-regional-et-rural/prochaine-gouvernance-regionale/foire-aux-questions-abolition-des-cre

dossier

38 URBANITÉ | HIVER 2016

Qu’est-ce qu’un CPA2 ?

« C’est une institution de type"parapluie", réunissant des acteursdiversifiés, opérant sur le mode de laconcertation et de la collaboration.[…] Habituellement, le mandat d’untel conseil est d’examiner le fonction-nement d’un système alimentaire etde proposer des idées, des mesureset des recommandations de politi-ques pour l’améliorer. »

Source : Faciliter les politiques et la planificationen matière de durabilité à l’échelon local :l’exemple de la politique alimentaire (INSPQ 2012)

Page 39: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

dossier

alimentation diversifiée, de proximité etabordable dans une perspective dedéveloppement durable :

• cinq grandes orientations : 1) enrichirl’offre alimentaire montréalaise;2) réduire l’empreinte écologique dusystème alimentaire; 3) favoriserl’accès à une saine alimentation;4) promouvoir la saine alimentation;5) renforcer le maillage régional.

• 14 axes d’intervention spécifiques.

La première phase de mise en œuvre duPlan de développement 2025 est pré-sentement en cours. En effet, le Pland’action SAM 2014-2016 soutient 22 pro-jets régionaux réalisés par 13 organisa-tions régionales ou locales qui répondentà quatre objectifs régionaux prioritaires :

1. Renforcer le maillage régionalexemples de projets : contribution auxtravaux de la Ville de Montréal sur uneinstance régionale en alimentation,tenue de quatre midis-conférences,mise sur pied d’un réseau interuniver-sitaire de recherche en alimentation;

2. Favoriser l’accès physique à une sainealimentationexemples de projets : développementd’un réseau de dépanneurs santé,installation de marchés solidaires auxabords des métros, appui à la produc-tion solidaire sur les terres agricolesdu Bois-de-la-roche;

3. Développer et consolider l’offre et lademande alimentaire en institutionspubliques (secteurs éducatif, municipalet de la santé)exemples de projets : réalisation d’undiagnostic de l’approvisionnementen institutions publiques, tenue d’uneconférence nationale sur l’offre ali-mentaire scolaire « du changementau menu »;

4. Soutenir le développement de l’agri-culture urbaine et périurbaineexemples de projets : tenue du moismontréalais d’agriculture urbaine« Cultiver Montréal », appui à la vitrineagriculturemontréal.ca, réalisationd’un diagnostic de remise en culturedes terres agricoles montréalaises etmodèle de mixité des usages, dévelop-pement de formations ciblées.

Quelques principes fondateurs du SAMDeux éléments clés ont contribué à laréussite de la démarche SAM depuis2012 : la gouvernance et le processus.

La gouvernanceLe SAM est d’abord et avant tout unréseau d’acteurs « terrains » engagés quiinterviennent sur un ou plusieurs aspectsdu système alimentaire montréalais. Ladémarche d’élaboration du Plan dedéveloppement se devait d’inclure l’en-semble de ces acteurs. Le comité departenaires du SAM mise sur l’interdisci-plinarité et l’intersectorialité et rassem-ble des représentants de chaque secteurdu système alimentaire (production,transformation, distribution, consom-mation et postconsommation), de chaque

type d’organisations et d’échellesd’interventions (locale, régionale, natio-nale), de chaque milieu (public, commu-nautaire, philanthropique, OBNL, privé,institutionnel, municipal, etc.) ainsi quedes enjeux transversaux majeurs (déve-loppement durable, postconsommation,technologies vertes, etc.).

Initialement composé d’une vingtaine demembres, le comité de partenaires SAMactuel s’est élargi et est composé aujour-d’hui de 35 organisations membres.

URBANITÉ | HIVER 2016 39

Page 40: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

dossier

40 URBANITÉ | HIVER 2016

Le processusLa démarche d’élaboration du Plan dedéveloppement SAM 2025 et du pland’action SAM 2014-2016 se basent surune approche de codesign et de cocons-truction et part du constat suivant :Montréal possède une richesse inesti-mable en termes d’initiatives locales etde praticiens experts dans leurs secteursrespectifs. Le SAM se devait de mettre envaleur ces acquis tout en proposant uncadre logique (15 ateliers de travailsectoriels et intersectoriels et des ren-contres de suivi et de positionnementstratégique des comités de partenaireset de coordination) qui assurerait unecohérence, une complémentarité et unmaillage régional fort.

L’aménagement du territoire et le SAMEn quoi la démarche SAM et les plans quien découlent peuvent-ils être intéres-sants pour la planification du territoire?Quelle est la plus-value d’un SAM parrapport à des exercices de planificationcomme un Plan de développement dela zone agricole (PDZA)? Quelle estl’importance et quelle est la pertinencepour les urbanistes d'intégrer ce typede processus?

Le SAM est une démarche issue d’unbesoin exprimé et d’un mouvementinternational de réfléchir la ville alimen-taire comme un tout interrelié, commeun système alimentaire complet.

Le SAM est d’abord et avant tout unterritoire : l’agglomération de Montréal.Il est une chaîne d’activités interdépen-dantes qui commence dans un champ oudans un jardin et qui se termine dans unsite d’enfouissement ou un site decompostage en passant par de multiplesactivités qui occupent et façonnent leterritoire. La région de Montréal possède2047 hectares de terres agricoles proté-gées par la Loi sur la protection du terri-toire et activités agricoles (LPTAA) et plusde 20 hectares d’espaces urbains deproduction (jardins communautaires,collectifs et institutionnels). La CMM apour objectif de remettre en culture 6 %des terres agricoles, pourcentage auquell’agglomération de Montréal doit contri-buer. Près d’une vingtaine d’entreprisesagricoles enregistrées se retrouvent ici,quatre grandes universités offrent desprogrammes de formation et de recher-che en lien avec l’alimentation (nutrition,agronomie, urbanisme, écoles d’été,

etc.), plus de 29 000 citoyens montréa-lais ont appuyé la tenue d’une consul-tation publique sur l’agriculture urbaine,quatre grands marchés publics et desdizaines d’autres occupent le territoire,plus de 564 entreprises en transforma-tion ont pignon sur rue à Montréal, unegastronomie diversifiée et raffinée sedéveloppe, un réseau de distribution ali-mentaire qui traverse et vise Montréalest en voie de mise en œuvre, un défi dereboisement qui pourrait intégrer lesarbres fruitiers et à noix se profile, etc.Que ce soit d’un point de vue social,environnemental, économique ou cul-turel, le SAM est, en tous points de vue,une question territoriale.

Les divers exercices de planificationcomme le PMAD, le schéma d’aména-gement, le plan d’urbanisme et le PDZAsont des exercices qui réfléchissent l’en-semble des usages et services d’un terri-toire. Le Plan de développement SAM2025 constitue un outil de planificationalimentaire complémentaire et completqui définit le système alimentaire, quimaille les multiples actions et acteursrégionaux et qui articule des orientationsclaires et des objectifs spécifiques.À titre d’exemple, le SAM collabore,depuis 2012, à l’élaboration du PDZA deMontréal et soutient directement, dans lecadre de son plan d’action 2014-2016,cinq projets spécifiques pour l’agriculturepériurbaine. Ces contributions permet-tent une cohérence d’intervention terri-toriale et une consolidation des efforts etdes ressources des plus efficaces auprofit de la région en matière de sainealimentation.

Les urbanistes et les autres profes-sionnels de l’aménagement du territoiresont des spécialistes de la conception(codesign et coconstruction), de laplanification ainsi que de la mise enœuvre. Ce sont les experts de la concor-dance, du maillage entre les différentsenjeux, plans et projets. Leur apport àdes démarches de planification stratégi-que de systèmes alimentaires régionauxou locaux est donc des plus importants,car il assure un regard d’ensemble quigarantit une cohérence d’interventionset de planification stratégique territo-riale. Nombreux sont les urbanistes etautres professionnels de l’aménagementdu territoire qui ont déjà été interpellésou qui ont participé à des instances ou à

des événements clés commeles comités consultatifs agricoles (CCA)ou à des consultations publiques commela Commission sur l’avenir de l’agricul-ture et de l’agroalimentaire québécois(CAAAQ). Certains d’entre eux ont parailleurs été impliqués dans des réflexionsalimentaires ou des exercices de planifi-cation spécifique comme les plan de dé-veloppement de la zone agricole (PDZA).Un certain dialogue est entamé.L’ampleur (espaces productifs urbains,transports des marchandises et livrai-sons, restauration, postconsommation,déserts et marais alimentaires, etc.) etl’importance (économique, environne-mentale et sociale) d’un système ali-mentaire régional comme celui deMontréal nécessitent une attentionparticulière et une intégration beaucoupplus poussée des divers secteurs etenjeux du système dans la planificationet l’aménagement d’une ville.

Le territoire est le trait d’union collectifqui lie la mise en œuvre de la stratégiealimentaire régionale SAM 2025 et desoutils de planification locaux et régio-naux. Les urbanistes ont un rôle impor-tant d’accompagnateurs, de facilitateurset de conseillers à jouer si l’on souhaitecollectivement avoir un réel impact surl’accès pour tous les citoyens d’unerégion à une saine alimentation dans unenvironnement bâti favorable. Il importede soutenir ceux et celles qui sont déjàengagés, de sensibiliser ceux et cellesqui n’y sont pas encore initiés et d’ac-compagner ceux et celles qui souhai-tent innover et développer un systèmealimentaire sain, solidaire, équitableet durable.

Que ce soit par l’entremise de nouvellesformations, d’un accompagnement ciblépar des experts en stratégie alimentaire,de partenariats avec des réseaux commecelui du SAM ou d’une participationactive des urbanistes dans des mobilisa-tions locales et régionales, un dialoguecontinu et une collaboration accrueconstituent des composantes clés d’unsystème alimentaire équitable et dura-ble, d’une planification territorialeefficace et d’une municipalité, d’une villeou d’une métropole en santé.

Ghalia Chahine, M.urb., coordinatrice régionale – Systèmealimentaire montréalais (SAM). Consultante en dynamiquesterritoriales agricoles métropolitaines

Page 41: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

dossier

Dans son discours d'ouverture à laNational Planning Conference de l'APA àDenver en 2003, le feu professeurémérite de l'Université du WisconsinJerome Kaufman, fellow de l'Institute ofCertified Planners (AICP), s'est posé laquestion suivante : pourquoi lesurbanistes font un travail sur seulementcertains des aspects des nécessités dela vie humaine? Pourquoi l’alimentationest-elle en reste? M. Kaufman étaitd'avis que le système alimentaire estintrinsèquement lié aux domaines tradi-tionnels de la planification comme lestransports, l'utilisation du sol, le déve-loppement économique, le développe-ment communautaire et la préservationdes ressources naturelles.

Son questionnement et ses efforts enparallèle au sein de la communautéuniversitaire ont enclenché desinitiatives concertées de sensibilisationauprès des urbanistes afin que laplanification de l'alimentation et dusystème d'alimentation dans saglobalité gagne en importance. En2004, le professeur Kaufman et sescollègues ont mis sur pied le FoodSystem Planning Steering Committee del'APA, un comité directeur qui agrandement contribué à la visibilité dela planification des systèmesalimentaire au sein de l'APA. Ils ontd'abord milité avec succès pour qu'uneattention particulière soit portée à laplanification des systèmes alimentairesà la National Planning Conference del'APA de 2005. Ils ont par la suite signéle Community and Regional FoodPlanning Policy Guide de l'APA, unguide de directives de planification ali-mentaire régionale et communautaire,qui a été officiellement adopté par le

comité de direction de l'organisation le11 mai 2007. Selon l'APA, ces guidessont importants pour l'avancement de laprofession; ils établissent des principeset des directives concrètes sur desenjeux de planification. Pour la premièrefois dans l'histoire de l'APA, l'organi-sation fournit une orientation officiellepour la planification des systèmes ali-mentaires. Depuis sa création en 2005,le Food System Planning Steering Com-mittee de l'APA, maintenant appelé FoodSystems Planning Interest Group (FIG), apris de l'expansion pour devenir le plusimportant groupe d'intérêt de l'APA,avec plus de 600 membres.

Évolution des pratiquesEn 2008, l'APA a créé le Planning andCommunity Health Center (PCH) un

centre de santé et de planificationcommunautaires, l'un des trois centresnationaux de planification appelésNational Centers for Planning. Les troiscentres ont été mandatés pour aider lesurbanistes à créer des collectivitésdurables, notamment sur les plans dela sécurité, de la santé, du dévelop-pement de milieux durables et durespect des valeurs de leurs citoyens.L'alimentation a été désignée commeun enjeu important.

Entre 2008 et 2012, le PCH a mené ousoutenu bon nombre de projets ayantcontribué de manière significative àune plus grande acceptation et à unemeilleure intégration des systèmesalimentaires dans la planification desadministrations régionales. Trois projets

Planification des systèmes alimentairesaux États-Unis Traduit de l’anglais par Urbanité

» KIMBERLEY HODGSON

Aux États-Unis, l'American Planning Association (APA) a joué un rôle important dans la promotion de certains enjeux liés auxsystèmes alimentaires dans la planification locale et régionale. Précisons que l'APA a pour mandat de promouvoir auprès decollectivités clés l'excellence dans la planification, l'éducation et la mobilisation citoyenne ainsi que de fournir les outils et le soutiennécessaires pour qu'elles puissent relever les défis de la croissance et du changement. Cet article explore l'évolution de l'intérêtque portent les professionnels de la planification aux États-Unis à la planification des systèmes alimentaires ainsi que leuracceptation de ces derniers dans leur pratique et établit les facteurs qui ont contribué à cette évolution.

À Madison (Wisconsin)

KIM

BERL

EYHO

DGSO

N

URBANITÉ | HIVER 2016 41

Page 42: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

dossier

42 URBANITÉ | HIVER 2016

À New York

KIM

BERL

EYHO

DGSO

N

en particulier ont contribué à définir laplanification des systèmes d'alimen-tation régionaux et locaux et ont fournides exemples d'outils que les urba-nistes peuvent utiliser pour consoliderces systèmes :

• un guide publié en 2008 à l'intentiondes urbanistes pour la planificationalimentaire communautaire et régio-nale (A Planners Guide to Communityand Regional Food Planning);

• un guide publié en 2010 sur l'agricul-ture urbaine et axé sur le dévelop-pement de milieux sains et durables(Urban Agriculture: Growing Healthy,Sustainable Places);

• un document publié en 2012 sur laplanification de l'accès à la nour-riture et des systèmes alimentairescommunautaires, basée sur uneévaluation à l'échelle tant nationaleque locale des plans d'urbanisme et dedéveloppement durable (Planning forFood Access and Community-BasedFood Systems: A National Scan andEvaluation of Local Comprehensiveand Sustainability Plans).

Ensemble, ces projets ont révélé queles urbanistes utilisent, pour la planifi-cation de systèmes alimentaires, unecombinaison d'outils de planificationtraditionnels (plans d'urbanisme,zonage et autre réglementation liée àl'utilisation du sol) et de compétencesde planification traditionnelles, commeune connaissance approfondie dessystèmes urbains, une compréhensiondes changements dans l'utilisation dusol et des mécanismes de réglemen-tation connexes, une certaine capacitéà faciliter la collaboration au sein dugouvernement et à l'extérieur de celui-ciainsi qu'une expertise de mobilisationdes collectivités et de création de con-sensus. Ils utilisent aussi des outils nova-teurs pour la planification de systèmesalimentaires pointus, au-delà de l'utili-sation du territoire. Ils effectuent desévaluations détaillées des systèmesalimentaires, créent des plans alimen-taires stratégiques et élaborent despolitiques touchant le développementéconomique, la santé, les transports,les déchets solides, les ressourcesnaturelles et l'aspect social afin de bien

répondre aux besoins spécifiques dessystèmes alimentaires des collectivités etd’atteindre leurs objectifs. Les politiquesconcernent notamment des réductionsd'impôts pour l'agriculture, tant dans dessecteurs ruraux qu'urbains, le finance-ment des installations de regroupement,de traitement et de distributiond'aliments, les objectifs et conditionsd'approvisionnement alimentaire localpour les agences gouvernementales, denouveaux trajets de transport pourfavoriser un meilleur accès alimentairedans les secteurs mal desservis, l'assou-plissement des exigences de permispour les kiosques et marchés fermiersainsi que les conditions relatives aucompostage résidentiel.

De plus, ces projets ont révélé que lesurbanistes ne peuvent effectuer uneplanification rigoureuse et efficace dessystèmes alimentaires seuls. Ils ontbesoin de l'aide d'autres adminis-trations locales ainsi que d'organisationsnon gouvernementales. Ils doiventégalement établir des liens tant expli-cites qu'implicites entre les systèmes

Page 43: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

dossier

URBANITÉ | HIVER 2016 43

alimentaires et les autres systèmes.Ces projets ont aussi montré queles urbanistes doivent franchir denombreuses barrières dans le travailde planification des systèmes alimen-taires, notamment le manque deressources gouvernementales, de for-mation sur les systèmes alimentaires etde soutien des secteurs politiqueet communautaire pour les questionsrelatives aux systèmes alimentaires.

En plus des actions de l'APA, d'autresfacteurs importants ont eu des consé-quences positives quant au changementde mentalité concernant la planificationdes systèmes alimentaires. Par exemple,certains programmes, mis en œuvre parla communauté philanthropique desÉtats-Unis ainsi que par trois ministèresfédéraux, soit le Communities PuttingPrevention to Work Program de 2009,le Sustainable Communities RegionalPlanning Grant Program de 2010 et leCommunity Transformation GrantProgram de 2011, ont fourni des milliardsde dollars en subventions aux admi-nistrations locales et régionales pour laplanification des systèmes alimentaireset la mise en place des politiques con-nexes, y compris du financement pourdes postes connexes, des projets d'enga-gement communautaire et l'intégrationde l'aspect alimentaire dans les plansd'urbanisme.

Comment intégrer la planificationdes systèmes alimentaires dansles décisions de planificationPlus de dix ans se sont écoulés depuisl'inspirant discours d'ouverture deM. Kaufman. La planification des systè-

mes alimentaires n'est peut-être pasencore un des principaux domainesdans la pratique de la planification auxÉtats-Unis, mais les administrationslocales et régionales de toutes tailles àtravers le pays commencent à percevoirl'alimentation comme un enjeu rural eturbain important.

Les urbanistes sont les instigateurs decette tendance. Certains urbanistes lefont par intérêt personnel, d'autres parceque les organismes populaires et lescitoyens de la communauté le deman-dent, et d'autres encore le font parcequ'ils suivent les directives des élus ouqu'ils sont encouragés par d'autressecteurs comme la santé publique.

En 2013, le programme de sécuritéalimentaire de l’Agriculture and FoodResearch Initiative, mis en œuvre par leNational Institute of Food and Agriculturedu département de l'agriculture (USDA),a alloué 3,8 millions de dollars àune équipe d’urbanistes pour mettresur pied une administration localequi pourrait « favoriser la sécuritéalimentaire de la collectivité tout enassurant une agriculture et une produc-tion alimentaire durables et économi-quement viables » par la planification etl'établissement de politiques publiques.Cette initiative sur plusieurs annéesintitulée Growing Food Connections(GFC) comprend quatre organisations etun partenaire clé, respectivement l'uni-versité de Buffalo, l'American FarmlandTrust, l'organisation de consultationCultivating Healthy Places, l'Universitéde l'Ohio, et l’American PlanningAssociation. En 2014, l'équipe de GFC a

effectué une analyse nationale et atrouvé environ 300 administrationslocales à travers les États-Unis qui éla-borent et implantent divers plans, pro-grammes et projets publics novateursainsi que de la réglementation, des loiset d'autres politiques, notamment ence qui a trait aux investissementsfinanciers, afin de renforcer leurssystèmes alimentaires.

Les observations préliminaires tirées decette recherche révèlent que de grandesvilles comme Seattle, Baltimore etMinneapolis, de petites villes et descomptés urbains comme Lawrence auKansas, Lancaster County en Pennsyl-vanie et Cabarrus County en Caroline duNord, de petites collectivités commeMarquette County au Michigan et depetites administrations rurales commele Region 5 Development District auMinnesota prennent part, par leur prisede décisions relativement aux politiqueset à la planification, au renforcement deleurs systèmes alimentaires. Les petiteset grandes administrations locales créentdes postes permanents, à temps plein età temps partiel, uniquement dédiés à lacoordination et à la planification dessystèmes alimentaires ainsi que despolitiques connexes. Bon nombre de cespostes sont créés et implantés totale-ment ou partiellement au sein desservices de planification et sont occupéspar des urbanistes professionnels.

Que font ces administrations locales?Nous observons qu'elles intègrent desenjeux alimentaires dans leurs plansexistants ou élaborent de nouveauxplans stratégiques autonomes pour

ÉCOQUARTIERS,CRÉER DESMILIEUX DE VIEEXEMPLAIRES

VIVRE EN VILLE OUTILLE LES COLLECTIVITÉSLa référence : objectifecoquartiers.orgPublications, formation, conseil et accompagnement

Découvrez l’offre complète :

vivreenville.org/ecoquartiers

Page 44: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

dossier

favoriser la coordination des initiativesde divers services administratifs relati-vement aux questions alimentaires.Elles soutiennent les initiatives deprogrammes sans but lucratif parl'octroi de subventions et d'autres outilsde financement public. Elles rendentdes territoires disponibles pour lesinstallations de production, de traite-ment et de distribution alimentaires.Elles utilisent leur pouvoir d'achat poursoutenir l'agriculture régionale. Ellesmettent sur pied des fonds spéciauxpour des projets alimentaires etagricoles. Elles adoptent de la nouvelleréglementation et révisent la régle-mentation existante afin de préserverles pratiques de production alimentaireet permettent des activités de regrou-pement, de distribution et de vented'aliments dans de nouvelles régions.

Elles élaborent des programmes pouraméliorer la sécurité alimentaire pourles résidents à faible revenu. Et la listecontinue de s'allonger, mais malgrétous ces succès, les défis demeurent.En effet, de nombreuses administra-tions locales manquent de ressourcesen personnel, et ce, tant du point devue des connaissances que du tempsnécessaires pour s'attaquer aux ques-tions de planification des systèmesalimentaires. De plus, elles n'ont pasnécessairement l'autorité requise pourse concentrer sur la planification dessystèmes alimentaires.

En plus de l'intérêt grandissant desadministrations locales pour les enjeuxalimentaires, les écoles de planificationreconnues aux États-Unis ont remarquéune augmentation du nombre d'étu-

diants qui s'intéressent à la planifica-tion des systèmes alimentaires. Pourrépondre à cette demande, de plus enplus de programmes de planification depremier et de deuxième cycles offrentdes cours qui traitent de la planificationdes systèmes alimentaires.

Toutefois, le nombre de postes profes-sionnels dédiés à la planification desystèmes alimentaires demeure peuélevé. Les récents diplômés se doiventd'être créatifs dans leur façon de mettreen application leurs nouvelles compé-tences de planification des systèmesalimentaires lorsqu'ils occupent despostes de planification traditionnels ous'aventurent dans des postes de con-sultants ou au sein d'organisations sansbut lucratif qui offrent une certaineflexibilité et manifestent un intérêtpour les questions de planification dessystèmes alimentaires.

Malgré ces opportunités et ces défis, laplanification des systèmes alimentairesn'est plus un sujet de planification avant-gardiste aux États-Unis. Le leadership dupersonnel de l'APA et de ses membres,l'appui grandissant des administrationslocales et les nouvelles opportunitésd'apprentissage pour les jeunes profes-sionnels confirment l'évolution dans laplanification des systèmes alimentaires.Ce n'est qu'une question de temps avantque le domaine de la planificationintègre complètement les systèmesalimentaires comme un élément à partentière de la pratique.

Kimberley Hodgson est la fondatrice de Cultivating HealthyPlaces, une organisation de consultation internationalespécialisée dans la santé communautaire, l'équité sociale et laplanification de systèmes alimentaires durables. En tant queprofessionnelle de la santé et planificatrice certifiée, elleconcentre son travail sur la recherche relative aux politiques etl'offre de soutien technique dans les secteurs publics commeprivés touchant la conception et le développement de milieuxsains et durables.

« Ce n'est qu'une question de temps avant que le domainede la planification intègre complètement les systèmes alimentaires

comme un élément à part entière de la pratique. »

À Portland (Oregon)

KIM

BERL

EYHO

DGSO

N

44 URBANITÉ | HIVER 2016

Page 45: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

dossier

URBANITÉ | HIVER 2016 45

Vers un urbanisme alimentaire?La notion d’agriculture urbaine a fait son apparition dans le discours de la ville il y a quelques années. Certains experts occidentauxproposent maintenant le concept de « food urbanism », ou d'urbanisme alimentaire, afin de mettre l'accent sur les liens entrealimentation et urbanisme. Cet article vise à proposer une définition du concept et à fournir des exemples d'application del'approche qui le sous-tend, car elle demeure encore peu connue et reconnue par les professionnels de l’aménagement.

1 POTHUKUCHI K et JL KAUFMAN (2000). « The food system: a stranger to the planning field », Journal of the American Planning Association, 66 (2):113-124.

Figure 1Potentiel de développementde l'agriculture urbaine pour lejardinage sur 613 terrains vacantsde propriété publique dans la villede Québec pour une superficie totalede 339 hectares (De la Cruz Boulianne,Alejandra, Potentiels pour l’agricultureurbaine à Québec : inventaire desopportunités pour l’implantation dejardins de proximité. Essai en designurbain, Université Laval, 2014)

Le concept d'urbanisme alimentairerenvoie, pour une part, à un sous-champdisciplinaire qui s'intéresse à l'espaceurbain sous l'angle de la sécuritéalimentaire, de la santé publique, del'équité sociale et de l'environnement.Les réflexions autour de l’urbanisme ali-mentaire sont ancrées dans les théoriesassociées au développement durable età la résilience des villes. Elles pren-nent le parti-pris de l'approvision-nement de proximité en réactionau découplage production agricole/consommation alimentaire qui a suivila Révolution industrielle dans les villeseuropéennes et américaines. En tantque champ professionnel en émergence,

» MANON BOULIANNE» CAROLE DESPRÉS

l'urbanisme alimentaire est concerné parl'aménagement d'espaces urbains favo-risant la production d’aliments sainsrendus accessibles à l'ensemble descitadins, tout autant que par la dimi-nution des îlots de chaleur et desémissions de GES et l’amélioration despaysages urbains et des milieux de vie(voir la figure 1).

Pourquoi s’intéresser àl’urbanisme alimentaire?Ces dernières années, l’approvisionne-ment des villes en denrées alimentairesde proximité est devenu un enjeu à con-sidérer dans les efforts de planificationou de requalification des territoiresmétropolitains. Jusqu’à tout récemment,les questions ayant trait à l’alimentation

Page 46: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

Figure 2

dossier

étaient pratiquement absentes enurbanisme, l’usage du sol, le transport, lelogement et, plus récemment, l’environ-nement occupant toute la place1.Pourtant, l’approvisionnement et lespratiques alimentaires entraînent desexigences auxquelles tous les individus,en tant que « mangeurs », ainsi que lesdistributeurs et les producteurs con-cernés doivent répondre chaque jour.En effet, la ville est à la fois un lieu oùl’on mange, où l’on achète des alimentset où l’on produit de la nourriture.

Dans une perspective d’aménagementurbain où l’on cherche à réduire lesinégalités sociales, et au même titre, àrendre le transport et le logementaccessibles à tous, l’approvisionnementalimentaire devient un enjeu tout aussiimportant que d’autres pour les gou-vernements municipaux. À cet effet, enfévrier 2009, le ministère des Affairesmunicipales et de l’Occupation duterritoire (MAMOT) du Québec publiaitun document de veille proposant une

réflexion sur la place de l’agricultureurbaine dans l’urbanisme2.

La contribution des urbanistes,designers urbains et architectesSi plusieurs chercheurs et activistesvisent à faire connaître le potentiel deproduction alimentaire de l’espaceurbain que les significations typique-ment associées à la ville tendent àocculter, les architectes et les designersurbains s’intéressent davantage auxdéfis que posent les systèmes alimen-taires en lien avec l’aménagement desterritoires urbains. L’approche du nouvelurbanisme (New Urbanism), par exem-ple, intègre depuis quelques années lanotion d’« urbanisme agricole » (agricul-tural urbanism)3. Elle accorde une placede choix à l’agriculture comme activitélégitime à considérer dans un espaceurbain mixte.

De nouvelles visions mises de l’avantpar des consortiums intersectorielsd’agronomes, d’ingénieurs, d’urbanisteset de designers ont aussi vu le jour. Elles

préconisent des approches visant à lafois à développer l’agriculture intra etpériurbaine, à conscientiser les « man-geurs » et à développer des pratiqueset politiques d’aménagement sensiblesà ces questions.

L’ouvrage européen La ville qui mange4

est exemplaire en ce sens (voir lesfigures 2 et 3). Les auteurs mettent del'avant dix principes à articuler dansune politique alimentaire durable, dontle premier est de faire de l'alimentationdurable un droit, un enjeu essentiel despolitiques de santé, de consommationet d'aménagement du territoire duXXIe siècle. « Il faut construire une éthiquedes politiques alimentaires comme on aencadré la médecine avec des loisbioéthiques »5. D'autres principes ont traitau rôle des collectivités urbaines dansl'aménagement, notamment celui où« penser et manger local doivent être lesmaîtres mots de la nouvelle gouvernancealimentaire (…) et d'une "reterritoriali-sation" [des] modes de production et de

2 BOUCHER, Isabelle (2009). D’agriculture urbaine à urbanisme agricole : une participation au développement durable, une contribution à la production alimentaire. Document de veille, ministère desAffaires municipales et de l’Occupation du territoire du Québec. [En ligne ] : www.mamrot.gouv.qc.ca/pub/observatoire_municipal/veille/agriculture_urbaine.pdf

3 DE LA SALLE J. et M. HOLLAND (éd.) (2010). Agricultural Urbanism: Handbook for Building Sustainable Food Systems in 21st Century Cities. Green Frigate Books; DUANY A., PLATER-ZYBERK E. (2009).Agricultural Urbanism, [en ligne] : www.lindroth.cc/pdf/QuickReadAgf.pdf; DUANY A. (2009) Agricultural Urbanism. Houston Tomorrow’s Distinguished, [en ligne] : www.houstontomorrow.org/uploads/Duany10-30-09.pdf.

4 KRAUSZ N. et al. (2013). La ville qui mange : pour une gouvernance urbaine de notre alimentation. Paris, Éditions Charles Leopold Mayer.5 Ibid., p.155.

46 URBANITÉ | HIVER 2016

La production alimentaire comme vecteur de conception d’un nouveau quartier résidentiel à St-Rédempteur (Concepteurs: Sandrine Dufresne-Aubertin, Audrey Gagnon, OlivierLalancette et Marie-Joëlle Tétreault, Laboratoire de design urbain, 2e cycle, Université Laval, automne 2013)

Page 47: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

URBANITÉ | HIVER 2016 47

dossier

consommation »6. Un autre principepréconise un métabolisme en boucle – laville comme écosystème – pour mini-miser les flux d'énergie à dépenser ettransformer les déchets en ressources.D’autres principes renvoient à la réor-ganisation des filières de production etde consommation, ces dernières étant àreconstruire différemment dans le cadred'une gouvernance centrée sur l'alimen-tation durable. En lien avec la santé, undernier principe suggère d’inciter aurecours à des aliments frais et sainsprovenant de filières courtes durables enmontrant leurs avantages sur les produitsissus de l'industrie agroalimentaireartificialisés, brevetés et emballés dansdes formats standardisés.

Un autre exemple intéressant est celuidu Food Urbanism Initiative, un projetfinancé par le Fonds national suisse dela recherche scientifique. Cette initia-tive a pris la ville de Lausanne commelaboratoire avec pour objectif d’intégrerla production alimentaire dans la plani-fication et le design urbain. Elle cher-chait à montrer que « des stratégies

urbaines qui intègrent des systèmes deproduction alimentaire à une réflexionarchitecturale et urbanistique peuventapporter à la ville une nouvelle qualitésous l’angle de la cohésion sociale, dela durabilité environnementale et dela qualité du cadre de vie; ceci sansnégliger les aspects de viabilité écono-mique »7. Le projet était centré sur laproduction d'aliments en milieu urbain.Après un diagnostic la première annéedu projet qui a permis de recenserles potentialités (Urban Mapping), desexpériences et des prototypes d’amé-nagement ont été mis en place etévalués. Un site Web présente de nom-breuses idées permettant la productionalimentaire dans différents sous-milieux urbains (parcs, habitats privéset collectifs, bords de route et dechemins de fer, friches, etc.). Le conceptde Food Urbanism permet une « visionintégrée des relations entre agriculture,architecture et pratiques citadines ». Ilintègre dans des équipes de recherchedes professionnels et des universitairesqui analysent le rapport entre les milieux

de vie, la production alimentaire et laconception et la planification urbaines.8

Au-delà de l’agriculture urbaine,de nouveaux défisAu-delà de la planification et de l’amé-nagement d'espaces de productionagricole en milieu urbain, l'urbanismealimentaire doit, plus largement, intégrerles flux impliqués dans l'approvision-nement des villes. Il est en effet naïf depenser que l’agriculture urbaine peutproduire l'entièreté de ce que mangentles citadins. Une véritable alimentationde proximité nécessite de combinerdes pratiques d’agriculture urbainemarchande et d'autoproduction à descircuits courts urbains-ruraux. Le défi estainsi de réarticuler de manière durableles différentes composantes du systèmealimentaire de la ville, de la productionà la gestion des déchets, en passant parla transformation, la distribution, la miseen marché et la consommation.

Ces aspects sont beaucoup moinsétudiés en urbanisme alimentaire etméritent d’être abordés. En ce sens,

Figure 3

6 Ibid., p.165.7 VERZONE C. et J.P. DIND (2011). « De l’agriculture urbaine au Food Urbanism : état des lieux et perspectives pour la Suisse », Urbia (12) : 153.8 Ibid., p.137.

La production alimentaire comme vecteur de conceptiond’un nouveau quartier résidentiel à St-Rédempteur

(Concepteurs: Sandrine Dufresne-Aubertin, Audrey Gagnon,Olivier Lalancette et Marie-Joëlle Tétreault, Laboratoire de

design urbain, 2e cycle, Université Laval, automne 2013)

Page 48: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

l’Organisation des Nations Unies pourl’alimentation et l’agriculture (FAO), encollaboration avec le Bartlett Develop-ment Planning Unit (DPU) de l’UniversityCollege London, vient justement delancer un appel à contributions dans lecadre d’un projet d’ouvrage intituléIntegrating food into urban planning.9

Ils cherchent à combler un déficitflagrant d’ouvrages de référence en lamatière. Enfin, si ces dernières annéesont permis d’innover dans la manièrede penser les lieux de productionagricole en milieu urbain, de nouvellesformes de « carrefours alimentaires »(food hubs) répondant aux enjeuxassociés à l'alimentation, du côté desproducteurs comme des mangeurs, sont àinventer (voir la figure 4). De beaux défispour les urbanistes et les designers!

Manon Boulianne est professeure d’anthropologie à l’UniversitéLaval. Elle est membre du Groupe interdisciplinaire derecherche sur les banlieues et du réseau québécois VillesRégions Monde. Carole Després est professeure d’architectureà l’Université Laval et cofondatrice du Groupe interdisciplinairede recherche sur les banlieues. Elle est aussi membre duréseau québécois Villes Régions Monde.

dossier

Figure 4

9 Les projets de chapitres sont recevables jusqu’au 30 novembre 2015. Pour voir l’appel à contributions : www.fao.org/fileadmin/templates/ags/docs/MUFN/Call_for_contribution_Integrating_food_into_urban_planning_02.pdf.

Une épicerie-santéau coeur d’un nouveau

voisinage sur le sitede la Pointe-aux-Lièvres

à Québec (Conceptrices:Véronique Beaucage, Hélène

Caron, Marie-Pier Plamondonet Noémie Roy, Atelier

de Programmation et design,2e cycle, Université Laval,

automne 2013)

Pour en savoir plusOutre les ouvrages et articles cités dans le présent article, les lecteurs voudront biense référer à l’ouvrage collectif dirigé par André VILJOEN (2005), ContinuousProductive Urban Landscapes: Designing Urban Agriculture for Sustainable Cities, età un plus récent ouvrage du même auteur, cosigné avec Katrin BOHN (2014), SecondNature Urban Agriculture: Designing Productive Cities. Ces ouvrages sont centréssur le design d'espaces productifs et de paysages comestibles en milieu urbain.Voir aussi le site Web Carrot City : Designing for Urban Agriculture(www.ryerson.ca/carrotcity), une initiative de recherche de l’Université Ryerson àToronto; ce site répertorie des initiatives qui illustrent comment le design peutsoutenir la production alimentaire dans les villes. Pour une initiative pionnière auQuébec, voir : Vikram BHATT (2005). EL 1: Making the Edible Landscape. Montréal:Minimum Cost Housing Group, School of Architecture, McGill University, [en ligne] :www.mcgill.ca/mchg/pastproject/edible-landscape.Sur les enjeux métropolitains, on pourra consulter : ANGOTTI T. (2009), « UrbanPlanning for Food Security: Reinventing City and Countryside with Jane Jacobs ».Plan Canada, été 2009, 55-57; BEATLY T. (2009), Ever Green: From Turfgrass toTomatillos. Planning, 75 (8): 50-51; BRAND C. et S. BONNEFOY (2011), « L’alimenta-tion des sociétés urbaines : une cure de jouvence pour l’agriculture des territoiresmétropolitains? », VertigO, la revue électronique en sciences de l'environnement,11(2), [en ligne], vertigo.revues.org/11199; FLORES H. (2006) Food Not Lawns.Chelsea Green Publishing; FRANCK K.A. (2005), « The city as dining room, marketand farm », Architectural Design, 75 (3): 5-10; HAEG F. (2008), Edible Estates: Attackon the Front Lawn. Metropolis Books; KOC M. et al (1999) Armer les villes contrela faim : systèmes alimentaires urbains durables. Ottawa, CRDI; POTHUKUCHI K.(2009) « Community and regional food planning: Building institutional support in theUnited States », International Planning Studies, 14 (4): 349-367; STEEL C (2009),Hungry city. How food shapes our lives. Londres, Chatto & Windus.

48 URBANITÉ | HIVER 2016

Page 49: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

en pratique

URBANITÉ | HIVER 2016 49

1 Elle s’intitulait alors la Loi sur la protection du territoire agricole.2 L’exclusion d’un lot a pour effet de le soustraire de la zone agricole, faisant perdre à la CPTAQ toute compétence à son égard.3 Les premières orientations gouvernementales ont été adoptées en 1994 et ont par la suite été précisées en matière de protection du territoire agricole en 2001 et 2005.4 Un cadre de référence a été adopté en 2001 et modifié en 2011.5 Le PMAD de la CMM est entré en vigueur le 12 mars 2012 et celui de la CMQ le 15 juin 2012.6 Art. 67 LPTAA

Les choses se corsent cependantlorsque ces entités sont ceinturées parla zone agricole permanente, tellequ’instaurée par la Loi sur la protectiondu territoire et des activités agricoles(LPTAA). Pour celles qui, de surcroît,sont situées sur le territoire de la com-munauté métropolitaine de Montréal(CMM) ou de la communauté métropo-litaine de Québec (CMQ), la situation secomplique davantage.

Le présent article vise à dresser les gran-des lignes des enjeux auxquels font faceces municipalités ainsi qu’à mettreen perspective certaines tendancesobservées dans le cadre de demandesd’exclusion de la zone agricole.

La LPTAA est entrée en vigueur en19781. Elle a été suivie peu de tempsaprès par la Loi sur l’aménagement etl’urbanisme. Ces deux lois ont cheminéen parallèle et malgré toutes lestentatives d’harmonisation, il existeencore certains points de friction. LaLPTAA, tel qu’indiqué à son article 1.1 :

« a pour objet d’assurer la pérennitéd’une base territoriale pour la pra-tique de l’agriculture et de favo-riser, dans une perspective de déve-loppement durable, la protection etle développement des activités desentreprises agricoles dans leszones agricoles dont il prévoitl’établissement ».

Le législateur a confié à la Commissionde protection du territoire agricole duQuébec (CPTAQ) la responsabilitéd’assurer cette mission. C’est donc àcet organisme provincial que sera

adressée toute demande d’exclusion2

de la zone agricole.

La préparation d’une telle demandeest, dans les faits, l’aboutissementd’une longue planification et d’unprocessus de consultation des diversintervenants compétents en matièred’aménagement.

Les intervenantsLe ministère des Affaires municipales etde l’Occupation du territoire (MAMOT),par ses orientations 3 gouvernementales,est évidemment le premier intervenanten matière d’aménagement du territoire.Il a en effet publié des orientationsdevant être prises en compte par lesMRC, particulièrement dans le cadredes travaux portant sur leur schémad’aménagement et de développement.C’est donc par cet outil d’aménagementque le MAMOT énonce ses préoccupa-tions, informe, formule ses attentes ets’assure d’une certaine uniformité dansla planification québécoise de l’urbani-sation. Des orientations ont été égale-ment adoptées afin de servir de cadre deréférence aux communautés en vue del’élaboration de leur Plan métropolitaind’aménagement et de développement(PMAD)4.

Dans un deuxième temps, les commu-nautés métropolitaines ont adopté unPMAD visant un territoire regroupantplusieurs MRC5. Ces plans permettentune vision globale du développement àl’échelle des régions métropolitainesde Montréal et de Québec. Depuisl’entrée en vigueur des PMAD, toutedemande d’exclusion de la zone agri-cole doit prendre en considération lesorientations métropolitaines et obtenirl’aval des communautés.

Au niveau régional, la MRC, par l’adop-tion de son schéma d’aménagement etde développement, planifie l’aménage-ment de son territoire, notamment desaires d’expansion urbaines, soit lesendroits où elle envisage d’étendre sonurbanisation, dans une perspective àmoyen et à long terme.

Finalement, la municipalité locale adoptedes règlements d’urbanisme veillant àl’aménagement optimal de son territoireà l’intérieur des paramètres définis auschéma d’aménagement de la MRC.

Le processusAvec autant d’intervenants, le processusvisant l’exclusion d’un lot de la zone agri-cole est relativement long et complexe.

Une municipalité locale, une MRC ou unecommunauté peut agir comme deman-deur dans le cadre d’une demanded’exclusion. Une municipalité locale nepeut toutefois agir sans avoir l’appui dela MRC, sous peine d’irrecevabilité.

La conformité du projet d’exclusion auschéma d’aménagement de la MRC et auPMAD de la communauté, lorsqu’appli-cable, est requise. Cette conformité peuts’obtenir à deux moments selon laLPTAA. Idéalement, l’exclusion est déjàprévue au schéma d’aménagement et auPMAD au moment du dépôt de lademande. Si tel n’est pas le cas et qu’unemodification est requise pour donnereffet à l’exclusion, cette modification auschéma et au PMAD peut se faire dansun délai de deux ans, à compter dela décision prononçant l’exclusion6. Or,la MRC pourra indiquer, au moment dudépôt de la demande, son engagement àprocéder aux modifications requises, unefois l’exclusion prononcée. Rappelons

En ces temps d’austérité, les finances représentent un défi colossal pour bon nombre de municipalités du Québec. Pour certainesd’entre elles, leur développement économique stagne en raison d’une pénurie de terrains à vocation résidentielle ou commerciale.Dans de telles circonstances, elles cherchent à étendre leur périmètre d’urbanisation afin d’ouvrir de nouveaux axes de développement.

GRANDES LIGNES ET TENDANCES

Demande d’exclusion en zone agricole

» Me FRANÇOIS MONTFILS

Page 50: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

en pratique

que la modification du schéma est assu-jettie à l’approbation du MAMOT, ce quipourrait empêcher la mise en exécutionde l’exclusion obtenue. L’objectif estcertainement d’éviter un retour à la casedépart, ce qui pourrait survenir dans lamesure où le ministre refuserait la modi-fication proposée au schéma, et ce,malgré la décision favorable de la CPTAQ.

Signalons la situation particulière duPMAD de la CMM qui prévoit que sonpérimètre d’urbanisation correspondprécisément au périmètre d’urbanisa-tion actuel des MRC situées sur sonterritoire. Ainsi, tout projet d’exclusionsouhaité par une MRC ou une munici-palité implique nécessairement unedemande d’extension du périmètremétropolitain. Une procédure similaireà la demande d’exclusion est prévue auPMAD. La prudence requiert évidem-ment d’obtenir une confirmation de lacommunauté avant de s’adresser à laCPTAQ, et ce, même si une tellemodification du périmètre d’urbanisa-tion du PMAD de la communauté peutse faire dans les deux ans suivant unedemande d’exclusion, comme indiquéci-dessus, pour toute modification auschéma d’aménagement.

Les critères applicablesUne fois ce consensus obtenu ouassuré, une demande pourra être logéeà la CPTAQ. Cette dernière aura la tâchede rendre une décision tenant compte deplusieurs critères et dont l’enjeu estsouvent le développement économiquede la municipalité. La Commission a ladélicate tâche d’appliquer avec circons-pection de nombreux critères, de procé-

der à leur pondération et de trouverun juste équilibre entre le développe-ment économique et la protection dessols aux fins d’agriculture.

La municipalité ou la MRC qui déposeune demande d’exclusion doit, dans unpremier temps, démontrer qu’elle nepeut combler ses besoins à même sazone non agricole. Autrement dit, elledoit faire la démonstration qu’elle acomblé en totalité ou sinon en grandepartie, sa zone non agricole.

Par la suite, elle doit faire la démons-tration du besoin, d’une part quant àsa nature et d’autre part quant à lasuperficie requise. La CPTAQ réduit defaçon régulière la superficie des besoinsexprimés par les instances municipales.En fait, la Commission travaille toujoursà réduire le plus possible l’impact sur lazone agricole et elle analyse avecénormément de rigueur les superficiesfaisant l’objet de la demande.

Ensuite, l’instance municipale doitdémontrer que le site choisi est un sitede moindre impact. Autrement dit, unefois que le besoin est démontré et qu’ilfaille aller en zone agricole, la démons-tration doit être faite que parmi lesdifférents scénarios possibles, l’ins-tance municipale a retenu le site demoindre impact sur les activitésagricoles. À ce titre, il y a une nettedistinction entre le fait de combler unespace enclavé et l’ouverture d’unnouvel axe de développement.

Finalement, le demandeur devra fournirune étude d’impact du projet en regarddes activités agricoles présentes dans

le milieu concerné. À ce sujet, nousnotons une tendance de la Commissionà refuser de prononcer une exclusionafin d’éviter l’avancement du périmètred’urbanisation et conséquemment,l’application de distances séparatricespouvant limiter l’accroissement oul’implantation de bâtiments d’élevaged’animaux. Dans plusieurs décisionsrécentes, la Commission autorise desusages autres qu’agricoles plutôt que deprocéder à l’exclusion pure et simple.

Cet arbitrage des différents intérêts etenjeux économiques est de la compé-tence exclusive de la CPTAQ et c’estdevant elle que se dérouleront les repré-sentations des différentes parties inté-ressées. Soulignons que l’Union des pro-ducteurs agricoles est une partie inté-ressée pouvant effectuer des représenta-tions au sujet d’une demande d’exclusion.

Pour l’équilibre et l’obtentiond’un consensusÉtant donné le nombre d’acteurs, de loiset de règlements impliqués, et l’impor-tance des enjeux, toute demanded’exclusion mérite une planificationsoignée, beaucoup de patience et uneouverture à la modifier en cours deroute, et ce, afin de trouver le meilleuréquilibre entre le développementéconomique des municipalités et laprotection du territoire agricole, et parvoie de conséquence, la souverainetéalimentaire du Québec. Tout ceprocessus doit viser l’obtention d’unconsensus, ce qui, nous l’admettons,n’est pas chose facile vu la diversitédes intérêts et missions en cause.

Me François Montfils, avocat au cabinet Therrien Couture

L’Ordre des urbanistesdu Québec estsur Facebook!

www.facebook.com/pages/Ordre-des-urbanistes-du-Québec/666855766761080wwwww.ffafacecebbo kok c.comom/p/pagageses/OO/O drdrdrere d-deses u-urbrbananisistetess-dudu Q-Q éuébebec/c/666685576676108

Pour avoir des nouvelles du monde de l’urbanisme,joignez-vous à la page Facebook de l’Ordre

50 URBANITÉ | HIVER 2016

Page 51: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

chronique juridique

URBANITÉ | HIVER 2016 51

Nous verrons, dans le présent texte,quelles furent les réponses destribunaux (et du législateur) sur cesdeux fronts.

La compensationOn se souviendra que la Cour supé-rieure avait accueilli la contestationdes demandeurs – exploitants d’unecannebergière – qui contestaientnotamment le pouvoir du ministre del’Environnement d’exiger une « com-pensation » en échange de la délivranced’un certificat d’autorisation en applica-tion de l’article 22 L.Q.E. pour uneintervention dans un milieu humide. Seralliant aux arguments des demandeurs,la Cour supérieure se montre d’avis quele ministre ne pouvait demander unecompensation (en numéraire ou enterrains) en échange d’un certificatd’autorisation sans une disposition

claire, dans la loi, lui permettant deformuler une telle exigence :

« [146] Le tribunal voit mal com-ment le ministre, par la voie deson représentant, peut obliger etcontraindre la requérante à cetteopération "bancaire"3 sans assiselégale […]. »4

Du coup, la Cour supérieure annulaitl’ensemble de la directive 06-01 duministère et, par le fait même, la fameuseséquence d’atténuation « éviter, minimi-ser, compenser ». L’affaire fut aussitôtportée en appel et la décision de laCour supérieure sera finalement infir-mée. Il faut cependant préciser quedevant la Cour d’appel, seuls les deuxpremiers volets de la séquence d’atté-nuation, soit « éviter » et « minimiser »,étaient en jeu, puisqu’entre-temps, legouvernement du Québec avait adoptéune loi particulière, la Loi concernant

des mesures de compensation pour laréalisation de projets affectant unmilieu humide ou hydrique (L.Q. 2012,c. 14; ci-après la « Loi sur les milieuxhumides »), pour octroyer au ministrede l’Environnement le pouvoir claird’exiger des compensations.

Pour le juge Bouchard – qui rend lejugement majoritaire en Cour d’appel –non seulement la directive estconforme au pouvoir discrétionnaireaccordé au ministre en vertu dudeuxième alinéa de l'article 22 L.Q.E.,

« […], mais elle est inhérente à sadiscrétion dans le sens où lesvolets "Éviter" et "Minimiser" peu-vent être pris en compte par cedernier, dans un cas donné, mêmeen l'absence de la directive. N'estdonc pas illégal le fait pour leMinistre d'exiger d'un promo-teur 1°) qu'il justifie l'impossibilité

Protection des milieux humides, le point

» Me JEAN-FRANÇOIS GIRARD

La protection des milieux humides aura fait couler beaucoup d’encre ces dernières années, particulièrement depuis le jugement dela Cour supérieure ayant invalidé la Directive no 06 01 du ministère de l’Environnement dans l’affaire Les Atocas de l’érable 2. Enfait, la protection des milieux humides a principalement souffert d’attaques sur deux fronts, soit : le pouvoir du ministre del’Environnement d’exiger une « compensation » en échange de la délivrance d’un certificat d’autorisation et l’imprécision alléguéede l’expression « milieu humide », particulièrement quant à la définition des mots « marais », « marécage » et « tourbière » qui setrouvent au deuxième alinéa de l’article 22 de la Loi sur la qualité de l’environnement (RLRQ, c. Q-2; ci-après « L.Q.E. »).

1 Formellement le ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte aux changements climatiques. Nous référerons cependant au « ministère de l’Environnement » pour faire pluscourt dans le cadre du présent texte.

2 Atocas de l'érable inc. c. Québec (Procureur général) (Ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs), 2012 QCCS 912.3 Mot en italique dans l’original.4 Id., par. 145 à 149.

GUY

PRAC

ROS

Page 52: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

chronique juridique

52 URBANITÉ | HIVER 2016

de réaliser son projet ailleurs quedans un milieu humide et 2°) qu'ilen minimise les impacts sur leplan environnemental si son projetdoit néanmoins se faire dans unpareil endroit. »5

Cela étant, comme nous venons de lementionner, le législateur n’avait pasattendu la décision de la Cour d’appelpour établir formellement le pouvoirdu ministre à demander une compen-sation pour les interventions autoriséesdans les milieux humides. Ainsi, la Loisur les milieux humides fut sanctionnéele 23 avril 2012, soit moins de troismois après le jugement de la Coursupérieure. En agissant aussi rapide-ment, il est manifeste que le gouverne-ment d’alors cherchait à éviter lespoursuites en dommages de la part detous les promoteurs qui avaient dûverser une compensation avant lejugement dans l’affaire Les Atocas del’érable, compensation que la Coursupérieure avait donc jugé illégale.

Aussi, la Loi sur les milieux humidescomporte deux objets principaux :

1) octroyer au ministre le pouvoird’exiger une compensation lorsqu’ilpermet une intervention dans unmilieu humide ou hydrique etpréciser qu’une mesure de compen-sation ne donne lieu à aucuneindemnité (art. 2);

2) valider, ex post facto, toutes lescompensations faites avant le12 mars 2012, soit la date dujugement de la Cour supérieure dansLes Atocas de l’érable (art. 3).

Et voilà donc réhabilité le pouvoir duministre de demander une compen-sation dans le cadre de la délivranced’un certificat d’autorisation pour uneintervention dans un milieu humide.

L’imprécision à propos del’expression « milieu humide »À plus d’une reprise, nos tribunaux ontété appelés à se pencher sur la notionde « milieu humide », notamment enfaisant l’analyse des mots utilisés àl’article 22 L.Q.E., soit les mots « marais »,« marécage » et « tourbière ».

Il est vrai, en effet, que le deuxièmealinéa de l’article 22 L.Q.E. ne traitepas, expressément, de « milieux humi-des », mais il réfère plutôt aux marais,aux marécages ou aux tourbières. Or, sion comprend que ces types de milieuxsont des milieux humides, en théorie,comment savoir que l’on est enprésence d’un marais, d’un marécageou d’une tourbière une fois rendu « surle terrain »?

C’est ainsi que, dans l’affaire Brais c.Québec (Procureur général)6, la Courd’appel devait répondre à l’épineusequestion suivante : quelle est la signi-fication du mot « tourbière », au sens dudeuxième alinéa de l’article 22 L.Q.E.?L’appelant reprochait alors au juge depremière instance « d’avoir erronémentdonné au mot "tourbière" un sens diffé-rent de celui qu’imposaient les règlespertinentes d’interprétation des lois »7.Ainsi, de l’avis de l’appelant, le juge depremière instance n’aurait pas dû s’enremettre à l’expertise d’un biologistepour déterminer si l’on se trouvait enprésence d’un milieu humide, enl’occurrence une tourbière, puisque la loidoit être comprise par tout un chacun ense référant uniquement au sensordinaire des mots dans l’usage courant.

À cela, la Cour d’appel répond :

« [7] On constate en premier lieuque la LQE ne contient aucunedéfinition du mot "tourbière". Ils’ensuit nécessairement qu’on doitlui donner son sens ordinaire dansl’usage courant et que tout diction-naire usuel peut, a priori, servir àexpliciter ce sens. »

Elle ajoute ensuite :

« [10] La façon dont le juge résoutla difficulté d’interprétation queprésente l’article 22 de la LQEne comporte strictement rien d’er-roné. Ce n'est pas parce que ladéfinition sur laquelle se fonde lejugement provient de la sugges-tion faite par un biologiste citécomme témoin expert qu'elle com-porte par le fait même des termessusceptibles de dépasser l’entende-ment d’un citoyen moyen. Qui plus

est, les définitions proposées parl'appelant sont très similaires à celleretenue par le juge. »8

En fait, la position de la Cour d’appeldans l’arrêt Brais nous apparaît emprein-te de sagesse. Bien sûr, l’identification etla délimitation des milieux humides nesont pas à la portée du premier venu et ilpeut être préférable de laisser des pro-fessionnels compétents faire ce travail.

C’est d’ailleurs ce que devait réitérer laCour supérieure dans la récente affaireSociété en commandite investissementsRichmond 9, alors que l’enjeu du dossierportait sur la définition des mots« marais » et « marécage » du deuxièmealinéa de l’article 22 L.Q.E..

Malgré le fait que la demanderesse aitproduit un rapport d’expert préparé pardes biologistes à propos de la présencede marais ou marécage sur le siteconcerné, celles-ci ont témoigné avoirfait leur analyse chaussées des« lunettes de Mme Tout-le-monde »(par. 45), puisque la Loi devrait êtrecomprise par tout citoyen « ordinaire ».À propos de cette approche, le jugeMichel Yergeau est lapidaire. Il écrit :

« [69] Qu’une biologiste réputée,comptant presque 40 ans d’expé-rience de terrain, signe un rapportdont le titre débute par le motIdentification10 des marais ou maré-cages tout en faisant fi des règles del’art, qu’elle connaît pourtant,discrédite l’ensemble de l’expertisesouscrite ici. De fait, Mme Béland nepeut se réclamer du statut d’expertedevant le Tribunal pour ensuitechausser les lunettes de Mme Tout-le-monde et soutenir la thèse queveulent entendre ses clientes. Cefaisant, elle sait très bien qu’elles’écarte des règles académiques etqu’elle fait preuve de complaisance.[Nous soulignons.] Elle produit doncdu même coup le contraire d’unrapport d’expert. Ce travail estinutile pour déterminer le sens usueldes mots qu’utilise la Loi. »

Quant à l’argument portant surl’utilisation du sens courant des mots,le juge statue :

5 Québec (Procureur général) c. Atocas de l'érable inc., EYB 2013-228029 (C.A.), par. 83.6 2013 QCCA 858.7 Id., par. 6.8 Id., par. 10.9 Société en commandite Investissements Richmond c. Québec (Procureure générale) (Ministère du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques), 2015

QCCS 313; en appel.10 Mot en italique dans l’original.

Page 53: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

« [77] Ce qui amène le Tribunal àconclure que l’argument desdemanderesses, qui veut que lesens courant des mots marais etmarécage réfère à ce que lecommun des mortels en comprend,ne résiste pas à l’analyse. »11

Également, faisant écho aux propos dujuge Bouchard de la Cour d’appel dansl’affaire Les Atocas de l’érable, le jugeYergeau ajoute à propos du recours auxpolitiques, guides ou directives par lesautorités du ministère :

« [82] Or, il est acquis depuis long-temps, sans qu’il soit requis d’yrevenir, que l’adoption de politi-ques, de guides ou de directivespour faciliter l’application des loisest parfaitement adaptée aux réali-tés actuelles. Ces documents per-mettent à la fois de baliser le pou-voir discrétionnaire d’un ministre etde permettre aux justiciables demieux connaître la façon dont lesdemandes seront traitées par lespouvoirs publics.

[83] Ce que le Dr Lachance décritde l’usage qui est fait des guides dedélimitation des milieux humidesne contrevient en rien à la Loi et àce qui est attendu du Ministre dansl’exercice de sa discrétion. »12

Et le juge Yergeau de conclure :

« [89] La LQE a été modifiée en1988 pour assurer la sauvegardedes milieux humides. Ce choix dulégislateur, parfaitement légitimedans un contexte de sauvegardede la dynamique et de la com-plexité de l’écologie des milieuxnaturels, commande de donnerleur sens à chaque mot pour obte-nir l’effet recherché. Invoquerl’absence de connaissances tech-niques de celui qui entend fairedes travaux dans un marais, unmarécage ou une tourbière n’estpas un motif pour se soustraire àce que la Loi exige. L’emploi desmots marais, marécage, tourbièrene souffre d’aucune ambiguïté. »13

[Nous soulignons]

Nous ne saurions si bien dire!

Aussi, nous sommes d’avis que lesdécisions des dernières années de nostribunaux, en plus des interventionsponctuelles du législateur, soulignentl’importance qu’il faut accorder à laprotection des milieux humides etl’urgence d’agir de façon cohérente etconcertée en ce domaine. En cela,comme nous avons eu l’occasion de lementionner à plusieurs reprises, les

municipalités jouent un rôle crucial etincontournable, ne serait-ce qu’enraison de leur responsabilité en matièred’aménagement de leur territoire. C’estpourquoi nous pensons qu’elles doiventintervenir davantage en faveur d’undéveloppement véritablement durablede leur territoire.

En cela, nous trouvons utile de rappelerles propos de la Cour d’appel dansl’affaire Wallot :

« La protection de la qualité del'environnement sous toutes sesformes est certes une responsa-bilité collective, mais, à l'évidence,l'autorité publique est appelée àjouer un rôle déterminent (sic) etincitatif en ce domaine. On peutdonc prétendre aisément que lesmunicipalités du Québec n'échap-pent pas à cette responsabilitégrandissante. »14 [Nous soulignons]

Tout à fait!

Me Jean-François Girard, avocat, est spécialisé en droit de

l’environnement et en droit municipal chez Dufresne Hébert

Comeau. Il est aussi administrateur du Centre québécois

du droit de l’environnement.

11 Id., par. 77.12 Id., par. 82 et 83.13 Id., par. 89.14 Wallot c. Québec (Ville de), EYB 2011-192104 (C.A.), par. 28.

RAIN

ERPL

ENDL

chronique juridique

URBANITÉ | HIVER 2016 53

Page 54: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

regard sur le passé

54 URBANITÉ | HIVER 2016

1 Cette cause, Village of Euclid v Amber Realty, est à l’origine de l’appellation « zonage euclidien » souvent utilisée pour désigner ce type de réglementation fondée sur une hiérarchie d’usages.2 Hills, Roderick M. & David Schleicher. « The Steep Costs of Using Noncumulative Zoning to Preserve Land for Urban Manufacturing » The University of Chicago Law Review, vol. 77 : 1, 2010.3 Pour des rappels historiques plus élaborés, voir : Giroux, Lorne. Aspects juridiques du règlement de zonage au Québec. Presses de l’Université Laval, 1979; Besner, Jacques. « Le zonage à Montréal ».

L’urbaniste, automne 1986, p. 27.

Le type de réglementation appelé« zonage », qui spatialise le contrôlede l’occupation du territoire, est unoutil d’urbanisme universellementreconnu et généralement considérécomme un élément essentiel d’un plandirecteur. Sa pratique a pris diversesformes selon les traditions propres auxterritoires auxquels son applications’est progressivement étendue, suivantles étapes de l’urbanisation. Parmi sesmodalités les plus répandues, onretrouve le caractère mutuellementexclusif des deux grandes fonctionsurbaines que sont l’habitation etl’industrie, dont la compatibilité estjugée limitée.

La tradition nord-américaineen matière de zonageSur ce plan, la tradition nord-américaines’est longtemps démarquée des usageseuropéens. Établie d’abord aux États-Unis au tournant du XXe siècle, dans uncontexte marqué par le respect quasiabsolu de la propriété privée, la régle-mentation des usages du sol était vueavec suspicion et les motifs qui pou-vaient justifier des restrictions étaientlimités surtout à la sécurité des person-nes et à la protection de la propriété.Aussi, les premiers règlements étaientponctuels et visaient des objets trèsparticuliers, plutôt que l’ensemble desusages de secteurs entiers.

On considère généralement la régle-mentation adoptée par la Ville deNew York en 1916 comme le premierzonage de portée générale. L’exemplefut suivi par de nombreuses localités

dans un contexte d’abord marqué parl’incertitude juridique. En 1926, unecause portée devant les tribunaux aconduit à un jugement célèbre quiconfirmait le pouvoir réglementaire desmunicipalités en cette matière1.

La première forme de zonage qui s’estrépandue à partir de ce moment a étéle zonage cumulatif, qui a servi demodèle pendant plusieurs décennies.Après la Seconde Guerre, toutefois, lesbesoins de l’urbanisation à plus grandeéchelle ainsi que la préoccupation deréserver des terrains pour le dévelop-pement industriel, combinés à l’influ-ence des courants internationauxinspirés notamment par La Charted’Athènes, ont contribué à renverser latendance et à promouvoir le zonagebasé sur la ségrégation des fonctions(qu’on a parfois appelé « non cumulatif »par opposition).

La tradition juridique et politique états-unienne est néanmoins restée assezrébarbative à toute planification coer-citive de l’espace. Même si finalementla pratique du zonage s’est à peu prèsgénéralisée chez nos voisins du sud —à l’exception notable de la ville deHouston qui n’a toujours aucun zonage,— celui-ci est encore souvent considérédavantage sous l’angle de la protectionde la propriété plutôt que commeun outil d’urbanisme. Les débats juridi-ques sur sa portée et sa légitimité n’ontd’ailleurs jamais cessé, comme lemontre l’exemple d’un article parurécemment dans une prestigieuserevue de droit, vantant la supérioritédu zonage cumulatif, jugé plus favorable

à l’optimisation des usages du sol dansune logique de marché2.

Bref historique du zonage au QuébecL’évolution des réglementations québé-coises en matière de zonage a suivi unparcours plutôt sinueux3, inspiré sur-tout par l’évolution des pratiques ayantcours outre frontière. C’est ainsi que laformule états-unienne du zonagecumulatif a inspiré les premières régle-mentations qui ont suivi l’attributionprogressive et souvent partielle despouvoirs réglementaires aux différen-tes catégories de municipalités québé-coises pendant la première moitié duXXe siècle. Au début du siècle, Montréalavait déjà le pouvoir de réglementer lesconditions d’occupations sur certainesrues et certains secteurs limités. Mais lapremière législation de portée étendue aété inscrite en 1930 dans le Code muni-cipal pour certaines villes, pour êtreensuite généralisée progressivement, aucours des années 1940 et 1950, dans lesdiverses lois municipales.

À Montréal, les annexions successivesont tout d’abord conduit à juxtaposerdiverses réglementations de quartiers,qui ont ensuite été progressivementconsolidées. Les premiers règlementsportant sur de grands quartiers reflé-taient le courant du zonage permissif etcumulatif. Par la suite, à partir desannées 1960, les conceptions plusrestrictives et ségrégatives ont prévalu,selon lesquelles les grandes fonctions,surtout l’habitation et l’industrie,étaient généralement exclusives aveccertaines adaptations.

Les premières réglementations visant le contrôle de l’utilisation du sol au Québec ont été fortement influencées par la traditiondu zonage dit « cumulatif » importée des États-Unis au cours de la première partie du XXe siècle. Cette forme de réglementationconsidère la maison unifamiliale isolée comme l’occupation idéale qu’on doit protéger des autres usages et formes d’habitat.À l’opposé, l’occupation industrielle, étant susceptible d’occasionner le plus de nuisances, ne doit pas entraîner l’exclusion desautres usages a priori moins nocifs. À l’origine, cette conception hiérarchique faisait obstacle à la mixité sociale, mais elle a favoriséla mixité fonctionnelle des anciens quartiers les plus denses, dont on redécouvre aujourd’hui l’attrait.

MIXITÉ

L’héritage paradoxal du zonage cumulatif

» JACQUES TRUDEL, urbaniste

Page 55: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

regard sur le passé

URBANITÉ | HIVER 2016 55

4 Gouvernement du Québec, Rapport de la commission provinciale d’urbanisme, 1968, [mis en ligne par l’OUQ] : www.ouq.qc.ca/publications/documents-de-reference/la-commission-provinciale-d-urbanisme.5 CHARLES, Réjane. Le zonage : un mort en sursis. PUM, 1974.6 Voir à ce sujet : CARDINAL, Aurèle et Michel Labonté (1975). « Application du système d'Intensité d'Utilisation du Sol à Ville de Laval. » Les Cahiers de droit, Volume 16, numéro 2, p. 381-402 :

id.erudit.org/iderudit/042030ar

JACQ

UES

TRUD

EL

Mixité fonctionnelle, avenue deGaspé dans le quartier du Mile-End.

Dans les années 1960 et 1970, la réac-tion contre les lacunes du zonage telqu’il était pratiqué a pris de l’ampleur,alors que certaines écoles de penséeprédisaient sa disparition, en raisonsurtout de sa rigidité et de l’absence delien avec la planification urbaine. Touten soulignant ces lacunes, un ouvragemarquant de cette époque, sous laplume de la professeure Réjane Blary(alors Réjane Charles), réclamait, dansla foulée du « rapport La Haye4 », uneréforme globale des législations et desstructures de l’urbanisme afin d’assurerl’insertion du zonage dans le processusde planification.

C’est finalement la Loi de l’aménage-ment et de l’urbanisme (LAU) de 1979qui viendra donner suite à ces débats

et réflexions5. Cependant, relativementpeu de discussions ont porté sur lesrésultats des diverses techniques dezonage quant à leur influence sur lamixité des usages comme des typesd’habitation6.

Dans la foulée de la LAU, le zonages’est néanmoins bien maintenu etoccupe aujourd’hui encore une placecentrale comme outil de contrôle del’occupation, tout en étant subordonnéen principe à l’application des plansd’urbanisme. Les anciennes formes dezonage cumulatif ou ségrégatif ont étéremplacées par l’approche contem-poraine basée sur la compatibilité desusages, qui permet de nombreusesvariantes selon les préoccupations etles attitudes particulières des divers

milieux, dans un contexte d’applicationtrès décentralisé. Les techniques baséessur l’intensité d’occupation se sontégalement répandues et les orienta-tions d’aménagement font maintenantdavantage intervenir la densité rési-dentielle comme moyen d’assurer uneurbanisation plus durable et desmilieux diversifiés.

En somme, l’évolution du zonage auQuébec aura donc connu trois grandesétapes : (1) un zonage permissif etcumulatif, produisant une mixité fonc-tionnelle croissant avec l’intensitéd’occupation, tout en protégeant deszones d’habitation de faible densité;(2) un zonage restrictif rétablissant laségrégation des principales fonctionsrendues mutuellement exclusives;

Page 56: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

regard sur le passé

56 URBANITÉ | HIVER 2016

JACQ

UES

TRUD

ELArchitecture résidentielle côtoyant l’industrie,rue Saint-Ambroise à Saint-Henri.

(3) des règles de compatibilité établiesdans le cadre des schémas d’aména-gement et des plans d’urbanisme,pouvant permettre une diversité rési-dentielle et une mixité fonctionnellecontrôlée par des exigences détaillées,tout en maintenant la ségrégation del’industrie lourde et des usages réel-lement incompatibles.

L’effet persistant des anciennesconceptions réglementairesLe domaine bâti, on le sait mais onl’oublie souvent, a une très longue vieet son influence persiste même dansles traditions et les modes de vie au-delà de la durée des bâtiments eux-mêmes. C’est ce qui fait qu’on peutencore percevoir plusieurs conséquen-ces significatives laissées par lesanciennes pratiques un peu partout surle territoire. Ces conséquences dura-bles correspondent notamment auxdeux cas extrêmes dans la séquence duzonage cumulatif : d’une part, le zonageexclusif d’habitation unifamiliale isolée,sommet de la hiérarchie des fonctions,

assorti de règles contraignantes d’occu-pation des terrains, et d’autre part,le zonage multifonctionnel permissifincluant, avec toute forme d’industrie,toutes les autres occupations jugées« meilleures ».

Ces deux formes opposées d’usage du solont occupé et occupent encore desespaces étendus dans les milieuxurbains. D’une part, la maison unifa-miliale isolée, symbole originel del’American way of life protégé par unzonage exclusif, est toujours associée àun « style de vie » qui conserve la pré-férence de très nombreux ménagesfamiliaux, tout en étant la cause premièrede l’étalement urbain dans l’ensemblede l’Amérique du Nord. D’autre part, leszones industrielles multifonctionnellesont longtemps occupé un espaceconséquent dans les quartiers centrauxdes villes, avant d’être progressivementencadrées selon les nouvelles approchesréglementaires, en même temps que seproduisait l’exode industriel vers lapériphérie des grands centres urbains.

Le traitement préférentiel del’habitation unifamiliale isoléePlus encore que la réglementationcomme telle, c’est l’influence persistantedu traitement préférentiel découlant dela doctrine sous-jacente au zonagecumulatif qui a contribué à rendre sirésilientes les zones unifamiliales isoléesexclusives. Même à l’époque des années1970 où l’on a commencé à vouloir ren-verser la vapeur et favoriser une certainedensification résidentielle, les préfé-rences des acheteurs et les conditionsfavorables de financement ont continuéd’orienter les marchés vers ce modèleprestigieux devenu traditionnel. C’estalors que les baby-boomers québécoisont installé massivement leurs famillesen banlieue avec l’appui des politiquespubliques de soutien à l’accession à lapropriété, un phénomène qui s’estmanifesté de façon plus marquée danscertaines agglomérations, dont celle deQuébec7. Les propriétaires établis dansces zones ont toujours conservé un fortattachement à leur caractère exclusif,

Page 57: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

Vous recherchezun urbaniste ?SoyezPercutantVotre offre d’emploi est acheminée individuellement à tousles urbanistes par courrier électronique : uniquement votre offre !

EfficaceFini la lecture de curriculum vitæ de candidatsn’ayant pas les compétences requises.

RapideAucun délai : la transmission par courriel est immédiate.

Serena Hillaert450 227-8414, poste 311866 [email protected]

Visez juste !

regard sur le passé

7 C’est d’ailleurs à Québec que des équipes de chercheurs ont davantage développé l’étude du phénomène des banlieues dans ses manifestations québécoises particulières, notamment au sein du Groupeinterdisciplinaire de recherche sur les banlieues (GIRBa) ; voir entre autres : Fortin, Andrée, Carole Després et Geneviève Vachon (dir.), La banlieue revisitée, Québec, Nota bene, 2002.

8 Notion équivalente à ce qu’on appelle ici le « logement supplémentaire ».9 Voir à ce sujet : TRUDEL, Jacques (2009). « Typologie résidentielle et aménagement au Québec : un effet méconnu de la Loi sur l’habitation familiale. » Urbanité, été 2012, p. 43.

comme le montre notamment la résis-tance à permettre l’aménagement d’un« logement supplémentaire ».

Sortir de ce modèle rigide et le trans-former, comme on cherche à le fairemaintenant, n’est pas une mince tâche.À cet égard, peut-être devrait-on regar-der du côté de la récente législationontarienne qui a rendu obligatoirepartout la possibilité d’aménager une« deuxième unité d’habitation8 » danstout bâtiment résidentiel. La Loi de 2011favorisant des collectivités fortes grâceau logement abordable, modifiant la Loisur l’aménagement du territoire, obligeen effet les municipalités à adapter lesrèglements de zonage en conséquence,à défaut de quoi le ministre peut, parrèglement, autoriser l’utilisation detelles unités et prescrire des exigenceset des normes à leur sujet.

Les zones multifonctionnelles issuesde l’ancien zonage cumulatifAlors que les zones unifamilialess’avèrent de moins en moins adaptéesaux besoins de la société actuelle, il estparadoxal de constater, en sens con-traire, qu’on redécouvre présentementl’attrait et l’intérêt que peuvent repré-senter les anciennes zones multi-fonctionnelles pour la revitalisation desmilieux urbains actuels, dans l’optiquedes nouvelles valeurs de convivialité etd’écologie urbaine.

Il existe à Montréal de nombreux exem-ples de ces zones demeurées de longuedate multifonctionnelles, en bonnepartie en conséquence de zonagescumulatifs et permissifs. On y retrouvede curieux mélanges de formes bâtiesinusitées, allant de petites maisonshors d’âge perdues au milieu d’envi-ronnements plus ou moins hostiles,jusqu’à de grandes structures de loftsindustriels en voie de transformationfonctionnelle, sur des rues où secôtoient maintenant des immeublesrésidentiels de forte densité.

De tels exemples se retrouvent surtoutdans les anciens quartiers industrielsurbains établis originellement près desaxes de transport qui les alimentaient :canal de Lachine et épine ferroviaire duCentre Est, entre autres, soit notam-ment les quartiers actuels du Sud-Ouest, du Mile-End et d’Hochelaga-Maisonneuve. Le zonage cumulatif a,bien sûr, été remplacé par une régle-mentation sophistiquée basée sur desrègles de compatibilité assurant unemixité étroitement contrôlée, mais on alaissé place à une flexibilité formellequi, à plusieurs endroits, a pu créerl’occasion d’une architecture résiden-tielle particulièrement innovatrice.

Un examen à poursuivrePour apprécier l’ensemble de l’héritagelaissé par les anciens zonages, il yaurait lieu de s’intéresser aussi aux

zones intermédiaires entre les casextrêmes mentionnés. À cet égard, onpeut dire que la mixité résultante sur leplan des types d’habitation et del’insertion commerciale a été favorableà la convivialité urbaine. Elle a aussisoutenu le développement et le main-tien d’une typologie résidentielle quidistingue toujours le Québec par uneprésence plus forte qu’ailleurs des den-sités intermédiaires, malgré l’engoue-ment épisodique pour la maison unifa-miliale qui a culminé dans les années1960 et 19709.

Établir l’historique de la réglemen-tation en matière d’occupation du solest une tâche assez laborieuse, comptetenu de la succession ininterrompuedes formes de réglementations et desmultiples amendements qu’on leur aapportés, mais il peut nous fairedécouvrir l’explication de nombreusessituations qui ont subsisté dans lesmilieux bâtis, ce qui permet de mieuxcomprendre l’origine des caractèresmorphologiques particuliers des villesquébécoises actuelles. Un tel examenpourrait constituer un sujet intéressantd’étude à poursuivre dans de nombreuxsecteurs de nos villes.

Jacques Trudel, urbaniste et diplômé en architecture, a d’abordtravaillé au Service d’urbanisme de la Ville de Montréal. Il aensuite poursuivi sa carrière, jusqu’à récemment, dans lafonction publique québécoise.

URBANITÉ | HIVER 2016 57

Page 58: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

58 URBANITÉ | HIVER 2016

nouvelles de l’ordre

Le congrès annuel de l’Ordre des urbanistes du Québec s’est tenu du 14 au 16 octobre derniers à Gatineau sous le thèmeNos milieux de vie en pleine effervescence : pour des interventions gagnantes. Ce rassemblement d’urbanistes et de professionnelsfut un franc succès, ayant reçu près de 150 congressistes venus pour parfaire leurs connaissances et s’inspirer de pratiques et demodèles provenant d’ici et d’ailleurs au Canada, aux États-Unis et en Suède.

Retour sur le congrès annuel

Gala ExcellenceLe Gala Excellence a, une fois de plus, honoré urbanistes et artisans de notre profession en remettant les prix suivants :

Prix Mérite étudiant remis par Vivre en Ville

• Catherine Craig-St-Louis, maîtrise en urbanisme, Faculté d’amé-nagement, d’architecture et des arts visuels de l’Université Laval;

• Myriam Langlois, maîtrise en urbanisme, School of Urban Planningde l’Université McGill;

• Émile Maheu-Forest, baccalauréat en urbanisme, Institut d’urba-nisme de l’Université de Montréal;

• Claudia Paré, baccalauréat en urbanisme, École des sciences dela gestion de l’Université du Québec à Montréal;

• Simon Perreault, maîtrise en urbanisme, Institut d’urbanisme del’Université de Montréal.

De gauche à droite : M. Donald Bonsant, président de l’Ordre,Mme Catherine Craig-St-Louis, M. Simon Perreault, Mme Myriam Langlois,M. Émile Maheu-Forest et Mme Claudia Paré.

<

Le comité organisateur a proposé un contenu faisant appeldirectement aux champs de pratique de plusieurs urbanistes.Le maire de Gatineau, Monsieur Maxime Pedneaud-Jobin,a d’ailleurs fait une allocution sur le rôle des élus et desurbanistes, donnant lieu à une période de discussion fortappréciée par les professionnels de l’aménagement.

Les urbanistes praticiens et universitaires ainsi que les confé-renciers de professions connexes ont discuté de quatrethèmes : les milieux naturels, le transport en commun, leshabitats pour clientèles mixtes et les milieux à l’extérieurdes grandes villes. Les conférences de qualité ont contribué ànourrir la discussion et à amener des réflexions très pertinentes

lors des périodes d’échanges. L’indispensable travail en équipemultidisciplinaire est un des messages forts de ce congrès,nous rappelant que créer des milieux de vie de haute qualitéest l’affaire de tous.

Ce congrès a amené quelques premières : une journée orga-nisée conjointement avec CanUrb, dont la conférence se tenaità Ottawa sur les lieux du site en revitalisation Zibi, des discussionssuivant les conférences, le bar à idées organisé par le comitéde la relève en urbanisme ainsi que l’activité hors congrès dece même groupe.

Enfin, les urbanistes ont pu découvrir plusieurs attraits dela région de l’Outaouais et de la capitale du Canada reliésaux thématiques du congrès. Le comité organisateur est fierde cette cuvée du congrès.

» LUCIE BUREAU, urbaniste

» ANDRÉANNE GODON

Page 59: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

nouvelles de l’ordre

Prix Jean-Paul-L’Allier

De gauche à droite : M. Donald Bonsant, président de l’Ordre, M. Alan DeSousa,maire de Saint-Laurent, Ville de Montréal, Mme Christiane Sauvé, veuve de feuM. Jean Doré, maire de Montréal de 1986 à 1994 et M. Jean-Paul L’Allier.

<

Membres émérites

De gauche à droite : M. Donald Bonsant, président de l’Ordre, M. Réal Lestage,M. Sylvain Ducas et M. Serge Filion, président du comité des émérites.

<

La Personnelle, fier partenaire,a également fait tirer un iPadparmi les congressistes qui aété remis à Mme Lucie Bureau.

<

Prix Mérite du CIQ remis par La Personnelle

Le prix Mérite du Conseil interprofessionnel du Québec (CIQ) a été remisà M. Serge Filion, urbaniste émérite. De gauche à droite : M. Donald Bonsant,président de l’Ordre, Mme Caroline Perron de La Personnelle, M. Serge Filionet Mme Danielle Boué, membre du comité exécutif du CIQ.

<

Assembléegénérale annuelle

L’Assemblée générale de l’Ordre des urbanistes s’esttenue le 16 octobre à l’Hôtel Crowne Plaza à Gatineauà l’occasion du congrès. Un nombre importantd’urbanistes et de stagiaires se sont présentés à cemoment important, d’autant plus que la présentationstratégique 2015-2020 était à l’ordre du jour.

Desjardins, commanditaire du Passeport des exposants, a fait tirer un iPadparmi les congressistes. Mme Geneviève Labrecque (à droite) dela Fédération des caisses Desjardins du Québec a remis le prix àM. Julien Lauzon (à gauche).

<CR

ÉDIT

POUR

L'EN

SEM

BLE

DES

PHOT

OS:S

ÉBAS

TIEN

LAVA

LLÉE

Page 60: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

nouvelles de l’ordre

60 URBANITÉ | HIVER 2016

En 2017, Montréal fêtera son 375e anniversaire de fondation.La multiplication, au cours des dernières années, de grands évé-nements commémoratifs, tels que le 400e de la Ville de Québec,et à l’approche de plusieurs autres comme le 375e de Montréal,le 150e de la Confédération ou le 50e de l’Exposition universelle deMontréal, tous prévus pour 2017, cela nous amène à nous questionnersur le sens de ces évènements. Marketing territorial, promotiontouristique, devoir de mémoire, initiative populaire, festivités,volonté politique, peu importe l’objectif, il n’en demeure pas moinsque ces événements commémoratifs engendrent des interventionsdont les impacts sont bien réels sur l’aménagement d’une ville.Ces anniversaires sont l’occasion pour les autorités publiquesd’intervenir massivement par la réalisation de grands projetsurbains voués à devenir des legs importants dans l’imaginairecollectif. Le 375e s’inscrit tout à fait dans cette optique, et à l’appro-che de 2017, les annonces se multiplient. Que ce soit la créationde la promenade urbaine Fleuve/Montagne, l’illumination du pontJacques-Cartier, la transformation de la rue Sainte-Catherine et lesdivers projets à l’échelle des arrondissements, ou bien les 715 pro-jets reçus par la Société des célébrations du 375e anniversaire deMontréal lors de son appel de projets en janvier dernier, l’engouementet la volonté d’intervention semblent de plus en plus marqués.La soirée du 6 maiLe 6 mai 2015 dernier, la Relève en urbanisme (RU) a tenu sonpremier Débat d’idées sur le thème « Le 375 MTL, événement éphé-mère ou signature durable? ». Pour l'occasion, plusieurs professionnelstravaillant sur le sujet ou ayant collaboré de près à des événementssimilaires ont été invités à répondre aux questions que se posaientles jeunes urbanistes sur les événements commémoratifs etles retombées réelles qu’ils peuvent avoir sur la ville.Le panel, composé de Raquel Penalosa (architecte paysagiste),de Claudia Villeneuve (architecte paysagiste), de Louis Brunet(architecte) et de Nathalie Prud’humme (urbaniste), a permis d’éclair-cir certaines problématiques liées à la vision, à la réalisation et àl’appropriation de ces grands projets de legs. Ainsi, l'événement,qui s'est déroulé dans une ambiance amicale et intimiste,a permis un partage d'expériences et des échanges passionnés.Au total, une cinquantaine de participants issus de divers horizonsont répondu à l’appel de la RU.Le 375e, un catalyseur pour les projetsD’entrée de jeu, les panélistes se sont mis d’accord sur l’importancedu 375e anniversaire pour les Montréalais et la nécessité d’utilisercette fête comme catalyseur dans les projets de la Ville deMontréal. Ainsi, le 375e semble servir de prétexte pour accélérerla réalisation de projets urbains de grande ampleur. NathaliePrud’homme a rappelé à tous que le thème de l’eau avait servi defil conducteur lors des festivités entourant le 400e anniversairede la Ville de Québec. « Le thème des festivités était "la rencontre"et celle-ci s’est notamment matérialisée, entre les citoyens etle fleuve Saint-Laurent, à travers le projet de la promenade Samuel-De Champlain ».

Plusieurs événements commémoratifs ont servi aux panélistesd’éléments de comparaison. Raquel Penalosa a notamment men-tionné qu’il y a de ces évènements qui marquent à jamais l’histoired'une ville : « (…) en 1992, les Jeux olympiques ont réaniméBarcelone qui s’est alors métamorphosée ».L’importance des partenariatsUn deuxième consensus est ressorti des discussions de la soirée,au sujet de l’importance des partenariats pour que l’évènementsoit un succès et que les projets se réalisent à temps. NathaliePrud’homme a fait part de son expérience dans l’organisationdu 400e de Québec, où des partenaires privés se sont investis etont parrainé certains projets.Dans le cas du 375e de Montréal, Claudia Villeneuve a mentionnéque « des associations citoyennes sont actuellement partenairesde plusieurs projets et qu’il existe une grande implication descitoyens corporatifs ». Les partenaires financiers font d’ailleurspartie depuis le départ de la corporation du 375e anniversairede Montréal. Ainsi, tous les secteurs de la société doiventcontribuer à la fête.Aller au-delà des projetsToutefois, l’orientation que prennent les festivités du 375e jusqu’àmaintenant est critiquable pour certains. En effet, l'aspect historiqueet la notion de temporalité semblent relégués au second rang.Raquel Penalosa rappela d'ailleurs que la fondation de Montréalest « une histoire de femmes et de coureurs des bois ». Il importedonc, au-delà des projets, de célébrer l'activité humaine.Selon les panélistes, cet anniversaire est surtout une occasion demettre en valeur Montréal et de rehausser sa compétitivité.Cet événement doit aussi servir à mettre les projecteurs surMontréal et à créer un sentiment de fierté pour ses habitants.Pour certains, cela pourrait sembler être uniquement de la poudreaux yeux, mais pour certaines clientèles, plusieurs actions plusclinquantes sont essentielles. Tout comme l’a fait Québec, lemarketing urbain autour de l'événement doit être un facteurdéterminant pour redorer la fierté des citoyens pour leur ville etamener des investissements extérieurs qui auront de fortesretombées sur le plan touristique.Finalement, cette première soirée Débat d’Idées s’est concluepar un échange enrichissant avec le public. Certains participantsy sont allés de propositions permettant d’améliorer les retombéesdu 375e comme des projets misant sur son caractère cosmopolite,sur davantage de projets à portée locale tels que des ruelles vertes,qui font une différence dans la communauté, ainsi que sur une meil-leure collaboration et plus de transparence entre l'Administrationlocale et les groupes citoyens.Même s’il est trop tôt pour connaître l’impact qu’aura le 375e surla ville de Montréal et sur l’imaginaire collectif, l’équipe de laRelève en urbanisme tire un bilan très positif de cette soiréed’échanges entre professionnels expérimentés et jeunes dela relève. Nous espérons que ce premier Débat d’idées alimentela réflexion des participants et suscite l’intérêt sur ce thème dontnous n’avons pas fini d'entendre parler. Reste à voir si ces projetsmarqueront durablement de leur empreinte la ville de Montréal,ou si leur rayonnement ne sera qu’éphémère.

Michaël Tremblay, urbaniste-stagiaire, est membre du comité de la Relève en urbanisme.

DÉBAT D’IDÉES DE LA RELÈVE EN URBANISMELe 375 MTL, événement éphémère ou signature durable?

Le comité Relève en urbanisme de l’Ordre a organisé une première de son activité Débat d’idées. Cet événement a eu lieule 6 mai 2015 et cet article fait état de la soirée.

» MICHAËL TREMBLAY, urbaniste-stagiaire

Page 61: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

nouvelles de l’ordre

URBANITÉ | HIVER 2016 61

Pour fêter le premier anniversaire de son lancement, le comité dela Relève en urbanisme (RU) de l’Ordre des urbanistes du Québeca organisé sa soirée annuelle 2015 à la Société des Arts Techno-logiques (SAT) de Montréal, le mercredi 18 novembre dernier.Cette soirée fut un véritable succès, tant par le grand nombre deprofessionnels présents que la qualité des intervenants, et fut sur-tout l’occasion de partager tout le travail réalisé par les membreset les nombreux bénévoles impliqués dans la RU au courant dela dernière année. Plus de 350 personnes étaient présentes pourréseauter et échanger autour du thème de la Vision des urbanistes.Ce succès démontre le dynamisme de la nouvelle génération ainsique le besoin de se rassembler et d’échanger.

Cette soirée a permis à un grand nombre de professionnels del’urbanisme et de professions connexes d’écouter et de discuteravec notre invité spécial Alexandre Taillefer, qui lançait le jour mêmeun nouveau concept de taxi électrique à Montréal. Issu du mondedes affaires, il a fait part de sa vision très positive du rôle del’urbaniste dans l’évolution des pratiques urbaines actuelles.Pour lui, l’urbanisme est un puissant intégrateur social, et laresponsabilité des professionnels à cet égard consiste à amélio-rer les conditions socioéconomiques de la population. Il a aussirappelé que le travail des urbanistes consiste à rendre les gensheureux en améliorant leur qualité de vie, et que Montréal sedémarque nettement des autres villes par la qualité de vie qu’ony retrouve, et surtout, par son authenticité.

Enfin, un court-métrage réalisé par le sous-comité Multidiscipli-narité a été dévoilé. Visant le grand public, cette vidéo a pourobjectif de vulgariser le rôle de l’urbaniste, ses échelles d’inter-vention, son caractère multidisciplinaire et son rapport aux autresprofessions. Il s’agit du premier projet du genre visant à valoriserla profession auprès des non-initiés.

La Relève en urbanisme tient à remercier toutes les personnes quiétaient présentes et qui nous encouragent à poursuivrenotre démarche, mais également le soutien financier et logistiquede l’OUQ et tous les bénévoles ayant contribué de près ou deloin à l’organisation de cet événement qui a permis de fairerayonner l’urbanisme!.

Selon vous, quels impacts peut avoir la communauté d’affairessur la vitalité de Montréal?[Un entrepreneur], c’est quelqu’un qui est capable de prendre unprojet et s’assurer [de le livrer], parce que des idées, il y en a desmilliers. Comment s’assurer de prendre une idée et de la livrer?Je pense que c’est le propre des entrepreneurs et c’est la placequ’ils doivent prendre. Un projet, ça prend un paquet de gens quitravaillent autour de ça, des capitaux, des contacts, des contactspolitiques, des contacts réglementaires. C’est le propre desentrepreneurs de jouer ce rôle-là. Alors, l’évolution d’une ville,c’est quand les entrepreneurs et les gens d’affaires décident des’y mettre. Je pense que [de cette façon], ça va plus rapidement.

Quel déclic faut-il faire pour améliorer l’engagement des gensd’affaires sur les projets à l’échelle de la ville?Pour moi, le déclic important pour une personne d’affaires, c’estde se rendre compte à quel point c’est important de donner.De donner de l’argent à une cause, c’est bien, mais pour moi,c’est comme envoyer du poisson à un village. Ce qui est plusimportant, c’est d’apprendre à un village à pêcher.

C’est quand un entrepreneur [ou une personne issue du milieudes affaires] comprend ça et commence à s’impliquer dans unprojet [et] dans sa communauté, qu’il commence à voir que sonimplication a un impact réel. Quand les gens ont le sentiment dedonner à la communauté, c’est extrêmement gratifiant. Quand une

personne a ce sentiment gratifiant, c’est aussi fort que le senti-ment lorsque tu sors du gym. Alors, c’est fort ça!

Que faut-il pour innover dans la ville d’aujourd’hui?Alors, l’innovation, bien entendu, peut être technologique.On s’en va vers les trottoirs chauffants à Montréal, des borneswi-fi, des capteurs météorologiques, des capteurs de circulation.La vraie innovation, par contre, c’est de prendre en considéra-tion bien d’autres aspects que les aspects de « capture de data »,d’automatisation et de fonctionnalité.

Il va falloir qu’on réfléchisse à comment fournir un milieu de viequi rend les gens heureux. C’est ça le vrai défi de l’urbanisme[et] de l’architecture. C’est le grand défi pour la constructiond’une ville. Il faut trouver un environnement où les citoyenspeuvent être heureux, et ça passe, entre autres, par l’améliora-tion socioéconomique.

Alors, quand on pense à ça, l’urbaniste doit prendre en consi-dération non pas uniquement le trajet du point A au point B; ilfaut aussi comprendre les chemins informels qui vont beaucoupplus loin que d’essayer de penser à tous les chemins. Il fautréfléchir aux impacts économiques et au bonheur dans la société.C’est une grande responsabilité que les urbanistes ont!

Louis Mazerolle, urbaniste et Jean-François Lefebvre sont membres du comité de la Relèveen urbanisme.

Plus de 350 professionnels de l’urbanismeà la soirée annuelle de la Relève en urbanisme!

ENTREVUE AVEC ALEXANDRE TAILLEFER, INVITÉ SPÉCIAL DE LA SOIRÉE DE LA RU

» LOUIS MAZEROLLE, urbaniste

» JEAN-FRANÇOIS LEFEBVRE

VICT

ORCH

AR

Page 62: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

à l’agenda

JANVIER201629 janvierFormation – Outiller les urbanistes pour laparticipation publique

Organisateurs Ordre des urbanistes du QuébecLieu MontréalInformation [email protected]

FÉVRIER20168 févrierÉconomie circulaire et urbanisme |Aménagement durable du territoire!

Organisateurs Ordre des urbanistes du Québecet Institut de l’environnement,du développement durable etde l’économie circulaire

Lieu MontréalInformation [email protected]

19 févrierFormation – Outiller les urbanistes pour laparticipation publique

Organisateurs Ordre des urbanistes du QuébecLieu QuébecInformation [email protected]

25 févrierJournée d’étude sous le thème de l’abordabilité

Organisateurs Ordre des urbanistes du Québecet Société canadienned'hypothèques et de logement

Lieu MontréalInformation [email protected]

JUILLET20165-8 juilletCongrès OUQ-ICU | Accent sur l’urbanisme

Organisateurs Ordre des urbanistes du Québecet Institut canadien des urbanistes

Lieu QuébecInformation [email protected]

La revue UrbanitéTirage : 2 500 exemplaires

DISTRIBUTIONMembres de l’OUQ – 1011 • Abonnés et autres – 1489

MISSIONPROMOUVOIR l’urbanisme et les urbanistes;

INFORMER les lecteurs sur les divers sujets relatifs à l’aménagement du territoireet à l’urbanisme;

FORMER sur une base continue les professionnels de l’aménagement du territoire.

COMITÉ ÉDITORIALSerge Vaugeois, président

Paul Arsenault – Sergio Avellan – André-Anne Cadieux – Amélie Castaing-Rigaud –Frédéric Dufault – François Goulet – Mathieu Langlois – Jacques Trudel

COLLABORATIONMarie-Soleil Brosseau – Félix Gravel – Charlotte Horny

COORDINATION ET RÉALISATION :Andréanne Godon

CONCEPTION GRAPHIQUELucie Laverdure – L’Infographe enr.

RÉVISION ET CORRECTIONGeneviève Bournival

PUBLICITÉCPS Média inc.

Serena Hillaert, conseillère [email protected] | 450 227-8414, poste 311

www.cpsmedia.com

IMPRIMERIEImprimerie F.L. Chicoine

ABONNEMENTS, INFORMATION ET SUGGESTIONSwww.ouq.qc.ca | 514 849-1177, poste 26 | [email protected]

AUTEURSVous êtes invités à soumettre vos articles ou textes inédits au comité éditorial.

Le comité éditorial se réserve le droit de publier ou de refuser un article.Information : [email protected]

Dépôt légal Bibliothèque nationale du Québec • Bibliothèque nationale du CanadaTous les textes publiés dans Urbanité ne reflètent pas forcément la position

ou l’opinion de l’Ordre et n’engagent que l’auteur.

Le genre utilisé dans cette publication englobe le féminin et le masculindans le seul but d’en alléger la présentation.

ORDRE DES URBANISTES DU QUÉBEC

Administrateurs :Donald Bonsant, président

Mathieu Bélanger, vice-présidentClément Demers, trésorier

Catherine Boisclair, administratriceMarie-Josée Casaubon, administratrice

Frédéric Desjardins, administrateurFlorent Gagné, administrateur nomméDaniel Pinard, administrateur nommé

Permanence :Karina Verdon, directrice générale

Odette Michaud, adjointe à la direction et secrétaire de l'OrdreNathalie Corso, coordonnatrice, admission et qualitéGeneviève Masson, directrice des communicationsAndréanne Godon, chargée des communications

Geneviève Ballard, secrétaire-réceptionniste

85, rue Saint-Paul Ouest4e étage, bureau 410, Montréal, QC, H2Y 3V4514 849-1177 • www.ouq.qc.ca

62 URBANITÉ | HIVER 2016

RECTIFICATIFUne erreur s’est glissée lors de l’édition du dernier numérod’Urbanité (Automne 2015) dans l’article Les saisons du designurbain à Québec : pourquoi et comment aménager la ville pour jouerau quotidien?

À la page 20, colonne de gauche, ligne 18, on peut lire :« (…) se promener un verre à la main avec ses amis ou encore sebalader avec ses enfants. »

On aurait dû lire :« (…) ou de se promener un verre à la main, avec ses amis ou mêmeaccompagnés d’enfants. »

Toutes nos excuses

Page 63: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

CONGRÈS 2015

14 AU 16 OCTOBRE

PARTENAIRES ARGENT

PARTENAIRES BRONZE

Merci à nos partenaires !

inc.

AUTRES PARTENAIRES

COMMANDITAIRES DE SOUTIEN

EXPOSANTS

Page 64: 34217-Int new Low · actualités Grande première dans le monde de l’aménagement du terri-toire. À Montréal, le 29 septembre 2015, urbanistes, aménagistes, architectes, agriculteurs,

i

ur

sed

re dutcetihcra

eiomoncé

rlieibomm

emsinabur

niaburngi

egasyae p

xeuilimsreultenetsixi eus qxeelpmocciéredsnoitaleresleuqigétarts sruesnet peessdnagrsulpeslitnuérinlipcsdiiurlpehcorppa’L

.stnnanrovin exx esetis see lrtnt esiofforapécitorpciretiilcar fr fauos pesffsitaécrsitrpes

MOCEA’’Adeairin

.www mocm.ocae.