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8/19/2019 Wael Hens
1/9
Revue Philosophique de Louvain
In memoriam Alphonse De WaelhensJean Ladrière
Citer ce document Cite this document :
Ladrière Jean. In memoriam Alphonse De Waelhens. In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, tome 80, n°46,
1982. pp. 359-366.
http://www.persee.fr/doc/phlou_0035-3841_1982_num_80_46_6193
Document généré le 24/09/2015
http://www.persee.fr/collection/phlouhttp://www.persee.fr/doc/phlou_0035-3841_1982_num_80_46_6193http://www.persee.fr/author/auteur_phlou_104http://www.persee.fr/doc/phlou_0035-3841_1982_num_80_46_6193http://www.persee.fr/doc/phlou_0035-3841_1982_num_80_46_6193http://www.persee.fr/author/auteur_phlou_104http://www.persee.fr/doc/phlou_0035-3841_1982_num_80_46_6193http://www.persee.fr/collection/phlouhttp://www.persee.fr/
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8/19/2019 Wael Hens
2/9
HRONIQUE
IN MEMORIAM ALPHONSE
DE
WAELHENS
Alphonse De Waelhens, qui
était
devenu professeur
émérite à
la fin
de l année académique 1980-1981,
est
décédé à
Louvain
le 22 novembre
1981, quelques jours avant
la
date qui avait été fixée pour une cérémonie
d hommage organisée
par
la Faculté
de
Psychologie
et
des
Sciences
de
l Education
(à
laquelle il avait
été
rattaché
en 1968).
Né à Anvers le 11
août
1911,
il
entreprit des études de droit et,
presque simultanément,
de
philosophie.
Docteur
en droit en 1934,
il
défend le 1 8 juillet 1 936 sa thèse
de
doctorat en philosophie, consacrée à
la pensée d Octave Hamelin, et devient
à
la fois docteur en philosophie et
lettres et
docteur
en philosophie
(de l Institut
Supérieur
de Philosophie).
De
1937
à 1942,
il
est
aspirant
du
Fonds National
de
la
Recherche
Scientifique,
et
de 1942 à 1944 associé de cette
même
institution.
Le
17
juillet 1942 il défend sa thèse d agrégation,
consacrée
à «La
philosophie
de
Martin
Heidegger»,
et
devient
maître
agrégé de
l Ecole
Saint-
Thomas
d Aquin.
Dès
l année académique 1942-1943, il
est
chargé
du
cours
d histoire
de
la
philosophie
moderne et du
cours
d histoire
de
la
philosophie
contemporaine, en langue néerlandaise. En octobre 1943,
il
reprend à
Mgr.
Mansion
le cours de logique
en langue néerlandaise.
En 1 944 il
est
nommé chargé de cours
et
en 1946 professeur à l Université
Catholique
de
Louvain. Au
moment de
sa
nomination,
sa
charge
comporte les cours
suivants: Logica, Practicum van
logica,
Dispuutoefeningen,
Geschiedenis
van
de wijsbegeerte der moderne tijden, Hedendaagse wijsbegeerte
(ce
cours,
qui
était
à
option
à
sa
création, devient
obligatoire
à
partir
de
1957, sous le titre Geschiedenis van de wijsbegeerte van het
hedendaags
tijdvak), Verklaring van
wijsgerige
schrijvers uit
de moderne
tijden,
Studiën
van
moderne
en hedendaagse wijsgeren.
En 1947 s ajoute à cette
liste
le
cours
Logica
en epistemologie {grondige cursus),
dont
l intitulé devint
dans la
suite Grondige vraagstukken uit
de
epistemologie, puis Logica en
kenleer
(grondige cursus)
et enfin
Grondige studie
van vraagstukken uit
de
kentheorie.
En 1952, il reçoit
aussi la responsabilité du Seminarie
voor
epistemologie. A partir de l année académique 1958-1959, le cours
d histoire
de
la philosophie contemporaine, en langue
néerlandaise,
est
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360
Jean
Ladrière
scindé
en deux
parties,
et ce
même cours
apparaît également
scindé
en
deux
parties au programme
du
régime français: de part
et
d autre,
Joseph
Dopp
étudie le courant
empiriste
et
Alphonse
De
Waelhens
le
courant
phénoménologique. En
1961
est
créé
à
l Institut des
Sciences
Familiales
et
Sexologiques un cours
intitulé Phénoménologie
des relations
humaines dans l amour
et
le mariage. Ce cours apparaît
dans
le
programme
d études
de
1961-1962 sans titulaire. Mais dès l année suivante,
il figure au programme
avec
le nom d Alphonse De
Waelhens.
A
partir
de 1969, ce cours apparaît
dans la liste
des cours à option de l Institut
Supérieur
de Philosophie sous le
titre Phénoménologie des
relations
humaines:
J. Lacan, La famille.
(A partir
de
1971 et
jusqu en
1980-81,
le
titre
est
donné comme suit: Phénoménologie des relations humaines.
Fonction
et
champ de
la parole et du langage en psychanalyse).
En
1968 sont
constituées
deux
sections
autonomes dans
l Université,
ce
qui entraîne le déboublement des Facultés
et
Instituts. Alphonse
De Waelhens choisit
la
section
française. Il abandonne les cours qu il
donnait en langue néerlandaise, sauf
Logica
en kenleer (grondige
cursus)
et
Geschiedenis
van
de wijsbegeerte
van het hedendaags tijdvak
(partim).
Ce dernier cours
fut
repris
peu
de temps après par M. Usseling. En
décembre
1968
est
constitué le
Conseil
de
l Institut Supérieur
de
Philosophie.
Alphonse
De Waelhens en
fait partie
et
continuera
d ailleurs
à
en
être membre jusqu à
son
éméritat.
C est à
ce
moment-là qu il
est
rattaché
facultairement à la Faculté
de
Psychologie et des Sciences
de l Education.
C est
aussi
en 1968
qu il
est
nommé
professeur
ordinaire aux
Facultés
Universitaires Saint-Louis. Il y
est
chargé des cours d Anthropologie
philosophique et
de
Textes philosophiques allemands, ainsi que
d un
Séminaire
de
philosophie destiné
aux
enseignants
de
philosophie des
Facultés.
En 1969, Alphonse De
Waelhens
assume
la
responsabilité
d un
nouveau cours, créé
à
la Faculté
de Psychologie: Méthode de
la
psychologie :
phénoménologie.
Au
cours de
l année
1980-1981, dernière
année de son
activité
académique, sa charge d enseignement comportait
donc encore les trois cours
qu il
professait aux
Facultés
Saint-Louis,
les cours
d Histoire
de
la philosophie
contemporaine (partim), de
Phénoménologie
des relations humaines
et
de
Méthodes
de
la
psychologie
:
phénoménologie, à l Université Catholique
de
Louvain, à Louvain-la-
Neuve, ainsi
que le cours
Logica en kenleer au Hoger
Instituut voor
Wijsbegeerte.
A
ces
charges officielles
il
faut ajouter sa collaboration très
régulière,
pendant de
longues
années, aux travaux de
la
clinique psychiatrique de
Lovenjoel. Il y
donnait
régulièrement des leçons.
A partir
des
années 60,
ses interventions
dans
le domaine de
la psychanalyse et
de
la
psychiatrie
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In memoriam
Alphonse
De
Waelhens
361
furent d ailleurs très
nombreuses.
Il
accompagna de sa sympathie active
la création
de
l École
belge de psychanalyse, dont il
devint
membre
d honneur,
et
apporta une contribution soutenue à
ses
séminaires
et
cycles
de formation.
En
1955
déjà
il
avait
donné
une
série
de conférences
en Italie sur
le thème
«Psychanalyse
et phénoménologie». En juillet
1958,
il
avait participé au
Colloque organisé
par
la
Société
Française
de
Psychanalyse à Royaumont. En 1960,
il
présente un
rapport
sur
«La
philosophie
et
l inconscient»
aux
Journées
psychiatriques de
Bonneval. Et
ses contributions se
succèdent
jusqu à l année de sa
mort.
Il faut signaler
en particulier le séminaire
qu il
a dirigé en 1978 à
l École
de
Santé
Publique
de Louvain-en-Woluwe
et qui
a
été consacré
à
un commentaire
du texte
de
Lacan,
La causalité psychique.
Alphonse De
Waelhens
a donné de très nombreuses conférences
dans
des
universités
et
institutions
étrangères
(en
Allemagne,
en
France,
en Hollande, en
Italie,
en
Suisse)
et
a participé à un grand
nombre
de
colloques, philosophiques, psychiatriques
et
psychanalytiques. Il faut
signaler en particulier sa collaboration (très régulière, au cours des
années
cinquante)
au
Collège Philosophique de Jean
Wahl,
à Paris,
et sa
participation
très
assidue aux célèbres colloques
du
« Centro
Interna-
zionale
di
Studi Umanistici»,
fondé
et dirigé par Enrico
Castelli.
En
1950,
il
fit un
cours à l Université de
Lyon, au
titre de professeur
d échange. En 1951,
il
fut invité
à
la
Sorbonne; il y
donna un
cycle de
dix
leçons sur «Le concept
de
vérité
dans la
phénoménologie». En 1960,
il
occupa
la
Chaire Francqui
à
l Université Libre de Bruxelles, durant les
mois
de janvier,
février
et mars. Ses leçons eurent pour thème «Les
tâches
actuelles de
la
phénoménologie».
D une
très grande modestie, il ne chercha jamais les charges
et
les
honneurs, mais
la
signification de
son travail philosophique fut très tôt
reconnue,
comme malgré
lui.
L année
même de
son doctorat,
il
est
proclamé
premier,
ex aequo
avec M.
Chaïm Perelman, au
concours
interuniversitaire
de
Belgique.
En 1951,
il
est nommé membre
de
la
Société
Européenne de Culture.
En 1955,
il
est
nommé
membre
correspondant de
la
Koninklijke
Vlaamse Académie
voor
Wetenschappen,
Letter en en
Schone
Kunsten van België. En 1961,
il
est
élu membre de
Y
nstitut International de
Philosophie. En 1 964,
il
est nommé membre
de
la
XIXeme Commission
(Philosophie)
du
Fonds National
de
la
Recherche
Scientifique. En 1965 il
est
élu président
du
Wijsgerig
Gezelschap
(Leuven)
pour la période
1966-1968. En 1975, le Prix décennal de
philosophie pour
la
période 1958-1967
est
attribué par le
gouvernement
belge, ex
aequo, à
Alphonse De Waelhens pour son ouvrage La
philosophie et
les expériences naturelles
et
à
Chaïm Perelman pour son
ouvrage
La
nouvelle
rhétorique,
Traité de l argumentation, ainsi que pour
l ensemble
de
leurs
œuvres.
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362 Jean
Ladrière
Alphonse
De Waelhens fut
d une activité
infatigable,
jusqu à
la fin.
Près d un mois avant sa
mort,
il avait encore participé à un colloque
philosophique
à
Berne
et le lundi 16 novembre
il
avait eu
un
entretien, à
la
télévision,
avec
Henri Guillemin,
à
propos
de
son
livre
Le
duc de
Saint-
Simon. La philosophie,
pour lui,
n était
pas
une recherche érudite, un
exercice académique, un
sujet d enseignement, elle était
un
état, une
raison
d être,
une
exigence.
Il
était
philosophe par tout
lui-même; à
travers
l effort
incessant
qu il
a poursuivi pendant plus d un
demi-siècle
vers la compréhension, la clarté et
le
sens, c est la
signification même de
sa
vie
qui s est construite, jour après jour,
dans
une rigueur
et
une gravité
de tous les instants qui frappaient tous ceux qui l approchaient. Il y avait
en lui une admirable lucidité de l esprit,
faite
à
la fois
de
la
clarté de
l intelligence,
de
l attention pleine
de sympathie
portée aux êtres et aux
choses,
de la
sûreté
du
jugement
et
de
cette
perspicacité
du
regard
qui va
d emblée au plus essentiel
et
fait apparaître
dans la
simplicité de
l évidence
ce qui, pour
la
plupart, reste
enveloppé dans la
confusion. Et
il
avait
le
talent
de
la communication. Il donnait
à
ceux qui l écoutaient
le
sentiment de devenir intelligents avec
lui, tant
il avait
l art
de faire
partager sa propre vision, toujours chargée d un merveilleux
pouvoir
d illumination.
C est que l effort de
la compréhension, chez lui, ne
procédait pas
de
la
curiosité de l esprit mais d une sorte de nécessité de
nature, qui venait des racines de l être
et donnait
à sa parole cette
ampleur et cette autorité où se reconnaît une intelligence passionnée.
Il
y
avait chez
lui
une profonde
unité
de
l être.
A
travers
son
enseignement, ses cours, ses séminaires, ses conférences, comme à travers
ses
écrits, c est
la
même
recherche qui s est poursuivie, le
même
discours
qui s est
continué. Son
style écrit, d ailleurs,
a
la
même
solidité
rassurante
la
même tranquillité affirmative,
la
même pesanteur
convaincante
et la
même force entraînante qui ont donné à sa parole son rythme
singulier et son
inoubliable séduction.
Tous
ceux qui l ont entendu
se
souviennent
de ces
phrases d abord apparemment hésitantes, puis
s élevant progressivement
d un
mouvement de plus en plus assuré pour
poser une affirmation ramassée où se disait l essentiel et
qu il
ne
paraissait plus possible
de
mettre en doute.
Les mots,
dans son
discours,
n avaient pas seulement valeur évocatrice ou descriptive;
ils
prenaient un
poids
de
jugement qui
leur conférait
quelque chose
de
définitif et donnait
en
même
temps
le sentiment d une
responsabilité
totalement
assumée. Sa
parole, aujourd hui, s est tue, mais ce
qu il
avait à nous
dire
reste inscrit
en
ses livres,
en
ses
innombrables articles, et son œuvre continue
à
nous
instruire.
Alphonse
De Waelhens,
dans
les
derniers
mois
de
sa vie, envisageait
d entreprendre
une nouvelle étude sur Flaubert, dans
un sens
qui aurait
repris
sur
d autres
bases
l interprétation de Sartre.
Mais,
d une
certaine
-
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In memoriam Alphonse De Waelhens 363
manière, on peut considérer qu il avait achevé
son
œuvre. Ce qui nous
frappe,
rétrospectivement,
en effet, c est
la
profonde unité qui
marque
son
cheminement
intellectuel. Dès
le début,
ce qui
le
préoccupe en
premier lieu,
c est
l élucidation
des
structures
de
l existence.
Mais sa
réflexion le conduit vers une approche de plus en plus concrète
du
phénomène humain. Et
elle
se termine dans
un
long
dialogue
avec une
destinée
singulière. C est
peut-être
le sens profond qu il avait de
la
relation de personne à personne,
et du
mystère qui
est
en chacun, de cette
vérité cachée qui fait la singularité
de
chaque vie, qui a commandé tout
son
itinéraire philosophique.
On
sait quel
fut
le retentissement
du
premier
ouvrage
d Alphonse
De Waelhens, La philosophie
de Martin
Heidegger, publié en 1942.
Certes, grâce à
Emmanuel Levinas, la pensée
de Heidegger,
comme aussi
celle de
Husserl,
étaient déjà
connues du
public philosophique français
depuis avant
la
guerre. Mais le livre d Alphonse De
Waelhens fut la
première étude
d ensemble consacrée
à Heidegger,
en
tout cas à
la
partie
de
l œuvre
de Heidegger qui avait
été publiée
avant 1939.
Il fut d ailleurs
suivi
d études
partielles, telles
que Heidegger
et
le problème de
la
métaphysique
(1954), et d importants travaux
de
traduction. En 1948,
Alphonse
De Waelhens publie, en
collaboration avec Walter
Biemel,
De
l essence de
la vérité,
traduction précédée par une introduction extra-
ordinairement
éclairante. En 1953, toujours en collaboration avec Walter
Biemel,
il
publie
Kant
et
le problème
de
la
métaphysique,
traduction
également précédée d une brillante introduction. Et
en
1964,
en
collaboration avec Rudolf Boehm,
il
publie la
première partie de
L être
et
le
temps.
Mais
très
rapidement
l intérêt
d Alphonse De
Waelhens
devait se
tourner vers
la
phénoménologie husserlienne. On lui doit des études
pénétrantes
sur la méthode phénoménologique et sur la
signification de
la phénoménologie
par rapport à
l ensemble
de
la philosophie moderne
et contemporaine. Tout
naturellement
son
travail
vint
s inscrire
dans
ce grand
moment de
la
vie
philosophique que fut, dans les années
d après-guerre,
en
Europe
occidentale,
le
déploiement
de
la philosophie
de l existence d inspiration phénoménologique. Au moment même
où
Alphonse De Waelhens se faisait
l interprète de
Husserl
et
de
Heidegger,
la scène
philosophique française se transformait complètement sous
l impact
de
la publication des
premières œuvres de
Sartre et
de
Merleau-
Ponty
et
un
autre
style phénoménologique s élaborait, plus proche de
la
dernière
philosophie
de
Husserl
que
du projet d un recommencement
de
la
réflexion transcendantale,
plus attentif
au sensible, à
la
corporéité, au
vécu, à
la
temporalité concrète, au destin historique, plus accordé aux
thèmes
directeurs
d une
anthropologie qu aux problèmes
fondationnels,
qu ils
soient de nature
épistémologique
ou
ontologique.
-
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364
Jean
Ladrière
Alphonse De Waelhens
a
joué, dans
cette
période cruciale du
mouvement philosophique
en
Europe occidentale, un rôle-charnière de
la
plus grande importance. Il
fut
celui qui
assura
le passage
entre
le monde
allemand
et
le
monde
français; bien
plus,
il
fut
et
reste
celui
qui
réussit
à
créer une
véritable
articulation entre la phénoménologie
allemande
et la
phénoménologie française.
Il
faut évoquer tout particulièrement,
dans ce
contexte, ses
cours à la Sorbonne sur Phénoménologie et vérité, en 1 95 1
cours dont le texte devait être édité en 1953. On y trouve une
analyse
d une extrême lucidité, comme toujours, de
la
problématique de
la
vérité
chez Husserl,
dominée
par le
thème de
l apodicticité et
de
l évidence, et
de
la
transformation
radicale apportée par
le thème heideggerien de
Yalêtheia au
concept
classique de
la
vérité.
Mais c est visiblement
dans
l œuvre de Maurice Merleau-Ponty, à
qui
devait
le
lier
une profonde
amitié,
qu Alphonse
De
Waelhens
a
trouvé la forme
de pensée phénoménologique avec laquelle il pouvait se
sentir le plus naturellement
et l on
oserait dire le plus joyeusement
accordé.
C est à
la demande
de
Merleau-Ponty
qu il
écrit, en
préface à
la
deuxième édition de La
structure
du comportement, Une philosophie
de
l ambiguïté, texte où l on peut
trouver
sous forme condensée
l interprétation de
l existentialisme
de Merleau-Ponty développée
en 1951 dans
un
ouvrage qui
porte précisément
ce
titre.
Et lorsqu Alphonse De
Waelhens
entreprend
d élaborer
sa propre
conception d une anthropologie philosophique,
il
reste
proche
de
l orientation
que
Merleau-Ponty
avait
donnée
à
la phénoménologie.
Mais l analyse des structures
de
l être-au-monde, qui tourne autour des
thèmes
du corps,
de
la
praxis,
du
monde, d autrui, de
la
temporalité,
s inscrit
dans
une
problématique
qui concerne le statut même de
la
philosophie
et
de
la
rationalité qu elle instaure. D où le titre
du
grand
ouvrage, publié en 1961, dans lequel s exprime la vision philosophique
personnelle
d Alphonse De Waelhens La philosophie et
les expériences
naturelles. C est
sans
doute le terme
d expérience
qui
est
ici décisif. La
philosophie ne fait en somme que déployer les possibilités qui sont
inscrites
dans
«la
structure
apriorique, nécessaire
et
implicite,
de
toute
compréhension concrète de l être», mais elle
n a
pas de matière propre.
C est
dans
nos rapports concrets avec le monde que nous sont donnés les
contenus de
la compréhension.
C est
ce
livre,
capital dans
l œuvre d Alphonse De Waelhens,
qui nous donne
la
clé
et la
justification philosophique de l évolution
ultérieure de ses recherches.
A partir des années 60,
il
se tourne vers la
psychanalyse et la
psychiatrie, non seulement
sur
le
plan théorique
mais à
travers un contact
effectif et
régulier avec
la
pratique clinique. Ce qui
donne à son effort
d interprétation
toute sa
portée.
Deux
œuvres
importantes
marquent
cette
période
de
la
vie
d Alphonse
De
Waelhens,
-
8/19/2019 Wael Hens
8/9
In memoriam Alphonse De Waelhens 365
l une qui
est
de nature théorique
et
qui
est
consacrée à un essai de
compréhension de
la
psychose, l autre qui
est consacrée
à une
œuvre
littéraire célèbre mais qui, en réalité, poursuit le même travail d élucida-
tion sur
un
cas
individuel exemplaire.
La grande originalité de La psychose,
publiée en 1971, est sans doute
d avoir tenté d éclairer le phénomène de
la
folie simultanément
du
point
de vue d une
psychanalyse fortement marquée par la
réinterprétation
lacanienne
de
Freud — spécialement en ce qui concerne le rôle
et la
fonction du langage — et du
point de
vue
de
l analyse
existentiale.
Au
delà
même
du
problème
de
la
psychose,
nous
retrouvons
ici un
écho
des
réflexions
antérieures
sur
le rapport de
la philosophie
à
son
autre.
Alphonse
De
Waelhens
a poursuivi
ici, aussi
loin qu il était
possible
dans
l état actuel de notre culture,
l examen
des implications, pour
la
pensée
philosophique, de la
grande
découverte
de
l inconscient.
Le
travail qu il a
consacré
à Saint-Simon
(Le
duc de
Saint-Simon,
1981)
et
qui a occupé les dernières
années
de sa vie,
est
peut-être celui
auquel
Alphonse
De Waelhens tenait
le
plus. Peut-être parce qu ici une
longue méditation, un immense
effort théorique aboutissaient
à
une
confrontation décisive avec une destinée singulière. Peut-être
aussi
parce
qu Alphonse De
Waelhens
avait éprouvé entre
lui
et Saint-Simon une
affinité secrète et comme une
parenté
dans
l ordre de
l esprit. Et
comment
ne
pas être impressionné par
son analyse
magistrale
du
regard,
lorsqu on pense à
la
force
pénétrante de celui
qu Alphonse De Waelhens
portait
sur les êtres, les
œuvres
et les situations? Mais si, chez Saint-
Simon, la
volonté de se
placer
«dans
la
position
du
témoin
absolu»
conduisait
au refus de toute responsabilité
effective,
chez Alphonse De
Waelhens au contraire, l effort
de
la compréhension
était
inséparable
de
l engagement.
La philosophie n était pas
pour
lui uniquement interrogation
du
sens, effort
de
déchiffrement, elle était un
espace de
rencontre, elle
s inscrivait dans la communication,
elle allait
vers
l accueil
et
le partage.
Et si Alphonse De
Waelhens
a
consacré
toute une partie de sa vie à
l étude
de la pathologie
psychique,
ce
fut
sans doute
dans
un
but
théorique mais aussi dans
le
souci
de contribuer à
aider ceux
que
l épreuve atteint
jusqu en
ces régions profondes qui sont à
la
jointure de
l esprit
et du
corps.
Alphonse
De Waelhens a apporté une
contribution de
la plus
haute
signification au travail philosophique de
notre
époque,
dans une
ligne qui
est
fondamentalement celle de
la
phénoménologie mais qui
porte
l effort
phénoménologique
bien
au delà
de son
aire initiale, vers
ces régions
encore largement inexplorées que
la psychanalyse nous
fait entrevoir.
Son œuvre restera un admirable
témoignage
d une
démarche
intelle tuelle
exemplaire.
Mais
ce qui
frappe peut-être surtout en elle,
au
delà de
-
8/19/2019 Wael Hens
9/9
366
Chronique
son
apport
théorique et
de sa
vertu élucidante, c est la force
de présence
qui s y atteste.
Ceux
qui l ont connu y reconnaissent cette même
affirmation
accueillante, cette
même
proximité réservée, ce
même
engagement
discret
de l être
qui
marquaient
ses
paroles,
ses gestes,
sa
démarche la
plus quotidienne. Par toute sa personne, il disait le sérieux
de l existence, le
prix
de
la
vie, le
poids
de
ce
qui s affirme
en
toute
parole
vraie;
il
donnait à
chaque
moment une sorte de gravité qui le faisait
percevoir comme chargé d une qualité décisive.
Il
y avait
en
lui comme
une
confiance fondamentale
dans ce
qui
nous est donné et en
même
temps une rigueur sans défaut
dans
l engagement de
la
responsabilité qui
lui
donnaient
une extraordinaire densité
de
présence et en
même
temps le
rendaient totalement accueillant.
Il
fut un esprit profond, une âme généreuse,
un
cœur fidèle,
un
ami
incomparable.
Il
nous
a
donné
le
témoignage
de
ce
que
peut
être
une
vie
tout entière vouée
à
la recherche et au partage du vrai,
tout
entière
accordée à cette exigence
en
laquelle s annonce le mystère de
l être. Il
a
marqué de façon décisive l histoire de l Institut. Nous lui devons
tous
beaucoup. En sa
vie
s est attestée une qualité
de
l être, qui est maintenant
pour toujours. Recueillie et
sauvée
dans la Miséricorde.
Jean Ladrière.
Une
bibliographie
complète
des travaux d Alphonse De
Waelhens
figurera dans
le
volume
d hommage
qui sera publié prochainement par
les
Facultés
Universitaires
Saint-Louis, sous
le
titre
Qu est-ce
que
l homme? Philosophie/ Psychanalyse. Hommage à Alphonse De Waelhens
(
191
1 -1982).
CHRONIQUE GÉNÉRALE
Décès
Allemagne. — Gerhard Hennemann, né
le 25
juin
1900
à Werdohl,
y
est
décédé le
13 avril
1981. Nommé à
l Université
de Berlin
en 1937,
il passa à
la Technische
Hochschule de
Stuttgart
en 1943-44, à
la
Bergakademie
de
Clausthal-Zellerfeld en 1952-53, à
l Institut
fur theore-
tische
Physik de Cologne
en
1956
et
à
la
Pâdagogische Hochschule de
Wuppertal en 1961. Il avait publié: Querschnitt durch das Problem
der
Willensfreiheit vom Standpunkte einer neuen Identitàtsphilosophie
von
Logos
und Dynamis
(1931);
Zum Problem der
Voraussetzungslosigkeit