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CARMEN GALLI ...

LE CHANT DU COQ

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Mort de Ron Hubbardfondateur de l'Eglise de scientologie

L'Eglise de scientologie, quirevendique six millions demembres à travers le monde, aperdu son fondateur. LafayetteRonald Hubbard est mort d'unecrise cardiaque le vendredi24 janvier, dans son ranch cali-fornien de San-Luis-Obispo.Ses cendres ont été aussitôtdispersées dans le Pacifique.

De la science-fiction dont il étaitromancier, à la scientologie, il n'yavait qu'un pas. Ron Hubbardl'avait franchi en fondant, en 1954en Californie, la première Eglise dece nom.

C'est au Nebraska, à Tilden, qu'ilétait né le 3 mars 1911. Tout jeune,dit sa biographie officielle, il fait letour du monde et s'initie à la spiri-tualité hindoue. Il rentre aux Etats-Unis où il fait de médiocres étudesscientifiques. Hubbard ne passe pasle cap de la première année d'uni-versité et se lance dans le roman.Engagé pendant la guerre, il affir-mera que, gravement blessé auxyeux et reconnu cliniquement mort,il se serait guéri par ses propresméthodes. Mais aucune vérificationsérieuse ne pourra être obtenue.

En 1952 il publie la Dianêtique,science moderne de la santé men-tale, livre de base de la scientologie.La dianétique est une sorte de psy-chothérapie ; la scientologie, uneméthode permettant à l'être humainde se libérer des contraintes de « lamatière, de l'énergie, de l'espace etdu temps ».

Cette philosophie à prétentionsscientifiques se répand en Grande-Bretagne, où Ron Hubbard fonde en1959 le siège mondial de son Eglise,et en France où naît l'association desAmis de la scientologie. Hubbardcrée une flotte de six yachts et ins-talle dans l'un d'eux, en 1967, sonquartier général.

Après plusieurs procès, cetteflotte sera liquidée en 1976 et Hub-bard s'enferme en Californie. Il neréapparaît plus en public à partir de1977. En 1983, onze principaux diri-geants de la secte, dont la troisièmefemme d'Hubbard, sont incarcérés.L'Eglise de scientologie connaîtraalors de graves convulsions internes.

Selon ses dirigeants, elle estaujourd'hui présente dans trente-quatre pays et aurait en France

quelques milliers d'adeptes, groupésen sept Eglises (Paris, Angers,Lyon, Saint-Etienne et Clermont-Ferrand). Elle est connue sous lenom d'Eglise de la nouvelle compré-hension.

Organisation strictement hiérar-chisée, sa discipline interne est répu-tée très sévère. La scientologie pro-pose à des tarifs très élevés des« séances de clarification » desti-nées à aider l'adepte à devenir plusresponsable et à construire unmonde meilleur. Sous une couver-ture religieuse et humanitaire, elleorganise aussi des campagnes desti-nées à imposer la scientologie dansla société (Narconon pour la réhabi-litation des toxicomanes, ou Crima-non pour celle des criminels).

Dans son récent dossier sur lessectes, le Centre de documentation,d'éducation et d'action contre lesmanipulations mentales, dont le pré-sident est Roger Ikor, dénoncel'Eglise de scientologie comme uneentreprise « totalitaire » : « coerci-tion dictatoriale à l'intérieur de lasecte, non exempte de violence,conditionnement et aliénation de lapersonne ».

H. T.

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E l i a d e décès DOC - M i r c e a E l i a d e , romancier et philosophe(bio-express)- PARIS, 23 avr 86 (450 MOTS)

Le romancier et philosophe roumain Mirées E l i a d e , qui vient demourir a Chicago (Etats-Unis) a l ' â g e de 79 ans, é t a i t surtoutconnu pour ses études sur le sacre et les r e l i g i o n s .

Mircea E l i a d e est ne le 9 mars 1907 a Bucarest (Roumanie). Desl ' â g e de 14 ans, i l se s i g n a l e par son e x t r a o r d i n a i r e f é c o n d i t é eté c r i t de nombreux a r t i c l e s .

En 19 i n s e r i t la F a c u l t é de B u c a r e s t , ou i l é t u d i e lesl e t t r e s et la philosophie, il p u b l i e chaque semaine dans leq u o t i d i e n La P a r o l e au moins deux f e u i l l e t o n s , des p o r t r a i t sd ' é c r i v a i n s et d i f f é r e n t s récits. Dans le même temps, il apprendle f r a n ç a i s , l ' i t a l i e n et l ' a n g l a i s .

En 1928, i l se rend aux Indes, s ' i n s t a l l e a C a l c u t t a , apprendle sanscrit et d é c i d e de f a i r e sa thèse de d o c t o r a t sur l ' h i s t o i r ecomparée des techniques yoga, i l r e v i e n t ensuite en Roumanie en

p u b l i e alors son premier roman "Isabelle et les eaux dub i e n t ô t s u i v i par une oeuvre m a î t r e s s e , " l a Huit Bengali"

i y 3i. 11d i a b l e " ,(1933) .

Il se m a r i eBucarest ou

en 1934 avec Nina Mares et v i t jusqu'en 1939 ai l est assistant a la F a c u l t é de l e t t r e s et de

p h i l o s o p h i e . I l mélange a l o r s les fresques contemporaines. "LeRetour du p a r a d i s " (1934), "les Houligans" (1935) et les romans'fantastiques qui lui permettront de r e i n t r o d u i r e le fantastiquedans la f i c t i o n : "Madamoise11e C h r i s t i n a " (1936), le "Serpent"(1V 3 ? ) etc.,En 1940, Mircea E l i a d a est attache culturel auprès dela L é g a t i o n r o y a l e de Roumanie a Londres, puis en 1941, c o n s e i l l e rc u l t u r s i a Lisbonne, ou i l v i v r a jusqu'en 1945.

Apres la mort de sa fe mm e, i l s ' i n s t a l l e dans un p e t i tv i l l a g e de pécheurs p o r t u g a i s , Cascses, et ne regagnera jamais laR o u m a n r e .

En 1943, i l donne des cours a l ' U n i v e r s i t é des Hautes Etudes aParis et é c r i t son "Traite d ' h i s t o i r e des religions" qui p a r a î t r aen 1949. Puis, i l se rend aux Etats-Unis ou i l recevra une boursede recherches. I l sera ensuite p r o f e s s e u r a l ' U n i v e r s i t é deCh i c a g o .

E n t r e t e m p s , i l épousa C h r i s t i n e l Cottesco en 1956, après a v o i rp u b l i e "la Foret i n t e r d i t e " (1955), fresque h i s t o r i q u e sur uneRoumanie vaincue par ses ennemis et ses a l l i e s . Une de sesdernières oeuvres, "La Nuit da la Saint-Jean" (1971) a été publiéeen France.C-O / FF T/ add i t i f )

PARIS - Mircea E l i a d e a v a i t été n a t u r a l i s e f r a n ç a i s au lendemainde la seconds guerre mondiale. Il s ' é t a i t installe a Paris en1945, après a v o i r vécu en Inde et au P o r t u g a l . En 1956, i l é t a i tp a r t i pour les Etats-Unis mais f a i s a i t néanmoins de fréquentsa l l e r et r e t o u r e n t r e Iss E t a t s - U n i s et la France. En 1976, il

été f a i t "Docteur Honoris Causa" de l ' U n i v e r s i t é de P a r i s .

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a v a i t

Philosophe indien, Jiddu Krisna-murti est mort le lundi 17 février enCalifornie. Né le 11 mai 1895 àMadanapalle, près de Madras, ilavait été forme en Angleterre dansles cercles thêosophiques d'AnnieBesant et Alice Bailey. Alors qu'iln'avait que quatorze ans, il avait étéchoisi par les responsables de cemouvement comme une nouvelleréincarnation du Messie, servant de« véhicule à l'Instructeur dumonde ».

—— LA MORTDE JIDDU KRISNAMURTI

En 1911, il devient le chef del'Ordre de l'Etoile d'Orient, qu'ildissout cependant en 1929, en décla-rant que « l'on ne peut atteindre laVérité par aucun sentier, aucunereligion, aucune secte ».

Devenu le « Voyageur de la révo-lution du silence », auteur d'ungrand nombre d'ouvrages et deconférences en Europe, il a préparéla voie à une multitude d'écoles etde disciples, partis chercher à Kat-mandou et dans les ashrams indiensles voies d'une sagesse intérieure.

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La mort de Raymond Abellio

Un prophète de la réconciliationLe philosophe et romancier

Raymond Abellio est mort dansla nuit du 26 au 27 août, à l'hô-pital Pasteur de Nice, des suitesd'une angine de poitrine. Il étaitâgé de soixante-dix-huit ans.

La pensée de Raymond Abellioest l'une des plus surprenantes etdes plus paradoxales de notre épo-que. Elle lui valut, au cours d'unecarrière intellectuelle et person-nelle mouvementée, et riche en re-bondissements, des admirationsintraitables et des inimitiés so-lides. Il existe, depuis qu'il a pu-blié ses premiers livres à la fin desannées 40, une véritable chevale-rie des disciples d'Abellio, per-suadés de détenir, grâce à sa pen-sée, les clés mêmes de l'évolutionde l'humanité.

Rien ne prédisposait pourtantGeorges Soûles — le véritable pa-tronyme d'Abellio — à devenirune sorte de prophète. Issu d'unefamille pauvre des faubourgs deToulouse, il parvient grâce à sesdons .intellectuels à être ingénieurdes ponts et chaussées. Cette for-mation mathématique ne l'éloignépourtant pas de sa vraie et uniquepassion : la philosophie, entenduecomme le déchiffrement du sensmême de l'univers — c'est aucours de ses études qu*Abellioconnaît sa première crise de mys-ticisme... qui le conduit paradoxa-lement à se convertir au mar-xisme.

Il adhère alors au Mouvementtrotskiste et s'inscrit à la SFIO,dont il deviendra l'un des leadersde l'aile ultragauche. Pendant laguerre, nouveau retournement,vers le fascisme : Abellio devientl'un des dirigeants du mouvementsocial-révolutionnaire de Delon-clé, puis se réfugie en Suisse pouréchapper tant à la Résistancequ'aux Allemands.

C'est au cours de cette retraiteforcée qu'il écrit son premier li-vre, Heureux les pacifiques, quicontient déjà l'essentiel de ses in-tuitions métaphysiques et de saconception de l'univers : le cosmosest un tout, dont les parties sontintimement liées les unes aux au-tres, si bien que nos actions indivi-duelles apparemment les plus insi-gnifiantes, les plus libres, sontentièrement déterminées par lesgrands mouvements cosmiques ;la vraie liberté ne peut consisterqu'à déchiffrer ces secrets, àconnaître le dessin de la structureabsolue qui ne peut se livrer qu'endehors des chemins habituels dela raison : par la gnose, par l'astro-logie et, plus généralement, parl'ensemble des sciences ésotéri-ques.

Mais ce retour à l'occultisme,Abellio ne le conçoit pas commeune lutte rétrograde contre lesdonnées de la science : «D'unemanière générale, les branches

avancées de la recherche — biolo-gie moléculaire, physique desparticules, linguistique structu-rale — font aujourd'hui apparaî-tre, au niveau des structures évo-lutives, une étrange parenté avecle Yi-King», écrit-il dans la Finde l'ésotérisme. Portée par uneprose dense, souvent lyrique, cettepensée optimiste, qui tranchait sinettement avec l'idéologie domi-nante du désespoir et annonçaitune réconciliation entre les pro-grès matériels de l'humanité et saconscience spirituelle, a immédia-tement rencontré l'adhésion delecteurs peu nombreux mais d'au-tant plus fervents qu'ils avaient lesentiment d'appartenir à une élite.

Mais l'influence d'Abellio te-nait autant à sa personnalité qu'àses livres : une présence physiquerayonnante — que n'altérait ni sataille chétive ni les maladies pul-monaires chroniques, — une pa-role claire capable de faire passerdans le public les notions les pluscomplexes et les rapprochementsles plus surprenants, une cultureet une agilité intellectuelle qui luipermettaient de jongler dans lamême phrase avec les théoriesd'Einstein et avec la kabbale, unpouvoir de conviction enfin, quidonnait à ses interlocuteurs la cer-titude d'avoir rencontré un pro-phète._____ PIERRE^ LEPAPE.

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La mortdej'écrivam^

Roger Ik

Le pourfendeur des sectes

Le Monde 19.11.1986

Le romancier, essayiste etdepuis quelques années ardentadversaire des sectes Roger Ikorest mort à Paris, le lundi17 novembre dans la nuit, d'uncancer généralisé. Il était âgé desoixante-quatorze ans.

Il est mort le jour de la proclama-tion du prix Concourt, lui que cemême prix avait fait accéder à lacélébrité, voilà trente et un ans, avecles Eaux mêlées . Ce roman, sontroisième (après A travers nosdéserts, 1950, et les GrandsMoyens, 1951) était le secondvolume des Fils d'Avrom, histoired'une famille juive établie en Franceet qui, au cours de trois générations,s'enracine lentement mais durable-ment dans la société et la réalitéfrançaises.

En couronnant Ikor, les Concourtn'avaient pas misé sur un écrivainéphémère. Ce normalien agrégé degrammaire, né à Paris le 28 mai1912, longtemps enseignant, trèsmarqué par la guerre et quatre ansde captivité en Poméranie, a été unécrivain fécond. Tous genresconfondus, son œuvre est riche deplus de trente titres, d'un essai surSaint-Just (1937) à Peut-on êtrejuif aujourd'hui? (1968), Lettreouverte aux juifs (1970), Lettreouverte à de gentils terroristes(1976), en passant par de nombreuxromans dont un cycle en sixvolumes, Si le temps...

Cette année, il était revenu sur june période qui, pour lui était à jjamais inoubliable : la guerre et sesquatre ans de vie gâchée. Il lui avaitdéjà consacré un témoignage vio-lent, Pour une fois, écoute mon

enfant (1975).'Mais, en 1986,quarante-six ans après, il voulaitdéfendre, une dernière fois, « Thon-neur et le souvenir de militàiresTqïïieurent tout juste le temps de devenirdes guerriers », comme l'écrivitJean Planchais à propos de O sol-dats de quarante! (le Monde du16 mai 1986).

Si Roger Ikor n'était pas insensi-ble aux honneurs (il fut deux foiscandidat malheureux à l'Académiefrançaise), ce n'est pas à leurrecherche qu'il a consacré l'essentielde son temps dans les dernièresannées. Depuis le suicide de son filsVincent en 1979 - celui-ci avaitvingt ans et s'était laissé mourir dedénutrition en suivant des principesprétendument zen, - Roger Ikorcombattait sans relâche les sectes.Après un violent témoignage, Jeporte plainte (1981), il avait créé,la même année, le Centre de docu-mentation, d'éducation et d'actioncontre les manipulations mentales.

Cènes, son combat était parfoisdésordonné, ce qui nuisait à sonsérieux et à son efficacité, mais cettelutte inlassable était celle d'unhomme blessé : de ceux que la mortd'un enfant coupe à jamais du diver-tissement et ancre dans des bataillesqui sont d'abord une manière deconjurer le désespoir.

Jo. S.

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Ses dieux ont rappeléGeorges Dumézil

la mort de Georges Dumézil

Une hémorragie cérébrale aemporté, à l'âge de quatre-vingt-huit ans, Georges Du-mézil, le maître incontesté dela mythologie comparée qui,selon Claude Lévi-Strauss,« a créé de toutes pièces uneœuvre monumentale et soli-taire». Maniant une quaran-taine de langues, ce déchif-freur de mythes découvrit uncontinent perdu dont les fron-tières sont celles des représen-tations mentales des peuplesindo-européens dont on nesait, par ailleurs, presquerien.

Sans doute est-ce sa longuefréquentation des dieux et deshommes qui donna à GeorgesDumézil l'humour, la sagesseet la lucidité qui caractéri-saient ce savant dont lemonde entier a su reconnaîtrel'importance de l'œuvre. Pro-

domadaires, radios ou télé-visions saluaient la publica-tion de chacun de ses livresque, modeste, il croyait desti-nés à quelques rares spécialis-tes.

LE MATIN-

LUNDI 13 OCTOBRE 1986

fesseur au Collège de France,membre de l'Académie fran-çaise, Georges Dumézil aconnu depuis une dizained'années un succès médiati-que qui ne manquait pas de lesurprendre. Quotidiens, heb-

L'œuvre de Georges Dumézil, décédé sa-medi soir d'une hémorragie cérébrale à l'âge dequatre-vingt-huit ans, a bouleversé l'édifice dela science officielle en mettant en lumièrel'idéologie des trois fonctions (le roi-prêtre, leguerrier et le paysan) sur laquelle se fondait laconception du monde des peuples indo-euro-péens.

En cinquante livres et d'innombrablesarticles, il n'eut de cesse de révéler les analogiesqui unissaient secrètement les Indiens auxGermains, les Celtes aux Scythes, les Armé-niens aux Romains. Il lui fallait tout savoir ettout apprendre...

La mort de Thierry Le Luron

Pourquoi pas le Panthéon ?On devrait avoir une mort

assortie à son existence. Ceserait décent, confortable, légi-time. Le pingre mourrait d'uncoup de Bourse, l'amoureuxd'un coup de cœur. Rien ne pré-disposait Thierry Le Luron àcette agonie stoïcienne, à cecombat exemplaire, solitaire,qu'il a mené contre le nommême de sa maladie. Rien nelaissait présager la dichotomietragique qui, ces derniers mois,s'établirait entre le passé désin-volte et triomphant de ce bala-din surdoué et son présent sou-dain sans avenir.

Et c'est sans doute à cedivorce choquant entre ce qu'onaimait de lui, une acerbe irrévé-rence, et ce que, désormais, ondevinait de lui, un corps livré àla souffrance, que l'on doit cedéferlement de messagessuperfétatoires et de chagrinsexcédentaires. « // était te sel dela terre» (Denis Baudoin, porte-parole du gouvernement). «Il arejoint le général de Gaulle»(André Arnaud à Europe 1)...Funérarium du mont Valérien,catafalque exposé trois joursdurant en l'église de la Made-leine, pourquoi pas le Pan-théon?

Au cours de fausses nocesd'un mauvais goût provocant.Thierry Le Luron avait épouséColuche «pour le meilleur etpour le rire». Que le pire soittoujours possible, que les cham-pions de la dérision - le poidslourd et le poids plume - soientpartis tous les deux en moins desix mois, voilà l'ironie terrible de

la réalité, la grossièreté du des-tin.

Le Monde 19/11/86

PANTHEON n. m. (gr pan, tout, et theos,dieu). Temple que les Grecs et tes Romainsconsacraient a tous les dieux. ji Monumentnational ou sont déposés les restes de ceuxqui ont illustré la patrie. i| Ensemble hiérar-chisé des dieux d'une rehgton polythéiste.

Petit-Larousse

«Je suis un animal quicompare», déclarait volon-tiers Dumézil qui avait suprovoquer des dialogues im-prévus entre des auteurséchelonnés sur des siècles,voire des millénaires, afin demettre en lumière le systèmede représentation, la concep-tion du monde, de cespeuples indo-européens dontpar ailleurs on ne sait pres-que rien. «Je découvre desanalogies», concluait-il.Comme les poètes dont ondit que c'est le métier. D secontentait toutefois de re-connaître qu'il y avait peut-être du roman policier dansses travauXj^^HfeçB 'il s'agit

de traquer un secret». Mais,et en cela il fut admirable,questionnant inlassablementles textes et les langues, ilréussit à ne jamais recouvrirni leur parole ni leur voix.

H y a deux ans, il déclaraitaccepter le succès « médiati-que », car « cela peut servir àla diffusion des choses quim'intéressent». Et commeon lui demandait pourquoi ilavait démissionné de toutesles sociétés scientifiquesauxquelles il appartenait, ilrépondit, souriant : «Parceque j'ai fait mon temps. Et jeveux mourir libre. »

resserrement,Ironie terrible ou simplepresque dynamique, du lien occulte tissé entre lesdeux bouffons? La cérémonie parodique qui les availunis véhiculait sans doute la même puissance magi-que qu'un mariage ordinaire, à cette différencetoutefois qu'un élément essentiel en avait été oc-culté parcirconstance

les mariés: lale PIRE, travestien RIRE. Ni grossièreté,

mais véritable retour de sort, puisqu'il semble

pourni destin,

que le PIRE, composante volontairement non-ditede se manifesterdu sacrement, n'a

de lui-même en sepas manquesubstituant d'office au rire

qu'incarnaient et suscitaient les faux mariés,

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N M E M O R I A M

Ron Hubbard13 MARS 1911 - 24 JANVIER 1986

AUTEUR DE RENOM - FONDATEUR DE LA SCIENTOLOGIE - AMI DE MILLIONS DE GENS

«L'œuvre et le message de L. Ron Hubbard appartiennent (incontestablement au patrimoine philosophique et religieuxcontemporain. Quelles que soient les convictions religieuses dechacun, il faut reconnaître objectivement la valeur de sesécrits. » Professeur Francis Dessard

Eglise évangélique internationaleMembre du Conseil œcuménique des Eglises

« Ayant appris le décès de L. Ron Hubbard, c'est volontiersque je m'associe à l'hommage rendu au fondateur de laDianétique » Docteur Paul Chauchard Directeur honoraire

à l'Ecole pratique des hautes études de Paris«L'action de L. Ron Hubbard dans l'ordre pratique s'estmanifestée par la création des centres Narconon de lutte contreles toxicomanies, centres qui obtiennent de remarquablessuccès dans les cures de désintoxication et qui assurent par lapostcure le suivi des sujets désintoxiqués. »

Professeur Pierre LépineMembre de l'institut, conseiller de Paris.

Chargé de mission pour les questionsd'hygiène et de toxicomanie.

«Les découvertes de L. Ron Hubbard sont si phénoménalesque je ne doute pas que la contribution de son oeuvre créera leplus grand impact jamais vu dans notre société. Le corps deMonsieur Hubbard n'est plus parmi nous, mais il est plusprésent que jamais à travers les technologies efficaces qu'il nousa offertes. Merci, cher Ron, de nous avoir donné ce grandprivilège. » Cyprien Katzaris

pianiste concertiste

« L. Ron Hubbard nous a donné un but aussi grand que lesétoiles. Derrière lui, il laisse une source pure d'inspiration. »

Chick Corea Musicien et compositeur de jazz« L. Ron Hubbard peut être résumé en un seul mot : « Liberté ».

Révérend James Nichais Pasteur Pentecôtiste« En tant que musulman, je remercie L. Ron Hubbard pour sacontribution à la réalisation d'un monde meilleur où les gens detoutes races et de toutes religions pourront vivre ensembleharmonieusement. » Mr Habchi

Président de l'association pourla Défense des intérêts des Français musulmans et leurs amis,

« La pensée la plus stimulante et la plus riche qu'il m'ait étédonné de rencontrer. La justesse de ses vues dans tous lesdomaines touchés par la Vie, de la religion à la science, est pourmoi une source continuelle d'étonnement. » Michel Raoust

Ingénieur, polytechnicien« Un véritable grand ami de tous ceux qui désirent créer unmonde plus sain et plus éthique. C'est sans doute aux artistesqu'il manquera le plus, ceux qui dessinent les rêves du futur ».

Dennis DubinMembre de la conférence mondiale des maires

qui va de la dégradation spirituellespirituelle de l'humanité. Je ne peux le remercier qu'en gardantses paroles pures et vivantes. Je me sens honorée de l'avoiiconnue». Julia Migenes-Johnson Cantatrice

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« Pour connaître la vie, vous avez intérêt a participer a la ne, vousdevez être présent et regarder, vous devez fouiller tous les coins etles recoins de l'existence, et vous devez côtoyer toutes sortes degenres d'hommes avant de pouvoir établir définitivement cequ'est l'homme.»

Ces mots de L. Ron Hubbard décrivent mieux que quiconque nele ferait la philosophie d'un homme dont la contribution danspresque tous les aspects de la vie a fait de lui le plus grandhumaniste de l'histoire.

Assurément, peu d'hommes ont accompli autant que lui dansautant de domaines. Ecrivain, philosophe, éducateur,chercheur, musicien, photographe, cinéaste, horticulteur,;navigateur, explorateur et humaniste, M. Hubbard s'est vuireconnaître gratitude et renommée dans tous ces domaines. .

Sa curiosité l'a toujours porté vers la connaissance des autres etil a usé à cette fin de tous les moyens possibles pour être encommunication avec le monde. Mais, ainsi qu'il l'a souventaffirmé, il a été d'abord et avant tout un écrivain.

Auteur de renom pendant plus de cinquante ans, avec quelquessix cents ouvrages à son actif, ses livres de fiction ont dépassévingt-deux millions d'exemplaires et ses autres livres vingt-trois millions.

L. Ron Hubbard a été sans aucun doute l'un des écrivains lesplus fertiles de mémoire d'homme. Ses ouvrages de fictionconstituent un genre à part, tant par l'ampleur de l'œuvre quepar la maîtrise du conteur. Lors de l'élaboration de laphilosophie religieuse de la scientologie, il a écrit des milliersde pages, donné et enregistré plus de quatre mille conférences,ce qui a assuré la permanence des techniques qui ont fourni àdes millions de gens une plus grande santé mentale et plus debonheur.

Qu'il s'agisse de ses ouvrages de fiction ou de ses autres livres,un thème commun se dessine tout au long de son œuvre:M. Hubbard s'est concentré sur la condition humaine et sur lemoyen d'élever chez ses lecteurs la conscience de soi, les invitanttoujours à être plus responsables de leur propre vie. Il insistaitsur le fait qu'adopter une attitude positive par rapport à soi etson environnement et œuvrer avec énergie dans la réalisation deses buts personnels, constituent le moyen le plus sûr d'êtreheureux.

En 1948, après avoir publié les résultats de ses recherchesinitiales sur la nature de la vie et du mental humain, la nouvelles'est rapidement répandue que L. Ron Hubbard venait de faireune découverte révolutionnaire. Comme l'écrivait lejournaliste Walter Winchell, le 31 janvier 1950:

« Quelque chose de nouveau va sortir en avril, qui s'appelle laDianétique. C'est une nouvelle science qui fonctionne avecl'invariabilité des sciences physiques, dans le domaine du mental

Humain, joui semote maïquer que ceiu sera aussirévolutionnaire pour l'humanité que la découverte du feu pourl'homme des cavernes. »

La prédiction de Winchell était exacte. Lorsque le premier livrede L.Ron Hubbard sur le sujet, la Dianétique: la sciencemoderne du mental, a été publié en mai 1950, la réponse futinstantanée et phénoménale. Du jour au lendemain, le livreétait devenu un best-seller aux Etats-Unis. A la fin de l'été, nonseulement le livre était lu d'un bout à l'autre du pays, mais seslecteurs s'organisaient en groupes pour appliquer lestechniques de la Dianétique.

La popularité de ce premier livre sur la Dianétique n'a cessé des'étendre depuis 1950 et cet ouvrage est toujours un best-sellerdepuis trente-six ans. Chose rare dans le monde de l'édition,Publischer's Weekly a déclaré que ce livre était « probablementle livre non chrétien le plus vendu de tous les temps enOccident ». Aujourd'hui, la Dianétique :' la science moderne dumental a été publié à près de huit millions d'exemplaires, et sapopularité continue de croître.

Peu après la parution de la Dianétique L. Ron Hubbardeffectuait une nouvelle découverte considérable. II était devenuévident pour lui qu'il y avait quelque chose de plusfondamental et de plus important, concernant la vie, que lecerveau, le mental et le corps. Après avoir découvert que ledénominateur commun à toute vie est «l'impulsion àsurvivre », M. Hubbard a établi de manière concluante quel'homme est fondamentalement un être spirituel, habitant uncorps et utilisant un mental.

Dans son livre suivant, la Science de la survie, qu'il a publié en1951, il a fait connaître ses découvertes sur l'esprit humain. Celivre contenait les fondements de la religion, de la scientologie.

Manifestement, L. Ron Hubbard avait franchi les frontières dela science pour pénétrer dans le royaume de la religion. Il avaitdésormais affaire aux vérités fondamentales, touchant àl'essence de la vie, ce qu'il y a avant elle, et après.

Des experts religieux du monde entier ont reconnu le caractèreprofondément religieux de la philosophie de l'esprit de L. RonHubbard. L'un d'entre eux, M. Laburthe-Tolra, professeur desociologie à la Sorbonne, a eu l'occasion d'étudier de près lareligion de la scientologie en 1980.

Il a écrit alors: « ...à examiner aussi bien la personnalité dufondateur que la forme de sa doctrine, il est égalementindubitable gué l'on a affaire à un prophète des temps modernesqui s'est montré capable de proposer une vaste synthèse originalerépondant aux aspirations de l'homme actuel. Cette doctrine,peut-être géniale, mérite donc de la part de tout homme honnêtedéférence et respect. »Dans les années qui suivirent la publication de ses premièresdécouvertes, M. Hubbard s'est principalement consacré à la

recuercue, a Sun œuvre u écrivain aiusi qu a ues tuuiemicta.Entre 1951 et 1954 seulement, il a écrit 20 livres et donné plusde 1 100 conférences.

Ses recherches s'orientaient vers tous les aspects de la vie. Sesdécouvertes dans les domaines de l'éducation et de laréhabilitation des toxicomanes lui permirent de mettre au pointdes techniques extrêmement efficaces, utilisables dans la société.

Elles ont depuis été reconnues dans le monde entier.

«Des recherches que je viens d'effectuer font clairementapparaître que la drogue constitue l'élément le plus destructif denotre société contemporaine», déclarait-il en 1979. Toujourstrès soucieux du bien-être de ses semblables, il a entrepris dans.ce domaine des recherches intensives qui ont abouti à la mise aupoint d'une procédure de désintoxication. Celle-ci a reçuinternationalement un accueil favorable dans le mondemédical.

Le succès des techniques de réhabilitation des toxicomanes deL. Ron Hubbard a finalement conduit à la création d'un réseaude centres spécialisés appelés Narconon, qui emploientexclusivement ses méthodes. Parmi les programmes de ce genre,Narconon est considéré comme le plus efficace et se trouve êtrel'un des rares à mettre en œuvre un système de réhabilitationnon médical.

L'ambition de toute la vie de M. Hubbard était d'achever sesrecherches sur le mental et sur l'esprit humains. Ce but, il l'aatteint. Mais ce n'était pas assez pour lui que d'être seul à jouirdu fruit de sa recherches et de la liberté. Il a consacré desmilliers d'heures à consigner soigneusement chaque détail deses travaux sous une forme assimilable et pratique, afin qued'autres puissent suivre ses pas et partager avec lui la richesse etla connaissance qu'il avait été le seul à découvrir.

En dehors de ses intérêts religieux et philosophiques, L. RonHubbard a toujours été un écrivain fertile. En 1980, pourcélébrer ses noces d'or d'écrivain professionnel, il a écrit le plusgrand livre de science-fiction de tous les temps Terre, champ debataille: une saga de l'an 3000. Après avoir été absent de lascène de la science-fiction pendant près de 30 années, ceténorme roman épique de plus de 800 pages décrivant le courageindomptable de l'Homme dans sa lutte pour sa survie aprovoqué un véritable tumulte et a atteint le sommet parmi lesbest-sellers internationaux. Aujourd'hui, publié dans plusd'une dizaine de pays, dont la France, ce roman i déjà étédiffusé à plus d'un million et demi d'exemplaires.

Publisher's Weekly dépeignait récemment L.Ron Hubbardcomme «un conteur hors du commun, doté d'une maîtrisetotale de l'intrigue et du rythme ». Les unes après les autres, lescritiques louent l'un des plus grands écrivains de l'Age d'Or dela science-ficion, et ses amis dans cette discipline ont été ravis deson retour à cet art.

la ai,iciH.ç-iii/iiuii a iVogt. «430000 mots écrits par un super-écrivain de l'Aged'Or... Le grand souffle de l'aventure à chaque ligne... On enparlera pendant des années... Une histoire merveilleuse... Deformidables personnages... Un chef-d'œuvre.»

Aussitôt après le succès de Terre, champ de bataille, L. RonHubbard a écrit une autre épopée dont la dimension est deplusieurs fois celle de Terre, champ de bataille. Il s'agit d'unévénement sans précédent dans l'histoire de l'édition. Missionterre, de L. Ron Hubbard, qui représente dix tomes, est uneœuvre d'une telle envergure qu'un nouveau terme, « décalogie »(signifiant un ensemble de dix volumes), a dû être créé pour ladésigner. Comme pour Terre, champ de bataille, le premiertome de cette nouvelle épopée, le Plan des envahisseurs, estimmédiatement devenu un best-seller aux Etats-Unis et l'estdemeuré depuis sa parution en octobre 198 5. Le deuxième tomede cette décalogie géante, la Genèse noire, doit paraître le 13mars prochain.

Certainement, la vie de M. Hubbard a abondé en recherches, enaventures et en découvertes. Il a vécu intensément et il a réalisétous les buts qu'il s'était fixés pour lui-même, comme pour sonœuvre. On peu le dire de peu d'autres hommes et rares sont ceuxqui ont accompli ne serait-ce qu'une partie de ce qu'a réaliséM. Ron Hubbard au cours d'une vie longue et incroyablementriche. Son départ physique n'est en rien une fin — aucontraire, c'est le signal du début du rayonnement gigantesquede son génie grâce à l'effort de ses millions d'amis quipoursuivent ce qu'il a entrepris.

De la part des amisde L. RON HUBBARD

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LE QUOTIDIEN DE PARIS - N° 1959 - LUNDI 10 MARS 1986

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La mortde Raymond Abellio

De la politiqueà là philosophie

Raymond Abellio, qui s'appelaiten réalité Georges Soûles, naît àToulouse, dans une famille modeste,le 11 novembre 1907. De très bril-lantes études le conduisent à Poly-technique (1927), puis à l'Ecolenationale des ponts et chaussées(1930), d'où il sort ingénieur. Il selance alors dans l'action politique.Militant, dans les années 30, àl'extrême gauche de la SFIO, il estélu membre du comité directeur dece parti en 1937. Mobilisé en 1939,il est fait prisonnier en 1940. Il estlibéré en 1941 - il était en Silé-sie, — et adhère au Mouvementsocial révolutionnaire, la Cagoule,d'Eugène Deloncle. « L'ère des fas-cismes et des racismes fut un com-bat pour l'âme de l'homme, etd'abord de l'homme européen »,écrira-t-il plus tard dans le premiervolume de ses Mémoires ( 1972).

Bien que, plus tard, il se soit rap-proché de la Résistance, cet engage- •ment aux côtés des cagoulards luivaut, à la Libération, une accusationd'« intelligence avec l'ennemi », dontil est finalement acquitté en 1952par le tribunal militaire, grâce, enparticulier, au témoignage du géné-ral de Bénouville.

Mais déjà, entre-temps, l'écrivaina éclipsé l'homme politique désa-busé. Georges Soûles est devenuRaymond Abellio. «Abellio, dit-ilencore dans ses Mémoires, du nomde mon grand-père Abéli, est dérivéd'Apollon, le dieu du soleil. Soûles,le nom de mon père, veut dire soleilen langue d'oc. »

Raymond Abellio a publié dès1946 son premier roman, Heureuxles pacifiques (Le Portulan, rééditéen 1980 chez Flammarion), mais ils'impose surtout en 1950, avec unautre gros roman Les yeux d'Ezé-chel sont ouverts (réédité chez Gal-limard en 1978). Commence alorsune œuvre étrange et ambitieuse,d'inspiration philosophique et

d'accent prophétique. Nourrie de laBible, de la Kabbale, de l'hin-douisme, de l'ésotérisme, elle sedéveloppe dans le roman, mais aussidans l'essai, puis les Mémoires.

A l'œuvre romanesque vients'ajouter, en 1962, la Fosse de Babel(Gallimard), qu'encadrent desessais sur le Nouveau Prophétisme(1947), la Bible document chiffré(1950), la Structure absolue (Gal-limard, 1965). Viendront ensuite laFin de l'ésotérisme (Flammarion,1973), Approches de la nouvelleGnose (Gallimard, 1981), Introduc-tion à une théorie des nombres bibli-ques, essai de numérologie kabba- 'listique, en collaboration avecCharles Hirsch (Gallimard, 1984).

En 1972, Raymond Abellio, à larecherche de Georges Soûles, com-mence son autobiographie, Ma der-nière mémoire. Les deux premiersvolumes, Un faubourg de Toulouse(1907-1927) et les Militants (1927-1939), ont paru chez Gallimard(1972 et 1975). Le troisième, Solinvictus (1939-1947), où il s'expli-que sur sa collaboration avec lesAllemands, a été apporté par Jean-Jacques Pauvert aux éditions Ram-say, où il est sorti en 1980, couronnépar le prix des Deux-Magots. En1982, Raymond Abellio a obtenu leGrand Prix de la Société des gens delettres pour l'ensemble de sonœuvre. Son dernier roman, Visagesimmobiles (Gallimard, 1983), aobtenu le Prix des intellectuels indé-pendants.

JO. S.

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REFLEXION"L'animal quicompare..."

De toute sa vie, Duméziln'aurait jamais imaginé queson travail pût trouver leretentissement qui est le sienaujourd'hui. « Dans les der-nières années de mon exis-tence, avouait-il, avec plai-sir, mais sans illusion, onm'a accablé d'honneurs.»Pourtant, il n'y a pas vingtans, lorsque jeunes étu-diants, nous sommes alléspour la première fois assisterà ses leçons au Collège deFrance quelques mois seule-ment avant qu'il prenne saretraite, la salle était prati-quement vide : deux Asiati-ques, un Américian et troisauditeurs qu'il paraissaitconnaître, ('écoutaient dis-serter avec une rare clarté surde vieilles légendes russes,ponctuant ses analyses decette singulière ironie insépa-rable de sa manière, de samodestie même. Trois moisplus tard, une foule cultu-relle encombrant l'amphi-théâtre nous interdit d'en-tendre son dernier cours.C'est alors que cette œuvresolitaire (il récusait les disci-ples et méprisait les épigo-nés) et interminable (d'unlivre l'autre, elle fut unecorrection perpétuelle) sus-cita l'engouement de lapresse. Journalistes et pho-tographes succédaient auxéquipes mobiles de télévisiondans son appartement de larue N o t r e - D a m e - d e s -Champs. ,

Ainsi, Georges Dumézil,dont l'idéal fut Thaïes ouPythagore, ces hommes«dont l'existence se résumeà un théorème», gagnait-ilHiirtiHlomiPni un mihlîr aii«<ï!

CULTURELa mort de Georges Dumézil

Le maître du mythe a rejoint ses dieuxL'œuvre de Georges Dumézil, décédé sa-

medi soir d'une hémorragie cérébrale à l'âge dequatre-vingt-huit ans, a bouleversé l'édifice dela science officielle en mettant en lumièrel'idéologie des trois fonctions (le roi-prêtre, leguerrier et le paysan) sur laquelle se fondait laconception du monde des peuples indo-euro-péens.

En cinquante livres et d'innombrablesarticles, il n'eut de cesse de révéler les analogiesqui unissaient secrètement les Indiens auxGermains, les Celtes aux Scythes, les Armé-

Comme toute penséeréellement novatr ice,

appelée à bouleverser de fonden comble les édifices de lascience officielle et à en bâtird'autres à leur place ou à côté,l'entreprise de Dumézil s'estheurtée, d'emblée, à.de violen-tes oppositions. Et l'œuvrescientifique a vu le jour, s'estdéveloppée pour finalement

-s'imposer à travers de rudesjoutes intellectuelles toujoursrenouvelées.

Pourtant l'idée qui l'animeest simple, presque évidentecroirait-on. On le savait depuislongtemps, les peuples d'ori-gine indo-européenne apparte-naient à une même commu-nauté linguistique. Puisqu'àune époque reculée, ils parlaientune même langue, ou tout aumoins des langues très prochesles unes des autres, on devaitlégitimement supposer qu'ilsavaient aussi en commun des

niens aux Romains. Il lui fallait tout savoir ettout apprendre... Les spécialistes ne manquè-rent pas de critiquer ce « généraliste » avantque la plupart de ses détracteurs ne reconnais-sent l'importance d'une œuvre gigantesque etféconde.

Georges Charachidzé, professeur à l'Institutdes langues orientales et à l'Ecole pratique deshautes études (IV section), auteur, notam-ment, du Système religieux de la Géorgiepaïenne (Maspéro) et de Grammaire de la

langue avar, a travaillé de nombreuses annéesavec Georges Dumézil ; il était resté l'un de sesplus proches collaborateurs. Il retrace pour leMatin les grandes lignes d'une œuvre qui amarqué notre époque et qui faisait dire, il y a àpeine un an, à son auteur, dont la modestieétait l'un des traits marquants : « Tout ce quej'ai fait sera rite oublié sur un rayon debibliothèques, jusqu'à ce que quelqu'un en tirequelque chose pour une future culture, toutedifférente, de l'humanité. C'est cela quej'appelle la renaissance. Rêve, vous dis-je. »

pour marquer la place de f'ima-gination dans la recherche et ladécouverte. Mais Dumézil, àson habitude, avait mis enpratique ce que d'autres com-prendraient et formuleraientbeaucoup plus tard.

C'est sans doute ce goût pourl'autre et ses modes de penséeainsi que son aptitude à com-prendre ce qui lui était le plusétranger qui ont amené Dumé-zil, comme le fait la puissanced'un destin, à consacrer delongues années de sa vie auxlangues et aux civilisations duCaucase. Rien de plus éloigné,en effet, du monde indo-euro-péen et de notre univers classi-que que cette multitude depeuples avec sa quarantaine delangues étranges, et ses tradi-tions peu communes. Ce seraitrendre une piètre justice àl'œuvre de Dumézil que d'enoublier le pan caucasien. Car,depuis soixante années, et

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vaste qu'inattendu au mo-ment même où, cessantd'enseigner, il perdait l'at-tention de ses rares étu-diants. Sans doute, ce succèsparadoxal n'était pas pourdéplaire à ce petit-fils detonnelier girondin qui cha-que année relisait, dans letexte, l'Iliade «pour le plai-sir, sans lui poser de Ques-tion »et préférait à la lectured'un roman celle de lagrammaire d'une languequ'il ignorait encore. C'estqu'il en connaissait unequarantaine, du latin à l'on-bykh, en passant par lesanscrit, l'arménien, l'aves-tique ou le vieil islandais,sans parler bien sûr del'iranien...,• «Je suis un animal quicompare», déclarait volon-tiers Dumézil qui avait suprovoquer des dialogues im-prévus entre des auteurséchelonnés sur des siècles,voire des millénaires, afin demettre en lumière le systèmede représentation, la concep-tion du monde, de cespeuples indo-européens dontpar ailleurs on ne sait pres-que rien. «Je découvre desanalogies», concluait-il.Comme les poètes dont ondit que c'est le métier. Il secontentait toutefois de re-connaître qu'U y avait peut-être du roman policier dansses travaux, « puisqu'il s'agitde traquer un secret M Mais,et en cela il fut admirable,questionnant inlassablementles textes et les langues, ilréussit à ne jamais recouvrirni leur parole ni leur voix.

Il y a deux ans, il déclaraitaccepter le succès « médiati-que », car « cela peut servir àla diffusion des choses quim'intéressent». Et commeon lui demandait pourquoi ilavait démissionné de toutesles sociétés scientifiquesauxquelles il appartenait, ilrépondit, souriant : «Parceque j'ai fait mon temps. Et jeveux mourir libre. »

Jean-Paul• lommi-Amuaatégui

idées, des conceptions juridi-ques, religieuses, peut-être unelittérature non écrite, desmythes et des légendes, etc.

A vrai dire, nul ne pouvaitnier une telle évidence. Mais,dans les années 1930 et peut-être encore maintenant, bienpeu acceptaient, acceptent, d'entirer toutes les conséquences.C'est ce qu'a fait Dumézil dès ledébut de son travail, maisencore mieux à partir de1934-1938. Il démontre, toutsimplement, que les Indo-Eu-ropéens ne parlaient pas pourne rien dire, d'où la conclusionapparemment anodine, maisqui allait peser d'un grandpoids dans les débats à venirpendant près d'un demi-siècle.

NECESSITESCIENTIFIQUE

C'est que les Latins, lesGermains, les Indiens, les Ira-niens, etc., lors de leur installa-tion sur le sol de ce qui allaitdevenir leur patrie, le Latium,l'Europe du- Nord, l 'Inde,n'arrivaient pas les mains vides,ou plus exactement la tête vide.Ils étaient munis, comme toutesociété normale, d'un systèmereligieux, de schémas idéologi-ques et de mythes. Mais Dumé-zil était un homme d'actiondans le domaine de l'esprit et,durant ce demi-siècle, il consa-cra ses ressources intellectuel-les, son énergie à vérifier l'hy-pothèse dans le détail des faits,sans négliger aucune civilisa-tion, ni aucun type d'activitéhumaine.

L'immense érudition acquiseet dominée vient de là, de cettenécessité scientifique : pourétudier Rome, il fallait lesecours du sanskrit et de lareligion védique, et ainsi deproche en proche, chacune descultures indo-européennes nepouvant être déchiffrée, expli-quée, comprise sans la connais-sance des autres. Il fallait donctout savoir et donc tout ap-prendre, ce qui fut fait. De là leremue-ménage dans 4a républi-que des sciences humaines et lescandale chez les nantis de lapensée : le savoir et la compé-tence de chaque spécialiste

De la plupart des croyances qu'il nous découvrait, Dumézil était le seul à avoir les defs (PhotoAndré Grassart)

étaient remis en cause, car,perdant leur indépendance, ilsne se suffisaient plus à eux-mêmes. Les origines de Rome,par exemple, échappaient auxseules mains des latinistes, aussiprestigieux fussent-ils : les vieuxtextes latins, Tite-Live, etc.

Toute la culture tradition-nelle des humanités classiquesexplosait. Il fallait sortir dèslimites de la Ville sacrée, desfrontières de l 'humanismetranquille. Certes, la révolutionmentale entreprise par Dumézildevait enrichir chacune dé cescultures, leur ouvrant des di-mensions qu'on ne soupçonnaitpas. A travers des textes latins,celtes, Scandinaves, indiens,iraniens, etc., on découvrait dessystèmes de pensée, on assistaitici à la métamorphose d'unethéologie, là à la renaissance dumythologique, ailleurs encore,à la résurgence d'un systèmematrimonial.

CONVICTIONMais ces trésors de l'esprit

n'étaient pas prodigués à tous,ils devaient être gagnés, méritésau prix d'une longue et inlassa-ble fréquentation des docu-ments latins, indiens, etc.,supposant la maîtrise d'unevingtaine de philologies com-plexes et différentes les unes desautres. De la plupart desroyaumes qu'il nous décou-vrait, Dumézil était le seul àavoir les clefs : on ne devaitjamais le lui pardonner.

Pire encore, sa totale libertéd'esprit et la pluridiscïplinaritéqui n'en est que la conséquencenaturelle l'entraînaient sur des

chemins que, là encore, il a étéun des premiers, et souvent leseul, à frayer. Se mouvant,comme plusieurs d'entre nous,dans ce grand courant scientifi-que qui passe par Durkheim,Mauss et Granet, il étaitconvaincu qu'un fait humainn'est accessible que dans satotalité. Qu'U est vain de sépa-rer religion, droit, économie,structures sociales, littérature,etc., mais que toutes ces pers-pectives, et d'autres encore,concourent pour donner unsens au moindre geste, à lamoindre parole des hommes,sous tous les deux, dans tous lestemps.

Cela, beaucoup le procla-maient, le proclament encore etils ont raison. Mais, tout aulong de sa vie, Dumézil a tirétoutes les conséquences de saconviction, passant immédia-tement de la pensée à l'actionscientifique. Dès ses premiersl i v r e s , dans les a n n é e s1920-1930, et plus fortementencore à partir de 1938, il s'estfait le pionnier d'un type derecherches qui devaient par lasuite s'imposer : appliquer laproblématique, les concepts etles méthodes de l'anthropologieà l'étude des civilisations dispa-rues. C'est pourquoi il fré-quenta assidûment des hommescomme Mauss, comme Granet,avec qui il partageait cettepratique alors peu courante.C'est pourquoi aussi ses livres,même les plus difficiles, les plussavants, restent accessibles et selisent souvent comme des ro-mans.

Il a su traiter les sociétésmortes comme des êtres vi-vants, ramenant ainsi à l'exis-tence, à travers les millénaires,des modes de pensée, des tech-niques littéraires, des gestesrituels qui autrement seraientrestés sans signification. S'ilréussit à nous faire déchiffrer etpresque voir, entendre les tré-sors d'intelligence et d'inven-tions déployés par ces vieillescultures, c'est qu'il s'est tou-jours refusé, comme il le disaitvolontiers, « aux constats d'au-topsie». Il opérait non sur destextes sans vie mais sur lapensée au travail.

LE REGNEDE L'IMAOINATION

Là aussi, il a dû mener uncombat incessant. Car pas plusque l'érudition en place ne luipardonnait le recours à plu-sieurs sciences sociales, pasdavantage lui accordait-elle laliberté d'esprit, l'imagination àla base de son activité scientifi-que. Il faut en effet une totaleindépendance de la pensée pourmettre en doute les certitudesacquises et ébranler les bâti-ments officiels, sans parler ducourage, car on tenta, à plu-sieurs reprises, d'étouffer cettevoix novatrice.

Il y faut aussi le règne del'imagination. Sinon commentplier son esprit au détour im-prévisible d'une pensée totale-ment étrangère? C'est mainte-nant une vérité acquise, et tousles savants, mathématicienscompris, qui ont médité sur leurpropre pratique, s'accordent

ju.xju a un âge avance, u s est •fait homme de terrain, étudiantsur place langues et coutumes,recueillant des légendes, sefamiliarisant avec une dizained'idiomes caucasiens qui pas-sent à juste titre pour les plusdifficiles du monde.

Il a notamment sauvé de lamort l'une des plus remarqua-bles de ces langues, véritablerareté de l'activité mentale etfossile vivant, l'oubykh, cham-pionne du monde des conson-nes (80 consonnes pour unevoyelle seulement). Il préparaitun dictionnaire de la langueoubykh, destiné à couronner cesauvetage d'une culture effec-tué, cette fois, non plus àtravers les âges comme pour lesIndo-Européens, mais au mo-ment précis de sa disparition.

EXI3ENCEELEMENTAIRE

La liberté créatrice et l'au-dace des conceptions allaient depair, cela va de soi, avec larigueur scientifique. Il en avaittrouvé les principes dans laméthode structurale dont il futl'un des promoteurs dans lessciences de l'homme. Il ypuisait très simplement laconviction que les éléments nes'expliquent que reliés les unsaux autres et par rapport autout dont ils font partie.

A cette exigence somme touteélémentaire s'ajoutait une hu-milité intellectuelle absolue im-pliquant respect et docilitéenvers la pensée des hommesétranges ou étrangers qu'ilétudiait. Liberté d'esprit etrigueur scientifique, imagina-tion et respect de la penséed'autrui : ces principes intangi-bles expliquent que Dumézil sesoit tenu à l'écart du systèmepolitique, des idéologies et desécoles. Il tenait ces trois carcanspour des ennemis dangereux dela création scientifique, propresà immobiliser dans leurs rets lemouvement de là pensée.Maintenant qu'il n'est plus, ilfaut plus que jamais préserversa liberté et se refuser à la figerdans quelque mouvance que cesoit.

GEORGES CHARACHIDZE

I LE MATIN - LUNDI 13 OCTOBRE 1986 -19