Debussy, Schubert, Ravel Maria-João Pires & Julien Brocal · PDF file(Brigitte Massin)....

20
Debussy, Schubert, Ravel Maria-João Pires & Julien Brocal Lundi 13 novembre 2017 – 20h30 GRANDE SALLE PIERRE BOULEZ – PHILHARMONIE

Transcript of Debussy, Schubert, Ravel Maria-João Pires & Julien Brocal · PDF file(Brigitte Massin)....

Page 1: Debussy, Schubert, Ravel Maria-João Pires & Julien Brocal · PDF file(Brigitte Massin). Rien d’étonnant, donc, à ce que l’œuvre schubertienne pour cette formation originale

Debussy, Schubert, RavelMaria-João Pires & Julien Brocal

Lundi 13 novembre 2017 – 20h30

GRANDE SALLE PIERRE BOULEZ – PHILHARMONIE

Page 2: Debussy, Schubert, Ravel Maria-João Pires & Julien Brocal · PDF file(Brigitte Massin). Rien d’étonnant, donc, à ce que l’œuvre schubertienne pour cette formation originale
Page 3: Debussy, Schubert, Ravel Maria-João Pires & Julien Brocal · PDF file(Brigitte Massin). Rien d’étonnant, donc, à ce que l’œuvre schubertienne pour cette formation originale

PROGRAMME

Claude DebussyPrélude à l’après-midi d’un faune – transcription pour piano à 4 mains de Maurice Ravel

Franz SchubertQuatre Impromptus D 935

ENTRACTE

Maurice RavelMiroirs

Franz SchubertFantaisie en fa mineur D 940

Maria-João Pires, pianoJulien Brocal, piano

FIN DU CONCERT VERS 22H45.

Julien Brocal se prêtera à une séance de dédicace à l’issue du concert.

Page 4: Debussy, Schubert, Ravel Maria-João Pires & Julien Brocal · PDF file(Brigitte Massin). Rien d’étonnant, donc, à ce que l’œuvre schubertienne pour cette formation originale
Page 5: Debussy, Schubert, Ravel Maria-João Pires & Julien Brocal · PDF file(Brigitte Massin). Rien d’étonnant, donc, à ce que l’œuvre schubertienne pour cette formation originale

5

Claude Debussy (1862-1918)Prélude à l’après-midi d’un faune – transcription pour piano à 4 mains par Maurice Ravel

Composition : 1892-1894.

Création de la version orchestrale : le 22 décembre 1894, Paris, par l’Orchestre de la

Société Nationale sous la direction de Gustave Doret.

Transcription pour piano quatre mains par Maurice Ravel : 1910.

Durée : environ 11 minutes.

« Sylvain d’haleine première Si ta flûte a réussi,

Ouïs toute la lumière Qu’y soufflera Debussy. »

Inscription de Mallarmé sur un exemplaire du

Prélude à l’après-midi d’un faune envoyé à Debussy en 1897

En 1894, la création du Prélude à l’après-midi d’un faune de Debussy semble ouvrir la porte à la musique moderne, l’œuvre abordant notamment dans sa manière d’orchestrer à un « son français » qui s’expri-mera aussi chez Ravel ou, plus tard, chez Dutilleux. L’idée de transposer au piano ce faune si lié dans nos esprits à la sonorité d’une flûte cares-sante et languide a des allures de gageure – mais, peut-être en raison des contraintes de l’époque (transcrire pour le piano était une manière, à un moment où l’enregistrement n’existait pas, d’offrir à une œuvre une plus large diffusion), Debussy s’y risque parallèlement à l’élaboration de l’orchestration du Prélude. Plus de quinze ans après, Ravel en donne une nouvelle version, pour quatre mains cette fois (celle de Debussy recourait aux deux pianos), plus rigoureuse dans sa transcription.

La disparition de la couleur instrumentale, absolument constitutive du Prélude orchestral, rend peut-être plus sensible encore la richesse de l’invention mélodique, rythmique et harmonique. Le Prélude s’inspire de

LES ŒUVRES

Page 6: Debussy, Schubert, Ravel Maria-João Pires & Julien Brocal · PDF file(Brigitte Massin). Rien d’étonnant, donc, à ce que l’œuvre schubertienne pour cette formation originale

6

« l’impression générale du poème » (comme l’explique le compositeur à Willy) de Mallarmé L’Après-midi d’un faune, sans prétendre à une quel-conque narrativité, Debussy prônant au contraire un profond dédain pour la musique à programme. Cette libre restitution d’un univers poétique valut au compositeur l’adhésion du poète : « Cette musique ne présente de dissonance avec mon texte, sinon d’aller bien plus loin, vraiment, dans la nostalgie et dans la lumière, avec finesse, avec malaise, avec richesse ».

Franz Schubert (1797-1828)Quatre Impromptus op. posth. 142

Allegro moderato

Allegretto

Andante

Allegro scherzando

Composition : 1827.

Publication : 1839, Diabelli, Vienne.

Durée : environ 40 minutes.

« Je peux difficilement croire que Schubert a réellement intitulé ces morceaux “impromptus”. Le premier est de toute évidence le premier mouvement d’une sonate ; il est conduit et clos de manière qu’il peut difficilement y avoir le moindre doute à ce propos. Je tiens le deuxième impromptu pour le deuxième mouvement de la même sonate […] et l’on pourrait peut-être considérer le quatrième impromptu comme un finale. »

Robert Schumann, Neue Zeitschrift für Musik, décembre 1838

Page 7: Debussy, Schubert, Ravel Maria-João Pires & Julien Brocal · PDF file(Brigitte Massin). Rien d’étonnant, donc, à ce que l’œuvre schubertienne pour cette formation originale

7

On serait bien malavisé de considérer les Impromptus de Schubert comme de jolies miniatures livrées au papier dans l’enthousiasme d’un instant de rêverie. D’ailleurs, le titre, emprunté au Tchèque Jan Vaclav Vorisek, n’est pas de Schubert ; il fut proposé par son éditeur à l’occasion de la parution des deux premiers numéros du premier cahier – même si le compositeur en était apparemment satisfait, puisqu’il utilisa le même nom pour qualifier le second recueil, également composé en 1827 mais publié de manière posthume sous le titre d’Impromptus op. 142. Quoiqu’il en soit, les quatre pièces qui le forment sont solidement construites, même si elles dédaignent la grammaire habituelle des sonates, et montrent une belle ampleur de proportions, la première et la troisième dépassant les dix minutes. Plus que dans les Impromptus op. 90, Schubert orga-nise l’ensemble en un tout cohérent ; faut-il aller jusqu’à y voir, comme Schumann, une sonate cachée, en raison des formes et tonalités de chacun des morceaux ?

Le recueil s’ouvre avec impétuosité, sur un fier motif pointé, puis s’oriente vers un lyrisme sans infatuation, au fil de tournures toutes plus schuber-tiennes les unes que les autres : écoutez ses changements de couleur har-monique, ses thèmes d’accords ou ses guirlandes de doubles-croches… Un Allegretto en la bémol majeur dessine ensuite un menuet-trio d’une simplicité toute apparente, avant les variations de l’Andante suivant, qui reprend, dans un geste fréquent chez le compositeur, un thème antérieur (ici, donné dans la musique de scène Rosamunde et le Quatuor à cordes n° 13). Pour finir, un Allegro scherzando bondissant et fantasque, au parfum hongrois, qui couronne le recueil avec ce qu’il faut de pétulance.

Page 8: Debussy, Schubert, Ravel Maria-João Pires & Julien Brocal · PDF file(Brigitte Massin). Rien d’étonnant, donc, à ce que l’œuvre schubertienne pour cette formation originale

8

Maurice Ravel (1875-1937)Miroirs

Noctuelles

Oiseaux tristes

Une barque sur l’océan

Alborada del gracioso

La vallée des cloches

Composition : 1904-1905.

Création : le 6 janvier 1906, Société nationale de musique, salle Érard à Paris, par

Ricardo Viñes.

Publication : 1906, Demets, Paris.

Durée : environ 28 minutes.

Voilà Ravel à son plus impressionniste – on a parfois l’impression d’entendre du Debussy, ou bien du Liszt, car ce sont bien Les cloches de Genève qui irriguent les quasi concomitantes Cloches à travers les feuilles (chez l’aîné) et La vallée des cloches (chez le cadet). Au sujet du recueil, Ravel confia que les pièces qui le forment « marquent dans [s]on évolution harmonique un changement assez considérable pour avoir décontenancé les musiciens les plus accoutumés jusqu’alors à [s]a manière… » Et il ajoute : « Le titre des Miroirs a autorisé mes critiques à compter ce recueil parmi les ouvrages qui participent du mouvement dit impressionniste », tout en précisant : « Ce mot de miroir en tout état de cause ne doit pas laisser supposer chez moi la volonté d’affirmer une théorie subjectiviste de l’art. »

Dédiées aux amis de la bande des « Apaches », qui réunit compositeurs, poètes et peintres dans l’effervescence du Paris d’avant-guerre, ces réflexions musicales prennent pour sujets de l’inspiration êtres vivants (papillons de nuit et oiseaux, mais aussi ce bouffon espagnol que l’on nomme gracioso) et paysages. Chacune exhale un parfum puissant qui lui est propre : une délicate gaucherie (Noctuelles), une mélancolie sourde (Oiseaux tristes), un bercement hypnotique (Une barque sur l’océan), un trompe-l’oreille de guitare (Alborada del gracioso), un tintement ouaté (La vallée des cloches) – et elle le fait avec la maîtrise pianistique carac-téristique de Ravel.

Page 9: Debussy, Schubert, Ravel Maria-João Pires & Julien Brocal · PDF file(Brigitte Massin). Rien d’étonnant, donc, à ce que l’œuvre schubertienne pour cette formation originale

9

Franz SchubertFantaisie pour piano à quatre mains D 940, op. posth. 103

Allegro molto moderato

Largo

Allegro vivace

Tempo primo

Composition : 1828. Dédiée à la comtesse Karoline Esterházy.

Création : le 9 mai 1828, à Vienne, par Franz Lachner et le compositeur.

Publication : mars 1829, Diabelli, Vienne.

Durée : environ 19 minutes.

Aux subtilités de la musique pour deux pianos, brillante et orientée vers la scène, Schubert préféra tout au long de sa vie la Gemütlichkeit [confort, intimité] du jeu à quatre mains, où les interprètes au coude-à-coude se partagent un même clavier. Chez lui plus que chez tout autre, la pratique du genre est liée à l’amitié, à l’épanouissement du je artistique au sein d’un nous qui le porte et l’encourage. Comme les schubertiades, ces réu-nions conviviales où l’art tient la première place, le piano à quatre mains – qui y est souvent joué – est « le lieu de l’échange et du dialogue amical, symbole de la communion fraternelle au sein d’un même univers affectif » (Brigitte Massin). Rien d’étonnant, donc, à ce que l’œuvre schubertienne pour cette formation originale – un instrument, deux instrumentistes – tienne une place toute particulière dans l’histoire de la musique, non seulement par le nombre (trente-deux œuvres) mais aussi par la qualité.

De cette abondante production, la Fantaisie en fa mineur, composée en 1828, en même temps que l’Allegro en la mineur et le Grand Rondeau en la majeur, représente le joyau. Merveilleusement construite et équilibrée, joignant à l’enthousiasme d’une écriture savante la profonde émotion d’un thème où l’économie des moyens le dispute à la beauté, elle fait partie des plus belles œuvres écrites pour quatre mains. Fondant en une seule coulée les quatre mouvements de la traditionnelle sonate, elle est débitrice du modèle de la Wanderer-Fantaisie, écrite en 1822. Liszt ne sera pas sourd à cette conception formelle : on peut d’ailleurs en voir un prolongement dans la monumentale Sonate en si mineur de 1852-1853.

Page 10: Debussy, Schubert, Ravel Maria-João Pires & Julien Brocal · PDF file(Brigitte Massin). Rien d’étonnant, donc, à ce que l’œuvre schubertienne pour cette formation originale

1 0

L’Allegro molto moderato par lequel s’ouvre la Fantaisie déroule tranquil-lement ses mélancoliques appels de quartes animés de notes pointées et d’appoggiatures ; il sera bientôt bousculé d’un thème viril et martelé dont on pressent déjà toutes les possibilités contrapuntiques. Le Largo s’échappe brusquement en fa dièse majeur (souvenir de la Fantaisie K. 608 de Mozart, souvenir également de la Wanderer-Fantasie) et entame bientôt un doux chant d’amour tout de frémissements. L’Allegro vivace qui suit joue le rôle du scherzo, avec ses gammes décidées et ses croches souriantes, avant le retour du thème initial, encadrant dans sa nudité et sa fragilité un passage fugué au flot tempétueux.

Angèle Leroy

Page 11: Debussy, Schubert, Ravel Maria-João Pires & Julien Brocal · PDF file(Brigitte Massin). Rien d’étonnant, donc, à ce que l’œuvre schubertienne pour cette formation originale

1 1

Le cycle pour piano

« C’est comme fragment que ce qui est imparfait apparaît encore le plus supportable », écrivait Novalis. Fascinés eux aussi par le fragment, les compositeurs romantiques le cultivèrent en particulier dans la musique pour piano. Mais souvent, ils regroupèrent leurs miniatures en cycles afin d’obtenir une totalité supérieure à la somme des parties, de dessiner une trajectoire au sein d’une apparente discontinuité, de créer une cohérence poétique, voire narrative (de nombreux cycles, ainsi que leurs pièces, por-tent des titres évocateurs). Un cycle se différencie d’un simple recueil par un sujet unificateur, comme dans Papillons (inspiré par L’Âge ingrat du romancier allemand Jean-Paul), Kreisleriana (d’après les contes fantastiques d’E.T.A. Hoffmann), les Scènes d’enfants ou les Scènes de la forêt de Schumann. La construction tonale cimente l’ensemble avec un jeu de symétries, des enchaînements logiques mais aussi des ruptures. Certaines œuvres sont élaborées à partir d’un motif très bref, comme le Carnaval de Schumann, sous-titré « Scènes mignonnes sur quatre notes », les Préludes de Chopin fondés sur la cellule génératrice sol-mi-ré, les Tableaux de voyage de d’Indy. L’élément unificateur est parfois un véritable thème, facilement mémorisable et reconnaissable, comme la « Promenade » qui jalonne Les Tableaux d’une exposition de Moussorgski. Au xxe siècle, le répertoire pianistique continua de s’enrichir de nouveaux cycles, avec par exemple Mana de Jolivet (1935) et les Vingt Regards sur l’Enfant-Jésus de Messiaen (1944).

Hélène Cao

LE SAVIEZ-VOUS ?

Page 12: Debussy, Schubert, Ravel Maria-João Pires & Julien Brocal · PDF file(Brigitte Massin). Rien d’étonnant, donc, à ce que l’œuvre schubertienne pour cette formation originale

1 2

Claude DebussyDebussy naît en 1862. Après des étu-des de piano avec Mme Mauté de Fleurville, élève de Chopin et belle-mère de Verlaine, il entre dès 1873 au Conservatoire, où il restera jusqu’en 1884, année de son Prix de Rome. Il y étudie le solfège avec Lavignac (1873), le piano avec Marmontel (1875), l’har-monie, le piano d’accompagnement, et, alors que ses premières compositions datent de 1879, la composition avec Ernest Guiraud (1880). Étudiant peu orthodoxe et volontiers critique, ses études ont été assez longues et, somme toute, assez peu brillantes. En 1879, il devient pianiste accompagnateur d’une célèbre mécène russe, Madame von Meck, et parcourt durant deux étés l’Europe en sa compagnie, de l’Italie à la Russie. Il se familiarise ainsi avec la musique russe, rencontre Wagner à Venise, et entend Tristan à Vienne. Il obtient le Prix de Rome en 1884, mais son séjour à la Villa Médicis l’ennuie. À son retour anticipé à Paris s’ouvre une période bohème : il fréquente les cafés, noue des amitiés avec des poètes, pour la plupart symbolistes (Henri de Régnier, Moréas, un peu plus tard Pierre Louÿs), s’intéresse à l’ésotérisme et l’occultisme. Il met en musique Verlaine, Baudelaire, lit Schopenhauer, alors à la mode, et admire Tristan et Parsifal de Wagner. Soucieux de sa liberté, il

se tiendra toujours à l’écart des insti-tutions et vivra dans la gêne jusqu’à quarante ans. De même, il conservera toujours ses distances à l’égard du milieu musical. En 1890, il rencontre Mallarmé, qui lui demande une musique de scène pour son poème L’Après-midi d’un faune. De ce projet qui n’aboutira pas, il restera le fameux Prélude, com-posé entre 1891 et 1894, premier grand chef-d’œuvre, qui, par sa liberté et sa nouveauté, inaugure la musique du xxe siècle, et trouve un prolongement dans les trois Nocturnes pour orchestre, composés entre 1897 et 1899. En 1893, il assiste à une représentation de Pelléas et Mélisande de Maeterlinck, auprès de qui il obtient l’autorisation de mettre la pièce en musique. Il compose l’es-sentiel de son opéra en quatre ans, puis travaille à l’orchestration. La première de cette œuvre majeure a lieu le 30 avril 1902. Après Pelléas s’ouvre une nouvelle ère dans la vie de Debussy, grâce à sa réputation de compositeur en France et à l’étranger, et à l’aisance financière assurée par cette notoriété et également par son mariage avec la cantatrice Emma Bardac en 1904. Il se détache alors du symbolisme, qui passe de mode vers 1900. À partir de 1901, il exerce une activité de critique musi-cal, faisant preuve d’un exceptionnel discernement dans des textes à la fois ironiques et ouverts, regroupés sous

LES COMPOSITEURS

Page 13: Debussy, Schubert, Ravel Maria-João Pires & Julien Brocal · PDF file(Brigitte Massin). Rien d’étonnant, donc, à ce que l’œuvre schubertienne pour cette formation originale

1 3

le titre de Mr Croche antidilettante et autres textes. À partir de 1908, il touche occasionnellement à la direction d’or-chestre pour diriger ses œuvres, dont il suit les créations à travers l’Europe. Se passant désormais plus volontiers de supports textuels implicites ou expli-cites, il se tourne vers la composition pour le piano et pour l’orchestre. Les chefs-d’œuvre se succèdent : Pour le piano, les Estampes (1903), les deux cahiers d’Images (1905 et 1907), les deux cahiers de Préludes (1910 et 1912) ; pour l’orchestre, La Mer (1905), Images pour orchestre (1912). Après Le Martyre de saint Sébastien (1911), la dernière période, assombrie par la guerre et une grave maladie, ouvre cependant de nouveaux chemins, vers un langage musical plus abstrait avec Jeux (1913) et les Études pour piano (1915), ou vers un classicisme français renouvelé dans les Sonates (1915-1917). Debussy meurt le 25 mars 1918.

Franz SchubertNé en 1797 à Lichtental, dans les faubourgs de Vienne, Franz Schubert baigne dans la musique dès sa plus tendre enfance. En parallèle des pre-miers rudiments instrumentaux appor-tés par son père ou son frère, l’enfant, dont les dons musicaux impressionnent son entourage, reçoit l’enseignement du Kapellmeister de la ville. Le petit Franz tient alors volontiers la partie d’alto dans le quatuor familial ; mais il

joue tout aussi bien du violon, du piano ou de l’orgue. En 1808, il est admis sur concours dans la maîtrise de la cha-pelle impériale de Vienne : ces années d’études à l’austère Stadtkonvikt, où il noue ses premières amitiés, lui appor-tent une formation musicale solide. Dès 1812, il devient l’élève en compo-sition et contrepoint d’Antonio Salieri, alors directeur de la musique à la cour de Vienne. Les années qui suivent le départ du Konvikt, en 1813, sont d’une incroyable richesse du point de vue compositionnel : le jeune homme accu-mule les quatuors à cordes (onze com-posés avant 1817, dont cinq pour la seule année 1813…), les pièces pour piano, les œuvres pour orchestre (premières symphonies, Messe n° 1), mais aussi, tout particulièrement, les lieder – dont les chefs-d’œuvre que sont Marguerite au rouet (1814) et Le Roi des aulnes (1815). La trajectoire du musicien, alors contraint pour des raisons matérielles au métier d’instituteur, est fulgurante. Des rencontres importantes, comme celle des poètes Johann Mayrhofer et Franz von Schober, ou celle du célèbre baryton Johann Michael Vogl, grand défenseur de ses lieder, lui ouvrent de nouveaux horizons. Pour autant, seule une infime partie de ses com-positions connaît la publication, à par-tir de 1818. Peu après un séjour en Hongrie en tant que précepteur des filles du comte Esterházy, et alors qu’il commence à être reconnu, tant dans

Page 14: Debussy, Schubert, Ravel Maria-João Pires & Julien Brocal · PDF file(Brigitte Massin). Rien d’étonnant, donc, à ce que l’œuvre schubertienne pour cette formation originale

1 4

le cercle des « schubertiades » que par un public plus large – deux de ses œuvres dramatiques sont notamment représentées sur les scènes viennoi-ses en 1820, et il est admis au sein de la Société des amis de la musique en 1821 –, Schubert semble traver-ser une crise compositionnelle. Après des œuvres comme le Quintette à cor-des « La Truite », composé en 1819, son catalogue montre une forte propen-sion à l’inachèvement (Quartettsatz, Symphonie n° 8 « Inachevée », oratorio Lazarus) qui suggère la nécessité, pour le compositeur, de repenser son esthé-tique. Du côté des lieder, il en résulte un recentrage sur les poètes romanti- ques (Novalis, Friedrich Schlegel… et jusqu’à Heinrich Heine), qui aboutit en 1823 à l’écriture du premier cycle sur des textes de Wilhelm Müller, La Belle Meunière, suivi en 1827 d’un second chef-d’œuvre d’après le même poète, Voyage d’hiver. En parallèle, il compose ses trois derniers quatuors à cordes (« Rosamunde », « La Jeune Fille et la Mort » et le Quatuor n° 15 en sol majeur), ses grandes sonates pour piano, mais aussi la Symphonie en ut majeur (1825). La réception de sa musique reste inégale, le compositeur essuyant son lot d’échecs à la scène (Alfonso und Estrella et Fierrabras jamais représentés, Rosamunde dis- paru de l’affiche en un temps record) mais rencontrant par ailleurs des succès indéniables : publication et création du

Quatuor « Rosamunde » en 1824, ou publication des Sonates pour piano D 845, D 850 et D 894, qui reçoivent des critiques positives. Après la mort de Beethoven, que Schubert admi-rait profondément, en mars 1827, le compositeur continue d’accumuler les œuvres de première importance (deux Trios pour piano et cordes, Quintette en ut, Impromptus pour piano, der-niers lieder publiés sous le titre de Schwanengesang en 1828) et organise pour la seule et unique fois de sa vie un grand concert dédié à ses œuvres (mars 1828). Ayant souffert pendant cinq ans de la syphilis, contractée vers 1823, et de son traitement au mercure, il meurt le 19 novembre 1828. À 31 ans, il laisse derrière lui un catalogue immense dont des pans entiers res-teront totalement inconnus du public durant de longues décennies.

Maurice RavelNé à Ciboure, dans les Pyrénées Atlan-tiques, en 1875, Ravel quitte presque immédiatement le Pays basque pour Paris où il grandit entouré de l’affec-tion et de l’attention de ses parents, qui reconnaissent rapidement ses dons pour la musique. Leçons de pia-no et cours de composition forment donc le quotidien du jeune Ravel, qui entre à 14 ans au Conservatoire de Paris. Il y rencontre le pianiste Ricardo Viñes, qui allait devenir l’un de ses plus dévoués interprètes, et se forge

Page 15: Debussy, Schubert, Ravel Maria-João Pires & Julien Brocal · PDF file(Brigitte Massin). Rien d’étonnant, donc, à ce que l’œuvre schubertienne pour cette formation originale

1 5

une culture personnelle, où voisinent Mozart, Saint-Saëns, Chabrier et Satie et le Groupe des cinq. Ses premières compositions, dont le Menuet antique de 1895, précèdent son entrée en 1897 dans les classes d’André Gédalge et de Fauré, qui reconnaît immédiate-ment le talent et l’indépendance de son élève. Ravel attire déjà l’attention, notamment par le biais de sa Pavane pour une infante défunte (1899), qu’il tient pourtant en piètre estime ; mais ses déboires au Prix de Rome dirigent sur lui tous les yeux du monde musical. Son exclusion du concours, en 1905, après quatre échecs essuyés dans les années précédentes, crée en effet un véritable scandale. En parallèle, une riche brassée d’œuvres prouve sans conteste aucun son talent (pour piano, les Jeux d’eau, qui montrent bien que Ravel n’est pas le suiveur de Debussy qu’on a parfois voulu décrire, mais aussi les Miroirs et la Sonatine ; Quatuor à cordes, Shéhérazade sur des poèmes de Klingsor). La suite de la décennie ne marque pas de ralen-tissement dans l’inspiration, avec la Rapsodie espagnole (pour deux pia-nos et pour orchestre), la suite Ma mère l’Oye, écrite d’abord pour quatre mains, ou le radical Gaspard de la nuit, inspiré par Aloysius Bertrand. Peu après la fondation de la Société musicale indépendante (SMI), concurrente de la plus conservatrice Société nationale de musique (SNM), l’avant-guerre voit

cependant Ravel subir ses premières déconvenues. Achevée en 1907, la « comédie musicale » L’Heure espa-gnole est accueillie avec froideur et même taxée de « pornographie », tan-dis que le ballet Daphnis et Chloé, écrit pour les Ballets russes (1912), peine à rencontrer son public. Le suc-cès des versions chorégraphiques de Ma mère l’Oye et des Valses nobles et sentimentales (intitulées pour l’oc-casion Adélaïde ou le Langage des fleurs) rattrape cependant ces mésa-ventures. La guerre, si elle rend Ravel désireux de s’engager sur le front (refu-sé dans l’aviation en raison de sa petite taille et de son poids léger, il devient conducteur de poids lourds), ne crée pas chez lui le repli nationa- liste qu’elle inspire à d’autres. Le compo-siteur qui s’enthousiasmait pour Pierrot lunaire (1912) de Schönberg ou Le Sacre du printemps (1913) de Stravinski conti-nue de défendre la musique contempo-raine européenne et refuse d’adhérer à la Ligue nationale pour la défense de la musique française. Le conflit lui ins- pire Le Tombeau de Couperin, six piè-ces dédiées à des amis morts au front qui rendent hommage à la musique du xviie siècle. Période noire pour Ravel, qui porte le deuil de sa mère bien-aimée (1917), l’après-guerre voit la reprise du travail sur le « tourbillon fantastique et fatal » de La Valse, pensée dès 1906 et achevée en 1920. Désireux de calme, Ravel achète en 1921 une maison à

Page 16: Debussy, Schubert, Ravel Maria-João Pires & Julien Brocal · PDF file(Brigitte Massin). Rien d’étonnant, donc, à ce que l’œuvre schubertienne pour cette formation originale

1 6

Maria João PiresNée le 23 juillet 1944 à Lisbonne, Maria João Pires joue en public pour la pre-mière fois à l’âge de 4 ans et commence ses études de musique et piano avec Campos Coelho et Francine Benoît. Plus tard, en Allemagne, elle travaille avec Rosl Schmid et Karl Engel. En parallèle de ses concerts, elle enregistre pendant quinze ans pour Erato et vingt ans pour Deutsche Grammophon. Depuis les années 1970, elle se consacre à une réflexion sur l’influence de l’art sur la vie, la communauté et l’école en tentant de découvrir de nouveaux moyens

d’établissement de cette pédagogie dans la société. Elle recherche de nou-velles formes de transmission respec-tant le développement de l’individu et des cultures, l’incitant au partage. En 1999, elle crée le Centre pour l’étude des arts de Belgais, au Portugal. Elle élargit alors la divulgation de cette philosophie à Salamanca et Bahia au Brésil. En 2012, en Belgique, elle initie deux projets complémentaires : le projet Equinox, dédié à la création et au développement des chœurs d’enfants issus de milieux défavorisés, et le projet Partitura, dont l’objectif est de créer une

LES INTERPRÈTES

Monfort-l’Amaury en Seine-et-Oise, bientôt fréquentée par tout son cercle d’amis : c’est là que celui qui est désor-mais considéré comme le plus grand compositeur français vivant (Debussy est mort en 1918) écrit la plupart de ses dernières œuvres. Bien que n’accusant aucune baisse de qualité, sa produc-tion ralentit considérablement avec les années, jusqu’à s’arrêter totalement en 1932. En attendant, le compositeur reste actif sur tous les fronts : musique de chambre (Sonate pour violon et violoncelle de 1922, Sonate pour vio-lon et piano de 1927), scène lyrique (L’Enfant et les Sortilèges, sur un livret de Colette, composé de 1919 à 1925), ballet (Boléro écrit en 1828 pour la danseuse Ida Rubinstein), musique

concertante (les deux concertos pour piano furent pensés de 1929 à 1931). En parallèle, l’homme est honoré de tous côtés – on lui offre notamment la Légion d’honneur, qu’il refuse en 1920 – et multiplie les tournées : Europe en 1923-1924, États-Unis et Canada en 1928, Europe à nouveau en 1932 avec Marguerite Long pour interpréter le Concerto en sol. À l’été 1933, les pre-mières atteintes de la maladie neurolo-gique qui allait emporter le compositeur se manifestent : troubles de l’élocution, difficultés à écrire et à se mouvoir. Petit à petit, Ravel, toujours au faîte de sa gloire, se retire du monde. Une intervention chirurgicale désespérée le plonge dans le coma, et il meurt en décembre 1937.

Page 17: Debussy, Schubert, Ravel Maria-João Pires & Julien Brocal · PDF file(Brigitte Massin). Rien d’étonnant, donc, à ce que l’œuvre schubertienne pour cette formation originale

1 7

dynamique altruiste entre les artistes de différentes générations en proposant une alternative dans un monde trop souvent axé sur la compétitivité.

Julien BrocalNé en 1987 à Arles, Julien Brocal a commencé l’étude du piano à l’âge de cinq ans. Il a reçu les enseignements d’Erik Berchot et Rena Shereshevskaya à l’École Normale de Musique de Paris Alfred Cortot et commencé à travail-ler avec Maria João Pires en 2013 à la Cité de la musique. Celle-ci lui a ensuite proposé de poursuivre ses études à la Chapelle Musicale Reine Élisabeth en Belgique et de comp-ter parmi les membres fondateurs du Partitura Project. Maria et Julien ont été programmés ensemble dans le monde entier, au Festival Chopin de Varsovie, à l’Opéra de Florence, au Sheldonian Theatre d’Oxford, au Severance Hall de Cleveland ou au Tippet Rise Art Centre (Montana). Ils ont également collaboré à de nombreux ateliers et au lancement de programmes édu-catifs et sociaux pour la jeunesse tels qu’Equinox. La saison 2017-2018 sera l’occasion pour Julien Brocal de se produire dans le cadre des festivals Classique au Vert, Piano aux Jacobins ainsi qu’à la Philharmonie de Paris. Julien réside aujourd’hui à Belgais, au Centre pour l’étude des arts fondé par Maria João Pires. Son premier enre-gistrement solo (consacré à Chopin) est paru en janvier 2017 chez Rubicon Classics, chaleureusement accueilli par

la presse internationale, le BBC Music Magazine lui ayant ainsi accordé cinq étoiles et classé « album instrumental du mois ». Le prochain album du jeune pianiste paraîtra en 2018, toujours chez Rubicon Classics, et réunira des pièces de Ravel et de Mompou.

Le projet Partitura est un mouvement fondé par un collectif d’artistes soucieux de repenser leur rôle – aussi bien esthé-tique, éthique, social, pédagogique que spirituel – dans une société où certaines valeurs fondamentales semblent en crise. Leur objectif est de permettre un dialogue ouvert entre différents formes d’art et de sciences, et de contribuer à une vision plus globale de l’être humain dans son environnement.

E.S

. 1-1

0832

94, 1

-104

1550

, 2-1

0415

46, 3

-104

1547

- Im

pri

meu

r : B

AF

Page 18: Debussy, Schubert, Ravel Maria-João Pires & Julien Brocal · PDF file(Brigitte Massin). Rien d’étonnant, donc, à ce que l’œuvre schubertienne pour cette formation originale

1 8

TOUS MÉCÈNES À LA PHILHARMONIE

Mélomanes rejoignez-nous !

CERCLE ORPHÉESoutenez la création

Découvrez les coulisses

Rencontrez les artistes

Phot

o : ©

Dec

ca E

sther

Haa

se -

Lice

nces

ES

: 1-1

0415

50, 2

-041

546,

3-1

0415

47.

TOUS VOS DONS OUVRENT DROIT À DES RÉDUCTIONS D’IMPÔTS.

Pour en savoir plus :

Anne-Flore Naudot01 53 38 38 31 • [email protected]

Zoé Macêdo-Roussier01 44 84 45 71 • [email protected]

LES AMISBénéficiez des meilleures places

Réservez en avant-première

Participez aux répétitions,visites exclusives…

Pub mecenat.indd 1 31/08/2017 12:38

Page 19: Debussy, Schubert, Ravel Maria-João Pires & Julien Brocal · PDF file(Brigitte Massin). Rien d’étonnant, donc, à ce que l’œuvre schubertienne pour cette formation originale

1 9

TOUS MÉCÈNES À LA PHILHARMONIE

Mélomanes rejoignez-nous !

CERCLE ORPHÉESoutenez la création

Découvrez les coulisses

Rencontrez les artistes

Phot

o : ©

Dec

ca E

sther

Haa

se -

Lice

nces

ES

: 1-1

0415

50, 2

-041

546,

3-1

0415

47.

TOUS VOS DONS OUVRENT DROIT À DES RÉDUCTIONS D’IMPÔTS.

Pour en savoir plus :

Anne-Flore Naudot01 53 38 38 31 • [email protected]

Zoé Macêdo-Roussier01 44 84 45 71 • [email protected]

LES AMISBénéficiez des meilleures places

Réservez en avant-première

Participez aux répétitions,visites exclusives…

Pub mecenat.indd 1 31/08/2017 12:38

Piano à la Philharmonie.

PIERRE-LAURENT AIMARDNICHOLAS ANGELICHMARTHA ARGERICHDANIEL BARENBOIM

RAFAŁ BLECHACZKHATIA BUNIATISHVILI

NELSON FREIRE HÉLÈNE GRIMAUD

RADU LUPU

Phot

o : ©

W. B

eauc

arde

t - L

icen

ces E

S : 1

-104

1550

, 2-0

4154

6, 3

-104

1547

.

BRAD MEHLDAU MURRAY PERAHIA MARIA JOÃO PIRES MIKHAÏL PLETNEV MAURIZIO POLLINI

ALEXANDRE THARAUDDANIIL TRIFONOVALEXEI VOLODIN

YUJA WANG…

Réservez dès maintenant01 44 84 44 84 - PHILHARMONIEDEPARIS.FR

SAISON 2017-18SAISON 2017-18 P H I L H A R M O N I E D E PA R I S

Réservez dès maintenant01 44 84 44 84 - PHILHARMONIEDEPARIS.FR

Page 20: Debussy, Schubert, Ravel Maria-João Pires & Julien Brocal · PDF file(Brigitte Massin). Rien d’étonnant, donc, à ce que l’œuvre schubertienne pour cette formation originale

2 0

Un musée pour vivre la musique.E X P O S I T I O N S • C O N C E R T S Q U O T I D I E N S • A C T I V I T É S E N F A M I L L E

M U S É E D E L A M U S I Q U E

....................................................

philharmoniedeparis.fr 01 44 84 44 84

Porte de Pantin

Lice

nces

E.S

. : 1

-108

3294

, 1-1

0415

50, 2

-104

1546

, 3-1

0415

47 –

Pho

togr

aphe

: Vi

ncen

t Bou

sser

ez -

Viol

ino

Har

pa F

orm

a M

axim

a, T

hom

as Z

ach

Vien

ne, 1

874

NP-PUB-musee.indd 2 05/10/2017 10:34