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Allocution de M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes Présentation à la presse du rapport sur la sécurité sociale pour 2015 le mardi 15 septembre 2015 à 10h Mesdames et messieurs, Soyez aujourd’hui les bienvenus à la Cour des comptes pour la présentation de notre rapport 2015 sur la sécurité sociale. La Cour établit chaque année ce rapport dans le cadre de sa mission d’assistance au Parlement et au Gouvernement. Il leur est transmis afin d’accompagner le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l’année suivante, en l’espèce 2016. Je présenterai dès demain matin nos constats et nos recommandations aux représentants de la Nation, devant les commissions des affaires sociales de l’Assemblée nationale et du Sénat. La sécurité sociale célèbre dans quelques semaines, début octobre, son soixante-dixième anniversaire. Elle constitue l’une des composantes majeures du pacte social de notre pays, à titre symbolique, politique, et bien sûr financier. En 2014, les différents régimes qui la composent ont ainsi versé 458 Md€ de prestations. Mais la permanence des déficits sociaux et le gonflement de la dette sociale qui en résulte la fragilisent considérablement. En 2014, pour la treizième année consécutive, la sécurité sociale est demeurée en déficit. Une nouvelle fois, une part des prestations a été financée LA SÉCURITÉ SOCIALE Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale 15 septembre 2015

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Allocution de M. Didier Migaud,

Premier président de la Cour des comptes

Présentation à la presse

du rapport sur la sécurité sociale pour 2015

le mardi 15 septembre 2015 à 10h Mesdames et messieurs,

Soyez aujourd’hui les bienvenus à la Cour des comptes pour la présentation de notre rapport 2015 sur la sécurité sociale. La Cour établit chaque année ce rapport dans le cadre de sa mission d’assistance au Parlement et au Gouvernement. Il leur est transmis afin d’accompagner le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l’année suivante, en l’espèce 2016. Je présenterai dès demain matin nos constats et nos recommandations aux représentants de la Nation, devant les commissions des affaires sociales de l’Assemblée nationale et du Sénat. La sécurité sociale célèbre dans quelques semaines, début octobre, son soixante-dixième anniversaire. Elle constitue l’une des composantes majeures du pacte social de notre pays,

à titre symbolique, politique, et bien sûr financier. En 2014, les différents régimes qui la composent ont ainsi versé 458 Md€ de prestations. Mais la permanence des déficits sociaux et le gonflement de la dette sociale qui en résulte la fragilisent considérablement. En 2014, pour la treizième année consécutive, la sécurité sociale est demeurée en déficit. Une nouvelle fois, une part des prestations a été financée

LA SÉCURITÉ SOCIALE Rapport sur l’application

des lois de financement de la sécurité sociale

15 septembre 2015

15/09/2015 1 C our des Comptes – La sécuri té soci ale

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à crédit, alors même qu’il s’agit de dépenses courantes. Il s’agit là d’une anomalie profonde et dangereuse, d’autant que des marges de manœuvre importantes existent pour réduire ce déficit. Dans ce rapport, la Cour cherche à apprécier la trajectoire d’évolution des finances sociales au regard des objectifs fixés par les pouvoirs publics et à identifier les risques qui peuvent peser sur cette dernière. Elle met en évidence les progrès d’efficience notables qui peuvent permettre dans certains secteurs une dépense davantage maîtrisée. Ce faisant, elle s’efforce d’apporter un éclairage utile aux décideurs – Parlement et Gouvernement –, à qui appartient la responsabilité des choix à faire, mais aussi aux citoyens, qui sont tous concernés car tous sont des assurés sociaux. Pour vous présenter ce document volumineux, j’ai auprès de moi Antoine Durrleman, président de la sixième chambre, Henri Paul, président de chambre et rapporteur général de la Cour, Jean-Pierre Viola, conseiller maître, rapporteur général de ce travail, et Mathieu Gatineau, auditeur et rapporteur général adjoint. Je veux devant vous adresser mes remerciements aux nombreux rapporteurs qui ont contribué à l’élaboration de ce rapport. La Cour formule trois messages principaux :

Premièrement, si le retour à l’équilibre des comptes sociaux se poursuit, à un rythme modeste, il est désormais reporté à un terme encore indéterminé, en raison d’une trajectoire une nouvelle fois décalée.

Deuxièmement, un équilibre durable des comptes sociaux est non seulement nécessaire mais aussi possible. Au-delà de la lutte contre la fraude aux cotisations, au-delà de la réduction des niches sociales, des économies structurelles peuvent améliorer l’efficience de la dépense sociale.

Enfin, troisièmement, le redressement à mener doit s’accompagner d’une modernisation des prestations, de la gestion et du pilotage financier de la

protection sociale.

*

En premier lieu, le déficit de la sécurité sociale, bien qu’il continue à se réduire, s’inscrit toujours à un niveau élevé. Le retour à l’équilibre des comptes sociaux est reporté à un terme désormais indéterminé.

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Trois constats s’imposent, que je veux énoncer synthétiquement avant d’entrer dans le détail :

en 2014, les déficits ont continué à se réduire, mais dans une mesure limitée ;

en 2015, la trajectoire de baisse des déficits devrait ralentir de manière marquée ;

le retour à l’équilibre des comptes sociaux est décalé de plusieurs années.

En 2014, le déficit agrégé des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) s’est élevé à -12,8 Md€. Il s’est ainsi réduit de 3,2 Md€ par rapport à 2013, soit un niveau conforme à la prévision de la loi de financement initiale pour 2014. Il s’est révélé meilleur que le montant anticipé, à partir d’hypothèses plus pessimistes, par la loi de financement rectificative d’août 2014. Cependant, cinq constats moins favorables sont à souligner

Le premier est que la réduction du déficit en 2014 est limitée. Elle est du même

ordre que celle de 2013 et s’est ralentie par rapport au rythme des années 2011 et 2012.

LE RETOUR À L’ÉQUILIBRE DES COMPTES SOCIAUX EST REPOUSSÉ DE PLUSIEURS ANNÉES

15/09/2015 2

Source : Cour des comptes

Cour des comptes – La sécurité sociale

-8,9 -8,9

-24,9

-29,6

-22,6

-19,1

-16

-12,8 -13,2

-10,2

-6,1

-4 -8,9

-4,5

0,7

-35

-30

-25

-20

-15

-10

-5

0

5

2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015

(p)

2016

(p)

2017

(p)

2018

(p)

Loi de

financement pour 2015

Loi de financement rectificative

d’août 2014

(p) = prévision

Évolution et perspectives du déficit des régimes obligatoires de base et du Fonds de solidarité vieillesse (en Md€)

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Par ailleurs, le déficit comporte toujours une composante structurelle importante (près de 4 Md€), cinq années déjà après la récession économique de 2009.

Troisième constat : comme les années précédentes, en 2014, les mesures nouvelles d’augmentation des recettes, qui ont porté sur 5,3 Md€ environ

[notamment une augmentation de la fraction de TVA affectée à la branche maladie, à hauteur de 3 Md€], ont joué un rôle déterminant dans la réduction du déficit. Si ces

mesures d’augmentation des recettes n’avaient pas été adoptées, le déficit aurait non pas baissé, mais augmenté.

Le quatrième constat porte sur la progression des dépenses. Si dans un contexte

notamment de faible inflation, elle a ralenti (+2,2 % contre +2,7 %), elle reste nettement plus vive que celle de la richesse nationale (+1,3 %).

Au total, le déficit reste très supérieur à celui constaté avant la récession économique de 2009, lui-même très élevé. Ce déficit conduit à une nouvelle augmentation de la dette sociale (158 Md€ fin 2014), qui mobilise chaque année 16 Md€ pour le paiement des intérêts et le remboursement du principal.

En 2015, le rythme de réduction des déficits pourrait connaître un ralentissement marqué. Dans la prévision gouvernementale de juin 2015, le déficit prévisionnel du régime général et du FSV s’établit à -13 Md€, contre -13,2 Md€ en 2014. Le déficit de la branche maladie s’aggraverait pour sa part, passant de -6,5 Md€ en 2014 à -7,2 Md€ en 2015. Même

LA DIMINUTION DES DÉFICITS DE LA SÉCURITÉ SOCIALE A ÉTÉ MODESTE EN 2014

15/09/2015 3

Source : Cour des comptes

Cour des comptes – La sécurité sociale

Une réduction du déficit des branches du régime général, mais un déficit persistant de l’assurance maladie

-10,6 -11,6

-8,6

-5,9

-6,8 -6,5

-7,2

-1,8

-2,7 -2,6 -2,5

-3,2 -2,7

-2

-10,4

-13

-9,4 -8,9

-6

-4,7 -4,4

-14

-12

-10

-8

-6

-4

-2

0

2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 (p)

Md

(p) = prévision

Famille Vieillesse + FSV

Maladie

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s’il n’est pas impossible que cette prévision soit révisée dans un sens qui pourrait être plus favorable, 2015 marquera en tout état de cause un infléchissement prononcé dans le recul des déficits. Sous l’effet de la conjoncture économique et de l’absence de mesures nouvelles significatives d’augmentation des recettes, le ralentissement de la masse salariale pourrait conduire en effet à une croissance spontanée des recettes relativement faible (+1,3 %). À périmètre constant par rapport à 2014, les dépenses continueraient, elles, à augmenter en termes réels. Le rythme de cette augmentation serait comparable à celui de 2014 et toujours plus élevé que celui de la richesse nationale (+1,9 %). Selon les hypothèses macro-économiques qui sous-tendaient la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, la réduction des déficits devait reprendre de l’ampleur à partir de 2016. Elle devait alors s’accompagner, pour la première fois depuis 1990, d’une amorce de réduction de la dette sociale. Dans son prolongement, la loi de financement rectificative d’août 2014 fixait à 2017 le rétablissement de l’équilibre des comptes sociaux. Cette trajectoire a été remise en cause par le programme de stabilité 2015-2018 d’avril 2015, qui prend acte de la dégradation de la conjoncture économique et décale de plusieurs années, sans plus déterminer d’échéance précise, le retour à l’équilibre des comptes.

Au regard des hypothèses macro-économiques sur lesquelles il repose, le déficit devrait encore s’élever à -5 Md€ en 2018. Le retour à l’équilibre des comptes sociaux n’interviendrait pas avant 2021. Certes, cette nouvelle trajectoire se fonde sur des hypothèses jugées réalistes par le Haut-Conseil des finances publiques dans son avis d’avril dernier. C’est un progrès à souligner. Pour autant, ce report à un terme de plus en plus éloigné du retour à l’équilibre est préoccupant. Par ailleurs, la persistance de déficits élevés de l’assurance maladie et de la branche famille fait porter un risque croissant sur la dette sociale. Contrairement à ceux de l’assurance vieillesse et du FSV, leur transfert à la Caisse d’amortissement de la dette sociale – la Cades – n’est pas organisé.

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Résultat : la part de la dette sociale financée par la voie d’emprunts émis à très court terme, exposée à un risque de taux, n’a cessé d’augmenter. Portée par l’Agence centrale

des organismes de sécurité sociale (Acoss), elle devrait atteindre près de 32 Md€, soit 20 % du total en 2015, contre 4 % en 2011. Elle s’établirait encore à 30 Md€ à fin 2018, voire à 35 Md€ si certains risques se réalisaient sur la masse salariale et les taux d’intérêt. Dès lors, la Cour recommande d’organiser une reprise rapide, par la Cades), des déficits portés par l’Acoss, dont ce n’est pas la mission. À cette fin, des ressources adéquates devraient être allouées à la Cades, afin d’assurer l’extinction complète de la dette sociale d’ici à son terme, aujourd’hui prévu en 2024.

*

J’en viens au deuxième message de la Cour : en dépit de conditions macro-économiques difficiles, le retour à l’équilibre des comptes sociaux est possible, à condition de faire porter prioritairement l’effort sur la maîtrise des dépenses sociales. Certes, des marges d’optimisation des recettes sociales demeurent, à taux de

prélèvement inchangé. Je rappelle que, dans son rapport pour 2013, la Cour a invité les pouvoirs publics à réexaminer plus en profondeur les niches sociales. Dans celui de l’année dernière, elle a souligné l’étendue de la fraude aux cotisations sociales et a formulé des recommandations pour la réduire.

LA PART DE LA DETTE SOCIALE DE COURT TERME S’ACCROÎT DANGEREUSEMENT

15/09/2015 4

Source : Cour des comptes

Cour des comptes – La sécurité sociale

5,4 16,1

24,4 28,2 31,8

142,8

137,5 132,7 130,2 127

0

20

40

60

80

100

120

140

160

2011 2012 2013 2014 2015 (p)

Situation nette de la CADES en

fin d'année

Cumul des déficits du régime

général portés par l'ACOSS

(p) = prévision

Structure de la dette sociale (en Md€)

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En revanche, la situation de l’emploi limite les possibilités d’augmentation des cotisations, qui ne représentent plus que 60 % des ressources de la sécurité sociale aujourd’hui. Afin de soutenir l’emploi des salariés faiblement qualifiés, les cotisations sociales font en effet l’objet d’allègements généraux croissants, en dernier lieu dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité présenté au printemps 2014. Ces allègements ont cependant pour effet de déconnecter de plus en plus les cotisations sociales réellement supportées par les entreprises et le barème affiché des taux de prélèvement. Elles constituent de ce fait un mode de financement de moins en moins cohérent et lisible pour les entreprises comme pour les salariés. Dès lors, la Cour réitère sa recommandation d’intégrer les allègements généraux de cotisations au barème des cotisations. L’annonce par les pouvoirs publics de la transformation à horizon 2017 du crédit d’impôt compétitivité emploi en des allègements généraux supplémentaires de cotisations en

offre à cet égard une opportunité. Plusieurs scénarios sont envisageables, à niveau globalement inchangé de soutien public. À titre illustratif, la Cour a analysé trois d’entre eux, construits en fonction de choix contrastés. Ils font apparaître que, à paramètres constants au niveau du SMIC, la transformation totale du CICE en allègements généraux de cotisations ferait porter une partie de ces derniers :

de manière accrue sur les cotisations d’accidents du travail – maladies professionnelles ;

et, de surcroît, sur les cotisations des régimes conventionnels de retraites complémentaires et d’assurance chômage.

La Cour souligne le caractère délicat d’une évolution de cette nature, qui affecterait la logique contributive de financement des régimes de retraites complémentaires et d’assurance chômage et celle, de nature assurantielle, des accidents du travail – maladies professionnelles. Par ailleurs, l’effort contributif des travailleurs indépendants relevant du régime social

des indépendants devrait être progressivement porté au niveau de celui des employeurs et des salariés du régime général de sécurité sociale. En effet, c’est le régime général qui assure à compter de cette année l’équilibre financier des régimes d’assurance maladie et vieillesse de base du régime social des indépendants. De ce fait, les entreprises et les salariés du régime général supporteraient les conséquences de la persistance éventuelle d’un écart d’effort contributif. Devant la réduction des marges de manœuvre sur les recettes, l’effort de retour à l’équilibre des comptes sociaux doit désormais porter prioritairement sur les dépenses. La Cour recommande de privilégier d’abord la mise en œuvre de mesures structurelles portant sur l’organisation des soins et les prises en charge par l’assurance maladie.

L’assurance maladie concentre à elle seule la moitié des déficits sociaux. Elle conserve des marges très largement intactes d’amélioration de son efficience au regard des critères d’accès, de qualité et de sécurité des soins.

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Chaque année, le Parlement approuve un objectif prévisionnel d’augmentation des dépenses d’assurance maladie pour l’année à venir : l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM). L’an dernier, la Cour avait constaté que les limites

méthodologiques de la construction de l’ONDAM avaient facilité son respect. Elle avait recommandé une approche plus rigoureuse. Elle a constaté plusieurs améliorations

notables en ce sens dont elle se réjouit, même si des marges de progrès supplémentaires subsistent.

Le respect de l’ONDAM pour la cinquième année consécutive en 2014 s’est cependant

traduit par une progression des dépenses de + 2,4 %, ce qui constitue la plus forte hausse depuis 2011. L’objectif de dépenses progresse ainsi plus vite que le PIB. Les dépenses de soins de ville ont été particulièrement vives (+ 2,9 %). Cela ne tient pas uniquement à l’introduction de nouveaux médicaments innovants de lutte contre l’hépatite C. En effet, le rapport met en évidence la faiblesse des instruments de régulation des

dépenses de soins de ville pris dans leur ensemble. Dans ses précédents rapports, la Cour a souligné la maîtrise insuffisante des dépenses de dispositifs médicaux et de transports sanitaires. Cette année, elle met en lumière la dynamique particulièrement forte des

dépenses de soins infirmiers et de masso-kinésithérapie et l’efficience insuffisante de la prise en charge de l’insuffisance rénale chronique terminale. J’y reviendrai. Le programme de stabilité 2015-2018 prévoit un ONDAM resserré pour les années à venir, avec des progressions de +2,05 % en 2015 et de +1,75 % en 2016 et 2017. Il appelle la mise en œuvre d’économies structurelles d’ampleur.

15/09/2015

L’OBJECTIF NATIONAL DE DÉPENSES D’ASSURANCE MALADIE (ONDAM) PROGRESSE PLUS VITE QUE LE PIB

4

Source : Cour des comptes

Cour des comptes – La sécurité sociale

Evolution comparée de l’Ondam, du PIB et de l’inflation

4,9%

2,5%

-2,8%

3,0% 3,1%

1,4% 1,5%

0,7%

3,9% 3,6% 3,6%

2,2%

2,8% 2,2% 2,2%

2,4%

2,5%

1,0% 0,8%

1,7%

2,4%

1,2%

0,6% 0,0%

-3%

-2%

-1%

0%

1%

2%

3%

4%

5%

2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015

Ondam exécuté PIB en valeur

Inflation (hors tabac)

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Elles sont d’autant plus nécessaires que plusieurs facteurs de modération des dépenses vont s’inverser. Je pense notamment :

à la remontée prévisible du niveau de l’inflation, particulièrement faible en 2014-2015 ;

à la renégociation en 2016 des conventions avec les médecins et d’autres professionnels libéraux de santé, après la pause des années passées ;

et à l’annonce récente de mesures de reprofilage des carrières dans la fonction publique hospitalière, le point d’indice demeurant quant à lui gelé depuis 2010.

Afin de réaliser 9,8 Md€ d’économies d’ici à 2017, un plan triennal ONDAM 2015-2017 a été arrêté. Par ailleurs, le programme de stabilité 2015-2018 prévoit 600 M€ d’économies supplémentaires. À ce stade, une grande partie des mesures précises permettant de réaliser ces objectifs demeurent cependant à définir. Le resserrement de l’ONDAM invite instamment à remédier aux faiblesses persistantes de l’organisation de notre système de soins.

Le bilan que dresse cette année la Cour de la réorganisation de l’offre de soins menée depuis vingt ans par les pouvoirs publics est en effet décevant. De nombreuses actions ont

été menées, mais leur cadence et leur portée se sont affaiblies.

5

Source : Cour des comptes

15/09/2015

LE BILAN DE 20 ANS DE RECOMPOSITION DE L’OFFRE DE SOINS EST DÉCEVANT

Cour des comptes – La sécurité sociale

Une offre toujours concentrée sur l’hôpital

9,12

7,97

5,52 6,29

4,83 4,29 4,71 4,31

3,68 3,27

8,27

6,37

4,96 4,87 4,66

3,5 3,42 3,32 3,18 2,71

0

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

Allemagne France OCDE25 Suisse Pays-Bas Danemark Italie Norvège Espagne Suède

2000 2011 Nombre de lits d’hôpital par millier d'habitants

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De ce fait, le système de santé demeure insuffisamment efficient. Face aux enjeux du vieillissement et de l’extension des maladies chroniques, il reste trop centré sur l’hôpital. Celui-ci représente 37 % de la dépense de santé. Il dispose de capacités notablement plus élevées que la moyenne de nos voisins (bien qu’elles aient reculé de 17 %). Les modes d’organisation des soins de ville ont pour leur part peu évolué. Les parcours de soins décloisonnés entre la médecine de ville, l’hôpital et le secteur médico-social peinent de ce fait à voir le jour. Ces résultats mitigés s’expliquent notamment par un volontarisme moindre des pouvoirs

publics à partir des années 2000. Ils ont progressivement renoncé aux instruments contraignants, comme la planification, dont la portée s’est affaiblie, les normes de sécurité et de fonctionnement, dont le champ est resté circonscrit et le respect parfois émoussé, la convergence des tarifs entre secteur public et secteur privé, qui a été abandonnée, pour privilégier des outils essentiellement incitatifs, mais qui se sont avérés moins efficaces.

C’est notamment le cas des projets régionaux de santé, dont la Cour a illustré la faiblesse l’an dernier. Cet affaiblissement n’est pas seulement préjudiciable à la maîtrise de la dépense. Il n’est pas sans incidence dans certains cas sur la qualité et la sécurité des soins et compromet leur accessibilité à tous du fait du creusement des disparités territoriales. Une action plus déterminée de recomposition de l’offre de soins apparaît aujourd’hui indispensable. À ce titre, des normes de fonctionnement visant à renforcer la qualité et la

sécurité des soins devraient être appliquées aux domaines de la médecine et la chirurgie. Ces secteurs en sont toujours dispensés. Le conventionnement conditionnel dans les territoires sur-dotés, introduit pour quelques professions avec des résultats encore limités, devrait être renforcé et étendu à l’ensemble des professions de santé, y compris les médecins. Cela devrait permettre de rééquilibrer l’offre de soins entre les territoires. Des objectifs de gains d’efficience pourraient être fixés de manière plus explicite, en dotant les agences régionales de santé de prérogatives accrues pour les réaliser. Afin de mener à bien cette nouvelle étape de la réorganisation de l’offre de soins, un renforcement du pilotage par le ministère de la santé est indispensable. La Cour a déjà souligné le dualisme de ce pilotage entre l’État et l’assurance maladie. Cette année, elle constate que l’organisation des responsabilités devrait être clarifiée aussi au sein même du ministère de la santé. Pour illustrer son propos sur les limites de la réorganisation de l’offre de soins, la Cour s’est penchée sur deux types d’établissements de santé : les maternités et les centres de lutte contre le cancer. Le cas des maternités montre la convergence des objectifs d’efficience accrue du système de santé et de ceux de renforcement de la qualité et de la sécurité des soins.

Deux décrets de 1998 fixant des normes d’activité et de fonctionnement ont eu un puissant effet restructurant. En raison de leur incapacité à s’y conformer, un tiers des maternités ont dû cesser leur activité. Cependant, des faiblesses graves demeurent dans l’orientation des femmes enceintes vers la maternité la mieux adaptée au regard des risques liés à leur grossesse. Des maternités ayant une faible activité respectent imparfaitement les normes en vigueur. Elles ne sont pas toujours mises en demeure de s’y conformer, au détriment de la sécurité des patientes et des nouveaux nés. Beaucoup de maternités connaissent une situation financière fragile ou des difficultés de recrutement du personnel médical. Une recomposition ordonnée de l’offre de soins est aujourd’hui indispensable. Elle devrait

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reposer sur la définition d’un schéma cible des maternités et un respect absolu des normes de qualité et de sécurité des soins. Le cas des centres de lutte contre le cancer illustre quant à lui la difficulté rencontrée pour dépasser les cloisonnements institutionnels existants. Ces clivages font pourtant parfois obstacle à une efficience accrue de l’organisation des soins. En l’occurrence, les 18 centres de lutte contre le cancer, établissements privés à but non lucratif, ont été créés en 1945. Ils se sont longtemps distingués des autres établissements publics et privés par un mode d’organisation précurseur et par des modalités de prise en charge innovantes. Or, leur spécificité s’est progressivement atténuée. Leurs pratiques ont été généralisées aux autres établissements de santé, dans le cadre des plans cancer qui se sont succédé depuis 2003. Par ailleurs, une majorité de ces centres connaissent une situation financière fragile.

Une démarche de fusion interne des différents centres de lutte contre le cancer a été

engagée. Par ailleurs, des coopérations d’ampleur inégale sont mises en œuvre avec les centres hospitaliers universitaires (CHU). Elles auraient vocation à être renforcées. La possibilité de fusions avec des CHU, le plus souvent installés à leur côté sur les mêmes

sites, serait également à envisager, chaque fois que cela peut accroître l’efficience de l’organisation des soins de cancérologie. La progression accélérée de certaines dépenses d’assurance maladie n’est pas

toujours justifiée par des besoins objectifs. Elle peut résulter, au moins pour partie, d’une organisation inadaptée de l’offre de soins. Cette année, la Cour illustre cette réalité à

travers le cas des soins infirmiers et de masso-kinésithérapie, ainsi que celui du traitement

6

Source : Cour des comptes d’après INCa

15/09/2015

LES COMPLÉMENTARITÉS ENTRE CHU ET CENTRES DE LUTTE CONTRE LE CANCER SONT À RENFORCER

Cour des comptes – La sécurité sociale

Localisation des centres de lutte contre le cancer Localisation des CHU

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de l’insuffisance rénale chronique terminale. Comme elle l’avait constaté l’an dernier pour les médicaments génériques et les dispositifs médicaux, il apparaît possible, à qualité de soins préservée, de gagner fortement en efficacité et en efficience.

Les infirmiers et masseurs-kinésithérapeutes exerçant à titre libéral apportent une

contribution majeure et appréciée au maintien à domicile des personnes dépendantes. Les dépenses d’assurance maladie liées aux soins infirmiers (6,4 Md€ en 2014) et de masso-kinésithérapie (3,6 Md€) connaissent une croissance accélérée – respectivement + 6,6 % et + 4,3 % par an en euros constants depuis 2000. L’augmentation d’environ 500 M€ par an de la dépense d’assurance maladie qui en

résulte n’est cependant pas uniquement corrélée au vieillissement de la population et au développement des maladies chroniques.

7

Source : Cour des comptes

15/09/2015

INFIRMIERS ET MASSEURS-KINÉSITHÉRAPEUTES : LES ÉVOLUTIONS NE SONT PAS MAÎTRISÉES

Cour des comptes – La sécurité sociale

100 120

130

147

189

125

150

100

110

120

130

140

150

160

170

180

190

200

2005 2010 2014

Remboursements des actes des auxiliaires médicaux

et de l'ONDAM (base 100 = 2005)

59 60 61 62 63 65

68 71 73

77 81

86

92

98

103

41 43 44 46 47 49 50 51 52 54 56 58 59 62

64

30

40

50

60

70

80

90

100

110

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Infirmiers Masseurs-kinésithérapeutes

Effectifs des auxiliaires médicaux (en milliers)

Remboursement de soins infirmiers

Remboursement de soins masseurs-kinésithérapeutes

Ondam (soins de ville)

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Seul le prononcé fait foi

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En réalité, cette progression importante procède en grande partie de celle du nombre de ces professionnels et de leur répartition inégale sur le territoire. De fait, les densités de

professionnels de santé et les nombres d’actes réalisés sont particulièrement hétérogènes d’un département à l’autre. Cette situation devrait amener les pouvoirs publics à réguler plus efficacement la démographie des infirmiers et des masseurs-kinésithérapeutes. Des mesures plus fortes que celles déployées actuellement par l’assurance maladie pourraient utilement favoriser leur redéploiement vers les zones sous-dotées. La mise en œuvre d’une gestion médicalisée de la dépense - aujourd’hui particulièrement peu développée - est nécessaire. Elle doit concerner à la fois le corps médical, prescripteur, comme les auxiliaires médicaux concernés. Elle devrait s’accompagner d’une adaptation des modes de rémunération, de manière à renforcer l’efficience des prises en charge. Sur ce dernier point, la Cour recommande d’instaurer des forfaits de rémunération par patient pour les actes récurrents liés à des maladies chroniques. Elle suggère au-delà la mise en place d’une enveloppe limitative d’actes par médecin. Fonction des caractéristiques de sa patientèle, cette enveloppe serait assortie de mécanismes de responsabilisation des prescripteurs et des dispensateurs de soins permettant d’en assurer le respect. Des progrès importants sont également possibles pour renforcer l’efficience des prises en charge des patients atteints d’insuffisance rénale chronique terminale (IRCT). Il s’agit

d’un enjeu de santé public majeur. Cette maladie particulièrement lourde touche environ 73 500 personnes. Elles sont traitées soit par une greffe du rein (32 500 transplantés), soit par une dialyse (41 000 dialysés). Les dépenses engagées pour ces traitements (3,8 Md€ en

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Source : Cour des comptes

15/09/2015

INFIRMIERS ET MASSEURS-KINÉSITHÉRAPEUTES : L’ACCÈS AUX SOINS EST INÉGAL

pour 100 000 habitants

pour 100 000 habitants

Cour des comptes – La sécurité sociale

Une répartition déséquilibrée de ces auxiliaires médicaux sur le territoire

Infirmiers libéraux Masseurs-kinésithérapeutes

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Seul le prononcé fait foi

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2013) pourraient être mieux maîtrisées tout en améliorant la qualité des prises en charge en termes de qualité de vie des patients comme de bonne adaptation des traitements à leur situation spécifique. Pour ce faire, la Cour recommande de réorienter l’effort financier vers la prévention, de développer plus fortement la greffe et de réviser les modes de tarification de la dialyse.

Ces derniers ignorent les gains de productivité réalisés et favorisent les modes de prise en charge les plus lourds et les plus coûteux sans que cela soit systématiquement justifié par l’intérêt du patient. Le coût moyen par patient dialysé est d’ailleurs substantiellement plus élevé que chez nos voisins européens. La Cour préconise ainsi de substituer aux différents forfaits de rémunération en vigueur un tarif unique par patient dialysé. La réduction significative des tarifs des séances de dialyse en centres lourds et en unités de dialyse médicalisée irait dans le bon sens. La mise en œuvre de ces orientations autoriserait une réduction des dépenses de 900 M€ à moyen terme au regard des 3,8 Md€ engagés en 2013. Cela ferait converger les montants consacrés par la France vers le niveau constaté à l’étranger.

*

Le troisième et dernier message de la Cour découle naturellement de ce qui précède. La protection sociale doit être modernisée dans certains de ses dispositifs pour être plus adaptée encore aux évolutions de la société. Sa gestion doit être encore davantage axée sur des objectifs d’amélioration du service rendu. Des gisements de productivité

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INSUFFISANCE RÉNALE CHRONIQUE TERMINALE : LA PRISE EN CHARGE EST PLUS COÛTEUSE EN FRANCE

Source : Cour des comptes

Cour des comptes – La sécurité sociale

Coût moyen par patient dialysé par an (en €)

62 610

28 278 40 000 45 800

Fr Bel All R-U

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existent, dans un contexte où les progrès technologiques offrent de nouvelles options d’organisation, mais peuvent aussi être sources de fragilités. Le pilotage financier doit être au rendez-vous de l’enjeu d’un redressement financier durable.

La Cour s’est d’abord intéressée, dans le domaine de l’assurance vieillesse, aux pensions de réversion. Celles-ci bénéficient à 4,4 millions de conjoints survivants pour une dépense

totale proche de 34 Md€ en 2014. Ces prestations jouent encore un rôle majeur, en réduisant les écarts de pensions entre les hommes et les femmes (quoique de manière moins marquée pour les générations récentes). Cependant, elles n’ont pas été adaptées aux évolutions de la société française à l’occasion des réformes des retraites qui se sont succédé depuis 1993. Ainsi, les règles d’attribution et de calcul des pensions de réversion ne tiennent pas compte de l’augmentation des droits propres des femmes ni de l’évolution des couples. En outre, l’extrême diversité des critères d’attribution, selon le régime considéré, conduit à de grandes disparités entre assurés, sans différences objectives de situations. Dès lors, les pensions de réversion pourraient être à moyen terme harmonisées et modernisées. Des garanties claires doivent naturellement être apportées en faveur de la stabilité des situations acquises, de l’équité entre les différentes catégories de retraités, de la prévisibilité des évolutions et de la progressivité de leur mise en œuvre. La Cour met sur la table un scénario de référence qui pourrait guider la mise en œuvre d’une convergence souhaitable des différents dispositifs de réversion. Cette convergence pourrait utilement porter sur les conditions d’âge et de ressources, sur les règles d’attribution et de partage entre anciens conjoints, et sur les taux de réversion. La Cour s’est ensuite penchée sur les conséquences d’une baisse du non-recours à la couverture maladie universelle complémentaire (la CMU-C) et à l’assurance

complémentaire santé (l’ACS). Je rappelle que la CMU-C a été créée par la loi de juillet 1999 afin de prévenir le renoncement aux soins pour des motifs financiers par les ménages défavorisés en les faisant bénéficier d’une assurance complémentaire gratuite. Cette évolution importante de la protection sociale résulte du désengagement croissant de l’assurance maladie obligatoire de base dans la prise en charge des dépenses de santé (à l’exception des dépenses liées aux affections de longue durée). La loi de 2004 sur l’assurance maladie a ensuite instauré une aide à l’assurance complémentaire santé (ACS). Cette aide a pour objet d’atténuer l’effet

de seuil lié au plafond de ressources de la CMU-C pour les ménages modestes, en subventionnant la souscription par ces derniers d’un contrat d’assurance complémentaire santé.

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Le bilan de ces dispositifs est en demi-teinte. Ils ne préviennent pas complètement le renoncement aux soins. Surtout, ils n’atteignent qu’une partie limitée de leurs bénéficiaires potentiels. Selon les estimations les plus récentes, de 1,6 à 2,7 millions de personnes ont droit à la CMU-C, mais n’en demandent pas l’attribution. Pour l’ACS, c’est même une minorité des ménages qui la demandent effectivement : de 1,9 à 3,4 millions de personnes n’y ont pas recours alors qu’elles en remplissent les conditions. Depuis 2005, les pouvoirs publics ont en effet privilégié l’extension de l’attribution à l’ACS et à la CMU-C à des publics de plus en plus larges, plutôt que leur recours effectif par ceux qui y avaient déjà accès. Les efforts portent désormais sur une résorption de ce non-recours. Si cette résorption est évidemment souhaitable du point de vue de l’effectivité de la protection sociale des populations les plus fragiles, ses conséquences financières doivent être correctement anticipées. Dans l’hypothèse, largement conventionnelle, d’une disparition totale du non-recours 1,2 à 2,2 M€ de ressources supplémentaires devraient être mobilisés. Dès à présent, un déséquilibre financier est anticipé à compter de 2016. Le chemin vers l’équilibre des comptes sociaux passe par des mesures de réorganisation et de mutualisation que favorisent notamment les nouvelles technologies. Comme la Cour l’a évoqué pour certaines administrations territoriales de l’État, le maillage territorial des organismes de protection sociale peut encore gagner en pertinence. Alors que l’organisation des réseaux d’organismes locaux du régime général de sécurité sociale n’avait pratiquement pas bougé depuis 1945, la Cour a relevé des

évolutions importantes depuis la fin des années 2000. Les caisses d’allocations familiales et

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Source : Cour des comptes

15/09/2015

LES DISPOSITIFS FAVORISANT L’ACCÈS AUX SOINS FONT L’OBJET D’UN NON-RECOURS MASSIF

Cour des comptes – La sécurité sociale

Nombre de bénéficiaires de la CMU-C et de l’ACS (en millions)

5,20

1,20

2,02

1,73

1,44

1,36

0

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

Couverture maladie universelle

complémentaire (CMU-C)

Aide au paiement d'une

complémentaire santé (ACS)

Nombre de bénéficiaires potentiels

(fourchette haute)

Nombre de bénéficiaires potentiels

(fourchette basse)

Nombre de bénéficiaires actuels

(fin 2014)

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les caisses primaires d’assurance maladie ont été départementalisées. Les Urssaf ont été départementalisées, puis régionalisées.

Le réseau a été ainsi significativement resserré. Cependant, beaucoup de caisses conservent une taille réduite. Les implantations géographiques sont restées largement figées. Des organismes de taille homogène affichent de substantiels écarts de coûts de gestion. Des mutualisations fonctionnelles complexes risquent d’entraver de nouvelles réorganisations plutôt que de les préparer, faute de schéma d’ensemble. Les pouvoirs publics demandent des efforts inédits d’économies de frais de gestion aux organismes de sécurité sociale (1,5 Md€ entre 2015 et 2017). De nouveaux modèles organisationnels sont nécessaires pour dégager l’ensemble des gains de productivité attendus. La dématérialisation des flux d’informations les rend possibles. À ce titre, les lieux d’accueil du public devraient être plus nettement dissociés de ceux de production. Les écarts de taille et de coûts doivent être plus activement réduits et les démarches de réorganisation s’inscrire plus délibérément dans une perspective interbranches, voire inter-régimes. L’efficacité de la gestion de la sécurité sociale est également tributaire de celle des établissements publics de santé dont l’assurance maladie est le principal financeur. Or la Cour et les chambres régionales des comptes ont observé à plusieurs reprises la qualité insuffisante des comptes hospitaliers. Ces constats ont conduit le législateur à instaurer en 2009 une certification obligatoire des comptes des principaux hôpitaux publics par un

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Source : Cour des comptes

LA RÉORGANISATION DES RÉSEAUX DE CAISSES DU RÉGIME GÉNÉRAL EST SIGNIFICATIVE MAIS INABOUTIE

15/09/2015 Cour des comptes – La sécurité sociale

Une forte réduction du nombre d’organismes de base, des gains de productivité à mobiliser

128 122

102 102 101

22

0

20

40

60

80

100

120

140

Maladie Famille Recouvrement

Évolution du nombre d'organismes de base entre 2005 et 2014

-20 %

-78 %

-17 %

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commissaire aux comptes. Elle a été appliquée pour la première fois à 31 établissements au titre de l’exercice 2014. À deux exceptions près, leurs comptes ont été certifiés. Près de 130 autres établissements leur emboîteront le pas au titre des exercices 2015 ou 2016. Ce processus s’est traduit par une dynamique positive. Au-delà des procédures comptables, il a contribué à la modernisation et à la fiabilisation des processus de gestion des hôpitaux publics. Ces derniers empruntent ainsi une démarche analogue à celle suivie par les organismes de sécurité sociale, telle que la Cour a pu le constater dans le cadre de sa mission de certification des comptes du régime général. Au regard des réserves relevées, des motifs de refus de certification des comptes parfois exprimés sur les comptes 2014, et des constats des juridictions financières, plusieurs points de vigilance doivent toutefois être soulignés. Il s’agit notamment, outre des faiblesses dans les dispositifs de contrôle interne relatifs aux actes de soins facturés à l’assurance maladie, de fragilités des systèmes d’information. La modernisation de la sécurité sociale devrait enfin concerner son pilotage financier. Dans ce domaine, l’apport des comparaisons internationales est précieux. Cette année, la Cour a réalisé une comparaison approfondie des systèmes de retraites et d’assurance maladie français avec leurs homologues allemands, en exploitant des données publiques et en rencontrant des interlocuteurs allemands. Elle l’avait déjà fait il y a quelques années en examinant dans une optique comparative les prélèvements fiscaux et sociaux dans chacun des deux pays. Les systèmes de retraites et d’assurance maladie français et allemands présentent des traits communs nombreux, mais aussi des différences importantes. Ces dernières portent non seulement sur certains aspects d’organisation, mais aussi sur les priorités et les modalités du pilotage financier. Si elles n’en sont pas la seule cause, ces différences concourent à éclairer les résultats très contrastés de leurs systèmes de protection sociale. En matière de retraites, l’Allemagne et la France sont confrontées à des défis de même nature, mais d’intensité différente. L’Allemagne a engagé plus tôt que la France et avec plus d’intensité un processus de réformes dans le contexte d’une démographie plus dégradée. Dans un contexte faisant de la préservation de la compétitivité des entreprises une priorité, elle privilégie un objectif d’équilibre durable. Elle le met en œuvre par la voie d’ajustements continus, et même automatiques, des paramètres du système de retraites. Cette méthode est privilégiée par rapport à celle de réformes d’ensemble se succédant à intervalles plus ou moins longs, en fonction des difficultés de soutenabilité des régimes. Par ailleurs une partie de l’effort d’ajustement a porté sur les personnes déjà retraitées, à travers les adaptations apportées au mode d’indexation de leurs pensions (elles ont baissé en termes réels de 10 % depuis 1991), quand le pouvoir d’achat des pensions de retraite a été globalement préservé dans notre pays. En définitive, les retraités français partent deux ans plus tôt que les retraités allemands et bénéficient de pensions en moyenne de 8 % supérieures sur une durée plus longue du fait d’une meilleure espérance de vie, mais les réformes en cours en France devraient conduire, à terme, à appliquer des conditions en grande partie analogues à celles en vigueur en Allemagne.

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Seul le prononcé fait foi

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Depuis 2006, l’assurance vieillesse de base des salariés enregistre des excédents, tandis que son homologue français est en déficit depuis 2005. Entre 2000 et 2014, alors que l’Allemagne dégageait, en cumul, 16 Md€ d’excédents, la France accumulait 65 Md€ de déficits. Pour ce qui est de l’assurance maladie, l’Allemagne a privilégié le maintien d’un niveau élevé de remboursement, mais sur un champ de prise en charge plus étroit qu’en France. Dans le même temps, notre voisin a mis en place un « bouclier sanitaire » plafonnant les restes à charge en fonction des revenus. En France, on constate en revanche un désengagement de l’assurance maladie obligatoire de base, sauf pour les patients atteints d’affections de longue durée sur lesquels a été concentré l’effort de remboursement. En contrepartie, l’assurance santé complémentaire, désormais en voie de généralisation, joue un rôle de plus en plus important, alors que sa place est très modeste en Allemagne. La France a mieux maîtrisé au cours de la période récente l’évolution des dépenses de soins à travers l’ONDAM. L’Allemagne a privilégié, comme pour les retraites, un objectif d’équilibre durable des comptes, érigé en principe de valeur constitutionnelle. Sa réalisation repose notamment sur une forte responsabilisation à tous les niveaux de l’ensemble des acteurs du système de soins. Elle concerne aussi les médecins prescripteurs, qui sont soumis à des enveloppes limitatives, mais dont les rémunérations, versées en tiers payant par leurs unions professionnelles, sont supérieures à celles de leurs confrères français.

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Source : Cour des comptes

15/09/2015

LES SYSTÈMES D’ASSURANCE MALADIE ET VIEILLESSE EN FRANCE ET EN ALLEMAGNE (1/2)

Cour des comptes – La sécurité sociale

Des systèmes comparables mais des résultats financiers divergents

0

-4,1 -2 -3

-3,9

7,5

1,2

3,8

0,2

2,1

4,7 5,1

1,9 1,4 0,3 0 -0,3 -3,9

-3,2 -4,4

-4,8

-10,3 -13

-9,4 -8,9

-6

-15

-10

-5

0

5

10

20

01

20

02

20

03

20

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20

05

20

06

20

07

20

08

20

09

20

10

20

11

20

12

20

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Soldes des régimes de retraite légale des salariés en Allemagne et du régime général

en France (Md€)

Résultats cumulés de l’assurance vieillesse

des salariés

sur la période 2000-2014

+ 16 Md€

- 65 Md€

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Entre 2004 et 2013, l’assurance maladie allemande a constamment été excédentaire, tandis que son homologue français connaît un déficit persistant depuis les années 1990. Entre 2000 et 2014, l’Allemagne a dégagé, en cumul, 12 Md€ d’excédents. Sur la même période, la France a accumulé 105 Md€ de déficits. Il ne saurait être question de transposer en tant que tels en France des éléments de l’architecture des systèmes allemands d’assurance maladie et de retraites, qui s’inscrivent dans un cadre institutionnel particulier. Néanmoins, les règles d’équilibre, les modes de pilotage et les mécanismes de responsabilisation mis en œuvre en Allemagne sont riches d’enseignements, pour qui s’intéresse aux voies d’évolution à même de permettre une soutenabilité et une pérennité accrues de notre propre système.

*

Il y aura tout juste soixante-dix ans le 4 octobre prochain une ordonnance du Gouvernement provisoire de la République créait la sécurité sociale. Elle portait une très haute ambition, issue du programme du Conseil national de la Résistance : « la sécurité sociale est la garantie donnée à chacun qu’en toute circonstance il disposera des moyens nécessaires pour assurer sa subsistance et celle de sa famille dans des conditions décentes ». La France d’aujourd’hui n’est plus celle de la Libération. Notre société et notre économie ont formidablement changé. Mais la sécurité sociale est plus que jamais l’expression privilégiée de la République et de ses valeurs.

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Source : Cour des comptes

15/09/2015

LES SYSTÈMES D’ASSURANCE MALADIE ET VIEILLESSE EN FRANCE ET EN ALLEMAGNE (2/2)

Cour des comptes – La sécurité sociale

Un pilotage orienté vers l’équilibre en Allemagne, des mécanismes de responsabilisation moins présents en France

-2,69 -3,41 -3,4

4,02

1,68 1,63 1,7 1,43 1,42 -0,39

4,17 5,44

1,36

-1,2

-2,1

-6,1

-11,1 -11,6

-8

-5,9 -4,6

-4,4

-10,6 -11,6

-8,6

-5,9

-7,6 -6,5

-14

-12

-10

-8

-6

-4

-2

0

2

4

6

8

20

01

20

02

20

03

20

04

20

05

20

06

20

07

20

08

20

09

20

10

20

11

20

12

20

13

20

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Soldes de l'assurance maladie légale obligatoire en Allemagne et du régime général

en France (Md€)

Résultats cumulés de l’assurance maladie

sur la période 2000-2014

+ 12 Md€

- 105 Md€

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Seul le prononcé fait foi

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Elle est aujourd’hui en risque, fragilisée par ses déficits persistants, par l’érosion de la protection qu’elle assure et par l’augmentation d’une dette sociale dont une part croissante n’est ni immédiatement visible, ni financée. Des choix s’imposent sans tarder pour permettre d’assurer un équilibre financier durable, comme la plupart de nos voisins l’ont réussi. De premiers progrès ont été faits. Mais les déficits résistent opiniâtrement. Il faut aller plus loin et plus vite. Des réformes structurelles sont possibles. Elles sont indispensables. Elles ne peuvent être différées. Elles sont en effet la condition non seulement du rétablissement de l’équilibre, mais de l’amélioration de la qualité et l’efficacité de notre protection sociale et de son adaptation aux besoins de notre temps, dans la fidélité aux principes qui l’ont fondée. Parmi eux, l’un est plus que jamais essentiel : la responsabilité. La responsabilisation de tous les acteurs à tous les niveaux, pour chaque euro dépensé, est le vrai bouclier de la solidarité. Qu’elle vienne à s’affaiblir, c’est alors la solidarité qui inéluctablement finit par reculer. La renforcer, c’est au contraire consolider la solidarité. C’est là le message principal des constats et recommandations qu’adresse la Cour aux pouvoirs publics et, par votre intermédiaire, à tous les assurés sociaux. Je vous remercie de votre attention et me tiens, avec les magistrats qui m’entourent, à votre disposition pour répondre à vos questions.