Wael Hens

download Wael Hens

of 9

Transcript of Wael Hens

  • 8/19/2019 Wael Hens

    1/9

    Revue Philosophique de Louvain

    In memoriam Alphonse De WaelhensJean Ladrière

    Citer ce document Cite this document :

    Ladrière Jean. In memoriam Alphonse De Waelhens. In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, tome 80, n°46,

    1982. pp. 359-366.

    http://www.persee.fr/doc/phlou_0035-3841_1982_num_80_46_6193

    Document généré le 24/09/2015

    http://www.persee.fr/collection/phlouhttp://www.persee.fr/doc/phlou_0035-3841_1982_num_80_46_6193http://www.persee.fr/author/auteur_phlou_104http://www.persee.fr/doc/phlou_0035-3841_1982_num_80_46_6193http://www.persee.fr/doc/phlou_0035-3841_1982_num_80_46_6193http://www.persee.fr/author/auteur_phlou_104http://www.persee.fr/doc/phlou_0035-3841_1982_num_80_46_6193http://www.persee.fr/collection/phlouhttp://www.persee.fr/

  • 8/19/2019 Wael Hens

    2/9

      HRONIQUE

    IN MEMORIAM ALPHONSE

    DE

    WAELHENS

    Alphonse De Waelhens, qui

    était

    devenu professeur

    émérite à

    la fin

    de l année académique 1980-1981,

    est

    décédé à

    Louvain

    le 22 novembre

    1981, quelques jours avant

    la

    date qui avait été fixée pour une cérémonie

    d hommage organisée

    par

    la Faculté

    de

    Psychologie

    et

    des

    Sciences

    de

    l Education

    laquelle il avait

    été

    rattaché

    en 1968).

    Né à Anvers le 11

    août

    1911,

    il

    entreprit des études de droit et,

    presque simultanément,

    de

    philosophie.

    Docteur

    en droit en 1934,

    il

    défend le 1 8 juillet 1 936 sa thèse

    de

    doctorat en philosophie, consacrée à

    la pensée d Octave Hamelin, et devient

    à

    la fois docteur en philosophie et

    lettres et

    docteur

    en philosophie

    (de l Institut

    Supérieur

    de Philosophie).

    De

    1937

    à 1942,

    il

    est

    aspirant

    du

    Fonds National

    de

    la

    Recherche

    Scientifique,

    et

    de 1942 à 1944 associé de cette

    même

    institution.

    Le

    17

    juillet 1942 il défend sa thèse d agrégation,

    consacrée

    à «La

    philosophie

    de

    Martin

    Heidegger»,

    et

    devient

    maître

    agrégé de

    l Ecole

    Saint-

    Thomas

    d Aquin.

    Dès

    l année académique 1942-1943, il

    est

    chargé

    du

    cours

    d histoire

    de

    la

    philosophie

    moderne et du

    cours

    d histoire

    de

    la

    philosophie

    contemporaine, en langue néerlandaise. En octobre 1943,

    il

    reprend à

    Mgr.

    Mansion

    le cours de logique

    en langue néerlandaise.

    En 1 944 il

    est

    nommé chargé de cours

    et

    en 1946 professeur à l Université

    Catholique

    de

    Louvain. Au

    moment de

    sa

    nomination,

    sa

    charge

    comporte les cours

    suivants: Logica, Practicum van

    logica,

    Dispuutoefeningen,

    Geschiedenis

    van

    de wijsbegeerte der moderne tijden, Hedendaagse wijsbegeerte

    (ce

    cours,

    qui

    était

    à

    option

    à

    sa

    création, devient

    obligatoire

    à

    partir

    de

    1957, sous le titre Geschiedenis van de wijsbegeerte van het

    hedendaags

    tijdvak), Verklaring van

    wijsgerige

    schrijvers uit

    de moderne

    tijden,

    Studiën

    van

    moderne

    en hedendaagse wijsgeren.

    En 1947 s ajoute à cette

    liste

    le

    cours

    Logica

    en epistemologie {grondige cursus),

    dont

    l intitulé devint

    dans la

    suite Grondige vraagstukken uit

    de

    epistemologie, puis Logica en

    kenleer

    (grondige cursus)

    et enfin

    Grondige studie

    van vraagstukken uit

    de

    kentheorie.

    En 1952, il reçoit

    aussi la responsabilité du Seminarie

    voor

    epistemologie. A partir de l année académique 1958-1959, le cours

    d histoire

    de

    la philosophie contemporaine, en langue

    néerlandaise,

    est

  • 8/19/2019 Wael Hens

    3/9

    360

    Jean

    Ladrière

    scindé

    en deux

    parties,

    et ce

    même cours

    apparaît également

    scindé

    en

    deux

    parties au programme

    du

    régime français: de part

    et

    d autre,

    Joseph

    Dopp

    étudie le courant

    empiriste

    et

    Alphonse

    De

    Waelhens

    le

    courant

    phénoménologique. En

    1961

    est

    créé

    à

    l Institut des

    Sciences

    Familiales

    et

    Sexologiques un cours

    intitulé Phénoménologie

    des relations

    humaines dans l amour

    et

    le mariage. Ce cours apparaît

    dans

    le

    programme

    d études

    de

    1961-1962 sans titulaire. Mais dès l année suivante,

    il figure au programme

    avec

    le nom d Alphonse De

    Waelhens.

    A

    partir

    de 1969, ce cours apparaît

    dans la liste

    des cours à option de l Institut

    Supérieur

    de Philosophie sous le

    titre Phénoménologie des

    relations

    humaines:

    J. Lacan, La famille.

    (A partir

    de

    1971 et

    jusqu en

    1980-81,

    le

    titre

    est

    donné comme suit: Phénoménologie des relations humaines.

    Fonction

    et

    champ de

    la parole et du langage en psychanalyse).

    En

    1968 sont

    constituées

    deux

    sections

    autonomes dans

    l Université,

    ce

    qui entraîne le déboublement des Facultés

    et

    Instituts. Alphonse

    De Waelhens choisit

    la

    section

    française. Il abandonne les cours qu il

    donnait en langue néerlandaise, sauf

    Logica

    en kenleer (grondige

    cursus)

    et

    Geschiedenis

    van

    de wijsbegeerte

    van het hedendaags tijdvak

    (partim).

    Ce dernier cours

    fut

    repris

    peu

    de temps après par M. Usseling. En

    décembre

    1968

    est

    constitué le

    Conseil

    de

    l Institut Supérieur

    de

    Philosophie.

    Alphonse

    De Waelhens en

    fait partie

    et

    continuera

    d ailleurs

    à

    en

    être membre jusqu à

    son

    éméritat.

    C est à

    ce

    moment-là qu il

    est

    rattaché

    facultairement à la Faculté

    de

    Psychologie et des Sciences

    de l Education.

    C est

    aussi

    en 1968

    qu il

    est

    nommé

    professeur

    ordinaire aux

    Facultés

    Universitaires Saint-Louis. Il y

    est

    chargé des cours d Anthropologie

    philosophique et

    de

    Textes philosophiques allemands, ainsi que

    d un

    Séminaire

    de

    philosophie destiné

    aux

    enseignants

    de

    philosophie des

    Facultés.

    En 1969, Alphonse De

    Waelhens

    assume

    la

    responsabilité

    d un

    nouveau cours, créé

    à

    la Faculté

    de Psychologie: Méthode de

    la

    psychologie :

    phénoménologie.

    Au

    cours de

    l année

    1980-1981, dernière

    année de son

    activité

    académique, sa charge d enseignement comportait

    donc encore les trois cours

    qu il

    professait aux

    Facultés

    Saint-Louis,

    les cours

    d Histoire

    de

    la philosophie

    contemporaine (partim), de

    Phénoménologie

    des relations humaines

    et

    de

    Méthodes

    de

    la

    psychologie

    :

    phénoménologie, à l Université Catholique

    de

    Louvain, à Louvain-la-

    Neuve, ainsi

    que le cours

    Logica en kenleer au Hoger

    Instituut voor

    Wijsbegeerte.

    A

    ces

    charges officielles

    il

    faut ajouter sa collaboration très

    régulière,

    pendant de

    longues

    années, aux travaux de

    la

    clinique psychiatrique de

    Lovenjoel. Il y

    donnait

    régulièrement des leçons.

    A partir

    des

    années 60,

    ses interventions

    dans

    le domaine de

    la psychanalyse et

    de

    la

    psychiatrie

  • 8/19/2019 Wael Hens

    4/9

    In memoriam

    Alphonse

    De

    Waelhens

    361

    furent d ailleurs très

    nombreuses.

    Il

    accompagna de sa sympathie active

    la création

    de

    l École

    belge de psychanalyse, dont il

    devint

    membre

    d honneur,

    et

    apporta une contribution soutenue à

    ses

    séminaires

    et

    cycles

    de formation.

    En

    1955

    déjà

    il

    avait

    donné

    une

    série

    de conférences

    en Italie sur

    le thème

    «Psychanalyse

    et phénoménologie». En juillet

    1958,

    il

    avait participé au

    Colloque organisé

    par

    la

    Société

    Française

    de

    Psychanalyse à Royaumont. En 1960,

    il

    présente un

    rapport

    sur

    «La

    philosophie

    et

    l inconscient»

    aux

    Journées

    psychiatriques de

    Bonneval. Et

    ses contributions se

    succèdent

    jusqu à l année de sa

    mort.

    Il faut signaler

    en particulier le séminaire

    qu il

    a dirigé en 1978 à

    l École

    de

    Santé

    Publique

    de Louvain-en-Woluwe

    et qui

    a

    été consacré

    à

    un commentaire

    du texte

    de

    Lacan,

    La causalité psychique.

    Alphonse De

    Waelhens

    a donné de très nombreuses conférences

    dans

    des

    universités

    et

    institutions

    étrangères

    (en

    Allemagne,

    en

    France,

    en Hollande, en

    Italie,

    en

    Suisse)

    et

    a participé à un grand

    nombre

    de

    colloques, philosophiques, psychiatriques

    et

    psychanalytiques. Il faut

    signaler en particulier sa collaboration (très régulière, au cours des

    années

    cinquante)

    au

    Collège Philosophique de Jean

    Wahl,

    à Paris,

    et sa

    participation

    très

    assidue aux célèbres colloques

    du

    « Centro

    Interna-

    zionale

    di

    Studi Umanistici»,

    fondé

    et dirigé par Enrico

    Castelli.

    En

    1950,

    il

    fit un

    cours à l Université de

    Lyon, au

    titre de professeur

    d échange. En 1951,

    il

    fut invité

    à

    la

    Sorbonne; il y

    donna un

    cycle de

    dix

    leçons sur «Le concept

    de

    vérité

    dans la

    phénoménologie». En 1960,

    il

    occupa

    la

    Chaire Francqui

    à

    l Université Libre de Bruxelles, durant les

    mois

    de janvier,

    février

    et mars. Ses leçons eurent pour thème «Les

    tâches

    actuelles de

    la

    phénoménologie».

    D une

    très grande modestie, il ne chercha jamais les charges

    et

    les

    honneurs, mais

    la

    signification de

    son travail philosophique fut très tôt

    reconnue,

    comme malgré

    lui.

    L année

    même de

    son doctorat,

    il

    est

    proclamé

    premier,

    ex aequo

    avec M.

    Chaïm Perelman, au

    concours

    interuniversitaire

    de

    Belgique.

    En 1951,

    il

    est nommé membre

    de

    la

    Société

    Européenne de Culture.

    En 1955,

    il

    est

    nommé

    membre

    correspondant de

    la

    Koninklijke

    Vlaamse Académie

    voor

    Wetenschappen,

    Letter en en

    Schone

    Kunsten van België. En 1961,

    il

    est

    élu membre de

    Y

    nstitut International de

    Philosophie. En 1 964,

    il

    est nommé membre

    de

    la

    XIXeme Commission

    (Philosophie)

    du

    Fonds National

    de

    la

    Recherche

    Scientifique. En 1965 il

    est

    élu président

    du

    Wijsgerig

    Gezelschap

    (Leuven)

    pour la période

    1966-1968. En 1975, le Prix décennal de

    philosophie pour

    la

    période 1958-1967

    est

    attribué par le

    gouvernement

    belge, ex

    aequo, à

    Alphonse De Waelhens pour son ouvrage La

    philosophie et

    les expériences naturelles

    et

    à

    Chaïm Perelman pour son

    ouvrage

    La

    nouvelle

    rhétorique,

    Traité de l argumentation, ainsi que pour

    l ensemble

    de

    leurs

    œuvres.

  • 8/19/2019 Wael Hens

    5/9

    362 Jean

    Ladrière

    Alphonse

    De Waelhens fut

    d une activité

    infatigable,

    jusqu à

    la fin.

    Près d un mois avant sa

    mort,

    il avait encore participé à un colloque

    philosophique

    à

    Berne

    et le lundi 16 novembre

    il

    avait eu

    un

    entretien, à

    la

    télévision,

    avec

    Henri Guillemin,

    à

    propos

    de

    son

    livre

    Le

    duc de

    Saint-

    Simon. La philosophie,

    pour lui,

    n était

    pas

    une recherche érudite, un

    exercice académique, un

    sujet d enseignement, elle était

    un

    état, une

    raison

    d être,

    une

    exigence.

    Il

    était

    philosophe par tout

    lui-même; à

    travers

    l effort

    incessant

    qu il

    a poursuivi pendant plus d un

    demi-siècle

    vers la compréhension, la clarté et

    le

    sens, c est la

    signification même de

    sa

    vie

    qui s est construite, jour après jour,

    dans

    une rigueur

    et

    une gravité

    de tous les instants qui frappaient tous ceux qui l approchaient. Il y avait

    en lui une admirable lucidité de l esprit,

    faite

    à

    la fois

    de

    la

    clarté de

    l intelligence,

    de

    l attention pleine

    de sympathie

    portée aux êtres et aux

    choses,

    de la

    sûreté

    du

    jugement

    et

    de

    cette

    perspicacité

    du

    regard

    qui va

    d emblée au plus essentiel

    et

    fait apparaître

    dans la

    simplicité de

    l évidence

    ce qui, pour

    la

    plupart, reste

    enveloppé dans la

    confusion. Et

    il

    avait

    le

    talent

    de

    la communication. Il donnait

    à

    ceux qui l écoutaient

    le

    sentiment de devenir intelligents avec

    lui, tant

    il avait

    l art

    de faire

    partager sa propre vision, toujours chargée d un merveilleux

    pouvoir

    d illumination.

    C est que l effort de

    la compréhension, chez lui, ne

    procédait pas

    de

    la

    curiosité de l esprit mais d une sorte de nécessité de

    nature, qui venait des racines de l être

    et donnait

    à sa parole cette

    ampleur et cette autorité où se reconnaît une intelligence passionnée.

    Il

    y

    avait chez

    lui

    une profonde

    unité

    de

    l être.

    A

    travers

    son

    enseignement, ses cours, ses séminaires, ses conférences, comme à travers

    ses

    écrits, c est

    la

    même

    recherche qui s est poursuivie, le

    même

    discours

    qui s est

    continué. Son

    style écrit, d ailleurs,

    a

    la

    même

    solidité

    rassurante

    la

    même tranquillité affirmative,

    la

    même pesanteur

    convaincante

    et la

    même force entraînante qui ont donné à sa parole son rythme

    singulier et son

    inoubliable séduction.

    Tous

    ceux qui l ont entendu

    se

    souviennent

    de ces

    phrases d abord apparemment hésitantes, puis

    s élevant progressivement

    d un

    mouvement de plus en plus assuré pour

    poser une affirmation ramassée où se disait l essentiel et

    qu il

    ne

    paraissait plus possible

    de

    mettre en doute.

    Les mots,

    dans son

    discours,

    n avaient pas seulement valeur évocatrice ou descriptive;

    ils

    prenaient un

    poids

    de

    jugement qui

    leur conférait

    quelque chose

    de

    définitif et donnait

    en

    même

    temps

    le sentiment d une

    responsabilité

    totalement

    assumée. Sa

    parole, aujourd hui, s est tue, mais ce

    qu il

    avait à nous

    dire

    reste inscrit

    en

    ses livres,

    en

    ses

    innombrables articles, et son œuvre continue

    à

    nous

    instruire.

    Alphonse

    De Waelhens,

    dans

    les

    derniers

    mois

    de

    sa vie, envisageait

    d entreprendre

    une nouvelle étude sur Flaubert, dans

    un sens

    qui aurait

    repris

    sur

    d autres

    bases

    l interprétation de Sartre.

    Mais,

    d une

    certaine

  • 8/19/2019 Wael Hens

    6/9

    In memoriam Alphonse De Waelhens 363

    manière, on peut considérer qu il avait achevé

    son

    œuvre. Ce qui nous

    frappe,

    rétrospectivement,

    en effet, c est

    la

    profonde unité qui

    marque

    son

    cheminement

    intellectuel. Dès

    le début,

    ce qui

    le

    préoccupe en

    premier lieu,

    c est

    l élucidation

    des

    structures

    de

    l existence.

    Mais sa

    réflexion le conduit vers une approche de plus en plus concrète

    du

    phénomène humain. Et

    elle

    se termine dans

    un

    long

    dialogue

    avec une

    destinée

    singulière. C est

    peut-être

    le sens profond qu il avait de

    la

    relation de personne à personne,

    et du

    mystère qui

    est

    en chacun, de cette

    vérité cachée qui fait la singularité

    de

    chaque vie, qui a commandé tout

    son

    itinéraire philosophique.

    On

    sait quel

    fut

    le retentissement

    du

    premier

    ouvrage

    d Alphonse

    De Waelhens, La philosophie

    de Martin

    Heidegger, publié en 1942.

    Certes, grâce à

    Emmanuel Levinas, la pensée

    de Heidegger,

    comme aussi

    celle de

    Husserl,

    étaient déjà

    connues du

    public philosophique français

    depuis avant

    la

    guerre. Mais le livre d Alphonse De

    Waelhens fut la

    première étude

    d ensemble consacrée

    à Heidegger,

    en

    tout cas à

    la

    partie

    de

    l œuvre

    de Heidegger qui avait

    été publiée

    avant 1939.

    Il fut d ailleurs

    suivi

    d études

    partielles, telles

    que Heidegger

    et

    le problème de

    la

    métaphysique

    (1954), et d importants travaux

    de

    traduction. En 1948,

    Alphonse

    De Waelhens publie, en

    collaboration avec Walter

    Biemel,

    De

    l essence de

    la vérité,

    traduction précédée par une introduction extra-

    ordinairement

    éclairante. En 1953, toujours en collaboration avec Walter

    Biemel,

    il

    publie

    Kant

    et

    le problème

    de

    la

    métaphysique,

    traduction

    également précédée d une brillante introduction. Et

    en

    1964,

    en

    collaboration avec Rudolf Boehm,

    il

    publie la

    première partie de

    L être

    et

    le

    temps.

    Mais

    très

    rapidement

    l intérêt

    d Alphonse De

    Waelhens

    devait se

    tourner vers

    la

    phénoménologie husserlienne. On lui doit des études

    pénétrantes

    sur la méthode phénoménologique et sur la

    signification de

    la phénoménologie

    par rapport à

    l ensemble

    de

    la philosophie moderne

    et contemporaine. Tout

    naturellement

    son

    travail

    vint

    s inscrire

    dans

    ce grand

    moment de

    la

    vie

    philosophique que fut, dans les années

    d après-guerre,

    en

    Europe

    occidentale,

    le

    déploiement

    de

    la philosophie

    de l existence d inspiration phénoménologique. Au moment même

    Alphonse De Waelhens se faisait

    l interprète de

    Husserl

    et

    de

    Heidegger,

    la scène

    philosophique française se transformait complètement sous

    l impact

    de

    la publication des

    premières œuvres de

    Sartre et

    de

    Merleau-

    Ponty

    et

    un

    autre

    style phénoménologique s élaborait, plus proche de

    la

    dernière

    philosophie

    de

    Husserl

    que

    du projet d un recommencement

    de

    la

    réflexion transcendantale,

    plus attentif

    au sensible, à

    la

    corporéité, au

    vécu, à

    la

    temporalité concrète, au destin historique, plus accordé aux

    thèmes

    directeurs

    d une

    anthropologie qu aux problèmes

    fondationnels,

    qu ils

    soient de nature

    épistémologique

    ou

    ontologique.

  • 8/19/2019 Wael Hens

    7/9

    364

    Jean

    Ladrière

    Alphonse De Waelhens

    a

    joué, dans

    cette

    période cruciale du

    mouvement philosophique

    en

    Europe occidentale, un rôle-charnière de

    la

    plus grande importance. Il

    fut

    celui qui

    assura

    le passage

    entre

    le monde

    allemand

    et

    le

    monde

    français; bien

    plus,

    il

    fut

    et

    reste

    celui

    qui

    réussit

    à

    créer une

    véritable

    articulation entre la phénoménologie

    allemande

    et la

    phénoménologie française.

    Il

    faut évoquer tout particulièrement,

    dans ce

    contexte, ses

    cours à la Sorbonne sur Phénoménologie et vérité, en 1 95 1

    cours dont le texte devait être édité en 1953. On y trouve une

    analyse

    d une extrême lucidité, comme toujours, de

    la

    problématique de

    la

    vérité

    chez Husserl,

    dominée

    par le

    thème de

    l apodicticité et

    de

    l évidence, et

    de

    la

    transformation

    radicale apportée par

    le thème heideggerien de

    Yalêtheia au

    concept

    classique de

    la

    vérité.

    Mais c est visiblement

    dans

    l œuvre de Maurice Merleau-Ponty, à

    qui

    devait

    le

    lier

    une profonde

    amitié,

    qu Alphonse

    De

    Waelhens

    a

    trouvé la forme

    de pensée phénoménologique avec laquelle il pouvait se

    sentir le plus naturellement

    et l on

    oserait dire le plus joyeusement

    accordé.

    C est à

    la demande

    de

    Merleau-Ponty

    qu il

    écrit, en

    préface à

    la

    deuxième édition de La

    structure

    du comportement, Une philosophie

    de

    l ambiguïté, texte où l on peut

    trouver

    sous forme condensée

    l interprétation de

    l existentialisme

    de Merleau-Ponty développée

    en 1951 dans

    un

    ouvrage qui

    porte précisément

    ce

    titre.

    Et lorsqu Alphonse De

    Waelhens

    entreprend

    d élaborer

    sa propre

    conception d une anthropologie philosophique,

    il

    reste

    proche

    de

    l orientation

    que

    Merleau-Ponty

    avait

    donnée

    à

    la phénoménologie.

    Mais l analyse des structures

    de

    l être-au-monde, qui tourne autour des

    thèmes

    du corps,

    de

    la

    praxis,

    du

    monde, d autrui, de

    la

    temporalité,

    s inscrit

    dans

    une

    problématique

    qui concerne le statut même de

    la

    philosophie

    et

    de

    la

    rationalité qu elle instaure. D où le titre

    du

    grand

    ouvrage, publié en 1961, dans lequel s exprime la vision philosophique

    personnelle

    d Alphonse De Waelhens La philosophie et

    les expériences

    naturelles. C est

    sans

    doute le terme

    d expérience

    qui

    est

    ici décisif. La

    philosophie ne fait en somme que déployer les possibilités qui sont

    inscrites

    dans

    «la

    structure

    apriorique, nécessaire

    et

    implicite,

    de

    toute

    compréhension concrète de l être», mais elle

    n a

    pas de matière propre.

    C est

    dans

    nos rapports concrets avec le monde que nous sont donnés les

    contenus de

    la compréhension.

    C est

    ce

    livre,

    capital dans

    l œuvre d Alphonse De Waelhens,

    qui nous donne

    la

    clé

    et la

    justification philosophique de l évolution

    ultérieure de ses recherches.

    A partir des années 60,

    il

    se tourne vers la

    psychanalyse et la

    psychiatrie, non seulement

    sur

    le

    plan théorique

    mais à

    travers un contact

    effectif et

    régulier avec

    la

    pratique clinique. Ce qui

    donne à son effort

    d interprétation

    toute sa

    portée.

    Deux

    œuvres

    importantes

    marquent

    cette

    période

    de

    la

    vie

    d Alphonse

    De

    Waelhens,

  • 8/19/2019 Wael Hens

    8/9

    In memoriam Alphonse De Waelhens 365

    l une qui

    est

    de nature théorique

    et

    qui

    est

    consacrée à un essai de

    compréhension de

    la

    psychose, l autre qui

    est consacrée

    à une

    œuvre

    littéraire célèbre mais qui, en réalité, poursuit le même travail d élucida-

    tion sur

    un

    cas

    individuel exemplaire.

    La grande originalité de La psychose,

    publiée en 1971, est sans doute

    d avoir tenté d éclairer le phénomène de

    la

    folie simultanément

    du

    point

    de vue d une

    psychanalyse fortement marquée par la

    réinterprétation

    lacanienne

    de

    Freud — spécialement en ce qui concerne le rôle

    et la

    fonction du langage — et du

    point de

    vue

    de

    l analyse

    existentiale.

    Au

    delà

    même

    du

    problème

    de

    la

    psychose,

    nous

    retrouvons

    ici un

    écho

    des

    réflexions

    antérieures

    sur

    le rapport de

    la philosophie

    à

    son

    autre.

    Alphonse

    De

    Waelhens

    a poursuivi

    ici, aussi

    loin qu il était

    possible

    dans

    l état actuel de notre culture,

    l examen

    des implications, pour

    la

    pensée

    philosophique, de la

    grande

    découverte

    de

    l inconscient.

    Le

    travail qu il a

    consacré

    à Saint-Simon

    (Le

    duc de

    Saint-Simon,

    1981)

    et

    qui a occupé les dernières

    années

    de sa vie,

    est

    peut-être celui

    auquel

    Alphonse

    De Waelhens tenait

    le

    plus. Peut-être parce qu ici une

    longue méditation, un immense

    effort théorique aboutissaient

    à

    une

    confrontation décisive avec une destinée singulière. Peut-être

    aussi

    parce

    qu Alphonse De

    Waelhens

    avait éprouvé entre

    lui

    et Saint-Simon une

    affinité secrète et comme une

    parenté

    dans

    l ordre de

    l esprit. Et

    comment

    ne

    pas être impressionné par

    son analyse

    magistrale

    du

    regard,

    lorsqu on pense à

    la

    force

    pénétrante de celui

    qu Alphonse De Waelhens

    portait

    sur les êtres, les

    œuvres

    et les situations? Mais si, chez Saint-

    Simon, la

    volonté de se

    placer

    «dans

    la

    position

    du

    témoin

    absolu»

    conduisait

    au refus de toute responsabilité

    effective,

    chez Alphonse De

    Waelhens au contraire, l effort

    de

    la compréhension

    était

    inséparable

    de

    l engagement.

    La philosophie n était pas

    pour

    lui uniquement interrogation

    du

    sens, effort

    de

    déchiffrement, elle était un

    espace de

    rencontre, elle

    s inscrivait dans la communication,

    elle allait

    vers

    l accueil

    et

    le partage.

    Et si Alphonse De

    Waelhens

    a

    consacré

    toute une partie de sa vie à

    l étude

    de la pathologie

    psychique,

    ce

    fut

    sans doute

    dans

    un

    but

    théorique mais aussi dans

    le

    souci

    de contribuer à

    aider ceux

    que

    l épreuve atteint

    jusqu en

    ces régions profondes qui sont à

    la

    jointure de

    l esprit

    et du

    corps.

    Alphonse

    De Waelhens a apporté une

    contribution de

    la plus

    haute

    signification au travail philosophique de

    notre

    époque,

    dans une

    ligne qui

    est

    fondamentalement celle de

    la

    phénoménologie mais qui

    porte

    l effort

    phénoménologique

    bien

    au delà

    de son

    aire initiale, vers

    ces régions

    encore largement inexplorées que

    la psychanalyse nous

    fait entrevoir.

    Son œuvre restera un admirable

    témoignage

    d une

    démarche

    intelle tuelle

    exemplaire.

    Mais

    ce qui

    frappe peut-être surtout en elle,

    au

    delà de

  • 8/19/2019 Wael Hens

    9/9

    366

    Chronique

    son

    apport

    théorique et

    de sa

    vertu élucidante, c est la force

    de présence

    qui s y atteste.

    Ceux

    qui l ont connu y reconnaissent cette même

    affirmation

    accueillante, cette

    même

    proximité réservée, ce

    même

    engagement

    discret

    de l être

    qui

    marquaient

    ses

    paroles,

    ses gestes,

    sa

    démarche la

    plus quotidienne. Par toute sa personne, il disait le sérieux

    de l existence, le

    prix

    de

    la

    vie, le

    poids

    de

    ce

    qui s affirme

    en

    toute

    parole

    vraie;

    il

    donnait à

    chaque

    moment une sorte de gravité qui le faisait

    percevoir comme chargé d une qualité décisive.

    Il

    y avait

    en

    lui comme

    une

    confiance fondamentale

    dans ce

    qui

    nous est donné et en

    même

    temps une rigueur sans défaut

    dans

    l engagement de

    la

    responsabilité qui

    lui

    donnaient

    une extraordinaire densité

    de

    présence et en

    même

    temps le

    rendaient totalement accueillant.

    Il

    fut un esprit profond, une âme généreuse,

    un

    cœur fidèle,

    un

    ami

    incomparable.

    Il

    nous

    a

    donné

    le

    témoignage

    de

    ce

    que

    peut

    être

    une

    vie

    tout entière vouée

    à

    la recherche et au partage du vrai,

    tout

    entière

    accordée à cette exigence

    en

    laquelle s annonce le mystère de

    l être. Il

    a

    marqué de façon décisive l histoire de l Institut. Nous lui devons

    tous

    beaucoup. En sa

    vie

    s est attestée une qualité

    de

    l être, qui est maintenant

    pour toujours. Recueillie et

    sauvée

    dans la Miséricorde.

    Jean Ladrière.

    Une

    bibliographie

    complète

    des travaux d Alphonse De

    Waelhens

    figurera dans

    le

    volume

    d hommage

    qui sera publié prochainement par

    les

    Facultés

    Universitaires

    Saint-Louis, sous

    le

    titre

    Qu est-ce

    que

    l homme? Philosophie/ Psychanalyse. Hommage à Alphonse De Waelhens

    (

    191

    1 -1982).

    CHRONIQUE GÉNÉRALE

    Décès

    Allemagne. — Gerhard Hennemann, né

    le 25

    juin

    1900

    à Werdohl,

    y

    est

    décédé le

    13 avril

    1981. Nommé à

    l Université

    de Berlin

    en 1937,

    il passa à

    la Technische

    Hochschule de

    Stuttgart

    en 1943-44, à

    la

    Bergakademie

    de

    Clausthal-Zellerfeld en 1952-53, à

    l Institut

    fur theore-

    tische

    Physik de Cologne

    en

    1956

    et

    à

    la

    Pâdagogische Hochschule de

    Wuppertal en 1961. Il avait publié: Querschnitt durch das Problem

    der

    Willensfreiheit vom Standpunkte einer neuen Identitàtsphilosophie

    von

    Logos

    und Dynamis

    (1931);

    Zum Problem der

    Voraussetzungslosigkeit