« Chef d’œuvre de Sergio Leone, un film devenu mythique ... · ET POUR QUELQUES NOTES DE PLUS....
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« Chef d’œuvre de Sergio Leone, un film devenu mythique »
STUDIO CINE LIVE
« L’un des westerns les plus mémorables au nord du Rio Grande »
LES ECHOS
« Trois heures de spectacle majestueux »
ENTREE LIBRE – FRANCE 5
« Un film d’une extraordinaire modernité »
TELERAMA
« Grand moment du western spaghetti »
20 MINUTES
« Le western mythique de Sergio Leone »
CINESIX – M6
« Le classique de Sergio Leone, une pépite du western spaghetti »
LE BUZZ – PARAMOUNT CHANNEL
« Indispensable de le voir au moins une fois dans sa vie au cinéma,
le chef-d’œuvre du maestro reste un plaisir de cinéma inégalable. »
PARISCOPE
« Ce film qui a mis tout le monde d’accord au sujet de Sergio Leone »
CRITIKAT
« Il était une Fois Dans l’Ouest est loin d’avoir perdu
de son pouvoir de fascination sidérée »
CULTUROPOING
«Il était une fois dans l'Ouest»: Six faits méconnus sur le western emblématique de Sergio Leone
Par Caroline Vié (le 27 septembre 2016)
SPAGHETTI Grand moment de western spaghetti, « Il était une fois dans
l’Ouest » ressort en salles dans une superbe copie restaurée…
La construction du chemin de fer, la beauté de Claudia Cardinale, l’harmonica de Charles Bronson, le regard
d’acier d’ Henry Fonda, le sourire de Jason Robards et la partition d’Ennio Morricone sont des éléments embléma-
tiques d’Il était une fois dans l’Ouest (1968).
20 Minutes a recensé six faits moins connus sur ce classique du western dit « spaghetti » signé Sergio Leone. Sir
Christopher Frayling, biographe du réalisateur, permet d’en savoir plus avant de redécouvrir ce chef-d’œuvre indé-
modable sur grand écran.
1/Des coscénaristes prestigieux
C’est à Bernardo Bertolucci, réalisateur du Dernier tango à Paris (1972) ou du Dernier Empereur (1987), et à Dario
Argento, réalisateur de Suspiria (1987), que l’on doit le scénario diabolique du film, sans que l’on sache qui est réel-
lement le responsable d’un dénouement particulièrement retors.
2/Clint Eastwood aux abonnés absents
Sergio Leone souhaitait que Clint Eastwood et ses partenaires du Bon, la Brute et le Truand, son précédent film,
viennent faire une apparition dans la scène de début où Charles Bronson débarque à la gare. Suite à une brouille
avec le réalisateur, Clint a refusé et Sergio a abandonné l’idée.
3/Henry Fonda s’est fait tirer l’oreille
Henry Fonda n’était pas enthousiaste à l’idée de jouer le méchant glacial qui massacre une famille dès la première
scène. Il a fallu l’intervention son ami Eli Wallach pour le convaincre qu’il ne fallait pas laisser passer l’occasion.
L’acteur a essayé de porter des lentilles pour cacher ses légendaires yeux bleus mais Leone l’a obligé à les enle-
ver.
4/Sous l’influence de John Ford
Si une partie du film est tournée en Espagne, Sergio Leone a tenu à filmer àMonument Valley aux Etats-Unis. Il te-
nait à rendre hommage au maître du western américain John Ford. Il connaissait parfaitement le décor sans l’avoir
jamais visité grâce à des films commeLa chevauchée fantastique (1939).
5/Le film a coûté une fortune
Le décor de la ville en construction dans laquelle débarque Claudia Cardinale a coûté 250.000 dollars soit davan-
tage que le budget total de Pour une poignée de dollars (1964), son premier film que Sergio Leone signa à l’époque
sous le pseudonyme Robert Robertson.
6/Les rapports entre Leone et Morricone furent difficiles
Sergio Leone et son compositeur ont eu du mal à obtenir la partition légendaire du film. Le réalisateur aurait fait re-
faire sa musique une vingtaine de fois à Morricone avant de déclarer satisfait. Il la faisait jouer sur le plateau afin
que les comédiens puissent s’en imprégner pendant le tournage.
A l’occasion de la rediffusion en salles du film de Sergio Leone en version
restaurée, zoom sur la mythique première scène de ce western.
Par Nicolas Didier
(Le 29.09.16)
Revoir une œuvre de Sergio Leone au cinéma, c’est la meilleure façon d’apprécier sa mise en
scène opératique (la garantie de gros plans énormes), son obsession du détail quasi fétichiste et la
précision millimétrée de ses chorégraphies. Quarante-sept ans après sa sortie, Il était une fois dans
l’Ouest, western plus lyrique, plus métaphysique que sa “trilogie du dollar” avec Clint Eastwood,
fascine toujours autant. Le grand écran permet d’apprécier à sa juste mesure l’un des nombreux mor-
ceaux de bravoure du film : la célèbre ouverture de quatorze minutes qui contient, comme un condensé,
toute l’œuvre qui va suivre, et nous place d’emblée dans le feu de l’(in)action. C’est un ballet funèbre
qui ouvre ce western crépusculaire, où l’arrivée du train et de la modernité sonne le glas des figures my-
thiques de l’Ouest.
Les personnages
Nous voici projetés dans une gare au milieu de nulle part, quelque part en Arizona - bien que la scène a
été tournée en Espagne, près de Cadix. Trois hommes de main – ceux de Frank, incarné par Henry
Fonda, qui apparaît dans la scène suivante –, séquestrent le chef de station, font fuir une femme et at-
tendent de pied ferme Charles « Harmonica » Bronson, qui doit arriver par le prochain train.
Selon la légende, Leone voulait que les trois gâchettes soient interprétées par Clint Eastwood, Lee Van
Cleef et Eli Wallach, alias le Bon, la Brute et le Truand. Refus catégorique d’Eastwood. A leur place, il y
a donc le charismatique Woody Strode (Le Sergent noir de John Ford) ; Jack Elam, superbe « gueule »
à l’œil dysfonctionnel, habitué aux rôles de brutes (notamment chez Robert Aldrich) ; et le plus mécon-
nu Al Mulock, vu dans Le Bon, la Brute et le Truand (1966), dans sa dernière apparition au cinéma – il
s’est défenestré lors du tournage. La générosité de Leone vis-à-vis des seconds rôles et sa capacité à
les magnifier force, aujourd’hui encore, l’admiration. Chez lui, les sbires ne font pas de figuration : ils
ont droit, eux aussi, à leurs gros plans. Comme le train est en retard, les trois tuent le temps. Strode se
débat avec une fuite d’eau, Elam avec une mouche et Mulock fait craquer ses phalanges. Le train ar-
rive, Bronson en descend, échange quelques mots avec eux et règle en vitesse l’affaire aux revolvers.
Quelques secondes d’action seulement : ce qui intéresse Leone, c’est moins la violence que les rituels
qui la précédent.
Le style de Leone
Trois bandits qui attendent en gare : cela rappelle évidemment Le Train sifflera trois fois (Fred Zinne-
mann, 1952). L’ouverture, comme le reste du film, est en effet truffée de références aux westerns holly-
woodiens que Bernardo Bertolucci, le scénariste d'Il était une fois dans l'Ouest, admirait. Il s’est ingénié
à en glisser partout, parfois même, prétend-il, à l’insu de Leone.
Le premier plan, très bref, est une porte qui s’entrouvre sur le paysage, hommage discret à La Prison-
nière du désert (1956). Et le plan du train qui roule sur la caméra placée sur les rails, c’est un autre em-
prunt à Ford (Le Cheval de fer, 1924).
Chez Leone, le temps est si dilaté qu’il en devient irréel, suspendu, à l’image de l’horloge inachevée de
la ville en construction, montrée plus tard dans le film. Il est encensé ou détesté pour cela. A ce titre, Il
était une fois dans l’Ouest est son œuvre la plus radicale. Le réalisateur trouvait les westerns hollywoo-
diens trop bavards, trop frénétiquement montés. Ici, le rythme lent, presque hypnotique, s’inspire des
maîtres japonais Kurosawa et Ozu. Pour filmer la surprenante séquence où la mouche embête Jack
Elam (la scène a peut-être inspiré un épisode fameux de Breaking Bad), de la confiture a été étalée dans
la barbe du comédien.
L’ouverture d’Il était une fois dans l’Ouest est caractéristique du style de Leone, poussé ici à son pa-
roxysme. Soit une alternance de « gros plans crades » et de « plans larges épiques », selon les mots de
Christopher Frayling, auteur de Sergio Leone : Something To Do With Death, qui commente le film dans
l’une des éditions DVD. Les visages deviennent ainsi des paysages en mouvement (voir Jack Elam qui
grimace pour chasser la mouche sans les mains), les traits se font lignes de crêtes et les pores de la
peau, cratères. Le format Techniscope, quasiment aussi large que le CinemaScope, permet de filmer un
visage avec une grande profondeur de champ à l’arrière.
La musique d'avant-garde
Enfin, Leone ne serait pas tout à fait Leone sans Ennio Morricone, son compositeur attitré. Marqué par la
musique d’avant-garde et les expérimentations de John Cage, il orchestre en ouverture une sorte d’opé-
ra bruitiste, à base de sons naturels amplifiés : cliquetis d’un télégraphe, bourdonnement de la mouche,
grincement d’un moulin. Bruits qui se découpent sur un silence de mort et rendent la tension incroyable-
ment palpable, tandis que le générique vient scander les noms des comédiens. Selon Carlo Simi, le chef
décorateur, un assistant aurait proposé de graisser le moulin pour le rendre silencieux. « N’y touche pas
ou je t’étrangle ! », lui aurait répondu Leone. Non-musique et non-action : c’était, en 1968, d’une ex-
traordinaire modernité.
ET POUR QUELQUES
NOTES DE PLUS.
IL ÉTAIT UNE FOIS DANS L’OUEST
Par Benoît Smith (le 27.09.16)
Ce film qui a avec le temps mis tout le monde d’accord au sujet de Sergio Leone – même ceux
qui ne sauraient en citer que des notes d’harmonica –, ce classique qui marche entre les
tombes des classiques, son auteur aurait peut-être voulu ne pas devoir le faire. L’Italien pensait bien
en avoir fini avec le western, genre qu’il avait enflé, étiré, dépouillé avec sa trilogie de l’« Homme
Sans Nom » (ou « du Dollar »). Mais voilà : avant qu’il ne puisse concrétiser ses envies d’ailleurs
(interroger d’autres mythologies : il n’aurait, en vérité, que ses trois Il était une fois pour le faire), les
studios américains qui, ironiquement, voyaient en lui la relève du classicisme auquel il n’avait cessé
de se confronter, insistèrent pour que son Cinémascope furieux fasse de nouveau parler la poudre
dans son Far West à la bolognaise. Qu’à cela ne tienne : au lieu de la redite attendue des transgres-
sions facétieuses à l’œuvre dans ses films précédents, Il était une fois dans l’Ouest, moins ricanant et
plus sentimental, serait son film idéal pour tourner définitivement la page.
Après le western
Au bout de treize interminables minutes d’attente où les bruits ambiants forment un orchestre pour
combler le silence aussi lourd que le soleil, trois hommes – dont deux têtes familières du western
classique, Woody Strode et Jack Elam – se font dessouder sur un quai de gare par un Charles Bron-
son maniaque de l’harmonica, lui-même passé des sept gentils Mercenaires aux Douze Salopards. Le
film vient à peine de commencer. Nouvel acte de défi, voire de guerre, envers le vénérable genre ?
Pas vraiment, comprend-on rapidement : Leone, pourtant volontiers sacrilège, n’est pas du genre à
s’acharner sur un cadavre. Le décès de l’ancêtre est déjà notifié, ne fût-ce que par le défilé d’allusions
plus ou moins directes à d’illustres représentants comme La Prisonnière du désert, Le train sifflera
trois fois ou 3h10 pour Yuma. Coécrit avec Leone par deux critiques de cinéma et futurs réalisateurs
cinéphiles, Argento et Bertolucci, Il était une fois dans l’Ouest aura contribué à introduire à Hollywood
l’idée, apparue avec la Nouvelle Vague française, de films qui évoqueraient d’autres films, qui leur
rendraient hommage, qui surtout prendraient acte de leur statut d’œuvres du passé tout en attestant
leur héritage.
Ainsi le western d’antan, qui commençait à s’éteindre au moment où Ford réalisait L’Homme qui tua
Liberty Valance en 1962, se trouve bien six pieds sous terre quand Leone s’intéresse de nouveau à lui
en 1968 – le meilleur indice n’en reste-t-il pas les appels répétés de Hollywood à l’Italien pour prendre
la relève dans l’espoir de réincarner le défunt ? Les traces qui en subsistent pourrissent et exhibent
leur corruption à ciel ouvert (à l’image d’un Henry Fonda aux yeux bleus duquel on donnait jadis le
Bon Dieu sans confession, devenu ici une ordure indéfendable que la caméra révèle de façon théâ-
trale et implacable), vestiges que l’obsessionnelle quête de vengeance de Bronson, l’« Harmonica »
hanté par son héritage, n’a pour but, au fond, que de balayer avant de passer enfin à autre chose.
Seulement, ce vengeur solitaire n’en est pas moins lui-même un autre vestige usé des mythes et ar-
chétypes passés, et dès lors se trouve lui aussi appelé à disparaître une fois son œuvre achevée et
sa pulsion de mort satisfaite. Tout comme le hors-la-loi joué par Jason Robards, impliqué malgré lui
dans le contentieux entre Bronson et Fonda : sans doute le personnage le plus « leonien » du lot
(proche des rôles de bandit sale, vulgaire et un peu malmené par les événements tenus par Eli Wal-
lach ou Rod Steiger chez ce cinéaste), il devra pourtant lui aussi s’effacer, n’ayant plus grand-chose à
tourner en dérision. Seule la femme, personnage d’une importance nouvelle chez Leone, elle-même
archétype de la putain au cœur d’or et à la flamboyance tragique de Claudia Cardinale, mais pressée
de laisser le passé et les vicissitudes derrière elle pour bâtir son propre destin, finira par trouver son
compte dans la société des hommes en mutation où la conquête de l’Ouest, réelle ou fantasmée,
n’est plus ce qu’elle était.
Marche funèbre
Difficile d’imaginer plus belle et plus déchirante analogie autour d’un deuil long à porter et d’une pas-
sation de pouvoir. Leone s’est assez joué, dans ses films précédents, des propositions narratives de-
venues codes bien sages du western classique. Avec Il était une fois dans l’Ouest, c’est sans malice
qu’il compose et interprète pour le disparu une ultime marche funèbre. Et cette familière emphase de
cinéma, celle des gros plans en scope, de la suspension du temps et du montage épousant la mu-
sique de Morricone, joue cette partition-là en mettant en avant des caractéristiques qu’on lui connais-
sait certes auparavant, mais qui s’affirment ici en marquant bien la différence avec l’état d’esprit des
films précédents. Les aventures aux accents parodiques de l’« Homme Sans Nom » enchaînaient pé-
ripéties et rebondissements, s’autorisaient à être perturbées par des digressions. Ici, au contraire,
chaque scène s’étire au maximum, creusant les moments de silence, les pauses dans des dialogues
tendus, l’attente du règlement de comptes final ; et les digressions, devenues ici presque une règle,
ne s’imposent pas comme élément perturbateur, mais comme facteur de repos et de salut, laissant
espérer que par-delà ce qui est pour certains une marche vers la mort, d’autres horizons sont offerts
aux personnages – et au cinéma – en quête d’avenir. Ainsi la marche funèbre prend-elle son temps,
le temps d’y observer la mort au travail, le temps d’en espérer autant que d’en craindre la fin, tandis
que de temps à autre le fatidique air d’harmonica rappelle l’existence d’une menace imminente et
grave. L’instrument de Bronson, voué à ne produire qu’une même musique immuable, joue un peu le
même rôle, quoique répété ici de façon lancinante, que la montre-boîte à musique d’Et pour quelques
dollars de plus. Deux objets-stigmates d’un traumatisme ancien réunissant assassin et vengeur dans
la même pulsion de mort, ce sont eux qui décident à quel pas aller vers l’accomplissement fatal de
cette pulsion, et même qui doit vivre ou mourir. Une fois cela résolu, devenus inutiles, leur musique
s’arrête. Il est alors temps pour Leone d’aller, enfin, jouer ailleurs.
S’il est un cinéma qui a généré des monstres sacrés atypiques, des personnalités
frondeuses et hors circuit, c’est bien le cinéma italien. Plus que Hollywood, le sys-
tème de Cinecitta, lorsqu’il tournait à plein régime entre 1955 et 1975 (âge d’or où se
croisèrent mainstream et auteurs), tendit les armes à une garde offensive, fière
(parfois jusqu’à l’arrogance) et aventureuse. Et si Leone est un parangon de cette
garde, Once Upon A Time In The West en est sa chanson de geste.
Sergio Leone – IL ÉTAIT UNE
FOIS DANS L’OUEST
Par Cyril Cossardeaux
Ce qui frappe dès les premières minutes, à revoir en 2010 le film de Leone, c’est bien l’aspect expéri-
mental résolument intact de l’œuvre. Il faut bien se souvenir que, si aujourd’hui, une certaine sophistica-
tion de la narration prévaut dans la moindre production basique (offrant à moults rogatons les apparats
d’une pièce montée avant que le soufflet ne retombe dès le deuxième acte), l’ouverture du film fit en 69
l’effet d’une bombe. Célébrant les fastes d’une Camera Primadonna encore inédite dans son élan outré
jusqu’à l’écoeurement (cf. ces inserts sur les visages devenus d’un coup des continents arpentés par des
mouches qui indisposent, jeu de loupe entre le micro et le macro, la poussière des atomes et l’univers
dans sa globalité), Leone fait sien le sens aigu du découpage d’un certain cinéma asiatique, jouant à tout
bout de champ de l’élasticité du plan, de sa longueur, autant focale que temporelle. Mais Leone ne se
contente pas de reprendre ces procédés à de simples fins d’efficacité et de nouveauté, il effectue une re-
mise à zéro des compteurs, simulant avec sa scène d’intro (celle où trois tueurs attendent dans une gare,
pour le descendre, un mystérieux homme à l’harmonica) la naissance du cinéma en offrant un reboot de
la séquence primordiale du 7ème art, soit l’arrivée du fameux train filmé par les frères Lumière en gare de
la Ciotat. Riche idée de Leone de commencer ainsi aussi symboliquement son film, en territoire vierge,
ou plutôt sur les cendres d’un monde où tout est à reconstruire. En commençant par les hommes, thème
central de ce film hautement politique. Leone expose ainsi en moins de dix minutes son projet : recons-
truire la forme comme le fond, les imbriquer, dire des choses sur le réel tout en triturant l’imaginaire, faire
enfin du cinéma.
Un projet d’une présomption faramineuse, synchro du portrait que l’on fait du réalisateur, souvent décrit
en génie jaloux. On se souvient des propos de Tonino Valeri, accusant avec un certain amusement dis-
tancié Leone d’avoir tenté de pourrir son Nom est Personne – que Leone produisait – en le forçant à inté-
grer des scènes d’humour balourde, ayant pris peur en voyant les premières scènes montées que le film
de Valeri ne soit meilleur que ses westerns. Et ce alors même qu’il détestait ce que le genre était devenu
avec les Trinita & compagnie, un simple terrain de jeu où se distribuent joyeusement mandales et coups
de savatte. Leone n’avait pas non plus la réputation d’être un fin lettré, laissant à ses multiples coscéna-
ristes (soit, ici, Bernardo Bertolucci et Dario Argento) l’astreignante recherche de la véracité. Une véracité
à laquelle curieusement Leone tenait. Manière sans doute de contrebalancer ses élans esthétiques, de
les ancrer dans le réel. De se permettre donc toutes les outrances.
Et c’est ce qui fait en partie la qualité de son oeuvre puisque l’italien, loin d’une érudition compassée,
s’empare des archétypes avec une force illustrative naïve et puissante, en douanier Rousseau de la my-
thique et cruelle conquête de l’Ouest. Et si nous assistons bien à une longue cérémonie, elle est sans nul
doute païenne et loin de tout dogmatisme. Leone réinvente le cinéma en réinventant le Monde. Et vice et
versa.
Once Upon A Time In The West repart donc de zéro à tous les niveaux, nous montrant un nouveau lan-
gage s’articuler, pendant qu’une nouvelle société des hommes émerge devant nos yeux, avec des rôles
sociaux redéfinis. Aux personnages ensuite de s’adapter ou de crever. On reconnaît bien là la patte de
Bertolucci, son sens de l’imbrication du singulier et de l’historique, de la particularité et du global. On voit
ainsi dans le Leone un monde solder ses comptes et un autre tenter d’émerger du chaos qui s’en suit
(quand les premiers Leone ne faisaient qu’enregistrer des mondes en train de mourir). Le personnage de
Claudia Cardinale, en ce sens, est la pierre angulaire du film, étonnant personnage combatif qui gagnera
en dignité et en vivacité, quand la mort et la mélancolie triompheront partout ailleurs. Etonnant person-
nage féminin dans un genre, le western, prompt à réduire la femme à une potiche affolée, simple argu-
ment de luttes testostéronées. Et une des révolutions que compte le film, pas avare en inversion de sens
(Peter Fonda en tueur psychotique) et de valeurs (l’évolution de Cheyenne, passant du bandit de grand
chemin grossier à celui d’être déraciné, en souffrance). Toute cette dimension crûment et cruellement
joueuse s’incarne évidemment dans la trajectoire de l’homme à l’harmonica, anti-héros mutique que l’on
connait bien chez Leone, mais qui revêt ici une dimension tragique virant souvent au pur sadisme, voir
ces flashbacks insistants sur la scène traumatique de la potence. Un procédé scénaristique au symbo-
lisme fort que l’on peut raisonnablement mettre au compte de Dario Argento, toujours sensuellement prêt
à triturer les corps. Et un procédé que le réalisateur Argento reprendra dans le giallo 4 Mouches de Ve-
lours Gris, et son batteur de rock obsédé par une décapitation en public. Mais plus qu’un simple cataly-
seur d’action, celui par qui le scandale arrive, le personnage joué par un Charles Bronson admirable de
minéralité concentre la véritable révolution de ce film dans la filmographie de Leone, à savoir celle d’enfin
recoller aux roues de l’Histoire, d’assumer un passé (même si c’est pour ne pas pouvoir envisager un
avenir, en ce qui concerne Bronson) que Leone oblitérait jusqu’ici, se bornant avec talent à orchestrer un
ballet opératique où des hommes revenus de tout (et n’allant nulle part) se tirent la bourre en rivalisant de
détachement mélancolique et de cynisme. Un regard en arrière qui vaut pour un mouvement vers l’avant,
une avancée thématique qu’enregistre aussi le personnage de la Cardinale, qui se décidera à assumer un
passé qu’elle n’a même pas connu, se révélant à partir de ce moment en s’incarnant par choix dans
quelque chose de plus grand qu’elle. Un thème (celui de la mémoire, du souvenir et de ce que l’on en fait)
que continuera de creuser Leone avec Il était une fois la Révolution et Il était une fois l’Amérique, les
deux ultimes chefs d’oeuvre de l’italien. Mais pour l’instant, profitez donc de cette reprise car Il était une
Fois Dans l’Ouest est loin d’avoir perdu de son pouvoir de fascination sidérée.