Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément...

121
L e s c a h i e r s d e l a s s u r a n c e Assurance automobile, la fin d’une époque Introduction : François-Xavier Albouy Interview : Marc Guillaume Arthur Charpentier Arnaud Chneiweiss Jean-Pierre Daniel Pierre Martin Jean Péchinot Peggy Sejourné Emmanuel Soulias Odile Thoumas n° 83 Septembre 2010 Risques Y a-t-il un risque de taux d’intérêt ? Johan Attal Didier Borowski Louis Bouychou Marie Brière Marie-Pierre Gonon Mathilde Lemoine Stéphane Loisel Michel Louchard Xavier Milhaud Philippe Vibert-Guigue Études et livres Arthur Charpentier Arnaud Chneiweiss Laurent Devineau Johnny Douvinet Ghizlane Kettani Jean Marie Nessi Jacques Pelletan Alain Villemeur Washington-Wall Street Watch Le COR, Conseil d’orientation des retraites, un nouveau lieu de débat Raphaël Hadas-Lebel

Transcript of Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément...

Page 1: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

L e s c a h i e r s d e l ’ a s s u r a n c e

Assurance automobile, la fin d’une époque Introduction : François-Xavier Albouy

Interview : Marc Guillaume

� Arthur Charpentier� Arnaud Chneiweiss� Jean-Pierre Daniel� Pierre Martin� Jean Péchinot� Peggy Sejourné� Emmanuel Soulias� Odile Thoumas

n° 83 Septembre 2010

Risques

Y a-t-il un risque de taux d’intérêt ?

� Johan Attal� Didier Borowski � Louis Bouychou� Marie Brière� Marie-Pierre Gonon� Mathilde Lemoine� Stéphane Loisel� Michel Louchard� Xavier Milhaud� Philippe Vibert-Guigue

Études et livres

� Arthur Charpentier� Arnaud Chneiweiss� Laurent Devineau� Johnny Douvinet� Ghizlane Kettani� Jean Marie Nessi� Jacques Pelletan� Alain Villemeur� Washington-Wall Street Watch

Le COR, Conseil d’orientation des retraites, un nouveau lieu de débat Raphaël Hadas-Lebel

Page 2: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

David Alary, Philippe Askenazy, Luc Arrondel, Jean Berthon,

Michel Bisch, Jean-François Boulier, Marc Bruschi, Philippe Casson,

Pierre-André Chiappori, Michèle Cohen, Georges Dionne,

Patrice Duran, Georges Durry, Louis Eeckhoudt, Didier Folus, Pierre-Yves Geoffard, Claude Gilbert,

Christian Gollier, Jean-Pierre Grimaud, Marc Guillaume, Bernard Guillochon, Pierre-Cyrille Hautcoeur,

Sylvie Hennion-Moreau, Dominique Henriet, Christian Hess, Vincent Heuzé, Jean-Pierre Indjehagopian,

Pierre Jacquet, Gilles Johanet, Elyès Jouini, Jérôme Kullmann, Dominique de La Garanderie,

Pierre-Marie Larnac, Daniel Laurent, Hervé Le Borgne, Claude Le Pen,

Laurent Leveneur, Olivier Mareuse, Pierre Martin, André Masson, Luc Mayaux, François Meunier,

Jean-Christophe Meyfredi, Erwann Michel-Kerjan, Alain Moeglin, Marie-Christine Monsallier-Saint-Mleux,

Stéphane Mottet, Michel Mougeot, Bertrand Munier, Yves Negro, Carlos Pardo, Jacques Pelletan,

Pierre Pestieau, Pierre Petauton, Pierre Picard, Manuel Plisson, Pierre-Charles Pradier, Jean-Claude Prager,

André Renaudin, Christophe Roux-Dufort, Christian Schmidt, Côme Segretain,

Olivier Sorba, Didier Sornette, Charles Tapiero, Patrick Thourot, Alain Trognon,

François de Varenne, Nicolas Véron, Jean-Luc Wybo

Jean-Hervé Lorenzi Directeur de la rédaction

Francois-Xavier Albouy et Robert LeblancSociété

Gilles Bénéplanc et Daniel ZajdenweberRisques et solutions

Pierre Bollon Études et livres

Arnaud Chneiweiss et Philippe Trainar Analyses et débats

François Ewald Jean-François Lequoy

Joëlle RollandSecrétaire de rédaction

Comité éditorial

Comité scientifique

Page 3: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

1. Société Le COR, Conseil d’orientation des retraites, un nouveau lieu de débat

Entretien avecRaphaël Hadas-Lebel, président du COR Par Jean-Hervé Lorenzi et François-Xavier Albouy . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

2. Risques et solutions Assurance automobile, la fin d’une époque

François-Xavier Albouy, Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Marc Guillaume, Interview . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Pierre Martin, Dans le rétroviseur : Le risque automobile en France 1910-2010 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Jean Péchinot, 2020 l'odyssée de l'assurance automobile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Emmanuel Soulias, L’enjeu de la mobilité durable, contraintes ou opportunités ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Arnaud Chneiweiss, Odile Thoumas, Peggy Sejourné, Les services à la personne, nouvel horizon de l’assurance automobile ? . . .

Arthur Charpentier, Le bonus malus français a-t-il encore un avenir ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Jean-Pierre Daniel, L’assurance automobile dans les pays émergents . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

3. Analyses et débats Y a-t-il un risque de taux d’intérêt ?

Daniel Zajdenweber, Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Mathilde Lemoine, Une remontée des taux d’intérêt longs inévitables ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Didier Borowski et Marie Brière, Faut-il craindre une forte remontée des taux ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Louis Bouychou et Johan Attal, Le risque de taux en épargne assurance vie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Xavier Milhaud, Marie-Pierre Gonon, Stéphane Loisel, Les comportements de rachat en assurance vie . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Philippe Vibert-Guigue et Michel Louchard, Couvrir le risque d’inflation : de l’intérêt du dialogue entre le gérant et l’assureur

4. Etudes et livres

Arthur Charpentier, Laurent Devineau, Jean Marie Nessi, Mesurer le risque lors du calcul des provisions pour sinistres à paye . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Département Macroéconomie-Finances Service Economique des Etats-Unis Ambassade de France Washington, Le programme fédéral Social Security : état des lieux et enjeux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Johnny Douvinet, Le traitement des inondations en catastrophe naturelle : un système à adapter . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Actualité de la Fondation du risqueAlain Villemeur, Jacques Pelletan, et Ghizlane Kettani, Vieillissement et croissance : un regard critique sur la littérature . .

Arnaud Chneiweiss, Lecture urgente, par François-Xavier Albouy . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

9

1719242933384349

575964727581

93

101104

113

118

Sommaire - n° 83 -

Page 4: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les
Page 5: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Ce numéro de Risques est au cœur de l’actualité. Non pas l’actualité immédiate, mais celle quiannonce les bouleversements auxquels la société française et, d’une manière plus générale, lespays de l’OCDE vont être confrontés. Jamais en effet nous ne fûmes si attachés à esquisserl’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis encause par les conséquences de la crise et de la réorganisation de l’économie mondiale qui enrésultera. Mais, dans tout cela, aucune certitude, beaucoup d’interrogations, et des choix àfaire tels que ce fut rarement le cas. La plus belle illustration de cette réflexion est évidemmentcelle qui touche aux évolutions des taux d’intérêt. Nous avons assisté, très intrigués, à cettelente mais très forte décrue des taux à long terme et nul ne peut prévoir si elle sera pérenne, sielle peut encore se poursuivre ou si, au contraire, nous serons les spectateurs inquiets d’unerapide remontée de ces taux. Chacune de ces hypothèses présente son lot de difficultés et d’inconvénients, mais celle que les assureurs redoutent évidemment le plus, c’est une remontéebrutale qui pourrait les mettre en péril. Alors, nous avons examiné le risque de taux d’intérêtavec la probabilité de son occurrence, et surtout les conséquences que cela pourrait avoir surles comptes des assureurs vie. Mais nous avons voulu aussi privilégier dans ce numéro le regard que porte Raphaël HadasLebel, président du COR, sur la réforme des retraites. Bien entendu, sa position lui interdisaitde s’engager dans un jugement sur les propositions actuelles, mais le fait est marquant qui ressort de son interview, c’est de comprendre le rôle incomparable que peut avoir une institution telle que le COR, composée des représentants des parties prenantes et fournissantau débat public des éléments inattaquables sur la situation actuelle et à venir. Enfin, chacunsait que le secteur de l’automobile sera peut-être le plus touché par le transfert d’activités despays de l’OCDE vers les pays émergents. Ce que l’on sait moins, c’est que, progressivement,la vente d’automobiles cédera la place à la vente d’un service dont l’objet automobile demeurel’élément majeur mais qui se voit changer de nature, car tant à son achat qu’au financement decelui-ci pourrait se substituer un service de mise à disposition d’un moyen de transport. Bienentendu, l’assurance est partie prenante de cette évolution et toute une série de questionss’impose alors : quel est le rôle des assureurs, qui prend en charge le coût de l’assurance... ? On le voit, ce numéro est plus porteur d’interrogations que de certitudes, mais tel est l’étatactuel de la réflexion en ce milieu de crise.

Jean-Hervé Lorenzi

Éditorial

Page 6: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les
Page 7: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Le COR, Conseil d’orientation des retraites, un nouveau lieu de débat

� Raphaël Hadas-Lebel

Président du Cor

1.

Soci

été

Page 8: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les
Page 9: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

R a p h a ë l H a d a s - L e b e lP r é s i d e n t d u C o r

Entretien réalisé par Jean-Hervé Lorenzi et François-Xavier Albouy

Risques : La première question porte sur le statut trèsparticulier du COR, pôle d’expertise mis à la dispositiondes intervenants sur la réforme des retraites pour fournir des données et des analyses qui ne seraient passujettes à discussion. Le COR est un instrument assezinsolite dans le débat public…

Raphaël Hadas-Lebel : Sinon insolite, du moinsassez original. En quoi l’existence du COR constitue-t-elle un progrès pour le débat public ? Il est exact quele COR, qui est né en 2000, est considéré d’unemanière générale comme étant un succès, ce qui n’étaitpas évident au moment de sa création. Nous allonscélébrer dans quelques semaines, à l’occasion d’un colloque qui aura lieu le 18 novembre, les dix ans duCOR, et nous allons réfléchir avec rigueur et sans complaisance sur les apports de cette structure à laréflexion en ce qui concerne les retraites. Mais d’ores etdéjà je peux dire que plusieurs de ses caractéristiquessont incontestablement un facteur de progrès.

Première caractéristique : c’est une structure perma-nente. À la différence du système antérieur, qui étaitponctué de rapports que l’on rangeait souvent dans lestiroirs, nous avons ici une institution qui bénéficie dela continuité et qui permet donc d’avoir un regardcontinu et approfondi sur les perspectives des retraites.

Risques : Combien le COR compte-t-il de collaborateurs ?

Raphaël Hadas-Lebel : C’est une toute petite structure. Le secrétariat général ne comprend que neufpermanents. Il faut distinguer cette structure adminis-trative du collège proprement dit, qui est lui formé de

trente-neuf personnes comprenant les partenairessociaux, des représentants patronaux, des représentantssyndicaux (de tous les syndicats : les cinq traditionnels,mais aussi d’autres comme l’Unsa, la FSU et les syndicatsagricoles), des représentants des administrations compétentes, des experts indépendants (au nombre desix) et, last but not least, des parlementaires, de la majorité et de l’opposition, de l’Assemblée nationale etdu Sénat. Il s’agit donc d’un organisme – c’est sa deuxième carac-téristique – pluraliste. Les points de vue de chacun ne sont pas toujours convergents, mais on essaie, à l’occasion du débat, de décanter des positions, de faciliter les discussions, parfois de parvenir à un constatpartagé (cela arrive, au moins sur les diagnostics), d’é-tudier les différentes pistes envisageables et, si possible,de trouver des éléments de consensus. Cette diversitéest un élément positif, dès lors qu’on sait faire travaillerensemble des gens d’avis différents.

Troisième caractéristique : la réflexion du COR se situesur le long terme, ce qui est normal s’agissant de laretraite. Elle essaie donc d’échapper aux contraintes del’urgence. D’où l’intérêt de travaux de projection quiont pour horizon les années 2020 et 2050.

Enfin, la qualité technique des rapports du COR,généralement reconnue, est due au travail de la petiteéquipe qui m’entoure, qui ne fonctionne pas en vaseclos, mais travaille en liaison avec les différentes caissesde retraite et les administrations compétentes.

La contrepartie de notre composition diversifiée, c’estqu’il est parfois difficile de se mettre d’accord sur despropositions univoques de solutions. On ne peut pasdemander au COR, par exemple, d’adopter une position commune sur les questions liées au décalage

Risques n° 83 / Septembre 2010 9

Société

R a p h a ë l H a d a s - L e b e lP r é s i d e n t d u C o r

Page 10: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

des bornes d’âge. En revanche, ce qu’on a réussi à faire,c’est évaluer de façon fiable les besoins de financementà moyen et long terme, et analyser différentes pistesparmi lesquelles il appartient ensuite aux décideurs etaux partenaires sociaux de choisir. Peut-on aller plusloin dans les préconisations du COR ? Cela impliqueraitun plus grand consensus social et politique que celuique nous connaissons actuellement.

Le projet de loi discuté au Parlement prévoit la créationd’un Comité de pilotage des retraites permettant d’élaborer éventuellement certaines mesures correctricesen cas de dérive financière. Il ne pourra être efficaceque si sa composition permet effectivement de dégagerun accord sur des propositions de solutions.

Risques : Par qui sont nommés les six experts indé-pendants ?

Raphaël Hadas-Lebel : Par le Premier ministre, entenant compte de nos propositions. Nous veillons à cequ’ils soient incontestables. C’est le cas aujourd’hui,avec des personnalités telles que Jean-Michel Charpin,Raoul Briet, Martine Durand, qui a apporté sa connais-sance des pays membres de l’OCDE, Philippe Vivien,directeur du personnel d’Areva et président de l’Agirc,et les économistes Didier Blanchet et Serge Volkoff.

Risques : Comment le COR a-t-il préparé le rendez-vous de 2010 ?

Raphaël Hadas-Lebel : La préparation du rendez-vous de 2010 a pris un an et demi, parce que le CORa examiné à peu près tous les aspects du sujet.

Nous avons commencé d’ailleurs, de manière para-doxale, par la réforme dite systémique. Après un travailde près d’une année, le COR a rendu, en janvier dernier, un rapport à la demande du Parlement, sur les questions soulevées par une éventuelle réforme systémique et sur des modalités de mise en œuvre. Bienentendu, ce rapport ne comportait aucune position deprincipe pour ou contre une telle réforme car, sur cepoint, il n’y avait pas accord au sein du Conseil, seul unsyndicat ayant manifesté un certain intérêt pour une

réforme systémique. Après avoir présenté un état deslieux du système actuel, nous avons décrit les caracté-ristiques de chaque système – régime en points ou encomptes notionnels –, les avantages et les inconvénientsde chacun, les conditions préalables à satisfaire, les précautions à prendre et les transitions à ménager. Lerapport montre qu’un changement de système esttechniquement possible, qu’il permet même d’incluredes éléments de solidarité, mais qu’il soulèverait desproblèmes évidents de mise en oeuvre et nécessiteraitau préalable des choix politiques ayant trait notammentà l’architecture du système de retraite. Si un jour l’on veut s’orienter vers un changement de système, ce 7e

rapport du COR sera alors incontournable.

En second lieu, nous avons travaillé en nous situantdans le cadre du système actuel ; d’une part, en évaluant les besoins de financement du système deretraite en fonction de divers scénarios économiquesprenant en compte les effets de la crise (c’était en avril) ;d’autre part, en effectuant des simulations sur les effetsde diverses mesures, notamment celles qui touchent àla hausse de la durée d’assurance et au décalage des bornes d’âge. Certains organismes syndicaux n’étaientpas favorables par principe à ce que nous simulions certaines hypothèses. Ils ont toutefois admis que dansle cadre, non pas d’un rapport du COR, mais d’undossier publié (en mai) sous ma responsabilité, nousfassions ces simulations, qui ont été utiles pour donnerdes ordres de grandeur sur les effets de diverses hypothèsesde déplacement des bornes d’âge ou d’allongement dela durée d’assurance. Ainsi avons-nous apporté au gouvernement et aux partenaires sociaux des élémentsd’appréciation pour la préparation d’une réforme. Jeconstate qu’aucune des organisations représentées auCOR n’a contesté la validité des chiffrages qui ont étéfaits. Il y a eu des interprétations et des réactionscontrastées sur tel choix politique, mais c’est là un autresujet.

Risques : Comment les études sur les âges de départont-elles été accueillies ?

Raphaël Hadas-Lebel : Certains membres deman-daient telles simulations, d’autres les refusaient.

Risques n° 83 / Septembre 201010

Interview

Page 11: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Risques n° 83 / Septembre 2010 11

Quelques fuites dans la presse ont donné à tort le sentiment que les hypothèses étudiées étaient déjà desmesures décidées. Une solution a finalement été trouvée, qui a permis à chacun de voir ses prioritésrespectées. Il n’est pas nécessaire que tous les membressoient absolument d’accord sur tout. Ma tâche est deveiller à formuler des positions qui, même à défaut deconsensus, puissent faire avancer la réflexion.

Risques : Le premier rapport du COR a servi de cadrageà la réforme de 2003. Qu’est-ce qui a bougé depuis ?

Raphaël Hadas-Lebel : La réforme de 2003 prévoyaitdes rendez-vous périodiques – le premier en 2008 –,pour examiner la situation du système de retraite. Leprincipal élément nouveau qui est intervenu depuis,c’est la crise économique et financière, dont les consé-quences ont aggravé les effets déjà connus du chocdémographique que nous devons affronter.

Risques : Le seul reproche qu’un regard extérieur d’économiste puisse faire, c’est que la partie purementfiscale soit moins traitée que les hypothèses démogra-phiques.

Raphaël Hadas-Lebel : Dans les deux documentsque nous avons rendu publics (le 14 avril pour les évaluations du besoin de financement et le 15 maipour les simulations) ont été présentés tous les éléments du besoin de financement, tous régimes deretraite confondus. Le 8e rapport du 14 avril présentenotamment ce que nous appelons l’abaque associé auxprojections. Et l’abaque du COR donne des élémentsd’information sur la mise en œuvre des trois levierspermettant d’équilibrer un système de retraite enrépartition, à savoir l’âge effectif moyen de départ à laretraite, mais également le niveau relatif des pensions etle niveau des ressources du système. On n’est pas entrédans le détail du financement – nous ne sommes pascompétents pour traiter de la politique fiscale –, maison a examiné les trois modalités possibles : celle quiconsiste à transférer des ressources d’un système à l’autre,par exemple compenser une hausse des cotisationsretraite par une baisse des cotisations de l’Unedic ; cellequi consiste à augmenter les cotisations, mais reste à

savoir qui du salarié ou de l’entreprise en supportera lacharge ; enfin, celle qui consiste à rechercher d’autressources de financement, y compris budgétaires, l’affec-tation de ressources budgétaires se justifiant davantagepour la partie des prestations ayant un caractère de solidarité.

Risques : Qu’y a-t-il de si épineux dans la question desretraites ?

Raphaël Hadas-Lebel : Plusieurs éléments expliquentle caractère sensible du dossier des retraites. En premierlieu, chaque Français est concerné sur un plan personnel,et la période en cause – parfois regardée comme lointaine, celle des dernières années de la vie – estvouée à être de plus en plus longue et suscite donc desinterrogations. Le rapport entre générations est par ailleurs au cœur dudébat sur les retraites, dès lors que la France a fait lechoix d’un système par répartition par lequel les géné-rations en activité financent les retraites des générationsqui ne le sont plus. On a en outre le sentiment quebien des facteurs exogènes ont une influence directe surle niveau actuel et futur des retraites : la croissance,l’emploi, l’endettement. Une retraite qui n’est pas financée accroît encore l’endettement. Pourquoi la question n’a-t-elle pas pu être résolue jusqu’ici ? On assiste, depuis 2006, à un choc démographique, quiétait anticipé, mais qui est extrêmement significatif. Ilrésulte de la conjugaison de deux facteurs que l’onconfond généralement : un facteur de très long terme,l’allongement régulier de l’espérance de vie, et un facteur plus spécifique, le phénomène du papy-boom,qui a commencé en 2006 et va se poursuivre jusqu’en2035, et qui entraîne une hausse de l’ordre de 50 % dunombre des personnes partant à la retraite chaqueannée. Cette conjonction crée un changement fondamental des règles du jeu, auquel s’est ajoutéedepuis deux ans une crise dont on ne sait pas encore siles effets seront temporaires ou durables.

Risques : Il existe un rapport de l’administrationdatant de 1962, prévoyant un choc démographique, etrecommandant que les régimes accumulent des réserves...

Interview

Page 12: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Risques n° 83 / Septembre 201012

Raphaël Hadas-Lebel : Bien sûr, tout cela était prévisible, du moins en partie, et nous aurions pu fairecomme les Suédois, c’est-à-dire accumuler des réservespour le système de retraite. Avons-nous joué les cigales ?Nous n’avions pas de problème majeur pour financernotre système de retraite, quand le rapport d’effectifsde cotisant à retraité était de 3 à 1 et que la durée prévisible de la retraite était de cinq ou six ans, alorsqu’elle est aujourd’hui de vingt à vingt-cinq ans. En2003 encore, la situation de la Cnav était plutôt équilibrée. Le déficit n’a été visible qu’à partir de 2006,à l’arrivée des cohortes nombreuses partant à la retraite.

Risques : Ce qu’on savait dès 1982, où il y avait eu unrapport du Plan.

Ce qui est très intéressant, c’est que le COR, dans sesrapports, se comporte en juge de paix.

Raphaël Hadas-Lebel : C’est un juge de paix, si l’onveut, pour ce qui concerne les projections qu’il élaboreet les pistes qu’il explore, dans la mesure où ses analyses et ses chiffrages sont généralement reconnuscomme fiables et peuvent servir de base crédible audébat public. Pour le reste, il appartient à chacun de se déterminer en fonction de ses propres options et de ses propres priorités.

Risques : Le système suédois a un atout : il neutralisele problème de l’âge.

Raphaël Hadas-Lebel : Le système suédois est d’unegrande cohérence. L’âge d’ouverture (61 ans) ne jouequ’un rôle secondaire. Le principe central du systèmesuédois de « comptes notionnels » est que l’on prend saretraite quand on veut, mais plus on la prend tôt, plusla retraite est modeste, par application d’un coefficientde conversion, qui fonctionne comme un systèmeautomatique de décote (ou de surcote si l’on poursuitson activité). Le montant de la retraite est égalementfonction de la durée prévisible de cette retraite, déterminée par l’espérance de vie moyenne à la retraite de chaque génération, et cela sans distinctionde sexe, de classe ou de métier. Un système de régula-tion supplémentaire mis en place en 2000 peut aussiparfois affecter le niveau des retraites. En revanche, le

taux de cotisation du système public de retraite est toujours a priori de 18,5 %. Ce système, qui est préconisé par certains économistes français commeThomas Piketty et Antoine Bozio, a de grandes capacitésd’autorégulation, même si l’équilibre instantané n’estpas toujours obtenu, ce qui suppose l’existence de réserves.Il suppose aussi de s’interroger sur l’architecture du sys-tème de retraite, notamment sur le rapprochement,voire la fusion, entre les régimes de retraite du secteurprivé et de la fonction publique. Le COR a bien analysétous ces aspects, même si des divergences existent entreses membres sur les choix à effectuer.

Risques : Cela dit, le COR fait un bon travail. Certains critiquent le rôle déterminant des intervenantssyndicaux et patronaux, mais il se trouve que c’est larègle du jeu.

Raphaël Hadas-Lebel : C’est en effet la règle du jeu.Dès lors que la retraite concerne à la fois les entrepriseset les salariés, il faut faire travailler ensemble tous lesacteurs du système. Mais autant on peut rapprocher les points de vue sur les éléments de diagnostic ou d’évaluation, autant il y a moins de consensus sur ladécision, en raison de l’état de la société française. Il nefaut pas pour autant se décourager et le COR peutjouer un rôle important, sinon dans la négociation – cen’est pas son rôle –, du moins dans l’information dechacun et dans le rapprochement des analyses en présence.

Risques : La réforme en Allemagne n’était pas consensuelle non plus.

Raphaël Hadas-Lebel : Il n’y a pas de COR enAllemagne à ma connaissance, même si le Sozialberat aquelque parenté avec lui. La réforme des retraites a étéun long processus dont les principales étapes ont été1992, 2001, 2004 et 2007, et qui ont fait intervenirdes gouvernements de droite comme de gauche. Laréforme de 2007 n’a certes pas été consensuelle, maiselle émanait d’un gouvernement de coalition chrétien-démocrate et social-démocrate.

Risques : Les exemples étrangers tels que la Suèdeinspirent-ils le COR dans sa manière de travailler ?

Interview

Page 13: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Risques n° 83 / Septembre 2010 13

Raphaël Hadas-Lebel : Nous regardons toujours cequi se passe ailleurs. Nous avons notamment examinéles solutions qui ont été les plus récemment adoptées àl’étranger. S’il apparaît assez clairement que les mesuresportant sur le report de l’âge de départ à la retraite sontquasi générales, on constate que certains pays s’y prennent à l’avance pour annoncer ces mesures. Ainsi,en Allemagne, il est prévu un relèvement de l’âge dedépart à la retraite sans décote de 65 ans à 67 ans entre2011 et 2029, par paliers d’un mois par an jusqu’à 66 ans, puis de deux mois par an entre 66 et 67ans.

Le dernier colloque que nous avons organisé endécembre dernier portait sur « Les régimes de retraiteface à la crise » et examinait la situation dans les principaux pays industrialisés. Le précédent analysaiten profondeur le système suédois. Nous suivons deprès les travaux de l’OCDE, même si nous avons conscience que chaque pays a un système de retraite trèsdépendant des particularismes de son histoire sociale.

Risques : Pourquoi les Français, qui ne sont pas plusparesseux que les autres, ont-ils vraiment envie de seretirer avant les autres du travail ? Qu’en est-il de cetteespèce de discours selon lequel les gens ne vivent pasleur travail comme étant valorisant ?

Raphaël Hadas-Lebel : Je ne connais pas d’étudeexhaustive sur ce sujet, même si certains travaux ont étéanalysés au sein du COR concernant les raisons quiconduisent les salariés à demander leur départ à laretraite dès 60 ans. Il existe incontestablement uneinsatisfaction vis-à-vis du travail. La particularité de laFrance, c’est que les gens y ont une carrière plus courte que dans d’autres pays, c’est-à-dire qu’ils commencent à travailler plus tard et quittent le marchédu travail plus tôt ; mais il semble que, pendant cettepériode plus courte, ils aient le sentiment d’être soumisà un stress plus important, qui s’accompagne parailleurs de taux de productivité assez élevés. Il n’est pas satisfaisant que le temps de l’activité se limite à lapériode de 30 à 55 ans. Il faut en outre distinguer lesmétiers comportant des tâches difficiles et répétitives,dans lesquels les travailleurs n’éprouvent guère de satisfaction, des professions plus gratifiantes que lesintéressés souhaiteraient pratiquer au-delà de l’âge de la

retraite. Peut-être y a-t-il enfin en France une valorisationdu loisir, de l’otium latin dont on aime pouvoir profiterdans le beau pays qui est le nôtre.

Risques : Le COR tente-t-il de comprendre les spécificités de la société française ? Notre système économique est-il trop hiérarchisé, et vécu commeétant coercitif ?

Raphaël Hadas-Lebel : C’est là une autre explicationque l’on peut avancer. L’insatisfaction au travail s’explique aussi par des modes de management peuparticipatifs. Mais je ne suis pas sûr que le mode demanagement aux États-Unis, où l’emploi est souventinstable et la pression est forte pour la réalisation desobjectifs en termes de « bottom line », soit moins générateur de stress.

Risques : En quoi, à travers l’histoire des retraites, seretrouve-t-on au cœur de ce que notre médiateurnomme à juste titre « dépression à la française », se référant à une société qui se regarde en éprouvant unmalaise ?

Raphaël Hadas-Lebel : n’invoquons pas trop ladépression il y a d’abord un problème entre les générations.En France, un consensus national porte sur un systèmepar répartition qui est un pacte intergénérationnel,impliquant un rapport de confiance entre les générations.Ce rapport s’est sans doute dégradé. Quand on inter-roge les jeunes générations, elles se demandent parfoissi elles ne « travaillent pas pour le roi de Prusse », obligées qu’elles sont de cotiser pour les actuels retraités,sans avoir la certitude de bénéficier elles-mêmes, lemoment venu, d’une pension de même niveau.Certains estiment même que la génération qui partactuellement en retraite étant une génération qui a bénéficié de conditions de vie favorables, il seraitéquitable de la faire contribuer davantage au redressementdu système de retraite.

Au-delà du rapport entre générations se pose la questionde la place des personnes âgées dans la société. C’est unphénomène nouveau dont on n’a pas encore tiré toutes les conséquences sur le plan du travail, de la viesociale, de la santé ou de la dépendance. Mais la

Interview

Page 14: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

question des retraites pose encore d’autres questionsdont l’enjeu philosophique n’est pas négligeable. Parexemple, quelle est, dans notre société, la part respectivequ’on doit faire à la responsabilité individuelle et à lasolidarité ? Certains demandent pourquoi ne pas supprimer lesbornes d’âge et ne pas laisser les gens choisir le momentde leur départ à la retraite. Pourquoi pas en effet ? Maisun tel système laisse la décision aux seuls particuliers, ycompris une décision qui peut être contraire à leursintérêts. C’est là que la collectivité intervient en fixantdes bornes. De même, quelle part faut-il laisser auxcotisations personnelles et quelle part destiner à la solidarité, pour financer par exemple les périodes dechômage ou les aides aux familles nombreuses ? Ledébat sur la contributivité et la solidarité, central en

matière de retraite, implique des choix sociaux, voirepolitiques. Il est donc vrai que le système de retraite est révélateurdu fonctionnement d’une société. De cet ensemble dedonnées résultent quelques grandes questions pournotre système de retraite. Comment équilibrer le systèmede retraite dans le contexte démographique qui est lenôtre, en faisant le meilleur usage des leviers d’actionqui sont bien connus ? Comment assurer un minimumd’égalité de traitement, à la fois entre les générations etentre les membres d’une même génération ?

C’est à cette double aune de l’efficacité et de la justiceque s’apprécient, sur le long terme, la qualité d’un système de retraite et son acceptation par les générationssuccessives auxquelles il est destiné.

Risques n° 83 / Septembre 201014

Page 15: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Assurance automobile, la fin d’une époque

� François-Xavier AlbouyIntroduction

� Marc GuillaumeInterview

� Pierre MartinDans le rétroviseur : Le risque automobile en France 1910-2010

� Jean Péchinot2020 l'odyssée de l'assurance automobile

� Emmanuel SouliasL’enjeu de la mobilité durable, contraintes ou opportunités ?

� Arnaud Chneiweiss, Odile Thoumas, Peggy SejournéLes services à la personne, nouvel horizon de l’assurance automobile ?

� Arthur CharpentierLe bonus malus français a-t-il encore un avenir ?

� Jean-Pierre DanielL’assurance automobile dans les pays émergents

2.

risqu

es e

t sol

utio

ns

Page 16: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les
Page 17: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Risques n° 83 / Septembre 2010 17

L’assurance automobile doit aujourd’huiprendre des virages importants. C’est leproduit le plus emblématique de l’assurancede masse. Il est à l’origine de la croissance

et de la puissance de bon nombre d’entreprises d’assurances, il est la clef de la survie et du développe-ment des réseaux d’argents. Il est aussi à l’origine deconflits incessants entre les assurés et l’assureur. Il estvrai que son caractère obligatoire n’est pas toujoursbien compris et que, dans l’esprit du plus grand nom-bre, les assureurs en profitent largement pour « fairedes marges ». Faux, rétorquent ces derniers, qui répli-quent que l’assurance automobile n’a pas suivi l’infla-tion et cherche à s’adapter au plus juste à un monde oùles sinistres sont moins nombreux mais plus gravespour les personnes, les véhicules sont plus sûrs maisplus coûteux aussi, et les produits financiers sur lesprovisions qui permettent de réduire les coûts de dis-tribution ne sont plus là. Par ailleurs, les efforts deprévention et de sécurité ont baissé la prime pure etrendent plus importants relativement les frais de ges-tion et de distribution, ce qui milite en faveur d’uneforte concentration du secteur et une course à la tailledes portefeuilles.

Faut-il, à l’occasion de la révolution technologiquedes moteurs hybrides et électriques, réinventer l’assuranceautomobile ?

Oui, selon Marc Guillaume qui, en observateurattentif des usages de l’automobile, explique que lesliens de possession entre le conducteur et son « auto »sont en train de disparaître et que les usages dedemain privilégieront des véhicules à deux ou troisroues ainsi que le recours à des véhicules de location

ou des taxis. Les conséquences pour les assureurs sontimportantes. Comment les apprécier ? Peut-être enrelisant le passé : Pierre Martin retrace la lente histoire qui a fait de l’automobile un risque et décrit

comment les assureurs et les pouvoirs publics se sontorganisés pour couvrir ce risque. Jean Péchinots’intéresse, quant à lui, à la représentation que lesconducteurs se font de l’automobile : hier propriétairespassionnés et affectifs, ils sont aujourd’hui plus neutreset les conséquences pour les assureurs sont nombreuses.

Pour Emmanuel Soulias, le concept novateur de« mobilité durable » est celui qui devrait influencer lesassureurs dans la conception de nouveaux produits etde nouvelles garanties.

Arnaud Chneiweiss, Odile Thoumas et Peggy Sejourné relèvent que l’assurance automobileest aussi un support de services et que l’offre de services à la personne peut constituer un axe de différenciation très important. Ce qui permet de fairede l’assureur un prestataire venant compléter les prises en charge financières en cas d’accidents graves,et donc de lui conférer un rôle dans l’approchehumaine et psychologique des accidentés.

Arthur Charpentier revient sur les très nombreuxavantages économiques des systèmes de bonus-malusqui permettent de réduire l’antisélection et l’aléamoral, et analyse l’évolution de ces constructionsactuarielles comme outil de marketing. Si l’avenirclassique de l’industrie automobile se trouve dans lespays émergents, il était tentant de s’interroger sur laplace que pouvait y prendre l’assurance automobile.Jean-Pierre Daniel revient sur les évolutions récentesdans certains de ces pays et les débats nombreux surl’obligation d’assurance qui tend à se généraliser.

INTRODUCTION

François-Xavier AlbouyM a l a k o f f M é d é r i c e t I R I - C r e a ( u n i v e r s i t é Pa r i s - D a u p h i n e )

Page 18: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les
Page 19: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Risques n° 83 / Septembre 2010 19

Risques : Quel est l’avenir de l’industrie automobile ?

Marc Guillaume : Il faut d’abord combattre une idéetrop facilement reçue. En cette période de Mondialde l’automobile, nombreux sont les journalistes quiannoncent la fin de l’automobile, ou du moins ladisparition d’une forme d’automobile.

Or cette industrie est en voie de dépasser la crisequ’elle a connue. Pour deux raisons. La première estévidente : les pays émergents, qui représentent, entermes économiques, près de la moitié du monde, selancent à corps perdu dans la civilisation automobileque nous avons nous-mêmes connue pendant lesTrente Glorieuses. Donc la Chine, l’Inde, mais aussile Brésil, demain ou après-demain l’Afrique sont desmarchés immenses pour l’automobile. Les constructeurs,y compris General Motors, se portent bien car ils ontdes débouchés importants en perspective. Certes,cette situation nouvelle peut poser des problèmesdans les pays constructeurs, et notamment dans lespays européens. Parce que, pour vendre des voitures

en Chine, il faut probablement nouer des alliancesavec des constructeurs chinois – il y en a une centaineaujourd’hui, il y en aura probablement sept ou huitdans quelques années. Ces alliances sont stratégiqueset impliquent des délocalisations. En résumé, le secteurautomobile se porte bien en termes de perspectives demarché, moins bien en termes de tissus industrielsnationaux.

La deuxième raison est moins évidente mais elleest presque aussi prégnante : effectivement l’automobile,telle que nous l’utilisons aujourd’hui, rencontre desformes de désamour. Elle était aimée sans réserve jusqu’àla fin des Trente Glorieuses, jusqu’au premier chocpétrolier en 1972. Ensuite, plusieurs éléments nou-veaux ont limité son acceptation et son expansion.D’abord, tout simplement, les marchés commen-çaient à se saturer. Pour l’essentiel, la demande estdevenue une demande de remplacement. Ensuite, laperception que le pétrole n’était pas une ressourcesans limite s’est accrue : les travaux du Club de Romeen 1972 et le fameux livre Halte à la croissance ? ont

M a r c G u i l l a u m e Un i v e r s i t é Pa r i s - D a u h i n e

Interview

� La situation économique de l’industrie automobilen’est pas si mauvaise, mais ce secteur est confronté àla nécessité de changer profondément et rapidement.Les voitures et tous les autres transports à moteurdevront respecter de nouvelles normes de sécurité etde protection de l’environnement. De nouvelles pratiques, telles que la location et l’extension de l’usagedes taxis vont émerger. Les sociétés d’assurance doiventêtre attentives à ce « nouvel âge » de l’automobile toutparticulièrement dans le cadre de la globalisation.

� The economic situation of automotive industry is notso bad but this sector is confronted by the necessity tochange profoundly and rapidly. Cars and other means ofautomobility will have to respect new norms of securityand protection of the environment.

New kinds of practice, as renting and extensive use ofcabs, will emerge. Insurance companies must be aware of this « new age » of automobility, especially in globalcities.

Page 20: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Risques n° 83 / Septembre 201020

fait prendre conscience qu’il faudrait bientôt faire deséconomies de pétrole. De plus, les congestions de circulation liées à l’équipement des ménages et à l’urbanisation se sont aggravées.

Enfin, les objectifs de sécurité routière sont devenusbeaucoup plus prégnants et quasiment obsessionnels.En 1970, on comptait en France environ 20 000 tuéssur les routes par an, on en compte 5 000 aujourd’hui ;les chiffres ont donc été divisés par quatre, mêmedavantage, parce qu’entre-temps la circulation a étémultipliée au minimum par deux. Il est clair que c’estle résultat d’un effort de sécurité considérable, avec leslimitations de vitesse, les radars automatiques, le renforcement du contrôle policier, le permis à points,etc. Ce qui correspond d’ailleurs à une évolution assezgénérale dans le monde. En Chine, le nombre de tuéspar an est de l’ordre de 100 000. C’est un chiffreconsidérable, compte tenu d’une circulation relativementmoins dense, mais qui lui aussi va décroître dans lesprochaines années, en Chine comme en Inde. Lesconstructeurs devraient faire des efforts pour la sécuritéet les sociétés d’assurance vont certainement s’yemployer davantage aussi.

Ajoutons un quatrième facteur : la perception desproblèmes d’environnement, sous deux volets distincts.Le premier volet c’est la pollution locale : les particules,les NOx (composés d'azote et d'oxygène qui comprennent les gaz d'acide nitrique et de dioxyded'azote, produits principalement par la combustiondes combustibles fossiles), catalyseurs de la productiond’ozone – pollution locale à laquelle nous sommes deplus en plus sensibles car dans un pays développé lesquestions sanitaires deviennent prioritaires. Lesecond volet, plus récent même s’il a déjà dix ans,concerne l’émission de CO2 et sa contribution à l’effet de serre.

Pour toutes ces raisons, on assiste donc à une prisede distance à l’égard de l’automobile, on pourraitpresque parler d’ « auto-refoulement », détestation quireste cependant compatible avec un lien encore fort.D’ailleurs, il faut noter que les constructeurs n’ontpas trop pris garde à cette évolution des mentalités carils pensaient que les gens, en tant que citoyens,

étaient assez critiques à l’égard de l’automobile, maisqu’en tant qu’utilisateurs ils restaient assez conformesà ce qu’ils étaient depuis quelques dizaines d’années,résumant ce comportement par la formule : « je n’aimepas la voiture du voisin mais j’aime ma voiture ». Par conséquent ils n’entrevoyaient pas cet effet dudésamour dans leurs ventes.

Aujourd’hui la situation est différente. Cettedichotomie s’atténue et un certain nombre d’utilisateursmettent en accord leur comportement de consom-mateur et de citoyen. Ce qui implique de nouveauxtypes d’automobile et de nouveaux usages. Et c’est làqu’on retrouve le point que j’avais annoncé au début :il est effectivement difficile, pour un secteur industriel,d’engager et de réussir une profonde mutation, maiscela représente aussi une nouvelle frontière à dépasser,de nouveaux débouchés à conquérir. Parce qu’enréalité, le marché européen est de toutes façons saturé,et si l’automobile ne devait pas face à ces nouveauxdéfis, elle resterait un secteur industriel sans grandesperspectives d’avenir. D’où la nécessité de revoir à lafois les modèles – donc les produits industriels – etleurs usages, afin d’ouvrir de nouveaux débouchés etde dessiner une nouvelle frontière intérieure. Nonseulement une frontière sur les marchés européens,mais également une frontière sur les marchés des paysémergents. Pourquoi ? Parce que les pays émergentsont bien compris qu’ils verraient aussi se développerchez eux les contraintes liées à l’effet de serre, aux problèmes de sécurité, aux exigences de qualité, etsûrement avec une urgence plus grande que celle que nous avons connue. Le constructeur européen,américain ou japonais qui sera en mesure de produiredes modèles mieux adaptés à cette nouvelle situationtrouvera les marchés mondiaux dont je parlais audébut ouverts à ses innovations.

Pour ces deux familles de raisons, ce secteur indus-triel se trouve effectivement dans un virage, mais si cevirage est bien pris, par ceux qui seront les plus novateurs, des perspectives considérables sont ouvertes.

Risques : En élaborant ce numéro, on s’est aperçu quel’âge moyen pour acheter une première voiture neuve

Interview

Page 21: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Risques n° 83 / Septembre 2010 21

Interview

était de 51 ans. C’est un effet de ce désamour, mais çase rattache aussi au fait qu’il n’y a plus le même rapport de possession (« mon » automobile, « ma »voiture). Ça a beaucoup évolué. D’un point de vued’assurance, dans l’ancien monde on assurait leconducteur ; est-ce que, dans le nouveau monde, c’estl’automobile qui doit être assurée, quelle qu’elle soit ?Si l’on tire la conséquence de ce fait, on voit bien seprofiler une révolution technologique, avec lesmoteurs hybrides et électriques ; mais est-ce qu’elle neva pas s’accompagner aussi d’une révolution des usages ?

Marc Guillaume : En effet. Commençons par letype de véhicule, nous parlerons ensuite des services.Concernant le type de véhicule, deux-troisremarques. On peut prévoir que des automobileshybrides ou complètement électriques, notammenten milieu urbain, se développent. Dans ce dévelop-pement, le rôle des batteries va devenir essentiel –c’est un problème industriel, mais qui va tout de suiteavoir un impact sur les usages. Au niveau industriel,on peut évoquer par exemple une hypothèse qui vapeut-être se réaliser, et qui montre bien comment lesecteur automobile est au carrefour (je parlais de virage, mais c’est aussi un carrefour !).Il s’agit duprototype que Michelin avait présenté, il y a deuxans, au Mondial : une automobile avec quatremoteurs, un moteur électrique sur chaque roue équipéd’une batterie. On voit tout de suite qu’on économisela boîte de vitesses, la transmission, donc du poids. Etil est possible d’imaginer qu’un fabricant de pneuma-tiques, précisément parce qu’il est dans un autre espacemental d’innovation, pourrait devenir un constructeurautomobile, illustrant ainsi une transformation possiblede l’objet automobile – un objet fonctionnant avecl’énergie électrique, mais on peut aussi envisager despossibilités d’utilisation de l’énergie biomasse, et, àterme, des automobiles équipées de piles à combustion.Nous sommes vraiment devant une mutation trèsprofonde.

À partir de là, on peut imaginer des systèmes detype Autolib’ avec une nouvelle circulation des batteries :avoir accès à la voiture, à la mobilité passerait par lamutualisation d’une batterie, ou sa location, etc. Il est

plus simple de déplacer, d’entreposer et de rechargerdes batteries que de gérer un parc automobile ordinaire.

Dans le même ordre d’idées, on peut imaginer etprévoir que l’usage du deux-roues, qui est particuliè-rement adapté à la circulation urbaine, se développemassivement. Qu’est-ce que le deux-roues ? Ce n’estpas seulement le vélo, ça peut être d’abord le véloélectrique. Petite parenthèse au passage : quel est lestatut, par rapport à la loi Badinter, du vélo électrique ?Il a un moteur, donc, à mon avis, ce n’est plus un vélosur le plan juridique et assuranciel, même si cela y ressemble beaucoup. C’est une question que je mesuis posée, je n’ai pas la réponse. Le vélo électrique,c’est déjà le deux-roues plus ou moins sécurisé. C’estimportant à la fois pour les femmes, encore peu utili-satrices de motos et de scooters, et pour les assureurs.Le deux-roues sécurisé, ou disons le deux-roues apprivoisé,c’est par exemple un deux-roues qui a un toit, réduisantla gravité des accidents et rendant la conduite plusfacile pour les femmes – donc moins d’accidents etplus d’utilisateurs.

Et puis évidemment il y a le trois-roues, les formesvariables des trois-roues. Et finalement une sorted’hybride entre l’auto et la moto. Je pense là aussi àun prototype présenté par Peugeot, qui était un trois-roues peu encombrant et électrique. Il existe unmarché mondial pour ce type de véhicule urbain.Voilà donc quelques éventualités au niveau des nouveaux objets et des nouvelles possibilités de partage d’auto ou de location de voiture de typeVélib’.

Quant aux usages, deux formes vont se développer.La première, tout le monde y pense, c’est la location.La location représente un enjeu beaucoup plus straté-gique qu’on ne le pense généralement. Parce qu’elleva se développer de façon massive en milieu urbain,dans toutes les grandes villes où l’usage principal estcelui des transports en commun ou des deux-roues.En revanche, dans les petites villes ou à la campagne,elle restera marginale. Pourquoi la location est-elleessentielle dans certains milieux urbains ? Dans lesgrandes villes, comme à Paris, le taux de possession

Page 22: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Risques n° 83 / Septembre 201022

d’automobile est de l’ordre de 40 %. On voit bienqu’un certain nombre de citadins estiment ne pasavoir besoin de voiture parce qu’il y a le métro, le bus,le tramway, les taxis, les Vélib’. Les Parisiens sontdonc tout à fait rationnels dans leur choix de ne plusavoir d’automobile. Mais le problème se pose lorsqu’ils ils veulent partir en week-end ou aller voirleurs grands-parents en province : il leur faut alorsune voiture. Et le besoin d’une voiture implique desparkings, des places de stationnement ; ça impliqueque, finalement, comme on a une voiture on l’utilise.La congestion ne diminue donc pas aussi vite qu’ellele pourrait. La solution passe par des locations massivesà prix réduits, pour un week-end et même pour unmois de vacances. Ne pas avoir de voiture de manièrestructurelle et avoir recours massivement à un parc delocation me paraît être l’avenir de l’usage de l’auto-mobile pour les citadins des grandes villes. Avec desconséquences favorables sur la circulation urbaine.Dans ce cas, bien évidemment, pour les assureursc’est le parc des voitures louées qui devient la cible. Ilfaut que la flotte soit assurée. Ce qui doit poser desproblèmes techniques qui sont hors de ma compé-tence. Est-ce que les loueurs de voitures n’auront pasl’idée d’être des auto-assureurs, est-ce qu’ils aurontbesoin de s’assurer ? Un grand loueur de voituresayant les reins assez solides peut faire le métier d’assureur, ou du moins nouer des alliances avec desassureurs. Cela change la nature du marché – ce n’estpas la même chose d’assurer une flotte que d’assurerdes particuliers – et entraîne donc d’importantesconséquences. Le deuxième volet des usages, ce sontles taxis. On n’a pas compris qu’il y avait un avenirplutôt radieux pour ce mode de transport, à conditionde surmonter la complexification des problèmes ; ona vu à Paris, à la suite du rapport Attali, que gérer tous les problèmes des taxis et en particulier dans lesaéroports n’était pas simple. La France est particuliè-rement mal placée dans cette gestion, et c’est dommagecar c’est elle qui a inventé les taxis, un peu avant lesAnglais (les Français ont inventé le mot en tout cas).Par la suite se sont accumulés les réglementations parfois un peu frileuses, les corporatismes, les enjeuxpolitiques… nous menant à une situation plutôtabsurde, avec un nombre insuffisant de taxis. Il faut

sans doute accroître leur nombre, il faut flexibiliserleurs usages comme c’est le cas en province, commec’est le cas à Londres, et avoir deux catégories de taxis.Pourquoi les taxis sont-ils importants ? D’abord,parce que même si des villes comme Paris, Lyon,Marseille ou Lille disposent de bons services detransports en commun, il reste que les personnesâgées, malades ou handicapées ont besoin d’un taxipour leurs déplacements. Il faut donc qu’ils soientnombreux, faciles à utiliser et peu coûteux. Pour toutes ces raisons – de solidarité et d’efficacité – le taxiva se développer. Sur ce sujet d’ailleurs un ouvragetrès intéressant 1 livre une analyse du taxi dans lemonde, établissant des comparaisons et permettantd’identifier les bonnes solutions.

Parmi les bonnes solutions, j’en ai découvert uneil y a quelques jours en Corrèze. François Hollande(qui est le président du Conseil général) a eu une trèsbonne idée qui, à mon avis, fera tache d’huile. Il estpossible en Corrèze d’utiliser un taxi, à condition dele réserver deux jours à l’avance, pour 1 euro par personne. Pourquoi ? Parce que, tout simplement, lapuissance publique – la puissance départementale enl’occurrence – a décidé que, plutôt que d’avoir à gérerun réseau de bus, il était plus simple de convenir d’unforfait avec la profession des taxis. Le taxi établit unefacture pour le Conseil général. Les passagers paient1 euro par personne, le taxi et le Conseil général ytrouvent leur compte. Cette initiative illustre parfai-tement la possibilité, par un dispositif inventif et original, de transformer l’usage du taxi et de le mettreà disposition de ceux qui en ont besoin. Beaucoup dedépartements devraient s’en inspirer, surtout lorsquele système de transport collectif se révèle insuffisant.

Au total, donc, l’usage adapté des taxis et des voitures en location va rendre encore moins nécessairel’utilisation de l’automobile personnelle.

On voit bien que le marché de l’automobile européenva un peu se rétrécir, parce qu’un usage plus rationnelde la flotte fera diminuer le nombre de voitures utilisées.Là encore, les débouchés sur le marché européenseront plus modestes à l’avenir. Mais n’oublions pas

Interview

Page 23: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Risques n° 83 / Septembre 2010 23

Interview

que, lorsqu’on habite une petite ville ou un village, ilest nécessaire tout de même d’avoir sa voiture, car iln’est pas possible d’en louer une ou de prendre untaxi quotidiennement. Le marché sera donc« rural »et « provincial ».

Risques : Si l’on s’adresse à des sociétés d’assurances,que peut-on leur conseiller pour accompagner cesévolutions ? Faut-il finalement inventer des produitsqui garantissent l’accès à un véhicule quelles qu’ensoient les circonstances ?

Marc Guillaume : Il est certain que l’usage de l’automobile a été un des piliers fondateurs de l’assu-rance. Donc, première chose, il faut que les assureurssoient très attentifs à toutes ces évolutions. Il faut probablement, compte tenu du rétrécissement duparc particulier, que la compétition sur les tarifs soitplus aiguë, et il faut probablement faire une sorte demarketing de l’assurance automobile. Les assureursl’ont fait avec l’assistance. Il y a encore des choses àinventer, pas seulement au niveau d’une baisse destarifs mais peut-être d’une autre façon de payer l’assurance. Il faut aussi probablement réfléchir à ceque sera l’assurance des nouveaux deux-roues : qu’est-

ce que c’est qu’assurer un vélo électrique ? Une partiedu manque à gagner sur l’automobile pourrait sereporter sur les deux-roues et les trois-roues. Doncréfléchir à des tarifs différenciés, intelligents – commetous les assureurs savent le faire –, mais ne pas être enretard d’une évolution. Les objets changent, les usageschangent, il faut que les assureurs changent. Et celuiqui changera rapidement prendra le marché. Commeje le disais tout à l’heure, les constructeurs qui serontinnovants pourront prendre des marchés. Il en sera demême pour les assureurs. Penser aux deux-roues, auxtrois-roues, au vélo électrique. Et évidemment réfléchirau moyen de nouer des alliances avec les flottes deloueurs, peut-être avoir une action ciblée sur les taxisdont le développement me semble inéluctable. Cesont des questions que les assureurs doivent suivre detrès près, parce que le marché des moyens de transportet de leurs usages va se modifier en profondeur.

Note

1. Richard Darbera, Où vont les taxis ? Partout dansle monde au service de la mobilité, Descartes & cie,Paris, 2009.

Page 24: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

DANS LE RÉTROVISEUR : LE RISQUE AUTOMOBILE EN FRANCE 1910-2010

Pierre Martin A g r é g é d ’ h i s t o i r e

D o c t e u r e n h i s t o i r e

� « Parmi les nouveaux produits [de la seconde indus-trialisation], celui qui fut le mieux développé par l’industriefrançaise fut l’automobile. Après 1890, elle prit à l’Allemagne, qui avait fait les premières réalisations (moteur Daimler de 1889), sasuprématie technique, et allait être jusqu’en 1904 le premier constructeur mondial avant d’être dépassée parles États-Unis. La production s’éleva de 4 100 véhicules en1900 à 45 000 en 1913 1. »Les débuts de l’automobile en France furent doncbrillants. La France du début du XXe siècle accueillaitavec enthousiasme cette invention révolutionnaire.N’imaginons cependant pas la France de nos aïeuxtraversée de l’intense circulation automobile desdébuts du XXIe siècle. N’imaginons pas non plus nos arrière-arrière-grands-parents inquiets du nouveau « risque » qu’ilsportent et font courir aux tiers. Le ou les risques agglo-mérés par l’automobile ? Un « risque » désigne au sensgénérique « la probabilité que survienne un domma-ge […] contre lequel les agents économiques cherchent à seprémunir 2 ». Or l’automobile cumule plusieurs risques : risque événement (l’accident automobile, avec ou sans tiers), risque objet (le véhicule), risque dommages (le véhicule, ses passagers), risque responsabilité enfin (la conduite ou l’inconduite automobile peuteffectivement engager la responsabilité du conducteur). Ce qu’automobilistes et assureurs automobile n’ont réalisé que progressivement : un œil dans lerétroviseur est sans doute le meilleur moyen de s’enrendre compte.

� IN THE REARVIEW MIRROR: AUTOMOBILE RISKIN FRANCE 1910-2010 “Amongst the new products [which resulted from thesecond industrial revolution], in France the most indus-trially developed of these was the motor car. After 1890,France acquired the technical supremacy which hadhitherto been Germany’s, where the first motor cars hadbeen produced (the Daimler motor of 1889), andFrance was the world’s foremost manufacturer of motorcars until 1904, before being overtaken by the UnitedStates. Production increased from 4,100 vehicles in1900 to 45,000 in 1913.” The beginnings of the motorcar in France were therefore auspicious. France at thebeginning of the 20th century enthusiastically welcomedthis revolutionary invention. We should not howeverthink for one moment that the France of our forebearshad to deal with the heavy traffic which we see at thebeginning of the 21st century. We should also not thinkfor one moment that our great-great-grandparents wereconcerned by the new “risk” to which they were exposedand to which they were exposing others. The risk or risksto which the motor car gives rise? A “risk” in its genericsense refers to “the probability that damage will occur[…] against which economic actors seek to protect them-selves in advance.”[i] Thus the motor car gives rise to severalrisks: the risk of an event occurring (the car accident,whether or not it involves third parties), the risk to property(the vehicle), the risk of damage (to the vehicle and itspassengers) and finally the risk of liability (the car drivingor the car non-driving may engage the liability of its driver).This was only gradually understood by drivers and carinsurers: having one eye on the rear-view mirror iswithout a doubt the best way to understand this.

Risques n° 83 / Septembre 201024

Page 25: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Risques n° 83 / Septembre 2010 25

Dans le rétroviseur : Le risque automobile en France 1910-2010

Nouveau rite et nouveaurisque automobiles : aventureet autoassurance 1910-1945

La France du début de siècle peut s’enor-gueillir de posséder « le plus beau réseau routier du monde avant 1914, le plus dense etle mieux aménagé : 38 000 km de routes

nationales, 180 000 km de routes départementales […],250 000Km de chemins vicinaux en bon état 3 ». LaFrance de la Belle Époque est bien un des berceaux del’automobile. Premier constructeur automobile mondial en volume jusqu’en 1904, date à laquelle elleest supplantée par les États-Unis, elle reste le premierconstructeur mondial en valeur ajoutée jusqu’en 1914.Une Renault rapporte ainsi près de 2 000 dollars à sonconstructeur en 1907 quand Ford gagne 685 dollarspar véhicule 4. C’est que l’automobile française estclairement un produit coûteux, socialement peu diffusé. Les premiers automobilistes, nobles et notables,snobs et « aventuriers » en quête de high-tech, obéissaient d’ailleurs à la logique d’un marché du luxeoù la possession du produit campe la position socialede son propriétaire. Le deuxième type de clients étaitdes médecins, des voyageurs de commerce, des indus-triels intéressés également par la nouvelle mobilitéqu’apportait l’automobile. On peut entrevoir unedernière clientèle 5 de classes moyennes, artisans,instituteurs : clientèle largement rurale à l’image de laFrance aux campagnes pleines qui rassemblaient lesdeux tiers de la population. Ces pionniers sontdavantage des « pilotes » automobiles que des auto-mobilistes, tant la conduite de ces premiers véhiculesétait complexe et la circulation aléatoire. Rappelonsque le « certificat pour la conduite des véhicules » estdélivré à compter de 1893 par les préfectures. La normalisation des usages n’est réalisée qu’en 1922.Un décret du 31 décembre 1922 crée en effet le codede la route et, la même année, le « certificat » devient« permis» de conduire de véhicules que l’on com-mence à classer en diverses catégories. Conscient dece nouveau risque automobile, un assureur édite dèsles années 1920 un Mémento des usagers de la route

par souci, déjà, de prévention. On peut y lire desrecommandations pour le dépassement. « Avant ledépassement. Avertir. Attendre que le conducteur duvéhicule ait largement dégagé la route. S’assurer qu’aucunvéhicule ne vient en sens inverse. Ne pas frôler et seméfier des incartades possibles 6. » Les garanties offertesétaient, à l’image des produits IARD 7, des couverturescontre un seul risque, et pas toujours adaptées. Lescompagnies « incendie » proposaient ainsi descontrats « incendie automobile » ou « responsabilitécivile » pour les automobiles et véhicules à chevaux.Le vol était, parfois, couvert par une extension de lagarantie habitation. Il semblerait que ce soient lescompagnies anglaises qui aient lancé le concept « tout risque automobile » dans les années 1920 8.Pour répondre à une demande sociale de riches parti-culiers, certains assureurs français comme l’Amssolancent un tel produit en 1927 : le sociétaire bénéficiealors d’une couverture responsabilité civile, vol, dommages matériels « même par suite d’un versementsans collision ». Une innovation révolutionnaire etrarissime quand on sait que l’offre relevait alors duprincipe « un risque, un contrat ». Ses concurrents,comme L’Union, ne proposent de telles garanties quedans les années 1930 9. Mais l’assurance relevait alorsd’une démarche individuelle de protection de sonbien : l’autoassurance n’était donc pas rare.

« Les Français aiment labagnole » (Pompidou)… maisles assureurs ? 1945-1975

La guerre et l’Occupation assèchent la circulation automobile. Ainsi à la Maif seuls600 sociétaires souscrivent une assuranceresponsabilité civile sur les 35 000 assurés

d’avant-guerre : moins de 2 % du portefeuille ! Lamutuelle « a permis de souscrire une police limitée auvol et à l’incendie afin de garantir leurs voitures immo-bilisées 10 » dans leurs garages – quand elles n’avaientpas été détruites ou réquisitionnées. Il faut doncattendre l’après-guerre pour voir renaître la brancheautomobile. Le parc automobile français franchit le

Page 26: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Dans le rétroviseur : Le risque automobile en France 1910-2010

cap du million d’unités en 1930, soit un véhiculepour quarante habitants environ, puis un million cinqcent mille en 1945. Le désir d’automobile est bien là,mais les revenus modestes des Français ne leur permettent pas alors de réaliser leur rêve. Le fordismedupliqué des États-Unis dans l’industrie automobile,qui associe déqualification du travail et salaires élevés,va révolutionner la donne. L’automobile est désormaisaccessible à tous, ce qui va stimuler le besoin d’assurance.Les voitures de grande série à destination d’un largepublic soucieux d’un premier équipement apparaissent.En 1947 sort la 4CV Renault qui sera produite à plusde 1 100 000 exemplaires jusqu’en 1961, en 1948 la2CV Citroën, une voiture révolutionnaire par sonapproche low cost dirait-on aujourd’hui. En 1975, 70 % des familles possèdent une automobile, et danstous les milieux sociaux : le parc automobile a étémultiplié par dix pour atteindre 15 000 000 d’unités.Le président Georges Pompidou exprime bien le sentiment commun : « Les Français aiment la bagnole. »Assurent-ils pour autant leur véhicule ? L’assuranceautomobile ne devient obligatoire que tardivement,en 1958, quand elle avait été imposée à des profes-sionnels de la route dès la fin des années 1930. D’oùdes cas d’insolvabilité lorsqu’un automobilisteresponsable de sinistre n’était pas assuré. Pour éviterque des assurés et des assureurs risquent de se retournercontre des personnes non couvertes, l’État instauradonc en 1951 un Fonds de garantie automobile, quiexiste toujours. Les mesures d’encadrement du marchésuivent avec retard l’explosion du trafic automobile :prévention routière au début des années 1950,bonus-malus en 1964… Pourtant, une rapide nécro-logie rappelle que la route tue, même les célébrités :Pierre Lefaucheux, PDG de Renault au volant de saFrégate en 1955, Albert Camus dans la Facel Vega deMichel Gallimard en 1960, Roger Nimier dans sonAston Martin en 1962… La branche automobilesemble donc être une piètre affaire pour les assureurs.De fait, la souscription massive permettait aux agentsde réaliser du chiffre d’affaires, mais les compagniesne dégageaient guère de bénéfices. Rappelons deuxdonnées d’époque : inflation et encadrement destarifs. L’inflation exacerbe le cycle inverse de productionauquel est soumis l’assureur qui encaisse par avanceune cotisation pour un coût estimatif moyen du

risque. Or en période d’inflation – des taux annuelsmoyens de 6 % sont communs –, le montant de lacotisation s’érode quand celui du dédommagementse renchérit, à une époque où la gestion financière ducash-flow en était à ses balbutiements. Et les assureursétaient largement soumis à des prix encadrés par l’État... Dernière donnée du marché : la concurrencemanifestement très vive entre trois types d’offreurs.Les sociétés nationalisées en 1946, regroupées en1968 dans l’UAP, le GAN, les AGF, plus la MGFAccidents du Mans ; les organismes privés, dont desmutuelles telles l’Ancienne Mutuelle de Rouen, ancêtred’Axa ; les mutuelles dites « sans intermédiaires » :Maif et GMF nées en 1934, puis Macif, Maaf… Latenue technique du risque semble irrémédiablementdéficitaire, ce qui fait dire à un assureur en 1951 : « la branche automobile se présente sous un jour pleind’aléas 11. » La sortie par le haut relèverait d’une segmentation du risque automobile, ce qu’entrevoitavec lucidité un patron dès les années 1960 : « il nousfaut prendre conscience du problème posé par l’extension à toutes les catégories sociales […] de l’usaged’un véhicule. […] Une différenciation plus complètepar catégorie d’usagers nous [paraît] indispensable pourparer aux dangers de l’antisélection 12. » Antisélection :une des hydres de l’assurance… Générée par une tarification uniforme, elle pénalise les bons risques – ici les bons conducteurs – qui fuient la mutualitépour une autre forme d’assurance aux tarifs indivi-dualisés, et favorise les mauvais risques qui sont les seulsà rester, plaçant ainsi l’assureur dans l’impossibilité ded’exercer son métier.

Assurés nouveaux riches etnouvelles rixes d’assureurs1975-2010

Les années 1970 marquent la fin d’un certainrêve automobile pour les conducteurs, etpeut-être la fin d’un cauchemar automobilecertain pour les assureurs : limitations de

vitesse généralisées et port de la ceinture obligatoireen 1973 (à l’arrière du véhicule en 1990), construction

Risques n° 83 / Septembre 201026

Page 27: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Risques n° 83 / Septembre 2010 27

d’un réseau d’autoroutes et de ronds-points moins « accidentogènes », contrôle technique automobilerégulier et permis à points en 1992, contrôle de l’alcoolémie et abaissement du seuil légal, radars…D’un autre côté, les constructeurs ont embarquéquantité d’innovations techniques sur les automobiles :généralisation du système de freinage ABS, airbags,système d’antipatinage, pneumatiques toutes saisons,alarmes antivol…À l’instigation du courant écologisteet sur le modèle de l’Europe rhénane, la ville qui avaitfavorisé l’automobile dans les Trente Glorieuses(notamment par la construction du périphériqueparisien) se met désormais à l’exclure 13. Or la re-découverte des transports en commun minimise les risques de sinistres urbains dans le cadre d’une circulation apparemment toujours plus dense. Desstatistiques relèvent parfois un changement de comportement : l’embellie automobile a cédé la placeà l’embolie, et les transports urbains de métropolescomme Lille ou Lyon sont moins automobiles dansles années 2000 que dans les années 1990.

D’un autre côté, l’économie de l’assurance a faitdes progrès décisifs à compter de la publication en1970 de l’article de George Akerloff (Prix Nobel d’économie 2001 avec Michael Spence et Joseph Stiglitz) :« The market for lemons : qualitative uncertainty andthe market mechanism 14 ». Les assureurs ont doncles concepts pour réduire l’asymétrie d’information eten savoir plus sur l’assuré qu’auparavant. Par touteune série de statistiques et de critères, ils peuvent désormais opérer une segmentation poussée.Traduisons : une tarification au plus près d’un risquedésormais techniquement maîtrisé. Les incitationsvisant à éliminer ou du moins réduire l’aléa moral (« l’assurance paiera ») sont multiples : franchises fixesou proportionnelles élevées, exclusions de garantie s’il n’y a pas de garde-fous (garages, électronique intel-ligente pour éviter le car jacking...), augmentations detarifs ou résiliations… Dernière innovation très discutée : l’assurance pay as you drive qui supposel’installation d’un compteur kilométrique infalsifiable,véritable « boîte noire » qui permet également de toutsavoir du conducteur.

Le risque automobile n’est plus aujourd’hui lerelais de croissance d’assureurs en mal de chiffre d’affaires. Il participe d’une approche souvent très

encadrée par les services communication des firmes,l’automobile étant un produit d’appel qui permet decapter de nouveaux risques. L’objectif avoué des assureurs est de rassembler les risques de ses clients etde leur proposer une couverture globale. Au regard durisque strictement automobile, des études tendraient àmontrer que le seuil critique de rentabilité n’a cessé des’élever, poussant les firmes à des fusions : UAP-Axaen 1996, AGF-Allianz en 1997, Azur-GMF-MMA-Maaf, Maif-Matmut… Dernier changement aussiimportant que passé inaperçu : la garantie automobilene concerne plus seulement les véhicules mais aussiles passagers, qui étaient paradoxalement peu ou pascouverts. Apparemment initiée par la Maif dès lesannées 1980 avec la garantie optionnelle Pacs(Protection assurée du conducteur et des siens), elle adepuis été imitée et diffusée par ses concurrents.

Les Français font statistiquement bien plus dekilomètres en automobile en 2010 qu’en 1910, etl’automobile est devenue un produit universellementrépandu, la multidétention n’étant pas rare : un indiceapparemment probant de revenu pour les assureurs.Les statistiques affichées de la mortalité liée au risqueautomobile sont donc à relativiser rapportées aunombre de kilomètres parcourus par passager. Unezone d’ombre demeure sans doute liée à l’assurance « flotte » des véhicules de professionnels de collaborateursvoire des loueurs. L’utilisation collective et/ou peuresponsable de ces automobiles incite en ce cas lesassureurs flotte à pratiquer des franchises élevées,individuelles ou annuelles, la garantie ne se déclenchantqu’au-delà d’un certain montant atteint.

Tout ce que le conducteur moyen n’imagine pasquand il succombe à la mythologie automobile lorsde sa décision d’achat. Le succès de la DS3 Citroëns’appuie ainsi sur le mythe de la DS née en 1955 : « La “ Déesse ” a tous les caractères […] d’un de ces objetsdescendus d’un autre univers qui ont alimenté notrescience-fiction : la Déesse est d’abord un nouveauNautilus. […] Il s’agit d’un art humanisé et il se peutque la DS marque un changement dans la mythologieautomobile 15. » L’assurance automobile relève, pourl’assuré comme pour l’assureur, d’un choix bien plusrationnel...

Dans le rétroviseur : Le risque automobile en France 1910-2010

Page 28: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Notes

1. Patrick Verley, Nouvelle Histoire économique de laFrance contemporaine, tome 2, L’Industrialisation 1830-1914,La Découverte, coll. « Repères », 1ère éd. 1983, réédition2003, pp. 97-98.

2. James Landel et Martine Charré-Serveau, Lexique destermes d’assurance, L’Argus, 2000, p.331.

3. Jean-Pierre Daviet, La société industrielle en France1814-1914, Seuil, coll. « Points », 1997, pp. 78-79.

4. Jean-Louis Loubet, « De la Ford T au fordisme », Enjeux-Les Échos, juin 2003.

5. Patrick Fridenson, Histoire des usines Renault. 1.Naissance de la grande entreprise 1898-1939, Seuil, 1972.

6. « Mémento des usagers de la route » édité par lesTravailleurs français, Mutuelle accidents de Chartres, dans lesannées 1920, in Pierre Martin, Deux siècles d’assurancemutuelle. Le groupe Azur, CTHS, Histoire, 2009, p. 351.

7. IARD : Incendie, accidents, risques divers.

8. « Au lendemain de la guerre, certaines compagnies britanniques, opérant en France, y introduisirent l’assurance

tous risques automobile », P. J. Richard, Histoire des insti-tutions d’assurance en France, L’Argus, 1956, p. 211.

9. Pierre Martin, Deux siècles d’assurance mutuelle. Le groupe Azur, CTHS, Histoire, 2009, p. 313.

10. Michel Chaulet, MAIF. L’Histoire d’un défi, LeCherche Midi, 1998, p. 98.

11. Georges Hornung, « Assemblée générale des Travailleursfrançais, 7 juin 1952 », in Pierre Martin, Deux siècles d’assurance mutuelle. Le groupe Azur, CTHS, Histoire,2009, p. 494.

12. Paul Hatinguais, PDG de l’Amsso, le 14 juin 1961, inPierre Martin, Deux siècles d’assurance mutuelle. Le groupe Azur, CTHS, Histoire, 2009, p. 491.

13. Mathieu Floneau, « Paris : la fin de l’automobile ? »,L’Histoire, n° 297, avril 2005.

14. George Akerloff, “ The market for lemons : qualitativeuncertainty and the market mechanism”, Quaterly Journalof Economics, n° 74, 1970, pp. 488-500.

15. Roland Barthes, « La nouvelle Citroën », Mythologies,Seuil, 1957, réédition coll. « Points », 1970.

Risques n° 83 / Septembre 201028

Dans le rétroviseur : Le risque automobile en France 1910-2010

Page 29: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Les principales causes d’évolutions

Sans être exhaustif ni hiérarchique, on peutmettre en premier lieu la volonté d’un certainprésident de la République, Jacques Chirac,de lutter contre l’insécurité routière. Cela

s’est manifesté par le déploiement des radars avec l’incidence automatique sur le « capital points » dont

est crédité le permis de conduire. À quoi cela sert-ild’avoir une voiture puissante s’il est impossible d’enapprécier toutes les performances ?

L’environnement économique a connu tout d’abord une hausse brutale du prix des carburants,incitant, de ce fait, soit à une éco-conduite, soit à l’acquisition de véhicules moins exigeants en carburant,voire de véhicules low-cost. La crise que nous sommesen train de traverser a conduit les pouvoirs publicsfrançais à soutenir les constructeurs automobiles en

29Risques n° 83 / Septembre 2010

2020, L’ODYSSÉE DE L’ASSURANCE AUTOMOBILE

Jean Péchinot F F S A , D é p a r t e m e n t a u t o m o b i l e , p a r t i c u l i e r s A C P S

� 1968 : Stanley Kubrick signe un film qui marqueratoute une génération. L’évolution de l’homme sembleêtre due à ce monolithe qui lui donne l’idée de se servir d’un os tout d’abord pour se défendre puis pourchasser. On retrouve ce monolithe à chacune desgrandes étapes de l’humanité, jusqu’à la conquête del’espace. Nul doute qu’il en est l’inspiration. Unmonolithe spécial existe-t-il pour guider l’évolutionde l’automobile ? Personne n’en a fait état mais il semble bien évident aujourd’hui que l’automobilistede 2020 ne ressemblera en rien à celui de 1968.L’assurance automobile non plus.

Jusqu’à une époque très récente, l’automobile était trèsgénéralement conçue comme étant la manifestationextérieure de la personnalité de son propriétaire. Elleétait la preuve de la réussite professionnelle.Aujourd’hui, cette relation a nettement évolué ce quiaura des incidences directes sur l’assurance.

� 2020 THE CAR INSURANCE ODYSSEY 1968: Stanley Kubrick directs a film that would mark awhole generation. The evolution of man seems to be dueto the monolith which gives him the idea of using a bonefirst to defend himself and then to hunt. The monolith ispresent at each of the major stages in the development ofthe human race, right up to the conquest of space. Thereis no doubt that it is the inspiration for that conquest.

Is there a special monolith that guides the evolution of the car? No-one has suggested this, but it is clear today that drivers in 2020 will be completely differentfrom those of 1968. And motor insurance will be just as different.

Until very recently, the car was very widely seen as theexternal manifestation of its owner’s personality. Today, that relationship has clearly evolved and thechanges will directly impact insurance.

Page 30: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

instaurant le « bonus-malus écologique », ce qui a eu pour effet d’orienter les consommateurs vers des véhicules « à bonus », c'est-à-dire des véhiculeséconomiques 1.

Plus récemment, la loi n° 2010-788 portant engagement national pour l’environnement, dite « loi Grenelle 2 » a été publiée au Journal officiel le 12 juillet 2010. Dans sa partie « transports », elle définit quelques orientations, parmi lesquelles :

- la création d’un label « autopartage » attribué et utilisé dans des conditions définies par décret.L'activité d'autopartage est définie par la mise encommun au profit d'utilisateurs abonnés d'une flottede véhicules de transports terrestres à moteur.Chaque abonné peut accéder à un véhicule sansconducteur pour le trajet de son choix et pour unedurée limitée (art. 54). Les mesures favorisent l’accèssur la voie publique ou dans tout autre lieu de stationnement ouvert au public aux véhicules bénéfi-ciant du label ;

- la possibilité pour les communes membres d’unecommunauté urbaine ou d’une communauté d’agglomération d’organiser un service de mise àdisposition de bicyclettes en libre-service (art. 51) :

- la création, l’entretien ou la mise en place d’un service d’exploitation des infrastructures de chargenécessaires à l'usage de véhicules électriques ou hybrides rechargeables par les communes sous réserved'une offre inexistante ou insuffisante sur leur territoire. Elles peuvent néanmoins transférer cettecompétence (art. 57) ;

- l’obligation, enfin, pour les ensembles d'habitationsou bâtiments à usage tertiaire équipés de places destationnement individuelles couvertes ou d'accèssécurisés, d’être dotés des gaines techniques, câblageset dispositifs de sécurité nécessaires à l'alimentationd'une prise de recharge pour véhicule électrique ouhybride rechargeable, ainsi que des infrastructurespermettant le stationnement sécurisé des vélos. Cetteobligation s'applique aux bâtiments dont la date de

dépôt de la demande de permis de construire est postérieure au 1er janvier 2012. Pour les bâtimentsexistants à usage tertiaire, cette obligation s’appliqueà compter du 1er janvier 2015 (art. 57).

Plus concrètement, qui n’a pas circulé dans lesgrandes agglomérations ne peut comprendre le souhait des résidents de se séparer de leur véhiculepersonnel.

Certes, chacun pourra vouloir conserver son typede relation avec la voiture, mais il est clair que le parcroulant évoluera vers des véhicules plus petits, moinschers, moins gourmands en énergie fossile, et quiseront de moins en moins propriété individuelle. Enrésumé, en 2020, certains voudront acquérir un véhicule, d’autres une mobilité. L’assurance devra s’adapter à ces deux concepts.

Il serait trop rapide de considérer que le premier,la propriété, est intégralement connu de l’assureur etque, donc, rien ne changera.

Deux facteurs principaux devront être pris encompte : l’énergie et la réparation.

Quel est le poids du type de carburant dans le prix global d’un véhicule aujourd’hui ? Négligeable.Quelles seront les motorisations des véhicules dedemain ?

Les pouvoirs publics, au travers de la loi Grenelle 2,souhaitent manifestement le développement du véhicule électrique en prenant des dispositions pourgénéraliser l’installation de prises de courant. Les « Rencontres internationales des voitures écologiques »qui se sont tenues les 7 et 8 juillet 2010 à Alès ont étél’occasion d’en faire la promotion 2.

Cependant, en l’état actuel de la technologie, l’autonomie du véhicule électrique est faible, ce quilimitera son utilisation à la circulation urbaine.Certes, des réflexions sont en cours pour permettreaux grands rouleurs de changer le pack de batteriesdans les stations-service, comme, actuellement, on

Risques n° 83 / Septembre 201030

2020, l’odyssée de l’assurance automobile

Page 31: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

fait un plein de carburant, mais on imagine sanspeine les aménagements qu’il conviendra de réaliser.

Selon les constructeurs, le prix de ces véhiculesserait équivalent à celui des véhicules actuels. C’estfaire peu de cas des batteries qui ne sont pas prises encompte 3. Dès lors, deux solutions peuvent être envisagées : l’utilisateur acquiert les batteries ou il les loue. Quelles seront les conditions de la location ?Le distributeur pourra les assurer contre les princi-paux risques et inclure le prix de l’assurance danscelui de la location ou demander au locataire de lesassurer.

Du point de vue de l’assureur, on est en présencede deux situations : soit le souscripteur assure les batteries comme le véhicule, soit il doit garantir lefinancement de leur loyer.

Dès lors, on imagine très bien le distributeurautomobile proposer une solution globale, véhiculeassurance comprise, avec l’incidence évidente tant surles réseaux d’intermédiaires que de réparateurs.

Voitures électriques, hybrides, thermiques àhydrogène, au gaz de ville ou de pétrole liquéfié, à pile à combustible... toutes sont issues de technolo-gies particulièrement pointues. Or, si aujourd’hui leprix de l’assurance automobile est relativement stable,c’est essentiellement parce que la concurrence existeentre les réparateurs indépendants et les réseaux desconstructeurs ou importateurs. Près des trois quartsdes sommes versées par les assureurs concernent desdommages matériels. Certes, tous ne sont pas desdommages subis par des véhicules mais ils en consti-tuent la plus grande partie. De même, si tous lesdommages matériels ne sont pas réparés, les sommesles plus importantes sont versées aux réparateurs.

Aujourd’hui, les réparateurs indépendants sontsoumis à d’importantes contraintes, à la fois législativeset réglementaires concernant l’environnement d’unefaçon très large, et économiques, les donneurs d’ordreexigeant pour leur client le meilleur rapport qualité-prix. Si l’on ne peut dénier aux réparateurs leur

compétence professionnelle, force est de constaterque les évolutions technologiques nécessitent unéquipement de plus en plus sophistiqué. Mais la baisse constante de la sinistralité enregistrée, hors événements naturels, limite les chances d’augmenterle chiffre d’affaires. Hausse des charges et stagnationdu chiffre d’affaires conduisent nécessairement à uneréduction des investissements. Or, les véhicules del’an 2020 seront de plus en plus délicats à réparer. Ilpeut être à craindre que seuls les réseaux de constructeursou d’importateurs seront en mesure d’investir suffi-samment pour proposer aux assureurs une garantiede service. Dès lors, la concurrence éliminée, les prixde la réparation ne pourront que suivre une tendanceinflationniste.

Cette évolution générale de la technologie desvéhicules va intervenir à un moment de forte modifi-cation des relations entre l’automobiliste et la voiture.Retenons trois versions : l’« autolib’ », l’achat demobilité et l’autopartage, thème plus largement déve-loppé dans cette rubrique par Guillaume Rosenwald.

À l’instar du Vélib’ ou formule équivalente mettant à la disposition du public des vélos en libre-service, certaines collectivités réfléchissent à la miseen place de véhicules qui, selon la même formule,seraient mis à la disposition de toute personne quiaurait communiqué ses coordonnées et laissé unecaution. Comme pour le vélo, il s’agirait d’une utilisation exclusivement urbaine et de courte durée.Les infrastructures à mettre en place sont évidemmentsans commune mesure avec celles des vélos.Emplacements, points de chargement électrique, système de gardiennage... De même, on peut penser quel’exploitation du système « autolib’ » sera concédée àdes entreprises.

Pour l’achat de mobilité, l’utilisateur aura recoursà un prestataire qui lui fournira tel type de véhiculepour la semaine, tel autre pour les week-ends et telautre pour les vacances.

L’autopartage, dans sa conception, se rapprochedu Vélib’ en ce que l’on n’est pas dans un système deconcession par les collectivités locales.

Risques n° 83 / Septembre 2010 31

2020, l’odyssée de l’assurance automobile

Page 32: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Dans ces trois formules, le conducteur n’est pluspropriétaire du véhicule. Il appartient à un loueurprofessionnel. Dès lors, la situation de l’assurance vaprendre en compte cette nouvelle situation.

Bien entendu, il ne sera pas question de recourir à la technique du « véhicule par véhicule » mais, plutôt à celle de l’assurance flotte. Selon la taille dupropriétaire des véhicules, la garantie de responsabilitécivile sera affectée d’une franchise plus ou moinsimportante. Probablement, ce propriétaire ne garantira pas ses véhicules pour les dommages qu’ilspourraient subir, ni même contre le vol. Commepour les grands loueurs, le coût des risques de fréquence, non assurés, sera pris en compte directe-ment dans le niveau du prix de la prestation.

Les conséquences prévisiblespour l’assurance

La conséquence pour l’assurance est, dès lors,évidente : le chiffre d’affaires s’en trouveraréduit... Le fisc et autres organismes associés,dont le montant de la contribution qui leur

est due est déterminé en pourcentage de la cotisationnette, seront également affectés.

Lorsque ces véhicules seront endommagés, ilsentreront dans un schéma de réparation-collision différent de celui connu actuellement. Selon lesconditions de rachat qui auront été négociées avec leconstructeur ou son représentant « buy-back » , il peutêtre envisagé que les réparations ne puissent s’effec-tuer que dans son réseau. Si persiste la possibilité des’adresser à un réseau de réparateurs indépendants, lesconditions seront probablement différentes de cellesqu’ils pratiquent dans le cadre de leurs relations avecles assureurs : il ne sera sans doute plus nécessaire de

fournir un véhicule de courtoisie, la proximité ne sera peut-être plus un critère de choix, les critères éco-nomiques peuvent prendre une place prépondérantedans les discussions…

En synthèse, il ressort que les évolutions des rapports entre l’homme et l’automobile vont avoirdes incidences directes sur son environnement économique immédiat que constitue l’assurance.Après les mutuelles sans intermédiaires, après les bancassureurs, les constructeurs et importateurspourraient être les prochains acteurs significatifs dansle monde de l’assurance automobile de 2020. Mais jene suis pas Stanley Kubrick et je n’ai pas encore trouvé le monolithe.

Notes

1. Le marché automobile en 2009 a été marqué par l’explosion de la tranche « 101 à 120g » (bonus de 700 euros en 2009). En effet, cette tranche totalise à elle seuleplus de 47 % des immatriculations, soit plus de 1 million de voitures (1 070 598 unités). Pour rappel, lesvéhicules de cette tranche ne représentaient que 35 % en2008, soit une hausse de 12 points ! Les ventes de véhicules dont les émissions sont inférieures à 100g de CO2 par kilomètre ont été encore très faibles faute d’offres (9 modèles seulement sont actuellement com-mercialisés). Néanmoins, avec 10 754 unités, cette trancheconnaît une croissance de 550 % !À l’inverse, les voitures dontles émissions de CO2 dépassent 250g (malus de 2600 eurosen 2009) ont vu le volume de leurs ventes divisé par quatre en deux ans, passant de 33 317 unités en 2007 à 7 575 en 2009.

2.Voir communiqué de presse : http://www.ales.ceremony-pcmarus.com/presse/afp.html.

3. On notera l’initiative de la Ville de Paris qui octroie uneparticipation de 25 % du prix du véhicule à concurrence de400 euros à toute personne qui acquiert un vélo à assistanceélectrique ou un cyclomoteur électrique

Risques n° 83 / Septembre 201032

2020, l’odyssée de l’assurance automobile

Page 33: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Le 27 juillet dernier, la stratégie nationale dedéveloppement durable (SNDD) 2010-2013a été adoptée par le Comité interministérielpour le développement durable (CIDD),

présidé par Jean-Louis Borloo, ministre d’État,

ministre de l’Écologie, de l’énergie, du développementdurable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat. La SNDD estprésentée comme étant le cadre de référence et d'orientation pour l'ensemble des acteurs de lanation, publics et privés, pour les aider à structurer

leurs propres projets et politiques autour de choixstratégiques et d’indicateurs de développement durable.Elle a également vocation à assurer la cohérence et lacomplémentarité des engagements de la France sur leplan national, européen et international. Dans la foulée des projets Grenelle 1 et Grenelle 2, la SNDDmet l’accent sur des enjeux, a priori partagés, de durabilité auxquels les acteurs économiques, et lesassureurs au premier chef, sont confrontés. Parmi cesenjeux, celui des transports et de la mobilité durablefigure en bonne place et conforte les acteurs de la

L’ENJEU DE LA MOBILITÉ DURABLE, CONTRAINTES OU OPPORTUNITÉS ?

Emmanuel Soulias D i r e c t i o n d e l a r e s p o n s a b i l i t é s o c i a l e e t e n v i r o n n e m e n t a l e

G r o u p e M a c i f

� La mobilité dite durable et son cortège de variantessémantiques (écomobilité, mobilité partagée...) ontfait leur apparition depuis quelques années dans l’environnement politique, réglementaire et économiquefrançais. À l’origine de cette dynamique figurent desmotivations environnementales, économiques ousociétales qui peuvent paraître inquiétantes pour lesecteur de l’assurance en ceci qu’elles convergent versune promotion de modes de transport complémentaires,voire alternatifs, à l’usage de l’automobile. La réalitédes évolutions dont il est question – associée auxdonnées sociétales dont nous disposons, et à leur priseen charge, déjà, par les sociétés d’assurances – met enlumière les opportunités de la mobilité durable. Unsujet d’actualité, ainsi que le montre le thème retenupour la Semaine de la mobilité et de la sécurité routière du 16 au 22 septembre : la route partagée.

� THE CHALLENGE OF SUSTAINABLE MOBILITY,CONSTRAINTS OR OPPORTUNITIES? So-called sustainable mobility and all its semantic variations (ecomobility, shared mobility, etc.) appeared afew years ago in the French political, regulatory and economic environment. These concepts have arisen out ofenvironmental, economic or societal motivations thatcould seem to be a cause for concern for the insurance sector in that they come together to promote modes oftransport that are complementary, or even alternative, tothe use of cars. The reality of these changes – togetherwith the societal data available to us and the fact thatinsurance companies have already taken them on board– highlights the opportunities that sustainable mobilitybrings. This is a topical subject, as demonstrated by thetheme adopted for the Mobility and Road Safety Weekfrom 16 to 22 September: the shared road.

Risques n° 83 / Septembre 2010 33

Page 34: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Risques n° 83 / Septembre 201034

profession dans leurs efforts pour accompagner lesévolutions liées à la mobilité.

Nouvelles mobilités, mobilité durable, libre ouresponsable, écomobilité voire automobilité, modedoux, intermodal, multimodal... le vocabulaire fleuritautour d’évolutions qui sont, elles, relativement simples à appréhender pour un assureur et sont dedeux ordres : technologique et comportemental.

Une définition élargie dudéveloppement durable

La SNDD met en exergue neuf enjeux straté-giques de durabilité visant à développer uneéconomie sobre en ressources naturelles etdécarbonée, tout en poursuivant un objectif

de justice et d’équité sociale. Afin d’en apprécier laportée, et surtout de mesurer à quel point les activitésdiverses de la profession de l’assurance peuvent êtreimpactées par une telle dynamique, citons ces neufenjeux :

– une consommation et une production durables ; – la société de la connaissance ; – la gouvernance ; – le changement climatique et l’énergie ; – les transports et la mobilité durable ; – la conservation et la gestion durable de la bio-

diversité et des ressources naturelles ; – la santé publique, la prévention et la gestion des

risques ; – la démographie, l’immigration et l’inclusion sociale ; – les défis internationaux en matière de développe-

ment durable et de lutte contre la pauvreté dans lemonde.

La lecture de ces thèmes aura au moins rempli unobjectif, celui de réaffirmer la définition première dudéveloppement durable élargie aux sphères économiqueet sociale et non réduite à la dimension environnementale,ou encore « verte », qui nourrit beaucoup l’actualitéet simplifie parfois un peu trop le débat.

C’est cette définition que les assureurs ont retenuelors de l’adoption de la Charte de développementdurable par l’ensemble des acteurs de l’Associationfrançaise de l’assurance en janvier 2009 1, et c’est celle que nombre d’acteurs de l’assurance tentent demettre en œuvre dans leurs métiers, qu’il s’agisse de la mobilité, de l’habitat, de la santé et des enjeux dedépendance, ou encore des services financiers etd’une certaine conception de la solidarité.

Le thème de la mobilité attire particulièrementnotre attention car, s’il n’est pas mis en avant avecautant de poids que le secteur de l’habitat – grandgagnant du Grenelle –, il vient impacter directementle cœur de métier historique d’acteurs importants del’assurance.

En mettant en avant la nécessité de réduire lesexternalités négatives liées à l’utilisation du véhicule(pollution sonore et atmosphérique, engorgementdes grands axes et des milieux urbains, mais égalementaccidents divers et coût global d’utilisation et demaintenance – pour le particulier comme pour la collectivité), l’approche « durable » introduit unepression qui peut se révéler anxiogène.

En effet, qu’il s’agisse des dispositions réglementaireseuropéennes ou nationales, des initiatives des régionset communes (Agenda 21, plans de déplacementsurbains (PDU)) pour mieux organiser les transportsdans leur périmètre, ou encore, dans une moindremesure, des actions militantes de collectifs « antiba-gnole » (ou 4 x 4), une dynamique se met progressivement en place visant à une utilisationréduite – ou adaptée – du véhicule individuel.

En clair, l’ensemble des dispositions visant à limiterles besoins de déplacements individuels en voiture 2,à développer les transports doux (qualifiés ainsi enraison de leur faible impact sur l’environnement,comme le vélo) ou à investir massivement dans lestransports en commun et transports alternatifs à lavoiture individuelle 3, génèrent deux conséquencesrelativement immédiates pour l’assureur : – une diminution – après une stagnation – du parc

automobile individuel assurable ; – la nécessité de couvrir de nouveaux risques liés à de

nouvelles pratiques en matière de mobilité.

L’enjeu de la mobilité durable, contraintes ou opportunités ?

Page 35: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Risques n° 83 / Septembre 2010 35

L’enjeu de la mobilité durable, contraintes ou opportunités ?

Ces conséquences sont réelles – plus palpables en milieu urbain pour la première – et pourraientnourrir une posture de défiance de la part d’acteursrepliés sur un modèle économique et technique dedéveloppement inchangé. L’observation des évolutionsdes offres des assureurs en matière de mobilité montrequ’il n’en est rien et laisse entrevoir des opportunitésde développement – que l’on pourrait alors qualifieravec justesse de durable – en phase avec les mutationsen cours.

La dimension « technologique »

L’aspect technologique de la mobilité durable – c'est-à-dire ce qui concerne lefonctionnement et les performances duvéhicule – a fait son apparition de façon

concrète sous le prisme du CO2, l’un des principauxgaz à effet de serre, avec la mise en place en janvier2008 du bonus-malus écologique.

Visant à favoriser l’achat de véhicules moins polluants, ce dispositif a connu un certain succès,puisque en 2009 la part des véhicules de classes dites « vertes » (A, B ou C), donc émettant moins de140 grammes de CO2 au km, a représenté une partde plus de 50 % du total des ventes 4. Le bonus-malus s’inscrit dans un cadre plus large visant, àterme, à diminuer les émissions de CO2 des véhicules 5– l’effort de R&D portant essentiellement sur lesconstructeurs d’automobiles – avec un objectif deramener, d’ici 2020, les émissions moyennes des véhicules neufs à 95 g de CO2 au km 6.

L’impact pour les assureurs de ces évolutionsréglementaires et technologiques est double : la partgrandissante de « petits » véhicules dans un porte-feuille de cotisations collectées proportionnellementmodifié, mais également l’opportunité de nourrir unedémarche commerciale responsable et fidélisante enaccompagnant l’évolution du parc 7. Ces dispositionsfavorisent également le développement sur le marchéde véhicules aux motorisations et carburants

nouveaux ou jusqu’à présent anecdotiques : l’hybride,l’électrique, bientôt l’hydrogène, voire l’air comprimé...

Si ces nouvelles technologies posent des questions,et certaines avec raison – stabilité des carburants,robustesse et résistance d’équipements plus légersdonc moins consommateurs, exposition accrue au voldes matières premières et des batteries par exemple –,il semble que les procédures d’évaluation et d’agré-ment, alliées à l’expertise propre des assureurs, soientà même d’absorber ces évolutions. On peut mêmevoir dans ce contexte une opportunité de resserrer desliens déjà solides avec les constructeurs, ainsi qu’entémoigne l’apparition de plus en plus fréquente descolloques, séminaires, groupes de travail réunissantassureurs et constructeurs autour de l’émergence denouvelles techniques.

Une dimension pourra également à terme, en lienavec les constructeurs mais également le régulateur,solliciter les assureurs sur leurs capacités d’innovation,notamment tarifaire, avec la prise en compte d’autrespolluants que le CO2, marqueur dédié au réchauffe-ment climatique uniquement. Les oxydes d’azote(NOx, précurseur de l’ozone) et particules (PM10)en particulier, dont les dépassements réguliers desnormes et les effets néfastes sur la santé sont avérés,font l’objet de dispositifs particuliers 8 dans le cadredu Plan particules 9 auxquels il convient d’être attentif.

La dimension « comportementale »

� Les particuliers

Ces dernières années sont apparues, dans l’offreauto des assureurs, des dispositions ou servicesaccompagnant voire encourageant un usage moindreou partagé du véhicule individuel.

On peut évoquer les réductions tarifaires sur l’assurance d’un véhicule dont le propriétaire est

Page 36: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Risques n° 83 / Septembre 201036

L’enjeu de la mobilité durable, contraintes ou opportunités ?

titulaire d’un abonnement de transports en commun,les déclinaisons du concept Pay As You Drive – quiconsiste a prendre en compte le nombre réel de kilomètres parcourus, et donc, quasi mécaniquement,la quantité d’énergie consommée et de polluants émis –,ou encore la proposition de services de covoiturage 10.Ces offres traduisent l’intérêt que peuvent ressentirdes assureurs à apporter des réponses à des besoins demobilité en pleine mutation. Alors qu’il s’agissait jusqu’ici d’assurer un véhicule, la démarche consistedésormais de plus en plus à apporter des réponses àdes préoccupations d’assurés et de sociétaires dont lesmotivations sont essentiellement l’aspect financier,environnemental et le confort.

Une étude réalisée en 2009 11 montre ainsi que lecoût d’utilisation trop élevé reste le principal facteurde renoncement à l’utilisation de la voiture (66 % despersonnes interrogées), suivi de la conscience de polluer (46 % – 59 % parmi les ruraux et 30 %parmi les urbains) et de l’incertitude sur la durée dutrajet une fois au volant (32 %, essentiellement chezles urbains).Cette étude révèle également uneconnaissance de plus en plus répandue dans le grandpublic des modes de déplacement alternatifs (à l’usageindividuel de la voiture), au rang desquels on retrouve,par ordre de notoriété, les transports en commun, lecovoiturage, les vélos en libre-service en ville, l’auto-partage et, dans une moindre mesure, les transports àla demande, ainsi que les dispositifs tels que les plansde déplacement entreprise et les agences locales demobilité.

Plus intéressant, la place prise par les assureursdans la liste des acteurs les plus susceptibles de contribuer au développement de l’utilisation desdéplacements alternatifs.

Si, sans surprise et très logiquement, pour 85 % desFrançais interrogés les autorités locales de transport – l’État (72 %) et les opérateurs de transports (67 %) –demeurent les principaux leviers, les constructeurs automobiles (55 %) et les assureurs (38 %, 54 % enmilieu rural) sont également considérés comme desoffreurs en puissance d’offres de mobilité 12.

Cette conjonction entre, d’une part, des offres quel’on peut qualifier de « mobilité durable » de sociétés

d’assurances et, d’autre part, de réelles motivationsdes assurés à modifier leurs comportements de mobilité, si possible sur la base de propositions deleurs assureurs, est vertueuse dans le sens où ellerépond à de brûlants enjeux environnementaux –mais aussi sociaux et économiques –, et fait se rencontrer des besoins réels et des réponses concrètes.Elle offre surtout à l’assurance l’opportunité dedémontrer sa capacité à appréhender les besoins de mobilité de ses assurés et à y apporter des réponses defaçon dynamique.

Accompagner les mobilités, les organiser sousforme de services adaptés 13 est un gage de fidélisationdes assurés dans un monde qui change et, les prochaines années pourront le démontrer, un levierd’innovation et de diversification pour des acteurséconomiques confrontés à un marché saturé et fortement compétitif.

� Les opérateurs de mobilité

Les comportements et usages de mobilité, au-delàdes préoccupations actuelles des particuliers – en résumé, un transport rapide et peu onéreux –devront, c’est plus que probable, s’adapter à un cadre plus contraint, conditionné par l’augmentationdes prix de l’énergie et par la prise en compte progressive des effets externes dans les tarificationsdes transports.

Aux côtés des assureurs, d’autres acteurs économiques ont acté ces changements et entamé des réflexions sur l’évolution de leurs métiers. Des transporteurs (RATP, SNCF, Veolia), des loueurs de voitures (Avis, Europcar), des opérateursd’infrastructures (Vinci), par exemple, se position-nent ainsi sur le champ de la mobilité durable 14. Ces évolutions méritent l’attention des assureurs, etc’est là une conséquence B to B de la dimension comportementale de la mobilité : avec de nouveauxmarchés et de nouvelles offres apparaîtront des besoinssupplémentaires de gestion et de couverture du risque,représentant un potentiel de développement, voire decodéveloppement.

Page 37: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Risques n° 83 / Septembre 2010 37

L’enjeu de la mobilité durable, contraintes ou opportunités ?

Une autre conséquence, peut-être plus prospectivevoire irréaliste, de ces évolutions pourrait être de voirdes acteurs économiques proposer des packages demobilités totalement inclusifs, assurance et assistancecomprises. Il conviendrait alors d’anticiper cette possibilité pour ne pas en être exclu.

� Les territoires

Enfin, dans ce panorama, il ne faut pas oublier que,créateurs de liens sociaux, les transports sont égale-ment un acteur essentiel de la vie socio-économiqueet de l’aménagement du territoire. Les assureurs,acteurs de la préparation de l’avenir et du développementéconomique, sont particulièrement concernés par lespolitiques mises en place dans les territoires visant àorganiser la vie économique, assurer la cohésionsociale et promouvoir l’insertion des personnes han-dicapées, âgées ou isolées dans des quartiers décentrésou des zones rurales éloignées.

Les services de déplacements sûrs, économiquementviables, accessibles et respectueux de l’environnementsont au cœur de ces préoccupations et représententun levier fondamental d’action.

Il est donc de l’intérêt bien compris des assureurs,au-delà même de perspectives de développement àcourt terme et de diversification, de se positionner enpartenaires responsables de ces dynamiques territoriales,et nourrir ainsi à la fois leur capacité d’influence etd’innovation et leur utilité sociale et économique.

Notes

1. Consultable sur le site de l’Association française de l’assurance, www.assfass.fr

2. Loi Grenelle 1, n° 2009-967 du 03.08.2009, art. 12.

3. SNDD, « Leviers d’action transports et mobilité durable »,juillet 2010.

4. Source : Ademe.

5. En France, les transports représentent 26 % des émissionsde gaz à effet de serre et 17 % de la consommation d’énergie.

6. Règlement européen sur la réduction des émissions de CO2des voitures neuves adopté le 17 décembre 2008 et paqueténergie-climat.

7. Exemple : le contrat « Voiture plus propre et plus sûre » dela Macif, proposé dès février 2006.

8. Cf. les zones d’action prioritaires pour l’air (Zapa) duGrenelle 2, expérimentations de trois ans pour collectivitésvolontaires.

9. Grenelle 1.

10. Voir pour ces exemples les offres GMF, Groupama, Maifou Macif.

11. Étude Opinion Way pour la Macif : « Les Français et lesenjeux de la mobilité durable », août 2009.

12. Ibid.

13. Voir, sur le même sujet, l’article « Les services à la personne, nouvel horizon de l’assurance automobile ? », Matmut.

14. Voir à ce propos les offres, en consortium et parfois avecdes assureurs, dans le cadre de l’appel d’offres Autolib’ de laMairie de Paris.

Page 38: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Risques n° 83 / Septembre 201038

LES SERVICES À LA PERSONNE, NOUVEL HORIZON DE L’ASSURANCE AUTOMOBILE ?

Arnaud ChneiweissD i r e c t e u r g é n é ra l a d j o i n t , G r o u p e M a t m u t

Odile Thoumas S e c r é t a i r e g é n é ra l e a d j o i n t e , r e s p o n s a b l e m a r k e t i n g , G r o u p e M a t m u t

Peggy Sejourné A t t a c h é e d e d i r e c t i o n , r e s p o n s a b l e d e s s e r v i c e s à l a p e r s o n n e , G r o u p e M a t m u t

� Les offres d’assurance automobile disponibles surle marché français sont bien plus diverses qu’on ne lepense souvent. Un axe possible de différenciation consiste en unmeilleur accompagnement de l’assuré, via la fourniturede prestations en nature et de services à la personne encas d’accident. L’article décrit une innovation proposée par leGroupe Matmut : la fourniture de services à la personne dans le cadre de la garantie du conducteur.

Ces services viennent en complément d’une indem-nisation financière, et visent à une meilleure prise encharge de la dimension humaine et psychologique desaccidents graves.

Le développement de ces services dans une dynamiquede réparation en nature permet à l’assuré – dont la vieest bouleversée par un accident – d’être déchargé à lafois des contingences de la vie quotidienne grâce auxservices à la personne mais aussi de l’organisation deprestations plus lourdes permettant de recouvrer unmaximum d’autonomie.

� PERSONALISED SERVICES, A NEW HORIZONFOR CAR INSURANCE?The range of car insurance policies available on theFrench market is much more diverse than is oftenthought. One possible method of differentiating betweenthem is the quality of the support services offered to theinsured, through the supply of services in kind and personal services in the event of an accident. This articledescribes one innovation which has been proposed byGroupe Matmut: the supply of personal services in thecontext of the insurance coverage granted to the driver.These services are offered in addition to financial compensation, and seek to help the insured deal betterwith the human and psychological dimensions of havingbeing involved in a serious accident. The roll-out of such services in the context of makingavailable reparations in kind means that the insured –whose life has been turned upside down by an accident– no longer has to deal with the contingencies of dailylife, thanks to the provision of personal services tailoredto his or her individual needs, but such services also ensu-re that more substantive services are provided with allowthe insured to regain as much autonomy as possible.

Page 39: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

39Risques n° 83 / Septembre 2010

Les services à la personne, nouvel horizon de l’assurance automobile ?

Pour les assureurs dommages de particuliers,l’assurance automobile demeure le « cœurnucléaire ». Pour au moins deux raisons : envolume, elle constitue de loin le premier

poste du budget assurance d’un ménage, représentantprès de 40 % des cotisations versées au titre des assurances de biens et de responsabilité en 2009,

contre seulement 17 % pour l’assurance habitation 1 ;elle est devenue par ailleurs le produit d’appel surlequel la concurrence fait rage avec une intensitéinconnue jusqu’ici (l’inflation des budgets publicitairesen témoigne), les assureurs considérant qu’elle constituela première brique à partir de laquelle la fidélisationde leurs clients pourra se construire.

Mais comment se différencier sur un marché del’assurance automobile saturé et en stagnation 1 ?Comment prouver à ses clients ou sociétaires que leproduit qui leur est proposé n’est pas le même quecelui qu’ils peuvent trouver partout, chez un courtier,leur banquier et peut-être demain dans une grandesurface ?

Et ce d’autant plus que les appellations génériques (« assurance au tiers », « assurance tousrisques »...) sont trompeuses, donnant à tort le sentimentque les produits sont identiques alors qu’une analysedétaillée révèle de grandes différences dans le contenudes garanties, et par conséquent dans la tarification.

Deux grands axes de différenciation sont à l’œuvresur le marché français. Le premier est un positionne-ment tarifaire très agressif, faisant émerger des acteurs« low cost ».

Le plus souvent ce positionnement est obtenu enutilisant seulement le canal Internet ou la vente partéléphone. Outre les économies générées par l’absen-ce de réseau d’agences, ces offres reposent en généralsur une sélection du risque drastique et des garantieslimitées.

Ce positionnement tarifaire peut aussi être recher-ché en s’attaquant à une niche de marché.S’inscrivent dans cette catégorie les tentatives – peu

concluantes à ce stade sur le marché français – d’off-re avec une tarification dépendant du kilométrage etdes conditions d’utilisation (« Pay as you drive »).

Le second axe possible de différenciation est d’allervers l’enrichissement de l’offre de services. C’est cepositionnement qui va être exposé ici, en se fondantsur l’inclusion de services à la personne dans l’offreautomobile et deux-roues de la Matmut, et plus précisément dans la « garantie du conducteur ».

Petit rappel philosophique

Les « mutuelles sans intermédiaire », regroupéesaujourd'hui dans le syndicat professionneldu Groupement des entreprises mutuellesd’assurance (Gema), ont toujours eu à cœur

d’avoir pour première mission de rendre l’assuranceaccessible au plus grand nombre, en pratiquant parconséquent des tarifs assez bas. C’est ce qui expliqueleurs gains réguliers de parts de marché depuis aumoins trente ans.

La faible percée à ce jour des assureurs low cost enFrance, à la différence d’autres pays (comme leRoyaume-Uni), s’explique également par ce position-nement des mutuelles d’assurances. Les assureurs duGema ont en outre souvent été à la pointe de l’« inno-vation sociale », en proposant des fonds de solidaritéou des dispositifs en direction des publics les plus fragiles.

Pour en venir au cas de la Matmut, seule entrepriseà propos de laquelle nous nous permettrons de nousexprimer ici, la volonté n’est pas d’être à toute force « les moins chers du marché », même si nous veillonsnaturellement à la compétitivité de nos offres. Ayant2,9 millions de sociétaires (et gérant 2,7 millions decontrats de véhicules à moteur), notre philosophie estde proposer des contrats d’assurance « qui protègentbien », car nous savons l’importance d’une bonnecouverture, tout particulièrement dans le cas deménages vulnérables sur le plan économique. Noussouhaitons donc avant tout proposer une offre présentant un bon rapport qualité/prix.

Page 40: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Risques n° 83 / Septembre 201040

Accompagner le sociétairepar des prestations en nature

Dans cette optique, des prestations eninclusion ont été depuis longtemps intégrées à nos offres. Ainsi, un sociétairesouscrivant une assurance automobile

bénéficie automatiquement des prestations d’assistanceet de protection juridique.

Outre le service ainsi offert au sociétaire, cette mutualisation permet à l’assureur d’éviter le phéno-mène de hasard moral conduisant à ce que seuls lesassurés anticipant qu’ils vont utiliser ces prestationsles souscrivent.

Les prestations d’assistance de la Matmutincluaient déjà des services à la personne. Outrel’aspect naturel d’un dépannage en cas de panne duvéhicule, le sociétaire pouvait bénéficier d’une aideimmédiate pour gérer le quotidien juste après unaccident : assistance à domicile pour les courses, leménage, les repas, garde des enfants, organisation etprise en charge du déplacement d'un proche, conduitedes enfants à l'école, assistance psychologique.

Comment aller plus loin ? À la suite de ces premierspas dans l’assistance, s’inspirant aussi d’exemplesvenus de l’assurance santé – les services de soins etd’accompagnement mutualistes (SSAM) –, s’est progressivement imposée l’idée que les assureurs pou-vaient également, en matière d’assurance automobile,ne pas se borner à être de simples « payeurs aveugles» d’indemnisation financière, et qu’ils avaient un rôleà jouer sur le terrain de la réparation en nature.

Au-delà de l’assistance qui vient d’être évoquée,cette idée a d’abord trouvé son application dans ledomaine de la réparation de sinistre matériel (réparation chez un prestataire – garage par exemple –agréé).

La prestation en nature peut en effet présenter

des avantages : l’assuré n’a pas à se soucier de trouverun professionnel compétent qui effectuera les réparations dans le cadre de l’indemnisation allouéepar l’assureur ; et ce dernier, en confiant les travaux àun réseau agréé, maîtrise mieux les coûts associés.

Il ne s’agit pas d’être manichéen et d’imposer un choix entre indemnisation financière et prestations en nature. Il est des circonstances – pourun sinistre automobile tant matériel que corporel –où l’indemnisation financière sera la bonne réponsepar la souplesse et la simplicité qu’elle apporte à l’assuré. Il en est d’autres où la victime ne demandepas tant un chèque qu’une prestation délivrée par un professionnel compétent, sélectionné par son assureur.

Les deux éléments sont donc appelés à être combinés encore longtemps, mais la montée en puissance de la réparation en nature nous semble êtreune tendance de fond.

Améliorer la réparation desdommages corporels

Offrir un meilleur service dans la réparationdes véhicules est un progrès, mais se soucier des personnes blessées dans unaccident automobile est tout de même

plus important ! Or le sujet de l’indemnisation dudommage corporel fait partie des questions encoremal traitées par la société française. L’Associationfrançaise de l’assurance (AFA) a d’ailleurs publié enavril 2008 un Livre blanc sur la question, comportantdes propositions qui visent à la fois à traiter plus équitablement les victimes de dommages corporels età développer des réponses adaptées pour les victimes lourdement handicapées – notamment enles accompagnant dans leur projet de vie.

Une étude menée en 2007 par le Credoc concernantdes victimes lourdement handicapées soulignait que seules 55 % d’entre elles étaient satisfaites par la rapidité de l’indemnisation et seulement 39 %

Les services à la personne, nouvel horizon de l’assurance automobile ?

Page 41: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Risques n° 83 / Septembre 2010 41

Les services à la personne, nouvel horizon de l’assurance automobile ?

considéraient que les indemnités versées en compen-sation des préjudices corporels causés par un tiersresponsable avaient permis de réorganiser leur viesociale ou professionnelle.

C’est pourquoi le Livre blanc de l’AFA de 2008insistait sur la nécessité pour les assureurs de se préoccuper du projet de vie des victimes et de leurréinsertion socioprofessionnelle, à l’image de ce qui est fait notamment au Québec, où la Société d’assurance automobile québécoise (SAAQ) a concluun contrat type avec divers établissements de santéchargés de la réadaptation. Le Livre blanc insistait parailleurs sur le suivi des besoins en aides humaines desvictimes.

Tout naturellement, les services à la personne, tantvantés dans le cadre du Plan Borloo (2005), pouvaient apparaître comme un élément de réponse.Or ils tardent à trouver leur modèle économiquepour ce qui est des « grandes enseignes multiservicesde référence ». Nous constatons que le nouveaumétier d’intermédiaire en prestations de services à lapersonne n’a pas convaincu nos concitoyens, qui n’yont pas trouvé de plus-value par rapport au marchéde gré à gré. La crise économique a par ailleurs probablement contribué aux difficultés de ces enseignes.Si nous croyons à l’utilité des services à la personne, ilfaut donc trouver une autre manière de les solvabiliser.

Des services en inclusion dansla garantie du conducteur

La loi Badinter du 5 juillet 1985 protège bientoutes les victimes d’un accident de la routeà l’exception du conducteur responsableblessé. Il est donc essentiel de conseiller

fortement à un assuré de souscrire la « garantie duconducteur » – d’ailleurs 98 % des assurés automobileMatmut en bénéficient. Sur le marché français, sitout le monde propose cette garantie, on constatequ’elle est de portée variable et généralement cantonnéeau versement d’indemnités financières. Or les

Français partagent l’idée qu’une indemnité financièren’est pas suffisante : selon un récent sondage BVA, 93 % des sondés souhaitent une aide à domicile encas d’accident entraînant une incapacité.

C’est cet accompagnement que nous avons souhaité développer, avec une acception large allantde l’organisation de la vie quotidienne dans les suitesimmédiates de l’accident jusqu’à l’aide au retour àune autonomie maximale sur le plus long terme.

En pratique, la garantie du conducteur rénovée,proposée à tous les sociétaires sans exception et sanslimitation, vise à apporter une aide dans la duréepour faciliter la vie quotidienne des victimes dès lorsqu’elles font état d’une incapacité temporaire totale(ITT) : un crédit d’heures de service à la personneallant jusqu’à 60 heures est alloué en fonction de ladurée de cette ITT. Les sociétaires choisissent les prestations dont ils ont besoin parmi l’aide à domicile :le ménage-repassage, le jardinage et le bricolage, lalivraison de courses et de médicaments, le déplacementaccompagné ou encore le soutien scolaire.

En outre, un bilan précoce de réinsertion professionnelle est proposé. L’organisation et la priseen charge d’un tel bilan sont possibles grâce au partenariat tissé avec une association rassemblant unetrentaine d’établissements de rééducation fonction-nelle au sein desquels une équipe pluridisciplinaireprend en charge précocement des patients afin deréaliser avec eux un bilan d’insertion professionnelle.

L’originalité est bien dans la prise en charge rapide des patients : en effet, plus cette prise en chargeest précoce, meilleures sont les chances de réinsertion.

Un partenariat a par ailleurs été conclu avec une centrale de référencement à laquelle adhèrent185 points de vente. Ainsi, sur tout le territoire, lessociétaires peuvent bénéficier des conseils de profes-sionnels pour le choix et la maintenance du matérielmédical (notamment pour les équipements lourdstels que les fauteuils roulants). En outre, ce partenariatleur permet de profiter d’une remise sur leur

Page 42: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

reste à charge éventuel sur l’ensemble des matériels etfournitures vendus par les magasins adhérents de lacentrale.

Un accompagnement pour l’aménagement dudomicile est enfin proposé. Un partenariat a étéconclu avec le premier mouvement national associatifde l’amélioration et de l’adaptation de l’habitat. Ilpermet aux sociétaires victimes d’un accident debénéficier de toutes les prestations nécessaires à unaménagement de leur domicile, depuis l’audit de cetaménagement jusqu’à l’assistance à la réception destravaux en passant par une mission d’ergothérapie.Toutes ces prestations sont prises en charge par legroupe Matmut.

Tous ces services s’ajoutent à une protectionfinancière de haut niveau, avec notamment uneindemnisation complémentaire en cas de handicap :compensation des pertes de revenus, versement d’un capital proportionnel au handicap définitif et au degré de dépendance, financement des frais d’aménagement du véhicule, financement des frais d’aménagement du domicile. Ce volet financierpeut atteindre 1,3 million d’euros.

Le développement de ces services dans une dyna-mique de réparation en nature permet à l’assuré –dont la vie est forcément au moins désorientée voiretotalement bouleversée par un accident – d’êtredéchargé à la fois des contingences de la vie quoti-dienne grâce aux services à la personne mais aussi del’organisation de prestations plus lourdes permettantde recouvrer un maximum d’autonomie.

La possibilité offerte aux sociétaires de s’orientervers des prestataires sélectionnés par le groupeMatmut, avec lesquels notre plate-forme dédiée auxservices à la personne les met en relation directe, estune amélioration importante dans la gestion de la vieaprès l’accident.

ConclusionLes innovations apportées à la garantie du

conducteur visent la prise en charge de la dimensionhumaine et psychologique des accidents graves. Cetaspect est en effet prépondérant sur le long termepour l’insertion sociale des victimes, leur qualité devie et celle de leur famille.

Nous pensons qu’au-delà de l’exemple développédans cet article, relatif à la garantie du conducteur, l’avenir de l’enrichissement de l’offre d’assuranceautomobile se jouera sur les questions d’accompagnementde l’assuré. L’indemnisation financière continuera à jouer un rôle important, mais nous croyons audéveloppement de la réparation en nature et des services à la personne. Ce qui peut poser la questionde la taille critique à atteindre ou des alliances à nouerpour accéder à des réseaux de prestataires de qualitécapables de délivrer au meilleur prix ces prestations.

Notes

1. Source : FFSA, rapport annuel 2009. www.seddita.com

2. Les cotisations 2009 sur le marché français, à 17,8 Mds €,sont en contraction de 0,2 %.

42 Risques n° 83 / Septembre 2010

Les services à la personne, nouvel horizon de l’assurance automobile ?

Page 43: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

43Risques n° 83 / Septembre 2010

LE BONUS-MALUS FRANÇAIS A-T-IL ENCORE UN AVENIR ?

Arthur CharpentierUn i v e r s i t é R e n n e s I e t u n i v e r s i t é d e M o n t r é a l

� Au lieu de considérer une tarification sur des critères a priori (à l’aide de modèles de classificationstatistiques), consistant à attribuer une classe tarifaireselon l’âge de l’assuré ou la puissance de son véhicule,on peut concevoir une méthode différente, consistantà faire payer une cotisation initiale identique pourtous, puis de la corriger a posteriori, en tenant comptedes antécédents de l’assuré (ou de son historique desinistralité).C’est ce que proposent les méthodes de type crédibilité(Charpentier, 2007). Mais, parmi les techniques de tarification a posteriori, les Européens semblentpréférer les mécanismes bonus-malus. En France enparticulier, le bonus et le malus sont exprimés par uncoefficient de réduction ou de majoration qui s’appliquesur un tarif de base calculé a priori. Depuis juillet1984, les caractéristiques du système bonus-malussont les suivantes,– un bonus proportionnel à 5 % si l’assuré n’a pas étéresponsable de sinistres dans l’année ;– un malus proportionnel à 25 % pour chaque sinistreresponsable ;– un retour à la cotisation de base si l’assuré n’a pas eud’accident responsable pendant deux ans ;– une cotisation plancher valant 50 % de la cotisationde base, et une cotisation plafond; à 350 % de la cotisation de base.

Les systèmes bonus-malus présentent de très nombreuxavantages économiques, en particulier celui de supprimer une partie de l’antisélection ainsi que l’aléamoral. Ils permettent en outre de réduire l’hétéro-généité résiduelle des modèles de tarification. Or ce

� DOES THE FRENCH BONUS-MALUS STILLHAVE A FUTURE? Instead of setting the tariff structure using a priori criteria (with the help of statistical classification models),which consists of allocating a tariff group by takingaccount of criteria such as the age of the insured personor the power of his or her vehicle’s engine, it is possible toenvisage a different method, under which all insuredpersons would pay the same initial premium; this initialpremium would then be adjusted a posteriori, takingaccount of the insured person’s background (or his or herclaims history). This is what the credibility-type methods (Charpentier(2007)) propose. However, among a posteriori tariff setting techniques, Europeans appear to prefer the bonus-malus mechanisms. In France in particular, the bonusand malus are expressed by a rebate or surcharge coefficient which is applied to a base premium calculateda priori. Since July 1984, the characteristics of thebonus-malus system have been as follows: – a proportional bonus of 5% if the insured person hashad no at-fault claims, – a proportional malus of 25% for each claim, – return to the base premium if the insured party has nothad an at-fault accident for 2 years, – a floor premium of 50% of the base premium, and amaximum premium of 350% of the base premium.

Bonus-malus systems have many economic benefits; inparticular not only do they partially eliminate antiselec-tion, they also remove the moral hazard. They also makeit possible to reduce the residual heterogeneity of thetariff-setting models. This bonus-malus mechanism

Page 44: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Risques n° 83 / Septembre 201044

De l’intérêt économique d’unsystème bonus-malus

Le mécanisme bonus-malus est généralementprésenté comme la carotte et le bâton visantà inciter les conducteurs à la prudence. Plusformellement, le bonus-malus peut être

légitimé par l’antisélection, l’aléa moral, mais aussil’apprentissage.

Cette tarification a posteriori, prenant en comptel’expérience des assurés, complète la tarification apriori en corrigeant des imperfections de la classification(car, même en intégrant un grand nombre de variablesdiscriminantes, il reste toujours de l’hétérogénéitédans les classes tarifaires), utilisée pour affecter lesassurés à une classe tarifaire en fonction de variablesexogènes (âge du conducteur principal, zone d’habi-tation, ancienneté et puissance du véhicule, etc.).Comme le notait déjà Lemaire (1997), la variable quipermet le mieux de prédire le nombre de sinistresd’un assuré n’est pas son âge, son sexe, ou l’anciennetéde son véhicule, mais le nombre d’accidents respon-sables qu’il a eus dans le passé.

Ce mode de tarification réduit ainsi, au moinspartiellement, l’antisélection venant de l’asymétried’information entre l’assuré et l’assureur. En fait,Henriet et Rochet (1991) ont montré que, pour faireface au problème de l’antisélection, il suffisait

prendre en compte la fréquence de sinistres observéedans le passé. Il n’est alors plus nécessaire, pour proposer un tarif, d’exiger un relevé complet de lasinistralité passée du conducteur, précisant la date etle coût des sinistres (comme cela est demandé danscertains pays lorsque l’on change d’assureur). À l’inverse, le taux de bonus constitue lui aussi unevariable très fortement prédictive.

Autre avantage, le bonus-malus incite à la prudence, réduisant ainsi l’aléa moral. Il oblige eneffet l’assuré à limiter sa prise de risque (susceptible deprovoquer des accidents) car elle pourrait se traduirepar une majoration de sa cotisation l’année suivante.

Cependant, ce système incite parfois à ne pasdéclarer un sinistre. Mais, du point de vue de l’assureur(ou de l’actuaire), il est délicat de distinguer unconducteur prudent d’un conducteur qui ne déclarepas certains sinistres.

La modélisation d’un systèmebonus-malus

L’outil mathématique utilisé pour comprendre l’évolution d’un systèmebonus-malus dans le temps sont les chaînes de Markov 1. Considérons le

bonus-malus simpliste suivant : il existe trois niveauxde primes, PA, PB et PC , correspondant à trois

mécanisme (institutionalisé en France en 1976) semble avoir atteint son régime de croisière (ou sonrégime stationnaire, les bonus-malus étant des chaînes de Markov). Ceci fait que la répartition danschacune des classes est aujourd’hui constante d’annéeen année. Cette routine semble tracasser les assureurs,qui ne cessent de réviser le mécanisme, essayant de contourner les règles afin d’attirer de nouveauxassurés, en proposant un « bonus à vie » ou un « bonus complémentaire » pour les bons clients.L’outil actuariel est en train de devenir un simple outilde marketing.

(which became formally established in France in 1976)seems to have reached its cruising speed (or its steadystate, as the bonuses and maluses are Markov chains). Asa result, distribution in each of the groups is constantfrom year to year. This stability seems to worry insurers, who are continually revising the mechanism in an attempt to getaround the rules in order to attract new clients, by proposing a “lifetime bonus” or an “additional bonus”for good clients. The actuarial tool is becoming simply a marketing tool.

Le bonus-malus français a-t-il encore un avenir ?

Page 45: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Risques n° 83 / Septembre 2010 45

Le bonus-malus français a-t-il encore un avenir ?

niveaux tarifaires. Initialement (l’année 1), tous lesassurés paient la prime PA (correspondant à la primela plus élevée). Un assuré qui n’a pas eu de sinistreresponsable durant une année paiera l’année suivantela prime inférieure (sauf s’il payait déjà la prime PCauquel cas elle ne changera pas) , et s’il a eu un accidentresponsable, il paiera la prime supérieure (sauf s’ilpayait la prime PC , auquel cas il continuera à payerPC ). On suppose qu’il a une probabilité d’avoir unsinistre responsable dans l’année (et que tous les assurésprésentent les mêmes risques). Les probabilités detransition d’une classe à l’autre sont alors

où, en ligne, on lit les classes l’année t (respective-ment, de haut en bas, A, B ou C ) ; et, en colonne, lesclasses l’année t+1. La répartition des primes d’année en année est alorsdonnée dans la table 1.

Table1. Répartition des primes

Pour l’année 2, les probabilités sont respectivement , p2 + (1–p)p, p(1–p) et (1–p)2 ;

pour l’année 3, (p–p2)p + (1–p)2p, p(1–p) +(1–p)2p, et enfin (1–p)3p, p(1–p)2 ; etc.

Lorsque plusieurs années se sont écoulées, on seretrouve à l’état dit « stationnaire », et les proportionsdans les différentes classes restent stables d’une annéesur l’autre : une proportion �A paye une prime PA,�B paye une prime PB, et �C paye une prime PC . À ce moment-là, le régime doit être à l’équilibre.

S’il convient de percevoir, en moyenne, une prime Ppar assuré pour que l’équilibre financier soit atteint,alors on doit avoir P = �A . PA + �B . PB + �C . PCPar exemple, si p = 10 % que P = 100 et que l’on souhaite que PC = 0,9 . PB (i.e. une réduction de 10 % si l’on passe de la classe B à la classe C ), et PB = 0,9 . PA, alors 100 = (0,011 + 0,099 . 0,9 +0,890 . 0,81) . PA

Soit PA = 121,8. Le système sera alors bénéficiaire lespremières années, mais on converge très rapidementvers l’équilibre financier, comme le montre la figure 1.

Figure 1. Proportions dans chacune des trois classes,

et évolution de la prime moyennePlus formellement, notons Bt la distribution danschacune des classes à la date t. À la date t+1, la distri-bution dans les différentes classes est alors Bt+1 = Bt . M

À la date t+h, la distribution dans les différentes classesest alors Bt+h = Bt-1 . M = Bt-2 . M2 = ... = Bt . Mh

Autrement dit, pour décrire l’évolution du système, ilsuffit de calculer des puissances de matrices. Or lesmatrices de transition sont assez particulières, cargénéralement, quand h est suffisement grand, Mh estune matrice dont toutes les lignes sont identiques,c’est ce que l’on appelera le « régime stationnaire ».Dans l’exemple précédent,

Page 46: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Risques n° 83 / Septembre 201046

Le bonus-malus français a-t-il encore un avenir ?

D’un point de vue économique, il est fondamentalde connaître la réparition limite (pour que le systèmesoit à l’équilibre à long terme) afin de fixer le niveaudes primes dans chaque classe. Et, comme nous l’avonsvu sur l’exemple simple ci-dessous – mais représentatifde n’importe quel système bonus-malus, comme ceuxprésentés dans Lemaire (1995) –, il existe deux phasesimportantes dans la mise en place d’un tel système :• la période de transition, où les conducteurs sontaffectés à une classe arbitrairement ;• le régime stationnaire, où, paradoxalement, les assureurs sont tentés de changer la façon dont le systèmefonctionne.

La naissance du bonus-maluset la période de transition

En France, le système bonus-malus tel quenous le connaissons 2 encore aujourd’huidate de juin 1976. Mais la légende actua-rielle (telle qu’elle est racontée par

Ammeter [1959] ou Lemaire [1995]) prétend qu’en1958 3, le général de Gaulle a demandé aux assureursfrançais de se pencher sur la mise en place d’un système bonus-malus. C’est sous cette impulsion quele premier colloque Astin (Actuarial Studies In Nonlifeinsurance) s’est tenu à La Baule en 1959, avec commesujet exclusif le bonus-malus (ainsi qu’en 1961). Lesystème a subi quelques changements – à la marged’un point de vue actuariel –, comme par exemple laloi de 1992 qui a supprimé le « gel de bonus », quiinterdisait tout bonus à certains conducteurs.

Le système français est malheureusement un peuplus complexe à modéliser actuariellement car lescotisations ne sont pas vraiment inscrites dans desclasses : l’utilisation de coefficients multiplicateurs(de réduction ou de majoration) rend le nombre decotisations possibles potentiellement infini. On peutmontrer, en intégrant toutes les contraintes existantes,que leur nombre est de l’ordre de 530. Kelle (2000) amené une étude complète sur la modélisation du système français. Considérons un modèle simple

– mais basé sur un mécanisme de bonus-malus avecles grilles utilisées en France –, où 8 % des assurés ontun accident responsable dans l’année et 92 % n’enont aucun. On peut alors suivre, sur la figure 2, l’évolution de la cotisation encaissée, en moyenne etchaque année, par l’assureur, sous hypothèse qu’il n’ya pas d’inflation. La courbe rouge correspond au casoù le taux de bonus minimal est de 50 % ; alors que, pour la courbe grisée, on autorise le bonus àatteindre 40 %.

Figure 2. Évolution de la prime moyenne dans letemps, avec le système bonus-malus utilisé enFrance, selon deux scénarios possibles (bonus mini-mal à 50 % et à 40 %)

On note qu’au bout d’une trentaine d’années, lerégime stationnaire est atteint, la proportion deconducteurs au niveau de bonus maximal (50 %)étant alors constante, et la cotisation moyenne encaisséeégalement constante d’année en année. Or les trenteans de ce système ont été atteints en 2006, et les assureurs cherchent depuis à faire bénéficier leursbons assurés de cotisations encore plus faibles…

Le régime stationnaire et ses effets pervers

Le fait d’avoir atteint le régime stationnairesemble avoir des effets pervers. En particulier,les très bons conducteurs ont certes toujoursle bâton (un malus est possible) mais plus de

carotte, car ils ont atteint le bonus maximal. Certainsassureurs ont proposé, il y quelques mois, la notion

Page 47: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Le bonus-malus français a-t-il encore un avenir ?

Risques n° 83 / Septembre 2010 47

de « bonus à vie », réservé à l’assuré pouvant justifierd’un bonus maximum depuis trois ans, d’une absencede sinistre responsable pendant cinq ans, voire deconduire depuis au moins quinze années.Formellement, le bonus est maintenu : les sinistressont toujours comptabilisés dans l’historique sinistresde l’assuré, mais l’assureur compense les malus pas un« bonus commercial ».

Économiquement, on peut se demander s’il n’estpas risqué pour les assureurs de mettre en place de telles clauses. Statistiquement, le risque pourraitparaître faible et contrôlable (il s’agit d’une modificationdans la forme de la matrice de transition). Mais, enfait, ce « bonus à vie » induit un changement dans laconduite : sans cette épée de Damoclès (une aug-mentation de la cotisation), les assurés pourraientmodifier leur comportement ; non pas en termes deconduite, mais simplement en déclarant des sinistresqu’ils n’auraient pas déclarés auparavant, quand lamenace d’une hausse tarifaire existait. Car, manifeste-ment, le bonus-malus pousse les assurés – surtoutceux bénéficiant d’un bonus proche de 50 % – à nepas déclarer tous leurs sinistres (c’est ce que montrentVasechko, Grun Rehomme et Benlagha, 2010).

ConclusionLes assurés, les assureurs, l’État, et même la Cour

de justice européenne reconnaissent les vertus d’unsystème de type bonus-malus, également soulignéespar les économistes depuis de nombreuses années.Cependant ce modèle a atteint aujourd’hui ses limites et demanderait à être aménagé. Mais manipulerles règles d’un système bonus n’est pas simple pour lesactuaires. Si mathématiquement, le fonctionnementdu nouveau système est simple à modéliser (et lesconséquences faciles à décrire), ces systèmes ont desconséquences très importantes sur le comportementdes assureurs, plus sur les accidents déclarés à leursassureurs que sur les accidents survenus. Et ces changements de comportement sont, eux, beaucoupplus durs à modéliser.

Notes

1. En gestion des risques, les chaînes de Markov sont aussi utilisées dans le risque de crédit, pour modéliser les transitionsde rating, d’une année sur l’autre, par exemple. Sur les mécanismes bonus-malus, l’idée remonte aux travaux deFranckx, inspiré par Fréchet.

2. La Cour européenne de justice a autorisé la France, en septembre 2004, a maintenir le système bonus-malus. LaCommission européenne avait introduit des recours en manquement contre la France (et le Luxembourg), estimantque les réglementations nationales qui obligent les entreprisesd’assurances à intégrer un système de classement tarifaire enfonction des sinistres sont contraires au principe de libertétarifaire de la directive de 1992 sur l’assurance directe et àl’objectif même de la directive. Les juges ont rejeté la thèse dela Commission en considérant que les systèmes de bonus-malus ne constituent pas une fixation directe des tarifs parl’État, les entreprises d’assurances restant libres de fixer lahauteur des cotisations de base.

3. Le 27 février 1958, l’Assemblée nationale a voté une loiinstaurant une obligation d’assurance pour la circulation desvéhicules terrestres à moteur.

Bibliographie

AMMETER H., « Die Rückvergütung bei schadefreiemVerlauf in der Motorfahrzeugversicherung », Bulletin del’Association des actuaires suisses, n° 59, 1959.

CHARPENTIER A., « Crédibilité : un pasteur et un philosopheà l’aide des actuaires », Risques, n° 71, 2007.

DENUIT M. ; CHARPENTIER A., Mathématiques de l’assu-rance non vie, tome 2, « Tarification et provisionnement »,Economica, 2005.

Page 48: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Risques n° 83 / Septembre 201048

Le bonus-malus français a-t-il encore un avenir ?

FRANCKX E., « Théorie du bonus », Astin Bulletin, n° 3,1960, pp. 113–122.

HENRIET D. ; ROCHET J.-C., Microéconomie de l’assurance,Economica, 1991.

HEY J., “No Claim Bonus”, Geneva Papers on Risks andInsurance, n° 10, 1985, pp. 209-228.

KELLE M., « Modélisation du système bonus-malus français », Bulletin français d’actuariat, n° 4, 2000.

LEMAIRE J., Bonus-Malus Systems in AutomobileInsurance, Kluwer, 1995.

LEMAIRE J., Selection Procedures of Regression AnalysisApplied to Automobile Insurance, Mitteilungen derVereinigung Schweizerischer Versicherungsmathematiker,1997, pp.143–160.

VASECHKO O. ; GRUN-REHOMMA M. ; BENLAGHA B., « Modélisation de la fréquence de sinistres en assuranceautomobile », Bulletin français d’actuariat, n° 18, 2009.

Page 49: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Risques n° 83 / Septembre 2010 49

Dans les pays émergents comme dans lespays développés, les garanties de l’assuranceautomobile portent sur le véhicule ou surla responsabilité du conducteur. Si l’on

utilise cet ordre de présentation, c’est qu’historiquementbeaucoup de ces pays ont pratiqué l’assurance duvéhicule avant que l’assurance de la responsabilité nedevienne obligatoire. En Russie, où l’assurance de laresponsabilité civile est devenue obligatoire en juillet2004, la couverture dommages des véhicules neufsétait largement répandue parce que les banques n’accordaient de crédit que si le véhicule était assuré.Il en va de même en Chine pour les mêmes raisons.Si aujourd’hui dans tous les pays de l’ancien empiresoviétique l’assurance de la responsabilité civile estobligatoire, cela ne signifie pas que tous les véhiculessoient assurés. Un pourcentage de 30 % de véhiculesnon assurés est souvent considéré par les autoritéslocales comme un taux acceptable.

L’assurance de responsabilitécivile n’est pas obligatoirepartout

Cette situation dans les ex-pays socialistesest normale si l’on songe à l’évolutionextrêmement rapide que ces pays ontconnue. Pour l’assuré français « de base »

l’assurance de responsabilité civile, où il paie une cotisation en sachant qu’il ne recevra rien, n’est pas laplus simple à comprendre. Dans ces pays la notionmême de responsabilité civile n’existait pas il y a vingtans, puisque l’État prenait en charge – bien ou malmais toujours – les victimes d’accidents quels qu’ilssoient. L’assurance devenue obligatoire est perçuecomme une taxe, et ceci d’autant plus que les sociétésne se précipitent pas pour payer les sinistres. Cette

L’ASSURANCE AUTOMOBILE DANS LES PAYS ÉMERGENTS : VERS L’ÂGE DE RAISON ?

Jean-Pierre Daniel C o n s u l t a n t

V i g i e

� Il serait évidemment très présomptueux de prétendre traiter de manière exhaustive un tel sujet. Sila définition de l’assurance automobile est simple, lacatégorie des pays émergents n’est pas figée et, commele montrent les BRIC, fixer la frontière entre les payssous-développés et les pays émergents dépend autantde la réalité économique que du désir d’être plus oumoins politiquement correct. De manière moinsscientifique mais sans doute plus réaliste, on évoqueradans cet article la situation de pays que l’on a connussoit pour y avoir travaillé, soit pour y avoir des sourcesd’informations fiables.

� CAR INSURANCE IN THE EMERGING COUNTRIES Obviously it would be very presumptuous to pretenddealing with such a topic in a comprehensive way. If thedefinition of motor insurance is simple, the cluster ofemerging countries is not well defined and, as the BRICsshow, the limit between under developed and emergingcountries depends as much on economic reality as on thedesire to be more or less politically correct. With a lessscientific but more realistic approach, in this article weshall present the situation of countries we know becausewe have worked there or because we have reliable sourcesof information there.

Page 50: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

incompréhension de l’utilité de l’assurance peutaboutir à des situations qui feraient sourire si in fineil ne s’agissait pas d’indemniser les victimes. Ainsi,jusqu’en 2009, la police ukrainienne considérait qu’il n’entrait pas dans ses fonctions de vérifier si l’automobiliste était assuré. La loi exigeait que l’auto-mobiliste colle un certificat d’assurance sur son pare-brise, mais la police se refusait à en contrôler laprésence et surtout la validité.

Dans d’autres pays où l’assurance de responsabilitécivile n’est pas obligatoire, ce sont sans doute lesinégalités sociales qui peuvent expliquer que la nécessité de l’assurance ne soit pas ressentie. En étantbrutal on dira que la vie des pauvres ne vaut rien etcomme, jusqu’il y a peu, seuls les vrais riches pouvaientposséder un véhicule, la question de l’assurance ne seposait pas. Ce point de vue est perceptible encoreaujourd’hui sur le site Internet d’une société argentinequi explique que si voulez protéger votre patrimoine,il faut assurer votre responsabilité civile. C’est évidemment vrai partout, mais dans nos pays la société aurait certainement mis d’abord en avant lanécessité de protéger les victimes. Aujourd’hui, danstous les pays émergents le parc a augmenté, souventtrès vite, et le problème d’une obligation d’assurancese pose. Cependant, les assureurs n’ont qu’un appétittrès modéré pour couvrir ce risque que par hypothèseils ne connaissent pas, mais dont ils devinent, encomptant les morts sur les routes, qu’il ne sera paséquilibré de sitôt.

Une forte sinistralité mais l’amélioration est en cours

Là où le parc augmente très vite et où l’éducation routière en est à ses tout débutsla sinistralité est importante. Au Maghreb lamortalité sur les routes reste extrêmement

élevée, mais il est encourageant de constater qu’enRussie ou en Chine elle diminue fortement. EnChine, on comptait 98 000 morts sur les routes en2006 et leur nombre serait tombé à 58 000 en 2009.En Russie, on est passé de 33 000 morts en 2006 à 26 000 en 2009 alors que bien entendu les parcsont augmenté. On peut faire preuve d’optimisme et penser que, là comme ailleurs, les pays émergentsévolueront plus vite que ne l’a fait la vielle Europe.

La tentation d’un no faulta minima

Dans plusieurs pays d’Amérique latinecomme le Chili, l’Argentine, l’Équateurou le Brésil, il existe un ersatz d’assuranceresponsabilité civile sous forme d’une

assurance no fault au bénéfice des victimes d’accidents.Les automobilistes sont obligés d’acheter une garantiequi permet l’indemnisation automatique des dom-mages corporels causés à des victimes d’accidents

Risques n° 83 / Septembre 201050

Parc automobile en millions

3,91302,3

44,41,336

AlgérieRP ChineMarocRussieTunisieFrance

* estimation 2009. Chiffres arrondis. Élaboration propre.

Nombre de tués en 2009

4 30068 0004 00026 1001 5304 262

Nombre de tués/100 000 véhicule

11052

17458

11711,8

L’assurance automobile dans les pays émergents : vers l’âge de raison ?

Page 51: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Risques n° 83 / Septembre 2010 51

L’assurance automobile dans les pays émergents : vers l’âge de raison ?

automobiles. La logique est celle de notre loi Badinter :la victime est toujours indemnisée pour autant qu’unvéhicule soit en cause. Les indemnités, modestes,sont encadrées par l’administration qui fixe aussi lemontant des cotisations. Au Brésil, l’indemnité estplafonnée à 6 000 dollars et au Chili à 1 000 euros.Au-delà, un automobiliste peut, à titre volontaire etdonc facultatif, assurer sa responsabilité civile, ce quipermettra d’accorder à la victime des indemnitéssupérieures et de payer des dégâts matériels. Il n’estpas pour autant exempté d’acheter cette assuranceobligatoire.

Les sociétés d’assurances de ces pays ont la réputationd’être si procédurières que les États souhaitent lemaintien de l’assurance no fault pour être certains quela victime sera indemnisée a minima.

En République populaire de Chine, où l’assuranceautomobile est devenue obligatoire le 1er juillet 2006,c’est un système no fault qui a été introduit. À côtéd’un système de responsabilité civile volontaire qui necouvrait que 35 % des véhicules et qui perdure, lanouvelle loi rend l’assurance obligatoire et fixe le tarifen accordant une marge de fluctuation de plus oumoins 30 % aux assureurs nationaux, seuls autorisésà pratiquer cette branche. Le plafond d’indemnisationde l’assuré est fixé par la loi et, dans le cadre du systèmeno fault, il est plus bas si celui-ci est responsable, cequi constitue une forme de sanction.

Des plafonds d’indemnisationtrès bas

En termes de sinistralité et de résultats techniques, la grande différence entre lesmarchés émergents et les pays développésest le poids très faible des dommages

corporels dans les pays neufs.

Dans tous les pays européens, comme enAmérique du Nord, le poids des corporels est essentiel.Il en va très différemment dans les pays émergents où

la loi fixe un plafond de garantie obligatoire très faible. En Russie il est de 10 000 euros par sinistre etde 100 000 euros en Macédoine, en Républiquepopulaire de Chine de 12 500 euros pour les dom-mages corporels et de 25 euros pour les dommagesmatériels. Les entreprises d’assurances accordent aminima ces plafonds de garantie et, dans la plupartdes cas, les magistrats limitent leurs condamnations àcette somme. Ils savent que s’ils condamnent au-delà,l’automobiliste responsable n’aura pas les moyens depayer. Cette situation peut conduire à l’existence dedeux niveaux d’assurance, comme ce fut le cas enEspagne il y a trente ans, alors que la péninsule était un pays émergent. Il existait une assurance obligatoire de responsabilité civile, baptisée SOA,accordant une garantie limitée et dont le tarif étaitfixé par l’administration. L’automobiliste pouvaitégalement, à titre volontaire, souscrire une secondeligne de garantie, baptisée SVA, dont le plafond étaitplus élevé. Lors d’un jugement suite à un accident, lapremière question du magistrat était pour savoir quelétait le type de couverture du responsable du sinistre,et il n’indemnisait correctement la victime que s’ilexistait une garantie volontaire, et donc un assureurpour payer.

Des tarifs administrés par l’État...

Dans tous les pays que l’on connaît l’assurance de responsabilité civile, si elleest obligatoire, fait l’objet d’un tarif fixépar l’administration. L’assurance étant

perçue comme un impôt, il est politiquement logiqueque l’État intervienne pour fixer le prix en dessous ducoût technique.

Cette intervention de l’État peut conduire à dessituations surprenantes. Ainsi en Russie en 2005, denombreux députés de la Douma firent pression sur legouvernement pour obtenir une baisse des tarifsautomobiles. Comme l’assurance n’était obligatoireque depuis quelques mois, la montée en charge des

Page 52: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

sinistres n’avait pas encore eu lieu et, par construc-tion, la sinistralité était très faible. Les électionsapprochaient et, par cette baisse du prix de l’assurance,les députés espéraient améliorer leur popularité. Ledirecteur du corps de contrôle de l’époque était uneforte personnalité qui su se faire entendre et le gouvernement ne donna pas suite à la demande de laDouma.

L’idée, logique sur un plan macroéconomique,selon laquelle si l’État intervient c’est pour conduire àune sous-tarification, n’est pas toujours vérifiée dansla pratique.

Les assureurs sont parfois assez intelligents pourcalculer eux-mêmes leur tarif et le faire avaliser ensuite par l’administration. Ainsi en Ukraine, c’estun actuaire bien connu du marché et travaillant dans une société qui est le vrai concepteur du tarifadministré.

En Macédoine, les représentants des sociétés d’assurances se réunissent, calculent un tarif techniqueet se mettent d’accord sur un minimum de chargement.Ainsi la loi n’est-elle pas toujours aussi dure qu’il yparaît.

Quand l’assurance de responsabilité civile est obligatoire, elle constitue sur ces marchés émergentsune part très substantielle du chiffre d’affaires du secteur.

... mais des résultats souvent positifs

Alors même que le tarif de responsabilitécivile est administré et constitue une partsignificative de l’activité des assureurs, lesrésultats techniques sont souvent bons, ce

qui peut surprendre un observateur européen. Ainsi, enRussie l’assurance de responsabilité civile obligatoire,qui représente 8,8 % des cotisations, ne représenteque 6,8 % des sinistres. En Tunisie, les pertes endémiques en automobile ont été remplacées cestoutes dernières années par de bons résultats, grâceessentiellement à la mise en place d’un barème d’indemnisation qui a limité le poids des corporels.

La grande question du règlement des sinistres

Quand on a une connaissance des pratiques de ces marchés, et au risque làencore d’être brutal, on comprend laréticence des automobilistes à s’assurer, qu’explique parfois par le peu d’empres-

sement des assureurs à régler les sinistres. Cela neconcerne bien entendu pas que l’assurance automobi-le, mais comme celle-ci est la seule connue descitoyens l’attitude suspicieuse et procédurière desassureurs entretient une image détestable de l’assu-rance. Il y a des nuances selon les pays et, bien sûr,selon les entreprises, mais la vérité est qu’aussi bien enAlgérie que dans certains des pays de l’Est qui n’ontpas rejoint l’Union européenne, les sociétés d’assu-rances ont des procédures de règlement longues ethasardeuses pour l’assuré ou la victime. Il en va différemment si vous êtes fils de... ou cousin de...,mais cette lenteur et cette suspicion sont généralisées.Les causes sont multiples. La caricature étant la société qui ne paie pas en vertu d’une vraie décisionstratégique. Ainsi il y a quelques années, en Bosnie-Herzégovine une société ne payait pas les sinistres

Risques n° 83 / Septembre 201052

L’assurance automobile dans les pays émergents : vers l’âge de raison ?

AlgérieRP ChineMacédoineMarocRussieTunisieFrance*

Attention : le CA total peut parfois comprendre l’assurance vie mais sapart est souvent négligeable.* par rapport à l’IARD, 8,5 % par rapport au CA total. Élaboration propre.

Part de l’automobile dans le CA total

47 %73 %45 %45 %8,8 %45 %39 %

Page 53: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Risques n° 83 / Septembre 2010 53

L’assurance automobile dans les pays émergents : vers l’âge de raison ?

inférieurs à 400 euros, ce qui représentait deux fois lesmic local. Son argument était qu’en dessous de cettesomme l’assuré ou la victime n’avaient aucun intérêtéconomique à recourir aux tribunaux…

Si ce genre de comportement volontaire et assuméest heureusement l’exception, l’absence de conventionde règlement de sinistres rend souvent les indemnisationstardives et aléatoires. C’est le cas de l’Algérie où existeen principe une convention mais où, en pratique, lesagents ou les responsables de délégation des compagniess’assoient autour d’une table, tous les six mois ou tousles ans, pour régler les sinistres intervenus entre leursassurés respectifs dans les mois précédents. Si l’onajoute les difficultés des expertises, les délais pourobtenir des pièces de rechange dans des pays quin’ont pas d’industrie automobile, et bien sûr la faiblediffusion de la garantie dommages, on comprend que le règlement des sinistres soit pour le moins laborieux. En pratique, de nombreux automobilistesse découragent et, à l’occasion d’un accident ultérieur,s’organisent pour frauder, afin de retrouver ce qu’ilsestiment être leur dû. Cette fraude généralisée renforcela suspicion des régleurs de sinistres qui sont de plusen plus pointilleux, ce qui enclenche un implacablecercle vicieux où l’Assurance avec un A majuscule estla grande perdante.

La Russie montre la voie

Dans ce contexte il faut saluer l’exemple dela Russie qui, cinq ans seulement aprèsavoir rendu l’assurance de responsabilitécivile obligatoire, vient d’implanter une

convention de règlement de sinistres inspirée de laconvention IDA.

Depuis 2009, l’automobiliste russe victime d’un accident peut s’adresser à son assureur deresponsabilité civile pour se faire indemniser. En même temps, la règle qui voulait que l’on fasseintervenir la police pour un constat même pour leplus bénin des accidents est abolie.

Ces deux éléments sont importants sur un planpratique mais surtout sur un plan symbolique. Ilsattestent que l’assurance entre dans les mœurs, etqu’elle remplit son vrai rôle social qui est d’apaiser lesconflits en organisant l’indemnisation des victimes.Ils montrent aussi que ces nouveaux venus à l’assuranceapprennent vite et que les pratiques des marchés, sielles restent différentes, se sont engagées dans la voie dela convergence.

Page 54: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les
Page 55: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Y a-t-il un risque de taux d’interêt ?

� Daniel ZajdenweberIntroduction

Mathilde Lemoine� Une remontée des taux longs inévitable ?

� Didier Borowski et Marie BrièreFaut-il craindre une forte remontée des taux ?

� Louis Bouychou et Johan AttalLe risque de taux en épargne assurance-vie

� Xavier Milhaud, Marie-Pierre Gonon, Stéphane LoiselLes comportements de rachat en assurance vie

� Philippe Vibert-Guigue et Michel LouchardCouvrir le risque d’inflation : de l’intérêt du dialogue entre le gérant et l’assureur

3.

anal

yses

et d

ébat

s

Page 56: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les
Page 57: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Risques n° 83 / Septembre 2010 57

Le taux d’intérêt, ou plutôt le vecteur des taux d’intérêt – puisqu’il y a autant de tauxque d’échéances – a une caractéristique semblable à la gravitation en physique : il est

impossible de s’en isoler. Tous les secteurs de la vieéconomique en dépendent. L’immobilier, le crédit,les investissements, l’épargne, la Bourse, les budgetspublics, la prévoyance, les retraites… fonctionnentavec des valeurs dépendant d’un taux pertinent ausecteur concerné, lui-même relié aux autres taux d’intérêt selon des hiérarchies subtiles. Mais deuxcaractères particuliers des taux d’intérêt n’ont pas d’équivalents physiques. Alors que la gravitation semanifeste de façon univoque – la pesanteur attire lesmasses, elle ne les repousse jamais –, en économie lerôle des taux est beaucoup plus complexe. Un tauxélevé peut être le signal d’une économie en fortecroissance, comme il peut la briser. Un taux faiblepeut favoriser la croissance, comme il peut être lesigne d’une économie stagnante. Cette ambiguïté neserait pas trop gênante si pour chaque échéance letaux était invariable, mais ce n’est jamais le cas. Lavariabilité des taux est la règle, ils peuvent même êtrenégatifs ! Par exemple, en France entre 1961 et 2010,d’après les statistiques de la Banque Mondiale, le tauxd’intérêt réel à long terme, donc corrigé de l’inflation,a fluctué entre - 3,21 % en 1975 et 7,73 % en 1990.Jusqu’en 1980 il a oscillé autour de -1 %, tandisqu’entre 1985 et 2008 sa valeur moyenne a été proche de 5 %. Ce n’est que depuis la crise bancairemondiale des années 2007-2008 qu’il a de nouveauatteint des valeurs proches de 2 %, un taux maintenugrâce aux politiques de baisse des taux pratiquées parles banques centrales.

Pour les assureurs, notamment ceux de la branchevie, la complexité des effets économiques liés auniveau des taux et à leur variabilité est d’autant plus forte que le niveau des taux, le sens de leursvariations, leur amplitude et leur vitesse influent fortement sur leur rentabilité et sur leur part dans lacollecte de l’épargne des ménages.

Un niveau faible, comme celui observé depuisdeux ans, n’est pas favorable aux assureurs vie. D’unepart, il ne rémunère pas suffisamment les placementsdes primes – ce qui peut décourager les ménages desouscrire des contrats, voire les dissuader d’épargner,faute de rémunération satisfaisante ; d’autre part, ilpeut déclencher des vagues de rachat si les assuréstrouvent ailleurs des rémunérations plus élevées, dans l’immobilier par exemple. Certes, l’encours desplacements obligataires anciens est tel qu’une rému-nération supérieure au taux actuel peut continuer d’être versée aux assurés, mais ce scénario favorableaux assureurs installés depuis longtemps ne résisterapas au maintien prolongé des niveaux actuels. Demême, une hausse des taux longs, liée à une reprise dela croissance ou à une flambée inflationniste – ouencore à une politique délibérée de hausse de la partdes autorités monétaires pour contrecarrer une mena-ce d’inflation, comme en 1994 aux États-Unis –,pourrait déclencher des rachats massifs de la part desassurés si ceux-ci trouvaient des placements sansrisque plus rémunérateurs que l’assurance vie. Ce scénario, à bien des égards inquiétant, est aggravé parles normes comptables IFRS et par les exigences encapital issues de Solvabilité II. Elles contraignent eneffet les assureurs à provisionner les inévitables

INTRODUCTION

Daniel Zajdenweber P r o f e s s e u r é m é r i t e

Un i v e r s i t é Pa r i s O u e s t Na n t e r r e L a D é f e n s e

Page 58: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

moins-values sur leurs portefeuilles obligataires, provoquées par la hausse des taux. Les effets poten-tiellement dévastateurs de la hausse des taux sontd’autant plus redoutables que cette hausse est forte etrapide. Car une hausse lente et progressive peut êtregérée : les arbitrages dans la gestion des actifs, les nouveaux placements provenant de la souscriptiondes primes et de l’amortissement échelonné desanciennes obligations, offrent en effet des rémunérationsen hausse qui peuvent compenser les moins-valuessur les anciennes obligations. Mais, en cas de haussebrutale, comme lors du krach obligataire de 1994,l’importante baisse de valeur des obligations en portefeuille, dont l’encours équivaut à environ dixfois le montant des primes annuelles encaissées, nepourrait plus être immédiatement compensée par lahausse des taux des nouvelles obligations.

Pour les assureurs vie, il est donc vital d’anticiperles variations des taux d’intérêt. C’est à cette difficile

tâche que sont consacrés les deux premiers articles,celui de Mathilde Lemoine : « Une remontée destaux longs inévitables ? » et celui de Didier Borowskiet Marie Brière : « Faut-il craindre une forte remon-tée des taux ? ». L’article de Louis Bouychou etJohan Attal : « Le risque de taux en épargne assurancevie » décrit l’impact du risque de taux sur la gestionactif-passif d’un assureur vie et sur le comportementopportuniste de ses assurés, tandis que celui de Xavier Milhaud, Marie-Pierre Gonon et Stéphane Loiselanalyse les aspects statistiques du risque de rachat tant redouté par les assureurs. Enfin, l’article dePhilippe Vibert-Guigue et Michel Louchard : « Comment couvrir le risque d’inflation d’une compagnie dommages ? De l’intérêt du dialogueentre le gérant et l’assureur » montre que les assureursdommages sont également concernés par les haussesdes taux, tant réels que nominaux, et il décrit lesoutils de couverture susceptibles d’atténuer, sinonsupprimer en totalité, le risque d’inflation.

Risques n° 83 / Septembre 201058

Introduction

Page 59: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Risques n° 80 / Décembre 2009 59

UNE REMONTÉE DES TAUX LONGS INÉVITABLE ?

Mathilde Lemoine D i r e c t e u r d e s É t u d e s é c o n o m i q u e s e t d e l a s t r a t é g i e m a r c h é s d ’ H S B C F ra n c e

M e m b r e d u C o n s e i l d ’ a n a l y s e é c o n o m i q u e e t

d e l a C o m m i s s i o n é c o n o m i q u e d e l a n a t i o n

� THE RISK OF A RISE IN INTEREST RATES ANDTHE CONSEQUENCES FOR LIFE ASSURANCECOMPANIESUS long-term rates have reached their lowest level since1954. The principal causes of this weakness are the continued risk of deflation and the uncertainty aroundfuture growth, but also the ultra-expansionary andunconventional character of the monetary policies beingfollowed. These factors, which have pushed long-termbond yields down, will continue to act in the comingquarters. Also, the reduction in global imbalances linkedto the financial crisis has ended, and this will once againsupport Asian demand for US securities. Finally, the regulatory changes anticipated within the framework ofBasel III and Solvency II will encourage banks andinsurers to increase their holdings of government bonds.Thus, the appetite for bonds should continue and absorblarge public debt issues. As a result, long-term rates willremain low for an extended time frame.However, this analysis assumes that governments will bedisciplined and that the monetary authorities will beginto tighten monetary policy “at the right time”. In fact,low borrowing rates and the monetisation of public debtcould lead governments to support their economies forlonger than would be justified by the crisis. This wouldlead to governments having difficulty placing their public debt securities and a sharp increase in the cost offinancing. Furthermore, changing monetary policy toolate could cause an abrupt increase in inflation expectationsand a rise in long-term bond rates.

While European governments have taken on board theneed to maintain sustainable public finances, the USmonetary authorities have commenced a new asset purchase programme and there is talk of a second recoveryplan. It seems, therefore, that the objective is not only to

� Les taux longs américains ont atteint leur niveaule plus bas depuis 1954. Cette faiblesse résulte princi-palement de la persistance du risque de déflation et del’incertitude entourant la croissance à venir, mais aussidu caractère ultraexpansionniste et non conventionneldes politiques monétaires menées. Durant les prochainstrimestres, ces facteurs ayant poussé à la baisse les rendements obligataires longs continueront d’agir. Deplus, la réduction des déséquilibres mondiaux liée à lacrise financière a cessé, ce qui va à nouveau soutenirla demande asiatique de titres américains. Enfin, lesévolutions réglementaires prévues dans le cadre deBâle III et de Solvabilité II vont inciter les banques etles assureurs à détenir une part plus importante d’obligations d’État. Ainsi, l’appétit obligatairedevrait persister et absorber les importantes émissionspubliques. Les taux longs resteraient alors durable-ment bas. Une telle analyse suppose toutefois que lesgouvernements soient disciplinés et que les autoritésmonétaires débutent le resserrement monétaire « au bon moment ». En effet, la faiblesse des tauxd’emprunt et la monétisation des dettes publiquespeuvent conduire les gouvernements à soutenir leséconomies plus longtemps que la crise ne le justifierait.Dès lors, les États auraient du mal à placer leurs titresde dette publique et le coût de financement augmen-terait fortement. Par ailleurs, une sortie de politiquemonétaire trop tardive peut engendrer un redresse-ment brutal des anticipations d’inflation et uneremontée des taux obligataires longs. Or si les gouvernements européens ont pris conscience de lanécessité de garder des finances publiques soutenables,les autorités monétaires américaines ont engagé unnouveau programme d’achat d’actifs et un secondplan de relance est évoqué. Il semble donc que l’objectifne soit plus seulement de limiter la récession mais de

Page 60: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Des taux longs conjoncturellement bas...

Après la « great moderation » qui avait pousséles taux longs américains à un niveauinférieur à leur niveau d’équilibre, la crisefinancière et les perspectives de déflation

les ont encore affaiblis. Les Treasuries dix ans ont eneffet reculé de 130 points de base entre juin 2007 etfin décembre 2007 pour atteindre 4 %, puis encorede 170 points de base jusqu’à mi-août 2010.

Cette chute résulte du renforcement de l’aversionau risque et du recul des perspectives d’activité et d’inflation, de la mise en œuvre de politiquesmonétaires ultra-expansionnistes mais aussi nonconventionnelles, et de l’accroissement de la demanded’obligations gouvernementales lié à la disparition decertains titres. En effet, la crise des subprimes puis l’incertitude quant à l’ampleur de la crise bancaire etfinancière ont engendré une forte hausse de l’aversionau risque. L’indice VIX de volatilité implicite desoptions sur l’indice boursier américain Standard andPoor’s a atteint le pic de 80.9 en novembre 2008 alorsqu’il était de 19.9 en moyenne entre 2000 et 2006.En Europe, l’indice équivalent portant surl’Eurostoxx, le VStoxx, a, lui, marqué un pic à 87.5en octobre 2008 quand il s’établissait à 24.6 entre2000 et 2006. L’aversion au risque est redescendue

après la faillite de Lehman Brothers et que les autoritésaient confirmé qu’il n’y aurait pas d’autre faillite decette ampleur. Mais elle est restée élevée et volatile carles perspectives d’activité sont demeurées incertaines.Ce renforcement de l’aversion au risque a engendréun mouvement de « flight to quality » qui a accru lademande obligataire et a réduit les rendements longs,comme ensuite la dégradation des perspectives d’acti-vité et la chute des anticipations d’inflation. De plus,pour limiter l’ampleur de la récession et éviter ladépression, les banquiers centraux ont mis en œuvredes politiques monétaires sans précédent. Elles se sontcaractérisées par un volet classique de baisse des tauxdirecteurs et de fourniture de liquidités mais aussi parun volet non conventionnel d’achats de titres. La plupart des grandes banques centrales occidentalesont ramené leurs taux directeurs à des niveaux prochesde zéro. Ainsi la Fed a baissé le sien de 5.25 % à unecible comprise entre 0 et 0.25 % entre septembre 2007et décembre 2008. La BCE a, elle, amorcé la baisse deson taux de refinancement en octobre 2008 pour l’amener de 4.25 % à 1.00 % en mai 2009, et elle afourni dès la fin 2008 une abondante liquidité qui a amené les taux au jour le jour proches du taux defacilité de dépôt et donc près de zéro. Mais lacontrainte du plancher 0 % ne permettait pas d’allerplus loin alors que les conditions de financement restaient dégradées. Certaines autorités monétairesont donc décidé d’utiliser des opérations de gestionde la liquidité pour agir sur le prix de certains actifs etde lancer des programmes d’achat de titres. Par exemple,la Réserve fédérale a acquis 300 milliards de dollars de

limit the recession but also to defer the correction ofimbalances, i.e. the reduction of the level of borrowing.As a result, the probability of a forced exit from budgetaryand monetary policies increases, and with it the likeli-hood of an abrupt rise in bond rates and/or inflationexpectations.

Consequently, while weak fundamentals, regulatorychanges and resurgent global imbalances should keeplong-term rates low, the risk of a forced exit from expan-sionary policies is not negligible.

reporter le moment de la correction des déséquilibres,c’est-à-dire de la réduction du niveau d’endettement.Dès lors, la probabilité d’une sortie forcée des politiquesmonétaires et budgétaires augmente, et donc celled’une remontée brutale des taux obligataires et/ou desanticipations d’inflation. En conséquence, si la faiblesse des fondamentaux, les évolutions réglemen-taires et la résurgence des déséquilibres mondiauxdevaient maintenir les taux longs à un bas niveau, lerisque de sortie forcée des politiques expansionnistesn’est pas négligeable.

Risques n° 83 / Septembre 201060

Une remontée des taux longs inévitable ?

Page 61: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Treasuries, 175 milliards de dollars de titres de dette desagences de refinancement hypothécaires, Freddie Mac,Fannie Mae et de la Federal Home Loan Banks(FHLB), et 1 250 milliards de dollars d’actifs titrisésgagés sur les biens immobiliers, c’est-à-dire des « Mortgage Backed Securities (MBS) » émis par lesagences de refinancement. Or, selon la Banque desrèglements internationaux (2009), les seuls effetsd’annonce d’acquisition de titres par la Réserve fédé-rale ont réduit les rendements obligataires de 40 pointsde base. Les politiques monétaires sans précédentmenées depuis la faillite de Lehman Brothers ontdonc contribué à établir les taux longs à un très basniveau. Enfin, la disparition de certains marchés detitres comme celui des Asset Backed Securities (ABS)ou des Mortgage Backed Securities (MBS) a accru lademande d’obligations d’État. Entre 2008 et mai 2010,les achats nets de titres américains par les investisseursprivés étrangers étaient de 40 milliards de dollars parmois dont 0.1 milliard de dollars de titres corporate(qui incluent les ABS et les MBS privés) et 30 milliards de dollars de titres Treasuries. Entre 2000et 2007, ces achats de titres étaient de 56 milliards dedollars par mois au total, dont 24 milliards de dollarsde titres corporate et 10 milliards de dollars de titresTreasuries.

Parallèlement, la demande de titres gouvernementauxdes pays émergents s’est renforcée. Les politiques detaux d’intérêt proches de zéro menées par la plupartdes banques centrales des pays développés ont généréun afflux de capitaux vers les pays émergents car ils ont gardé des taux d’intérêt plus élevés. Et pourlimiter l’appréciation de leurs devises qu’engendraientde telles entrées de capitaux, les banques centrales ont procédé à des interventions de plus en plus mas-sives. Ainsi, entre mars 2009 et juillet 2010, les réserves internationales de changes ont progressé de 1 800 milliards de dollars pour s’établir à 8 442 milliardsde dollars. En conséquence, les achats nets de titresTreasuries par les banques centrales étrangères, qui s’étaient élevés en moyenne à 5 milliards de dollarspar mois entre 2000 et 2007, se sont établis à 10 milliards de dollars par mois entre 2008 et mai 2010.

... qui devraient le rester...

Les facteurs qui ont poussé les taux longsaméricains et donc les taux européens à unniveau exceptionnellement bas devraientcontinuer d’agir durant plusieurs trimestres.

Premièrement, le risque de déflation n’a pas encoredisparu. Le rebond d’activité observé depuis mi-2009était largement dû aux plans de relance et à l’évolutiondes stocks. En Chine, 88 % de la croissance du PIB arésulté du plan de relance en 2009 ! La proportion estde près de deux tiers en France et de 37 % en Inde.Par ailleurs, l’effet favorable sur la croissance de l’évo-lution des stocks a été important. Il a contribué enmoyenne à hauteur de 0.5 point à la croissance duPIB de la zone euro depuis le troisième trimestre2009. Hors stocks, ce dernier se serait contracté de – 0.2 %par trimestre. Aux États-Unis, depuis cette date, lesstocks ont expliqué deux tiers de la progression affichée par le PIB. Or, le désendettement des ménageset des entreprises se poursuit, le taux d’utilisation descapacités de production reste très faible et le marchéde l’emploi dégradé. Ainsi, les incertitudes quant au caractère auto-entretenu de la croissance restentfortes. De plus, il est difficile d’anticiper l’effet d’entraînement des plans de relance sur les dépensesprivées une fois que les mesures de soutien directauront disparu c’est-à-dire leur « effet multiplicateur ».En conséquence, les perspectives d’activité ne sontpas stabilisées et l’incertitude quant à la croissance àvenir reste élevée. Le mouvement de « flight to quality »n’est pas près de cesser.

Deuxièmement, en indiquant qu’elle maintiendraitses taux « Fed funds » pendant une « période prolongée »,la Réserve fédérale génère une probabilité quasi nullede remontée de ses taux avant la fin 2011 et pousse àla baisse les taux longs. De plus, la courbe des tauxreste pentue et incite les investisseurs institutionnels à acheter des obligations gouvernementales, ce quiaccentue l’effet de la politique monétaire sur les rendements longs. Par ailleurs, si les programmes d’achats de titres au Royaume-Uni sont terminés,

Risques n° 83 / Septembre 2010 61

Une remontée des taux longs inévitable ?

Page 62: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

ceux de la Banque centrale européenne sont encoreouverts et la Réserve fédérale vient de reprendre lessiens. Les banques centrales veillent activement à cequ’une remontée des taux ne puisse pas être anticipéeet continuent d’agir directement sur les rendementsdes obligations d’État à long terme, afin d’éviter touteremontée des taux à dix ans qui stopperait net l’amorce de reprise économique observée depuis plusieurs trimestres.

Troisièmement, les évolutions réglementaires prévues dans le cadre de Bâle III et de Solvabilité IIvont obliger les banques et les assureurs à accroîtreleur acquisition d’obligations d’État par rapport àd’autres actifs plus risqués. Ainsi, la demande de cestitres restera soutenue même si l’aversion au risquediminue.

Enfin, la demande obligataire venant d’Asiedevrait être, à nouveau, très dynamique et être unesource importante d’achat de bons du Trésor américain.D’une part, la résorption partielle des déséquilibresmondiaux était temporaire car liée à la crise financière.En effet, le recul de l’investissement et de la consom-mation des ménages américains comme la chute duprix des matières premières ont réduit les importa-tions des États-Unis et donc leur déficit courant. Et leplan de relance chinois a participé à la réduction del’excédent commercial de ce pays en soutenant l’investissement et la consommation des ménages.Par ailleurs, la baisse du prix du pétrole et des autresmatières premières a entraîné une réduction des excédents des transactions courantes des pays expor-tateurs de pétrole. Mais ces facteurs d’améliorationdes déséquilibres mondiaux ont déjà disparu. Eneffet, si la demande intérieure américaine reste faible,elle a néanmoins redémarré. Le prix des matières premières est reparti à la hausse et le commerce mondiala repris, entraînant avec lui les exportations chinoises.Ainsi, la Chine enregistre à nouveau d’importantsexcédents courants qui vont continuer d’alimenter lesréserves de ce pays pour éviter l’appréciation du yuan.Or les marchés financiers asiatiques étant toujourspeu développés, ces réserves vont encore se porter surles bons du Trésor américain. D’autre part, les entrées

de capitaux devraient être plus nombreuses dans lespays d’Asie durant les prochains trimestres, entraî-nant avec elles une augmentation des réserves, làencore pour éviter l’appréciation des devises. Nousanticipons un afflux de capitaux à cause de l’aug-mentation à venir de l’écart entre les taux courtsnominaux. En effet, la forte croissance et le laxismemonétaire observés dans certains pays émergents vontconduire leurs autorités monétaires à continuer derelever les taux directeurs. Parallèlement, les tauxaméricains resteront faibles « pour une période prolongée ». De plus, la reprise plus dynamique dansles émergents et les meilleures perspectives d’activitélaissent anticiper des rendements réels supérieursdans ces pays par rapport aux pays développés et desprimes de risques plus faibles.

Ainsi, la demande de bons du Trésor américainpourrait rester soutenue au-delà de la disparition desrisques de déflation et les taux longs devraientdemeurer faibles. Nous ne croyons pas à la tenue del’agenda de politique internationale en matière derééquilibrage mondial décidé par les dirigeants duG20 au sommet de Pittsburgh en septembre 2009. La Chine affiche certes sa volonté de diversifier sessources de croissance, mais c’est un processus longqui ne produira pas d’effets à moyen terme. Quantaux États-Unis, ils ne semblent pas encore prêts àaccepter un niveau global d’endettement plus faible.

... mais le risque de krachobligataire plane

Le risque de dépression puis de déflation a jus-tifié la mise en œuvre de politiques monétaires etbudgétaires sans précédent. Les banquescentrales ont commencé par réduire massi-

vement leurs taux directeurs mais, face aux dysfonc-tionnements monétaires et financiers, elles ont pris desmesures complémentaires non conventionnelles.Parallèlement, des plans de sauvetage des banques ontété mis en place. Puis, pour éviter une chute trop brutale de l’activité économique et soutenir la

Risques n° 83 / Septembre 201062

Une remontée des taux longs inévitable ?

Page 63: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

demande globale, des plans de relance ont été décidés. Ces politiques de soutien ont été jugées efficaces car elles ont ramené la croissance partoutdans le monde à des rythmes plus ou moins rapides.Mais, paradoxalement, les effets positifs sur la croissance légitiment la poursuite éventuelle de tellespolitiques sans que soient appréhendés leurs effetsnégatifs. De plus, elles n’incitent pas à l’assainisse-ment financier et à la correction des déséquilibresmondiaux. Le risque de fuite en avant est donc bienréel. Or une telle attitude accroîtrait la probabilité desorties forcées des politiques expansionnistes, ce quisignifierait une remontée brutale des rendements longset/ou un relèvement des anticipations d’inflation.

Le choix de la monétisation de la dette publique aété guidé par la volonté des autorités monétaires etbudgétaires d’agir sur la cible d’inflation et d’éviterl’émergence d’anticipations de déflation. Mais pourqu’un tel « pari » soit gagné, quatre postulats doiventêtre réunis. Premièrement, il faut que l’analyse faisant état d’un risque de déflation soit juste.Deuxièmement, l’absence de défaut des États décidantd’une telle politique doit être crédible, sinon l’aug-mentation des dettes publiques n’aurait pas d’effet surl’inflation anticipée et fragiliserait la situation despays comme cela a été le cas en Grèce.Troisièmement, les autorités monétaires doiventsavoir quand débuter leur cycle de resserrementmonétaire. Or les études théoriques et historiquesmontrent qu’il n’existe pas d’indicateurs ou d’outilspour appréhender le bon moment pour mettre fin àces politiques de soutien. Il faut en effet que lesbanques centrales retirent la liquidité avant que celle-ci passe de la base monétaire à la masse monétaire,ce qui dépend de la vitesse de circulation de la monnaie qui n’est pas stable. Ainsi les banquiers centraux ne peuvent que constater la situation sansavoir les moyens de l’appréhender. De plus, la crise adurablement affecté le niveau d’activité mais aussiprobablement le taux de croissance des économiesdéveloppées. D’une part, les crises financières faisantsuite à un boom du crédit, elles engendrent à ce titreun désendettement des acteurs privés, ménagescomme entreprises. En conséquence, durant les phases de reprise, la demande privée reste faible etcroît moins vite qu’à la suite d’autres types de récession. Il en résulte une longue période de chômage

mais aussi un recul du taux d’activité car les personnesqui restent au chômage perdent leur employabilité etcelles qui ont été licenciées sans avoir bénéficié soit deformations, soit d’accompagnement à la mobilitéprofessionnelle sont difficilement employables dansun autre secteur. D’autre part, le PIB est affecté par lachute de l’investissement qui engendre un vieillissementdu stock de capital, mais aussi par les faillites qui augmentent le taux de dépréciation du capital. Parailleurs, si l’aversion au risque était durablement plusélevée, la hausse du coût du capital serait pérenne, cequi limiterait la reprise de l’investissement. Enfin, levieillissement du capital peut peser sur la productivitéglobale des facteurs, c’est-à-dire le taux de croissancede l’économie. Par conséquent, il sera difficile pourles autorités monétaires d’évaluer l’impact de la criseet du resserrement du crédit sur le potentiel de production et donc de définir le moment où l’écartentre la production et son potentiel sera comblé et oùles tensions inflationnistes pourraient apparaître.Dernièrement, les autorités budgétaires et monétaires nedoivent pas céder à la facilité du dopage de la croissancepour repousser la mise en œuvre de politiques moinsfacilement acceptées par les électeurs. Là aussi, l’histoire et la théorie économique montrent qu’il estdifficile de maîtriser les dépenses publiques quandl’endettement est indolore. Leur croissance dépendraiten effet aussi du comportement d’offre des adminis-trations et des décideurs publics qui, en l’absenced’un arbitrage efficace des contribuables-électeurs,chercheraient plutôt à maximiser leur satisfaction.

ConclusionLa faiblesse des fondamentaux économiques, la

persistance des déséquilibres mondiaux, les évolutionsréglementaires et l’afflux attendu de capitaux vers lesémergents laissent présager des taux longs durablementbas quoique se rapprochant de leur niveau d’équilibreau fur et à mesure du comblement progressif de l’« output gap », c’est-à-dire de l’écart entre la productionet la production potentielle. Selon nos calculs etcompte tenu d’une hypothèse de croissance nominalede 5.5 % aux États-Unis, le taux long d’équilibreaméricain serait de 4 %. Mais un tel scénario supposeque les autorités monétaires et budgétaires sachentarrêter le « dopage » de la croissance au bon moment.

Risques n° 83 / Septembre 2010 63

Une remontée des taux longs inévitable ?

Page 64: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Risques n° 83 / Septembre 201064

FAUT-IL CRAINDRE UNE FORTE REMONTÉE DES TAUX ?

Didier BorowskiR e s p o n s a b l e d e l a s t r a t é g i e t a u x , c h a n g e s e t v o l a t i l i t é , A m u n d i

P r o f e s s e u r a s s o c i é à l ’ Un i v e r s i t é Pa r i s - No r d

Marie BrièreR e s p o n s a b l e d u C e n t r e d e r e c h e r c h e a u x i n v e s t i s s e u r s , A m u n d i

C h e r c h e u r a s s o c i é à l ’ Un i v e r s i t é l i b r e d e B r u x e l l e s

� Les taux d’intérêt sont tombés durant l’été à desniveaux excessivement bas au regard des fondamentaux.Une remontée brutale des rendements obligatairesest-elle possible ? Pour répondre à cette question,nous revenons sur les déterminants des taux d’intérêt,puis sur la configuration unique qui prévaut aujourd’huien termes de politique monétaire et qui contribue àexpliquer leurs niveaux actuels. L’analyse comparée dedeux épisodes historiques de remontée des taux d’intérêt outre-Atlantique (1994 et 2004) nousdonne à penser que la remontée des taux d’intérêt àlong terme pourrait se produire de manière relativementgraduelle. Mais il convient de surveiller la dynamiquedes finances publiques dans les grands pays développés.Car, à politiques budgétaires inchangées, les dettespubliques sont insoutenables à long terme. Dans cesconditions, les primes de risque associées pourraientsensiblement augmenter dans les années qui viennent.Même si la menace ne nous semble pas imminente enraison de l’atonie de la croissance attendue en 2011 etde l’absence de pressions inflationnistes anticipées àcet horizon, les investisseurs de long terme ne peuventpas se permettre d’éluder ce risque.

� IS THERE REASON TO FEAR THAT RATES WILLRISE SHARPLY?Interest rates fell during the summer to levels that areexcessively low in view of the fundamentals. Is an abruptrise in bond yields possible? In order to answer this question, we review the factors that determine interestrates and then consider the unique configuration thatcurrently prevails in terms of monetary policy and whichhelps to explain their current levels. A comparison of two historical episodes of rising interestrates in the United States (1994 and 2004) suggeststhat the increase in long-term interest rates could be relatively gradual. However, it is necessary to keep an eyeon the dynamics of public finances in the major developed countries since, if budgetary policies remainunchanged, the levels of public debt will be un-sustainable in the long term. In these circumstances, the associated risk premiums could rise appreciably in the coming years, Even though we do not feel that the threat is imminent, with growth expected to belethargic in 2011 and no inflationary pressure withinthat time horizon, long-term investors cannot ignore this risk.

Page 65: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Risques n° 83 / Septembre 2010 65

Une situation anormale ?

Pour mesurer l’ampleur de l’anomalie obliga-taire, il est nécessaire d’avoir une estimationde la valeur fondamentale des taux longs.Plusieurs modèles ont été développés, en

général basés sur la décomposition des taux d’intérêtde Fisher.

Le taux nominal à long terme peut en effet se scinder en un taux réel, une anticipation d’inflation à long terme, ainsi qu’une prime de risquereflétant l’incertitude des investisseurs concernant lesévolutions du taux réel et de l’inflation.

TxNi,t = TxRi,t + �ei,t + pi,t (1)

Avec TxNi,t le taux nominal à maturité i, TxRi,t

le taux réel à maturité i, �ei,t l’anticipation d’inflationsur un horizon i, pi,t la prime de risque sur un horizon i.

On peut ensuite considérer que le taux réel delong terme dépend des anticipations concernant lacroissance économique réelle, éventuellement ausside l’ampleur des déficits publics (Warnock etWarnock, 2005) ; ou bien le décomposer en un tauxcourt réel 1 et une prime de terme (Brière et al.,2008), ce qui revient à considérer que ces anticipationssont déjà prises en compte dans la politique monétaireet synthétisées dans le niveau des taux courts.

Les deux approches donnent des résultats relative-ment voisins. Nous retiendrons ici la deuxième spéci-fication. Ainsi, en régressant les taux longs sur les tauxcourts réels 2 et des anticipations d’inflation à longterme, on peut estimer à chaque instant une valeurd’équilibre pour les taux 3, et mesurer l’écart entreleur niveau actuel et leur valeur d’équilibre.

TxNi,t = �0 + �1TxRct,t + �2�ei,t + �t (2)

Avec TxRct,t le taux court réel.

Graphiques 1 et 2. Valorisation fondamentale destaux longs en France et aux États-Unis

Les deux graphiques précédents montrent le résultat de nos estimations depuis 1981 4, en Franceet aux États-Unis. Jusqu’en 2004, nos deux modèlesont correctement estimé le niveau des taux d’intérêt,avec de courts épisodes de sur ou sous-évaluation destaux longs par rapport à leur valeur fondamentale,qui n’ont jamais excédé douze mois. Entre août 2004et avril 2006, en revanche, l’estimation fondamentalea surestimé systématiquement le taux dix ans, avec enmoyenne un écart d’environ 40 pb. C’est cet épisodetout à fait anormal d’un point de vue fondamentalque Greenspan a appelé l’ « énigme obligataire ». De nombreux observateurs ont alors mis en évidenceque les flux d’achat de la part des banques centralesétrangères (notamment asiatiques), des fonds de

Faut-il craindre une forte remontée des taux ?

Page 66: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

pension, ainsi que la diminution du risque inflationnisteet donc de la prime de risque associée pouvaient êtreconsidérés comme responsables de cette anomalie(Wu, 2005 , Rudebusch et al., 2006). Pour la première fois, pendant une longue période de durcis-sement monétaire de la part des banques centrales(Fed et BCE), les taux longs sont restés durablementen deçà de leur valeur d’équilibre, aussi bien auxÉtats-Unis qu’en Europe. Ils y reviennent pourtanten 2006, mais en septembre 2008, la crise des subprimes puis la faillite de Lehman Brothers génèrent un mouvement de « fuite vers la qualité »sans précédent. Les investisseurs délaissent les actifsrisqués pour se réfugier sur les marchés obligataires,notamment américains, générant une forte baisse destaux aux États-Unis, qui atteignent des niveaux trèsen dessous de leur valeur fondamentale.

En Europe, ce sont principalement les empruntsd’État allemands qui jouent le rôle de valeur refuge,notamment lorsque les risques mis en évidence sur lespays périphériques font craindre un éclatement de lazone euro. Une importante discrimination se crée eneffet entre pays considérés comme sûrs (Allemagne etFrance) et pays à risque, et les taux allemands et françaischutent. Les taux américains, allemands et françaisétaient revenus vers leur valeur fondamentale fin2009, mais le retour aura été de courte durée, lesrécentes déclarations de la Réserve fédérale américainesur le risque de voir l’économie retomber en réces-sion, générant à nouveau une baisse des taux sans précédent.

Une politique monétaire sans précédent

Avant de revenir plus en détail sur l’originede la baisse récente des taux, un rapideretour sur les politiques monétairesmenées de part et d’autre de l’Atlantique

depuis la faillite de Lehman Brothers s’impose. Aux États-Unis, la Fed poursuit sa « politique de tauxzéro » depuis décembre 2008 : le taux effectif des

Fed Funds (taux auquel les banques se prêtent au jour le jour) fluctue depuis lors entre 0 et 0,25 %,fourchette officiellement ciblée par la Banque centralepour son principal taux directeur. Et, depuis mars2009, le communiqué diffusé à l’issue de chaquecomité de politique monétaire (FOMC) répète que « les conditions économiques vont probablement nécessi-ter des taux directeurs exceptionnellement faibles pendant une période prolongée ». Dans la zone euro, leprincipal taux directeur de la BCE (le taux repo) est à1 %, inchangé à ce niveau depuis mai 2009. Mais lestaux interbancaires au jour le jour sont très en deçà dece niveau – le taux Eonia s’élève à 0,40 % en moyennedepuis septembre 2009 – en raison des injectionsmassives de liquidités par la BCE.

Les banques centrales ne se sont pas contentéesd’abaisser leurs taux d’intérêt à des niveaux excep-tionnellement faibles. Elles ont commencé à mettreen place des politiques dites « non conventionnelles »pour endiguer la crise financière générée par la faillite de Lehman Brothers. De prêteurs en dernierressort, elles sont devenues « acheteurs en dernier ressort » pour garantir la stabilité financière.

Depuis l’automne 2008, la Fed et la Banqued’Angleterre (BoE) ont fait tourner la planche à billetsà plein régime pour financer leurs achats de titres. Au total, la Fed a acheté 1 750 milliards de dollarsd’actifs (12 % du PIB) : 1 450 milliards de MBS(titres de dettes adossés à des créances hypothécaires)et de titres de dettes émis par les agences, et 300 milliardsde titres du Trésor. La BoE a acheté près de 200 milliards de livres sterling (14 % du PIB) de titres, essentiellement des emprunts d’ État et des titres de dette des entreprises (en beaucoup plus petites quantités). La Banque du Japon a acquis environ 13 000 milliards de yens (3 % du PIB) de titres publics depuis l’automne 2008. Enfin, laBCE a également gonflé son bilan en achetant 120 milliards d’euros d’actifs (1,2 % du PIB) : 60 milliards d’obligations sécurisées (covered bonds)et 60 milliards d’emprunts d’État de plusieurs paysde la zone euro qui connaissent une crise de la dettesouveraine.

Risques n° 83 / Septembre 201066

Faut-il craindre une forte remontée des taux ?

Page 67: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Une étape supplémentaire a été franchie le 10 aoûtdernier par la Fed. Dans son communiqué de poli-tique monétaire, le FOMC a annoncé son intentionde réinvestir en titres du Trésor les MBS que la Feddétient à son bilan et qui viennent à échéance. La raison invoquée est qu’il serait prématuré de laisser lesconditions monétaires se durcir.

Selon les estimations de la Banque centrale améri-caine, le montant total des titres de MBS qui arrive-ront à échéance d’ici à la fin 2011 pourrait s’élever à400 milliards de dollars.

En théorie, une telle annonce n’aurait pas dû précipiter un mouvement de baisse des taux longs carle bilan de la Fed reste inchangé. Mais les observateursnes’y sont pas trompés.

La montée des risques de rechute de l’économie etles discours concomitants tenus par plusieurs officielslaissent penser que la Fed pourrait aller plus loin. BenBernanke a par ailleurs confirmé, lors du symposiumde Jackson Hole (le 28 août dernier), que la Fed envisageait de recourir de nouveau à une politiquemonétaire non orthodoxe si le risque de rechute del’activité augmentait.

Il s’agirait ni plus ni moins que de faire tourner laplanche à billets, mais cette fois-ci uniquement pouracquérir des emprunts d’État. Or, en matière de création monétaire, il convient de rappeler que lapuissance de feu de la Banque centrale est illimitée 5.

Les études menées récemment concluent pour laplupart à l’efficacité des mesures mises en œuvre auxÉtats-Unis comme au Royaume-Uni. Les achats detitres financés par création monétaire provoquent uneaugmentation non seulement du prix des titres achetés (i.e. une baisse des taux d’intérêt) mais ausside nombreux autres titres qui leur sont imparfaitementsubstituables.

Ainsi, dans une étude publiée en juillet (Joyce etal., 2010), la BoE estime que son action en la matièreest à l’origine d’une détente de quelque 100 pb sur les

taux à dix ans au Royaume-Uni en 2009. Plus précisément, la BoE observe que ce sont les annoncesd’achats qui ont déclenché le mouvement de baisse surles taux longs, davantage que les achats eux-mêmes.Et, dans la mesure où les anticipations sur les tauxcourts n’ont pas été affectées, les auteurs concluentqu’il s’agit d’un effet induit par le rééquilibrage desportefeuilles des investisseurs. Les taux des obliga-tions d’entreprises se sont également repliés (- 70 pbpour les titres « investment grade » contre -150 pb pourles autres obligations privées).

Aux États-Unis, Gagnon et al. (2010) montrentde même que les achats de la Fed ont provoqué unebaisse totale de 90 pb du taux à dix ans sur lesemprunts d’État, de 160 pb sur les taux de la detteémise par les agences et de 110 pb sur les taux desMBS émis par ces mêmes agences.

Enfin, Neely (2010) montre que la politique d’expansion du bilan de la Fed a eu un impact notablesur les taux d’intérêt dans le reste du monde. Il observe que les taux australiens, canadiens, allemands,japonais et britanniques ont baissé en moyenne de 45 pb suite aux annonces d’achats d’actifs par la Fed.

Dans ces conditions, il n’est pas surprenant que lestaux se soient repliés durant l’été. Les anticipations demonétisation de la dette publique aux États-Unis ontjoué un rôle central. Les taux d’intérêt à long termeont chuté dans la plupart des pays, y compris dansnombre de pays émergents.

En Allemagne et en France, les taux nominaux, ilsy sont tombés à leur plus bas niveau historique. Car,à l’effet d’entraînement des taux américains, est venus’ajouter un mouvement de « fuite vers la qualité » lié àla résurgence des craintes d’insoutenabilité des dettespubliques de certains pays (Irlande, Grèce etPortugal). Toutefois, il ne faut pas s’y tromper, maintenant que les taux directeurs de la Fed sont proches de zéro, c’est le taux sur les emprunts d’Étataméricain à dix ans qui joue désormais le rôle de « taux directeur mondial ». Et c’est donc outre-Atlantique que se situe la clé du problème.

Risques n° 83 / Septembre 2010 67

Faut-il craindre une forte remontée des taux ?

Page 68: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Un krach analogue à celui de 1994 est-il possible ?

Avec la normalisation monétaire qui, tôt outard, va se produire aux États-Unis, lesopérateurs s’interrogent naturellement surl’évolution à attendre des taux d’intérêt à

long terme. En règle générale, un durcissementmonétaire s’accompagne d’une hausse des taux detoutes maturités, plus marquée toutefois sur les segments courts que sur les segments longs.L’ampleur de ces mouvements dépend d’une multi-tude de paramètres (croissance, inflation, chômage,déficit public, etc.) qui jouent parfois en sens opposé.Dans ces conditions, la communication de la Banquecentrale sur ses intentions devient cruciale pour lesmarchés. Pour éclairer les enjeux, nous revenons surdeux épisodes clés de « normalisation» de la politiquemonétaire américaine qui ont frappé les esprits aucours des vingt dernières années.

En février 1994, lorsque la Fed commence àremonter ses taux (de 3,0 % à 3,25 %), les opérateursde marché sont pris par surprise. Les taux sur lesemprunts d’État à deux et dix ans, à peu près stablesavant le durcissement monétaire, ne commencentréellement à grimper qu’à compter de cette date. LaFed est alors jugée très en retard. Certains analystesallant jusqu’à anticiper que le taux des Fed Fundsatteindrait 8 %, les opérateurs s’affolent ! Ainsi, enmoins de onze mois, les taux à deux ans gagnent 350 pb (à 7,7 %) aux États-Unis, quand les taux à dixans prennent 230 pb (à 8,0 %). Il y a très rapidementcontagion sur les marchés européens et japonais, quiconnaissent pourtant des politiques monétaires trèsdifférentes (assouplissement en Europe, taux stablesau Japon). Pour casser les anticipations de marché,Alan Greenspan est alors conduit à procéder ennovembre 1994 à une hausse de taux de 75 pb. C’estle prix à payer pour restaurer la crédibilité de la Fed.Les taux d’intérêt à long terme commencent alors àrebaisser. Mais il est trop tard : les pertes en capitalpour les portefeuilles d’obligations sont très élevées.

Ce « krach obligataire » hante depuis lors la mémoiredes investisseurs.

Pour mieux comprendre les tenants et aboutissantsde cet épisode, il convient de rappeler que, jusqu’en

1994, la Fed ne produisait pas de communiqué etn’annonçait pas même la décision prise à l’issue dechaque FOMC ! De ce point de vue, février 1994marque un premier tournant, puisque la hausse destaux s’accompagne pour la première fois d’un communiqué. Mais force est donc de constater quel’effort est insuffisant. Rétrospectivement, le krachobligataire résulte bien davantage de l’incertitude liéeà l’opacité de la stratégie monétaire que de laconjoncture macroéconomique. Suite à cet épisode,la Fed entreprend peu à peu de rendre plus transparentson processus de décision.

Lorsque la Fed décide de normaliser sa politiquemonétaire en 2004 (les taux directeurs avaient étéabaissés à 1,0 % suite à l’éclatement de la bulle technologique), la leçon est retenue au-delà des espérances ! Entre 1994 et 2004, la publication decommuniqués à l’issue des FOMC est devenue systé-matique et leur contenu s’est progressivement étoffé.Les discours prononcés par les membres de la Fedentre les FOMC permettent par ailleurs d’expliciterla stratégie monétaire et contribuent à mieux ancrerles anticipations des marchés. Entre mars et juin 2004,alors que les taux directeurs demeurent inchangés, lestaux à deux ans grimpent de 140 pb et les taux à dixans de 100 pb. Le changement de ton des autoritésl’explique pour partie. Si bien que, lorsque le communiqué du FOMC du 4 mai annonce que « l’accommodation monétaire peut être retirée à un rythme qui sera probablement mesuré », les marchés nesont pas surpris. Et les premières hausses de taux de laFed sont des non-événements pour les marchés.

Les résultats dépassent les attentes : les taux à longterme ne remontent quasiment pas entre juin 2004 etjuin 2006 en dépit d’une remontée du taux des Fed Funds de 1,0 % à 5,25 %. Cet épisode est qualifiépar Alan Greenspan lui-même d’ « énigme » (« conun-drum ») en février 2005. Ben Bernanke en proposera

Risques n° 83 / Septembre 201068

Faut-il craindre une forte remontée des taux ?

Page 69: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Risques n° 83 / Septembre 2010 69

peu après une interprétation qui fait désormais autorité. L’excès d’épargne mondiale (« Global SavingGlut ») se traduit par des surplus de balances courantes,notamment dans les pays émergents. Compte tenude l’absence de flexibilité de leurs régimes de changeet d’opportunités d’investissement alternatives, lesbanques centrales de ces pays financent le déficit exté-rieur américain en accumulant des réserves détenuessous forme de bons du Trésor. Les taux d’intérêt àlong terme sont ainsi maintenus à un niveau exagéré-ment faible au regard de la conjoncture économiqueet de la politique monétaire de la Fed.

Graphiques 3 et 4 Taux du Trésor américain vs tauxdes Fed Funds (FF)

Il est clair que les taux nominaux sont aujourd’huitrès en deçà de leur valeur d’équilibre. Mais à l’horizon 2011 un krach obligataire du type de celuiintervenu en 1994 paraît peu probable pour aumoins deux raisons. Première raison : la reprise s’annonce durablement molle dans les grands paysdéveloppés. Aux États-Unis, les ménages vont devoircontinuer de se désendetter. Et, dans la plupart despays, une fois la reprise de la demande intérieureenclenchée, des politiques budgétaires plus restrictivesseront progressivement mises en œuvre.

L’assainissement des bilans des agents (ménages,États) prendra du temps, tout comme celui des établissements financiers. En d’autres termes, la croissance va rester atone et le chômage élevé en 2011et probablement aussi en 2012. Il s’ensuit que despressions inflationnistes auto-entretenues ne sont pasune menace à court terme, ni aux États-Unis, nidans la zone euro. Ces dernières mettront davantagede temps à surgir que dans une reprise économiqueclassique.

La Fed dispose donc de temps avant d’entamer la nécessaire normalisation de sa politiquemonétaire. Cette dernière promet en outre d’être graduelle. Tirant les leçons du krach obligataire de1994, la Banque centrale américaine cherchera à éviter tout mouvement de panique sur les marchés.Enfin, deuxième raison, l’excès d’épargne mondialene va pas disparaître subitement. Même si lesbanques centrales asiatiques commencent à diversifierleurs réserves vers d’autres emprunts d’État que ceux des États-Unis, leur demande de titres du Trésoraméricain restera probablement substantielle, aumoins en 2011.

Dans ces conditions, un aplatissement de la courbe des taux avec une remontée des taux courtsplus marquée que celle des taux longs (typique desépisodes de normalisation monétaire) nous sembles’annoncer pour 2011. Mais la vitesse du processusdépendra étroitement du calendrier et des modalitésde la politique monétaire américaine. Et force est dereconnaître que les opérateurs de marché manquentaujourd’hui de visibilité en la matière.

Faut-il craindre une forte remontée des taux ?

01-9

3

07-9

3

01-9

4

07-9

4

01-9

5

07-9

5

Page 70: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Vers une crise des dettes souveraines dans les paysdéveloppés ?

Si la menace de krach obligataire ne vient pasde la politique monétaire, elle pourrait toutefoissurgir par la « prime de risque de signature ».La dynamique des dettes publiques dans les

grands pays développés est en effet insoutenable àmoyen et long terme (Voir graphique ci-dessous).

Source FMI

Il n’est pas dans notre propos de revenir sur cepoint. Nous nous contenterons simplement de rappeler les résultats des travaux économétriquestransversaux qui ont été réalisés pour mesurer lesconséquences de la dérive des comptes publics sur lestaux d’intérêt à long terme. Toutes choses égales parailleurs, une hausse durable de 1 % du PIB du déficitgénère une hausse de 30 à 60 pb des taux à longterme. Et une hausse du ratio dette publique/PIB de1 point de pourcentage s’accompagne d’un accroisse-ment des taux longs compris entre 2 et 7 pb (Baldacciet Kumar, 2010). Le risque de voir cette prime derisque se manifester n’est pas immédiat compte tenude la situation macroéconomique qui prévaudra en2011 voire encore en 2012. Pour l’heure, lesemprunts d’État (notamment ceux des États-Unis, de

l’Allemagne voire même de la France) apparaissentcomme des valeurs refuges. Mais pour combien detemps ? À mesure que la situation macrofinancière senormalisera à l’échelle mondiale, les investisseurs s’interrogeront naturellement pour savoir s’ils sontbien rémunérés pour les risques pris. Si les États neparviennent pas à remettre leurs finances publiquesen bon ordre (ce qui passera tôt ou tard par une politique d’austérité budgétaire), les taux à longterme pourraient remonter très significativement. Lamenace ne doit pas être ignorée. Et ce d’autant plusque les banques centrales seront contraintes, tôt outard, de remonter leurs taux directeurs pour endiguerles pressions inflationnistes qui se profilent à moyenet long terme.

ConclusionEn définitive, il s’agit pour les autorités de

normaliser la politique monétaire et d’assainir lesfinances publiques en naviguant entre deux écueils.Agir « trop tôt », ce serait prendre le risque de précipiter une nouvelle récession ; mais agir « troptard », c’est en revanche s’exposer à un possible mouvement de défiance des investisseurs. Voilà probablement l’un des plus grands défis de politiqueéconomique de l’après-guerre !

Notes

1. Taux directeur de la Banque centrale – anticipation d’inflation à court terme.

2. En Europe, les taux longs dépendent très fortement de leurshomologues américains. L’équation de valorisation fonda-mentale suit le même principe, mais incorpore l’influenceaméricaine via les taux courts et les anticipations d’inflation.

3. Notons qu’en adoptant cette spécification pour la régression,on considère implicitement que la constante et le résidu captent la prime de terme et la prime de risque.

4. Plusieurs régimes de politique monétaire se sont succédé surles trente dernières années, et la relation entre taux longs etvariables macroéconomiques n’a pas été stable dans le temps

Risques n° 83 / Septembre 201070

Faut-il craindre une forte remontée des taux ?

Page 71: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

(Fuhrer, 1996). On a pu constater un changement structureldans la conduite de la politique monétaire au début desannées 1980 avec l’arrivée de Paul Volcker à la tête de la Fed.

5. La seule contrainte vient de l’inflation induite. Dans lamesure où il s’agirait d’endiguer les pressions déflationnistesqui résulteraient d’une nouvelle récession outre-Atlantique,autant dire que la menace serait lointaine.

Bibliographie

BALDACCI E. ; KUMAR M., “Fiscal Deficits, Public Debtand Sovereign Bond Yields” , IMF Working Paper, n° 10/184, 2010.

BRIÈRE M. ; SIGNORI O. ; TOPEGLO K., “Bond MarketConundrum: New Factors to Explain Long-Term InterestRates”, Bankers, Markets and Investors, n° 92, janvier-février 2008.

DOH T., “The Efficacy of Large-Scale Asset Purchases atthe Zero Lower Bound”, Federal Reserve Bank of KansasCity, Economic Review, 2e trim. 2010.

FUHRER J.C., “Monetary Policy Shifts and Long-Term

Interest Rates”, The Quaterly Journal of Economics, n° 111, 1996, pp. 1183-1209.

GAGNON J. ; RASKIN M. ; REMACHE J. ; SACK B., “Large-scale Asset Purchases by the Federal Reserve: Did TheyWork?”, Federal Reserve Bank of New York, Staff Report,n° 441, 2010.

JOYCE M. ; LASAOSA A. ; STEVENS I. ; TONG M.,“The Financial Market Impact of Quantitative Easing”,Bank of England, Working Paper, n° 393, 2010.

NEELY, C., “The Large Scale Asset Purchases had LargeInternational Effects”, Federal Reserve Bank of St. Louis,Working Paper, n° 2010-018A, 2010.

RUDEBUSCH G. D. ; SWANSON E. T. ; WU T., “The BondYield ’Conundrum’ from a Macro-Finance Perspective”,Federal Reserve Bank of San Francisco, Working Paper,mai 2006.

WARNOCK F. ; WARNOCK V., “International CapitalFlows and U.S. Interest Rates”, Board of Governors of theFederal Reserve System, International Finance DiscussionPapers, n° 840, 2005.

WU T., “The Long-Term Interest Rate Conundrum: NotUnraveled Yet”, Federal Reserve Board of San Francisco,Working Paper, n° 2005-08, avril 2005.

Risques n° 83 / Septembre 2010 71

Faut-il craindre une forte remontée des taux ?

Page 72: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Risques n° 83 / Septembre 201072

LE RISQUE DE TAUX EN ÉPARGNE ASSURANCE VIE

Louis Bouychou et Johan AttalA c t u a i r e s , d i r e c t i o n t e c h n i q u e v i e A x a F ra n c e

� Les contrats d’épargne assurance vie permettentgénéralement aux clients de placer leur épargne surdeux types de support :- les supports dits en « unités de compte », pour lesquelsl’assureur garantit le nombre de parts souscrites ;- les supports dits en « euros », pour lesquels l’assu-reur garantit au moins le capital apporté par l’assuréet les revalorisations successives (effet cliquet).L’assureur propose aussi en général un rendementminimal sur ce fonds. De plus, l’assureur garantit la liquidité de ces contrats,c’est-à-dire promet de servir leur rachat à toutmoment.Si l’assuré supporte le risque de fluctuation du marchéconcernant les supports en unités de compte, il en vadifféremment concernant les sommes placées sur lesfonds en euros. L’assureur doit donc prendre desdispositions pour pouvoir faire face à ses engagementsfuturs sur ces fonds tout en offrant des rendementscompétitifs. Ainsi investit-il majoritairement sur desobligations (d’État ou d’entreprise) de bonne qualité,qui permettent d’avoir une bonne probabilité de servir les sorties de son portefeuille, et notamment lesrachats, qui constituent l’essentiel de ces sorties. Lavaleur de ces placements fluctue essentiellement enfonction des taux disponibles sur les marchés finan-ciers, et ces fluctuations génèrent un risque spécifiquede désadossement entre la valeur des engagements etcelle de l’actif de l’assureur. Il devient alors essentiel debien maîtriser le comportement client : les moins-values réalisées dépendent de la quantité de rachatsauxquels l’assureur doit faire face.

� THE RATE RISK IN LIFE ASSURANCELife insurance savings contracts generally allow clients toinvest their savings in one of two types of vehicle:“unit-linked” vehicles, for which the assurer guaranteesthe number of units subscribed;

traditional “euro” vehicles, for which the assurer guaranteesat least the capital contributed by the policyholder andsubsequent appreciations (ratchet effect). The assurer alsogenerally offers a minimum return on its “euro funds”. Furthermore, the assurer guarantees the liquidity of thesecontracts; in other words, it promises to pay redemptionsof the contracts at any time.

While the beneficiary bears the risk of market fluctuations in a unit-linked vehicle, this is not the casefor investments in traditional euro funds. The assurermust therefore ensure that it is able to meet its futureundertakings under these funds while also offering competitive returns. As a result, it invests mainly in highquality (government or corporate) bonds; this gives it agood probability of being able to honour exits from itsportfolio, particularly redemptions, which account formost of those exits. The value of these investments fluctuates essentiallyaccording to the rates available on the financial marketsand those fluctuations generate a specific risk of a mis-match between the amount of the assurer’s commitmentsand the value of its assets. It is therefore essential to havea good understanding of client behaviour: the capitallosses realised depend on the quantity of redemptions thatthe assurer must honour.

Page 73: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Risques n° 83 / Septembre 2010 73

Risque de taux et désadossement actif-passif

La hausse des taux conduit à la baisse envaleur liquidative du portefeuille d’obligationsde l’assureur. Aussi, si l’assuré rachète soncontrat, l’assureur peut être conduit à revendre

des obligations pour servir le rachat dans un contextedéfavorable. L’assureur réalise alors des moins-valueslatentes à partir du moment où il a garanti au minimum le capital versé par l’assuré augmenté desrevalorisations antérieures. Dans cette situation, lavaleur de l’actif de l’assureur diminue alors que son engagement est inchangé, ce qui constitue undésadossement.

Lorsqu’un taux minimum de rendement estgaranti (par exemple, 60 % de la moyenne des rendements servis les deux années précédentes), labaisse des taux peut aussi mettre l’assureur dans unesituation inconfortable s’il a anticipé un rythme derachat plus rapide que celui réellement observé surson portefeuille. En effet, avec ces anticipations, l’assureur a investi les versements de manière pluscourte que ses engagements, et a donc beaucoup deliquidités à placer chaque année du fait des arrivées àmaturité. Les nouvelles opportunités de placementétant moins rémunératrices que celles du passé, lerendement réel de l’actif peut devenir inférieur autaux garanti.

Dans cette situation, à cause l’allongement de laduration du passif, la valeur de l’engagement de l’assureur peut augmenter plus rapidement que cellede l’actif (qui augmente à cause de la baisse des taux),ce qui constitue également un désadossement.

Pour faire face à son engagement en matière de liquidité des contrats d’épargne assurance vie, l’assureur doit donc anticiper le rythme de rachat surson portefeuille et faire correspondre en duration sonactif et ses engagements à chaque date. Pour ce faire,il doit donc avoir la meilleure maîtrise possible descomportements de ses clients.

Risque de taux et comportement client

Les taux disponibles sur le marché peuventavoir un impact sur le comportement desclients en matière de rachat, ce qui aggravepotentiellement le risque. En effet, dans un

contexte de hausse des taux, l’assureur établi de longue date est mis en difficulté par l’inertie de sonportefeuille. Il ne pourra pas proposer un rendementcomparable à celui proposé par de nouveaux entrantssur le marché ou celui de comptes à terme par exemple.Les clients pourraient alors être tentés de racheter leurcontrat pour aller vers cette concurrence, ce quiaggrave les effets nés du désadossement actif-passifpropre à cette situation.

Différents éléments tendent néanmoins à limiterle risque d’observer une grande augmentation desrachats en cas de hausse des taux.

Tout d’abord, la fiscalité spécifique à l’assurancevie constitue un frein limitant les rachats à plusieursniveaux. Le client a intérêt à attendre le huitièmeanniversaire de son contrat pour être moins taxé sur ses plus-values et bénéficier de l’abattement de 4 600 euros. Racheter un contrat en totalité conduità la perte de l’antériorité fiscale et à payer l’intégralitéde l’impôt sur les plus-values en une seule fois ; leclient a donc intérêt à sortir progressivement aprèshuit ans, afin de limiter son imposition en bénéfi-ciant chaque année de cet abattement.

Ce point est renforcé par le fait que les produitsd’assurance vie sont souvent utilisés pour constituerun complément de revenu, notamment durant laretraite.

D’une manière générale, les clients qui mettent enplace des rachats programmés passé l’âge de la retraitesont moins sensibles aux fluctuations de rendementcar le motif de rachat n’est pas d’aller vers un concur-rent mais justement de s’assurer un complément derevenu.

Le risque de taux en épargne assurance vie

Page 74: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

sDans une optique successorale, un assuré de plusde 70 ans n’a pas intérêt à racheter pour aller vers unautre contrat, car les versements sur le nouveaucontrat entrent alors dans le périmètre de sa succession.

De plus, les clients souscrivant à travers desréseaux propriétaires peuvent être engagés dans unerelation de long terme avec leur conseiller. Cesréseaux sonten effet en mesure de mettre en place despolitiques de défense des rachats en apportant unconseil personnalisé, notamment en matière fiscale etfinancière. La qualité du conseil constitue un freinsupplémentaire lorsqu’il s’agit de changer d’assureurou d’opter pour d’autres acteurs comme les banquiers.

Enfin, les garanties complémentaires peuventaussi dissuader l’assuré de racheter, comme la garan-tie plancher qui, en cas de décès, limite les rachats descontrats en moins-values.

À l’inverse, la baisse des taux constitue un avan-tage concurrentiel pour les assureurs établis de longuedate sur le marché, et donc peut générer un allonge-ment de la duration des engagements. Ici, le risque estalors d’avoir des difficultés à servir les taux garantis.Cependant, le risque est bien plus limité car la duréemoyenne des engagements étant assez longue, onassiste à un fort effet protecteur de l’inertie des actifs.

Cartographie du risque de taux par l’exemple

Soit un portefeuille de contrats d’assurance vieinvestis à 100 % sur le fonds en euros souscrità la date t = 0, pour une prime totale de 100 euros. Ces contrats bénéficient d’un taux

garanti à 4 % pour dix ans. Au jour de la souscrip-tion, l’assureur trouve sur le marché des obligationsdes coupons à 4 % de maturité six ans. Il en achète100 euros pour une valeur à terme de 127 euro. Ici,

dans un souci de simplification, on suppose que l’anticipation initiale de l’assureur est un rachat totalde tous ses assurés au bout de six ans.

Dans le cas d’une baisse des taux, on voit ici l’effetprotecteur de l’inertie de l’actif, la valeur du porte-feuille placé à 4 % passant de 100 euros à 120.39 eurosau bout d’un an avec une baisse des taux de 3%.

ConclusionLa maîtrise du comportement de rachat et des

interactions avec l’évolution des taux est un enjeumajeur pour les acteurs du marché de l’épargne assurance vie. Enfin, le contexte Solvabilité II imposela prise en compte des valeurs de marché des actifs etla valorisation au plus juste des engagements futurs. Ils’agira donc de prendre en considération le risque detaux dans l’évaluation des engagements et de la margede solvabilité, tant à travers le risque sur l’actif qu’àtravers les comportements des clients. Cette prise encompte aura dès lors un impact sur le coût en capitalde l’épargne assurance vie ainsi que sur la latitudedont disposent les assureurs quant à l’allocation desfonds en euros.

Risques n° 83 / Septembre 201074

Le risque de taux en épargne assurance vie

Page 75: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Risques n° 83 / Septembre 2010 75

Le contrat d'assurance vie est un accord entreun entreprise d'assurances qui prend l'enga-gement irrévocable de verser des prestationsau bénéficiaire du contrat en fonction de la

réalisation d'événements aléatoires viagers, en échange

de quoi le souscripteur prend l'engagement révocablede verser des cotisations en fonction de la réalisationd'événements viagers. Le risque de rachat est omni-présent dans les problématiques de valorisation et deprovisionnement des contrats d'épargne dans les

LES COMPORTEMENTS DE RACHAT EN ASSURANCE VIE EN RÉGIME DE CROISIÈRE ET EN PÉRIODE DE CRISE

Xavier Milhaud 1Un i v e r s i t é Ly o n I , L S A F, A x a G l o b a l L i f e , d é p a r t e m e n t d ' a c t u a r i a t v i e R & D

Marie-Pierre Gonon A c t u a r i s

Stéphane Loisel Un i v e r s i t é Ly o n I , L S A F

� REDEMPTION BEHAVIOUR IN LIFE ASSURANCEThis article provides a clear description of the life insurancepolicy redemption risk, with particular regard to the savings contract market. We begin with an overview ofredemptions in France, and then discuss the issues thatunderlie this risk and the Solvency II aspects in terms ofregulation and valuation. The redemption behaviour of policyholders plays an essential role in determining theresults of a product line; understanding this behaviourenables the assurer to anticipate potential waves ofredemptions/non-redemptions that could have a verydetrimental effect on the assurer. These waves reflect the appearance of a nascent correlation between thebehaviours of policyholders, caused by a difficult economic context and difficult financial conditions.Taking these crises of correlation into account is a key element that assurers must be aware of if they are to successfully manage the redemption risk by calculatingthe appropriate prudent technical reserves.

� Cet article décrit de manière précise le risque derachat de contrat d'assurance vie, plus particulièrementsur le marché des contrats d'épargne. Après avoir proposé un panorama du rachat en France, nous nousattarderons sur les enjeux sous-jacents à ce risque etles aspects Solvabilité II en termes de réglementationet d'estimation. Le comportement de rachat des assurésjoue un rôle essentiel dans le résultat d'une ligne deproduit et sa compréhension permet à l'assureur d'anticiper des possibles vagues de rachats/non-rachatqui peuvent lui être fortement préjudiciables. Cesvagues sont le reflet de l'apparition d'une corrélationnaissante entre les comportements des assurés, due àun contexte économique et des conditions financièresdifficiles. La prise en compte de ces crises de corrélationest un élément-clef dont l'assureur doit être conscientdans l'optique d'une bonne gestion du risque derachat en calculant des provisions techniques pruden-tielles adaptées.

Page 76: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

sociétés d'assurance vie. Pour satisfaire par exemple àun besoin de liquidité immédiat, l'assuré peut à toutmoment résilier son contrat et récupérer tout (rachattotal) ou partie (rachat partiel) de son épargne capitalisée, éventuellement diminuée de pénalitésprévues à cet effet et dépendantes des conditionsfixées lors de la souscription. Une bonne compréhensiondu comportement des assurés et plus globalement durachat et de ses facteurs explicatifs (Milhaud et al.,2010)) permet :

• d'adapter les caractéristiques et clauses lors de lacréation de nouveaux produits, avec pour objectif larétention de clients par exemple ;

• de mettre en place de meilleures stratégies de gestionactif-passif.

Deux questions sous-jacentes au rachat doivent êtreabordées : tout d'abord les conséquences financièresd'un mauvais choix de modélisation pour les lois derachat et ensuite son impact sur les garanties. Nousnous focalisons ici sur le premier point, étroitementlié au contexte économique et financier et donc à ladynamique des taux d'intérêt. Selon la position del'assureur (phase d'investissement ou de désinvestissement)et son anticipation du marché, un scénario haussieraussi bien que baissier des taux d'intérêt peut avoirdes conséquences importantes au niveau de sa gestionactif-passif et de son stock de réserves.

Ces conséquences peuvent même devenir critiques en cas de rachat massif (dans un scénariohaussier) ou d'absence de rachat (scénario baissier),obligeant ainsi l'assureur à emprunter ou à verser untaux garanti supérieur au rendement de ses propresactifs. Nous distinguons ainsi qu'un problème d'adé-quation se pose pour l'assureur dans tous les cas.

Habituellement, l'assureur fait l'hypothèse queson portefeuille d'assurés est composé de personnes secomportant indépendamment les unes des autres, cequi est relativement juste en régime de croisière.Néanmoins, un problème majeur se pose dans le casd'une perturbation de l'équilibre économique etfinancier : cette hypothèse est alors clairement

inadaptée et les comportements des assurés devien-nent fortement corrélés (Loisel et Milhaud, 2010)).La recherche académique s'est penchée sur le sujet etles travaux de Lee & al. (2008) apparaissent commeun premier essai de modélisation dynamique ducomportement humain, de même que ceux de Fumet al. (2007), Kim et al. (2008) et Pan et al. (2006)qui étudient les réactions humaines en cas de panique.D'un point de vue plus quantitatif, Loisel et Milhaud(2010) présentent certains outils théoriques servant à modéliser l'interaction et la corrélation entre lescomportements des assurés, de même que McNeil etal. (2005) qui posent la question dans un contexteplus général.

Des problématiques telles que l'antisélection etl'aléa moral ont aussi une importance toute particu-lière, notamment dans un contexte de contrat d'assurance vie prévoyance où la santé des assurés estla question centrale dans le processus de tarification etde gestion des risques. Il est par exemple interdit enFrance de racheter des contrats de type rente viagèrepour éviter le phénomène d'antisélection. En épargne,la santé des marchés financiers a une incidence directesur le comportement de rachat des assurés, créant unecorrélation entre leurs décisions. Vandaele etVanmaele (2008), Bacinello (2005), Kuen (2005) etTsai et al. (2002) entre autres ont développé desméthodes de valorisation financière de l'option derachat. Ces méthodes ont vocation à être amélioréespour une meilleure prise en compte de la modélisa-tion comportementale et des réelles questions etbesoins de l'assuré lors du rachat, notamment en cequi concerne la rationalité de son choix.

La première partie de l'article dresse un panoramadu rachat en France et évoque certains aspects-clefsdans la compréhension de ce risque, la deuxième partie aborde la question du risque de rachat et de sonévaluation dans le contexte réglementaire de la directiveSolvabilité II. Enfin, la dernière partie traite de l'inté-gration du problème de corrélation des comporte-ments dans un modèle interne et donne un aperçu del'impact des crises de corrélation en termes de rachatsur le capital économique et donc indirectement lasanté financière d'une société d'assurance vie.

76 Risques n° 83 / Septembre 2010

Les comportements de rachat en assurance vie en régime de croisière et en période de crise

Page 77: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

77

Les comportements de rachat en assurance vie en régime de croisière et en période de crise

Risques n° 83 / Septembre 2010

Bref panorama du rachat enFrance

L’assurance vie reste aujourd'hui le placementpréféré des Français en offrant la meilleurecombinaison risque-rendement-fiscalité :fin 2008, 27 millions de contrats avaient

déjà été ouverts et les prestations annuelles versées par les organismes d'assurance vie dépassaient 100 milliards d'euros !

Les offres sont multiples et permettent de répondreaux besoins des épargnants, les principaux critèresétant la liquidité des sommes investies, le rendementet la sécurité financière associée aux entreprises d'assurances. La liquidité se traduit principalement,pour les contrats d'épargne monosupports (un seulsupport en euros, à valeur plancher garantie) et multisupports, par la liberté de sortir du contrat sansperdre les avantages du produit.

Pour cela, l'assuré devra connaître quelques basesde fiscalité applicables aux contrats d'assurance vie.Cette fiscalité évolue régulièrement mais continued’offrir certains avantages, notamment pour lescontrats d'une durée de détention supérieure à huitans. Cette caractéristique est clairement identifiabledans les observations passées, avec un pic de rachatlors de la neuvième année de présence en portefeuille.L’assuré devra aussi porter attention aux pénalités quipourraient lui être prélevées au moment de la sortie,qui, selon les codes des assurances, sont cependantlimitées à 5 % des intérêts de la somme épargnée sur dix ans. Enfin, il pourra étudier les options qui lui sont offertes dans le contrat pour bénéficier decette liquidité sans pour autant clore son contrat d'assurance vie et ainsi ne pas perdre son antérioritéfiscale, au travers notamment des possibilités derachat partiel ou d'avance. On entend par rachat partiel la possibilité qui est offerte à un assuré de neracheter qu'une partie de son épargne, et ainsi ne pasdemander la fermeture de son contrat. L'avancequant à elle est assimilable à un prêt que consent

l'assureur envers l'assuré, l'épargne de l'assuré consti-tuant alors le collatéral. D'autres clients, souvent plusfortunés, sont également intéressés par le caractèrenon rachetable de leur contrat, mais cela est un autresujet.

Le phénomène de rachat est important pour lesassureurs français. Meilleure en est leur connaissance,meilleure sera leur anticipation de gestion des fluxentrants et sortants en termes de trésorerie. Ils pourront même parfois en profiter pour améliorerleur offre produit. Alors, quelles sont les variablesexplicatives du choix de l'assuré, comment pouvons-nousprojeter les comportements humains, pouvons-nousrépondre en moyenne ? Tout d'abord en termes de variables explicatives, on a observé pendant de nombreuses années l'influence directe de la fiscalité etdes profils patrimoniaux des assurés. Ces observationsavaient pour avantage qu'elles étaient connues parfaitement de l'assureur et pouvaient ainsi fairel'objet de modélisations relativement adaptées.

Puis, on a introduit des effets moins évidents telsque la tenue des marchés financiers. Lorsque les tauxbaissent, les assurés seraient-ils plus fidèles ? Lorsqueles taux montent, auraient-ils tendance à sortir ? Rienn'est moins évident, d'autant que les données selonlesquelles les variations de taux pourraient influencerle comportement des assurés ne sont pas nombreuses.Même au plus haut de la crise financière que l'onvient de connaître, la fidélité des clients n'a pas étéénormément entamée. Ce n'est pas tant que les assurés ne suivent pas l'actualité ou ne prennent pasle temps de modifier leur allocation d'épargne, maisplutôt qu’il leur est difficile d'évaluer à quel taux demarché il serait intéressant pour eux d'aller souscrireailleurs en tenant compte de nouveaux frais d'entrée,d'une perte de l'antériorité fiscale, etc. Ces nombreuxfacteurs compliquent les décisions à prendre demanière rationnelle. En revanche, c'est lorsque l'oncommence à s'intéresser au rendement relatif descontrats d'assurance vie entre eux que l'épargnantdevient plus vigilant, voire plus susceptible. Et c'estainsi que les assureurs se sont penchés sur cette question. Combien de clients vont-ils racheter leurcontrat lorsque je servirai un taux de rendement

Page 78: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

inférieur à celui de mon concurrent, et à partir dequel écart de taux commenceront-ils à réagir ? Làencore, les statistiques ne sont pas nombreuses.Quelques assureurs ont démarché leurs clients pourconnaître leur sensibilité à un écart de taux, mais lesrésultats obtenus ne permettent pas de modéliser defaçon fiable une courbe de comportement. D'autresfacteurs, comme le relais d'information par la pressequant aux taux garantis, peuvent influencer les décisions des souscripteurs. À ce titre, de nombreuxassureurs ont élu un produit vitrine sur lequel ilscommuniquent pour le marché. De là à penser quetous les assurés aient été aussi largement récompensés...Voyons maintenant comment Solvabilité II traite lerisque de rachat.

Le risque de rachat dans lecadre de Solvabilité II

Avant de parler du risque de rachat en tant quetel, évalué pour les besoins en solvabilité,rappelons que Solvabilité II réforme également les calculs de provisions. Dans

un bilan au format économique, les provisions techniques seront estimées avec des hypothèses detype best estimate, quand elles sont aujourd’hui estimées avec des hypothèses prudentes définies parexemple par le code des assurances.

Quelles sont les implications pour ce qui concerneles rachats ?

Aujourd’hui, le taux de rachat estimé dans les provisions techniques d’épargne est de 100 % àchaque instant. L’entreprise d’assurances se doit doncd’immobiliser en permanence, dans ses comptes, lemontant de l’épargne de chaque client, comme si lerachat devait intervenir demain.

Dans un bilan plus économique, les provisionsincluront des probabilités de rachat estimées en bestestimate, c'est-à-dire reflétant au mieux la probabilitéde rachat observée par l’assureur.

Ainsi, les hypothèses de rachat qui ne servaienthier que dans le cadre des calculs d’embedded value oud’études ALM (gestion actif-passif ) vont-elles êtreintroduites dans la comptabilité des entreprises d’assurances.

Ces lois de probabilités vont également servir àsimuler le comportement des assurés dans le cadre desstress tests qui interviennent dans le calcul du SCR(Solvency Capital Requirement).

Les assureurs sont encouragés à utiliser la meilleureconnaissance possible qu’ils ont de leur portefeuille,pour modéliser les flux financiers de passif dans les scénarios de stress comme ceux des marchés financiers permettant d’estimer les SCR de taux oud’actions.

Les dernières pré-spécifications techniques de la5e étude quantitative d’impact (QIS 5) donnent desformules fermées (cf. TP 4.58) pour modéliser lesrachats en fonction des garanties offertes, des tauxservis, des conditions de marchés financiers... Ces différentes formules devant encore être calibrées parles assureurs pour refléter au mieux leur portefeuille.

Enfin, dans la liste des risques nécessitant la miseen œuvre d’un calcul de SCR se trouve à part entièrele risque de rachat à l’intérieur du module de risquede souscription.

Dans les dernières parutions des pré-spécificationstechniques, les assureurs sont priés d’étudier l’impactd’une hausse constante du taux de rachat de 50 %(limité à un taux de rachat de 100 %), l’impact d’unebaisse constante du taux de rachat de 50 % (limité àun taux de rachat diminué de 20 %) et l’impact d’unrachat massif de 30 % de la population sous risque.L’impact le plus significatif sera retenu pour être inté-gré au risque de souscription vie selon la matrice decorrélation définie dans les textes (paramètre depseudo-corrélation égal à 50 % avec le SCR du risquede dérive des frais).

Au-delà du référentiel Solvabilité II, voyons deplus près comment gérer les corrélations potentielles

78

Les comportements de rachat en assurance vie en régime de croisière et en période de crise

Risques n° 83 / Septembre 2010

Page 79: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

79

Les comportements de rachat en assurance vie en régime de croisière et en période de crise

Risques n° 83 / Septembre 2010

entre les comportements des assurés durant les périodesde crise, susceptibles de venir entamer la solvabilitédes entreprises.

Crises de corrélation

Au cours de périodes de crise, les assurés ont tendance à se comporter de manièreirrationnelle et à prendre des décisions quideviennent très corrélées. Ce comportement

moutonnier, s’il était poussé à l’extrême, pourraitconduire à deux situations extrêmes possibles : soit lesassurés peuvent quasiment tous racheter leur contrat,soit personne ne rachète. Loisel et Milhaud (2010)décrivent comment modéliser mathématiquementcette dépendance, par l'introduction d'un paramètrede corrélation traduisant avec quelle intensité l'assurémoyen va avoir tendance à se comporter comme sesvoisins. La corrélation induite par une situation decrise change radicalement l'allure du risque de rachatsupporté par l'assureur et augmente très significativementle matelas de sécurité qu'il doit mettre de côté pouréventuellement faire face à un risque de rachat extrême.Ce matelas de sécurité, représenté par la notion decapital économique dans Solvabilité II, peut êtreschématiquement calculé dans un modèle internepartiel comme la différence entre la value at risk(notée VaR) de niveau � et le best estimate.Classiquement, la VaR est définie comme un niveaude perte maximale que se définit l'assureur à un certainniveau de confiance � :

, où X représente lespertes et FX est sa fonction de répartition.

Dans notre contexte, l'assureur veut déterminerun taux de rachat qui ne sera pas dépassé avec proba-bilité 99,5 %. Mais étant donné qu'une baisse sou-daine et intense des taux de rachat peut également lemettre en péril, l'assureur pourrait aussi avoir intérêtà s'assurer que le taux de rachat sera toujours supé-rieur à un niveau minimal avec probabilité ß (ce dontnous ne parlons pas ici).

Le graphe illustre notre raisonnement dans le premier cas, c'est-à-dire celui d'un niveau de taux derachat à ne pas dépasser. La fonction de répartitiondu taux de rachat dessinée sur ce graphe représente laprobabilité que le taux de rachat soit inférieur à uncertain niveau (ce niveau est donné par l'axe desordonnées). Cette courbe tend vers la valeur 1 lorsquele taux de rachat augmente vers de grandes valeurs, cequi traduit le fait que la probabilité que le taux derachat observé soit inférieur à un taux de rachatmaximal très grand vaut quasiment 1. La courbenoire en pointillés représente le cas où l'on prend encompte la corrélation entre les comportements desassurés (Loisel et Milhaud, 2010), tandis que la courbe noire en trait plein correspond au cas où lescomportements sont supposés indépendants. Le bestestimate tel que défini dans la directive Solvabilité IIest l'estimation du taux de rachat moyen prédit. Lecapital économique est la différence entre la VaR et lebest estimate.

Ce graphe montre l'énorme variation du matelasde sécurité ou capital économique à allouer selonl'hypothèse de dépendance ou non des comportementsdes assurés, et permet de se rendre compte de l'ampleurde la négligence en termes de risque de rachat couvertlorsque l'assureur considère que ses assurés agissentindépendamment les uns des autres. Sur ce graphe,où le taux de rachat moyen est de 25 % et la corrélationlorsqu'elle est introduite est de 30 %, nous voyonsque la value at risk du taux de rachat augmente

Page 80: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

quasiment de 23 %. Toutefois, la corrélation peutêtre bien plus élevée, et la différence en capital économique serait par conséquent bien plus impor-tante. De plus, même une corrélation très faible peutavoir un impact non négligeable sur les besoins encapital économique.

ConclusionLe risque de rachat peut avoir un très fort impact sur

les résultats d'une activité de l'entreprise et reste unrisque de comportement humain, donc difficilementmodélisable car faisant intervenir énormément defacteurs propres aux individus et à leur environnement.Néanmoins, la prise en compte de la corrélation entreles comportements est primordiale pour une bonnegestion du risque de rachat et permet d'affiner lemodèle interne de modélisation du taux de rachat : àtitre d'exemple, une société d'assurances dont la création annuelle de valeur est de 10 % qui ne tientpas compte d'éventuelles crises de corrélation peut enperdre jusqu'à près de 5 % si l’on tient compte ducoût réel d’immobilisation du capital économique(Loisel et Milhaud, 2010) !

Notes

1. Xavier Milhaud ([email protected]), Universitéde Lyon, Université Lyon 1, LSAF, 50 avenue Tony Garnier,F-69007 Lyon, France, Axa Global Life, Département d'actuariat vie R&D.

Marie-Pierre Gonon ([email protected])Actuaris, 11 bis rue Volney, 75002 Paris, France.

Stéphane Loisel ([email protected]) Universitéde Lyon, Université Lyon I, LSAF, 50 avenue Tony Garnier,F-69007 Lyon, France.

Bibliographie

BACINELLO A. R., « Endogeneous model of surrenderconditions in equity-linked life insurance », Insurance:

Mathematics and Economics, n° 37, 2005, pp. 270-296.

FUM D. ; DEL MISSIER F. ; STOCCO A., « The cognitivemodeling of human behavior: Why a model is (sometimes)better than 10,000 words », Cognitive Systems Research, n° 8, 2007, pp.135-142.

KIM C. N. ; YANG K. H. ; KIM J., « Human decision-making behavior and modeling effects », Decision SupportSystems, n° 45, 2008, pp. 517-527.

LEE S. ; SON Y.-J. ; JIN J., « Decision field theory extensionsfor behavior modeling in dynamic environment usingbayesian belief network », Information Sciences, n° 178,2008, pp. 2297-2314.

LOISEL S. ; MILHAUD X., « From deterministic to stochasticsurrender risk models: impact of correlation crises on economic capital », Working Paper, 2010.

MCNEIL A. ; FREY R. ; EMBRECHTS P., “Quantitative RiskManagement”, Princeton Series In Finance, 2005.

MILHAUD X. ; MAUME-DESCHAMPS V. ; LOISEL S.,« Surrender triggers in life insurance: classification and riskpredictions », Working Paper, 2010.

PAN X. ; HAN C. S. ; DAUBER K. ; LAW K. H., « Humanand social behavior in computational modeling and analysis of egress », Automation in Construction, n° 15,2006, pp. 448-461.

SIU, TAK KUEN « Fair valuation of participating policieswith surrender options and régime switching », Insurance :Mathematics and Economics 37, (2005), pp 533-552.

TSAI C. ; KUO W. ; CHEN W.-K., « Early surrender and thedistribution of Policy reserves », Insurance: Mathematicsand Economics, n° 31, 2002, pp. 429-445.

VANDAELE N. ; VANMAELE M. , « Explicit portfolio forunit-linked life insurance contracts with surrender option »,Journal of Computational and Applied Mathematics, 2008.

VANDAELE, N. & VANMAELE, M., « Explicit portfolio for unit-linked life insurance contracts with surrenderoption », Journal of Computational and AppliedMathematics 233, n°1, (2009) pp16-26.

80

Les comportements de rachat en assurance vie en régime de croisière et en période de crise

Risques n° 83 / Septembre 2010

Page 81: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

81Risques n° 83 / Septembre 2010

COUVRIR LE RISQUE D’INFLATIONDE L’INTÉRÊT DU DIALOGUE

ENTRE LE GÉRANT ET L’ASSUREUR

Philippe Vibert-GuigueR e s p o n s a b l e m a n d a t , g r o u p e Av i v a

Michel LouchardD i r e c t e u r d e l ' a c t u a r i a t d o m m a g e s , g r o u p e Av i v a

� Dans la mesure où il propose des garanties concernantdes biens et des personnes, l’assureur dommages estpar nature exposé au risque d’inflation, qui n’est audemeurant pas uniforme selon les branches qu’il pratique. Pour atténuer ce risque, l’assureur disposede leviers à effets plus ou moins rapides, comme latarification ou la politique de souscription et de réassurance des risques. Il peut aussi – et c’est ce dontnous traiterons ici – essayer d’aborder cette questionpar le biais de l’adéquation actif-passif (« ALM »).Jusqu’à l’émergence d’instruments financiers évoquésdans les lignes qui suivront, permettant d’indexer toutou partie des actifs, l’attitude traditionnelle de certains assureurs dommages était soit, très rarement,de ne pas couvrir le risque d’inflation, soit, dans laplupart des cas, d’essayer d’allouer les actifs majoritai-rement en obligations à taux fixe, complétées par unepart significative d’immobilier, d’actions ou assimilés,d’obligations à taux variable et, plus récemment – etpour des poids symboliques il est vrai –, par des titresou fonds corrélés aux matières premières ou au projets d’infrastructure.Le présent article résulte ainsi des réflexions et des travaux menés en commun, sur cette thématique, par un assureur et un gérant d’actifs, dans le but d’optimiser l’utilisation du capital du premier, envisant en particulier une minimisation du risque d’inadéquation des actifs à une dérive inflationnistepotentielle des sinistres.

� HEDGING THE INFLATION RISK:THE BENEFITS OF A DIALOGUE BETWEEN MANAGER AND INSURERTo the extent that it offers guarantees in respect of property and people, a non-life insurer is by natureexposed to the risk of inflation, and this risk variesdepending on the branch in which the insurer operates.To mitigate the risk, the insurer has levers, which actmore or less rapidly, such as pricing or the policy forunderwriting and reinsuring risks. The insurer can alsoseek to tackle this issue by asset-liability matching, andthis is the subject we discuss here.

Before the emergence of the instruments described below,which enable all or part of the assets to be indexed, thetraditional approach of some non-life insurers waseither (vary rarely) not to hedge the inflation risk, or(most often) to seek to place their assets mainly in fixedrate bonds, together with a significant proportion inproperty, shares or similar instruments, variable ratebonds and, more recently (and in symbolic amounts only it is true), in securities or funds correlated to rawmaterials or infrastructure projects.This article reflects the joint thinking and work on thissubject by an insurer and an asset manager aimed at optimising the use of the insurer’s capital, with theobjective in particular of minimising the risk of the assetsbeing inadequate in the face of a possible inflationarydrift in claims.

Page 82: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Problématique de modélisationdu comportement des flux depassif

Le problème d’ALM posé par la couverturedes flux de passif contre l’inflation, par desactifs convenablement choisis, consiste àtrouver un point d’équilibre barycentrique

entre trois vecteurs d’optimisation non colinéairesque sont :

- l’inflation mesurée par la sensibilité du passif à ceparamètre ;- le risque de taux d’intérêt mesuré traditionnellementpar l’adéquation actif-passif en duration ;- enfin, la rentabilité du portefeuille d’actifs, mesuréepar son rendement.

Nous décrivons ci-après la démarche que nousavons suivie, qui se veut avant tout heuristique, enpartant d’une base théorique issue de travaux univer-sitaires sur la modélisation du passif en IARD.

L’ensemble de la démarche est conduite enconformité avec les futures normes Solvabilité II.

� Bases théoriques

L’objectif de l’ALM est de maximiser l’espérancede surplus (actif/passif : funding ratio + �) souscontrainte de risque. La mise en regard des passifs et du portefeuille d’actifs permet d’isoler deux sous-ensembles quipeuvent correspondre chacun à une politique de placement spécifique : - le « LHP » (Liability Hedging Portfolio), partie répli-cable des passifs nets de réassurance, c'est-à-dire quipeut être couverte par des actifs soumis aux risquesfinanciers (taux et inflation). Il s’agit du risque lié aupaiement des sinistres à venir. Il se définit par la projection des passifs sur le portefeuille des actifs ;- le « SAA » (Strategic Asset Allocation), portefeuillestratégique optimal d’actifs qui génère le meilleurrendement au risque et qui est limité par le budgetrisque dont on dispose, c’est-à-dire les fonds propresnets des risques non réplicables.

L’objectif du LHP est de couvrir les risques réplicables du bilan, alors que la détermination duSAA (qui n’a pas de profil de risque particulier) est lerésultat d’un choix stratégique dont l’objectif est degénérer du cash et des profits.

Le LHP permet une meilleure corrélation entre leportefeuille d’actifs et les passifs. Cette optimisation

Nous examinerons d’abord la problématique vue parl’assureur – en l’illustrant par un exemple fictif maisnéanmoins représentatif –, et la méthodologie utiliséeen vue de mieux cerner la « sensibilité du passif à l’inflation » ; nous verrons ensuite quelle réponse legestionnaire d’actifs peut proposer, en termes de couverture, par le recours aux instruments d’indexationdisponibles sur le marché, et par l’utilisation d’unfonds collectif dont la vocation est précisément degérer activement des instruments de ce type et d’offrirainsi une protection générale contre l’inflation, nonaffectée à tel ou tel flux particulier.

We examine the problem first from the insurer’s point ofview, using a fictitious but still representative example,and the methodology used to better define the “inflationsensitivity of the liabilities”.

We then look at what response the asset manager canpropose in terms of hedging, by using the indexinginstruments available on the market, together with theuse of a collective fund designed specifically to activelymanage instruments of this type and thus to offer generalprotection against inflation, without being assigned toany particular flow.

Risques n° 83 / Septembre 201082

Couvrir le risque d’inflation - De l’intérêt du dialogue entre le gérant et l’assureur

Page 83: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Risques n° 83 / Septembre 2010 83

Couvrir le risque d’inflation - De l’intérêt du dialogue entre le gérant et l’assureur

est obtenue par la méthode de régression par lesmoindres carrés.En termes de relation entre la société d’assurances etson asset manager, cette décomposition permet dedélimiter les marges de réplication utilisables par l’as-setmanager :

1. l’assureur fournit un benchmark à partir desprincipaux drivers réplicables du passif que sont l’inflation (sensibilité au CPI) et la duration (sensibilitédu prix de l’actif aux taux d’intérêt) ;

2. l’asset manager dispose en complément d’unbudget de risque, utilisable pour une réplicationimparfaite du LHP et pour une allocation plus stratégique.

� Les différentes étapes du processus ALM

Afin d’obtenir cette décomposition des porte-feuilles, il est nécessaire de procéder en trois temps :- identifier le risque réplicable, c'est-à-dire le risque demarché (risques de taux et d'inflation) inhérent à l’incertitude temporelle du paiement des sinistres à venir. « Supprimer » ce risque revient à le projetersur l’actif pour le répliquer « parfaitement » par déter-mination du LHP (toute déviation consommera dubudget risque [cf. ci-dessous]) ;- isoler ensuite le risque non réplicable, i.e. le risqued'assurance, qui est couvert en partie par le budgettotal de risque (actif net = EVassets - EVliabilities) ;- par déduction, le reste de ce budget total, i.e. lebudget de risque, qui n’est pas utilisé pour couvrir lespassifs d’assurance et qui correspond donc à la diffé-rence entre les fonds propres et le risque d’assurance,va permettre de déterminer le portefeuille optimalSAA. Celui-ci ne couvre pas à proprement parler unrisque de passif mais va permettre à l’asset manager deprendre du risque générateur de profit.

� Passif réplicable et LHP

La problématique consiste essentiellement àdéterminer la sensibilité à l’inflation de cette partie dupassif. Celui-ci est, comme nous l’avons rappelé enintroduction, sensible à l’inflation sur des secteurs

ciblés (corporels, bâtiment). Le risque sur la constructionest par exemple évidemment très fort du fait de ladurée des engagements et/ou de l’impossibilité decompenser la totalité des hausses de passif par unehausse des tarifs sur le nouveau chiffre d’affaires.

Le coefficient de sensibilité à l’inflation des passifssera désigné dans la suite par la lettre �. Ce coefficient� est non seulement différent selon le domaine dusinistre considéré (santé, accident, dommage,transport…), mais aussi selon l’année sur laquelle lerecouvrement de passif doit avoir lieu.

Pour déterminer � nous avons utilisé une méthodedite « de séparation » s’appuyant sur les travaux deG.C. Taylor (Macquarie University, Sydney). La basede départ est constituée des triangles (tableau 1 ) dedéroulement de liquidation des sinistres par exercicede survenance et de règlement.

Le principe fondateur de cette approche reposesur la capacité d’isoler la part endogène de la séquencedes règlements qui dépend uniquement du processusinterne de l’assureur pour le règlement de ses sinistres– ainsi bien entendu que de la branche considérée –d’une part, et de la différencier d’influences exogènespouvant déstabiliser cette séquence, comme c’est lecas typiquement lorsque la branche concernée est trèssensible à l’inflation.

Cette analyse s’applique bien entendu au triangleen coût moyen.

Dans cette logique, nous admettons l’hypothèseque le ratio entre le coût moyen de l’année de déve-loppement d du triangle rapporté au coût moyen dutotal payé tout au long du développement connu pourune année de survenance j donnée, est indépendantde cette année de survenance (en l’absence bienentendu de modification structurelle affectant soit leproduit soit le processus de règlement durant lapériode d’observation).

Soit Rd le premier facteur.

Nous supposons également que le coût des sinistresd’une année de développement d est proportionnel àun certain index dépendant de l’année de paiement et

Page 84: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Risques n° 83 / Septembre 201084

Couvrir le risque d’inflation - De l’intérêt du dialogue entre le gérant et l’assureur

non pas de l’année de survenance : Ij. Ainsi le coûtmoyen estimé pour l’année de survenance k et l’année

de développement d peut-il s’écrire : Cjd = Rd x Ik+d avec � Rd = 1

Les calculs des coefficients s’effectuent comme suit : Soient– Dd la de diagonale du triangle

– Vd la somme verticale des paiements de l’année dedéveloppement d

– Id l’index exogène du coût moyen de sinistres pourles paiements effectués à la date d

– Rd le facteur de développement endogène pour l’année de développement d,

La formule de récurrence en se basant sur un trianglehistorique de quinze ans est la suivante :I15 = D15 et R15 = V15 / D15I d-1 = D d-1 / (1 – Rd)R d-1 = V d-1 / (Id-1 + Id)

Le résultat fournit deux séquences de cash-flows de sinistres : - l’une directement liée à l’inflation en appliquant au« best estimate » actuariel la séquence des Id ;- l’autre partant de la suite des Rd permet à l’assetmanager de disposer du cash-flow pattern à répliquer,comme sur cet exemple (tableau 2).

Cette approche nous permet d’expliquer les composantes du portefeuille (auto, MRH, santé,entreprise, agricole, construction…) en fonction del’inflation, par examen des corrélations entre indicesspécifiques et indice CPI.

Nous utilisons une régression classique entre lapart des règlements sensible à l’inflation et l’indiceCPI : test de régression avec constante et sa significa-tivité, et choix de la régression la plus significative :avec ou sans constante et méthode delta log ou « trend smoothed ».

� Budget de risque et SAA

Cette dernière étape consiste à déterminer ledeuxième portefeuille qui concerne les actifs optimaux,c’est-à-dire celui qui génère le meilleur quotient rendement/risque et qui est limité par le budget derisque dont on dispose. Il s'agit du portefeuille stratégique optimal (SAA).

En ce qui concerne le SAA (l'allocation stratégique),on doit généralement considérer que le budget derisque qui lui est consacré est ce qui reste du budget

Tableau 1

Tableau 2

0

r0 * I0

r0 * I1

r0 * I2

r0 * I3

r0 * I4

r0 * I5

r0 * I6

1

r1 * I1

r1 * I2

r1 * I3

r1 * I4

r1 * I5

r1 * I6

2

r2 * I2

r2 * I3

r2 * I4

r2 * I5

r2 * I6

3

r3 * I3

r3 * I4

r3 * I5

r3 * I6

4

r4 * I4

r4 * I5

r4 * I6

5

r5 * I5

r5 * I6

6

r6 * I6 0

1

2

3

4

5

6

Produit

Dom-Part

r0

54,7 %

r1

34,8 %

r2

4,6 %

r3

2,0 %

r4

1,2 %

r5

0,8 %

r6

0,5 %

r7

0,5 %

r8

0,2 %

r9

0,1 %

r10

0,2 %

r11

0,1 %

r12

0,0 %

r13

0,1 %

r14

0,0 %

r15

0,1 %

Page 85: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Risques n° 83 / Septembre 2010 85

Couvrir le risque d’inflation - De l’intérêt du dialogue entre le gérant et l’assureur

de risque total (les fonds propres) une fois déflaté lerisque non couvrable (l'hypothèse par défaut étantque l'on ne réplique que ce qui est réplicable, c’est-à-dire respectivement les risques de taux et d'inflation).

� Liens avec Solvabilité II (SCR, MCR)et modèles internes (ICA, RBC)

En pratique, le risque est géré de façon économique(Fair Value) : les actifs sont évalués en valeur de marché et les passifs également (en valeur actualisée).

Figure 1

La contrainte majeure de solvabilité est : Free Assets � 0.

Le capital risque correspond au capital économiquetel que déterminé par le SCR dans Solvabilité II.Le SCR fournit ainsi le capital sous risque d’assurance(mesure VaR 99.5 %).

On a ainsi les composantes déterminantes pour le calculdu budget de risque SAA :

Figure 2

Les figures 1 et 2 vont ainsi permettre de déterminer leportefeuille optimal stratégique (SAA) en lui associantune contrainte budgétaire de risque maximum :

Après avoir rappelé ce cadre méthodologiquegénéral, nous nous proposons maintenant d’en illustrerla mise en application sur un cas concret, objet destravaux entre l’assureur et le gérant d’actifs.

� Mise en œuvre pratique

La première étape consiste à déterminer – à partirdes données d’observation sur longue période de lasinistralité et des déroulements de sinistres – quelscoefficients spécifiques de dérive des coûts par brancheappliquer par rapport à l’inflation, le but étant de neretenir qu’un coefficient moyen unique de sensibilitéà l’inflation (le « coefficient � » défini plus haut). Cesestimations (tableau 4) se fondent sur les déroule-ments qui suivent (figure 3, tableau 3 ) :

Figure 3

Tableau 3

Année Total 2010 2011 2012 2013

Flux 6 500,00 2 692,45 1 153,58 545,0 397,10(en millions €)

2014 2015 2016 2017

329,27 270,96 214,56 181,02

2018 2019 2020 2021

142,15 113,57 85,75 64,41

2022 2023 2024 2025

43,06 33,92 18,29 214,94

2010 2011 2012 2013 2014 2016 2018 2020 2022 20242015 2017 2019 2021 2023 2025

Page 86: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Risques n° 83 / Septembre 201086

Couvrir le risque d’inflation - De l’intérêt du dialogue entre le gérant et l’assureur

Afin de conserver à notre cas d’étude le maximumde représentativité, nous avons estimé les coefficients desensibilité à l’inflation sur la base de ces déroulementset retenu en définitive les suivants :

Tableau 4

Pour les besoins de la réplication des flux de passifpar des actifs adéquats, l’assureur a ensuite, par soucide simplification, demandé au gérant d’actifs, pourbâtir ses solutions de couverture, de retenir un � de1,3 comme sensibilité à l’inflation, applicable unifor-mément quelle que soit la branche.

� Propositions de solutions de couverture

Le profil de passif et ses paramètres d’inflationayant ainsi été déterminés, le gérant d’actifs a ensuiteproposé plusieurs portefeuilles solutions, faisantappel à des instruments désormais disponibles – ycompris des dérivés – choisis parmi ceux qui figurentci-après :

Flux (en mEur[JB10] )

Tableau 5

Branches Sensibilité à l’inflation

Habitation 120 %Risques d’entreprises 160 %Auto particuliers 100 %Auto d’entreprises 120 %Santé 130 %Accident indiv. 200 %RC 150 %Grêle 140 %Construction 190 %Divers 140 %

Moyenne pondérée (estimetion � retenue) 130 %

Instrument Mise en œuvre Avantages Inconvénients

1. Obligationsindexées surl’inflation (*)

Achat sur le marchéd’OAT i ou ei ou autres« Etats i oi ei »

• Transparence, liquidité (saufrares exceptions)

• Traitement comptable simple

• Taux réels faibles• Consomme plus de « cash » que les

dérivés• Pas d’émissions sur certaines

échéances >> problème d’adéquationau passif

• Points mort d’inflation généralementplus élevés que sur les « États i » liquides

• Risque de contrepartie (sauf collatéral)• Impact IFRS du fait de la variabilité

intermédiaire des résultats de la stratégie

• Cherté de la volatilité implicite• Impact IFRS du fait de la variabilité

intermédiaire des résultats de la stratégie)

• Peu d’acteurs >> faible liquidité

• Impact IFRS du fait de la variabilitéintermédiaire des résultats de la stratégie)

• Ce sont les instruments les plus complexes et les moins liquides

• Transparence, liquidité • Peu d’immobilisation de « cash » • Souplesse (adaptation précise

au passif en dates d’échéanceet de démarrage et en montants

• Profils de flux asymétriques• Instruments les moins consom-mateurs de « cash »• Peuvent permettre d’obtenir de

faibles primes comparativementaux options sur inflation

• Profils de flux asymétriques• Faible immobilisation de

« cash »

Permet via le marché « OTC» de se créer une couvertureinflation «synthétique »

Via le marché « OTC » pourse créer une couvertureinflation «synthétique » et «asymétrique »

Via le marché « OTC » pour secréer une couverture inflation«synthétique », « asymétrique» et plus convexe qu’avecseulement un swap

2. Swaps zérocoupon inflation (*)

3. Options surl’inflation

4. Swapstionsinflation

Page 87: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Risques n° 83 / Septembre 2010 87

Couvrir le risque d’inflation - De l’intérêt du dialogue entre le gérant et l’assureur

Afin, une fois encore, de ne pas rester sur un planthéorique mais de rendre au contraire les solutionscomplètement opérationnelles, le gérant devaitrespecter les contraintes suivantes :- d’une part immuniser au maximum le bilan contrele risque d’inflation ;- d’autre part réduire également le risque de taux ;- et simultanément procurer un rendement réelapproprié des actifs, c'est-à-dire conforme aux exigences de rentabilité et de solvabilité de l’assureur.

En définitive, c’est à partir de certaines seulementdes « briques de base » du tableau 5 – c'est-à-dire enéliminant les instruments trop peu liquides et/ouayant trop d’inconvénients comptables malgré leurcaractère séduisant sur le plan théorique voire pratique – que sont proposées trois solutions répondantaux contraintes ci-dessus, la seconde n’étant qu’unevariante de la première.

La solution n° 1 adosse strictement les flux et celaexclusivement par des obligations d’État françaises,allemandes et italiennes en euros, indexées sur l’inflation,cette diversité géographique n’étant exigée que par lanécessité de couvrir toutes les échéances de flux, cequi s’avère irréalisable avec le seul gisement français.

La solution n° 2 est pour ainsi dire un raffinement dela première puisque reposant aussi sur les mêmesobligations indexées, mais complétées, pour avoirune couverture en quelque sorte « sur mesure », parautant de swaps zéro coupon inflation que de flux depassif, avec achat simultané d’obligations d’État zérocoupon pour assurer le paiement du flux fixe (corres-pondant au break-even) de chaque swap.

La solution n° 3, prenant acte de ce que le porte-feuille pris pour exemple recèle des rendements historiques élevés, et par conséquent des plus-valueslatentes significatives, se propose de conserver unelarge part de ces rendements, à la fois à titre de soclede rentabilité présente et future, mais aussi à titre dematelas de protection – jusqu’à un certain seuil bienentendu – contre une hausse modérée, à moyenterme, de l’inflation, correspondant en définitive au

scénario alors admis entre l’assureur et le gestionnaire.Pour sa mise en œuvre, cette solution requiert des cessions de titres les moins rémunérateurs en compa-raison de leurs risques, et leur remplacement par destitres d’État indexés inflation ainsi que, en complé-ment, des cessions d’obligations très longues, dans lebut de réduire le risque de taux

Pour ce qui concerne la solution avec swaps (solutionn° 2), la figure 5 ci-après confirme la qualité quasiparfaite – selon le but recherché – de l’adéquation desinstruments financiers choisis et des flux de passif :

Figure 5

Tout en ayant un bon niveau de qualité, l’adossementprocuré par la solution n° 1, fondée uniquement surles obligations d’État indexées inflation, s’avère demoins bonne facture du fait d’abord de l’absence detitres face à certains des flux, et ensuite en raison desdifférences résiduelles de durations entre titres à retenir et flux à adosser.

En termes de rendements potentiels de chacunedes deux premières solutions, la situation est la suivante (tableaux 6 et 7 ) :

Qualité de la couverture avec swaps zéro coupon inflationsolution 2

Scénarios d’inflation

Présent 0,5 % 4,61 % 0,51 % 0,67 %

4,65 % 1,51 % 1,97 %

4,67 % 2,01 % 2,62 %

4,72 % 3,01 % 3,92 %

Solution 1 : 1,5 %

Solution 1 : 2 %

Solution 1 : 3 %

Portefeuilleexistant

Solution 1« États i »

Solution 2« États i » + swap

Sensibilité du rendement à l’inflation

Pour une hausse d’inflation de + 1 %

Hausse rendement = 0,04 %

Hausse rendement = + 1,3 %

Hausse rendement = + 1 %

Portefeuilleexistant

Solution 1« États i »

Solution 2« États i » + swap

Page 88: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Risques n° 83 / Septembre 201088

Couvrir le risque d’inflation - De l’intérêt du dialogue entre le gérant et l’assureur

La qualité d’adossement, relativement moinsbonne que celle de la solution n° 2, ainsi, surtout, quel’impact extrêmement pénalisant, visible sur lestableaux 8 et 9 ci-dessous, sur le rendement des actifs,d’un investissement à taux réels faibles – voire négatifspour les échéances 2010 et 2011 – conduit à l’élimi-nation de la solution n° 1.

Et cependant, malgré la qualité de l’adossementde la solution 2, et un impact moins négatif sur lerendement des actifs, celle-ci est elle aussi écartée parl’assureur à la suite d’autres simulations menéesnotamment sur les impacts en résultat IFRS et enbesoin de capital, que nous ne détaillerons pas ici. Leprix à payer pour la protection contre l’inflation exigépar cette solution n° 2 reste largement dissuasif et estlogiquement refusé par l’assureur. Cette pénalisations’explique, comme pour la solution 1, par la faiblessedes taux réels, mais aussi par le niveau élevé desbreak-even des swaps.

L’assureur et le gérant ont dès lors décidé d’appro-fondir la solution n°3 (conservation des actifs les plusrémunérateurs + cession des valeurs mobilières lesmoins rentables + réinvestissement des produits decession en obligations indexées inflation).

Sous diverses hypothèses d’inflation, l’impact enrendement du réaménagement via cette solutionserait le suivant :

Tableau 8

Bien qu’également coûteuse elle aussi en termesde privation de rendement comme on peut le consta-ter dans le tableau 8 ci-dessus, cette solution présentel’avantage d’abaisser significativement le prix de laprotection tout en améliorant de façon satisfaisante,selon le but recherché, la sensibilité du rendement desactifs à une hausse de l’inflation (tableau 9).

Tableau 9

Il est incontestable que le scénario d’inflation faible est – sans surprise, comme dans toutes les solutions d’ailleurs – le plus pénalisant en termes derendement du portefeuille, et qu’il faut un choc relativement important pour s’approcher, sans lesatteindre, des rendements préexistants.

Mais d’une part, répétons-le, le but de l’exerciceest de conférer aux actifs une meilleure sensibilité àune hausse de l’inflation, ce qui est bien l’un desrésultats obtenus. Et d’autre part, en ne prenant encompte que le rendement actuariel à l’achat du portefeuille, on perd de vue un aspect important desimpacts obtenus au niveau de l’équilibre financierglobal de la société d’assurances. En effet, après lescessions envisagées, certains actifs potentiellementpénalisants en termes de risque de crédit ou en vola-tilité (obligations non État et certains actifs classésR332.2) voient leur proportion baisser au sein duportefeuille : si l’on exclut leur cession, une autresimulation montre qu’en corrigeant le rendementglobal des actifs de l’impact de cette pénalisation encapital, la comparaison est moins favorable au porte-feuille existant et, du même coup, rend la solutionenvisagée moins pénalisante qu’au premier abord.Certes, un tel argument vaut pour toutes les solutionsenvisagées. Mais la simulation susvisée montre quec’est bien par cette solution 3 que le résultat net IFRSest le plus favorablement impacté en comparaison desautres solutions, et ce, de surcroît, dès l’atteinte d’unniveau d’inflation de l’ordre de 1,5 % annuel (ce quiest, inférieur au niveau d’équilibre, soit 1,75 %, delong terme français…).

C’est pourquoi l’assureur a finalement jugéadmissible cette solution 3, comportant notammentune cession partielle des actifs obligataires et de certains actifs classés R332.2, avec réinvestissementsessentiellement en obligations indexées inflation ainsi

Scénaros d’inflation

Scenario 1 : 0,5 % 4,61 % 3,85 %

4,65 % 4,08 %

4,67 % 4,19 %

4,72 % 4,42 %

Scenario 2 : 1,5 %

Scenario 3 : 2 %

Scenario 4 : 3 %

Portefeuilleexistant

Solution n° 3

Sensibilités du rendement du portefeuille à des hausses

D’inflation de + 1 % 0,04 % 0,23 %

0,12 % 0,12 %

0,08 % 0,08 %

De taux courts de + 100 bps

De taux longs de + 100 bps

Portefeuilleexistant

Solution n° 3

Page 89: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Risques n° 83 / Septembre 2010 89

Couvrir le risque d’inflation - De l’intérêt du dialogue entre le gérant et l’assureur

que pour partie en OPCVM protégeant contre l’inflation.Parallèlement, et en prenant en outre – sur la base descorrélations effectivement observées sur le marché –une duration des obligations indexées égale, non pasà la moitié de celle des obligations nominales demême échéance mais égale aux trois quarts de celle-ci,les cessions et achats intervenant dans la solution retenue ont en outre un impact favorable (tableau 10)sur l’abaissement du risque de taux lui-même :

Tableau 10

En termes d’allocation comparée, la situation pré etpost-réaménagement est ainsi la suivante :

Tableau 11

ConclusionEn fin de compte, pour un assureur dommages

comme pour tout assureur, la mise en œuvre d’unerefonte de l’actif mobilier représentatif des engagementstechniques, en vue de l’immunisation de celui-cicontre l’inflation, est un processus lourd de consé-quences qui nécessite, dans un premier temps, uneévaluation rigoureuse des impacts potentiels de cetterefonte sur le rendement de l’actif concerné.

Dans le cas, fictif mais néanmoins représentatif analysé ci-dessus, la contribution des équipes de lasociété de gestion n’aurait pas pu être apportée si ellen’avait été précédée, de la part des équipes de l’assureur,d’une modélisation efficace des flux de passif et d’unemesure précise de leur sensibilité à l’inflation, suivieensuite de stress tests à partir de scénarios d’inflation,afin de vérifier le coût et l’efficacité de la solution proposée, en calculant son impact final sur le capitaléconomique.

Et, ce faisant, s’il convient évidemment de retenircelle des solutions dont le coût est minimal, encorefaut-il en intégrer convenablement et exhaustivementtous les paramètres, sans se limiter, comme nous l’avonsmontré, aux impacts apparents sur le seul rendement

Contribution à la duration de l’actif

TYPE D'ACTIF AVANT APRES

Opcvm obligataires 0,6 0,05

Obligations indexées inflation 0,2 0,8

Obligations à taux fixe 2,8 2,3

TOTAL 3,6 3,2

Ecart de duration actif/passif 0,9 0,5

INDEXATION TYPE D'ACTIF APRES AVANT

Taux fixes Obligations 50% 62%

Inflation Obligations + 30% 5%Opcvm Inflation

Taux variables (long terme et court terme) Obligations 15% 24,7%Opcvm obligatairesTitres participatifs

Monétaire Opcvm 5% 8%

Divers R.332.2 Divers 0% 0,3%

Il s’agirait donc d’un réaménagement d’ampleur, puisqu’il représenterait une rotation de près du quart du portefeuille.

Page 90: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Risques n° 83 / Septembre 201090

Couvrir le risque d’inflation - De l’intérêt du dialogue entre le gérant et l’assureur

du portefeuille de valeurs mobilières. Se limiter, eneffet, à cette seule variable pourrait conduire, ainsique nous l’avons vu, à une décision stratégiquementerronée, dommageable à la solvabilité à long terme del’assureur.

S’il est vain de vouloir trouver une couverture parfaite, qui n’existe pas, l’on peut efficacement rédui-re, sans jamais complètement les éliminer, les effets économiques potentiels de l’aléa qu’est l’inflation de… demain, dont l’un des déterminantsprincipaux reste – en sus des anticipations des agentséconomiques – lla politique monétaire… d’aujourd’hui.

Les auteurs tiennent à adresser leurs chaleureuxremerciements aux spécialistes ALM d’Aviva, à ceuxdes taux et ceux des solutions d’investissement globalesd’Aviva Investors, ainsi qu’à M. Samuel Sender, directeurde recherche à l’Edhec Risk and Asset ManagementResearch Centre, et à M .Jean-François Boulier, président du directoire d’Aviva investor France etdirecteur général Europe Aviva Investor pour sescontributions et sa relecture attentive.

Les auteurs tiennent à adresser leurs chaleureuxremerciements aux spécialistes ALM d’Aviva, à ceux destaux et ceux des solutions d’investissement globalesd’Aviva Investors, ainsi qu’à M. Samuel Sender, direc-teur de recherche à l’Edhec Risk and Asset ManagementResearch Centre, et à M. Jean-François Boulier,Président du directoire d’Aviva investor France etDirecteur Général Europe Aviva Investor pour sescontributions et sa relecture attentive.

ANNEXES

ÉVOLUTION DES TAUX RÉELS DES OBLIGATIONS INDEXÉES

Hormis un rebond marqué en 2008, ces taux ont,comme on le constate sur le graphique, décru signifi-cativement depuis l’apparition des instruments financiersétudiés plus haut, pour atteindre les niveaux indiquésdans le tableau ci-dessous.

Historique des taux réels

Taux réels et points morts

Source : Barclays et Aviva Investors Strategy Team.

4

2

0

6

Page 91: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Études et livres

4.

� Arthur Charpentier, Laurent Devineau, Jean Marie NessiMesurer le risque lors du calcul des provisions pour sinistres à payer

� Département Macroéconomie-Finances Service Economique des Etats-Unis Ambassade de France WashingtonLe programme fédéral Social Security : état des lieux et enjeux

� Johnny DouvinetLes arrêtés « catastrophes naturelles » associés à l’item « inondations » :

limites des données et conséquences d’une prise de décision politique

Actualité de la Fondation du risque

Alain Villemeur, Jacques Pelletan, et Ghizlane KettaniVieillissement et croissance : un regard critique sur la littérature

LivresArnaud Chneiweiss,

Lecture urgente, par François-Xavier Albouy

Étud

es e

t liv

res

Page 92: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les
Page 93: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Risques n° 83 / Septembre 2010 93

MESURER LE RISQUE LORS DU CALCUL DES PROVISIONS POUR SINISTRES À PAYER

Arthur CharpentierUn i v e r s i t é R e n n e s I e t É c o l e p o l y t e c h n i q u e

Laurent DevineauM i l l i m a n

Jean-Marie NessiI n s t i t u t d e s a c t u a i r e s

P our les actuaires en assurances dedommages, calculer les provisionspour sinistres à payer s’est souventlimité à la méthode Chain Ladder.Rappelons que, d’un point de vuecomptable, la provision est devenuela « somme affectée par l'entreprise àla couverture d'une charge ou d'uneperte virtuelle, future ou éventuelle »(Bern.-Colli, 1981). L’article R331du code des assurances oblige toutesociété à évaluer correctement ses dettes, c'est-à-dire à être en mesure decalculer, ou estimer, à tout moment lemontant de ses engagements vis-à-visde ses assurés : il s’agit d’identifier etde provisionner les risques. Comme le

disait Simonet (1998), « les provi-sions techniques sont les provisionsdestinées à permettre le règlementintégral des engagements pris enversles assurés et bénéficaires de contrats.Elles sont liées à la technique mêmede l’assurance, et imposées par laréglementation ».

Les techniques jusqu’alors utilisées(en particulier autour de la méthodedite Chain Ladder) ont connu unessor considérable ces dernières annéessur le plan théorique (on pourraconsulter à ce sujet Denuit etCharpentier (2005), Partrat et al.(2007) ou Wüthrich et Merz (2008)).

En particulier, beaucoup de modèlesse sont attachés à quantifier l’incerti-tude associée à ce montant de provisions pour sinistres à payer.Mais alors que les actuaires commen-çaient tout juste à mieux comprendrecomment quantifier l’incertitude sur la charge ultime, Solvabilité IIimpose désormais d’avoir un angled’analyse radicalement différent, etmalheureusement contrintuitif.

Et le risque de réserve étant un pointessentiel dans le pilotage du risque d’unorganisme d’assurances dommages, ildevient fondamental que tout lemonde s’approprie les outils utilisés.

Page 94: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Risques n° 83 / Septembre 201094

Mesurer le risque lors du calcul des provisions pour sinistres à payer

La vie d’un sinistre

La problématique du provisionnement est liéeà la nature même de l’activité d’assurance, àsavoir l’inversion du cycle de production.Les assureurs ayant pris l’engagement d’in-

demniser tous les sinistres survenus durant la périodede couverture, il convient de constituer des provisionspour indeminiser les victimes d’un sinistre, même sicelui-ci n’est déclaré, puis clôturé, que des années plus tard. La vie d’un sinistre peut être plus ou moinssimple, mais on peut schématiquement la décriresous la forme présentée sur la figure 1.

Figure 1. Les différentes étapes de la vie d’un sinistre

Considérons un cas simple, celui d’un accident matérielsur la route :1. le sinistre survient (deux voitures se percutent) ;2. le sinistre est déclaré par l’assuré à l’assureur ;3. un certain nombre de paiements sont effectués ;4. si l’on pense que plus aucun paiement ne sera

effectué, on peut clôturer le sinistre.

Dans d’autres cas, le processus est nettement pluscomplexe. En responsabilité civilie médicale, parexemple, il convient de distinguer le fait déclencheur(une opération ou la prise d’un médicament) de l’apparition de symptômes. Si plusieurs opérationsont eu lieu entre ces deux instants, il peut s’avérerdélicat de prouver que le « sinistre » est survenueffectivement durant la période de couverture du chirurgien assuré. Lors d’un accident corporel enassurance automobile, la date de survenance est bien

connue, mais il faut un temps très long avant de pouvoir clôturer un sinistre. Il convient aussi d’atttendreque l’état du patient se stabilise avant de pouvoiravoir la première estimation valide du montant dusinistre.

Aussi, analyser ces sinistres individuellement est-ilune activité complexe, mais surtout cela ne peut sefaire que sur les sinistres « connus » (c'est-à-dire auminimum « déclarés à la compagnie d’assurances »).En effet, lorsqu’un sinistre survient, les gestionnairesde sinistres en estiment le montant, soit à l’aide defactures envoyées par l’assuré, soit sur dires d’experts,soit à l’aide de grilles de référence pour certains accidents corporels. Mais seuls sont référencés lessinistres déjà déclarés à la compagnie d’assurances. Orla réglementation est très claire : il convient de provisionner pour tous les sinistres survenus, mêmes’ils n’ont pas encore été déclarés. Ceci en raison dedélais de quelques semaines (on pensera aux tempêtesde décembre 1999, survenues dans la période deNoël, que les assureurs ont dû provisionner lors de laclôture des comptes au 31 décembre) ou beaucoupplus longs (on pensera à l’amiante par exemple).

Un rôle essentiel des actuaires est alors d’estimerce que la terminologie anglo-saxonne appelle IBNR,incured but not reported (qui peut représenter desmontants colossaux sur les branches dites longues).Pour modéliser cette dynamique du passif des sociétésd’assurances, et afin de résumer l’essentiel de l’infor-mation sur les cadences de paiement, la présentationde données comptables sous forme triangulaire a étéadoptée il y a près d’un siècle. On construira en particulier le triangle de cadence des paiements, oùfigurent les paiements effectués, par année de surve-nance, en tenant compte du délai écoulé. Comptetenu des particularités de certaines branches – parfoistrès courtes, où l’essentiel des sinistres sont clos aubout de deux ans (assurance santé ou accidents matériels), ou parfois très longues, où une dizained’années sont nécessaires pour clore la majorité dessinistres (en particulier en responsabilité civile ou enconstruction) –, les triangles sont présentés sur desbranches de risques « homogènes ».

Page 95: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Risques n° 83 / Septembre 2010 95

Mesurer le risque lors du calcul des provisions pour sinistres à payer

Sur le triangle 1, correspondant à des dommagesmatériels en assurance automobile, on note que pourles sinistres survenus en 1988, 3,209 millions d’eurosont été payés la même année, 1,163 million d’eurosont été payés en 1989 (soit année de survenance +1),

etc. Au total, à fin 1993, 4,456 millions d’euros ontété payés.Trois lectures de cette grille sont possibles : par annéede survenance, par année de déroulé et par annéecalendaire.

Le but de ces méthodes de provisionnement est deprévoir combien il reste à payer pour les sinistres survenus en 1988, 1989, 1990, etc. L’idée centrale est

que les cadences de paiement observées dans le passédevraient – sous certaines hypothèses – se reproduiredans le futur.

Délais avant paiement en année (s)

Tab1. Triangle des paiements (ex 1.4 de Partrat et al. (2007)) en milliers d’euros.

Lecture par annéede survenance(ici survenus en 1988)

Lecture par annéede déroulé(ici l’année de survenance)

Lecture par annéecalendaire (ici paiements effec-tués en 1993)

0

3 209

3 367

3 871

4 239

4 929

5 217

1

1 163

1292

1474

1678

1865

2

39

37

53

103

3

17

24

22

4

7

10

5

211988

1989

1990

1991

1992

1993

Ann

ée d

e su

rven

ance

Page 96: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

La science du calcul des provisions

Afin d’éviter toute dérive (car il s’agit d’assurerla solvabilité d’une société d’assurances etdonc la pérennité du marché de l’assurance),les autorités de contrôle ont rapidement

souhaité utiliser des outils « scientifiques » et rigoureuxpour provisionner. Si l’on remonte aux manuels dedroit des assurances, dans les années 1930, quelquesidées sont formalisées. Notons auparavant que l’on

peut, à partir du triangle 1 (triangle comptable oùl’on regarde à quelle date les paiements ont été effectués), construire un triangle cumulé, donnant lemontant total des paiements effectués un an, deuxans… après la survenance des sinistres. Le derniermontant sur la première ligne correspond à la chargetotale des sinistres survenus en 1988, vue fin 1993.

Si l’on suppose que tous les sinistres sont clos aubout de cinq ans, les montants figurant dans la der-nière colonne correspondent aux charges finales. Surla dernière diagonale figure le total des paiements déjàeffectués.

Afin de déterminer les montants à payer les annéesfutures, pour ces six années de survenance, on peututiliser des ratios (appelés « link ratios »). Notonsque pour les sinistres de 1988, on avait payé 1,362fois plus fin 1989 que fin 1988 (4 372/3 209) ; pourles sinistres de 1989, 1,383 fois plus fin 1990 que fin1989 ; pour les sinistres de 1992, 1,395 fois plus fin1993 que fin 1992. On retrouve par exemple dansAstesan (1938) l’idée que les « cadences des paie-ments » ainsi que ces coefficients de transition doi-vent être conservés dans le futur. Dans la réglementa-tion de 1934, il est préconisé d’utiliser une moyenne(simple) de ces coefficients. Aussi, deux ans après lasuvenance, on a payé 1,3802 fois plus qu’au boutd’un an (en moyenne). Aussi peut-on légitimementpenser que le montant qui sera payé dans deux anspour les sinistres survenus en 1993 sera de 7,200millions d’euros. En itérant cette démarche, on peutdéterminer les coefficients d’année en année.

Cette approche s’est avérée intéressante d’un pointde vue théorique, justifiée – pour un certain nombrede branches d’activité –, mais parfois relativementvolatile (en particulier sur les branches longues). Maisla méthode n’est toujours pas la méthode dite «Chain Ladder », où une moyenne pondérée estconsidérée, prenant en compte l’exposition ou leseffets volumes : si le portefeuille était plus importanten 1992 qu’en 1988, on doit donner plus de poids,plus de crédit à cette année-là. D’où l’idée de pondé-rer par les montants de paiement. Formellement, celarevient à dire que le premier coefficient de transitionest le ratio de tous les montants de sinistres vus aubout de deux ans (toutes années confondues) et detous les montants de sinistres vus au bout d’un an(pour les mêmes années). Aussi, pour la premièreannée, on a (4 372 + 4 659 + … + 6 794)/(3 209 +3 367 + … + 4 929) = 1,3809. Les corrections semblent minimes sur cet exemple, mais pour des

96 Risques n° 83 / Septembre 2010

Mesurer le risque lors du calcul des provisions pour sinistres à payer

Tab. 2. Triangle des paiments cumulés.

Délai avant paiement en année (s)

Ann

ée d

e su

rven

ance

Page 97: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

97

portefeuilles ayant connu une très forte croissance,l’estimation s’avère nettement meilleure.

Tab. 3. Estimation des coefficients de transition.

Le montant total des paiements pour les sinistres sur-venus en 1993 (vus au bout de six ans, après cinq ansde déroulé, lorsque tous les sinistres seront supposésclos) est alors 5,217 x 1,381 x 1,011 x…x 1,004 soit7,366 millions d’euros. Plus généralement, à l’aide deces coefficients, on peut estimer la partie inférieuredu triangle.

Une fois estimée la charge finale, on en déduit quele montant de provisions par année est la différenceentre la charge finale et ce qui a été payé. Pour lessinistres survenus en 1992, on pense que la chargetotale sera de 6,947 millions d’euros, et que l’on adéjà payé 6 794, il convient de constituer une provisionde 153 milliers d’euros. Sur cet exemple, le montanttotal de provisions nécessaire sera de 2,4 millions d’euros.

L’art du calcul des provisions

Comme le notait Hans Bühlmann dans lapostface du tome 2 de Denuit etCharpentier (2005), « le provisionnementn’est pas un problème de modélisation

complexe et sophisitiqué, mais plutôt un exercice de choixde modèle » : quel modèle dois-je utiliser comptetenu de mes données ? En ce sens, le provisionnementn’est plus une science, mais davantage un art, où lesavoir-faire et l’expérience de l’actuaire l’emportent.

La triangulation (présentée dans les paragraphesprécédents) est en apparence une technique simpledont le succès repose sur la qualité et l’analyse desdonnées. Ce point requiert prudence et vigilance,tout calcul est précédé d’un examen attentif des données disponibles. La traque aux anomalies (saut,grande valeur non récurrente, etc.) est le préalable dutravail de tout actuaire qui repose sur une idée simple :définir une granularité et un regroupement homogénestels que l’on puisse distinguer ce qui est récurrent,répétitif, normal en quelque sorte (que l’on nommedans notre jargon l’« attritionnel » ) de ce qui est de l’ordre du non récurrent, comme des gros sinistres dont l’ampleur n’est pas récurrente mais qui apparaissent avec un fréquence annuelle très inférieure à un.

Enfin, les événements qui en général donnent lieuà une couverture particulière dite catastrophe et quifont jouer plusieurs contrats doivent être extraits dutriangle et traités séparément. Un fois ce nettoyageeffectué, l’attention se porte sur les chiffres pour distinguer tendance et volatilité.

Risques n° 83 / Septembre 2010

Mesurer le risque lors du calcul des provisions pour sinistres à payer

Tab. 4. Triangle des paiements cumulés avec projections des valeurs futures

Délai avant paiement en année (s)

Années de déroulé 0 1 1 2 2 3 3 4 4 5

Coefficients de

transition 1,381 1,011 1,004 1,001 1,004

Ann

ée d

e su

rven

ance

Page 98: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

98

Après ce passage au tamis, l’hypothèse forte que lepassé est inficatif du futur ne peut être retenue que sous réserve d’une transformation des données en« as if » (« comme si » ou encore « toutes chose égalespar ailleurs ») : l’actualisation des sinstres passés etdes capacités de souscription en valeur d’aujourd’huipermet de renforcer les capacités de prédiction du triangle.

L’art du provisionnement consiste à voir « le vraidans l’imperfection » et à séparer le minerai de sa gangue.

Le résultat de ce travail est jugé selon le standardmarché mais surtout selon l’adéquation des prédictionsavec les réalisations. C’est seulement à ce stade que lechoix des techniques d’estimation des provisions lesmieux adaptées se présente.

Quantifier le risque associé àl’estimation de ces provisions

La méthode Chain Ladder permet d’estimerun montant de provision, en supposant queles cadences de paiement observées dans lepassé vont être maintenues, puis d’effectuer

une simple règle de trois. De nombreux actuaires onttenté de justifier cette méthode dans les années 1990.En particulier, Thomas Mack a justifié cette méthoded’un point de vue probabiliste, en montrant que souscertaines hypothèses (principalement d’indépendanceentre les années de survenance et de stabilité desméthodes de gestion des sinistres), cette méthoded’estimation était la moins volatile, et conduisait à lanotion de « best estimate », c'est-à-dire qu’en moyenneles provisions suffisaient à couvrir les paiementsfuturs. Mais, surtout, il a obtenu un intervalle deconfiance pour le montant des paiements à venir, permettant – formellement – de calculer un provisionpour incertitude, permettant d’avoir suffisementd’argent pour indemniser les assurés dans 95 % descas par exemple.

Pour cela, Thomas Mack donne une formule fermée permettant de calculer explicitement la variancedu montant de provision pour une branche donnée.

On parle alors d’incertitude sur la charge ultimepour une année de survenance (des calculs basés surles covariations permettent d’agréger les années desurvenance pour calculer le montant de provision parbranche de risque). D’autres méthodes – basées sur desapproches factorielles et des simulations stochastiques– permettent de quantifier cette incertitude dans lacharge ultime. Il s’agit alors d’intégrer à la fois l’incer-titude d’estimation (compte tenu du petit nombred’observations) et l’incertitude de modélisation. Toutcela peut se visualiser sur la figure 2.

Figure 2. Scénarios d’ajustement de modèles sur lesannées observées, et scénarios de paiements futurs.

Malheureusement, ce n’est pas ce que souhaite lanouvelle règlementation, où l’horizon temporel n’estplus la fin de la vie des sinistres déjà survenus, maissimplement la situation comptable dans un an.

La notion d’incertitude à un an

Le problème du provisionnement est que,tous les ans, une nouvelle diagonale serajoute dans le triangle, correspondant aumontant des paiements effectués durant

cette nouvelle année. Il convient alors que les actuairesmettent à jour leur prédiction de coûts de sinistres àpayer.

Si l’estimation de la charge ultime est revue à lahausse, l’assureur annonce des malis (les provisionsinitialement constituées étant alors jugées insuffisantes)alors qu’il annoncera des bonis s’il revoit l’estimationà la baisse.

Risques n° 83 / Septembre 2010

Mesurer le risque lors du calcul des provisions pour sinistres à payer

Page 99: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

99

C’est précisément cette variation dans les prédictionsde la charge ultime (ou best estimate) entre deux exer-cices qu’il conviendra de couvrir par une provisionpour incertitude. La figure 2 permet d’illustrer ce quiest alors demandé. Classiquement (comme détailléauparavant), on cherchait à quantifier l’incertitudeassociée à l’estimation de la charge ultime, correspondantau point extrême à droite (sur la figure 1). Désormais,il faut quantifier l’incertitude associée au montant de boni ou de mali. On commence par générer despaiements possibles l’année suivante (comme aupara-vant), puis on réestime le modèle, et on projette despaiements futurs.

Figure 3. On génère un scénario de paiements pourl’année suivante (entre la date n et la date n + 1), onréestime le modèle, puis on génère des paiementspossibles. On obtient alors une prédicition qui peutêtre supérieure (mali) ou inférieure (boni) à la prédi-cition précédente.

Mario Wüthrich et Michael Merz ont poursuiviles travaux de Thomas Mack et ont proposé une formule fermée d’estimation de variance des bonis-malis. Ce concept d'incertitude à un an souffre denombreux défauts. Par exemple, on suppose que laseule chose qui changera entre aujourd’hui et l'annéeprochaine est que l'on disposera d'un ensemble d'observations supplémentaires. On peut toutefois se

demander ce qui se passe si cette nouvelle informationne peut pas nous conduire à mettre à jour le modèle.Dans de nombreux modèles (qu'ils soient bayésiensou économétriques) on peut parfaitement envisagerde revoir leur forme même (changer la forme dumodèle économétrique, ou l'information a priori utilisée dans le modèle bayésien). Cette incertitude demodèle rajoute de l'incertitude, et il conviendrait de la prendre en compte d'une manière ou d'une autre.

Mais surtout, parler d'incertitude à un an esttrompeur : on peut communément penser qu'il y amoins d'incertitude à un an qu'à un horizon pluslong (cinq ou dix ans). On devrait donc avoir besoinde moins de capital. C'est ce que prétend la formuledite « approchée » de Merz & Wüthrich évoquéedans les Technical Papers. Malheureusement, cetteidée est fausse car l'incertitude à un an n'est pas l'incertitude de la prédiction des paiements qui seronteffectués l'an prochain, mais l'incertitude associée à larévision d'un estimateur. Certains assureurs ont ainsitrouvé des branches où la provision pour incertitudeà un an était plus grande que celle obtenue en calculantla certitude sur la charge ultime..

ConclusionDepuis les années 1990, de nombreuses avancées

ont été faites dans la modélisation des provisionspour sinistres à payer et dans la compréhension desmodèles. Traditionnellement, les actuaires ont utilisé laméthode Chain Ladder.

Depuis, les méthodes économétriques reposantsur des facteurs ligne ou colonne ont été approfondies(et offrent aujourd'hui une très grande richesse).Parallèlement, les méthodes bayésiennes ont bénéficiédes développements récents des logiciels. Les actuairescommencent seulement à mieux comprendre cesmodèles, souvent complexes, à mieux comprendrecomment intégrer un avis d'expert, comment prendre en compte des ruptures dans la gestion des sinistres ou de l'impact des traités de réassurance. Malheureusement, ces avancées sur lamodélisation, qui s'avèrent maintenant beaucoup

Risques n° 83 / Septembre 2010

Mesurer le risque lors du calcul des provisions pour sinistres à payer

••••••••

Page 100: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

100

plus délicates, n’ont pas été accompagnées d’unecommunication adaptée. En effet, jusqu’ici les modèlesétaient déjà compliqués à décrire, mais les actuairespouvaient s'appuyer sur le fait que la finalité étaitrelativement intuitive (quantifier l'incertitude surl'estimation du montant de la charge ultime).

Mais aujourd'hui, les actuaires doivent calculer desgrandeurs encore plus complexes (quantifier le risquede révision du montant de provision, ou le risqueassocié à leurs modèles), et ils s'interrogent sur l'inter-prétation de cette « incertitude à un an ». L’objectif desatisfaire à ses engagements vis-à-vis des assurés semble avoir été remplacé par celui de minimiser l'incertitude due aux bonis-malis. Ce qui intéressedavantage les directeurs financiers que les assurés.

Bibliographie

ASTESAN E., Les réserves techniques des sociétés d’assurancescontre les accidents automobiles, Librairie générale de droitet de jurisprudence, 1938.

DENUIT M. ; CHARPENTIER A., Mathématiques de l’assu-rance non-vie, tome 2, Tarification et provisionnement,Economica, 2005.

PARTRAT C. ; LECOEUR E. ; NESSI J.-M. ; NISIPASU E. ;REIZ O., Provisionnement technique en assurance non-vie,Economica, 2007.

SIMONET G., La comptabilité des entreprises d’asssurance,L’Argus, 1998.

WÜTHRICH M. ; MERZ M., Stochastic claims reservingmethods, Wiley Interscience, 2008.

Risques n° 83 / Septembre 2010

Mesurer le risque lors du calcul des provisions pour sinistres à payer

Page 101: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

FOCUS : Le programme fédéral Social Securityétat des lieux et enjeux

Cet ar t i c l e a é t é publ i é par l e Dépar tement Macroéconomie-Finance s

Ser vice Economique de s Etat s -Uni s Ambas sade de France Washington :

Wal l Stree t Watch NUMERO 33 du 19 Août 2010

L e programme Social Security deretraite par répartition est le poste le plus important des dépenses fédérales(700 milliards soit 20 % de ces dépensesen 2010). Financé par une cotisation de 12,4 % sur les salaires répartie à moitié entre l’employeur et le salarié, ce programme se trouve déficitaire pour la première fois depuis l’adoption de sa forme moderne en 1983.

Si l’amélioration de la conjoncturedevrait permettre à ce programme deredevenir excédentaire dès 2011, levieillissement de la population devrait leremettre en déficit à partir de 2016 selonle Congressional Budget Office (CBO)(2015 selon le conseil d’administrationdu programme). En puisant dans lesexcédents accumulés les années passées, leprogramme Social Security devrait être

en mesure de faire face à ses engagementsjusqu’en 2039 selon le CBO. Parmi lesmesures étudiées par le CBO, l’augmenta-tion de la fiscalité, notamment sur lessalaires les plus élevés actuellement qui necotisent pas à Social Security, semble avecla diminution des prestations versées, êtreparmi les options les plus efficaces pour maintenir l’équilibre financier duprogramme.

� Social Security est déficitaire en 2010 pour la première fois du fait duvieillissement de la popu-lation et de la crise

Le programme de retraite par répartitionSocial Security créé le 14 août 1935 parle Social Security Act permet de verser à53 millions d’américains une pensionde retraite (ayants droits ou cotisantspour 81 % des bénéficiaires) ou desallocations de handicap (ayant droits ouhandicapés pour 19 % des bénéficiaires).En 2008, 90 % des personnes âgées deplus de 65 ans aux Etats-Unis perce-vaient des allocations de ce programmeet pour 57 % de ces bénéficiaires, cesallocations représentaient la moitié de

leur revenu (pour les 30 % des bénéfi-ciaires les plus pauvres, ces versementsreprésentaient 90 % des revenus).

Les salariés sont éligibles au programme Social Security dès 62 anss’ils ont cotisé pendant au moins 10 années entières. Les prestations sontcependant minorées pour les personnespartant en retraite avant l’âge légalétabli à 66 ans et elles sont majoréespour les personnes partant en retraiteplus tard (jusqu’à 70 ans 1). Une progressivité des prestations est intro-duite, le taux de remplacement étantplus élevé pour les salaires inférieurs. Le taux de remplacement pour les personnes qui partent en retraite après65 ans s’élève en moyenne à 40 % etcorrespond à une pension moyenne de16 500 dollars par an.

Ce programme fédéral représente 20 %des dépenses fédérales en 2010 soit unpeu plus de 700 milliards. Il fait partiedes programmes dits « obligatoires »(mandatory) qui ne font pas l’objetd’un vote par le Congrès. Le budget duprogramme pour chaque année fiscaleest l’estimation de la valeur totale desprestations versées. L’Office forManagement and Budget fait ces prévisions en prenant en compte les facteurs démographiques etéconomiques.

Les ressources du programme pro-viennent à 97 % d’une cotisation de12,4 % sur les salaires répartie à moitiéentre l’employeur et le salarié, et pourles 3 % restants, d’une taxe payée parles foyers les plus riches sur leurs presta-tions perçues en provenance du

101Risques n° 83 / Septembre 2010

Page 102: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Études

programme Social Security. En 2010,les recettes collectées pour financer ceprogramme atteignent 650 milliards,soit 30 % des recettes publiques.

Pour la première fois depuis 1983, lesolde de Social Security est déficitaire de41 milliards soit 0,3 % du PIB 2010.Cette situation déficitaire est princi-palement due à l’arrivée à l’âge légal dedépart en retraite des premiers baby-boomers qui a fait brusquement augmenter les dépenses du programme(cf graph ci-dessous).

En 2009 les dépenses ont atteintl’équivalent de 4,8 % du PIB, ellesdevraient rester à ce niveau en 2010selon l’Office for Management andBudget (OMB) et le CBO. De plus, ladétérioration du marché du travailcausée par la crise économique dès2008, a entrainé une chute des recettesdu programme qui proviennent principalement de cotisations salariales.

La reprise économique devrait setraduire par un nouvel excédent deSocial Security à partir de 2012 selon leBoard of Trustees (conseil d’adminis-tration du programme) dirigé parTimothy Geithner, le Secrétaire d’Etat

au Trésor. Ces excédents sont gérés pardeux trust funds, dédiés aux pensions de retraite et aux allocations pourhandicapés, et placés en bons duTrésor. En mai 2010, ces deux fondsdétenaient 2553 milliards de dollars enbonds du Trésor soit presque 20 % dela dette fédérale totale.

� Social Security seradéficitaire durablementdès 2016 du fait duvieillissement de la population

Le vieillissement de la population fragilise l’équilibre budgétaire de SocialSecurity. En effet, entre 2010 et 2035,le nombre de personnes éligibles à uneretraite pleine va augmenter de 90 %(de 53 à 93 millions) tandis que lenombre de cotisants (20-65 ans) vaprogresser de 10 % seulement. Selonles projections réalisées par le CBO, lesdépenses de Social Security devraient

progresser de 4,8 % à 6,2 % du PIBentre 2010 et 2035, tandis que lesrecettes ne devraient pas dépasser 5 %du PIB. Le programme devrait êtredéficitaire dès 2016.

Compte tenu des excédents accumulésles années passées, Social Securitydevrait être en mesure de verser les pen-sions et allocations handicaps prévuesen puisant dans ces fonds pendantplusieurs années et ne sera plus enmesure d’honorer ses prestationsprévues dès 2037 selon l’administra-teur du programme et 2039 selon leCongressional Budget Office (CBO).

Selon les projections du CBO, 20 %des prestations prévues ne seront pascouvertes par les recettes en 2040.

Ainsi, le déficit du programme pourraitatteindre plus de 100 milliards de dollars en 2020 (0,4 % du PIB), plusd’un trillion de dollars en 2050 et 5 400 milliards dans 75 ans (0,7 %point de PIB).

102 Risques n° 83 / Septembre 2010

Figure 1Distribution of Social SecurityBeneficiaries, by Type of BenefitsReceived, 2010a

Spouses and Childrenof Retired Workers

Spouses andChildren ofDisabled workers

Sources: Congressional Budget Office; Social SecurityAdministration, data for May 2010

Survivors of deceaed

Workers

Disabled workers

15 %

Retired workers 64 %

5 %

12 %4 %

Page 103: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Risques n° 83 / Septembre 2010 103

Études

La mise en oeuvre de la réforme de lasanté devrait avoir un impact positifquoique limité sur les comptes de ceprogramme. En effet, la mise en placedès 2019 d’une taxe sur les plans d’assurance santé les plus coûteux(assurances dites « Cadillac ») doit permettre une hausse des salaires (lessommes non investies par lesemployeurs sur des programmes collec-tifs d’assurance devraient être reverséessur les salaires des employés) qui sonttaxés au titre du programme SocialSecurity. Cette mesure pourrait ainsiengendrer une hausse des revenus duprogramme et donc une baisse dudéficit à 75 ans du programme de 2 à1,9 % de la masse salariale imposable(1,6 % selon le CBO). Compte tenu du déséquilibre croissantde ce programme, le CBO a récemmentprésenté plusieurs pistes de réformes.

� Options à l’étude pourrééquilibrer les comptesde Social Security

• Alourdir la pression fiscale Selon les projections réalisées par leCBO, une augmentation de 12,4 à13,4 % du taux de prélèvement – tou-jours réparti à égalité entre employeuret salarié - dès 2012 permettrait derepousser l’échéance de 2039 à 2056.Une augmentation progressive de 0,1point de pourcentage chaque année sur20 ans du taux de prélèvement quiatteindrait dès lors 14,4 % en 2031permettrait de repousser à 2083 lemoment où le programme ne sera plusen mesure d’honorer ses engagements. Alternativement, l’avantage fiscal dontbénéficient les 7 % des salariés lesmieux payés (au-delà de 107 000 dol-

lars par an) qui ne sont pas soumis auxcotisations au titre de ce programmepourrait être supprimé ou réduit. Selonles projections réalisées par le CBO, sicette exemption était totalement supprimée, les recettes progresseraientsuffisamment pour repousser à 2083 la date de faillite du programme. Enmettant à contribution les salariés gagnant moins de 250 000 dollars paran, l’équilibre du programme pourraitêtre maintenu jusqu’à 2077. Enfin, lesprojections du CBO montrent qu’uneaugmentation du taux de cotisation surles salaires les plus élevés permettraitégalement de conserver plus longtempsl’équilibre du programme 2.

• Réduire les prestations Parmi les options de diminution desprestations, la diminution du taux deremplacement apparaît comme lamesure qui permettrait le plus demaintenir l’équilibre du système. Selonle scénario étudié par le CBO quiprévoit une baisse du taux moyen deremplacement de 40 à 32 %, en faisantévoluer à la baisse les pondérations utilisées dans le calcul des pensions,Social Security devrait être en mesure deverser les pensions prévues jusqu’en2076 3. Une augmentation du nombre d’annéesà prendre en compte pour calculer lapension d’un retraité ne permettrait passignificativement de rétablir l’équilibredu programme. En effet, le CBOestime que si le calcul des prestations nese faisait plus sur les 35 meilleuresannées, mais sur 38, la date d’épuise-ment des fonds ne serait repoussée qued’une ou deux années.

Enfin, le CBO estime que le fait deréviser à la baisse les prestations pro-

portionnellement à l’augmentation dela longévité ne devrait pas permettre derallonger la période de viabilité du pro-gramme car les effets d’une telle mesurene pourraient se faire sentir qu’à trèslong terme, la hausse de la longévitéétant lente et peu marquée d’une annéesur l’autre.

• Augmenter l’âge légal de départ enretraite Le CBO estime qu’une augmentationde l’âge légal de départ à la retraite nepermettrait pas d’améliorer significa-tivement l’équilibre du programme àlong terme. En effet, selon les projec-tions réalisées, si l’âge légal de départ àla retraite est relevé de 66 à 67 ans en2022 puis augmenté de deux mois tousles ans, la date d’épuisement des fondsn’est pas significativement repoussée(sans plus de précision de la part duCBO).

Notes

1. Ces règles ne s’appliquent pas aux ayant-droits des retraités, des personnes décédéesainsi qu’aux personnes qui deviennent handicapées et ne peuvent plus travaillerainsi qu’à leurs ayant-droits.

2. Une taxe de 4 % sur les salaires supérieursà 107 000 dollars permettrait de maintenirl’équilibre du programme jusqu’à 2051(2043 si seuls les plus de 250 000 cotisent à 4 %).

3. Les pensions de retraite sont déterminéespar trois pondérations fixées à trois tranchesde revenu : 90 % pour la première tranche dusalaire mensuel (en dessous de 761 dollars),32 % pour la deuxième (entre 761 et 4586 dollars) et 15 % de la troisième (audelà de 4586 dollars). Si l’on ramenait cestaux respectivement à 77 %, 27 % et 13 %,le programme serait viable jusqu’en 2076.

Page 104: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Risques n° 83 / Septembre 2010104

Études

Le traitement des inondations en catastrophe naturelle :un système à adapter

Johnny DouvinetUn i v e r s i t é d ’ Av i g n o n e t d e s Pa y s d u Va u c l u s e ( UA P V ) , U M R E s p a c e 6 0 1 2 C N R S 1

L a reconnaissance de l’état de « catastrophe naturelle » permet auxassurances d’indemniser leurs assurés lors de la survenue de phénomènes hydro-climatiques majeurs (inondations, mouvements de terrain, affaissements dessols liés à une très forte sécheresse) et d’occurrence décennale depuis la loi du13 juillet 1982. Ce système, basé sur unprincipe de solidarité nationale et mis enapplication depuis le 1er janvier 1983,accompagne, à l’origine, la mise en placedes plans d’exposition aux risques (PER).L’objectif était alors de recenser les

communes les plus souvent indemniséesafin de définir des priorités dans les politiques d’aménagement. Ces déclara-tions rassemblées dans la base Gaspar(Gestion assistée des procédures adminis-tratives relatives aux risques naturels)sont couramment utilisées (notammentpour des études portant sur les inondations),mais plusieurs précautions doivent pourtant être prises : la reconnaissance « catnat » est éminemment politique ;faibles sont les critères de scientificité ; levolet économique (coût des dommagesindemnisés) est totalement négligé ; les

effets d’aubaine et les pôles urbains onttendance à surévaluer le risque à traversun nombre plus important d’arrêtés, etc.

Des procédures d’indemnisationconnexes, appliquées par exemple au titre des « calamités publiques », peuventen parallèle exclure des communes de labase Gaspar, bien que ces dernières aientété durement touchées par des inonda-tions. Dès lors, cet article a pour objectifde faire un bilan des limites possibles aux utilisations futures de cette base dedonnées.

En France, toutes les personnes quipossèdent pour leurs biens une assurance« dommages contre les effets des catas-trophes naturelles » sont automatiquementindemnisées si ces dernières surviennent.La loi du 13 juillet 1982, reprise dansl’article L-125-1 (et les suivants) dans lecode des assurances, puis modifiée parla loi du 4 août 2003, fixe le cadre decette indemnisation. Cette couverture automatique, baséesur un régime de solidarité nationale,est conditionnée par le fait que l’événe-ment doit être reconnu comme une « catastrophe naturelle » par les pouvoirspublics. Pour cela, un arrêté interministérieldoit être officialisé pour autoriser,

ensuite, les victimes à constituer undossier auprès des assurances en vue dudédommagement des préjudices subis(Pottier, 1998 ; MEDD, 2005). Les arrêtés sont notifiés par le préfet puistransmis aux communes concernées.Conjointement, ces arrêtés alimententla base Gaspar qui est directement renseignée par le personnel du ministèrede l’Environnement (dénommé en2010 le MEEDDM : ministère de l’Écologie, de l’énergie, du développe-ment durable et de la mer).

Ces données sont couramment utiliséesdans le domaine de la géographiepuisqu’elles permettent de travailler surla sinistralité des inondations, ces

dernières étant alors considéréescomme dommageables pour les sociétés (Delahaye, 2002 ; Pigeon, 2002 ;Hay-Lepêtre, 2005 ; Douvinet, 2006 ;Vinet, 2008). D’autres sources peuvent être néces-saires pour constituer des inventairesexhaustifs sur les phénomènes d’inon-dations (Lang et al., 1998 ; Jacob-Rousseau, 2009). On peut ainsi citerles coupures de presse, les donnéesarchivées, les déclarations aux assurances, la base de la Caisse centrale de réassurance, etc. Plusieurstravaux ont aussi démontré l’intérêtd’avoir recours à des retours d’expérience(Garry, 1995 ; Antoine et al., 2001 ;Vinet, 2003 ; Gaume et al., 2009) ou

Page 105: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Risques n° 83 / Septembre 2010 105

Études

d’utiliser des données historiques(Ballais et Ballais, 1994 ; Laganier, 2002).Ces inventaires peuvent être complétéspar les informations issues des journauxet des médias mais l’utilisation dessources journalistiques est sujette à caution (Hay-Lepêtre, 2005 ; Agasse etCador, 2006 ; Douvinet, 2008). Labase Gaspar reste néanmoins la plusemployée pour plusieurs raisons : elledemeure homogène sur l’ensemble duterritoire ; elle repose sur des critères apriori équivalents (i.e. appliqués de lamême manière quelle que soit la taillede la commune touchée) et inchangésdepuis 1983 ; enfin, c’est la seule basede données qui existe sur une périodelongue pour définir des périodes deretour sur la sinistralité liée à desphénomènes naturels.

C’est pour cette dernière raison que lesinventaires sur les inondations font systématiquement référence à cettebase catnat.

Bien que bénéficiant d’une large adhésion de l’opinion dès sa création(adoption en première lecture à l’una-nimité par l’Assemblée nationale), puis soutenu par les gouvernementssuccessifs (MEEDDM, 2010), le systèmefrançais peut pourtant paraître, selon laCour des comptes (2008), « injuste », « lent », et l’articulation entre l’indem-nisation et la prévention demeure inexistante (Ledoux, 2006 ; Douvinetet al., 2010).

Une précédente étude avait égalementmis en avant plusieurs effets de distor-sion, et certaines limites restreignentl’utilisation des données catnat dans laperspective de réaliser un inventaire des

inondations. L’exemple portait plusspécifiquement sur la localisation des «crues rapides » affectant les régions duNord de la France (Douvinet, 2006).L’objectif de cet article n’est pas de mettre en cause les précédents inven-taires réalisés mais plutôt d’informer lesutilisateurs sur les problèmes imputablesà la structure de la base Gaspar et auprincipe même de la reconnaissance.

� Principe d’indemnisationface aux « catastrophesnaturelles»

� La couverture catnat

La garantie catastrophes naturelles couvre les dommages aux habitations,aux entreprises commerciales, indus-trielles et agricoles, aux véhicules, et ce,dans les limites et conditions du contratsouscrit (Mission risques naturels,2009). Une somme reste néanmoins àla charge des assurés : elle s'élève à 380 euros pour les biens à usage privé(maison, véhicule terrestre à moteur) età 10 % du montant des dommages,avec un minimum de 1 140 euros pourles biens à usage professionnel (entre-prise, commerce...).

Cette franchise (qui s’élève à 1 520 eurospour la sécheresse) peut être moduléeen cas de sinistres répétitifs (suite à l’application du système de franchisesdepuis 2001) si la commune n'est pas dotée d'un plan de prévention des risques naturels (PPRN). Cettemodulation peut quadrupler le mon-tant de la franchise initiale (Fédérationfrançaise des sociétés d’assurances,2008).

Aux termes de la loi, sont considéréscomme les effets des « catastrophesnaturelles » les dommages matérielsdirects non assurables ayant eu pour cause déterminante l'« intensité anormale » d'un agent naturel lorsqueles mesures habituelles à prendre pourprévenir ces dommages n'ont puempêcher leur survenance ou n'ont pu être prises. La circulaire n° 84-90 du27 mars 1984 définit précisément lesévénements pris en compte : les inon-dations, le ruissellement d’eau, de boue ou de lave, les glissements ou effondrements de terrain, la subsidencedu niveau marin, les séismes, les raz demarée, les cyclones, les masses de neigeou de glace en mouvement. Cesphénomènes sont classés dans 28 items.Il s’agit des risques qui n’étaient pascouverts selon les règles traditionnellesde l’assurance jusqu’en 1982. En outre,il est précisé par cette circulaire que laloi n'intervient pas là où des garantiesclassiques existent. Ainsi, les actionsdirectes du vent ou des chocs de corpsprojetés par le vent, la grêle, le poids dela neige et les dommages de mouilleconsécutifs sont pris en charge par unautre système de garantie, appelé TGN(tempête, grêle, neige sur les toitures).

Depuis le 25 juin 1990, les effets liésaux « ouragans » et aux cyclones sontpris en charge mais uniquement dansles zones tropicales : un cyclone enMartinique sera donc couvert par lerégime, alors que la tornaded’Haumont (2008) ne l’a pas été. Parailleurs, les dégâts liés aux « sécheresses »seront surveillés de près : interventionsur les dommages importants mais pas sur les fissures. Cette restrictionintervient notamment à cause des

Page 106: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Risques n° 83 / Septembre 2010106

Études

« atermoiements de l’État » face à l’indemnisation de la sécheresse de2003 qui a mis au jour une des limitesdu système français, à savoir l’absencede réserves de liquidités suffisantespour couvrir une catastrophe majeure(Cour des comptes, 2008).

� De la catastrophe à l’arrêtéinterministériel

Dès la survenue d’un sinistre, lesadministrés doivent informer le maire de leur commune afin que cedernier puisse engager la procédure dereconnaissance de l’état de « catastrophenaturelle ». À ce titre, le maire a pourmission de remplir une fiche synthé-tique, indiquant la date de l’événementet, si connues, l’heure d’apparition et lanature du phénomène. Déjà, à cemoment, on peut émettre des réservessur le choix fait par le maire quant à lanature du sinistre : de nombreuses fiches consultées ont montré que les « crues rapides » du Nord de la Franceentraient souvent, à tort, dans la catégorie « laves torrentielles ».

En parallèle, les maires doivent déclar-er l’étendue du sinistre à leurs assureurset établir une liste des dommages subispour faciliter l’indemnisation. Les services municipaux rassemblent deleur côté toutes les demandes des sinistrés afin de constituer un « fondsde dossier » qui comprend les recon-naissances antérieures dont a bénéficiéla commune, les mesures de préventionprises et divers rapports techniquesdans certains cas (DDE, DDAF,Diren). Ce dossier est ensuite adressé àla préfecture du département quiregroupe l’ensemble des demandes descommunes affectées par un même

phénomène. La préfecture sollicitealors les rapports techniques complé-mentaires et transmet les dossiers pourinstruction à la Direction de la défenseet de la sécurité civile (DDSC) rattachéeau ministère de l’Intérieur. Une commission Interministérielle estensuite chargée de se prononcer, nonpas sur l’importance des dégâts maisbien sur le caractère d’« intensité anor-male » de l’agent naturel qui ressort desrapports techniques joints aux dossiers.Pour déclarer une inondation comme « catastrophe naturelle », la pluiemesurée au plus près de la zonetouchée doit présenter une intensitésupérieure à la valeur décennale pourêtre qualifiée d’« anormale ». Elle doitêtre indiquée sur des pas de tempssupérieurs à une heure (instruction catnat du 15 février 2000).L’intégration des lames d’eau estimées àéchelle fine, grâce aux échos-radars desstations du réseau Aramis de MétéoFrance, permet depuis plusieurs annéesde visualiser le passage des zones pluvieuses les plus intenses mais ausside vérifier la fiabilité des relevés à différents pas de temps (Météo Franceet MEDD, 2004). L’imagerie radarétait déjà disponible à partir de 1986,mais la taille des pixels des images a étérécemment affinée en passant del’échelle de 10 km2 à celle du km2 en2000. Une fois la pluie étudiée, troisissues sont envisageables : avis favorable(reconnaissance publiée au Journal officiel) ; avis défavorable (dans ce cas-là, l’intensité anormale de l’agentclimatique n’a pas été reconnue) ; ouajournement (un réexamen du dossierest alors proposé pour cause de piècesdéfaillantes ou incomplètes dans ledossier). Les avis favorables et défavo-rables donnent lieu à la prise d’un

arrêté ministériel. Ces avis sont notifiéspar le préfet puis à chaque communeconcernée. L’arrêté interministérielportant reconnaissance de l’état de « catastrophe naturelle » doit être publié au Journal officiel dans un délaide trois mois à compter du dépôt desdemandes à la préfecture.

� Limites imputables auprincipe de reconnaissance

� Une décision avant tout politique

Plusieurs doutes sont tout d’abord émissur la scientificité de la prise de décisioncar le classement en « catastrophenaturelle » repose sur une décision politique et non sur des critères scien-tifiques rigoureux (Latruffe, 2000 ;Dauphiné, 2001 ; Douvinet, 2006 ;Vinet, 2008). D’ailleurs, les politiquesfont souvent pression sur les assureurspour que certaines reconnaissancessoient prises en urgence, notamment sile phénomène est de grande ampleur.Pour illustrer ce propos, il suffit de rappeler que suite aux 53 décès constatés causés par la tempête Xynthia(28 février 2010), les arrêtés ont été prisen hâte le 1er mars, soit le lendemainde l’inondation (bien sûr, sans aucuneexpertise détaillée) et les communes desdépartements de Vendée, Charente,Charente-Maritime et Deux-Sèvresont été reconnues dans leur globalité ! Si l’on se focalise sur les inondations etsur le seuil d’intervention de la garantie(la pluie décennale), ce critère peutparaître subjectif, notamment pour despluies à caractère orageux. En effet, lesstations météo ne sont pas toujourssituées sous l’épicentre pluvieux carleur réseau reste assez lâche

Page 107: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Risques n° 83 / Septembre 2010 107

Études

(Météo-France et MEDD, 2004). Sil’imagerie radar a permis d’améliorer laprécision des mesures depuis 2000, ellen’est pas fiable à 100 % puisqu’elle peutparfois présenter des déficiences,comme ce fut le cas lors des pluiesorageuses du 4 juillet 2005 (Douvinetet al., 2008). La valeur décennale n’aégalement pas beaucoup de significa-tion. La qualification en termes deprobabilité/période de retour par laméthode de renouvellement (ou loiGEV) nécessite de disposer deréférences régionales statistiquementvalides, donc d’avoir des donnéesrecueillies sur une période de plus detrente ans (une « normale » au sens climatique). Pourtant, cette démarchen’est valable que pour une minorité destations à l’échelle de la France.

Ces « intensités anormales » laissentbeaucoup de latitude à la commissioninterministérielle qui est avant tout à larecherche d’un compromis entre lesintérêts multiples et contradictoires desassureurs et des assurés, sans oublier sespropres intérêts et ceux des élus. Dansson rapport, le MEEDDM (2010)rappelle que l’intervention de l’État vabien au-delà de ce rôle de réassureur (laCaisse centrale de réassurance est une société anonyme, contrôlée à 100 % par l’État) : elle recouvre laresponsabilité de déterminer au cas par cas si un sinistre a bel et bien le caractère d’une « catastrophe naturelle »(p. 76). Pourtant, les ministères del’Environnement successifs n’ont cesséde rappeler que ce recours insuffisant àune expertise scientifique était un facteur limitant la pertinence de la prisede décision (MEDD, 2005 ; Cour descomptes, 2008 ; MEEDDM, 2010).

� Une vision économique totalement occultée

Le coût des dommages associés àchaque événement n’est pas mentionnédans la base Gaspar, ce qui limite considérablement l’interprétation desarrêtés catnat. Un arrêté peut générer 1 million d’euros d’indemnisations,puis un autre cent fois moins ; peuimporte : l’événement a été reconnu.Les rares cartes publiées par la Caissecentrale de réassurance confirment queles coûts des dommages sont disparateset ce, même pour des communessituées à proximité les unes des autres.Pour les inondations de la Somme en2001 (figure 1), les indemnisationsoscillent entre 2,4 et 17,8 millions d’euros

(pour 5 communes), contre moins de20 000 euros pour la plupart desautres reconnaissances (315). Plusieurscommunes ont été déclarées pour desdommages relativement faibles par rap-port à ceux de la vallée de la Somme(sur la carte sont ainsi associées des

communes localisées sur les nappes duBathonien, dans la plaine de Caen, ousur les plateaux calcaires du Pays deCaux), profitant finalement d’un effetd’aubaine. Cependant, une carte par « arrêté » donne une vision bien plusuniforme pour cet événement (unarrêté par commune).

En poursuivant cette logique, onsouligne une limite importante de ce système. Si on réalise une carte par « arrêté » :- on accordera à la récurrence des déclarations plus d’importance qu’auximpacts économiques engendrés par lesphénomènes naturels ;- on donnera plus de poids à une commune qui a été déclarée plusieursfois, en comparaison à celle touchée

une seule fois mais par un événementextrême.

Cet effet de distorsion a plusieurs conséquences : une concentration desreconnaissances autour des plus grandesvilles (ce constat peut s’expliquer par les

Figure 1 – Cartographie des indemnisations suite aux inondations par remontée de nappes de la Somme aucours de l’été 2001 (d’après les publications internes de la CCR, 2008).

Page 108: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Risques n° 83 / Septembre 2010108

Études

plus forts taux de surfaces bâties quideviennent autant de zones potentielle-ment vulnérables, Douvinet, 2008) ;l’augmentation des cotisations et desfranchises (en entraînant des inégalitésentre assurés) sur des communes où le risque n’est pas si élevé.

� Incidence de la modificationdu système de franchises

Les rapports entre les élus et le régimed’indemnisation depuis les années1980 sont souvent évoqués dans la littérature scientifique (Latruffe, 2000 ;Pottier, 2000 ; Pigeon, 2003 ; Hay-Lepêtre, 2005), mais les conséquences sont impossibles à quantifier. La méconnaissance de laprocédure a conduit, au départ, denombreuses communes à ne pas réaliser un dossier d’indemnisation. Lesmaires ne voyaient pas non plus l’utilité de déclarer leur commune encas de sinistre. Les événements majeursdu Grand-Bornand (1987), de Nîmes(1988) puis de Vaison-la-Romaine(1992) vont remettre à l’ordre du jourla prise en compte des inondations,inversant la tendance des premièresannées. En revanche, suite à la mise enapplication d’outils réglementaires telsque plans de prévention des risquesnaturels en 1995, certains maires ont à nouveau vu dans cette démarche l’arrivée de contraintes supplémentairessur leur pouvoir urbanistique et sur ledéveloppement futur possible de leurcommune.

La mise en place d’un système de franchises imposé par la Caisse centralede réassurance a sans doute encore plusfreiné les demandes à partir des années2000. La franchise (surprime de 12 %

pour les particuliers) est modulée enfonction du nombre d’arrêtés pris pourle même risque sur les cinq annéesprécédant la demande d’arrêté (en casd’absence du PPR). Quand la commune a n arrêtés, la franchise estmultipliée par n – 1. Cette modulationdes franchises a eu plusieurs con-séquences : les événements mineurs nesont plus déclarés aujourd’hui ; lescommunes régulièrement reconnuescraignent de plus en plus cette modula-tion de franchise ; il arrive même qu’unConseil général paye la franchise pourcertaines communes qui n’ont pas lebudget suffisant... Cette « autocensure »(des maires ou des instances institu-tionnelles) conduit à une sous-estimation du nombre d’inondations età une accentuation des contrastesrégionaux. Tous ces éléments sont connus mais leurs effets restent impos-sibles à quantifier statistiquement.

� Conséquences dans l’archivage des données

Certains événements sont mal qualifiéset mal délimités. Les deux premièresannées enregistrées (1983-1984) sont à exclure car les critères des arrêtés « catastrophes naturelles » n’étaient pasencore affirmés, aboutissant ainsi à unesur-prescription d’arrêtés (Vinet, 2008).Les reconnaissances du 14 novembre 1982doivent, par exemple, être mises decôté : à une époque où le système catnat n’en était qu’à ses débuts, les premières décisions restent sujettes àcaution. Se greffe ensuite le problèmedes arrêtés politiques. Les reconnais-sances prises après les tempêtes du 26 décembre 1999 concernent plus de28 000 communes, soit autant que lesarrêtés déclarés entre 1984 et 1999.

Bien sûr, certaines communes ont étéréellement touchées par des inonda-tions associées à des tempêtes, « maisces arrêtés avaient été pris essentiellementpour des raisons politiques et pour rassurer une population désemparée parles deux catastrophes de grande ampleur àla veille de l’an 2000 » (Vinet, 2008).Inclure ces arrêtés reviendrait à surestimer le risque car des communesnon soumises aux inondations seraientassociées dans l’interprétation.

Il faut alors travailler non pas sur lenombre d’arrêtés mais sur le nombrede communes reconnues (ou déclarées).Le même arrêté peut concerner ungrand nombre de communes lorsqueles phénomènes géographiques en jeu(inondation, sécheresse, séisme)affectent des territoires étendus. Aucontraire, les phénomènes d’avalanche,de glissement ou d’éboulement restent,dans la majorité des cas, limités à une partie d’un territoire ou d’unecommune (Vinet ; 2010).

� Limites liées à l’architecture de la base Gaspar

� Une catégorie trop généraliste

Les reconnaissances permettentgénéralement d’analyser l’occurrenced’événements dommageables dans lescommunes concernées et l’archivagedans l’item « inondations et coulées deboue » est assez fiable (Delahaye, 2002 ;Vinet, 2008).

Parmi les items présents dans la base dedonnées, cette catégorie peut pourtant

Page 109: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Risques n° 83 / Septembre 2010 109

Études

apparaître trop « généraliste » : elleregroupe différents types d’inondation,associant des phénomènes classiques(débordements de cours d’eau, remon-tées de nappes) et des inondations plusponctuelles et exceptionnelles, spéci-fiques à certains secteurs géographiques(ruissellements urbains ou ruraux,crues rapides, saturations des réseauxd’eaux pluviales). Son utilisation doitalors être raisonnée et surtout se limiterà une étude globale sur les inondations,au sens le plus large possible.

La différenciation entre les processusreste impossible sans une analyseapprofondie des dossiers associés à laprise de décision de l’arrêté catnat.

Ces dossiers demeurent toutefoisincommunicables au public pour unedurée de trente ans, et seule une « con-vention recherche » peut permettre lamise à disposition de tels fichiers. Uneétude menée dans le Nord de la France(Douvinet, 2006) a, par ailleurs, confirmé le fait que des dommages liésaux tempêtes et à la grêle pouvaient êtremêlés à ceux liés à des inondations (figure 2). Normalement, ces dégâtssont exclus du régime catnat (au mêmetitre que les dommages associés auxouragans et aux cyclones) : ils sontcouverts par les assurances privéesdepuis le 25 juin 1990.

La majorité des dégâts observés à lasuite des épisodes du 14 août 1985, du23 juillet 1988 (mort de deux personnes),du 4 juillet 2005 (épisodes de tempête)ou du 24 juillet se retrouvent pourtantdans les dossiers archivés sous l’item «inondations et coulées de boue ». Il estdonc délicat d’utiliser les arrêtés sansconnaître ce qui se cache réellementderrière la prise de décision.

� Une échelle communalesujette à caution

L’avis rapporté à l’échelle de la commune permet de localiser celles quisont les plus fréquemment reconnueset de définir des secteurs sensibles considérés comme des épicentres (Ifen,2004). Pourtant, cet échelon est sujet àcaution. En effet, les inondations neconcernent souvent qu’une partie duterritoire de la commune et non satotalité. À ce titre, il existe sans douteune « prime à l’événement majeur » :lorsqu’une commune est fortementsinistrée, les communes situées à proximité et qui font une demande dereconnaissance ont bien évidemmentplus de chances de se faire reconnaître.Cet effet d’agrégation masque des disparités dans l’ampleur des dégâtsqui, de toutes façons, ne sont pas prisen compte lors de la prise de décisionde l’arrêté. Il est par ailleurs impossiblede connaître les entités fonctionnelles

qui ont induit les inondations. EnSeine-Maritime, la commune deBarentin a par exemple été reconnuepour les événements du 10 mai 2000,mais en réalité ce sont cinq petits val-lons situés en rive droite de la vallée del’Austreberthe qui sont à l’origine decrues violentes et soudaines. Le coût etla localisation des sinistres devraientalors être pris en compte dans le cadrede la procédure catnat. Quant à lavaleur des pluies, elle n’est pas non plusgénéralisable sur les communes quidemandent la reconnaissance.

À cet égard, il est intéressant d’évoquerla proposition d’E. Biwer en vue d’uneréforme du système d’indemnisation :la catastrophe serait définie à l’échellede la zone constatée comme affectée,soit à une échelle infracommunale(MEEDAD, 2005).

� Des cas d’exclusion de communes

Il convient aussi de souligner le fait qued’autres démarches d’indemnisationexistent et qu’elles peuvent se substituerà la procédure de reconnaissance catnat. Lorsque les dégâts sont d’uneampleur telle que des solutions doiventêtre apportées le plus rapidement possible aux démunis, il est possibleque l’État fasse appel au fonds de secours d’extrême urgence aux victimesdes calamités publiques. Le terme « calamités publiques » désigne tous les« cataclysmes naturels ou les événements »qui ont entraîné la destruction desbiens meubles ou immeubles avec unegravité exceptionnelle. Ce crédit a étéouvert pour la première fois au budgetdu ministère de l’Intérieur par la loi du12 avril 1972 (MEEDAD, 2005). Lessommes distribuées constituent des

Figure 2 – Talmont-Saint-Hilaire (62), le 11 juin1997. Dégâts retrouvés dans les dossiers portantreconnaissance de l’état de « catastrophe naturelle »pour la catégorie « inondations et coulées de boue »(d’après les dossiers catnat, DDCS ; Douvinet,2008).

Page 110: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Risques n° 83 / Septembre 2010110

Études

secours et non pas une indemnisationtotale ou même partielle des pertessubies. Les sinistrés ne peuvent se prévaloir d’un droit à la réparation desdégâts : il s’agit de secours d’extrêmeurgence ayant pour objet d’aider lesbénéficiaires à faire face à des besoinsvitaux (nourriture, logement). Ce sontdes secours individuels réservés auxpersonnes démunies se trouvant dansune situation difficile au lendemaind’un sinistre. La procédure peut êtredemandée à titre individuel (pour unpavillon sinistré), à titre communal(telle la demande de la commune deBourguignon-sous-Coucy dans l’Aisne,pour les dégâts liés à des pluies extrêmesestimées à 90 mm en 40 minutes le 7 juillet 2000), ou à titre départemental(comme dans le cas de la tempête du23 juillet 1990 pour la totalité dudépartement de l’Essonne). Quoi qu’ilen soit, les communes qui font cettedémarche sortent automatiquementdu régime d’indemnisation au titre des« catastrophes naturelles » et donc, defacto, de la base Gaspar.

D’autres procédures de remboursementpeuvent également faire disparaître decette base des communes touchéeslorsque la majorité des biens ne sontpas des biens personnels. Si la plupartdes biens dégradés sont d’ordre public,une subvention particulière estattribuée par le ministère de l’Intérieur,plus exactement par la Sous-Directiondes finances locales et des culturespubliques au sein de la Directiongénérale des collectivités locales(DGCL). Lorsque les dégâts sont desbiens agricoles (récoltes nonengrangées, cultures, sols et cheptel vifhors bâtiment), l'indemnisation estrégie suivant les dispositions des articles

L361-1 à L361-21 du code rural et laloi 64-706 du 10 juillet 1964. LeBureau des calamités agricoles (quidépend aujourd’hui du Bureau créditassurance, sous le ministère desFinances, et qui dépendait autrefois duministère de l’Agriculture) constitue undossier portant sur le montant exactdes dommages et des pertes en terre.L’indemnisation est basée sur uneexpertise agricole réalisée par laDirection départementale de l’agricultureet des forêts (DDAF) et sur un barèmedépartemental qui définit le prix desremboursements en fonction du prixdes cultures : 20 % des pertes agricolessont généralement remboursées ; unepartie de cette indemnisation (25 à 30 %)est directement assurée par le Bureaudes calamités agricoles. Ces procéduresconnexes peuvent remplacer la procédure catnat et donc faire dis-paraître de la base des inondations qui,néanmoins, peuvent avoir provoqué dessinistres importants.

� Conclusion

Il convient tout d’abord de rappelerquelques limites préconisées pour uneutilisation raisonnée des déclarationsde l’état de « catastrophe naturelle »associées à l’item « inondations ». Lesreconnaissances enregistrées dans labase Gaspar doivent être considéréescomme « le simple signe de la présence de dommages dus à des inondations dans une commune, avec une marged’incertitude élevée, notamment pour lescommunes où les dégâts sont faibles »(Vinet, 2010). Les problèmes imputa-bles à l’architecture de la base de données et au principe même de lareconnaissance remettent en cause lesinterprétations escomptées. Cet effort

d’échantillonnage s’oppose à plusieurseffets de distorsion : la prise de décisionest éminemment politique et elleocculte toute vision économique (coûtdes dégâts, nature des sinistres, capacitéde résilience des populations…).L’archivage ne tient pas non pluscompte du changement de mentalitésdes maires par rapport à cette procédure, ni même de la modulationdu système de franchises mis en placepar les assurances depuis 2001 ; enfin,le seuil de reconnaissance, basé sur l’« intensité et le caractère anormal » del’agent naturel (c’est-à-dire les pluiesdécennales pour l’item « inondation »),comprend une forte part de subjectivitéet il n’est pas forcément pertinent pourdes pluies intenses très localisées.

Le recours insuffisant à l’expertise scientifique pour statuer lors de la prisede décision est souligné depuisplusieurs années par de nombreuxchercheurs (Pottier, 1998 ; Dauphiné,2001 ; Douvinet, 2006, 2008 ;Ledoux, 2006), mais aussi par lesinstances institutionnelles (MEDD,2005 ; Cour des comptes, 2008 ;MEEDDM, 2010). Ce système placesurtout les pouvoirs publics dans unesituation de plus en plus délicate. Enlien avec la mission de 2005, le récentrapport publié par le ministère sur latempête Xynthia (juin 2010) préconiseune solution : remplacer la commissioninterministérielle (sans l’exclure) encréant un comité supérieur des catastrophes naturelles, constituénotamment d’experts reconnus. Enétablissant des critères objectifs sur lesaléas, la décision ne serait alors plusseulement politique. Quel avenir peut-on aussi souhaiter à labase Gaspar et aux reconnaissances

Page 111: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Risques n° 83 / Septembre 2010 111

Études

liées à un système de solidariténationale en cas de « catastrophenaturelle » ? Deux réponses contradic-toires sont proposées. Le récent rapportdu MEEDDM (2010) indique d’uncôté que ce système reste apprécié : « les assureurs sont attachés à ce dispositif – qui leur évite de se livrer eux-mêmes à l’appréciation de la situation dans un contexte de crise maisaussi de concurrence entre eux – de mêmeque les élus et l’État, qui en tirent la possibilité de manifester concrètementleur sollicitude à l’égard des victimes et deleurs proches en cas de catastrophenaturelle, et les particuliers qui ne subis-sent pas, grâce à ce mécanisme, le risquede position divergente d’un assureur àl’autre » (p. 82). Néanmoins, d’unautre côté, on peut aussi évoquer uneautre phrase du rapport du ministèrede 2005 qui est toujours d’actualité : « par ses caractéristiques, le régime catnatcontribue à affaiblir, sinon à supprimer,toute incitation à réduire l’exposition au risque par la recherche d’une autrelocalisation des activités ou par desinvestissements dans la prévention ». Enfacilitant les indemnisations, le systèmeempêche en effet la tenue de solutionspréventives. Il faudra alors choisir entreles deux solutions, ou alors refondretotalement le système.

Note

1. Équipe d’Avignon, 74 rue Louis Pasteur,84009 Avignon ; [email protected]

Bibliographie

AGASSE E., « Les crues de rivières enBasse-Normandie. Expression d’un systèmehydrogéographique complexe en milieu

tempéré océanique ». Thèse de géogra-phie, université de Caen B-N, 2 volumes,2005.

AGASSE E. ; CADOR J.-M., « La cartogra-phie des terroirs hydrologiques commeoutil d'identification des zones partici-pant à la genèse des crues. L'exemple del'Oudon (Calvados) ». Actes du colloque« Spatialisation et cartographie enhydrologie », Cegum, 2006.

ANTOINE J.-M. ; DESAILLY D. ; GAZELLE F.,« Les crues meurtrières, du Roussillonaux Cévennes », Annales de géographie,Armand Colin, n° 622, 2001, pp.597-623.

BALLAIS H. ; BALLAIS J.-L., « Élémentspour une histoire des inondations dans leCalvados aux XVIIIe et XIXe siècles d’aprèsles archives départementales ». Travaux duCentre de recherche en géographiephysique de l’environnement (Cregepe),Caen, n° 5, 1994, pp. 19-44.

BETHEMONT J. ; ANDRIAMAHEFA H. ;ROGER C. F. ; WASSON J.-G., « Uneapproche régionale de la typologie morphologique des cours d'eau.Application de la méthode " morphoré-gions " au bassin de la Loire et perspectivespour le bassin du Rhône, Revue de géographie de Lyon, n° 71 (4), 1996, pp. 311-322.

COSANDEY C., Les eaux courantes, Belin,coll. « Géographie », 2003.

Cour des comptes, « L’État face à la gestion des risques naturels ». Rapportinterne, 2008, pp. 643-685.

DAUPHINÉ A., Risques et catastrophes.Observer, spatialiser, comprendre, gérer,Armand Colin, coll. « U », 2001.

DELAHAYE D., « Apport de l’analyse spatiale en géomorphologie - modélisationet approche multiscalaire des risques ».

Mémoire d’habilitation à diriger desrecherches, 2 tomes, laboratoireModélisation et traitements graphiques(MTG), université de Rouen, 2002.

DOUVINET J., « Intérêts et limites des données “ catnat ” pour un inventaire desinondations. L’exemple des “crues rapides ”liées à de violents orages (Bassin parisien,Nord de la France). Norois, n° 201,Presses Universitaires de Rennes, 2006/4,pp.17-30.

DOUVINET J., « Les bassins versants sensibles aux “ crues rapides ” dans leBassin parisien. Analyse de la structure etde la dynamique de systèmes spatiauxcomplexes ». Thèse de doctorat, univer-sité de Caen, 2008.

DOUVINET J. ; Agasse E., « Améliorer lacartographie des inondations par uneméthode de spatialisation originale com-binant la nature des crues et la réponsedes pays hydrologiques. L'exemple duCalvados sédimentaire (Basse-Normandie) », Jeunes chercheurs enSciences Humaines et Sociales, Cahiers dela MRSH, Presses universitaires de Caen,2006, pp. 27-44.

DOUVINET J. ; PLANCHON O. ; DELAHAYE D. ;CANTAT O. ; CADOR J.-M.,« Variabilité spatio-temporelle etdynamique des pluies de forte intensité àl’origine des “ crues rapides ” dans leBassin parisien, Climatologie, n° 6, 2008,pp. 47-73.

GARRY G., « Auch, Nîmes, Vaison-la-Romaine : retours d'expériences »,Bulletin de l’Association des géographesfrançais, Paris, 1995, pp. 131-145.

GAUME E. ; BAIN V. ; BERNARDARA P. ;NEWINGER O. ; BARBUC M. ; BATEMAN

A. ; BLASKOVICOVA L. ; BLOSCHL G. ;BORGA M. ; DUMITRESCU A. ;DALIAKOPOULOS I. ; GARCIA J. ;IRISMESCU A. ; KOHNOVA S. ;

Page 112: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Risques n° 83 / Septembre 2010112

Études

KOUTROULIS A. ; MARCHI L. ; MATREAT

S. ; MEDINA V. ; PRECISO E. ; SEMPRE-TORRES D. ; STRANCALIE G. ; SZOLGAY J.; TSNAIS I. ; VELASCO D. ; VIGLIONE A.,“A compilation of data on European flashfloods”. Journal of Hydrology, n° 367,mars 2009, pp. 70-78.

HAY-LEPÊTRE C., « Dynamiques spatialeet temporelle de l'aléa inondation : Del'analyse des phénomènes à l'évaluation despratiques d'aménagement : l'exemple de la Seine-Maritime ». Thèse de doctorat,université de Rouen, 2005.

IFEN (Institut français de l’environ-nement), « Inondations récentes –quelques éclairages ». Les données de l’environnement, n° 92, juillet 2004.

JACOB-ROUSSEAU N., « Géohistoire/géo-histoire : quelles méthodes pour quelrécit ? » Géocarrefour, n° 84 (4), décembre2009, pp. 211-216.

LAGANIER R., « Recherche sur l’interfaceeau et territoire dans le Nord de la France ».Mémoire d’habilitation à diriger desrecherches, USTL Lille I, 2 volumes,2002.

LANG M. ; CORAR D. ; LAEMENT C. ;NAULET R., « Valorisation de l'informa-tion historique pour la prédéterminationdu risque d'inondation : application surle bassin du Guiers », Ingénieries EAT, n° 16, décembre 1998, pp. 3-13.

LATRUFFE L., « Les systèmes d’indemnisa-tion des catastrophes naturelles ».Mémoire de DEA d’économie de l’envi-ronnement et des ressources naturelles,Paris X, Nanterre, 2000.

LE BISSONNAIS Y ; THORETTE J. ; BARDET

C. ; DAROUSSIN J., « L'érosion hydriquedes sols en France ». Rapport Inra-Ifen,2002. (disponible sur http://erosion.orléans.inra.fr/rapport2002/).

MEDD (ministère de l’Environnementet du développement durable), « Missiond’enquête sur le régime d’indemnisationdes victimes des catastrophes naturelles ».Rapport de l’Inspection générale desfinances (IGF), du Conseil général desPonts et chaussées (CGPC), et del’Inspection générale de l’environnement(IGE), 2005.

MESCHINET DE RICHEMOND N., « Statutet perception des catastrophes passées :vers une histoire géopolitique des risquesnaturels », in V. Moriniaux (coord.), LesRisques, Éditions du temps, Nantes,2003, pp. 138-156.

Météo France, MEDD « Pluies extrêmes surle Nord de la France », CD-ROM, 2005.

Ministère de l’Écologie, de l’environ-nement, du développement durable et de la mer (MEEDDM), « TempêteXynthia, retours d’expérience, évaluationet proposition d’action, tome 1, 2010.

Mission Risques naturels, « Évaluationde la contribution des plans de préven-tion des risques naturels (PPRN) à laréduction de la vulnérabilité collective etindividuelle ». Rapport de synthèse,novembre 2009.

PIGEON P., « Réflexions sur les notions etles méthodes en géographie des risquesdits naturels », Annales de géographie,Armand Colin, n° 627-628, 2002, pp. 452-470.

POTTIER N., « L'utilisation des outilsjuridiques de prévention des risques d'inondation : évaluation des effets surl'homme et l'occupation des sols dans lesplaines alluviales (application à la Saôneet à la Marne) ». Thèse de doctorat del’ENPC, Cereve, 1998.

VINET F., Crues et inondations dans laFrance méditerranéenne : les crues torren-tielles des 12 et 13 novembre 1999 (Aude,Tarn, Pyrénées-Orientales, Hérault), Éditions du temps, Nantes, 2003.

VINET F., “Geographical analysis of damage due to flash floods in southernFrance: The cases of 12-13 November1999 and 8–9 September 2002”. AppliedGeography, n° 28, juillet 2008, pp, 323-336.

VINET F., Le risque inondation enFrance, Éditions Lavoisier, 2010.

Page 113: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Risques n° 83 / Septembre 2010 113

L es économies développées connaissentdepuis plusieurs décennies un nouveauprocessus de vieillissement de leur popula-tion, caractérisé par une longévité grandissante s’accélérant aux âges élevésainsi que par une moindre fécondité. Ilapparaît essentiel d’étudier les relationsentre ce processus de vieillissement

en cours et la croissance économique, au travers des travaux d’économistes éclairantleurs nombreuses facettes. Au-delà desvisions habituellement développées, exagérément pessimistes ou optimistes, on peut montrer qu’il n’existe pas dedéterminisme en la matière et mettre enlumière les importantes opportunités de

développement que recèle le vieillissement ainsi que les menaces qui pourraiententraver la croissance économique. Desenseignements majeurs sont apparus cesdernières années, tout particulièrementsur l’existence potentielle de cercles vertueux entre la longévité, l’éducation, lesdépenses de santé et les gains de productivité.

Depuis la fin du XVIIIe siècle, les économiesdéveloppées connaissent une longévitégrandissante, qui s’accélère aux âges élevés à partir des années 1960 tout ens’accompagnant d’une moindre fécondité.Ces économies sont entrées dans uneseconde phase de la transition démogra-phique caractérisée par une part

croissante des plus de 60 ou 65 ans dansla population et par une part décroissantedes moins de 20 ou 25 ans. Ce processusde vieillissement s’accompagne de boule-versements dans les fondamentaux économiques : par exemple, la croissancede la population active ralentit fortementou devient négative tandis que la part du

PIB consacrée aux dépenses de santé etde retraite augmente continuellement. Il importe alors d’étudier les nouvellesrelations entre le processus de vieillissementen cours et la croissance économique,afin de faire une synthèse des travaux lesplus marquants à travers une revue de lalittérature. Dans cette perspective, une

Actualité de laFondation du risque

Vieillissement et croissance : un regard critique sur la littérature

Alain Villemeur Un i v e r s i t é Pa r i s - D a u p h i n e e t Fo n d a t i o n d u r i s q u e 1

Jacques Pelletan Un i v e r s i t é Pa r i s V I I I e t Fo n d a t i o n d u r i s q u e 2

Ghizlane Kettani Un i v e r s i t é Pa r i s - D a u p h i n e 3

Un i v e r s i t é Pa r i s I Pa n t h é o n - S o r b o n n e

Page 114: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Risques n° 83 / Septembre 2010114

étude nous a permis de mettre en lumièreles fondamentaux de ces relations carac-térisant les prochaines décennies 4.

Celle-ci s’inscrit dans une lignée de travaux effectués à l’université Paris-Dauphine depuis les années 2000.L’étude des conséquences économiquesdu vieillissement humain avait montré(Xuan, 2005) que les approches macro-économiques adoptées péchaient troppar leur pessimisme. Le vieillissement dela population a aussi conduit à se préoccuper de la dépendance des personnesâgées ainsi que de son mode de finance-ment (Nouet, 2007 ; Plisson, 2009). Lacréation en 2008 de la chaire « Transitiondémographique » a donné une nouvelleimpulsion à ce champ d’études. Dans cecadre, les deux cycles de conférences – « Vieillissement : un monde d’incertitudes »(printemps 2009) et « Le vieillissement :une chance pour la société ? » (2009-2010) – qui se sont tenus depuis la création de la chaire, ainsi que le workshop « Transition démographique,innovation et productivité » organisé en2009, méritent d’être mentionnés. Enoutre, les travaux sur le rôle de l’innova-tion dans la croissance économique etdans la genèse des gains de productivité(Lorenzi, Villemeur, 2009) nous ontaidés à appréhender la complexité duprocessus de croissance, afin de mieuxcerner l’impact du vieillissement surcette dernière. Quels sont donc les principaux éléments dont nous disposons ?

Le vieillissement des économies a longtemps été considéré comme l’ennemide la croissance économique. On cite, àl’appui de cette idée 5, la baisse de la productivité individuelle, la décroissancede la population active, l’épargne en baisse des agents économiques et le poids

croissant de dépenses souvent dépeintescomme « improductives » (santé, retraite,dépendance) qui se feraient au détrimentdes investissements d’avenir comme l’éducation. Le Japon, l’économie la plusavancée dans ce processus de vieillisse-ment, est censé illustrer la stagnation àvenir des économies vieillissantes.

Les premiers modèles de croissance,visant à cerner cette transition démogra-phique, ont contribué à renforcer cettevision. Les modèles de type néoclassique 6,supposant un rendement décroissant desfacteurs de production et un changementtechnologique exogène, concluent à lachute importante du taux d’épargne etde la production réelle par habitant aucours des prochaines décennies. Avec l’arrivée récente de modèles decroissance endogène, un nouveau pointde vue sur l’impact du vieillissementapparaît. La prise en compte du capitalhumain modifie considérablement lesconclusions très pessimistes des modèlesde croissance exogène. Le vieillissement,en incitant les générations futures à investir davantage dans le capitalhumain, stimulerait à long terme lacroissance économique et améliorerait la production par habitant 7.

Nous avons là deux visions diamétralementopposées qui tendent, de notre point de vue, à caricaturer le processus devieillissement et ses relations avec lacroissance économique. Si l’on examinedans le détail les travaux les plus récentssur ce sujet, une nouvelle vision du processus de vieillissement et de ses relations avec le processus de croissanceémerge. En effet, le mouvement amorcéest appelé à modifier tant l’offre que lademande sur tous les marchés, biens etservices, travail et capital. Force est de

constater la complexité de ces relations,les nombreuses incertitudes, mais aussiles nombreuses dynamiques sous-jacentes.Dans ce contexte, les visions d’un processus de vieillissement qui serait systématiquement l’ennemi de la crois-sance par la baisse de la productivitéindividuelle, de la population active et del’épargne, ou, à l’inverse, qui la favorise-rait automatiquement par l’incitationmicroéconomique à l’accumulation ducapital humain, apparaissent caricaturaleset nullement justifiées. Plusieurs élémentspeuvent être mis en évidence.

Premièrement, dans le cadre de la transition démographique amorcée àpartir des années 1960, on peut montrerque la croissance de la longévité aux âgesélevés puise ses sources dans plusieursprocessus économiques. D’abord, dansl’élévation continue des dépenses desanté conjuguée aux nombreuses innovations médicales. Cette évolutionapparaît comme le fruit de la croissancedans les pays développés, et plus particu-lièrement ceux tendant à faire de la santéun bien supérieur. La longévité puiseégalement sa source dans l’augmentationdes revenus individuels pour les plus âgésliée à la qualité des systèmes de retraite.Dans la mesure où les processus écono-miques que nous avons soulignés sontd’évolution très incertaine, il apparaîtdifficile de faire des prédictions sur lapoursuite du phénomène de vieillissementet son ampleur.

Deuxièmement, nous constatons que leprocessus de vieillissement est aussi unprocessus de rajeunissement des actifs,l’amélioration de la santé des plus jeunesactifs contribuant à la réduction de la mortalité aux âges plus avancés. Ce rajeunissement, de l’ordre d’une

Actualité de la Fondation du risque

Page 115: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Risques n° 83 / Septembre 2010 115

Actualité de la Fondation du risque

dizaine d’années en l’espace de quelquesdécennies, est un bienfait qui devraitinduire d’heureuses conséquences économiques comme la meilleure efficacité de l’éducation, la réduction decertains coûts de santé et le meilleurdynamisme économique. De plus, leconstat récent d’une corrélation robusteentre l’investissement dans la santé et lesgains de productivité des économiesinvite à interroger de nouveau les relations entre les dépenses de santé, lalongévité et la productivité. Désormais,il n’est pas exclu que l’investissementdans la santé aille de pair avec la longé-vité croissante et simultanément avec laformation de gains de productivitédynamisant l’économie.

Troisièmement, il apparaît que l’augmentation de l’espérance de vie est de nature à fortement inciter à l’investissement dans l’enseignement etla formation dès lors que l’horizon d’amortissement s’allonge. Depuisquelques années, il est désormais acquisque l’investissement dans l’enseigne-ment supérieur est une source de futurs gains de productivité, surtoutdans les pays proches de la frontièretechnologique. On peut donc voirapparaître un cercle vertueux entre les dépenses de santé, la longévité, l’investissement dans l’enseignementsupérieur et les gains de productivité.Cette vision très optimiste doit néanmoins faire l’objet de troisremarques. D’abord, il serait trèscontestable d’affirmer que l’investisse-ment dans le capital humain peut constituer une réponse « miracle » à lapossible chute de la productivité au-delàd’un certain âge. Ensuite, il est nécessairede trouver des modes d’accumulation

du capital humain adaptés aux mutations démographiques actuelles, àla fois dans leur temporalité (quandfaut-il former les individus alors queleur horizon de vie augmente ?) et dansleur nature (générale ou spécifique).Enfin, il ne peut être exclu que lesdépenses de santé, dont la croissanceforte pourrait se poursuivre, évincent lesdépenses d’éducation ou que la faibleefficacité des systèmes de santé ou d’éducation ne limite considérablementles effets économiques positifs.

Quatrièmement, nous voyons clairementapparaître que la quasi-stagnation de lapopulation active dans les prochainesdécennies en France, son recul dans denombreux pays développés constituentune menace pour le développementéconomique. Dans ce contexte, l’emploides seniors devient un enjeu straté-gique, et les études comparatives montrent que le « vieillissement actif »,à l’œuvre dans les pays nordiques, peutêtre une réalité. Ainsi, le faible tauxd’emploi des seniors n’est absolumentpas une fatalité qui prendrait son origine dans une chute importante de laproductivité au-delà d’un certain âge.

Cinquièmement, on se rend compteque les processus de l’innovation et durenouvellement des entreprises, sourcesde gains de productivité, sont menacéspar le vieillissement de la population,que ce soit pour des raisons de moindrecréativité ou d’aversion croissante aurisque. Le financement des activités trèsinnovantes (capital-risque par exemple)pourrait souffrir d’une aversion croissante au placement très risqué.Néanmoins, l’accumulation du capitalhumain et le développement des

capacités entrepreneuriales pourraientcontrebalancer cette menace.

Sixièmement, il apparaît que de fortesincertitudes pèsent sur l’évolution desniveaux d’épargne, tant nationale quemondiale. Si l’hypothèse classique ducycle de vie est fortement remise encause, aucune théorie alternative réellement crédible ne nous permetd’apprécier l’influence du vieillissementde la population sur cet élément déterminant pour le financement del’innovation. Dans ce contexte trèsincertain, la nature de l’épargne fait plusde sens encore. Or, même si les véhicules spécifiques de financement dela vieillesse peuvent constituer des mannes pour le financement de l’inno-vation, l’augmentation vraisemblable del’aversion au risque avec l’âge pourraitcompromettre de telles ambitions.

Septièmement, nous voyons clairementque les nouveaux médicaments et lesnouvelles pratiques, qui constituent lessources essentielles d’augmentation desdépenses de santé, contribuent au développement économique par l’extension d’un secteur à forte valeur ajoutée et à fort potentiel d’innovation.On tient là un secteur-clé de la nouvellefrontière technologique. Ce type dedépenses est de nature à favoriser aussibien l’émergence de nouveaux produitstrès innovants (la robotisation) que denouvelles activités riches en emplois (les services à la personne). Plus généra-lement, les mutations démographiquesà l’œuvre aujourd’hui suscitent l’émer-gence de nouveaux marchés permettant,si nos pays parviennent à s’y positionnerde manière crédible, une croissance plussoutenue.

Page 116: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Risques n° 83 / Septembre 2010116

Actualité de la Fondation du risque

En définitive, un examen minutieuxdes relations entre vieillissement etcroissance économique montre qu’ilconvient d’abandonner toute idée dedéterminisme économique, jouant systématiquement négativement oupositivement. Il réhabilite l’idée qu’il y a une grande place pour la constructiond’un avenir économique entravant les menaces potentielles et saisissant les nouvelles opportunités de développement.

Au terme de cette étude, plusieurspoints apparaissent déterminants touten demeurant insuffisamment traitéspar la littérature :

1) Alors que l’emploi des seniors est aucœur des préoccupations actuelles, peude travaux se sont attachés à concevoirune architecture de gouvernance d’entreprise et de gestion des carrièresfavorisant la cohabitation des âges ausein du système productif, dans unelogique de compétitivité et de dynami-sation de l’entreprise.

2) La question du mode d’accumula-tion du capital humain est égalementessentielle. Mais la temporalité optimalede cette accumulation au cours d’unevie plus longue n’a pas été véritablementtraitée en tant que telle. De même, lanature de la relation entre les investisse-ments dans la santé et dans l’éducation– deux formes de capital humain – n’apas été cernée dans sa complexité. Ilimporte notamment d’analyser si cesdeux éléments sont complémentairesou concurrents si l’on souhaite favoriserla croissance.

3) Alors que le vieillissement de lapopulation fait peser une menace sur le

renouvellement des entreprises et l’innovation, la nature des liens entrel’âge, l’aversion au risque et la créationd’entreprise mérite d’être mieux éclairée. Par ailleurs, il est nécessaire de mieuxcomprendre la façon dont la puissancepublique peut utiliser un faisceau d’incitations pour entraver cette mena-ce et dynamiser l’innovation dans lesnouveaux marchés, avec la perspectived’une évolution de la frontière technologique.

4) Dans un contexte de grande incertitude sur le niveau d’épargne, ilimporte de mieux cerner la manièredont celle-ci peut être canalisée afin definancer l’innovation. La nature desincitations à mettre en œuvre mériteégalement d’être plus étudiée qu’elle nel’est aujourd’hui.

5) Alors que les structures de consom-mation actuelles sont appelées à êtrebouleversées par le vieillissement de lapopulation, peu de travaux s’attachent àanalyser le potentiel de croissance offertpar chaque type de nouveau marchéainsi que les conditions d’émergence deces marchés.

Créer une nouvelle dynamique decroissance dans un contexte de vieillissement de la population impose àl’analyse économique d’éclairer le pluscomplètement possible l’ensemble desfacettes que nous venons de parcourir.

Les quelques points qui figurent ci-dessus apparaissent réellement centrauxdans cette perspective, mais restent peuévoqués par la littérature. Il devientessentiel, de notre point de vue, de lestraiter spécifiquement.

Notes

1. [email protected].

2. [email protected].

3. [email protected].

4. Villemeur, Pelletan, Kettani, 2010.

5. Cette vision pessimiste a été expriméedès 1946 par Alfred Sauvy et RobertDebré au travers d’un cri d’alarmedevant l’« envahissement des vieillards ».Plus récemment, voir par exemple Wahl(2007) illustrant cette vision pourl’Allemagne, ou le rapport de la Banquemondiale (2007) relatif aux anciens pays de l’Europe de l’Est et de l’Unionsoviétique.

6. Modèles d’équilibre général à généra-tions imbriquées (par exemple Miles,1999, Auerbach et al., 1989).

7. Il est constaté que la croissance du revenu par habitant est positivement corrélée avec l’espérance de vie dans lespays en développement (Barro et Sala-i-Martin, 1996) ; ainsi, il est estiméqu’un accroissement d’espérance de vie de treize ans est lié à une croissanceannuelle supplémentaire de 1,4 %. Ces corrélations pourraient refléter cedeuxième point de vue, surtout pour lespays en développement.

Bibliographie

AUERBACH A. ; LAURENCE J. ;KOTLIKOFF R. ; HAGEMANN P. ;NICOLETTI G., « Conséquences duvieillissement démographique pour l’évolution de l’économie : une étudesur le cas de quatre pays de l’OCDE »,

Page 117: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Risques n° 83 / Septembre 2010 117

Actualité de la Fondation du risque

Revue économique de l’OCDE, n° 12,1989, pp. 111-147.

Banque mondiale, From Red to Grey :The Third Transition of AgingPopulations in Eastern Europe and theFormer Soviet Union, 2007.

BARRO R. J. ; SALA-I-MARTIN X.,Economic Growth, McGraw-Hill, NewYork, 1996.

DEBRÉ R. ; SAUVY A., Des Français pourla France, Gallimard, 1946.

LORENZI J.-H. ; VILLEMEUR A.,L’innovation au cœur de la nouvelle

croissance, Economica, 2009.

MILES D., “ Modelling the Impact ofDemographic Changes upon theEconomy ”, The Economic Journal,vol. 109, 1999, pp. 1-36. NOUET S., « Modélisation mathéma-tique du risque de dépendance dans lecadre de la gestion actif-passif, thèse de doctorat ès sciences économiques,université Paris-Dauphine, 2007.

PLISSON M., « Assurabilité et dévelop-pement de l’assurance dépendance »,thèse de doctorat ès sciences écono-miques, université Paris-Dauphine,2009.

VILLEMEUR A. ; PELLETAN J. ; KETTANI G.,« Vieillissement et croissance : unregard critique sur la littérature »,Working Paper de la chaire « Transitiondémographique », Fondation durisque, avril 2010.

WAHL S., « Regards sur l’économie allemande », Problèmes économiques, n° 2-925, 6 juin 2007.

Xuan H., « Vieillissement démogra-phique et croissance, vers une défini-tion économique du vieillissement »,thèse en sciences économiques soute-nue le 30 mars 2005, université Paris-Dauphine.

Page 118: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

� Arnaud Chneiweiss,

Lecture Urgente

Le Manuscrit, 2010, 350 p .Livre disponible en librairie ou surwww.manuscrit.com. Site de l’auteurwww.arnaudchneiweiss.com

Les noces de la littérature et del’assurance sont déjà fécondes :en témoignent Kafka, Leo Perutz,

Philip Roth et la théorie de romanspoliciers classiques qui prennent l’argument de l’assurance décès...Mais les contributions des souscripteurset autres rédacteurs restent faiblesdans le domaine de la science-fiction,tant prisé par de prestigieux banquiers.Arnaud Chneiweiss (l’assureur)nous livre une Lecture urgente oùtrois espèces intersidérales, dont lesterriens, se disputent la gouvernance

d’une technocratie galactique et tentent d’apaiser les tensions intestines.Sur la planète Terre justement, laguerre fait rage pour le partage del’eau entre une civilisation dégénérée,et des hordes barbares emmenéespar une pasionaria aussi sensuelleque ses pouvoirs sont mystérieux.On aurait tort de réduire les troisespèces en lice, dont celle des batraciens,à des bandes mutualistes rivales cherchant une gouvernance commu-ne et apaisée. Ce n’est probablementpas dans les délices de la création deSferen qu’Arnaud Chneiweiss a puiséson inspiration mais probablementdavantage dans son expérience passée à la Banque Mondiale... Lesrebondissements de l’intrigue et lacréativité de l’auteur offrent une lecture agréable, où la poésie desespaces intersidéraux n’est pas entamée par des réflexions épisodiques,

plus économiques, sur l’incurie desbanquiers et l’inutilité de la monnaie.En filigrane pointent d’ailleurs descommentaires qui ne sont plus économiques ou géopolitiques, maisproprement métaphysiques.L’humanité a trouvé son double et se voit supplantée peu à peu par l’efficacité intellectuelle des robots.Bref, ce premier roman est nourrid’une foule de fantasmes et de pensées d’un auteur très à l’aise dansce genre de la science-fiction et qui,une fois passée la stupéfaction qui estla sienne d’avoir terminé ce premierouvrage, n’hésitera pas à se lancerdans une saga monumentale. Il en al’envergure.

Par François-Xavier Albouy Malakoff Médéric et IRI-Crea

(université Paris-Dauphine)

Livres

Risques n° 83 / Septembre 2010118

Page 119: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

1 Les horizons du risque ÉPUISÉ

2 Les visages de l’assuré (1ère partie) 19,00

3 Les visages de l’assuré (2e partie) 19,00

4 La prévention ÉPUISÉ

5 Age et assurance ÉPUISÉ

6 Le risque thérapeutique 19,00

7 Assurance crédit/Assurance vie 19,00

8 L’heure de l’Europe ÉPUISÉ

9 La réassurance ÉPUISÉ

10 Assurance, droit, responsabilité ÉPUISÉ

11 Environnement : le temps de la précaution 23,00

12 Assurances obligatoires : fin de l’exception française ? ÉPUISÉ

13 Risk managers-assureurs : nouvelle donne ? 23,00

14 Innovation, assurance, responsabilité 23,00

15 La vie assurée 23,00

16 Fraude ou risque moral ? 23,00

17 Dictionnaire de l’économie de l’assurance ÉPUISÉ

18 Éthique et assurance 23,00

19 Finance et assurance vie 23,00

20 Les risques de la nature 23,00

21 Assurance et maladie 29,00

22 L’assurance dans le monde (1re partie) 29,00

23 L’assurance dans le monde (2e partie) 29,00

24 La distribution de l’assurance en France 29,00

25 Histoire récente de l’assurance en France 29,00

26 Longévité et dépendance 29,00

27 L’assureur et l’impôt 29,00

28 Gestion financière du risque 29,00

29 Assurance sans assurance 29,00

30 La frontière public/privé 29,00

31 Assurance et sociétés industrielles 29,00

32 La société du risque 29,00

33 Conjoncture de l’assurance. Risque santé 29,00

34 Le risque catastrophique 29,00

35 L’expertise aujourd’hui 29,00

36 Rente. Risques pays. Risques environnemental ÉPUISÉ

37 Sortir de la crise financière. Risque de l’an 2000.

Les concentrations dans l’assurance 29,00

38 Le risque urbain. Révolution de l’information médicale.

Assurer les OGM 29,00

39 Santé. Internet. Perception du risque ÉPUISÉ

40 XXIe siècle : le siècle de l’assurance. Nouveaux métiers, nouvelles

compétences. Nouveaux risques, nouvelles responsabilités 29,00

41 L’Europe. La confidentialité. Assurance : la fin du cycle ? 29,00

42 L’image de l’entreprise. Le risque de taux.

Les catastrophes naturelles 29,00

43 Le nouveau partage des risques dans l’entreprise.

Solvabilité des sociétés d’assurances.

La judiciarisation de la société française 29,00

44 Science et connaissance des risques. Y a-t-il un nouveau risk

management ?L’insécurité routière 29,00

45 Risques économiques des pays émergents. Le fichier clients.

Segmentation, assurance, et solidarité 29,00

46 Les nouveaux risques de l’entreprise. Les risques de la gouvernance.

L’entreprise confrontée aux nouvelles incertitudes 29,00

47 Changements climatiques. La dépendance. Risque et démocratie 30,50

48 L’impact du 11 septembre 2001. Une ère nouvelle pour l’assurance ?

Un nouvel univers de risques 30,50

49 La protection sociale en questions. Réformer l’assurance santé.

Les perspectives de la théorie du risque 30,50

50 Risque et développement. Le marketing de l’assurance.

Effet de serre : quels risques économiques ? ÉPUISÉ

51 La finance face à la perte de confiance. La criminalité. Organiser la mondialisation 30,50

52 L’évolution de l’assurance vie. La responsabilité civile. Les normes comptables ÉPUISÉ

53 L’état du monde de l’assurance. Juridique. Économie 31,50

54 Industrie : nouveaux risques ? La solvabilité des sociétés d’assurances. L’assurabilité 31,50

55 Risque systémique et économie mondiale. La cartographie des risques.

Quelles solutions vis-à-vis de la dépendance ? 31,50

56 Situation et perspectives. Le gouvernement d’entreprise : a-t-on progressé ?

L’impact de la sécurité routière 31,50

57 L'assurance sortie de crise.

Le défi de la responsabilité médicale. Le principe de précaution 31,50

58 La mondialisation et la société du risque. Peut-on réformer l’assurance santé ?

Les normes comptables au service de l’information financières. 31,50

59 Risques et cohésion sociale. L’immobilier. Risques géopolitiques et assurance. 31,50

60 FM Global. Private equitry. Les spécificités de l’assurance aux USA. 31,50

61 Bancassurance. Les agences de notation financière. L’Europe de l’assurance. 33,00

62 La lutte contre le cancer. La réassurance. Risques santé. 33,00

63 Un grand groupe est né. La vente des produits d’assurance.

Une contribution au développement. 33,00

64 Environnement. L’assurance en Asie. Partenariats public/privé. ÉPUISÉ

65 Stimuler l’innovation. Opinion publique. Financement de l’économie. ÉPUISÉ

66 Peut-on arbitrer entre travail et santé ? Réforme Solvabilité II. Pandémies. ÉPUISÉ

67 L’appréhension du risque. Actuariat. La pensée du risque. ÉPUISÉ

68 Le risque, c’est la vie. L’assurabilité des professions à risques.

L’équité dans la répartition du dommage corporel ÉPUISÉ

69 Gouvernance et développement des mutuelles. Questionnement sur les risques

climatiques. La fondation du risque. ÉPUISÉ

70 1ère maison commune de l'assurance. Distribution dans la chaîne de valeur.

L'assurance en ébullition ? 35,00

71 Risque et neurosciences. Flexibilité et emploi. Développement africain. 35,00

72 Nouvelle menace ? Dépendance. Principe de précaution ? 35,00

73-74 Crise financière : analyse et propositions. 65,00

75 Populations et risques. Choc démographique. Délocalisation. 35,00

76 Evénements extrêmes. Bancassurance et crise. 35,00

77 Etre assureur aujourd’hui. Assurance « multicanal ».

Vulnérabilité : assurance et solidarité. 36,00

78 Dépendance... perte d’autonomie analyses et propositions. 36,00

79 Trois grands groupes mutualistes. Le devoir de conseil. Avenir de l’assurance vie ? 36,00

80 L’assurance et la crise. La réassurance ? Mouvement de prix 36,00

81-82 L’assurance dans le monde de demain. Les 20 débats sur le risque. 65,00

Prix FRANCE Prix FRANCE

VENTE AU NUMÉRO - BULLETIN D’ABONNEMENT

Page 120: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Où se procurer la revue ?Vente au numéro par correspondance et abonnement

Seddita17, rue Henri Monnier - 75009 Paris

Tél. 01 40 22 06 67 - Fax : 01 40 22 06 69Courriel : [email protected]

www.seddita.com

Diffuseur en librairieSoficom

15, rue du Docteur Lancereau - 75008 ParisTél. 01 02 56 45 71 - Fax : 01 42 56 45 72Courriel : [email protected]

www.soficom-diffusion.com

Librairie partenaire

CNPP Entreprise Pôle Européen de Sécurité - CNPP VernonBP 2265 - 27950 Saint-Marcel

Tél. 02 32 53 64 32 - Fax : 02 32 53 64 80

Numéros hors sérieResponsabilité et indemnisation - 15,24 • Assurer l’avenir des retraites - 15,24 • Les Entretiens de l’assurance 1993 - 15,24 • Les Entretiens de l’assurance 1994 - 22,87

BON

DE

CO

MM

AND

E D

E LA

REV

UE

RISQ

UES

À découper et à retourner accompagné de votre règlement àSeddita - 17, rue Henri Monnier - 75009 Paris

Tél. (33) 01 40 22 06 67 - Fax : (33) 01 40 22 06 69 - Courriel : [email protected]

❑ Abonnement (4 numéros/an) année 2010 n° 81 à n° 84 FRANCE 136 € EXPORT 156 €*❑ Je commande ex. des numérosNom et prénomInstitution ou entrepriseFonction exercée et nom du serviceAdresse de livraison

Code postal VilleNom du facturé et Adresse de facturation

Pays Tél.E.mail Fax ❑ Je joins le montant de : par chèque bancaire à l’ordre de Seddita❑ Je règle par virement en euros sur le compte HSBC 4 Septembre-code banque 30056-guichet 00750-07500221574-clé RIB 17* Uniquement par virement bancaire

Conformément à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978, vous bénéficiez d’un droit d’accès et de rectification aux informations qui vous concernent. Si vous souhaitez exercer ce droit et obtenir communication des informations vous concernant, veuillez vous adresser à SEDDITA, 17, rue Henri Monnier 75009 PARIS

Page 121: Interieur Risques - 83 - Revue Risques - Les cahiers de l ... · l’avenir, ou plus précisément la manière dont le secteur de l’assurance se trouvera remis en cause par les

Numéros hors série : Responsabilité et indemnisation - 15,24 • Assurer l’avenir des retraites - 15,24 • Les Entretiens de l’assurance 1993 - 15,24 • Les Entretiens de l’assurance 1994 - 22,87

BON

DE

CO

MM

AND

E D

E LA

REV

UE

RISQ

UES

À découper et à retourner accompagné de votre règlement àSeddita - 17, rue Henri Monnier - 75009 Paris

Tél. (33) 01 40 22 06 67 - Fax : (33) 01 40 22 06 69 - Courriel : [email protected]

❑ Abonnement (4 numéros/an) année 2011 n° 85 à n° 88 FRANCE 137 € EXPORT 157 €*❑ Je commande ex. des numérosNom et prénomInstitution ou entrepriseFonction exercée et nom du serviceAdresse de livraison

Code postal VilleNom du facturé et Adresse de facturation

Pays Tél.E.mail Fax ❑ Je joins le montant de : par chèque bancaire à l’ordre de Seddita❑ Je règle par virement en euros sur le compte HSBC 4 Septembre-code banque 30056-guichet 00750-07500221574-clé RIB 17* Uniquement par virement bancaireConformément à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978, vous bénéficiez d’un droit d’accès et de rectification aux informations qui vous concernent. Si vous souhaitez exercer ce droit et obtenir communication des informations vous concernant, veuillez vous adresser à SEDDITA, 17, rue Henri Monnier 75009 PARIS

1 Les horizons du risque ÉPUISÉ2 Les visages de l’assuré (1ère partie) 19,003 Les visages de l’assuré (2e partie) 19,00 4 La prévention ÉPUISÉ5 Age et assurance ÉPUISÉ6 Le risque thérapeutique 19,007 Assurance crédit/Assurance vie 19,008 L’heure de l’Europe ÉPUISÉ9 La réassurance ÉPUISÉ10 Assurance, droit, responsabilité ÉPUISÉ11 Environnement : le temps de la précaution 23,0012 Assurances obligatoires : fin de l’exception française ? ÉPUISÉ13 Risk managers-assureurs : nouvelle donne ? 23,0014 Innovation, assurance, responsabilité 23,0015 La vie assurée 23,0016 Fraude ou risque moral ? 23,0017 Dictionnaire de l’économie de l’assurance ÉPUISÉ18 Éthique et assurance 23,0019 Finance et assurance vie 23,0020 Les risques de la nature 23,0021 Assurance et maladie 29,0022 L’assurance dans le monde (1re partie) 29,0023 L’assurance dans le monde (2e partie) 29,0024 La distribution de l’assurance en France 29,0025 Histoire récente de l’assurance en France 29,0026 Longévité et dépendance 29,0027 L’assureur et l’impôt 29,0028 Gestion financière du risque 29,0029 Assurance sans assurance 29,00 30 La frontière public/privé 29,00 31 Assurance et sociétés industrielles 29,00 32 La société du risque 29,0033 Conjoncture de l’assurance. Risque santé 29,00 34 Le risque catastrophique 29,00 35 L’expertise aujourd’hui 29,00 36 Rente. Risques pays. Risques environnemental ÉPUISÉ37 Sortir de la crise financière. Risque de l’an 2000.

Les concentrations dans l’assurance 29,0038 Le risque urbain. Révolution de l’information médicale.

Assurer les OGM 29,00 39 Santé. Internet. Perception du risque ÉPUISÉ40 XXIe siècle : le siècle de l’assurance. Nouveaux métiers, nouvelles

compétences. Nouveaux risques, nouvelles responsabilités 29,0041 L’Europe. La confidentialité. Assurance : la fin du cycle ? 29,0042 L’image de l’entreprise. Le risque de taux.

Les catastrophes naturelles 29,00 43 Le nouveau partage des risques dans l’entreprise.

Solvabilité des sociétés d’assurances.La judiciarisation de la société française 29,00

44 Science et connaissance des risques. Y a-t-il un nouveau risk management ?L’insécurité routière 29,00

45 Risques économiques des pays émergents. Le fichier clients.Segmentation, assurance, et solidarité 29,00

46 Les nouveaux risques de l’entreprise. Les risques de la gouvernance.L’entreprise confrontée aux nouvelles incertitudes 29,00

47 Changements climatiques. La dépendance. Risque et démocratie 30,50 48 L’impact du 11 septembre 2001. Une ère nouvelle pour l’assurance ?

Un nouvel univers de risques 30,50 49 La protection sociale en questions. Réformer l’assurance santé.

Les perspectives de la théorie du risque 30,50 50 Risque et développement. Le marketing de l’assurance.

Effet de serre : quels risques économiques ? ÉPUISÉ51 La finance face à la perte de confiance. La criminalité. Organiser la mondialisation 30,50 52 L’évolution de l’assurance vie. La responsabilité civile. Les normes comptables ÉPUISÉ53 L’état du monde de l’assurance. Juridique. Économie 31,50 54 Industrie : nouveaux risques ? La solvabilité des sociétés d’assurances. L’assurabilité 31,50 55 Risque systémique et économie mondiale. La cartographie des risques.

Quelles solutions vis-à-vis de la dépendance ? 31,50 56 Situation et perspectives. Le gouvernement d’entreprise : a-t-on progressé ?

L’impact de la sécurité routière 31,50 57 L'assurance sortie de crise.

Le défi de la responsabilité médicale. Le principe de précaution 31,50 58 La mondialisation et la société du risque. Peut-on réformer l’assurance santé ?

Les normes comptables au service de l’information financières. 31,50 59 Risques et cohésion sociale. L’immobilier. Risques géopolitiques et assurance. 31,50 60 FM Global. Private equitry. Les spécificités de l’assurance aux USA. 31,50 61 Bancassurance. Les agences de notation financière. L’Europe de l’assurance. 33,00 62 La lutte contre le cancer. La réassurance. Risques santé. 33,00 63 Un grand groupe est né. La vente des produits d’assurance.

Une contribution au développement. 33,00 64 Environnement. L’assurance en Asie. Partenariats public/privé. ÉPUISÉ65 Stimuler l’innovation. Opinion publique. Financement de l’économie. ÉPUISÉ66 Peut-on arbitrer entre travail et santé ? Réforme Solvabilité II. Pandémies. ÉPUISÉ67 L’appréhension du risque. Actuariat. La pensée du risque. ÉPUISÉ68 Le risque, c’est la vie. L’assurabilité des professions à risques.

L’équité dans la répartition du dommage corporel ÉPUISÉ69 Gouvernance et développement des mutuelles. Questionnement sur les risques

climatiques. La fondation du risque. ÉPUISÉ70 1ère maison commune de l'assurance. Distribution dans la chaîne de valeur.

L'assurance en ébullition ? 35,00 71 Risque et neurosciences. Flexibilité et emploi. Développement africain. 35,00 72 Nouvelle menace ? Dépendance. Principe de précaution ? 35,00 73-74 Crise financière : analyse et propositions. 65,00 75 Populations et risques. Choc démographique. Délocalisation. 35,00 76 Evénements extrêmes. Bancassurance et crise. 35,00 77 Etre assureur aujourd’hui. Assurance « multicanal ».

Vulnérabilité : assurance et solidarité. 36,00 78 Dépendance... perte d’autonomie analyses et propositions. 36,00 79 Trois grands groupes mutualistes. Le devoir de conseil. Avenir de l’assurance vie ? 36,00 80 L’assurance et la crise. La réassurance ? Mouvement de prix 36,00 81-82 L’assurance dans le monde de demain. Les 20 débats sur le risque. 65,00

Prix FRANCE Prix FRANCE

VENTE AU NUMÉRO - BULLETIN D’ABONNEMENT