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ROSE-ROTH/ GSM / ESCTER 119 JOINT 16 F Original : anglais Assemblée parlementaire de l’OTAN 91 e SÉMINAIRE ROSE-ROTH GROUPE SPÉCIAL MÉDITERRANÉE ET MOYEN-ORIENT SOUS-COMMISSION SUR LES RELATIONS ÉCONOMIQUES TRANSATLANTIQUES RAPPORT DE SÉMINAIRE RABAT, MAROC 20 – 22 AVRIL 2016

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ROSE-ROTH/ GSM / ESCTER

119 JOINT 16 FOriginal : anglais

Assemblée parlementaire de l’OTAN

91e SÉMINAIRE ROSE-ROTH

GROUPE SPÉCIAL MÉDITERRANÉE ET MOYEN-ORIENT

SOUS-COMMISSION SUR LES RELATIONS ÉCONOMIQUES TRANSATLANTIQUES

RAPPORT DE SÉMINAIRE

RABAT, MAROC

20 – 22 AVRIL 2016

www.nato-pa.int juin 2016

Le présent rapport de séminaire est présenté à titre d’information uniquement et ne représente pas nécessairement le point de vue officiel de l’Assemblée. Il a été rédigé par Paul Cook, directeur du Groupe spécial Méditerranée et Moyen-Orient.

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TABLE DES MATIÈRES

I. INTRODUCTION.....................................................................................................................1

II. POINTS DE VUE SUR LA CRISE MIGRATOIRE...................................................................2

III. MAROC : PRIORITÉS INTERNES ET EXTERNES...............................................................3

IV. LUTTE CONTRE L’EXTRÉMISME.........................................................................................6

V. RÉFORME DU SECTEUR DE LA SÉCURITÉ.......................................................................7

VI. L’ENJEU LIBYEN ET LA SÉCURITÉ AU SAHEL...................................................................8

VII. SÉCURITÉ HUMAINE DANS UN ENVIRONNEMENT CHANGEANT....................................9

VIII. LE DÉFI POSÉ PAR LA CORRUPTION...............................................................................10

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I. INTRODUCTION

1. Du 20 au 22 avril 2016, des parlementaires des pays membres de l’OTAN et de pays associés, pays associés méditerranéens, pays observateurs et pays invités se sont réunis à Rabat (Maroc) à l’occasion d’un séminaire conjoint Rose-Roth et GSM. Le Parlement marocain a réservé un accueil chaleureux aux participants. L’Assemblée parlementaire de l’OTAN et ses membres apprécient vivement les efforts des deux chambres parlementaires du Maroc et de leurs présidents, de la délégation marocaine auprès de l’AP-OTAN et des fonctionnaires des deux chambres qui se sont employés à faire de cet événement un franc succès.

2. Les deux présidents du Parlement marocain ont ouvert les débats. Rachid Talbi El-Alami, président de la Chambre des Représentants, a souligné que la rencontre avait lieu dans un contexte de grande tension, à la fois dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MOAN) et en Europe. Il a souligné que bon nombre des prédictions quant à l’ordre international formulées au lendemain de la chute du mur de Berlin ne se sont pas réalisées. Il a ajouté que plusieurs problèmes persistants continuaient de menacer la sécurité sur les plans régional et mondial, notamment l’échec dans la résolution du conflit israélo-palestinien et l’actuelle crise des migrants. Selon lui, le terrorisme est aujourd’hui l’une des principales menaces pour la sécurité aux niveaux régional et mondial.

3. Daech est parvenu à intensifier sa menace par le contrôle de territoires et sa capacité à générer des revenus. La communauté internationale doit désormais élaborer une stratégie diversifiée pour contrer son influence et affaiblir sa présence. Il ne s’agit pas simplement d’une question militaire ; il faut également apporter des améliorations dans les domaines de l’éducation et de la formation pour renforcer la capacité des communautés et des régions à contrer l’avancée de Daech. Les mesures répressives ne feront qu’étendre l’influence de l’organisation terroriste. En ce sens, les parlementaires ont un rôle important à jouer. Le Maroc a fait du développement une priorité essentielle et a engagé la société marocaine sur la voie de l’ouverture. Cette approche s’est avérée essentielle dans la capacité du pays à repousser la menace terroriste.

4. Hakim Benchamach, président de la Chambre des Conseillers, a indiqué que le Maroc était devenu un partenaire clé pour l’Europe et l’Amérique du Nord dans la lutte contre le terrorisme. Le Maroc a adopté une stratégie de déradicalisation pour renforcer la société civile marocaine. L’objectif est de consolider les valeurs religieuses pacifiques et d’encourager une grande tolérance. Cette stratégie fait partie intégrante du modèle marocain de lutte contre le terrorisme et le gouvernement est disposé à partager avec l’OTAN et les pays partenaires les enseignements qu’il a acquis en la matière. Dans le même temps, il est important de s’interroger sur les causes de l’émergence du terrorisme et de se demander comment il est devenu un problème aussi préoccupant dans tant de pays. Hakim Benchamach considère également que le développement économique durable et l’augmentation du niveau de sécurité des personnes sont essentiels pour contrer l’expansion du terrorisme. Les jeunes sans emploi sont exposés à ce danger et des perspectives d’emploi et un niveau de vie décent réduiront ce risque.

5. Gilbert le Bris, président du GSM, a remercié le Parlement marocain et les présidents des deux chambres pour l’organisation du séminaire. Il a également adressé ses remerciements au gouvernement suisse pour son soutien permanent dans l’organisation des séminaires Rose-Roth. Gilbert le Bris a dressé la longue liste de pays ayant récemment subi de graves attaques terroristes. Selon lui, une première approche de lutte contre le terrorisme consiste à encourager le dialogue démocratique et à favoriser les échanges transfrontaliers. Massimo Baggi, ambassadeur de Suisse au Maroc, a souligné que le partenariat entre le Maroc et l’OTAN dans le cadre du Dialogue méditerranéen a été un élément déterminant en matière de sécurité dans la région. Il a évoqué les efforts déployés par la Suisse pour promouvoir le dialogue dans la région ainsi que le rôle important joué par ce pays dans la lutte contre le financement du terrorisme.

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II. POINTS DE VUE SUR LA CRISE MIGRATOIRE

6. Laura Thompson, directrice générale adjointe de l’Organisation internationale pour les migrations, a prononcé l’allocution liminaire du séminaire. Elle a souligné que la dimension sécuritaire liée à la crise des migrants était importante mais qu’il ne s’agissait pas du problème le plus urgent en lien avec les déplacements de populations massifs. Il s’agit avant tout d’une crise humanitaire. Bien que des centaines de milliers de réfugiés soient arrivés en Europe, pour beaucoup par la Grèce et l’Italie, le problème n’est pas seulement européen selon Laura Thompson. Des mouvements similaires se produisent ailleurs dans le monde et les pays d’accueil ont beaucoup moins de ressources que les pays européens. Dans tous les cas, ceux qui fuient les affres de la guerre sont en droit de demander une protection et la communauté internationale a l’obligation d’assurer cette protection en vertu des traités internationaux. Laura Thompson a indiqué que ce qui se passe aujourd’hui dans le bassin méditerranéen est un phénomène migratoire mixte, avec des migrants économiques mélangés à l’importante masse de réfugiés qui fuient la guerre et la violence. Ceci dit, 90 % des réfugiés qui arrivent en Grèce fuient leur pays en guerre. Ces réfugiés fuient les conflits qui se déroulent entre autres en Syrie, en Afghanistan et en Iraq. À cause de la guerre, 11,5 millions de Syriens ont été déplacés à l’intérieur de leur pays et 4,8 millions ont quitté leur pays. La plupart ont trouvé refuge en Turquie, au Liban et en Jordanie, ainsi qu’en Iraq et en Égypte. Les réfugiés représentent à l’heure actuelle un quart de la population libanaise et la Jordanie accueille également un très grand nombre de réfugiés.

7. Le fardeau pour l’Europe est relativement insignifiant par rapport à celui des pays voisins de la Syrie. L’Europe compte au total 550 millions d’habitants. Elle peut donc certainement assimiler l’arrivée d’un ou de deux millions de réfugiés. Cependant, la crise a révélé des failles dans les systèmes de contrôle et d’asile en Europe. Ces systèmes doivent être renforcés afin de rassurer la population européenne et lui montrer que ses gouvernements sont en mesure de gérer ces flux migratoires de manière sûre, régulée et efficace. Laura Thompson a expliqué que les parlementaires avaient un rôle essentiel à jouer à cet égard. Tant qu’une grande instabilité demeurera au Moyen-Orient, les réfugiés continueront d’affluer vers l’Europe. Il convient désormais de se pencher sur la manière dont ces mouvements de population peuvent être gérés. Laura Thompson a cité la politique du Canada comme modèle de réussite. La capacité de ce pays à maîtriser les flux de réfugiés lui a permis d’accueillir beaucoup plus de migrants que ce qui avait été prévu initialement. L’Europe doit également faire preuve d’une solidarité aussi forte à l’égard d’un pays comme la Grèce qui a été dépassée par l’afflux de réfugiés, à un moment où l’économie nationale était durement affaiblie par la crise financière.

8. L’Europe doit également réformer ses marchés du travail pour faire face à cet afflux de populations. À l’heure actuelle, dans de nombreux marchés européens, il est très difficile d’intégrer ces réfugiés, mais ne pas y parvenir ne ferait qu’alourdir le fardeau qui pèse sur les pays d’accueil comme sur les réfugiés. Cette situation favorise également le développement du travail illégal, ce qui affaiblit le marché légal et entraîne l’exploitation humaine. Selon Laura Thompson, l’Europe a besoin d’une stratégie d’importation de main-d’œuvre à la fois saine et organisée pour mieux s’adapter au nouveau contexte. La crise des réfugiés pourrait alors se transformer en une formidable opportunité. Elle serait une occasion unique de favoriser l’intégration et d’améliorer l’efficacité du marché du travail. Laura Thompson a également souligné la nécessité d’approfondir la coopération sur les problèmes migratoires entre l’Europe et les pays de la région. Il est nécessaire d’intensifier les efforts pour identifier correctement les individus qui entrent en Europe. Sur ce point, la coopération intergouvernementale est essentielle.

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9. Dans une allocution ultérieure, Jean-Paul Cavalieri a souligné la complexité des flux migratoires. Selon lui, les migrants sont amenés à quitter leur pays pour de nombreuses raisons. La Syrie est aujourd’hui un important pourvoyeur de migrants en raison du conflit tragique qui touche ce pays. Actuellement, dans cette région, les populations fuient davantage en raison de la guerre que pour des motivations économiques. 10. Au moment de la tenue du séminaire, l’Europe a connu une baisse des flux migratoires en provenance de la Turquie. En effet, de nombreux itinéraires ont été fermés alors que les flux migratoires à travers la Méditerranée centrale étaient en hausse. La traversée de la Méditerranée est très dangereuse et il est probable que des milliers de migrants aient péri en traversant la Méditerranée ou les déserts arides. Aujourd’hui, la plupart des migrants qui arrivent en Europe sont également originaires du Sahel et du Maghreb. Parallèlement, on a constaté une recrudescence des migrants économiques qui entrent au Maroc. La plupart sont originaires de pays où les richesses sont très mal réparties. Le Maroc a accueilli un grand nombre de migrants et a déployé un grand nombre d’efforts pour régulariser le statut de ces réfugiés entrés sur son territoire.

11. L’ampleur de ces mouvements est sans précédent dans la région et on s’attend à ce que les déplacements de populations deviennent un problème durable. Le fardeau qui pèse sur les pays voisins du Liban est particulièrement lourd, et le Liban et la Jordanie sont arrivés à un point de saturation. Le Haut-commissariat pour les réfugiés des Nations unies (HCR) s’emploie à satisfaire les besoins élémentaires de ces réfugiés dans les pays voisins de la Syrie, mais il est confronté à des contraintes budgétaires qui entravent sa capacité d’action. Jean-Paul Cavalieri a également indiqué que l’Europe avait certainement la capacité et les moyens d’accueillir davantage de réfugiés et qu’elle devait miser sur la collaboration pour trouver des solutions. Les désaccords actuels entre les membres de l’UE ont freiné les progrès dans ce domaine.

12. Ahmed Skim, directeur des Affaires de la Migration au ministère chargé des Marocains résidant à l’étranger, a décrit un ensemble de mesures adoptées par le Maroc pour gérer le flux de migrants et de réfugiés et faciliter leur intégration dans la société marocaine. Le Maroc a fondé son approche sur la notion de responsabilité partagée, avec des rôles clés attribués au parlement, à la société civile, au milieu des affaires et aux organisations internationales. Le Maroc a également cherché à renforcer la coopération régionale et la coopération sud-sud pour créer des objectifs communs à l’échelle internationale et des politiques partagées.

13. Ces réfugiés et migrants qui entrent au Maroc font l’objet d’un contrôle minutieux complet, mais une fois leur statut régularisé, tout est mis en œuvre pour qu’ils bénéficient des mêmes droits et privilèges que tous les Marocains. Le gouvernement s’est efforcé d’instaurer un dialogue interministériel sur ces questions. L’État a publié un manuel pour aider les nouveaux migrants à s’y retrouver dans les systèmes d’aide que le Maroc a mis en place pour faciliter leur intégration. Des efforts ont également été entrepris pour évaluer leurs compétences et favoriser leur intégration dans le monde du travail.

III. MAROC : PRIORITÉS INTERNES ET EXTERNES

14. Mbarka Bouaida, ministre déléguée auprès du ministre des Affaires étrangères et de la Coopération, a souligné plusieurs priorités clés fixées par le gouvernement marocain. Elle a déclaré que la priorité absolue du pays était la sécurité. L’instauration d’un dialogue sud-sud efficace revêt également une importance critique. Le Maroc s’est retiré de l’Union africaine, mais s’efforce désormais de resserrer ses liens avec de nombreuses régions africaines, y compris le Sahel. Le Maroc est un investisseur clé dans la région et concentre plus particulièrement son action sur le secteur bancaire, l’aide sociale, la téléphonie et les communications. Par ailleurs, le Maroc consolide son rôle dans les organisations régionales tout en renforçant la culture

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démocratique du pays. Sur le plan régional, le Maroc joue un rôle majeur dans la recherche de solutions à la crise libyenne et soutient le gouvernement d’unité nationale. D’une manière générale, le Maroc reste très actif dans le monde arabe. Il fait entendre sa voix sur la question palestinienne et sur le conflit au Yémen et s’est efforcé de trouver des solutions à ces deux conflits. Le Maroc est devenu un partenaire stratégique du Conseil de Coopération du Golfe (CCG).15. Le Maroc maintient un partenariat solide avec l’UE. En 1996, il a signé un accord de partenariat stratégique avec cette organisation. Toutefois, la Cour de justice de l’Union européenne a annulé l’accord sur la pêche et l’agriculture bien que cette décision soit désormais en appel. Le Maroc met tout en œuvre pour résoudre ce problème, mais la coopération a été suspendue jusqu’à ce qu’une solution soit trouvée. Le Maroc cherche aussi à s’ouvrir à l’Amérique latine, à l’Asie et à l’Amérique du Nord. Par ailleurs, le Maroc entretient des liens étroits et historiques avec les États-Unis et entend approfondir sa coopération bilatérale avec d’autres pays.

16. Abdelaziz El Omari, ministre chargé des relations avec le parlement et la société civile, a indiqué que les soulèvements qui ont touché toute la région MOAN en 2009 ont souligné l’urgente nécessité de procéder à des réformes. Le Maroc a tenté de le faire, en commençant par l’adoption d’une nouvelle Constitution en 2011. Le système judiciaire a été restructuré et les élections qui se sont déroulées l’année dernière ont renforcé les pouvoirs attribués aux autorités locales et régionales. Des efforts ont également été déployés pour moderniser le système d’aide sociale et pour l’engager sur une voie plus durable. Le système de retraite a été restructuré car les financements correspondants allaient manquer en 2020. Le Maroc ne pouvait pas attendre cette échéance pour engager des réformes, mais celles-ci ont été difficiles sur le plan politique. Le gouvernement œuvre également à des avancées en matière des droits humains, à la prévention des pratiques discriminatoires et encourage l’instauration d’un environnement propice à l’exercice des libertés de la presse. Sur le plan économique, le Maroc est parvenu à réduire le déficit public et cela, ajouté à d’autres réformes, a permis au Maroc d’améliorer sa compétitivité internationale. Le Maroc a été confronté à une importante augmentation de l’immigration ces dernières années et a pris un certain nombre de mesures pour régulariser le statut des migrants et intégrer ces derniers à l’économie nationale. Des bureaux d’enregistrement ont été ouverts dans tout le pays.

17. Joseph Bahout, professeur invité au programme sur le Moyen-Orient, du Carnegie Endowment for International Peace, a commencé sa présentation en déclarant que la crise au Moyen-Orient devait être étudiée aux niveaux local, régional et international. Toute évaluation honnête de la région MOAN aboutit à la conclusion qu’elle est profondément fracturée et qu’elle paie le prix de 50 années de dysfonctionnements et de gouvernance médiocre. La communauté internationale semble désormais obsédée par Daech, mais Daech est un symptôme de la maladie de la région et non sa cause, et reflète une série de déséquilibres. Le contrat social entre l’État et la société est rompu et la région souffre d’un sérieux manque de gouvernance. L’État de droit est affaibli, la responsabilité gouvernementale est pratiquement inexistante, la corruption est omniprésente et le travail au noir se développe. Les partis politiques ne sont pas de vrais partis et dissimulent le fait que le pluralisme politique est en réalité inexistant. Dans toute la région, les gouvernements autoritaires ont marginalisé un vaste ensemble de forces politiques et de tendances qui ont exprimé des aspirations publiques légitimes. Cette situation a conduit à la radicalisation. Aujourd’hui, il y a de la place pour un Islam politique dans la région, même si la violence djihadiste est inacceptable. Mais la violence et le terrorisme se nourrissent de l’exclusion. Beaucoup d’États occidentaux minimisent ces problèmes et estiment tout simplement que la démocratie dans cette région ne fonctionnera pas. Ce raisonnement fataliste est à la racine du problème.

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18. La division des États représente un problème grandissant dans toute la région. Elle explique en partie l’échec à créer des structures de gouvernance pluralistes. Cet échec n’a fait qu’exacerber la fracture sectaire et a encouragé les différends régionaux ; il est un facteur de violence et de conflit dans la région. La décentralisation et la fédéralisation sont peut-être les seules solutions à ces problèmes.

19. Certains accusent le conflit israélo-palestinien d’être à l’origine de tous les maux de la région. Même si un tel discours s’écarte en partie du sujet, il contient une part de vérité. Ce conflit nourrit la rhétorique de la radicalisation et, par exemple, incite les combattants étrangers à affluer en Syrie pour rejoindre Daech. Les mouvements les plus extrêmes de la région continuent à exploiter ce discours à des fins de propagande, et ils le font car cela fonctionne. Dans le même temps, cette obsession à l’égard d’un ancien conflit détourne l’attention des nouveaux conflits encore plus profonds qui anéantissent maintenant la région. L’escalade des tensions entre les Sunnites et les Chiites dans toute la région est plus grave d’un point de vue stratégique ; elle est potentiellement dévastatrice. Ce conflit se déroule en Syrie, au Yémen, en Iraq, au Liban et dans le Golfe. Il s’annonce très déstabilisant et laisse augurer une décennie de tous les dangers.

20. Les anciens piliers de la stabilité sont désormais menacés. La Turquie, l’Arabie saoudite et l’Égypte étaient les socles de l’ordre ancien mais ces trois pays sont confrontés à de graves problèmes qui rendent ce rôle plus difficile à assumer. L’Égypte est très instable et l’Arabie saoudite fait face à de graves problèmes internes et doit composer avec un Iran en pleine mutation. De nouveaux acteurs comme le Qatar cherchent à étendre leur influence alors que d’autres acteurs transnationaux comme le Hezbollah sont devenus des acteurs stratégiques importants. Tout ceci montre que l’ancienne structure n’existe plus mais rien ne l’a remplacée pour stabiliser la région. Ainsi, le système régional, tel qu’il est, n’est pas suffisamment solide pour faire face à une multitude de problèmes structurels qui s’aggravent.

21. Le système international dans son ensemble est également un facteur d’instabilité croissante dans la région. Les États-Unis semblent se retirer de la région. Dans un entretien accordé au magazine The Atlantic, le président Obama a fait comprendre qu’il ne voyait plus les États-Unis comme une superpuissance investie de l’obligation de maintenir la paix dans le monde. Les États-Unis font en revanche partie des grandes puissances qui doivent s’engager, mais pour porter ses fruits, cet engagement ne doit pas être isolé. Les États-Unis battent donc en retraite et sont disposés à céder du terrain au profit d’autres acteurs. Dans le même temps, la Russie fait preuve d’une plus grande agressivité et cherche à combler le vide, ou du moins à regagner une partie des territoires qu’elle a perdus à la fin de la guerre froide. Cette politique ne favorise pas la stabilité dans la région. Le président Poutine a tout intérêt à affaiblir le projet européen et la solidarité transatlantique, et il sait pertinemment que la crise des réfugiés produit précisément cet effet. La crise migratoire empoisonne la solidarité entre les pays de l’Alliance et alimente les partis extrémistes opposés au projet européen, dont certains ont tissé des liens avec la Russie.

22. L’Europe est également au cœur d’un profond changement soutenu notamment par la crise des réfugiés. En effet, cette crise a fait apparaître d’importantes failles dans l’architecture de l’Europe et elle pourrait entraîner une grave crise institutionnelle sur le continent. Signe des temps : Washington semble complètement indifférent à ce qui se passe en Europe, même si ces changements pourraient bien déstabiliser l’Alliance atlantique. Mais au lieu de rechercher des solutions à ces questions, le système international semble s’orienter vers une accumulation de problèmes plus graves. La décennie à venir pourrait être particulièrement meurtrière.

23. Nicola de Santis, directeur de la section Moyen-Orient et Afrique du Nord, division des affaires politiques et de la politique de sécurité de l’OTAN, a commencé en mettant en avant la manière remarquable avec laquelle le Maroc est parvenu à maintenir la stabilité dans un climat

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de grande incertitude régionale. Le Maroc est devenu un partenaire essentiel de l’OTAN dans la région. Nicola de Santis a ensuite abordé le rôle que l’OTAN a cherché à jouer dans l’édification de la sécurité régionale même s’il a remarqué que sa capacité à créer des événements dans la région était limitée. L’OTAN est intervenue dans le conflit libyen à la demande du CCG et d’autres pays de cette région mais la communauté internationale n’avait guère d’intérêt à faire aboutir ce projet. Ainsi, la situation en Libye reste profondément instable et préoccupante. L’OTAN ne peut pas apporter le large soutien qui serait nécessaire pour stabiliser un pays au lendemain d’un grave conflit et c’est là que d’autres acteurs locaux et internationaux doivent intervenir.

24. L’OTAN est prête à contribuer à la stabilité dans la région, mais cette question ne relève finalement pas de la responsabilité de l’OTAN. Les pays de la région ont un rôle déterminant à jouer pour garantir cette stabilité. Il faut également souligner que les pays de la région qui ont aidé l’OTAN en Afghanistan et en Bosnie-Herzégovine ont, comme les pays membres de l’OTAN, intérêt à garantir la stabilité régionale. L’OTAN estime que ce partenariat peut fonctionner uniquement si les systèmes de défense et de sécurité de la région sont efficaces et transparents. Dans ce but, l’OTAN a collaboré avec ses partenaires régionaux pour renforcer ces systèmes.

IV. LUTTE CONTRE L’EXTRÉMISME

25. François Burgat, directeur de recherche au CNRS, a indiqué que dans les discussions sur la stabilisation de la région et la résolution du problème du terrorisme, une trop grande attention était accordée à la notion de renforcement de l’Islam modéré. Le terrorisme est le produit d’un dysfonctionnement profond aux niveaux national et global. On s’écarte de la problématique lorsque l’on concentre le discours sur la nature de l’Islam et sur la manière dont des groupes l’interprètent.

26. François Burgat a indiqué que les signes d’échec étaient nombreux. Après des années d’engagement en Afghanistan, ce pays reste englué dans une grave instabilité et les talibans sont toujours aussi puissants. La lutte contre le terrorisme dans ce pays semble avoir échoué car elle ne s’est pas attaquée aux bons problèmes. Dans tout le Moyen-Orient, les radicaux qui opéraient jadis en marge de la société sont aujourd’hui au cœur de celle-ci dans des pays comme l’Iraq, la Syrie, le Mali et le Yémen. Un grand nombre de citoyens de ces pays estiment que les extrémistes ne sont pas pires que les autorités au pouvoir. Il faut tenir compte cette situation avant même d’envisager des solutions. Se concentrer sur la dimension religieuse du terrorisme ne favorise pas la résolution de ce problème mais, au contraire, s’en écarte. Les religions peuvent créer des moines contemplatifs ou des moines guerriers, des Soufis ou des Salafistes. La question est de savoir pourquoi, et François Burgat a indiqué que la solution résidait dans la politique et la gouvernance. Le soutien apporté aux religieux modérés ne résoudra pas ces problèmes plus fondamentaux. Les fausses élites ne trouvent aucun écho dans leurs sociétés et elles peuvent détourner l’attention des problèmes plus graves dans bon nombre de ces sociétés. Un autre problème réside dans la méfiance qu’éprouve la communauté internationale à l’égard des cultures locales dans la région. Il y a eu une tendance à considérer la culture islamique comme fondamentalement contraire à la modernité.

27. Khalid Saqi, directeur de l’Institut Mohammed VI des lectures et études coraniques, a souligné que l’Islam au Maroc se montrait flexible et tolérant. La culture marocaine est enracinée dans le respect du Coran, ce qui laisse beaucoup de place aux réalités du monde et à la nécessité d’une pensée rationnelle. Le Royaume du Maroc a joué un rôle important à cet égard et a depuis longtemps pour principe que le Roi est le Commandeur des croyants. Ce rôle a perduré même durant les années d’occupation française et définit encore la nation marocaine aujourd’hui.

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28. L’État marocain a donc été en mesure de structurer la croyance par des moyens que d’autres pays n’ont pas. Le Conseil supérieur des Oulémas est la seule institution habilitée à prononcer des fatwas et le Roi est directement associé au processus. Les individus ne prononcent pas de fatwas et la procédure est très structurée et stable ; elle est un élément important de la monarchie constitutionnelle. L’État joue un rôle important dans le soutien des institutions coraniques qui forment les imams et les théologiens. Le Maroc collabore également avec des pays africains sur la formation islamique. Le travail accompli par le Maroc à cet égard suscite un vif intérêt.

V. RÉFORME DU SECTEUR DE LA SÉCURITÉ

29. Robert Perito, directeur du groupe Perito, a entamé sa présentation en indiquant que la réforme de la police était un thème crucial dans les soulèvements arabes. Or, cette réforme n’a pas progressé autant qu’elle aurait dû dans toute la région. En fait, les forces de police ont pour ainsi dire cessé de travailler pendant ces protestations ou elles sont devenues très prudentes. Dans de nombreux cas, les criminels ont pris le contrôle des rues alors que la police s’est abstenue de recourir à la force. Cela a conduit à un contrecoup qui a, dans les faits, entravé la réforme de la police. Certaines ONG prônant le changement de la société ont en fait choisi de soutenir l’ordre plutôt que la réforme du secteur de la police et de la sécurité. Il n’est jamais simple de réformer le secteur de la sécurité tout en garantissant la sécurité et cela s’est avéré être le cas dans une grande partie du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. Les régimes autoritaires de la région ont créé des organes de sécurité interdépendants et des réseaux d’informateurs. La majeure partie de cette structure est restée en place et, à son tour, elle a entravé toute réforme. Bien évidemment, tous les pays n’ont pas été confrontés aux mêmes difficultés. Ainsi, en Libye, les institutions de sécurité se sont tout simplement effondrées et les milices ont comblé le vide. Désormais, toutes les structures du pays doivent être créées ex nihilo.

30. Toute réforme du secteur de la sécurité est impossible si la société civile n’est pas directement associée au processus. Dans une telle procédure, il faut du temps pour concevoir et mettre en œuvre les changements essentiels. En principe, cette procédure implique également des discussions à tous les niveaux du gouvernement. En effet, le secteur de la sécurité est au cœur même de l’État et les parlements doivent être associés au processus. Ces discussions peuvent devenir trop générales. Il peut donc être utile de commencer par la réforme de la police des frontières. Les frontières de la région sont perméables et les contrôles sont souvent ternis par la corruption. Cette situation est devenue un véritable enjeu de sécurité et la transformation de ce secteur pourrait avoir des retombées positives.

31. Il est également essentiel de percevoir la police comme un organe de protection des communautés et non comme une autorité exclusivement engagée dans la lutte contre le terrorisme. La police doit rassurer la population et montrer qu’elle comprend ses attentes. Une telle approche permet d’encourager le dialogue avec la société. Or, ce dialogue est essentiel pour établir la stabilité et instaurer un climat de confiance au sein de la société. Il peut aussi s’avérer très utile pour obtenir des informations permettant de contrer les groupes extrémistes. Ces informations ne parviendront jamais aux autorités si les citoyens n’ont pas confiance dans la police.

32. Arnold Luethold, directeur adjoint et directeur des opérations dans la région MOAN au centre pour le contrôle démocratique des forces armées (DCAF) à Genève, considère que l’instabilité politique a été l’un des obstacles majeurs à la mise en œuvre de réformes depuis le déclenchement des révoltes en 2009. Au cours de ces sept dernières années, la Tunisie a connu six Premiers ministres et huit ministres de l’Intérieur. Conduire une véritable politique de réforme est très difficile dans un tel contexte. Les réformes du secteur de la sécurité et de la justice

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comptent parmi les plus importantes et les plus délicates, mais il est difficile de mettre en œuvre de telles réformes lorsque les gouvernements souffrent d’un déficit de légitimité et semblent dans l’incapacité de garantir les services publics de base. En comparaison, les gouvernements occidentaux ont un déficit de légitimité publique nettement moindre, ce qui facilite les réformes. Le défi est encore plus ardu dans la région MOAN. Établir la légitimité revêt une importance cruciale.

33. Certains signes montrent que d’importantes réformes sont en cours dans le secteur de la sécurité dans plusieurs pays de la région. Ainsi, le Maroc va dans le bon sens et mérite un solide soutien international. Il y a un besoin urgent de réformer car la population de la région MOAN devrait augmenter sensiblement dans les décennies à venir, dans un contexte où les ressources économiques semblent diminuer. Cette situation est extrêmement préoccupante. La stabilité dépendra de l’ampleur des réformes que seuls les gouvernements de la région bénéficiant d’une légitimité autonome pourront conduire. Or, nombreux sont les gouvernements qui ne possèdent pas une telle légitimité.

34. Bien évidemment, les parlements ont un rôle clé à jouer à cet égard. Cependant, ils ont besoin de soutien et d’expertise pour assumer cette fonction. Pour contrôler efficacement les forces de police et de sécurité, les gouvernements doivent s’appuyer sur des fonctionnaires compétents et sur des informations adaptées, compte tenu de la longue tradition de déférence à l’égard des autorités militaires. Cette déférence doit être surmontée. Les parlements doivent également être à l’écoute de la société civile sur ces questions.

VI. L’ENJEU LIBYEN ET LA SÉCURITÉ AU SAHEL

35. Abdellatif Erroja, directeur du Grand Maghreb et des Affaires de l’Union du Maghreb arabe, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération, a souligné le rôle joué par le Maroc au Sahel et au Maghreb. Le Maroc estime que ces régions ont une importance stratégique et son objectif est d’encourager un climat propice à la paix et à la sécurité dans la région. Le Maroc fonde son approche sur le respect mutuel, les bonnes relations de voisinage, la non-ingérence dans les affaires domestiques des pays de la région et l’utilisation des traités internationaux comme fondement dans la résolution des conflits. Le Maroc est un partenaire particulièrement crédible car il partage des liens religieux et culturels qui facilitent le dialogue.

36. La Libye constitue désormais une menace pour l’ensemble de la région et le Maroc a participé aux efforts visant à résoudre le conflit. La Libye a demandé au Maroc d’organiser les nouvelles séries de consultations entre les parties prenantes de ce pays. Le Maroc a également animé les discussions sur la paix au Sahel et l’Afrique noire est apparue comme une priorité du Royaume en matière de politique étrangère. Ce dialogue englobe également la question religieuse et le Maroc a formé plus de 500 imams au Sahel, à la fois pour exprimer sa solidarité religieuse et pour établir une paix durable dans la région en contrant les interprétations extrémistes du Coran. Désormais principal investisseur dans la région, le Maroc estime que ses investissements contribueront au développement économique et social du Sahel. Le Maroc tente également de s’opposer aux activités économiques illégales dans la région et collabore avec plusieurs partenaires à cette fin. Cet effort est essentiel à la création d’une région plus intégrée, davantage tournée vers l’extérieur et plus sûre.

37. L’invasion de Daech en Libye et au Sahel fait peser une véritable menace sur cet effort, selon Andrea Manciulli qui a présenté la première version du rapport 2016 du Groupe spécial Méditerranée et Moyen-Orient. Daech se démarque profondément d’al-Qaida, organisation élitiste qui n’aspirait pas à créer un État à court terme. En revanche, Daech poursuit ce dessein et a réussi à attirer des milliers de partisans issus d’autres pays pour parvenir à ses fins. La

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plupart des combattants étrangers ignorent totalement les questions religieuses et acceptent de manière inconditionnelle le discours de Daech. Or, ce discours se propage de manière très complexe et est parvenu à conquérir le cœur et l’esprit de nombreux jeunes fanatisés en quête d’un but et d’une vocation. Il s’agit d’une guerre médiatique asymétrique à laquelle on ne peut se contenter de répondre par des moyens militaires. La communauté internationale doit soutenir les efforts du monde arabe visant à faire face à cette menace. Daech se développe dans les espaces non-gouvernés. Ainsi, l’organisation terroriste s’est emparée de certains parties de la Libye, de l’Égypte, de la Syrie, de l’Iraq et du Yémen où l’autorité étatique est éloignée ou inexistante. L’enjeu est donc à la fois géographique et social. Il faut garder à l’esprit qu’un espace vide peut également prendre la forme d’une banlieue marginalisée, où les jeunes se sentent socialement, économiquement et politiquement exclus.

38. D’autres différences importantes existent. Alors que Daech en Iraq est en grande partie un phénomène local et est de ce fait contrôlé par les Irakiens, en Libye ce sont les combattants étrangers qui sont à la manœuvre. Bon nombre de ces combattants en Libye ont été recrutés par le biais de vidéos d’une extrême violence diffusées sur Internet. L'aspiration à la restauration du califat reste réelle et Daech a eu recours à la barbarie et à une extrême violence pour contrôler les territoires. Daech mesure son succès à l’aune des territoires conquis et contrôlés.

39. Des groupes extrémistes locaux sévissent également en Libye, Ansar al-Charia étant le plus connu. C’est ce groupe qui a attaqué le Consulat américain de Benghazi. Le grave défi posé par Daech réside dans le fait que ses combattants n’ont pas besoin d’être nombreux pour avoir un profond impact social et politique. Cela a été le cas lors des attentats perpétrés en Tunisie ainsi qu’à Paris et à Bruxelles.

40. Jusqu’à présent, Daech en Libye n’a pas réussi à accéder aux gisements de pétrole et de gaz mais la situation pourrait changer et doit être un sujet de préoccupation. La résistance tribale peut empêcher ce scénario en Libye, mais la situation doit être étudiée de près. La Libye a besoin du soutien de la région et, de façon plus générale, de la communauté internationale. Il est essentiel que le tribalisme et Daech n’aient pas la moindre possibilité de s’unir. Les traditions tribales doivent être perçues comme une puissance potentielle en Libye et pas simplement comme un obstacle à l’unité nationale et à la construction d’un État viable. Si l’on ne comprend pas cela, on risque d’assister à une radicalisation des communautés tribales en Libye, avec des conséquences désastreuses.

41. Daech peut être comparé à une hydre à plusieurs têtes et doit être combattu sur les plans culturel et social, ainsi que par des moyens militaires. L’organisation terroriste a prospéré dans des régions qui rencontrent de sérieux problèmes de justice et où les populations n’ont pas accès à des conditions de vie décentes. Daech peut être combattu en Syrie et en Libye mais il ne disparaîtra probablement pas. Le combat s’annonce long et doit être mené sur plusieurs fronts. Daech n’est pas seulement un groupe qui s’approprie des formes étatiques dans plusieurs pays ; il se présente aussi sous la forme de loups solitaires et de cellules dormantes en Europe, ce qui rend le problème encore plus complexe.

VII. SÉCURITÉ HUMAINE DANS UN ENVIRONNEMENT CHANGEANT

42. Mohamed Abdelraouf, directeur du programme de développement durable au centre de recherche du Golfe, a indiqué que la région MOAN était confrontée à deux grandes catégories de défis environnementaux. Il y a les traditionnels défis tels que la désertification, la raréfaction des ressources en eau et la pollution liée à l’industrie pétrolière. Mais d’autres défis pointent à l’horizon : le changement climatique, l’augmentation de la population et l’urbanisation croissante. Pendant des siècles, les habitants de la région sont parvenus à vivre en harmonie avec le climat

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souvent rude dans lequel ils vivaient. Ils utilisaient leurs connaissances et leurs techniques ancestrales comme l’irrigation et les systèmes traditionnels de gestion de l’eau. Ces techniques étaient intelligentes et durables, et elles fonctionnaient. Les habitations étaient construites de sorte à maintenir la chaleur à l’extérieur et assuraient une ventilation adéquate. Cependant, cette architecture a été remplacée par les techniques de construction modernes qui ont pour résultat des logements moins écologiques et plus énergivores. Les villes de la région sont aujourd’hui surpeuplées, la pollution de l’eau et de l’air est devenue un sérieux problème et les modes de transport accentuent encore le problème environnemental de la région. Le traitement des déchets dans les grandes métropoles déstructurées de la région est devenu un problème majeur et une source de grief et de mobilisation politique. Ces dernières années, au Liban et en Iraq, on a assisté à des manifestations massives en faveur de la protection de l’environnement. La société est profondément déçue de constater que le gouvernement est incapable de gérer ces problèmes.

43. La région MOAN est également très vulnérable aux effets du changement climatique. Des millions d’habitants vivent le long des côtes et la hausse du niveau des mers pourrait représenter une menace très sérieuse pour ces régions côtières. Les récifs coralliens de la région ont été détruits à hauteur de 35 %. La quantité d’eau potable disponible par personne a chuté brutalement et l’approvisionnement en eau est menacé, sans parler de sa qualité qui se dégrade.

44. Il est évident que le changement climatique affecte déjà la région de plusieurs façons. On ne peut pas écarter l’idée qu’il est en partie responsable de l’instabilité régionale. Les sécheresses de 2006 et 2011 ont probablement généré des tensions sociales qui ont mené à une crise politique. En Égypte, les problèmes environnementaux ont été un vecteur d’activisme politique. De plus, ce sont ces problèmes qui échappent à la fracture sectaire et qui peuvent unir les citoyens et devenir une priorité pour l’activisme de la société civile. Le problème, bien entendu, est que la société civile reste relativement sous-développée dans la majeure partie de la région. Il existe donc une grande marge de manœuvre pour la coopération et le soutien internationaux. Une telle approche est judicieuse à plusieurs égards, notamment parce que la communauté internationale a tout intérêt à préserver l’environnement dans la région.

VIII. LE DÉFI POSÉ PAR LA CORRUPTION

45. Abdelali El Berria, inspecteur général par intérim auprès du ministère de l’Économie et des Finances, a abordé le lien qui existe entre corruption et sécurité. Il a indiqué que la corruption était un défi de taille pour la sécurité régionale. Combattre ce fléau est une priorité essentielle dans le cadre des réformes en cours au Maroc. Il a mentionné les différentes formes de corruption telles que définies par les Nations unies, notamment l’abus de pouvoir, l’utilisation abusive des biens collectifs, l’enrichissement personnel illégal et le blanchiment de biens obtenus de façon criminelle. Non seulement la corruption affaiblit les services publics, mais elle épuise également les ressources publiques et génère des tensions sociales ainsi qu’une frustration sociale vis-à-vis de l’État. Elle réduit également les pratiques méritocratiques. Le Maroc a ratifié la convention internationale contre la corruption en 2003 et a cherché à adapter sa législation nationale afin d’intégrer les principes de cette convention. Dès le départ, l’objectif a été de renforcer la gouvernance et le Maroc a joué un rôle majeur dans la Déclaration de Marrakech sur la prévention de la corruption (2011). Le Maroc coopère également avec l’OCDE, l’UE et le Conseil de l’Europe sur les questions relatives à la corruption.

46. Le Maroc estime également que la lutte contre la corruption est étroitement liée à la lutte contre le financement du terrorisme. Une gouvernance faible et la corruption font peser une menace sur la sécurité. Les pratiques de corruption peuvent aboutir à un afflux d’actifs financiers

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vers les groupes terroristes et faciliter le trafic de stupéfiants, d’armes et d’êtres humains, des trafics qui sont au cœur des activités financières des groupes terroristes.

47. Rachid Filali Meknassi, membre du Bureau exécutif à Transparency Maroc, a également discuté des liens qui existent entre terrorisme et gouvernance. Il a souligné que le terrorisme ne crée pas la guerre mais est le fruit de la guerre. Il a indiqué que la guerre en Iraq marquait un tournant décisif dans la stabilité régionale qui s’est rapidement dégradée depuis le début de la guerre en 2003. Il a également souligné que le terrorisme se développait dans les régions dépourvues de gouvernance démocratique. Il a indiqué que de nombreux pays dans la région n’avaient pas réussi à faire la distinction entre propriété publique et propriété privée. Des millions d’habitants en paient le prix car la corruption est devenue une source de pauvreté et de sous-développement dans la région. La région MOAN est en proie à une répartition des richesses très inégale et la corruption accentue ce grave problème économique, social et politique. Dans plusieurs des pays les plus corrompus, les dépenses militaires sont supérieures aux dépenses consacrées à la santé et à l’éducation, et les mesures sécuritaires réduisent les libertés humaines. Cela ne fait qu’élargir le fossé entre les responsables politiques et la population. Une fois encore, cet environnement est propice à la montée de l’extrémisme et le modèle de développement de la région perd en crédibilité.

48. Rachid Talbi El-Alami, président de la Chambre des Représentants, et Hakim Benchamach, président de la Chambre des Conseillers, ont clôturé le séminaire en reprenant brièvement plusieurs des thèmes principaux abordés durant les discussions, notamment la contribution du Maroc à la sécurité régionale pour relever les défis posés par la crise des réfugiés et le terrorisme. Le Maroc s’emploie à coopérer davantage avec ses proches voisins, les pays du Golfe et les pays membres de l’OTAN pour trouver des solutions internationales aux problèmes internationaux. L’Europe, la région MOAN et l’Amérique du Nord doivent faire de la déradicalisation une composante essentielle de leur stratégie en matière de sécurité nationale. Dans le même temps, dans la lutte contre le terrorisme, aucun compromis ne doit être fait sur les valeurs démocratiques. Faire des compromis revient à concéder une victoire morale aux terroristes. Le développement socio-économique doit également faire partie intégrante de tout effort visant à renforcer la sécurité. Enfin, les présidents ont chaleureusement remercié toutes les personnes ayant participé à l’organisation de la réunion.

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