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N 0 133 JANVIER, FÉVRIER, MARS 2014 8,95 $ MADELEINE GAGNON Acadie GEORGETTE LEBLANC De la république en Amérique française Nuit blanche, 1026, rue Saint-Jean, bureau 403, Québec (Québec) G1R 1R7 Des ZOMBIES et des HOMMES Illustration : ©Kevin Massé Destination Québec LE MAGAZINE DU LIVRE PP40038870 E09023

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N0 133JANVIER, FÉVRIER,

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MADELEINE GAGNONAcadie GEORGETTE LEBLANC

De la république en Amérique françaiseNuit blanche, 1026, rue Saint-Jean, bureau 403, Québec (Québec) G1R 1R7

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12 De la républiqueen Amérique françaisepar Laurent Laplante

14 Depuis toujoursde Madeleine Gagnonpar Michèle Bernard

27 Des zombies et des hommespar Patrick Bergeron

ARTICLES

6 Nouveautés québécoises

56 Nouveautés étrangères

17 Fiction

33 Essai

COMMENTAIRES DE LECTURE

ACTUALITÉS

NUMÉRO 133–HIVER 2013-2014

Nuit blanche est membre de la Société de développementdes périodiques culturels québécois (SODEP).www.sodep.qc.ca [email protected]

Nuit blanche remercie le Conseil des arts et des lettres du Québec,le Conseil des arts du Canada de l’aide accordée à notre programmede publication et le Service de la culture de la Ville de Québec ;il est répertorié dans l’Index des périodiques canadiens et dans Repère.

«Nous reconnaissons l’appui financier du gouvernement duCanada par l’entremise du Fonds du Canada pour les périodiques,qui relève de Patrimoine canadien. »

Directrice de la publication : Suzanne Leclerc.Rédacteur en chef : Alain Lessard.Direction artistique : Anne-Marie Guérineau.Comité de rédaction : Jean-Paul Beaumier,Hélène Gaudreau, Anne-Marie Guérineau,Louis Jolicœur, Alain Lessard, François Ouellet.

Responsable de la rubrique « Écrivains méconnusdu XXe siècle » : François Ouellet.

Ont collaboré à ce numéro : Linda Amyot,Jean-Paul Beaumier, Gaétan Bélanger, Patrick Bergeron,Michèle Bernard, Pierrette Boivin, Yvan Cliche,Ève Dubois-Bergeron, Andrée Ferretti,Soundouss El Kettani, Jean-Guy Hudon, Yves Laberge,Laurent Laplante, David Laporte, François Lavallée,David Lonergan, Gilles Losseroy, Michel Nareau,Julie Pelletier, Yvon Poulin, Judy Quinn, Simon Roy.

Illustration de la couverture : Kevin Massé.

Actualités : Judy Quinn, Yvon Poulin.Révision : Judy Quinn, Suzanne Leclerc.Infographie : Perfection Design.Abonnements, publicité :Marie-Pia Alexis.Campagne d’abonnement : Jérôme C. Gagné, Lucie Leclerc.Conseiller en informatique :Nicolas Bégin (Somitel).Impression : Lithochic.

Distribution au Canada, en kiosque et en librairie :Les Messageries de Presses Benjamin inc.

Nuit blanche, le magazine du livre : 1026, rue Saint-Jean,bureau 403, Québec (Québec) G1R 1R7 ;téléphone : 418 692-1354 ; télécopieur : 418 692-1355.Courrier électronique : [email protected]

Les opinions émises dans les articles et les commentairesn’engagent pas la rédaction.

Périodicité : 4 numéros par année.Numéro 133 : janvier, février, mars 2014.Date de publication : décembre 2013.

Envoi de Poste publications :Enregistrement no 09023 ; Convention no 40038870.

ISSN : 0823-2490.

ISBN : 978-2-9814175-4-1 (PDF).

Dépôt légal : Bibliothèque et Archives nationalesdu Québec, 2013.

Georgette LeBlanc

RUBRIQUES

38 « Écrivains franco-canadiens »Georgette LeBlancLe chant de la languepar David Lonergan

52 « Écrivains méconnusdu XXe siècle »Georges Ribemont-Dessaignes(1884-1974)par Gilles Losseroy

4 Sommairedes livres commentés

5 Présentation

30 Une autre révolution tranquille ?Publics et attraitsdu tourisme québécoispar Laurent Laplante

46 Une idée de l’universitéPropositions (et protestations)d’un professeur militantpar Jean-Paul Beaumier

50 Hollywood Storyà la façon de Fabrice Colinpar Simon Roy

Au total, 1443 répondants ont participé à cette étude qui révèle entre autres que le pourcentage de lecteurs« Très satisfaits » deNuit blanche est bien supérieur à celui de l’ensemble des revues,

et ce, à tous égards : valeur éducative, informative, qualité littéraire des textes,traitement des thèmes, volume d’information, etc.

*La SODEP (Société de développement des périodiques culturels québécois) est une association dont sont membresquelque 45 revues et magazines culturels. www.sodep.qc.ca

L’équipe de Nuit blanche vous remercie, abonnés, collaborateurs,éditeurs et autres partenaires, de votre essentiel soutien.

Un grand merci !

Roger Couillard, vers 1955, Destination Québec, p. 185

Sondage de la SODEP*

La récente Étude sur le lectorat des revues culturellesde la SODEP, réalisée par la firme Extract Recherche

Marketing, nous apprend queNuit blancheest la plus lue des revues littéraires québécoises !Et la 2e plus lue des revues culturelles du Québec,

toutes disciplines confondues(arts visuels, culture et société, histoire, etc.).

Nuit blanchela plus lue

des revues littérairesau Québec

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BLAIS, François :La classe demadame Valérie, L’instant même,2013, par L. Laplante, p. 24.BRASSARD, Mario :Le livre clairière,Les Herbes rouges, 2012,par J. Quinn, p. 20.CATALANO, Francis :On achèveparfois ses romans en Italie,L’Hexagone, 2012, par S. Roy,p. 25.COLIN, Fabrice : Blue Jay Way,Sonatine, 2013, par S. Roy, p. 50.DAIGLE, France :Sans jamais parlerdu vent, Institut d’études acadiennes,2012, par D. Lonergan, p. 22.FÉRANDON, Max :La corde à linge, La Bagnole, 2013,par M. Bernard, p. 18.GARNEAU, François-Xavier :Poésies, Presses de l’UniversitéLaval, 2012, par J.- G. Hudon, p. 21.KHADRA, Yasmina :Les angesmeurent de nos blessures, Julliard,2013, par S. El Kettani, p. 17.LATULIPPE, Martine :Les faitsdivers n’existent pas, Druide, 2013,par L. Amyot, p. 20.LEBLANC, Georgette :Alma, Amédé,Prudent, Perce-neige, 2006, 2010et 2013, par D. Lonergan, p. 38.LEGAULT, Marie-Anne :Le museum, Québec Amérique,2013, par P. Boivin, p. 17.MANTEL, Hilary :Dans l’ombre desTudors, T. 1, Le conseiller, Sonatine,2013, par Y. Poulin, p. 23.MARTINEAU, Maureen : L’enfantpromis, La courte échelle, 2013,par S. Roy, p. 25.MIANO, Léonora : La saisonde l’ombre, Grasset, 2013,par Y. Cliche, p. 19.RICHARD, Lyne :Ne dites pasà ma mère que je suis vivant,Québec Amérique, 2012,par J. Pelletier, p. 19.ROBITAILLE, Patrice : Le carteldes volcans, David, 2013,par D. Lonergan, p. 26.THÉORET, France : La zone grise,Pleine lune, 2013,par È. Dubois-Bergeron, p. 22.TRAHAN, Michaël :Nœud coulant,La Quartanier, 2013,par È. Dubois-Bergeron, p. 18.

AGCA, Ali : Je devais tuer le pape,L’Archipel, 2013, par G. Bélanger,p. 42.ARCHIBALD, Samuel :Le sel de la terre, Atelier 10, 2013,par F. Lavallée, p. 33.BEAUCHEMIN, Jean-François :Quelques pas dans l’éternité,Québec Amérique, 2013,par L. Amyot, p. 36.CANTIN, Serge (sous la dir. de) :L’éducation en péril, Pour mieuxcomprendre le « printemps érable »,Fides, 2012, par J.-P. Beaumier,p. 46.CHASSAY, Jean-François :Au cœurdu sujet, Imaginaire du gène,LeQuartanier, 2013, par L. Laplante,p. 41.CHEVRIER, Marc, HARVEY,Louis-Georges, KELLY, Stéphaneet TRUDEAU, Samuel :De la république en Amériquefrançaise, Septentrion, 2013,par L. Laplante, p. 12.

CHOKO, Marc H., LEFEBVRE,Michèle et LÉGER, Danielle :Destination Québec, Une histoireillustrée du tourisme, L’Homme,2013, par L. Laplante, p. 30.COULOMBE, Maxime : Petitephilosophie du zombie, PressesUniversitaires de France, 2012,par P. Bergeron, p. 27.CUCCIOLETTA, Donald :Où vontles États-Unis ?, M éditeur, 2013,par Y. Laberge, p. 43.DORION, Henri et LAHOUD,Pierre : Le Québec autrement dit,Et un tour du monde en surnoms,L’Homme, 2013, par L. Laplante,p. 30.FABRE, Gérard : Entre Québec etCanada, Le dilemme des écrivainsfrançais, VLB, 2012,par J.-G. Hudon, p. 42.GAGNON, Madeleine :Depuistoujours, Boréal, 2013,par M. Bernard, p. 14.

JANSON, Gilles (sous la dir. de) :Dictionnaire des grands oubliésdu sport au Québec, 1850-1950,Septentrion, 2013, par M. Nareau,p. 37.KEPEL, Gilles : Passion arabe,Journal 2011-2013, Gallimard,2013, par Y. Cliche, p. 41.MARCEL, Jean : Jacques Ferronmalgré lui, Presses de l’UniversitéLaval, 2013, par A. Ferretti, p. 33.MCQUAIG, Linda et BROOKS,Neil : Les milliardaires, Comment lesultra-riches nuisent à l’économie,Lux, 2013, par G.Bélanger, p. 34.MESSIER, Charles : Francœur,Le rockeur sanctifié, VLB, 2013,par Y. Laberge, p. 36.MOSER, Benjamin :ClariceLispector, Pourquoi ce monde,Des femmes/Antoinette Fouque,2012, par M. Bernard, p. 44.PARIS, Vincent :Zombies,Sociologie des morts-vivants, XYZ,2013, par P. Bergeron, p. 27.PEPIN, Amélie :Zombie, Le mort-vivant autopsié, Les Intouchables,2013, par P. Bergeron, p. 27.POIVRE D’ARVOR, Olivier : Le jouroù j’ai rencontré ma fille, Grasset,2013, par L. Laplante, p. 35.SEYMOUR, Michel :Une idéede l’université, Boréal, 2013,par J.-P. Beaumier, p. 46.THÉRIAULT, Joseph Yvon :Évangéline, Contes d’Amérique,Québec Amérique, 2013,par D. Laporte, p. 44.YANACOPOULO, Andrée : Prendreacte, Mémoires, Boréal, 2013,par A. Ferretti, p. 34.

Sommaire des livres commentés

essaifiction

Merci au Secrétariat aux affairesintergouvernementales canadiennesdu gouvernement du Québecpour son soutien à la promotionet à la diffusion de ce numéro.

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P r é s e n t a t i o n

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es zombies sont partout,même en couverture* de Nuit blanche ! C’est que, comme le note Patrick Bergeron dans« Des zombies et des hommes », la vague zombie du troisième millénaire atteint maintenant jusqu’aux rayons « essais »des librairies. L’actuelle fascination pour les morts-vivants ne serait pas un phénomène de mode,mais plutôt – signe des

temps ? – un écho de nos grandes inquiétudes,des trois peurs universelles que sont lamort, la fin dumonde, la déshumanisation.

Beaucoup moins effrayant mais peut-être aussi étonnant est l’article que Laurent Laplante consacre à deux ouvrages,Destination Québec et Le Québec autrement dit, qui racontent près de deux siècles de notre histoire vue sous l’angle dutourisme. « Au commencement était… la richesse.Du moins celle de quelques-uns. » Puis vint l’automobile ; et voilà desdizaines de municipalités en mode publicitaire.Une autre révolution tranquille aurait-elle eu lieu ?... Laurent Laplante attireaussi notre attention sur la récente anthologie, nécessaire et éclairante, des discours républicains au Québec de 1703 à 1967 :De la république en Amérique française.

L’université comme institution au service du bien commun ou entreprise clé de l’économie du savoir ? Plus d’un anet demi après le printemps érable, la poussière n’est pas totalement retombée et il reste de nécessaires débats à mener.Par Jean-Paul Beaumier, à travers la lecture d’Une idée de l’université de Michel Seymour, retour sur une crise et regardsur l’avenir de notre système d’éducation.

Bien des années avant les casseroles, à l’époque où Madeleine Gagnon étudiait la philosophie à l’Université de Montréal,tel professeur pouvait affirmer ne jamais donner « plus de 70 % au travail d’une fille, quelle qu’en soit la valeur ». C’était avantle rapport Parent, avant la création de l’UQAM où, plus tard,Gagnon sera professeure de littérature.Michèle Bernard présenteDepuis toujours, récit autobiographique sans complaisance qui englobe l’évolution d’un Québec sorti lentement, parfoisdifficilement, de la noirceur.

Avec Gilles Losseroy, nous traversons l’Atlantique pour entrer dans le monde de l’« Écrivain méconnu » de ce numéro :Georges Ribemont-Dessaignes, qui fut peintre, compositeur dada, romancier, dramaturge, poète, essayiste, critique musical,homme de radio, rédacteur en chef… ainsi qu’éleveur de porcs,maraîcher,moniteur de ski, aubergiste et fait-diversier.

Un troisième titre – Prudent – de la Néo-Écossaise Georgette LeBlanc : voilà ce que Nuit blanche attendait pour demanderà David Lonergan de réaliser un portrait, sous la rubrique « Écrivains franco-canadiens », de cette jeune auteure à la voix sisingulière.NB

Bonne lecture ! Suzanne Leclerc

* Illustration de la couverture par Kevin Massé

pour le livre Zombies, Sociologie des morts-vivants de Vincent Paris (XYZ, 2013).

Graphiste et journaliste, Kevin Massé est passionné par tout ce qui touche l’industrie vidéoludique. On peutlire ses critiques et ses découvertes sur l’univers et l’actualité du jeu vidéo dans La Presse+ et sur lapresse.ca.

« Ils puent, sont affreux et n’ont aucune conversation », écrivait-il à propos de la déferlante zombie,en introduction de son article « The Walking Dead : ces zombies qu’on aime » (lapresse.ca, 31 octobre 2012).

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nouveautés

québécoises

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Poète à l’honneurGeneviève Boudreau recevait àl’Hôtel de Sully, à Paris, le Prixdu premier recueil de poèmesde la Fondation pour la poésie,avec son livre Acquiescer audésordre (l’Hexagone).MichelCollot,membre du jury, a sou-ligné l’exceptionnelle maturitéde cette jeune auteure originairedes Îles-de-la-Madeleine, qui asu dire le chaos dans les limitesdu lisible et de l’expériencehumaine.

Appel aux citoyensSelon Noam Chomsky, lamondialisation, l’importancedes multinationales ettous les autres phénomènesqui modèlent notre monded’aujourd’hui ne sont pas lesrésultats d’un complot,maisceux d’« un capitalisme d’Étatordinaire ».Ainsi, ce serait ànous, citoyens, de voir à sabonne marche.Voilà l’une desidées qui traversent Le biencommun (Écosociété), un essaiconstruit à partir d’entretiensavec le journaliste DavidBarsamian.

Brèves nouvellesLa revue XYZ a mis au défi unecinquantaine d’auteurs d’écrireune nouvelle ne dépassant pasune page.Défi relevé avec brio.On lira dans ce numéro 116des textes de Raymond Bock,William S.Messier, SuzanneMyre,Monique Proulx, LarryTremblay et d’autres.

La perteJulie Stanton signe un recueilémouvant, en hommage à safille décédée de la sclérose enplaques.DansMémorial pourGeneviève et autres tombeaux(Les heures bleues),elle réinventeson visage,mais aussi celuide proches qui, pareils à elle,sont trop tôt partis : la sœurde l’auteure, son père, sa mère.Les textes sont accompagnésdes photos de Régis Mathieu.

OntarioHélène Koscielniak est lalauréate du Prix de littératureéclairée du Nord pour lesannées 2012 et 2013. Lesmembres du jury ont été coupsur coup séduits par la richessedes romans Contrepoids etFilleul, publiés à L’Interligne.

Survivre à la guerreWalery Nowina nous livre unémouvant témoignage avecQu’il y ait du soleil pour toutlemonde, L’histoire d’un enfantqui a miraculeusement survécuà la Seconde Guerre mondiale.Dans ce récit publié chezVermillon, l’auteur canadiend’origine polonaise relate ladéportation de sa famille enAutriche puis en Allemagne.

La religion et l’ÉtatDepuis quelques années,nombre d’essayistes se sontattaqués à la question de lalaïcité au Québec. Parmi leursouvrages, notons celui dirigépar Yvan Lamonde et DanielBaril :Pour une reconnaissancede la laïcité au Québec,Enjeux philosophiques,politiques et juridiques(Presses de l’Université Laval).On peut entre autres y lire lesplumes de Djemila Benhabib,Guy Rocher et Daniel Turp.

Le personnage du leaderGilberte Barrette a publiéLa pauvreté ouverture àl’amour (Médiaspaul, 2005).Dans son plus récent essai,Leadership dynamique(Société des écrivains),elle convie les leaders àadopter des comportementsbasés sur les valeurs de justice,d’intégrité, dont la finalitéserait le bien commun.

Lieu patrimonialL’année 2013 a marqué le350e anniversaire de la fondationdu Séminaire de Québecpar François de Laval.Pour l’occasion, un nouveau« Guide Mendel » est consacréà ce lieu chargé d’histoire.Dans Le Séminaire de Québec,Un patrimoine exceptionnel(Sylvain Harvey), l’historienDavid Mendel s’intéresse à lafois à sa dimension spirituelleet architecturale. Ce superbeouvrage est agrémenté dephotographies de Luc-AntoineCouturier et de documentsiconographiques puisésdans la vaste collection duSéminaire.

MultiMondes :25e anniversaireTransmettre la passion de laconnaissance, voilà la missionque s’étaient donnée leséditions MultiMondes il y a25 ans, et cette entreprise sepoursuit, 300 livres plus tard.Pour souligner cet anniversaire,la maison offre gratuitementle livre Éditions MultiMondes,25 ans de savoir en action,regroupant des extraits d‘unecinquantaine de titres, certainsanciens, d’autres plus récents.

Livre-hommageÀ la lecture deQui est Hélène Pedneault ?, Fragments d’unefemme entière (Remue-ménage),on peut dire que cette écrivaineféministe a été une inspiratrice pour plusieurs hommes et femmes.Ces derniers affirment leur attachement à son égard, cinq ansaprès son décès, en répondant à l’enquête de Sylvie Dupont.

Hélène Pedneault

©Su

zann

eLaferrière

ErratumUne erreur s’est glissée dans lenuméro 132 de Nuit blanche,

section « Nouveautésquébécoises ». Il aurait fallu

lire Gaétan Soucyet non Gaétan Souci.

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no 132automne 2013

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Faire revivreHommage au cher disparu,l’écrivain Jean-Marie Poupart,Bruits et gestes perdus,Quarante-deux tableaux pourune disparition de RéjaneBougé reconstruit l’aimé parles sons : le bruit des clés quel’on dépose, le rire, la lamede rasoir sur la peau. Ce livretrès sensible et poétiqueest paru à L’instant même.

La lecture en cadeau :15e anniversaireJusqu’au 31 décembre, la Fon-dation pour l’alphabétisationinvite le public à offrir un livrejeunesse à un enfant de 0 à12 ans vivant dans une familleoù le rapport aux livres estsouvent inexistant. Plus de250 librairies et bibliothèquespartout au Québec attendentvos dons de livres.fondationalphabetisation.org

Le rire d’une révolutionCertains nostalgiques seront heureuxd’apprendre qu’une anthologie desmeilleurs textes du groupehumoristique Les Cyniques vient desortir en librairie. Sur la centaine desketches choisis, une vingtaine sontinédits. L’anthologie est suivie de septétudes qui mesurent chacunel’importance du groupe en son temps.Les Cyniques,Le rire de la Révolution tranquille est publié chez Triptyque,sous la direction de Robert Aird et Lucie Joubert.

PRIX LITTÉRAIRES

Prix Athanase-DavidLe plus important prix littérairequébécois, l’Athanase-David,revient cette année au poète,romancier et auteur de livresjeunesse Roger Des Roches.Ce prix récompense l’ensembled’une carrière singulière,rockeuse, aérienne parfois,entièrement consacrée aux

livres. Roger Des Roches est entre autres l’auteur du très beaurecueilDixhuitjuilletdeuxmillequatre, sur le décès de sa mère,et de La cathédrale de tout, récemment publié aux Herbes rouges.

Le Grand Prix du livre de MontréalPar l’originalité de son style, son humour et sa vigueur,La maison des pluies (Les Herbes rouges) de Pierre Samsona séduit le jury du dernier Grand Prix du livre de Montréal,présidé par Nicole Brossard. Les finalistes étaient Martine Audet(Des voix stridentes ou rompues, Le Noroît),Alain Farah(Pourquoi Bologne, Le Quartanier),Marcel Labine(Promenades dans nos dépôts lapidaires, Les Herbes rouges)et Catherine Leroux (Le mur mitoyen,Alto).

Roger Des Roches

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nouveautés

québécoises

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Pierre GauvreauEn complément de l’exposition au Musée de la civilisation« Pierre Gauvreau. J’espérais vous voir ici », Fides publiela monographie Pierre Gauvreau, Passeur de modernité.L’ouvrage nous fait revivre tout un pan de l’histoire culturelledu Québec à travers le cheminement artistique du personnage,ses peintures, ses engagements.

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Outre-tombe, autres mœursNe reculant devant rien, Patrick Bergeron s’est penché,d’une part sur l’attirance sexuelle à l’endroit des cadavres telleque représentée par la littérature et le cinéma et, d’autre part,sur la mort comme préoccupation fondamentale pour bonnombre d’écrivains au tournant du XXe siècle avec, en tête decortège, le dandy égotiste Maurice Barrès (1862-1923) et leprodige Hugo von Hofmannsthal (1874-1929).Nécrophilie,Un tombeau nommé désir (Murmure) etDécadence et mortchez Barrès et Hofmannsthal, Le point doré de périr (Notabene) paraissent cet hiver.

NOS COLLABORATEURS PUBLIENT

Avez-vous lu ?...Huit autres collaborateurs de Nuit blanche ont publié onzetitres au cours de la dernière année. Il s’agit des œuvresde fiction Les heures africaines et Le jardin d’Amsterdam(Linda Amyot),L’homme qui fuyait (François Lavallée),Critique radicale de la réalité, Quatre saisons en enferet Positivos (Renaud Longchamps), ainsi que des essaisUne dynamique du visuel (Soundouss El Kettani),Acadie 72 (David Lonergan),Diasporiques (François Paré),La survivance en héritage (Michel Peterson) etDétails et dédales(CatherineVoyer-Léger, nouvelle venue dans nos pages).

Les GG 2013Cette année, c’est StéphaniePelletier qui remporte le Prixdu Gouverneur général dans lacatégorie romans et nouvelles,avecQuand les guêpes se taisent,publié chez Leméac. En poésie,le gagnant est René Lapierre,avec Pour les désespérésseulement (Les Herbes rouges).Fanny Britt,qui était par ailleursaussi finaliste dans la catégoriejeunesse avec Jane, le renard etmoi (La Pastèque), est récom-pensée pour sa pièce de théâtreBienveillance (Leméac). Enfin,dans la catégorie essais, l’honneurva àYvon Rivard pour Aimer,enseigner (Boréal).

Prix et finalistesPour ses dix ans, le Prixdes collégiens créait en 2013le Prix de la décennie, remis àl’un des dix lauréats des éditionsprécédentes. Les étudiants descollèges et cégeps du Québecont finalement choisi Il pleuvaitdes oiseaux de Jocelyne Saucier.Par ailleurs, on connaît main-tenant les cinq finalistes del’édition 2014 :Artéfact (XYZ)de Carl Leblanc,Chansonfrançaise (Le Quartanier) deSophie Létourneau,Guano(l’Hexagone) de Louis Carmain,Mensonges (Boréal)deChristianeDuchesne etNina (Héliotrope)de Patrice Lessard.

Stéphanie Pelletier

Les Prix de l’Académie des lettres du QuébecCette année, le prix Alain-Grandbois a été remis à René Lapierre,pour son recueil Pour les désespérés seulement (Les Herbesrouges).Dans la catégorie romans et récits, le prix Ringuetest allé à Jean Bédard pourMarguerite Porète (VLB), tandisque Jacques Brault recevait le prixVictor-Barbeaupour son essaiChemins perdus, chemins trouvés (Boréal). L’historienFrançois-Marc Gagnon voyait l’entièreté de son œuvrerécompensée par la médaille de l’Académie.

Polar priméPour la deuxième fois depuis la création du prix en 2002,Martin Michaud reçoit le prix Saint-Pacôme du roman policier,cette fois avec Je me souviens, paru à La Goélette. C’est doncavec un grand intérêt qu’on lira son dernier-né,Sous la surface,publié chez le même éditeur.

Prix Georges-Émile-LapalmePaul Gérin-Lajoie reçoit le prixGeorges-Émile-Lapalme 2013 poursa contribution exceptionnelleà la qualité et au rayonnementde la langue française. Lajoie futministre de l’Éducation sousJean Lesage ; il participa activementà la Révolution tranquille en

mettant entre autres sur pied un système d’éducation accessibleà tous les francophones du Québec.

Jocelyne Saucier

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Paul Gérin-Lajoie

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nouveautés

québécoises

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ibéralisme et république

Peut-être le message essentielde ce livre se loge-t-il dans la

dizaine de pages de l’introduction :« Libéralisme et républicanisme sesont longtemps entremêlés, par lespersonnes, les doctrines et les événe-ments politiques. Nous essaierons icide les séparer, en forçant certes un peule trait, au risque d’abuser du schéma-tisme ». En fait, l’objectif est atteintsans véritable abus, tant les auteursexcellent à rendre patentes les diffé-rences et même les nuances. Là où lelibéral glorifie la liberté de l’individu,le républicain s’inquiète des condi-tions requises par cette liberté. Lelibéral regarde la loi avec méfiance, lerépublicain la veut comme soutien,alliée, stimulant. Le libéral « a con-fiance dans la capacité naturelle desindividus à nouer des liens », alors que« le républicain craint la précarité dela vertu, menacée à tout instant parl’appât du gain, le luxe et l’indolence ».Divergences aussi à propos du colo-nialisme dont l’importance est grande

en sol canadien. « Dans l’histoire, lelibéral s’est lancé dans des aventurescoloniales sans trop se soucier de laliberté des peuples conquis » ; auxyeux du républicain, « la dominationcoloniale se ressent sur les qualitésmorales des sujets conquis qui s’avilis-sent et renoncent à leur indépendancepour entrer dans les bonnes grâces durégime colonial ».Ces précisions (et plusieurs autres)

font du républicanisme une troisièmevoie, nette et invitante, en marge dulibéralisme et du conservatisme.

Un courant venu de loin

Sitôt ces balises plantées, les auteursbattent le rappel des plumes qui, sanstoujours s’en vanter ou même mesurerl’ampleur du défi, ont souhaité l’avè-nement ici d’une république. Elles sontnombreuses. Elles s’expriment depuisle début de l’histoire nationale. Ellesentretiennent face à l’avenir la mêmepertinence qu’à propos des tempsrévolus. Discrètes pendant les périodesles plus ostentatoires du plaidoyer

De la république en Amérique françaisePar

Laurent Laplante*

L’ironie veut que cette anthologie de textes républicains1 surgisse au moment

où Stephen Harper s’emploie à rapetasser le lien vermoulu entre le Canada

et la Couronne britannique. Antagonistes dans leurs visées, les deux initiatives

se disputent le passé : Harper agit comme si le Canada regrettait le bonheur

de sa soumission à l’Empire, tandis que quatre chercheurs – Marc Chevrier,

Louis-Georges Harvey, Stéphane Kelly et Samuel Trudeau – tirent du même passé

la preuve que l’idée républicaine vit depuis longtemps au Québec d’une vie drue.

Cette anthologie permettra, nous l’espérons,de remédier à une sérieuse lacune dans laconnaissance de notre tradition politique.Elle vise à faire connaître une troisième voiepolitique, à côté des voies libérale etconservatrice.

p. 9

Cette relecture de l’histoire des idéespolitiques, qui met en doute le monopoledu libéralisme sur la formulation de l’idéaldémocratique moderne, s’est imposéeprogressivement à la suite des travauxphares d’historiens de l’école dite deCambridge, qui ont bouleversé les grillesde lecture habituelles des débats politiquesdans le monde anglo-saxon.

p. 27

Ainsi le discours républicain dans la colonieet dans le Québec post-confédératif a-t-ilembrassé un certain nombre de thèmesdurablement débattus. Les républicains bas-canadiens et québécois ont mis du temps àremettre en cause le caractère monarchique,si formel fût-il, du régime constitutionnelimposé par les Anglais.

p. 400

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epuis toujours, en effet, l’ex-professeure delittérature à l’UQAM aborde les mêmesthématiques, celles des femmes, de lapolitique, de l’amitié aussi, de l’amour. Et

puis, la liberté, la générosité, l’ailleurs. Dans chacundes thèmes, elle s’insinue année après année, elle lepénètre, le fouille, en creuse les sillons. Elle glissedoucement des femmes au féminisme, de la politiqueà la guerre, de la poésie à l’autobiographie.Pour les plus âgés, Depuis toujours rappelle leurs

vingt ans, leurs luttes, leurs espoirs aussi, et leursdéfaites, individuelles ou collectives, le Québec deleur enfance, le Québec d’aujourd’hui. Un véritabledevoir de mémoire. Pour les plus jeunes, le livre estun voyage initiatique, aux couleurs et aux accentsdu passé, riche d’enseignements comme le sont lesbiographies des êtres d’exception.« En écrivant ma vie, je m’accouche de moi-même

et de ma propre vie », confie l’auteure.La vie de Madeleine Gagnon commence en 1938, à

Amqui, là où les eaux s’amusent, en langue micma-que. La petite municipalité est située dans la vallée dela Matapédia, dans le Bas-Saint-Laurent. Là où

retournait souvent l’écrivaine, car ses racines sontvigoureuses et son sens de l’appartenance, tenace.Jusqu’à la mort de ses parents, qui a donné lieu à desdéchirements familiaux qu’elle n’avait pas vus venir.« Comme dans bien des familles, il y a eu des misèresautour de la mort de mes parents, du testament, de ladistribution des biens et des sentiments. »C’est à Amqui qu’elle désire que sa vie finisse. « Je

n’ai qu’un seul désir : retourner à cette terre d’originequand je mourrai. »

Dans son récit autobiographique, Madeleine Gagnona préféré la transparence et l’autoréconciliation. Lafranchise.Depuis toujours n’est pas complaisant. Biensûr, l’auteure aura choisi parmi ses souvenirs etconservé ceux qu’elle veut exposer – ou voir éclaterpeut-être – au grand jour. Bien sûr, elle aura fait le triparmi ce qu’elle veut mettre au premier plan ou pas.Bien sûr, elle gardera jalousement enfouis ses jardinssecrets, qu’elle tait avec pudeur.Parfois, elle insiste et revient sur des événements,

douloureux ou heureux, comme si elle voulait sepersuader que c’est bien ainsi qu’ils se sont déroulés,

Depuis toujoursde Madeleine Gagnon

« C’est dans cette énigme qui m’est totale que j’écris.Elle m’est de plus absolument originale. »Madeleine Gagnon, Femmes et écritures

La poète, romancière et critique Madeleine Gagnon

ne publie peut-être pas depuis toujours – titre de son récit1 –, mais depuis plus de 45 ans.

Quand même. Elle a à son actif une quarantaine de livres. Lorsqu’en 1969 paraît le recueil de nouvelles

Les morts-vivants, elle a à peine trente ans et vient d’obtenir son doctorat à Aix-en-Provence.

À l’aube de ses 75 ans, elle écrit encore et continue son œuvre.

ParMichèle Bernard* M

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Illustra

tion:©

KevinMassé

Les zombies sont partout.Pas seulement dans les jeux vidéo, à la télévision, au cinéma,

dans les bandes dessinées ou sur le Web.Ils font également leur apparition au rayon « essais » des librairies.

Trois auteurs québécois ont participé au mouvement.

Des zombies et des hommes

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eureusement, deux équipesd’observateurs de l’activitétouristique ont tôt fait delimiter les malentendus. Dans

le premier cas, on reconstitue, à grandrenfort de documents publicitaires,l’histoire des propositions touristiquesformulées par des générations de pro-moteurs et de transporteurs au sujetdu Québec. Dans le second cas, l’atten-tion se déplace vers les stratégies tou-ristiques des localités et des régionsquébécoises, y compris le rôle qu’yassume leur recours aux surnoms glo-rieux. Dans les deux survols, le lecteurbénéficie d’une recherche vivante etexemplaire.

Destination Québec,Une histoire illustrée

du tourisme

En puisant à pleines mains dans lescollections publiques et privées dedocuments publicitaires et en croisantles regards du professeur Marc H.Choko et de deux chercheures deBibliothèque et Archives nationales duQuébec (BAnQ), Michèle Lefebvre etDanielle Léger, la première équipedresse un bilan multidisciplinaire del’activité touristique québécoise depuisson berceau. Dans Destination Québec,Une histoire illustrée du tourisme1, ilest en effet question de strates sociales,

H

ParLaurent Laplante*

Une autre révolution tranquille ?

Notre époque aime croire qu’elle a inventé

le tourisme, mais peut-être n’en a-t-elle que multiplié

les adeptes et les périples. Elle se berce aussi

de la prétention que les touristes d’aujourd’hui

rivalisent de curiosité fiévreuse et de témérité

avec Hérodote ou Livingstone, mais peut-être

nos découvreurs modernes obéissent-ils souvent aux

conditionnements de la publicité et se bornent-ils

au dépaysement compatible avec la sécurité.

Anonyme, vers 1955, Destination Québec, p. 246

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de modes, de culture, de mythes utili-sés ou créés, d’époques et de création.De bout en bout, le décor demeurele Québec, mais le cours du tempsmodifie constamment et parfoisbrusquement les demandes des publicset les choix de l’industrie et desartistes. Textes et illustrations font voird’où procède le tourisme québécois etquelles influences lui ont dicté sesorientations.Au commencement, comme dirait

l’évangile selon saint Jean, était... larichesse. Du moins celle de quelques-uns. Et cette richesse éprouvait deuxbesoins interreliés : celui de la détenteet celui d’être vu en train de se déten-

dre. Se réunir avec ses égaux en un lieucalme et huppé, tel fut le motif qui, il ya bientôt deux siècles, conduisit uneclientèle de privilégiés anglophones àRivière-Ouelle, à Murray Bay (LaMalbaie), à Rivière-du-Loup, dans lescentres de ski des Laurentides... Photo-graphies et affiches à l’appui, il est vitepatent que l’industrie touristiquesollicita d’abord une classe aisée dontle premier souci n’était pas d’épargner :ce qu’offre la publicité n’appartient pasau quotidien de la population, maisà celui des sommités financières etpolitiques. Canadiens anglophones etriches Étatsuniens monopolisentl’attention des promoteurs. À ce stade,

des moyens de transport sélectifs etsouvent peu abordables écrèment laclientèle ; bateau et train dominentdonc la publicité.Tout change dès l’instant où l’auto-

mobile envahit le décor. Elle rend letourisme accessible à l’ensemble de lapopulation et multiplie les points dechute. La publicité, en un clin d’œil,fait amende honorable : l’anglaiscoexiste avec le français, les attraitsconviennent davantage à la classemoyenne, le souci d’épater le voisinperd de son magnétisme.Sans lourdeur, les auteurs observent

que la publicité change de ton etapprend le réalisme lorsqu’elle cesse

Publics et attraits du tourisme québécois

Anonyme, vers 1905, Destination Québec, p. 39 Anonyme, vers 1927, Destination Québec, p. 129

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une langue qui, par ailleurs, flirte avec leregistre parlé pour donner un résultat à lafois soigné, populaire et moderne.

François Lavallée

Linda McQuaig et Neil BrooksLES MILLIARDAIRESCOMMENT LES ULTRA-RICHESNUISENT À L’ÉCONOMIETrad. de l’anglais par Nicolas CalvéLux, Montréal, 2013, 301 p. ; 24,95 $

Linda McQuaig est auteure et journaliste.Elle a déjà collaboré au Globe and Mail etest maintenant chroniqueuse politique auToronto Star. Elle a publié de nombreuxessais dont Le grand banquet, La supré-matie de la cupidité et de l’appât dugain, paru chez Écosociété. Neil Brooks aenseigné le droit fiscal et est spécialistede l’impôt sur le revenu.

D’entrée de jeu, les auteurs exprimentleur conviction que « les riches et ultra-riches ne génèrent pas de richesse, maisl’accaparent. Ils constituent une ‘oligar-chie’ qui organise jusque dans les moin-dres détails l’activité sociale de façon à cequ’elle satisfasse ses intérêts ». McQuaiget Brooks s’inscrivent en faux contre lediscours des « experts » et « éditorialistesde service » qui serinent à l’envi que lesimpôts sur le grand capital et la régle-mentation sur les activités financièresconstituent un injuste châtiment infligéau « talent », à l’« effort » ou encore à la« création de richesse ».

Ils soulignent que « [d]es données deplus en plus abondantes montrent quel’inégalité extrême a des conséquencestrès néfastes sur la société. Elle exacerbeune foule de problèmes de santé et deproblèmes sociaux, dont la criminalité, lestress, les maladies mentales, […] lamortalité infantile et la diminution del’espérance de vie. Ce n’est pas sans rai-son que, de tous les pays développés, lesÉtats-Unis sont à la fois celui qui comptele plus grand nombre de milliardaires et

qui affiche les plus hauts taux de mor-talité infantile et de criminalité, la plusfaible espérance de vie ainsi que les plusbas taux de mobilité sociale et de partici-pation électorale ».

Au Canada, comme aux États-Unis,la contribution fiscale des plus riches adécliné de façon marquée au cours desdernières décennies. Cela n’a pas été sansconséquence sur la vie sociale, et mêmedémocratique. C’est pourquoi les auteurs

proposent une série de mesures fiscalessusceptibles d’engendrer une société pluséquitable, où la cupidité ne serait plusperçue comme une attitude positive.Parmi ces mesures, le retour, au Canada,d’un impôt sur les énormes successions,qui alimenterait une fiducie vouée aufinancement des études des jeunes cana-diens est une idée particulièrement inté-ressante.

Gaétan Bélanger

e suis venue au monde étonnée, autrement dit, inconsciente. » Ainsicommence de façon magistrale le récit d’une vie personnelle sans vaineintrospection, plutôt tournée vers le monde, ancrée dans l’histoire qui se faiten même temps que dans la construction d’elle-même. C’est en cela que ce

récit de sa vie n’est pas une banale autobiographie mais bel et bien des mémoires.Médecin, sociologue, écrivaine, professeure, militante indépendantiste et fémi-

niste, en un mot une femme instruite, cultivée et engagée. Une femme déterminée,tellement libre qu’elle n’a jamais eu à se libérer. À vrai dire, une femme née libre. Or,paradoxe formidable de son existence, à cause de l’innéité de cet état, AndréeYanacopoulo met un temps infini à arriver à elle-même. En réalité, cela se produitaprès la mort de son dernier compagnon, où peu à peu elle assume seule, avec unesérénité sans cesse grandissante, l’entièreté de son existence.

Mais suivons-la depuis le commencement et selon la division en quatre partiesde l’ouvrage, chacune intitulée du nom d’une des villes qui ont abrité son existence.

Tunis où elle naît et vit jusqu’à la fin de son adolescence, ville aimée, en dépit dumépris de sa mère pour ce protectorat de la France, qu’Andrée quittera d’ailleurspour s’éloigner de cette arrogante Française de France par son père, à qui ellereproche d’avoir donné à ses trois enfants une enfance tronquée, à force de les cou-per de tout contact avec la partie de la famille et la culture tunisiennes. Avec l’espritvif et curieux qui la caractérise, Andrée Yanacopoulo n’en découvrira pas moinsl’histoire, les us et coutumes de ce pays, n’en appréciera pas moins les beautés. Lesdescriptions qu’elle en fait avec intelligence et style donnent le chapitre le plus richeet le plus réjouissant du livre.

Elle s’installe à Lyon à peine âgée de dix-neuf ans. Elle y passe son bac, puis faitses études en médecine, jusqu’à l’obtention d’un doctorat en psychiatrie. Elle épouseun anthropologue dont elle est follement amoureuse, donne naissance à son premierenfant le jour prévu pour la présentation de sa thèse. Après quelques années d’unesituation fluctuante, ils décident d’aller vivre outre-mer. Ils partent pour laMartinique avec leurs deux enfants. Il occupe à Fort-de-France un poste de chef delaboratoire. Elle y exerce sa profession à temps partiel, a son troisième enfant,découvre que Jean est un homme égoïste, un mari autoritaire et parfois violent.Après Tunis et Lyon, elle quitte cette ville sans état d’âme.

Et c’est Montréal.On ne connaît très généralement Andrée Yanacopoulo que comme la compagne

d’Hubert Aquin. Épisode de onze ans dans la vie d’une femme qui écrit sesmémoires à l’âge de 86 ans, révélant les péripéties d’une existence exceptionnelle

Mémoires

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économiecommentaires essai

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Olivier Poivre D’ArvorLE JOUROÙ J’AI RENCONTRÉMA FILLEGrasset, Paris, 2013, 256 p. ; 29,95 $

L’adoption d’une orpheline africaine estun geste si émouvant, si louable que lacanonisation du parent d’adoptionsemble aller de soi. Je dis bien parent ausingulier, car, en l’occurrence, c’est uncinquantenaire arrimé à son vide matri-monial qui ouvre ainsi les bras. À ne

considérer que les responsabilités dont ilse charge, Olivier Poivre D’Arvor est àjamais conscrit par son don : il devra,seul, fournir le cadre affectif requis parAmaal, fillette de sept ans, restreindre sesdéplacements, apaiser quelque peu sonpapillonnage affectif et sexuel, apprendrele métier de père... Et nous ne sommespas dans un roman.

Trouve-t-on là des motifs supplé-mentaires de canonisation ? Peut-être

pas. C’est d’ailleurs le récit que signe l’au-teur lui-même qui suscite l’ambivalence.À la racine de son désir d’adoption,Poivre D’Arvor identifie le choc que lui acausé la révélation de sa stérilité : il avécu deux mariages, mais jamais unedescendance ne lui a été donnée. Pourcause : les batteries de tests confirmentque jamais il n’aura de rejeton. Que celatraumatise le séducteur plutôt mobilequ’est Poivre D’Arvor, on le conçoit, maiscomment éviter de s’interroger sur laconclusion qu’il tire de cette illumination ?Pourquoi, d’urgence, chercher à feutrer lechoc par une jeune présence ? L’enfant nerépond pas ici au besoin qu’un couple ouune personne seule éprouve d’incarnerson amour dans une nouvelle vie ; savenue découle plutôt du refus d’un soli-taire de constituer le point final de salignée.

Ce questionnement ne discrédite pasle geste. Qu’une personne seule formepareil projet, cela méritera encore l’admi-ration, à condition cependant que l’adop-tion redouble de prudence, de précau-tions, d’humble vigilance : déjà exigeante,la tâche s’alourdit encore quand elle reposesur une seule paire d’épaules et une seuleaffection. Il ne semble pas, de son propreaveu, qu’Olivier Poivre D’Arvor ait sentices nécessités. Il lui a suffi qu’un ami luiprésente une orpheline et que le contactavec la fillette s’enveloppe d’émotionpour qu’il veuille aussitôt sauter dans lepremier avion à destination de Paris etinscrire l’enfant dans la meilleure écoleprivée de l’Hexagone. Quand intervien-

depuis sa naissance jusqu’à aujourd’hui. Exceptionnellenon seulement par les faits qui la jalonnent mais par lamanière dont elle les vit grâce à une compréhensionparfaitement adéquate à leur réalité et à leur sens.

On pourrait croire qu’Andrée Yanacopoulo contribueallègrement à cette minimisation de son parcours, lapartie centrale de son ouvrage étant composée de cha-pitres intitulés : « Avant Hubert », « Avec Hubert », « Sans

Hubert ».Or, il n’en est rien.Hubert Aquin est au cœur du cœur de son être.Un cœurgros comme le monde, rempli de l’histoire, de la connaissance, du savoir, de laculture, qui au cours des âges ont façonné l’humanité. Hubert Aquin est à ses yeuxun remarquable spécimen de cette humanité, aussi complexe que celle-ci, aussi bonque mauvais, rationnel qu’insensé, créateur que destructeur, enchanteur quedésolant. À la fois un accident et une nécessité, comme on décrit la vie en science et enphilosophie.

Une vie mouvementée avec un tel homme que l’auteure de Prendre acte aimeinconditionnellement et à jamais, sans aucunement s’empêcher de s’en distancier,dans le récit de ses tenants et aboutissants, avec anecdotes en sus.Aucune révélationcependant sur la personne et le personnage Aquin, sa vie, sa pensée et son œuvreétant déjà archiconnus, si ce n’est la relation, émouvante, des soins aimants etattentifs qu’il donne au fils unique, né de leur union.

Bref, rien pour les voyeuristes. Tout pour les amateurs de découverte de lamanière particulière d’Andrée Yanacopoulo de vivre les événements de cette périodede sa vie qui coïncide de bout en bout avec ceux de l’histoire du Québec d’alors,qu’elle épouse aussi étroitement que son homme.

En refermantPrendre acte, tel qu’AndréeYanacopoulo a intitulé ses mémoires, c’estle mot intelligence qui m’est en premier arrivé à l’esprit et l’a ravi pendantlongtemps. Plus tard, ont suivi les mots culture et engagement, enfin style. Bienentendu cet ouvrage est l’expression inséparable de toutes ces qualités.

Andrée Ferretti

Andrée YanacopouloPRENDRE ACTEBoréal, Montréal, 2013, 231 p. ; 24,95 $

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adoption internationalecommentaires essai

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Georgette LeBlancLe chant de la langue

lle était là avec sa guitare et son recueil de poésie,tantôt chantant ses compositions toutes en anglais,tantôt récitant ses poèmes écrits dans son françaisà elle, celui de la baie Sainte-Marie en Nouvelle-

Écosse. Je pense qu’à ce moment-là, on a tous succombéau charme de sa voix. Parce que c’est sa voix qui étaitporteuse de ses mots et qui les faisait chanter.En trois recueils, tous publiés aux éditions Perce-

Neige, elle trace un véritable portrait d’une partie del’histoire de son monde. Mais elle se défend bien d’êtrehistorienne, tout en fondant la trame de ses ouvrages surune solide recherche… historique. Car ce sont des récitspoétiques qu’elle propose. Chacun des recueils se centreautour d’un personnage qui a existé et s’appuie sur uneforme spécifique qui allie oralité et poésie.

Alma (2006) raconte l’histoire d’Alma et de Pierrot,de leur naissance la même journée, à leur séparationquand l’amour aura disparu, huit enfants plus tard.Lentement, elle prend conscience qu’on abuse d’elle,qu’elle n’a plus les moyens de rêver, que sa vie se limiteau travail, à être disponible aux autres. Elle ne voudraplus n’être que la chose de Pierrot, elle sera elle. Alma,c’est la grand-mère de Georgette. C’est Alma qui se livre,quelquefois relayée par un narrateur, dans une suite decourts poèmes qu’ils soient en vers ou en prose, toujoursjustes, toujours empreints d’une douce retenue. Poèmes,

ParDavid Lonergan*

La première fois que j’ai entendu Georgette LeBlanc, c’était au Café Joe Moka à Moncton en un beau

28 avril 2007. Elle venait de publier Alma. Pas vraiment un lieu pour un spectacle, non, un vrai petit café

(maintenant fermé) qui attirait la faune artistique du coin et qui, occasionnellement, écartait une table

pour laisser place à un banc, un micro et une toute petite chaîne stéréo.

Ecte samedi soir-làle soir des fiançailles de Lejeune et Jolie BruneGrosse Tête, le Notaire, avait fait nager la Vigilanceil l’avait fait boire toute la pleine lune en une bouteilleGrâce à Grosse Têtela Vigilance était si bien groguéeque même ses chiens pouviont pus marcheret les danseurs viriont une miette plus viteles skirts du ciel montiont une miette plus hautesdans le grand logis du balcomme dans le tronc d’un arbrele village chauffait sûr, enraciné

et en même temps, cte samedi soir-làdans la même profondeur de nuitAmédé franchit l’anse du bois, le madouesse des pinssac à farine sur l’échine, il vit le grand logis après fêtervit pour la première fois ça qu’il avait jusqu’à

[ce temps-là rinque rêvéentendit le violon, le tit-fer sonneret Amédé sentit en lui un cri monter, comme

[une envie de brailleril pouvait presque point en croire ses yeuxil était finalement arrivé

Amédé, p. 23.

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mais aussi récit : nous sommes en présence d’une struc-ture romanesque constituée de petites scènes de la viequotidienne, de retours sur des événements marquants,de courtes réflexions sur le sens de la vie, de l’amour, dela vie à deux. Dans l’ensemble, tous les textes d’Alma sontécrits au présent, alors que ceux du narrateur sont aupassé. L’opposition entre ces deux temps précise la placede chacune de ces prises de parole, et crée un doublerythme à la lecture. Dans l’action, dans la mouvance dela vie avec Alma, dans un regard plus distancié dunarrateur. Ce narrateur intervient peu, facilitant notrecompréhension de l’action, soit par une synthèse desfaits qui se déroulent entre deux poèmes d’Alma, soitpour mieux situer ce qui se passe.

Amédé (2010) s’ouvre par un poème dans lequel« Alma raconte » (c’est le titre) d’une façon méta-phorique ce qui arrivera dans le cœur du récit, alors que« l’Histoire a braqué dans la nuit ». Amédé, c’est unmusicien créole qui a été le premier à enregistrer lamusique cadienne et créole. On quitte alors la baieSainte-Marie pour la Louisiane où se situe l’action et oùa vécu pendant sept ans Georgette LeBlanc. Alma conte(du moins on peut le penser) l’histoire d’Amédé et deLejeune (qui lui aussi a existé) de même que celle duvillage, jamais nommé, mais dont on sait qu’il borde lefleuve Atchafalaya dans une région cadienne. La premièrepartie commence par un rappel de la Déportation suivipar l’arrivée d’Amédé dans le « Village » et se termine surl’inondation qui le détruit. La seconde raconte le longpériple d’Amédé et de Lejeune au Texas, leur retour dansle village reconstruit et se clôt par la mort violented’Amédé. La quête est identitaire : Amédé recherche le« Livre » dont lui avait parlé sa grand-mère en lui

précisant qu’il le trouverait au « Village ». Il est habité parun « cri », signe extérieur de sa quête : « le cri d’Amédémontit dans la nuit / comme un voyage / comme un trèslong voyage / qui recommençait ». Le cheminement deLejeune donne son unité au texte : il sera celui qui écriraen chansons la tragédie vécue par le village et par Amédé.

Prudent (2013) s’inspire très librement de la révoltedes 232 déportés acadiens enfermés dans la cale duvoilier Pembroke qu’on veut « livrer » en Nouvelle-Angleterre. Prudent, c’est Prudent Robichaud, l’ancêtrede Georgette. Prudent, le vieux sage de 86 ans, a prêchétoute sa vie la paix, la conciliation avec l’Anglais, allantmême jusqu’à accepter qu’une de ses filles épouse unofficier anglais. Son fils Joseph a choisi la confrontationet a été tué. Mais là, dans la cale, prisonnier, privé de sesbiens, il témoigne de sa vie dans une longue prière quiprend la forme d’une confession publique faite devantses concitoyens. Il rappelle les étapes de sa vie, son rêvede paix, sa volonté d’être neutre plutôt que de choisirentre les Anglais et les Français. Il en arrive au constat deson échec et comprend le choix de son fils. Il s’insurge, serévolte, suscite l’adhésion des Acadiens qui se libèrent et

Georgette LeBlanc est née le 27 avril 1977 à Chicaben,

un lieu-dit de la baie Sainte-Marie, une région acadienne

de la Nouvelle-Écosse baignée par la baie de Fundy.

Elle obtient une maîtrise consacrée à l’évolution de la

musique traditionnelle de l’Université Sainte-Anne puis

un doctorat en études francophones à l’Université de la

Louisiane à Lafayette.

Elle est chargée de cours à l’Université Sainte-Anne

depuis 2007 à Pointe-de-l’Église où elle vit.

Georgette LeBlanc a remporté le prix le plus important

de sa province, le Lieutenant Governor of Nova Scotia

Marsterworks Award, pour ses deux premiers recueils.

Son troisième titre, Prudent, est paru en août 2013.

Georgette LeBlanc Photo : ©Eric Tribut

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Goncourt 2013Sur les durs lendemains quiont suivi la Grande Guerre,Pierre Lemaitre a écrit unlivre-événement :Au revoirlà-haut (Albin Michel).Dans une France occupéeà commémorer l’héroïsmede ses morts davantagequ’à soutenir les survivants,Lemaitre raconte les subterfugesauxquels auront recours deuxdémobilisés pour se tirerd’affaire. Le roman est lapremière pièce d’une fresquequi couvrira l’histoire françaisede 1913 à 2013.

La mort et sa beautéSur le modèle des Cinq médi-tations sur la beauté, FrançoisCheng nous livre cette fois sesCinq méditations sur la mort(Albin Michel). Le ton n’estjamais grave, il est mêmeempreint d’un bout à l’autred’espoir.Un livre en somme surla vie, sans cesse recommencée.

Inquiétante KasischkeOn a aimé Les revenants deLaura Kasischke ? ChristianBourgois fait paraître entraduction Esprit d’hiver.L’auteure américaine s’ymontre encore une fois enpleine maîtrise de ses moyensquand il lui faut évoquer lemalaise flou entourant toutdrame.

Vie minuscule« Une […] fille ordinaire,ni belle, ni laide, ni docile,ni rebelle, gratifiée d’aucundon particulier », c’est ainsique Sylvie Germain décritle personnage principal dePetites scènes capitales(Albin Michel).Dans l’Europed’après-guerre, elle imagineune famille reconstituée àtravers laquelle notre héroïnedécouvrira les mystèresde la mort et de la sexualité.

Les détestationsd’un écrivainAprèsMes prix littéraires,Gallimard sort un autre recueilposthume de textes enragéssignés Thomas Bernhard :Goethe se mheurt. Pourquoi« mheurt » avec un « h » ?Simple provocation ? Dans undes quatre récits que réunit lelivre, il y sera en effet questionde Goethe, façon Bernhard…

RapaillageAvec Changer d’avis, leséditions Gallimard proposentun recueil de textes signés parl’auteure du Sourire du loupetDe la beauté, Zadie Smith.Critiques de livres, de films,conférences, articles diversparus en Angleterre ou auxÉtats-Unis, les textes rééditéssont regroupés par rubrique :« Lire », «Voir », « Sentir »,« Être », etc.

Irruption du bizarre« Comment un enfant de quatreans peut-il disparaître ? » sedemande l’agent d’immeubleque met en scène le dernierroman d’Hélène Frappat,Lady Hunt (Actes Sud).Le petit Hubert s’est, en effet,subitement dématérialisé lorsde la visite d’une étrangemaison, appelée Luna. Enoutre, Laura Kern, l’héroïne,craint d’être atteinte de lachorée de Huntington,maladiedégénérative qui entraîne destroubles moteurs et cognitifs,puis la mort.Mi-fantastique,mi-psychologique,Lady Huntest une réussite totale.

Réalité alternativeOn sait le goût de RichardPowers pour la science. Cetancien physicien devenuinformaticien puis écrivains’intéresse à la théorie des jeuxdans Le dilemme duprisonnier (Le cherche midi),son dernier ouvrage paru enfrançais (son deuxième enanglais après Trois fermierss’en vont au bal). Chroniquedouce-amère d’une familleaméricaine pendant laSeconde Guerre mondiale,l’histoire s’articule autour dupersonnage du père, inventeurd’une « réalité alternative ».

De Munich au QuébecAprès La poupée deKokoschka, l’auteure d’originequébécoise Hélène Frédéricksigne un second roman auxéditionsVerticales, sous le trèsbeau titre de Forêt contraire.Dans son premier livre, où ellenous transportait au débutdu XXe siècle à Munich, commedans Forêt contraire, qui sepasse à notre époque dansun village du Québec,HélèneFrédérick dépeint avec unegrande finesse psychologiquel’ambiguïté des rapportshumains.

Littérature russecontemporaineLudmila Petrouchevskaïaest aujourd’hui considéréecomme l’un des écrivainsrusses les plus importantsde sa génération. Longtempsostracisée par le pouvoirsoviétique, cette auteurecommence seulement à êtreconnue dans le reste del’Europe où ses livres sonttraduits. Christian Bourgoisnous fait découvrir cette voixparticulière avec le recueilde nouvelles Les nouveauxRobinson, ouvrage à la fois duret merveilleux.

Histoire de l’autofictionLe genre de l’autofiction est-ilen train de brûler ses dernièresréserves ? En tout cas, il n’a pasfini de susciter fascination,indignation ou méfiance.Dansson volumineux ouvrage Latentation autobiographique(Seuil), Philippe Gasparini enrestitue la genèse depuis l’Anti-quité grecque, en passant parla Chine ancienne, le Moyen-Orient, l’Europe médiévale.

Richard Powers

Laura Kasischke

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Sylvie Germain

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Décès de Doris LessingLa Nobel Doris Lessing estdécédée en novembre dernier àl’âge de 94 ans. Son œuvre, quicompte une cinquantained’ouvrages, a marqué lesesprits par sa fougue et sonanticonformisme. En 1962,Lessing publiait Le carnet d’or,roman audacieux qui abordaitde nombreux tabous féminins.

Thriller politiqueUn nouveau John le Carré nepasse pas inaperçu pour lesamateurs de thrillers politiques.Ils se régaleront à la lectured’Une vérité si délicate (Seuil),qui met en scène des politiciensprofiteurs à la tête d’uncomplot visant à enlever unacheteur d’armes djihadiste.

Brocante littéraireSerge Sanchez s’est attaché àun curieux sujet d’étude dansLa lampe de Proust et autresobjets de la littérature (Payot).Le biographe de Brassaï nousy entretient en effet des objetsqui peuplent l’univers dequelques grands écrivains,comme Stendhal,Poe,Cervantès,Balzac ou Proust.Un voyageoriginal dans l’histoirede la littérature.

Alice et compagnieLe Magazine littéraireconsacrait tout son numérod’août à dix « grandes voixde la littérature étrangère »,dont MoYan, Lídia Jorge,OrhanPamuk et John Irving. Y figuraitégalement Alice Munro,la nouvelliste canadiennerécemment nobélisée. Sur une

dizaine de pages,Le Magazine littéraire présente et analysel’œuvre davantage qu’il n’éclaire la personnalité de cette écrivaineque l’on dit très discrète.On y lira également l’hommage trèssenti de Jonathan Franzen (Freedom, Les corrections), qui écrit :« Alice Munro peut tout à fait prétendre au titre de meilleur auteuractuellement à l’œuvre en Amérique ».

Doris Lessing

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Alice Munro

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Un homme et son paysGallimard rassemble dans sa collection « Quarto », sous le titrede L’Amérique de Philip Roth, quatre parmi les textes récentsde l’auteur étatsunien : Pastorale américaine, J’ai épouséun communiste,La tache et Le complot contre l’Amérique.Pour ceux et celles qui ne connaissent pas encore cet auteur,c’est l’occasion d’une rencontre unique et essentielle.

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