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ANALYSÉ DÉS ECHECS ÉT ÀBÀNDONS A t'UNIVERSITE IMPORTANCE DU MILIEU SOCIAL D'ORIGINE par André BEGUIN INTRODUCTION L'analyse des échecs aux examens à l'U.C.L. a montré que, de manière générale, la première année d'études représente l'obstacle le plus difficile à franchir, sauf pour la première can- didature en sciences appliquées où il existe un examen d'ad- mission (*). Ces données sont confirmées par les résultats d'en- semble obtenus dans les universités belges : dans les récentes années pour toutes les facultés, le rendement moyen en pre- mière année oscillait autour de 42 % (Bone, 1968). Depuis les analyses de Bourdieu et Passeron (1964-68-70) notamment, on n'ignore plus combien le système d'enseigne- ment, sous le couvert d'une idéologie égalitaire, permet en fait une « reproduction» sociale favorable aux classes sociales pri- vilégiées. Nous empruntons à Bazin (1970) une description des mé- canismes mis en œuvre: «une partie essentielle de l'héritage social des enfants des classes favorisées est l'héritage culturel transmis par l'éducation familiale; lorsque l'enfant est soumis à l'éducation de l'institution scolaire, cet héritage culturel se transforme en don scolaire, ce don scolaire se traduit naturel- lement en réussite scolaire et cette réussite scolaire se réim- plante en réussite et privilèges sociaux. La boucle est bouclée. La société se trouve « reproduite» (...) Bien plus, elle se trouve (*) A titre d'information, voici quelques exemples pris au hasard. Ils permettent de comparer les niveaux de réussite des deux premières candida- tures ; la réussite en deuxième candidature a été indiquée entre parenthèses. Sciences économiques et sociale: 49 % (88 %) - Médecine: 46 % (73 %) - Agronomie: 53 % (82 0/0). Source : Statistiques examens 1969 - Unité d'analyse de l'U.C.L. Docu- ment non publié. 226

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ANALYSÉ DÉS ECHECS ÉT ÀBÀNDONS A t'UNIVERSITEIMPORTANCE DU MILIEU SOCIAL D'ORIGINE

par

André BEGUIN

INTRODUCTION

L'analyse des échecs aux examens à l'U.C.L. a montré que,de manière générale, la première année d'études représentel'obstacle le plus difficile à franchir, sauf pour la première can-didature en sciences appliquées où il existe un examen d'ad-mission (*). Ces données sont confirmées par les résultats d'en-semble obtenus dans les universités belges : dans les récentesannées pour toutes les facultés, le rendement moyen en pre-mière année oscillait autour de 42 % (Bone, 1968).

Depuis les analyses de Bourdieu et Passeron (1964-68-70)notamment, on n'ignore plus combien le système d'enseigne-ment, sous le couvert d'une idéologie égalitaire, permet en faitune « reproduction» sociale favorable aux classes sociales pri-vilégiées.Nous empruntons à Bazin (1970) une description des mé-

canismes mis en œuvre: «une partie essentielle de l'héritagesocial des enfants des classes favorisées est l'héritage cultureltransmis par l'éducation familiale; lorsque l'enfant est soumisà l'éducation de l'institution scolaire, cet héritage culturel setransforme en don scolaire, ce don scolaire se traduit naturel-lement en réussite scolaire et cette réussite scolaire se réim-plante en réussite et privilèges sociaux. La boucle est bouclée.La société se trouve « reproduite» ( ... ) Bien plus, elle se trouve

(*) A titre d'information, voici quelques exemples pris au hasard. Ilspermettent de comparer les niveaux de réussite des deux premières candida-tures ; la réussite en deuxième candidature a été indiquée entre parenthèses.Sciences économiques et sociale: 49 % (88 %) - Médecine: 46 % (73 %)- Agronomie: 53 % (82 0/0).

Source : Statistiques examens 1969 - Unité d'analyse de l'U.C.L. Docu-ment non publié.

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légitimée: puisque les nouveaux favorisés, bien qu'étant lesenfants des anciens, n'ont pas acquis cette situation par la« naissance» ni par un quelconque héritage visible directe-ment transmis, mais par la constitution «impartiale» de leursupériorité par une institution « neutre », qui les a mis en com-pétition avec tous les autres enfants. Lesquels naturellement- et c'est le gros avantage du système - reconnaissent la légi-timité de ce classement qui les favorise.»

Cette sélection sociale peut être vérifiée dès l'entrée à l'U.C.L.En première candidature en 70-71, 33,8 '10 des étudiants étaientissus des couches privilégiées de la population, contre 6,7 '10qui provenaient de milieux ouvriers.

La présélection est manifeste. Si on tient compte de la repré-sentation des catégories modestes dans la population active,les étudiants issus de ces milieux sont sursélectionnés et seuleune certaine élite accède à l'université.La preuve peut en être administrée si on compare les résul-

tats de fin d'études secondaires des étudiants inscrits en pre-mière candidature: on constate que les étudiants d'originemodeste ont obtenu les taux les plus élevés de réussite. Voici,d'après l'origine sociale, les pourcentages d'étudiants ayant ob-tenu 70 % au moins.

Tableau 1

Pourcentages de réussite en fin d'humanités,d'après le milieu social d'origine

Origine sociale 70% des pointset plus

Moins de70 % des points

Total

Origine modesteOrigine intermédiaireOrigine élevée

40,531,930,0

59,568,170,0

100100100

Source: Statistiques sociales annuelles de l'U.C.L. Année 1970-71.

En toute rigueur, il faut faire remarquer qu'on ne maîtrise pasdans ce tableau l'influence de l'établissement d'enseignementsecondaire quant à la plus ou moins grande libéralité dans l'at-tribution d'un bon résultat.

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Cette surs élection constatée dès avant l'entrée à l'universitéet connaissant le pourcentage d'échecs en première candidature,on peut se demander dans quelle mesure l'origine sociale del'étudiant se traduit dans l'échec et l'abandon des études.

Méthodes de recensement et d'analyse

Dans cet article, l'analyse portera sur les résultats aux exa-mens et l'ampleur du taux d'abandon en cas d'échec en ce quiconcerne les étudiants belges inscrits en 1969-70 pour la pre-mière fois en première candidature en sciences économiques etsociales à l'U.C.L.

La faculté des Sciences Economiques et Sociales a été rete-nue dans une première démarche en raison d'un pourcentaged'échec en première année très proche de celui que l'on constatepour l'ensemble de notre université. Par souci de préserverl'homogénéité de la population interrogée et aussi parce queles comparaisons relatives à l'origine sociale sont difficiles àétablir, nous n'avons pas voulu tenir compte de la populationdes étudiants étrangers.

Si 400 étudiants présentant les caractéristiques envisagéesétaient inscrits en première candidature en sciences économi-ques et sociales, seuls 300 étudiants pour lesquels nous possé-dions tous les renseignements souhaités, ont été retenus. Cettemesure a pu être prise sans que les pourcentages d'échecs etd'abandons dans la population sélectionnée diffèrent de ceuxde la population-mère.

L'appartenance à un milieu socio-culturel particulier a étédéterminée sur base de l'indicateur le plus fréquemment utilisédans la littérature; à savoir, la profession exercée par le père.Vu la taille de la population étudiée, on a réparti les étudiantsen trois niveaux: dans le premier se trouvent 63 étudiants ap-partenant à un milieu modeste (ouvrier, petit indépendant, em-ployé non qualifié) ; dans le second sont regroupés 95 étudiantsdont le père occupe un niveau intermédiaire dans la stratifi-cation sociale (employé qualifié, cadre non universitaire, petitindustriel...) et enfin dans la catégorie supérieure sont classésles 142 enfants issus des couches élevées de la population (ca-dre universitaire, gros industriel, profession libérale ... ).

Cette analyse constitue un travail exploratoire. Les résul-

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tats doivent essentiellement permettre de dégager une seried'hypothèses à vérifier par la suite sur l'ensemble des étudiantsde première candidature. Les données que nous possédons pro-viennent du dossier social annuel en ce qui concerne les élé-ments sociaux, et du secrétariat de la candidature en scienceséconomiques et sociales pour les résultats aux examens (1).

La réussite et l'échec d'après le milieu social d'origine

L'examen des pourcentages de réussites et d'échecs selon lemilieu social ne permet pas de constater de différences.

Tableau II

Pourcentages de réussites et d'échecs en le candidatureen sciences économiques et sociales selon l'origine sociale

Origine sociale Origine sociale Origine socialemodeste intermédiaire élevée

Réussites 47,7 43,2 47,9Abandons 19,1 23,2 20,5Recommencent l'année 33,2 33,6 31,6

Total 0/0 100 100 100Nombre absolu 63 95 142

On remarque que les étudiants d'origine modeste réussissentaussi bien que les étudiants d'origine sociale élevée et que laproportion des abandons est constante quel que soit le milieud'origine. Ce dernier point pourrait être un indicateur de l'im-portance qu'accordent les étudiants des catégories modestes àobtenir une formation universitaire, si on sait que 33 70 de cesétudiants sont titulaires d'une bourse et que suite à l'échec,nombreux sont ceux qui la perdent lors de la réinscription.

Le recours à l'analyse multivariée pourrait avoir pour con-séquence de relativiser la portée des renseignements fournispar le tableau II; en effet, il se peut que des différences appa-raissent d'après le milieu social lors de la mise en relation des

(1) Dossier social : chaque année, au moment de l'inscription des nou-veaux étudiants, l'université procède à la collecte d'une série d'informationsà caractère social.

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pourcentages d'échecs et d'abandons avec certaines caractéris-tiques de l'étudiant.

En d'autres termes, la fonction de l'examen dans la sélectionsociale ne serait pas directement perçue au travers de la rela-tion entre l'échec et l'origine sociale (2), mais bien par la mé-diation d'un ensemble logique de facteurs.

Expliquons-nous. Au moment de s'inscrire à l'université,l'étudiant se présente avec une série de caractéristiques; cer-taines sont prescrites (comme le sexe, l'âge, la fratrie ... ) d'au-tres sont acquises par l'étudiant (la section d'humanités dontil est issu, le fait de travailler, l'état-civil...),

Le nouvel étudiant se situe en outre dans un rapport parti-culier avec les études qu'il entame; il se crée en effet une cer-taine image de son avenir. Celle-ci apparaît, par exemple,dans l'attitude qu'il adopte face à l'échec aux examens, oudans l'idée qu'il se fait de la profession future. Enfin s'il pro-vient de milieux à revenus modestes, il possède ou ne possèdepas les moyens financiers, sous forme de bourse ou de prêt.

I. INFLUENCE DES CARAC'TERES PRESCRITS

Le sexe

En observant la réussite aux examens chez les filles de lapremière candidature en sciences économiques et sociales, onremarque qu'elle atteint un pourcentage sensiblement plusélevé que celle des garçons. Toutefois on enregistre une diffé-rence moindre dans le pourcentage d'abandon.

(2) Relation pleinement perceptible en humanités. Les travaux deREUCHELINet BOURDIEU-PASSERONle montrent pour la France, ceux deROUILLIERpour la Suisse. Indiqué dans « Accès à l'enseignement supérieuren Europe ». Conférence des Ministres de l'Education des Etats d'Europe,membres de l'UNESCO, sur l'accès à l'enseignement supérieur. - Rapportde la Conférence, UNESCO, 1968,

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Tableau III

Comparaison des pourcentages de réussites et d'échecsdes filles et des garçons

Garçons Filles

Réussites 41,1 58,4Abandons 23,0 16,4Recommencent l'année 35,9 25,2

Total 0/0 100 100Nombre absolu 209 91

Total

46,321,032,7

100300

Que signifie cette meilleure réussite des filles? Les statisti-ques de l'U.C.L. nous indiquent que les filles représentent 37 %des étudiants qui s'inscrivent en une première année d'études.Cette sélection se comprend par le jeu de l'élimination plusimportante que les filles ont subi dans l'enseignement secon-daire, soit par un effet de l'institution elle-même, soit encorepar le biais d'une auto-élimination plus élevée. En outre, alorsqu'on trouve 42,2 % de filles parmi les élèves possédant undiplôme d'aptitude à accéder à l'enseignement supérieur, lesfilles ne sont que 34,3 ro à l'entrée à l'université (3).

Les filles étant sursélectionnées, on peut s'attendre à ce queles meilleures entrent à l'université; cette hypothèse est large-ment confirmée à la fois par les résultats supérieurs qu'ellesobtiennent en fin d'humanités par rapport aux garçons (43,6 %des filles ont terminé le secondaire avec 70 % et plus, alorsqu'il n'y a que 27,7 % de garçons dans ce cas); ainsi que parle moindre taux d'échec des filles à l'U.C.L. (pour toutes lespremières années d'études, 39 % d'échecs pour les filles et46 % pour les garçons, en 1969-70 (4).

(3) Rapport annuel de la Fondation Universitaire, année scolaire 69-70,Bruxelles, 1971 (pourcentages pour toute la Belgique).

(4) Source: La. population étudiante de l'U.G.L., statistiques au le fé-vrier 1971. Document xérocopié.

Dans le même ordre d'idées, on note encore que les filles de premièreannée sont proportionnellement un peu moins nombreuses que les garçonsà ne pas se présenter aux examens et qu'en outre, 12 % de filles pour10 % de garçons terminent l'année avec un grade.

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Dans ces conditions, on pourrait logiquement penser que laréussite des filles est toujours supérieure à celle des garçons,quel que soit le milieu social d'origine.

Tableau IV

Pourcentages de réussites et d'échecs d'après l'origine sociale et le sexe

Origine modeste Origine intermédiaire Origine élevéeGarçons Filles Garçons Filles Garçons Filles

Réussite 45,9 53,4 39,2 57,2 40,3 60,0Abandons 14,6 33,3 25,7 14,3 25,3 12,8Recommencentl'année 39,5 13,3 a5,1 28,5 34,4 27,2

Total % 100 100 100 100 100 100Nombre absolu 48 15 '74 21 87 55

Les données du tableau IV indiquent que c'est seulementdans le cas des filles issues des couches sociales intermédiaireset élevées que le pourcentage de réussites peut apparaîtrecomme significativement supérieur à celui des garçons. L'ab-sence de grande différence entre le pourcentage de réussitesdes filles et des garçons d'origine modeste peut s'expliquer parl'égale hypersélection subie par ces garçons et ces filles avantd'entrer à l'université. Dans cette perspective, on ne doit pass'attendre à ce que l'écart entre le taux de réussite des gar-çons et celui des filles soit élevé. En outre, en cas d'échec,les filles de milieux modestes sont plus rapidement éliminéesque les filles d'autres milieux sociaux.

Il faut enfin noter qu'à ce stade de l'analyse, il n'est paspossible de déterminer l'influence que pourrait avoir l'orienta-tion différente des filles au niveau du choix de la faculté, surla réussite en fin d'année. A cet égard une analyse des choixentre les différentes facultés serait nécessaire. Il se pourraiten tout cas que la sursêlection des filles en sciences économi-ques et sociales (25 % de filles pour 37,6 % dans l'ensemblede la population) joue aussi un rôle dans l'explication despourcentages d'échecs et d'abandons d'après le sexe.

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L'âge

Si l'on met l'âge à l'accès à l'université en rapport avec lespourcentages de réussite et d'abandon, on observe dans le ta-bleau V que seulement 106 étudiants sur 300 (soit 35,3 70)accèdent en première candidature à l'âge de 18 ans ou moins,tandis que 150 étudiants sur 300 (soit 50 %) s'inscrivent à 19ou à 20 ans. La cause principale, mais non unique de ce retardsemble être dûe à l'importance du retard pédagogique enregis-tré en fin d'humanités (5). Les autres raisons pourraient êtreliées au fait d'avoir entamé au préalable des études dans d'au-tres universités, ou d'avoir accompli le service militaire.

Tableau V

Pourcentages de réussites et d'échecsen fonction de l'âge à l'accès à l'université

18 ans et moins 19-20 ans 21 ans et plus Total

Réussites 59,4 42,7 27,2 46,3Abandons 15,2 21,3 34,2 21,1Recommencent l'année 25,4 36,0 38,6 32,6

Total % 100 100 100 100Nombre absolu 106 150 44 300

En ce qui concerne les taux de réussites et d'abandons onconstate qu'au fur et à mesure que l'âge à l'accès à l'universités'élève, le taux de réussite diminue. La relation s'effectue ensens inverse pour les taux d'abandons, il en va de même quantaux pourcentages d'étudiants qui recommencent l'année.

L'introduction de la variable «origine sociale» permet dese demander si l'âge à l'accès à l'université est lié au milieud'origine et quelle influence pourrait avoir ce dernier sur lespourcentages de réussites et d'abandons selon les différentescatégories d'âge.

(5) Dans le régime français, 48 % des jeunes gens et 61 % des jeunesfilles terminent les humanités à l'âge normal de 18 ans. In « Le Soir»des 29-30 août 1971, citant une étude statistique du ministère de l'Edu-cation nationale et de la Culture néerlandaise.

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Tableau VI

Pourcentages de réussites et d'échecsd'après l'âge à l'accès à l'université et l'origine sociale

Origine modeste Origine intermédiaire Origine élevée18 ans 19-20 21 ans 18 ans 19-20 21 ans 18 ans 19-20 21 anset ans et plus .,t ans et plu. et ans et plus

moins moins moins

Réussites 57,7 37,5 60,0 52,0 41,8 33,3 63,6 46,0 16,6Abandons 23,2 21,9 40,0 16,0 23,6 33,4 12,8 19,0 41,7Recommencentl'année 19,1 40,6 0,0 32,0 34,6 33,3 23,6 35,0 41,7

Total % 100 100 100 100 100 100 100 100 100Nombre absolu 26 32 5 25 55 15 55 63 24

Il ressort des données du tableau VI que la variable originesociale n'exerce pas d'influence marquante sur les relationsconstatées dans le tableau V, entre l'âge à l'accès à l'université,le taux de réussite et d'abandon, ainsi que le pourcentaged'étudiants qui recommencent l'année.

Néanmoins on note que seulement 26,7 % des jeunes issusdes couches intermédiaires accèdent en première candidatureà l'âge de 18 ans ou moins, pour 41,3 % des étudiants d'originemodeste et 38,8 % des étudiants d'origine élevée.

En examinant les taux de réussite des jeunes de la catégo-rie de 18 ans ou moins, on retient le fait que les étudiants deniveau intermédiaire présentent encore le plus faible pourcen-tage de réussites ainsi que le taux le plus élevé de réinscrip-tions en cas d'échec.

Enfin, les étudiants âgés de 21 ans ou plus, mis à part, onremarquera que le pourcentage de jeunes qui recommencentl'année est toujours sensiblement plus élevé que le pourcen-tage d'abandons dans les études, sauf dans le cas des étudiantsd'origine modeste de la catégorie de 18 ans et moins, où la dif-férence entre les deux pourcentages est faible.

La dimension de la famille

Sans que dans cette enquête, on puisse en déceler le pour-quoi, on se rend compte à la lecture des données du tableau VIIque le taux de réussite est plus élevé et le pourcentage d'aban-

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dons plus réduit dans le cas d'étudiants issus de familles nom-breuses. Cette observation est confirmée par des résultatsd'une enquête faite à l'U.L.B. par Pironet et Tahon (1965).L'hypothèse émise dans cette recherche est que les étudiantsqui appartiennent à une famille où la fratrie est réduite sontsurprotégés par les parents et moins affranchis; l'échec seraiten relation avec l'absence de maturité et d'autonomie de l'étu-diant.

Tableau VII

Pourcentages de réussites et d'échecs d'après la dimension de la famille

1 ou 2 enfants 3 enfants et plus Total

Réussites 35,3 50,7 46,3Abandons 29,4 17,3 20,7Recommencent l'année 35,3 32,0 33,0

Total 0/0 100 100 100Nombre absolu 85 215 300

L'introduction de la variable' origine sociale' permet d'enre-gistrer le fait que les étudiants d'origine modeste issus defamilles nombreuses sont sous-représentés par rapport auxétudiants provenant d'autres milieux sociaux.

Tableau VIII

Pourcentages de réussites et d'échecsd'après la dimension de la famille et l'origine sociale

Origine modeste Origine intermédiaire Origine élevée1 ou 2 3 enfants 1 ou 2 3 enfants 1 ou 2 3 enfantsenfants et plus enfants et plus enfants et plus

Réussites 50,0 47,1 14,9 54,4 40,0 50,5Abandons 15,4 20,5 48,1 13,2 26,7 18,3Recommencent

l'année 34,6 32,4 37,0 32,4 33,3 31,2

Total 0/0 100 100 100 100 100 100Nombre absolu 27 36 27 68 31 111

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D'autre part, la constatation selon laquelle les étudiants defamilles nombreuses réussissent mieux et abandonnent moinsles études n'est vérifiée que pour les étudiants d'origine so-ciale intermédiaire et élevée.

La réussite et l'abandon éventuel des étudiants d'origine mo-deste ne sont pas influencés par la dimension de la famille.

On peut se demander au vu des renseignements fournis parle tableau VIII si la dimension de la famille n'est pas plutôt unobstacle à l'accès à l'université pour les étudiants d'origine mo-deste, mais une fois la sélection opérée, la dimension de lafratrie ne jouerait plus aucun rôle.

II. INFLUENCE DES CARAC'rERES ACQUIS

La section d'humanités

Les sections d'humanités dont sont issus les étudiants ont étégroupées en deux catégories: d'une part les sections fortes quicomprennent les humanités gréco-latines, latin-mathématiqueset scientifiques A et d'autre part les sections faibles qui ras-semblent les sections latin-sciences, scientifiques Bet moder-nes économiques.

Tableau IX

Pourcentages de réussites et d'échecsd'après la section d'humanités et l'origine sociale

Origine modeste Origine intermédiaire Origi ne élevéesection section normal aectien section normal section section normalforte faible et forte faibie et forte faible et

technique technique technique

Réussites 55,9 33,4 50,0 47,1 42,5 0,0 52,0 39,5 33,4Abandons 11,8 29,2 25,0 17,7 25,0 75,0 19,0 23,7 0,0Recommencentl'année 32,3 37,4 25,0 35,,2 32,5 25,0 29,0 36,8 67,6

Total % 100 100 100 100 100 100 100 100 100Nombre 34 24 4 51 40 4 100 38 3

On remarque en premier lieu que le fait de sortir d'une sec-tion forte d'humanités accroît sensiblement les chances de

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réussite, quelle que soit l'origine sociale. Dans cette optique, lesétudiants d'origine élevée sont privilégiés puisqu'ils sont 71 %à sortir d'une telle section pour 55 et 54 % d'étudiants d'ori-gine modeste et intermédiaire.

On observe enfin que, très peu d'étudiants proviennent del'enseignement normal ou technique.

D'autres facteurs devraient encore trouver leur place danscette analyse des caractères acquis; par exemple l'origine géo-graphique, l'état civil, ou le fait d'exercer une profession. Onles a omis vu la taille de la population interrogée (c'est lecas pour l'origine géographique) ou encore parce qu'ils ne con-cernent pratiquement pas notre population: c'est ainsi quedu point de vue de l'état civil et de l'activité professionnelle,on peut considérer que 98 % des étudiants sont célibataires etn'exercent aucune profession.

III. CADRE ET PERSPECTIVES DANS LES ETUDES

L'optique professionnelle

Certains étudiants déclarent entamer les études dans uneperspective professionneIle bien définie. Les plus «profession-nels» dans leurs attentes sont les étudiants du niveau socialmodeste et intermédiaire (68,3 et 70,6 %) tandis que les étu-diants de milieux élevés sont plus réservés à ce propos (57 %seulement).

Tableau X

Pourcentages de réussites et d'échecsd'après la finalité des études et l'origine sociale

Origine modeste Origine intermédiaire Origine élevéeoptique professionnelle optique professionnelle optique professionnelle

oui non oui non oui non

Réussites 46,5 50,0 37,4 55,4 44,5 51,7Abandons 21,0 15,0 26,8 14,9 18,5 23,3Recommencent

l'année 32,5 35,0 35,8 29,7 37,0 25,0

Total 0/0 100 100 100 100 100 100Nombre absolu 43 20 67 27 81 60

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De manière générale, la comparaison entre les taux de réus-site et d'abandon établis d'après le fait d'entamer des étudesdans une optique professionnelle ou non, ne permet pas d'en-registrer des différences sensibles, sauf dans le cas des étu-diants d'origine intermédiaire qui réussissent moins fréquem-ment lorsqu'ils se situent dans une perspective professionnelleet qui sont proportionnellement plus nombreux à abandonnerles études.

L'attitude en cas d'échec

Dès avant d'entamer leurs études, un certain nombre d'étu-diants se déclarent prêts à recommencer l'année en cas d'échec.Les étudiants d'origine modeste sont les moins nombreux à te-nir ce langage. (31,8 ro contre B9 % pour les étudiants d'ori-gine intermédiaire et 44 % pour les étudiants d'origine éle-vée).

Tableau XI

Pourcentages de réussites et d'échecsd'après l'attitude en cas d'échec et l'origine sociale

Origine modeste Orieine intermédiaire Origine élevéeRecommen- Abandon- Recommen- Abandon- Recommen- Abandon-ceraient neraient ceraient, neraient ceraient neraient

Réussites 35,0 53,4 32,5 49,1 44,4 52,0Abandons 25,0 16,4 21,5 24,6 19,1 18,7Recommencentl'année 40,0 30,2 4,6,0 26,3 36,5 29,3

Total 0/0 100 100 100 100 100 100Nombre absolu 20 43 11 46 63 75

Comme on s'y attend, le taux de réussite est moindre parmiles étudiants qui se déclarent prêts à recommencer l'année encas d'échec et ce quelle que soit l'origine sociale. Logiquementparmi ces étudiants, ceux qui échouent sont proportionnelle-ment plus nombreux à se représenter l'année suivante.

D'autre part on peut s'étonner du nombre d'étudiants quiont opéré un revirement après avoir échoué et reviennent surleur intention d'abandonner les études.

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La possession d'une bourse d'études

L'échec et l'abandon peuvent encore être influencés par lefait d'être boursier ou non. Il ne semble pas qu'il y ait desdifférences très importantes entre boursiers et non boursiersdans la détermination du taux de réussite et d'abandon, quelque soit le milieu social. On peut malgré tout enregistrer uncertain gain de réussite des étudiants boursiers d'originemodeste par rapport aux étudiants non-boursiers de la mêmecouche sociale, mais avec aucune différence sur le plan desabandons. Dans le cas des étudiants d'origine intermédiaire,ce sont les non-boursiers qui réussissent mieux.

Tableau XII

Pourcentages de réussite et d'échecsdes boursiers et non-boursiers selon l'origine sociale

Origine modeste Origine intermédiaire Origine élevéeBoursiers Non-boursiers Boursiers Non-boursiers Boursiers Non-boursiers

Réussites 54,5 43,9 34,6 46,3 50,0 47,5Abandons 18,1 19,6 26,9 21,8 21,4 19,5Recommencentl'année 27,4 36,5 38,5 31,9 28,6 32,0

Total 0/0 100 100 100 100 100 100Nombre absolu 22 41 26 69 14 128

Il est important de constater que le taux d'abandon desétudiants d'origine modeste n'est pas influencé par le faitd'être boursier ou non. On peut dès lors se demander s'il nes'agit pas là de l'indication d'un recrutement d'étudiants d'ori-gine modeste orienté de manière telle que les étudiants nesoient pas sélectionnés uniquement d'après leurs résultatsen humanités, mais encore d'après d'autres critères extrasco-laires qui apparaissent dans l'enquête: à savoir l'appartenanceplus que proportionnelle des étudiants d'origine modeste à desfamilles où la fratrie est réduite et où la mère travaille... Cesdeux éléments pourraient expliquer en partie au moinsl'absence d'effet du critère financier sur le taux d'abandondes étudiants provenant de familles modestes.

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CONCLUSIONS

Au terme de cette analyse, il peut être utile de procéder àune synthèse des différents résultats qui furent présentés.

D'une manière générale, il n'apparaît pas que la mise enrelation de certaines caractéristiques de l'étudiant avec lestaux de réussite et d'échec aux examens, pénalise de manièreévidente l'une ou l'autre catégorie sociale.

On constate plutôt que les étudiants d'origine modeste, com-me parfois les étudiants d'origine intermédiaire, sont danscertains cas plus sélectionnés à l'accès à l'université que lesétudiants d'origine' élevée, par exemple du point de vue dusexe et de la dimension de la famille en ce qui concerne lesétudiants issus des milieux modestes. Ces derniers, de mêmeque les étudiants de la catégorie intermédiaire, sont plus nom-breux à être issus d'une' section faible d'humanités.

On ne peut oublier que cette enquête a, porté uniquementsur les étudiants inscrits en première candidature en scienceséconomiques et sociales. Il est certain que dans une deuxièmedémarche, l'analyse devrait porter sur l'ensemble de la popu-lation de la première candidature à l'université.

Une troisième démarche consisterait en une tentative d'ana-lyse de rendement du ~ystème d'enseignement par le biaisd'une étude des différentes filières suivies par les étudiantsdans l'accomplissement de leurs études, en fonction de leurappartenance à une classesociale déterminée. ,.

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