lewebpedagogique.com · Web viewLe principe de la liberté du commerce et de l'industrie a donc une...

97
UNIVERSITE PARIS EST CRETEIL FACULTE DE DROIT DROIT COMMERCIAL COURS DE Mme TENENBAUM LICENCE 2 Année universitaire 2011/2012

Transcript of lewebpedagogique.com · Web viewLe principe de la liberté du commerce et de l'industrie a donc une...

4

UNIVERSITE PARIS EST CRETEIL

FACULTE DE DROIT

DROIT COMMERCIAL

COURS DE Mme TENENBAUM

LICENCE 2

Année universitaire 2011/2012

SOMMAIRE

INTERROGATION DE COURS DE 45 MINUTES LA SEMAINE DU 24 OCTOBRE

GALOP D’ESSAI LE JEUDI 17 NOVEMBRE DE 14h à 16h (à la place du cours d’amphi)

Thème 1 :Méthodologie et exercice d’application

Thème 2 :Les actes de commerce (1)

Thème 3 :Les actes de commerce (2)

Thème 4 :Le commerçant (1)

Thème 5 :Le commerçant (2)

Thème 6 : Le fonds de commerce (1)

Thème 7 :Le fonds de commerce (2)

Thème 8 : Le fonds de commerce (3)

BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE

1. Vocabulaire juridique

CABRILLAC (sous la dir. de), Dictionnaire du vocabulaire juridique, coll. Objectif droit, Litec

CORNU, Vocabulaire juridique, PUF

1. Manuels (seuls quelques manuels portant sur la matière, parmi les plus récents, sont cités)

BLAISE, Droit des affaires, LGDJ 2009

DECOCQ, Droit commercial, Dalloz, coll Hypercours, 2009

DEKEUWER-DEFOSSEZ et BLARY-CLEMENT, Activités commerciales, commerçants, fonds de commerce, concurrence, consommation, Montchrestien 2010

HOUTCIEFF, Droit du commerce et des affaires : actes de commerce, commerçants, fonds de commerce, instruments de paiement et de crédit, Sirey 2008

LEGEAIS, Droit commercial et des affaires, Sirey 2007

PIEDELIEVRE, Droit commercial, Dalloz coll. Cours éd. 2011

REINHARD, THOMASSET-PIERRE Actes de commerce, commerçants, fonds de commerce, concurrence, consommation, Litec 2008

1. Grands traités (seuls les traités ayant des éditions postérieures à 2000 sont cités)

P. DIDIER et Ph. DIDIER, Droit commercial - Tome 1, Introduction générale, l'entreprise commerciale, Economica 2004

GUYON, Droit des affaires, Tome 1 Droit commercial général et sociétés, Economica 2003

RIPERT et ROBLOT, Traité de droit commercial, Tome 1 commerçants, tribunaux de commerce, fonds de commerce, propriété industrielle, concurrence - Droit communautaire et français, par VOGEL et GERMAIN, LGDJ 2001

1. Revues et encyclopédies

Revues généralistes : Dalloz – Semaine juridique (ou JCP), édition générale et édition E (entreprise)

Revues spécialisées : RTD Com (revue trimestrielle de droit commercial) – Revue Lamy de droit des affaires – Bulletin rapide de droit des affaires – Revue de jurisprudence de droit des affaires

Encyclopédies : Jurisclasseur commercial - Répertoire Dalloz de droit commercial – Lamy droit commercial - Dictionnaire permanent de droit des affaires

1. Ressources internet

www.legifrance.gouv.fr: portail du droit français en accès gratuit, notamment pour les codes et pour le lien vers le site de la Cour de cassation

www.europa.eu: portail du droit communautaire, en accès gratuit

THEME 1

METHODOLOGIE ET EXERCICE D’APPLICATION

1. METHODOLOGIE

A lire (et à relire) très attentivement

1. Comment préparer la séance de TD ?

Le TD constitue une application et un approfondissement de la matière présentée en cours.

Le TD n’est pas une redite du cours ou un cours « bis ». Il n’y aura pas de résumé ou topo du cours présenté par le(a) chargé(e) de TD au début de chaque séance. Le cours doit donc être étudié, su et approfondi avant chaque séance. Vous devez assister au TD en apportant les textes du Code de commerce qui sont utiles pour la séance.

Les outils de la préparation du TD

Il est indispensable d’avoir ou de consulter l’un des manuels cités en bibliographie. Des documents fondamentaux sont, en outre, accessibles gratuitement en ligne : le Répertoire commercial Dalloz (qui est accessible en ligne, à distance et gratuitement via le portail Mercure (accès depuis le site de l’université dans la rubrique bibliothèque) sous rubrique « à la carte » puis « dalloz.fr ») et le Code de commerce (accessible en version intégrale et gratuitement sur le site www.legifrance.gouv.fr). Hormis un manuel, vous disposez donc de toute la documentation nécessaire en ligne et gratuitement pour travailler correctement.

Les règles d’or de l’apprentissage

Apprendre n’est pas survoler une fois les notes de cours (les siennes ou celles d’un autre…).

Il faut reprendre ses notes en établissant un plan très détaillé de la partie du cours étudié, à l’aide du plan de cours et d’un manuel. Il faut être capable de retenir ce plan détaillé en comprenant comment les parties s’enchaînent : la compréhension de la logique des développements permet de retenir le détail des règles et non l’inverse. Apprendre par cœur au kilomètre sans comprendre l’ordonnancement général de ce que l’on récite ne sert à rien.

Toutefois, il faut vous résoudre à apprendre certaines règles par cœur (par ex certains textes courts du Code de commerce fondamentaux comme celui sur la compétence d’attribution des tribunaux de commerce), à connaître précisément des définitions qui sont données en cours et donc à consulter les références de textes (notamment le Code de commerce), de jurisprudence et doctrine indiquées en cours.

Comment apprendre le cours ?

Dans un premier temps, on doit reprendre les notes prises en cours avec un dictionnaire de vocabulaire juridique grâce auquel on peut établir un glossaire de la matière étudiée : aucun mot technique expliqué en cours et utilisé en TD ne doit rester flou. Apprendre le cours, c’est d’une part comprendre les enchaînements du raisonnement qui ont été exposés en cours et d’autre part, bien entendu, connaître le détail des règles analysées.

Dans un second temps, il faut se reporter au moins à l’un des manuels cités dans la bibliographie ou au Répertoire commercial Dalloz. Il est indispensable de maîtriser la recherche par ces bases de données et la plupart des références données en cours et dans les séances de TD sont référencées sur le site dalloz. Pour réussir en TD et à l’examen, ce travail de préparation est obligatoire : le cours donne les grandes lignes et indique les pistes à suivre pour l’approfondissement.

Comment traiter les thèmes de la séance de TD ?

Une fois le travail préparatoire décrit ci-dessus accompli, on peut passer à la préparation de la séance de TD. Chaque séance ne reprend pour approfondir que certains aspects d’une question plus vaste étudiée en cours ex/ sur la séance sur l’acte de commerce, seuls certains points spécifiques relatifs aux actes de commerce par nature sont étudiés. Il sera donc nécessaire sur un point particulier de creuser la question à l’aide du cours, d’un manuel et du Répertoire commercial Dalloz.

Chaque fiche de TD vous soumet des exercices qui sont tous obligatoires, le plus souvent des cas pratiques. Pour chaque exercice à préparer, certains documents complémentaires sont reproduits ainsi que des « conseils de lecture »… qui sont plus que vivement recommandés.

1. L’exercice du cas pratique

Dans le cas pratique, on vous soumet des faits qui soulèvent des questions juridiques. Vous devez dégager de ces faits les questions de droit posées et répondre par une analyse juridique motivée qui fait appel aux connaissances que vous aurez révisées dans le cours et approfondies en suivant la méthode rappelée ci-dessus. Le cas pratique est donc un exercice fondamental d’argumentation juridique.

Quel est le but du cas pratique ?

Le but du cas pratique est double

D’abord, et avant tout, il permet de mettre en application des connaissances. Donc, sans connaissances, pas de possibilité de répondre aux questions posées car il ne s’agit pas de formuler des réponses qui s’apparentent à des discussions de comptoir de café, du pseudo bon sens ou, encore, qui vous paraissent « justes ». Il s’agit de raisonner en droit, selon les règles applicables.

Ensuite, le cas pratique doit permettre d’exercer vos qualités de rédaction qui sont essentielles pour tout juriste, quels que soient les modalités et le domaine d’exercice de son activité. La forme est donc primordiale également.

Comment s’y prendre pour le résoudre ?

Le travail préparatoire

Il consiste à lire l’énoncé plusieurs fois en entier. Il faut ensuite sélectionner les faits significatifs (l’énoncé du cas raconte une histoire dont tous les éléments ne sont pas juridiquement pertinents et utiles) et qualifier juridiquement les personnes, les situations et les prétentions. Attention toutefois de ne pas empiéter sur le raisonnement à proprement parler ex/ désigner l’une des personnes par « le commerçant » si, précisément, la question posée porte sur cette qualification.

Sur le fond

Bien souvent, les questions sont posées de manière précise et orientée ex/ est-ce que Mme DUMONT peut saisir le tribunal de commerce ?

Pour répondre à chaque question, il faut que l’on retrouve la structure suivante qui met en évidence un va et vient entre la règle applicable et l’application aux faits de l’espèce :

1. quelle est la question de droit posée ex/ (en reprenant la question de Mme DUMONT) comment est déterminée la compétence d’attribution du Tribunal de commerce ?

1. quelles sont les règles applicables ? Vous devez exposer dans l’ordre, en suivant la hiérarchie des normes : la loi (Code commerce notamment, en citant correctement et précisément les dispositions concernées), les usages, la jurisprudence (en citant précisément des arrêts en donnant au moins l’année de la décision) et éventuellement la doctrine qui permet d’éclairer les sources

1. comment ces règles s’appliquent-elles à l’espèce ? Il ne s’agit pas de recopier alors l’énoncé mais de vérifier si les conditions d’application des règles citées sont réunies. Chaque affirmation doit être motivée au regard de la règle dégagée.

Il arrive que la réponse ne puisse pas être ferme et tranchée en raison des hésitations sur l’interprétation jurisprudentielle de telle ou telle règle. Dans ce cas, c’est évidemment la partie « application à l’espèce » et la discussion qui seront importantes. Dans l’exercice universitaire du cas pratique, le sens de la réponse est parfois indifférent ; il est évident que dans la « vie réelle », les questions sont souvent orientées dans un sens ou dans un autre dans l’intérêt de la personne représentée : il sera alors nécessaire de trouver tous les arguments dans un sens déterminé. Dans le cadre du TD, ce qui est primordial est d’avoir compris et exposé tous les sens possibles de la réponse si des hésitations sont soulevées.

Sur la forme

Il n’y a pas de forme imposée en plan et parties/sous parties comme dans une dissertation ou un commentaire. Il vaut mieux traiter les questions dans l’ordre (qui obéit à une logique) en reprenant leur numérotation. La structure évoquée ci-dessus ne doit pas apparaître formellement (« règles applicables », « application ») mais se dégager de la fluidité de la rédaction. Il est donc nécessaire de faire des paragraphes clairs pour montrer les étapes du raisonnement, en se plaçant du point de vue d’un lecteur non juriste. Tout doit être écrit mais seulement ce qui est nécessaire : en d’autres termes, il ne s’agit pas de faire une dissertation en plaquant toutes vos connaissances sur la question – il faut sélectionner les connaissances utiles pour le cas – l’exposé des règles est tout aussi important que l’application l’espèce qui ne doit pas être un recopiage de l’énoncé mais une démonstration.

L’introduction consiste en un rappel synthétique et concis des faits, qualifiés juridiquement (là non plus, il ne s’agit pas de recopier l’énoncé). La conclusion consiste à résumer la réponse à la question (avec éventuellement indication d’alternatives si l’application des règles à l’espèce pose des difficultés).

Tout texte de loi (notamment articles du Code de commerce) doit être cité précisément – tout arrêt également. Quand on cite un arrêt au soutien de son raisonnement, il faut connaître le sens et la portée de l’arrêt (faits/point de droit et solution) car cela ne sert à rien de retenir des dates par cœur (jour, mois, année) pour citer des arrêts au kilomètre. Mieux vaut n’en citer qu’un mais l’exploiter sur le fond, que d’en citer 20 dont on ne connaît que les dates.

Le style est pris en compte (ainsi que la syntaxe et l’orthographe de base) : c’est en relisant le cours, en lisant des manuels, des commentaires etc que l’on s’imprègne du style et de la terminologie juridiques. Il ne sera pas admis que des mots techniques soient mal orthographiés ex/ fonds de commerce – achalandage – clause compromissoire - artisan (au féminin, artisane). Il faut travailler avec un dictionnaire ordinaire et un vocabulaire juridique. Aucun travail écrit rendu (et cela vaut pour l’examen) ne doit comporter d’abréviations. Tout doit être rédigé, ce qui interdit des présentations sous forme de tirets ou autres signes car le cas pratique n’est pas un plan de cours ou des notes à votre usage.

1. EXERCICE D’APPLICATION : LE CAS PRATIQUE PAS A PAS

M. SAINT-ESTEPHE est viticulteur dans la région Bordelaise depuis 1985. Son activité est prospère et il profite chaque année de l’augmentation du prix des primeurs bordelais. Il vend sa production en faisant appel à des courtiers chargés de trouver des négociants pour commercialiser les bouteilles produites par M. SAINT-ESTEPHE.

En 2009, il a vendu sa récolte à un négociant, la société BAGES établie à Bordeaux, par l’intermédiaire d’une société de courtage, la société COURTAGE DE L’AQUITAINE

La société COURTAGE DE L’AQUITAINE a envoyé un bordereau de confirmation à M. SAINT-ESTEPHE et à la société BAGES et a réclamé le paiement de sa commission à la société BAGES.

La société BAGES estime qu’elle n’est tenue d’aucun paiement à la société COURTAGE DE L’AQUITAINE. Elle considère que la vente n’est pas parfaite dans la mesure où ne figurent sur le document ni la signature du représentant de la société BAGES, ni celle de M. SAINT-ESTEPHE.

La société COURTAGE DE L’AQUITAINE voudrait intenter une action contre la société BAGES en paiement de la commission : elle estime que la commission lui est due car il existe un usage bordelais qui prévoit que l’envoi du bordereau de confirmation équivaut à une vente parfaite.

Que pensez-vous de cet argument ?

Pour répondre à cette question, envisager les points suivants :

1. Identifier les faits pertinents en qualifiant les parties et les prétentions de ces dernières

1. Identifier et formuler la question de droit posée

1. Recenser les règles applicables

1. Apporter une réponse quant à la possibilité pour la société COURTAGE DE L’AQUITAINE d’invoquer cet usage bordelais

THEME 2

LES ACTES DE COMMERCE (1) – LA DEFINITION

1. Les actes de commerce par nature

Exercices (on se reportera aux manuels cités dans la bibliographie et à l’article L 110-1, 1° à 8° du Code de commerce dont le texte devra être apporté lors de la séance de TD)

Pour chaque cas suivant, exposer de manière détaillée et argumentée si on peut caractériser un acte de commerce par nature au regard des règles du Code de commerce et de la jurisprudence (les règles et les arrêts exploités doivent être cités correctement et analysés de manière détaillée avant de passer à l’application à l’espèce) :

1. Mlle PONTE est retraitée. Elle a acheté une commode ancienne en 2010 dans une brocante. En 2011, elle décide de déménager dans un appartement plus petit dans lequel il n’y a plus de place pour la commode. Sur les conseils de son neveu, elle la met en vente sur le site internet « leboncoin.fr ». L’achat et la revente de la commode sont-ils des actes de commerce ?

1. M. PILE est carreleur. Il travaille seul. Il doit poser du carrelage dans la cuisine de clients qu’il connaît bien. Il leur a proposé d’acheter le carrelage et de leur revendre au prix auquel il l’a acheté chez le grossiste. Accomplit-il un acte de commerce ?

1. M. SIFFRE est un expert maritime indépendant: il expertise les épaves maritimes notamment dans le cadre de litiges relatifs à des cas de pollution par hydrocarbures. Les prestations de M. SIFFRE sont-elles des actes de commerce ?

1. Les actes de commerce par accessoire et les actes de commerce qualifiés par la jurisprudence

Exercice : résoudre le cas pratique suivant (on se reportera aux manuels cités dans la bibliographie et à l’article L 110-1, 9° du Code de commerce dont le texte devra être apporté lors de la séance de TD)

M. PIETRA est domicilié à Paris et détient une participation majoritaire dans la société anonyme VALTECK qui fabrique et commercialise des parquets. Il décide en 2009 de céder cette participation. Dans le cadre de cette opération, il conclut un contrat avec la société anonyme EURAZEO afin que cette dernière le conseille sur le plan financier. La personne intéressée par l’acquisition de la participation de M. PIETRA n’a pu finalement obtenir le prêt nécessaire à cette acquisition. L’opération ne peut donc se réaliser. M. PIETRA refuse de payer à la société EURAZEO les honoraires convenus pour la mission de conseil financier.

La société EURAZEO vient vous consulter : peut-elle assigner M. PIETRA devant le tribunal de commerce de Paris pour obtenir le paiement de ses honoraires ?

Conseils de lecture : Cass. Com. 13 mai 1997, RTDcom 1997.427, obsv. DERRUPPE – Cass. Com. 15 novembre 2005, RTDcom 2006.563, obsv. SAINTOURENS - Cass. com. 10 juil. 2007, D. 2007.2764, obsv. R. SALOMON, D. 2008.518, note D. THEVENET-MONTFROND

THEME 3

LES ACTES DE COMMERCE (2) - LE REGIME

Se reporter aux manuels cités en bibliographie sur le régime des actes de commerce. Etudier particulièrement les règles relatives au contentieux et à la preuve ainsi que la définition et le régime des actes mixtes.

Exercices

1. Résoudre le cas pratique suivant

Mlle PINCEMAILLE exploite un commerce à TROUVILLE : elle vend des jouets et jeux de plage pour enfants. Elle convoite depuis longtemps la boutique qui jouxte la sienne et qui vend des crêpes et des confiseries. Ayant l’opportunité d’acquérir ce fonds de commerce en juin 2009, elle prend rendez-vous avec son conseiller bancaire qui rapidement lui confirme que la banque n’est pas disposée à accorder le prêt nécessaire pour financer cet achat.

Mlle PINCEMAILLE sollicite alors son amie d’enfance, Mlle PLANCHETTE, qui est salariée dans un grand groupe hôtelier de la région : elle est en charge de l’organisation d’événements. Devant le désarroi de son amie, Mlle PLANCHETTE décide de lui proposer de lui prêter 5 000 euros. Mme PINCEMAILLE, folle de joie, lui promet de lui rembourser cette somme dans les 6 mois et lui remet une lettre datée du 1er juillet 2009 indiquant la somme prêtée et précisant que la somme doit financer l’acquisition du fonds de commerce de crêpes et confiseries.

Mlle PLANCHETTE a saisi fin 2009 une opportunité professionnelle et a rejoint le siège à Nice du groupe hôtelier pour lequel elle travaille. Son installation lui a occasionné des frais et elle compte bien sur le remboursement par Mlle PINCEMAILLE de la somme prêtée.

Sans nouvelles de son amie en dépit de ses multiples appels, Mlle PLANCHETTE vient vous consulter en mars 2010 : elle veut savoir si la lettre du 1er juillet 2009 peut lui permettre de réclamer à Mlle PINCEMAILLE la somme prêtée.

DOCUMENT : Cass. Com. 13 novembre 2007, inédit

1. Résoudre le cas pratique suivant

Mme POUDRAIT habite à la campagne et elle a décidé de mener une activité de commerce de proximité. Elle veut en effet se rendre de village en village pour vendre des produits de beauté. Elle achète auprès du Garage NORMANDIE SA un véhicule utilitaire. Le véhicule est défectueux et, après expertise, Mme POUDRAIT envisage d’intenter une action contre le Garage NORMANDIE SA. Quel serait le tribunal compétent pour connaître de cette action ? Le contrat de vente du véhicule aurait-il pu stipuler une clause compromissoire ?

DOCUMENT : Cass. Com. 13 novembre 2007, inédit

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Société anonyme d'aménagement et de développement (la SAD), promoteur immobilier, a confié à la SCI Val vert tertiaire (la SCI), propriétaire d'un terrain à Seynod, la réalisation et la commercialisation de deux bâtiments à usage de bureaux, l'un destiné à la "CDG", l'autre à La Poste ; qu'une convention de maîtrise d'oeuvre a été signée pour la réalisation du bâtiment destiné à la CDG avec la société Studio d'architecture Florent X... (la société X...) ; que, n'ayant pu obtenir le règlement de ses honoraires pour les prestations relatives à l'immeuble destiné à La Poste, la société X... a assigné la SAD et la SCI en paiement d'une provision ;

Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et troisième branches :

Attendu que la société X... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande contre la SCI et la SAD et d'avoir dit n'y avoir lieu à statuer sur les demandes en restitution de la somme de 10 000 euros formée par ces sociétés, alors, selon le moyen :

1 / qu'un acte accompli par un non-commerçant devient un acte de commerce lorsqu'il est passé dans le but d'exercer un commerce et qu'il est indispensable à celui-ci ; que la SCI avait pour objet la réalisation et la commercialisation d'immeubles sur la commune de Seynod ; que le contrat de maîtrise d'oeuvre qu'elle a conclu avec la société d'architecture Florent X... pour la réalisation des immeubles en question, en vue de leur revente, était donc nécessairement commercial et pouvait se prouver par tous moyens ; qu'en faisant application des règles de la preuve civile, la cour d'appel a violé les articles 1315 du code civil et L. 110-3 du code de commerce

2 / que la demande de permis de construire pour un bâtiment signé du maître d'ouvrage sur lequel figure le nom de l'architecte et le permis de construire pour cette construction mentionnant le nom du maître de l'ouvrage valent commencement de preuve par écrit d'un contrat de maîtrise d’oeuvre entre le maître de l'ouvrage et l'architecte concernant ce bâtiment ; qu'en l'espèce, la SAD et la SCI ont versé aux débats leur demande de permis de construire pour les deux bâtiments, sur lequel figure le nom de la société X... et l'architecte a produit le permis de construire obtenu pour la construction des deux bâtiments qui mentionne comme pétitionnaire la SAD ; que ces documents valaient commencement de preuve par écrit de l'existence d'un contrat de maîtrise d'oeuvre pour le bâtiment B ; qu'en affirmant qu'il n'existait aucun écrit pouvant valoir commencement de preuve écrite émanant des sociétés appelants par lequel celles-ci formeraient une demande relative à la construction du bâtiment B, la cour d'appel a violé les articles 1341 et 1347 du code civil ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que la SCI a été constituée en vue d'acquérir un terrain situé à Seynod et y édifier des immeubles en vue de leur revente, ce dont il résultait que la SCI n'effectuant pas d'actes de commerce n'avait pas la qualité de commerçant, la cour d'appel a, par une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis, constaté que tous les écrits invoqués émanaient de la société X... et qu'il n'existait aucun écrit pouvant valoir commencement de preuve par lequel la SCI formerait une demande relative à la construction du bâtiment B ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Mais sur le moyen, pris en sa première branche, lequel est recevable, s'agissant d'un moyen de pur droit :Vu les articles 1315 du code civil et L. 110-3 du code de commerce ;

Attendu que, pour rejeter la demande de la société X... contre la SAD, l'arrêt retient qu'aux termes des articles 1341 et 1347 du code civil , il doit être passé acte devant notaire ou sous signatures privées de toute chose excédant la valeur de 800 euros, sauf lorsqu'il existe un commencement de preuve par écrit émanant de celui contre lequel la demande est formée ou de celui qu'il représente et qui rend vraisemblable le fait allégué ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la SAD, société anonyme, était commerciale par sa forme et qu'à l'égard des commerçants, un acte de commerce peut être prouvé par tous moyens, la cour d'appel a violé les textes susvisés, le premier par fausse application et le second par refus d'application ;

PAR CES MOTIFS :CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté la société Studio d'architecture Florent X... de ses demandes contre la Société aménagement et développement, l'arrêt rendu le 30 mai 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble

THEME 4

LE COMMERCANT (1)

1. La liberté d’entreprendre

DOCUMENT 1 : M. KDHIR « Le principe de la liberté du commerce et de l’industrie : mythe ou réalité », D. 1994, chron. p. 30

DOCUMENT 2 : Cass. Com. 4 janvier 1994, D. 1995.205, note Y. SERRA (non reproduite)

Exercice : résoudre le cas pratique suivant

La société anonyme FIZOLU établie à la Défense et la société à responsabilité limitée FRERES LAMOTHE établie à Créteil sont en négociation pour conclure un contrat de 5 ans aux termes duquel la société FRERES LAMOTHE s’engagerait à distribuer en Ile de France du fioul domestique produit la société FIZOLU. Le directeur juridique de la société FIZOLU vient vous consulter car il veut insérer une clause de non concurrence dans ce contrat. Il vous demande de lui soumettre un projet de clause qui intégrerait les éléments suivants : la société LAMOTHE FRERES s’engagerait pendant une durée de 10 ans sur tout le territoire de l’Ile de France et la région Nord à ne pas commercialiser de produits pétroliers ou tout autre dérivé de tels produits. Vous devez rédiger le mémo qui explique de manière détaillée et argumentée au Directeur juridique de la société FIZOLU si une telle clause serait valable au vu de la jurisprudence et émettre en conséquence, le cas échéant, des suggestions de modification.

Conseils de lectures complémentaires : M. DEPINCE, « La clause de non concurrence post contractuelle et ses alternatives », RTD Com 2009.259 ; M. LOMBARD, « A propos de la liberté de concurrence entre opérateurs privés et opérateurs publics », D. 1994, chron. 163 ; J. –L. MESTRE, « Le Conseil constitutionnel, la liberté d’entreprendre et la propriété », D. 1984, chron. 3.

1. La qualification du commerçant

Exercices : Pour résoudre les cas pratiques suivants, vous devrez vous-même, en partant des manuels indiqués en bibliographie, chercher les références de jurisprudence ou de doctrine et les indiquer dans votre travail.

M. DONGE est peintre spécialisé dans les peintures décoratives. Il travaille avec deux salariés. Il propose parfois à ses clients d’acheter au prix de gros la peinture spéciale pour réaliser les décors demandés, et il refacture alors au client cette peinture au prix d’achat majoré de 20%. Est-il commerçant ou artisan ?

Mme VASCO est une figure connue des Halles car elle a été grossiste en fruits et légumes pendant 30 ans. Depuis la cessation de son activité, elle se charge quand on lui demande, moyennant le paiement d’une commission, de présenter des marchands de détail aux grossistes des Halles en fruits et légumes. Elle commence à être âgée et demande de l’aide à des deux fils instituteurs pendant les vacances scolaires car c’est bien entendu à ce moment qu’ils sont le plus disponibles. Les deux fils sont de plus en plus présents auprès de leur mère. Ils songent à exercer leur métier d’instituteurs à mi-temps pour consacrer plus de temps à cette activité qu’ils veulent à terme développer ; dans cette perspective, ils cherchent à assurer la sécurité du paiement de leur commission et veulent rapidement négocier avec les grossistes un contrat d’agence commerciale. Mme VASCO est-elle commerçante ? Les fils peuvent-ils être qualifiés de commerçants ? S’ils négocient par la suite un contrat d’agence commerciale, seront-ils commerçants ?

DOCUMENT 1 : M. KDHIR « Le principe de la liberté du commerce et de l’industrie : mythe ou réalité », D. 1994, chron. p. 30

« Il n'y a point de mot qui ait reçu plus de différentes significations, et qui ait frappé les esprits de tant de manière, que celui de liberté. » MONTESQUIEU, De l'Esprit des lois, XI, II.

Pierre angulaire de l'économie libérale, la liberté du commerce et de l'industrie joue un rôle décisif dans le système juridique et économique français. L'art. 7 de la loi des 2-17 mars 1791, toujours en vigueur, définit cette liberté comme le droit reconnu à toute personne de faire « tel négoce ou d'exercer telle profession, art ou métier qu'elle trouvera bon (1) ».

Texte de « circonstance » dont l'objet consistait à remplacer les impôts professionnels de l'Ancien Régime par un texte unique, la patente, et d'une pérennité très exceptionnelle - la plupart des textes votés et promulgués à la même époque ont été abrogés - le principe de la liberté du commerce et de l'industrie est très fréquemment visé dans les décisions des juridictions, aussi bien de l'ordre judiciaire que de l'ordre administratif. Pourtant, ce principe ainsi proclamé et confirmé (2) ne s'est pas toujours imposé depuis la Révolution ; d'aucuns estiment même qu'il fut constamment violé. Le problème a donné lieu à d'âpres débats et de farouches polémiques. C'est une question toujours « disputée » et la discussion autour de tels sujets sensibles ne s'apaise jamais vraiment (3).

Laissons de côté ces redoutables débats pour ne tenter de considérer que la réalité de ce principe en cherchant à connaître son contenu (II) après avoir justifié au préalable ses fondements (I).

I. - Les fondements juridiques du principe de la liberté du commerce et de l'industrie.

Il convient d'étudier les fondements juridiques de ce principe non seulement en droit interne (A) mais également en droit communautaire (B).

A. - En droit interne.

C'est à la Révolution française que remonte le principe de la liberté du commerce et de l'industrie. Par l'instauration d'un régime de liberté, la révolution a libéré le citoyen des liens traditionnels qui entravaient sa vie quotidienne.

Il ressort des débats de la Constituante que l'homme n'est pas seulement libre de sa personne, ses opinions, sa pensée, ses écrits, mais également de son industrie et ses travaux. Selon Sieyès : « Tout citoyen est pareillement libre d'employer ses bras, son industrie et ses capitaux, ainsi qu'il le juge bon et utile à lui-même. Nul genre de travail ne lui est interdit. Il peut fabriquer et produire ce qui lui plaît, et comme il lui plaît ... La loi seule peut marquer les bornes à cette liberté, comme à toutes les autres (4) ».La liberté économique est donc apparue dans l'histoire au moment de l'affirmation des droits de l'homme de 1789. C'est « une conquête de la révolution et la soeur de la liberté politique » (5).Les constituants se prononçaient même en faveur de la « liberté du commerce et de l'industrie sans oser toutefois condamner formellement le système corporatif » (6), car ils hésitaient « à le faire disparaître immédiatement » (7).

La liberté en général affirmée par les textes de 1789 inclut donc la liberté du commerce et de l'industrie mais il faudra attendre la loi des 2-17 mars 1791 - dite décret d'Allarde - pour qu'un texte législatif pose clairement le principe de la liberté du commerce et de l'industrie. L'affirmation de la liberté économique est complétée par la fameuse loi dite « le Chapelier » des 14-17 juin 1791 qui supprime les groupements professionnels et les coalitions.

La liberté économique s'est traduite par une place de choix accordée au contrat et à la volonté. L'art. 1134 c. civ. compare le contrat à la loi. La liberté des conventions, expression de l'individualisme libéral de 1789, est une pièce essentielle d'un régime qui admet la propriété privée et la liberté du travail. Produit et symbole du libéralisme, la liberté du commerce et de l'industrie a subi depuis cette époque de multiples restrictions sous l'empire des nécessités économiques et de l'intérêt général. Le principe passe désormais derrière les impératifs de l'ordre public (8), du droit des consommateurs, de l'environnement (9), de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme, de l'hygiène, de la santé, de l'exigence d'une certaine qualification professionnelle et de la subordination, la plupart du temps, à autorisation préalable de l'activité projetée ... (10) ; mais malgré l'érosion du principe de la liberté du commerce et de l'industrie, celui-ci subsiste en tant que liberté publique, selon le Conseil d'Etat (11). La Haute juridiction administrative le considère même comme un principe général du droit applicable indépendamment de tout texte (12) et parle plus directement du « principe de la liberté du commerce » (13), ce qui implique que le principe déborde la loi des 2-17 mars 1791. Certains voient même dans la liberté du commerce et de l'industrie un principe à valeur constitutionnelle (14).

Nous ne le pensons pas, le principe a une simple valeur législative, son contenu est plus ou moins large selon l'appréciation et le choix du législateur. Ainsi, par exemple, le Conseil d'Etat a annulé l'art. 1er du décret du 22 sept. 1989 (15) qui limitait à deux fois par an la possibilité de procéder à des soldes périodiques ou saisonniers au motif que cet article porte atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie et que de telles dispositions ne peuvent résulter que de la loi. Le principe de la liberté du commerce et de l'industrie a donc une valeur infraconstitutionnelle mais supraréglementaire dans la hiérarchie des normes (16), et, comme le dit le Conseil d'Etat, dès lors qu'une disposition réglementaire trouve sa source dans un texte législatif, la violation du principe de la liberté du commerce et de l'industrie ne peut être invoquée à son encontre (17). Ainsi, à une disposition générale on peut toujours opposer une limitation résultant d'un autre texte de même valeur et, dans cette hypothèse, le texte restrictif l'emporte sur le texte général (18).Juridiquement protégé en droit interne, malgré l'interventionnisme de la puissance publique, le principe de la liberté du commerce et de l'industrie s'impose-t-il également au niveau communautaire ?

B. - En droit communautaire.

D'inspiration néo-libérale, la CEE repose sur quatre libertés fondamentales : la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux. Véritable clé de voute de la construction européenne, le régime de liberté instauré a pour objectif de promouvoir dans le marché commun une concurrence qui, selon l'expression de l'art. 3 f, ne soit point faussée ; elle garantit ainsi l'égalité des chances entre tous les opérateurs économiques et interdit toute aide sous quelque forme que ce soit qui fausse ou menace de fausser la concurrence (19). Le traité CEE crée un ordre juridique propre et les Etats membres sont tenus de prendre toutes les mesures nécessaires à assurer l'exécution qui leur incombe en vertu du droit communautaire (20).Selon la CJCE : « le juge national chargé d'appliquer dans le cadre de sa compétence les dispositions du droit communautaire a l'obligation d'assurer le plein effet de ces normes en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire de la législation nationale, même postérieure, sans qu'il ait à demander ou à attendre l'élimination préalable de celle-ci par voie législative ou par tout autre procédé constitutionnel » (21).

Les principes d'effet direct et de primauté s'imposent donc aux juridictions nationales. Le juge français, sur la base de l'art. 55 de la Constitution, n'hésite plus aujourd'hui à faire prévaloir le droit communautaire sur le droit interne. La jurisprudence inaugurée par l'arrêt Nicolo (20 oct. 1989) affirmant la suprématie des traités sur les lois internes a été enrichie par l'arrêt Boisolé (24 sept. 1990) confirmant la supériorité des règlements communautaires sur les lois internes, et développé par l'arrêt Stés Rothmans et Philip Morris (28 févr. 1992) en ce qui concerne la primauté des directives communautaires sur les lois internes (22).Le marché commun est basé sur une conception libérale de l'économie (23).

La liberté constitue ainsi un principe fondamental commun pour tout ce qui concerne les activités économiques qui se rapportent aux échanges à l'intérieur de la Communauté. Le droit communautaire est la source directe du droit économique national. Juridiquement donc, les Etats membres n'ont pas le plein contrôle de leur politique économique. Tant au niveau national expressément, qu'au niveau communautaire implicitement, le principe de la liberté du commerce et de l'industrie est affirmé ; mais quel est le contenu de ce principe ?

II. - Le contenu du principe de la liberté du commerce et de l'industrie.

Le principe de la liberté du commerce et de l'industrie implique la liberté d'entreprendre (A) et la liberté de concurrencer (B).

A. - La liberté d'entreprendre.

Issue de la Révolution française, la liberté d'entreprendre est une règle à valeur constitutionnelle, qui trouve sa racine dans la Déclaration des droits de l'homme de 1789. Dans sa décision du 16 janv. 1982, sur les nationalisations, le Conseil constitutionnel estime que « la liberté qui aux termes de l'article 4 de la déclaration consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ne saurait elle-même être préservée si des restrictions arbitraires ou abusives étaient apportées à la liberté d'entreprendre ». L'intérêt de la valeur constitutionnelle de la liberté d'entreprendre est de pouvoir l'opposer à la loi. Autrement dit, elle s'impose même au législateur qui ne peut pas la restreindre d'une manière arbitraire ou abusive.

Cette interprétation « libérale » de la liberté d'entreprendre par le Conseil constitutionnel a été, à la fois, vigoureusement critiquée (24) et énergiquement approuvée (25) par la doctrine. Dans une autre décision, le Conseil constitutionnel estime que la liberté d'entreprendre « n'est ni générale ni absolue et ne peut exister que dans le cadre d'une réglementation instituée par la loi » (26). Ainsi, par exemple, il reconnaît au législateur la possibilité de limiter la liberté d'entreprendre dans un souci de protection de la santé publique (27). Le Conseil d'Etat affirme le principe du « libre accès à l'exercice par les citoyens de toute activité professionnelle n'ayant fait l'objet d'aucune limitation légale » (28).

En réalité, la loi peut restreindre la liberté d'entreprise, notamment lorsqu'elle soumet une activité à autorisation, elle permet également à l'administration de prendre des mesures restrictives dans le but du maintien de l'ordre public.

Le Conseil d'Etat affirme dans un arrêt de principe que le maire détient « le pouvoir de prendre les mesures nécessaires pour remédier aux inconvénients qu'un mode d'exercice de la profession (...) peut présenter pour la circulation et l'ordre public » (29).

La Cour de cassation estime que l'arrêté du préfet de police de Paris du 26 juin 1933, qui interdit sur la voie publique l'offre d'opérations commerciales et notamment le racolage des clients éventuels (...) comportement de nature à troubler l'ordre, la tranquillité publique ainsi que la liberté et la commodité de la circulation, n'entrave en rien le principe de la liberté du commerce et de l'industrie (30).

Il reste qu'il n'existe pas en droit français une énumération limitative des activités commerciales ou industrielles autorisées par la loi et que toute personne physique ou morale (31) peut entreprendre, sauf exception, les activités de son choix dans un système de compétition et de concurrence.

B. - La liberté de concurrencer.

Le principe de la libre concurrence (32) supposant des conditions d'égale compétition, cela implique la non-ingérence des collectivités publiques qui, par des privilèges exorbitants dont elles disposent, n'auraient aucun mal à éliminer les concurrents privés. C'est la raison pour laquelle l'activité économique est réservée à l'initiative privée à l'exclusion de l'ingérence de la puissance publique. Par nature, dans une économie libérale, les activités économiques et commerciales sont réservées aux particuliers. Le libre jeu des forces du marché doit être le moins possible altéré par l'interventionnisme de l'Etat ; ce système d'autorégulation de l'économie est l'affaire de la « société civile » qui, selon la délicieuse formule de Hobbes, est « le champ de bataille de l'intérêt privé individuel de tous contre tous ».L'interdiction faite aux collectivités publiques de dénaturer, par leurs interventions, la concurrence est consacrée par le Conseil d'Etat : « les entreprises ayant un caractère commercial restent, en règle générale, réservées à l'initiative privée » (33).Cependant, la puissance publique n'a jamais renoncé à son action économique. Les guerres, les crises, les pénuries, les abus de monopoles et de concentrations (34) et enfin l'inaptitude du marché à trouver par lui-même les ajustements nécessaires à la satisfaction des besoins de l'intérêt général ont amené l'Etat à intervenir pour assurer « la police » de l'économie (35) tantôt par voie d'injonctions et d'impératifs, tantôt par voie de négociations, d'orientations, d'incitations, de concertations et d'accords. Il en résulte que le système économique français est un système mixte (36), dualiste, où coexistent : entreprises privées et entreprises publiques, initiative privée et action publique, liberté et interventionnisme.

La libre concurrence rencontre de multiples limitations et, selon la jurisprudence du Conseil d'Etat, les personnes publiques peuvent intervenir sans qu'on puisse leur opposer le principe de la liberté du commerce et de l'industrie, pour améliorer « le fonctionnement du service public de l'hygiène », créer des théâtres municipaux, un terrain de camping ou une boucherie municipale ; ouvrir un cabinet dentaire ; édifier un bâtiment à usage de bar restaurant (37), etc.

Plus généralement, la jurisprudence admet l'intervention des collectivités publiques en raison des circonstances particulières de temps et de lieu et lorsqu'un intérêt public le justifie, ou si l'initiative privée est défaillante ou absente qualitativement ou quantitativement le juge tente ainsi un nécessaire compromis protégeant la liberté de l'initiative privée et reconnaissant en même temps un droit raisonnable d'intervention économique au profit de la puissance publique.

Conclusion.

Il faut renoncer à la fiction d'un principe clos sur sa propre abstraction. Expression de base du système juridique et économique français, le principe de la liberté du commerce et de l'industrie n'est pas statique, mais dynamique ; il est soumis précisément selon les circonstances à une profonde transformation qui va de concert avec les changements de l'ordre social concret dans lesquels il déploie ses effets. Il s'agit d'un principe à « géométrie variable ».

Historiquement constante, la remarquable extension de l'intervention de l'Etat ne peut qu'entraver le principe de la liberté du commerce et de l'industrie. Celui-ci reste cependant le soubassement sur lequel s'appuient les juges interne et communautaire.

Il s'agit de la recherche permanente d'un équilibre, d'un compromis, d'une proportion entre liberté du commerce et de l'industrie et interventionnisme. Ce n'est pas le moindre paradoxe que de faire coexister mythe et réalité dans le même principe. C'est peut-être le propre de la plupart des principes juridiques que d'avoir des contenus nuancés voire contradictoires.

(1) En droit international, la CPJI définit la liberté du commerce comme « la faculté, en principe illimitée, de se livrer à toute activité commerciale, que celle-ci ait pour objet le négoce proprement dit, c'est-à-dire la vente et l'achat de marchandises, ou qu'elle s'applique à l'industrie ..., qu'elle s'exerce à l'intérieur ou qu'elle s'exerce avec l'extérieur par importation ou exportation » (arrêt du 21 déc. 1934, aff. O. Chin., série A/B n° 63, p. 84). La libéralisation des échanges a été adoptée en 1964 dans l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT). Celui-ci est fondé sur deux grands principes : la non-discrimination et le désarmement douanier. La liberté du commerce mondial doit s'épanouir dans le cadre d'une concurrence saine et loyale ; mais les Etats n'ont pas la même interprétation de ce point, d'où la difficulté actuelle de parvenir à un accord, notamment entre les grandes puissances commerciales USA et CEE.

(2) On retrouve dans la Constitution de l'an III une référence à la liberté du commerce et de l'industrie ; l'art. 355 de cette Constitution affirme qu'il n'y a pas de limitation à la liberté du commerce, ni à l'exercice de l'industrie. De même l'art. 13 de la Constitution de 1848 garantit aux citoyens la liberté de l'industrie et la liberté du travail. En revanche, les Constitutions de 1946 et de 1958 ne font pas allusion à cette liberté.(3) Tantôt on affirme : « là où aucune loi n'est intervenue, le principe subsiste toujours qui demeure le droit commun de l'activité industrielle en France » (concl. Gazier sur CE 22 juin 1951, Daudignac, D. 1951.589, note J. C.). Tantôt on affirme : « notre système économique ne repose plus sur cette liberté » (concl. Jacomet sur CE 14 mai 1954, Feuger, Lebon, p. 274 ; RPD adm., juin 1954.125.(4) Archives parlementaires, 1787-1799, t. 8, p. 260, col. 2.(5) G. Ripert, Aspects juridiques du capitalisme moderne, LGDJ, n° 98, p. 292.(6) J. -L. Mestre, Le Conseil constitutionnel, la liberté d'entreprendre et la propriété, D. 1984. Chron. 3.(7) J. Godechot, Les institutions de la France sous la Révolution et l'Empire, PUF, 2e éd., 1968, p. 214.(8) Le pouvoir de police est expressément prévu par la loi des 2-17 mars 1791.(9) Ainsi, par exemple, le juge censure l'étude d'impact qui n'est pas conforme aux dispositions combinées de la loi du 10 juill. 1976 et du décret du 12 oct. 1977 (V. CAA Lyon, 21 janv. 1992, Cie COGEMA, Lebon, p. 497).(10) Le droit français est dominé par le principe général selon lequel « la liberté est la règle, la restriction de police l'exception ». Mais, en matière de liberté du commerce et de l'industrie, les restrictions sont si nombreuses qu'on peut presque être tenté d'inverser le principe : « La restriction de police devient la règle, la liberté, l'exception » !(11) CE 28 oct. 1960, Laboulaye, AJDA 1961.20 ; ass., 16 déc. 1988, Assoc. des pêcheurs aux filets et engins, Garonne, Isle et Dordogne, D. 1990.201, note F. Llorens et P. Soler-Couteaux.(12) CE 26 juin 1959, Syndicat gén. des ingénieurs-conseils, D. 1959.541, note J. L'Huillier.(13) CE 23 oct. 1981, Min. Economie c/ Sté Sagmar, AJDA 1982.162.(14) V., par exemple, concl. X. Prétot, sur TA Versailles, 17 oct. 1989, AJDA 1990.53.(15) CE 22 mars 1991, AJDA 1991.650, note J. -P. Théron.(16) En dépit de l'affirmation contraire de M. Fournier, commissaire du Gouvernement, selon lequel l'évolution récente ne permettait pas « de classer cette liberté parmi les règles fondamentales qui s'imposent à l'autorité réglementaire » (CE 26 juin 1959, Syndicat gén. des ingénieurs conseils, RD publ. 1959.1004).(17) CE 19 nov. 1986, Sté Smanor, Lebon, p. 259.(18) CE 6 déc. 1989, Martellet, rep. n° 72.442, 72.443, à propos de l'art. L. 631-7 CCH.(19) L'art. 92, § 1, formule l'interdiction de principe des aides. Les Etats membres sont tenus de restituer des aides contraires au droit communautaire (sur le régime des aides, V. le dossier spécial, Aides publiques, AJDA 1993.395).

(20) Dans un arrêt du 19 nov. 1991 (Francovich et Bonifaci, aff. C-6-90 et C-9-90, Rec. CJCE, p. 5357 ; JCP 1992.II.21783, note A. Barav ; D. 1992. IR. 1). La CJCE a reconnu la responsabilité de l'Etat italien pour défaut de transposition d'une directive (80-987-CEE du Conseil du 20 oct. 1980).(21) CJCE 9 mars 1978, Simmenthal, aff. 106-77, Rec. CJCE, p. 629.(22) Même dans son rôle consultatif, le Conseil d'Etat exige désormais le respect des procédures communautaires. Ainsi, « il rejette tout projet de loi ou de décret qui lui est présenté sans avoir été au préalable soumis à l'avis de la Commission des Communautés européennes lorsqu'un tel avis est prévu par une règle communautaire » (B. Stirn, Le Conseil d'Etat et le droit communautaire : de l'application à l'élaboration, AJDA1993.245).

(23) Les « lois du marché » se généralisent. V. A. Bockel, Communisme et économie de marché, la nouvelle constitution du Vietnam, RD publ. 1992.1707. Selon Mme Lavigne, il n'y a plus qu'un système : l'économie de marché, par définition le meilleur puisqu'il a triomphé (L'Europe de l'Est : du plan au marché, éd. Liris, Paris, nov. 1992).(24) F. Savy, La constitution des juges, D. 1983. Chron. 105.(25) J. -L. Mestre, Le Conseil constitutionnel, la liberté d'entreprendre et la propriété, D. 1984. Chron.1.(26) Décis. n° 83-162 DC des 19-20 juill. 1983, JO 22 juill., p. 2267 ; rect. 31 juill., p. 2531.(27) V. à propos des dispositions relatives à la lutte contre l'alcoolisme et la tabagie, Cons. const. 8 janv. 1991, décis. n° 90-283 DC, JO 10 janv., p. 524.(28) CE 22 juin 1963, Synd. du personnel soignant de la Guadeloupe, AJDA 1963.460.(29) CE 22 juin 1963, préc.(30) Cass. crim., 8 avr. 1992, Gaz. Pal. 1993.1.8, note J. -P. Doucet.(31) Littéralement, la loi proclamant la liberté du commerce et de l'industrie au profit de « toute personne » pourrait être invoquée par les personnes morales de droit public. Rien ne permet, en effet, sur la base du texte de faire une discrimination entre personnes morales de droit public et personnes privées. En réalité, le principe est interprété dans le sens d'une activité économique réservée à l'initiative privée (individu, entreprise) à l'exclusion des personnes publiques ; sauf si la loi, l'ordre public ou l'intérêt général imposent de limiter cette liberté.(32) Comme toute liberté, la liberté du commerce et de l'industrie se définit par des « frontières » qui limitent son exercice. Le cercle peut paraître vicieux puisque l'abus de liberté commande l'intervention qui détruit la liberté. En réalité, on restaure la liberté par une réglementation opportune de la concurrence. La Cour de cassation a, dans un arrêt du 22 oct. 1985, considéré que « l'abus de la liberté du commerce causant volontairement ou non un trouble commercial est constitutif de concurrence déloyale ou illicite » (D. 1986. IR.339, obs. Y. Serra).(33) CE 30 mai 1930, Ch. synd. du commerce en détail de Nevers, GAJA, n° 48.(34) V. M. Kdhir, Le système français du contrôle administratif des concentrations économiques, RD publ. 1992.1103.

(35) Le principe fondamental est que la réglementation ne doit pas consister en une interdiction générale et absolue. Elle doit se contenter d'une simple limitation. Ainsi, par exemple, le Conseil d'Etat n'hésite pas à annuler les arrêtés municipaux édictant une interdiction générale et absolue (un maire peut interdire la vente ambulante sur les plages, pour des raisons de tranquillité et d'hygiène publiques, mais il ne saurait interdire cette vente sur tout le territoire de la commune, ni même sur l'ensemble des « abords » de la plage, CE 21 févr. 1986, 2 arrêts, Cne d'Agdeet Cne de Fleury d'Agde c/ Roustan, JCP 1986.II.20680, note R. Rézenthal).(36) Selon la théorie du Belge H. de Man, l'économie mixte a été conçue, à l'origine, dans les années trente, comme une solution de compromis, étape transitoire vers le socialisme ; force est de constater qu'on assiste aujourd'hui à un revirement total de ces perspectives puisque l'économie mixte, loin d'être un facteur de contestation du libéralisme, est, au contraire, devenue un mode de rationalisation de l'économie de marché (V. l'ouvrage de J. Kerninon, Les cadres juridiques de l'économie mixte, LGDJ, coll. Systèmes, 1992).(37) Le Conseil d'Etat admet que la création d'un bar-restaurant peut être un élément d'animation de la vie locale (V. CE 25 juill. 1986, Cne de Mercoeur, Dr. adm. 1986.489).

DOCUMENT 2 : Cass. Com. 4 janvier 1994

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 50 de l'ordonnance n° 47-1483 du 30 juin 1945 relative aux prix ;

Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que M. X..., qui exerce, à titre indépendant, l'activité professionnelle de chauffeur de véhicules de petite remise, a signé un contrat, le 23 janvier 1986, avec la société Locafret, devenue ultérieurement la société 3 V, en vue d'utiliser les services d'un central radio exploité par cette entreprise à Versailles ; que, le 20 juillet 1989, M. X... a résilié cette convention ; que la société Locafret l'a alors assigné en dommages-intérêts devant le tribunal de commerce pour concurrence déloyale au motif qu'au mépris d'une clause du contrat qui lui interdisait, en cas de résiliation, " d'exploiter directement ou indirectement une activité similaire et particulièrement l'activité de taxi à Versailles-Le Chesnay-Rocquencourt-Buc, pendant une période de 3 ans, dans un rayon de 30 kilomètres à vol d'oiseau de la mairie de Versailles ", il continuait d'exercer son activité professionnelle dans ce secteur réservé ;

Attendu que pour accueillir la demande de la société 3 V, la cour d'appel a relevé que " les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en l'espèce, la clause combattue est limitée dans le temps et dans l'espace ; que la licéité des restrictions aux libertés individuelles qu'elle stipule est reconnue " ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la clause litigieuse, même limitée dans le temps et dans l'espace, n'était pas disproportionnée au regard de l'objet du contrat, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la deuxième branche du moyen CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 février 1992, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris.

THEME 5

LE COMMERCANT (2)

1. Le choix de la forme de l’entreprise commerciale

DOCUMENT 1 : Extraits du Rapport de X. DE ROUX de novembre 2008 : « La création d’un patrimoine d’affectation », Documentation française.

Exercice : résoudre le cas pratique suivant

M. GERARD tient, avec l’aide de quatre employés, un commerce de boucher prospère dans un petit village du Sud de la France. Il a fréquenté Mlle POLLY pendant deux ans et ils ont décidé de se marier en novembre 2008 et de s’installer dans l’appartement dont M. GERARD est propriétaire derrière la boutique, au même étage. Mlle POLLY est inquiète car depuis quelques mois l’activité décline. Elle vient vous consulter en octobre 2009 car elle craint que les créanciers de M. GERARD finissent par saisir tous les biens du couple.

a) Avez-vous besoin d’informations sur le régime matrimonial du couple, et dans l’affirmative, expliquer pourquoi ?

b) Que peut faire M. GERARD pour mettre à l’abri l’appartement ?

c) Mlle POLLY a entendu parler par une amie dont le mari est également commerçant de l’avantage « de se mettre en société ». Elle vous demande de lui expliquer de manière détaillée ce que cela veut dire et pourquoi cette possibilité serait intéressante compte tenu de la marche des affaires de M. GERARD.

d) Mlle POLLY qui désormais s’intéresse aux solutions juridiques qu’elle pourrait suggérer à M. GERARD a entendu récemment parler de l’Entreprise individuelle à responsabilité limitée. Elle vous demande de lui expliquer ce nouveau statut et de lui indiquer l’intérêt qu’il présenterait pour elle et M. GERARD

Conseil de lecture complémentaire : Loi n°2010-658 du 15 juin 2010 relative à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée

1. Le statut du conjoint coexploitant

DOCUMENT 2 Com. 4 octobre 1994, Bull. civ. IV, n° 271

Exercice : comparer la solution de l’arrêt reproduit dans le document 2 à celle rendue dans l’arrêt de la même chambre le 15 octobre 1991 dont le principal attendu est reproduit ci-après

« Après avoir constaté que le conjoint d'un commerçant non seulement entretenait avec les clients du magasin de son épouse des relations suivies et fréquentes, et avait une procuration sur le compte bancaire du commerce, mais surtout qu'il avait conclu le contrat d'assurance du magasin et que son nom figurait, comme celui de son épouse, dans la publicité du magasin, une cour d'appel peut, en l'état de ces constatations et sans inverser la charge de la preuve, retenir que ce conjoint était commerçant pour avoir, de manière indépendante, exercé des actes de commerce et en avoir fait sa profession habituelle. »

Conseil de lecture complémentaire : V. Barabé-Bouchard, D. 1995.456

DOCUMENT 1 Extraits du Rapport de X. DE ROUX, « La création d’un patrimoine d’affectation »

Par lettre du 18 juillet 2008, Madame le Ministre de l’Economie, Madame le Garde des Sceaux et Monsieur le Secrétaire d’Etat à l’Artisanat et au Commerce m’ont demandé de procéder :

à une évaluation de la situation patrimoniale actuelle de l’entrepreneur individuel ;

à l’analyse des difficultés qui seraient posées par la création d’un patrimoine d’affectation réservé à cet entrepreneur, qu’il soit commerçant ou artisan ;

et à un examen des solutions juridiques de nature à permettre de les surmonter.

-ooOoo—

1- L’entrepreneur individuel, qu’il soit artisan, commerçant, ou qu’il exerce une activité libérale, est celui qui possède et exploite son entreprise. Il existe en France 2 352 800 PME de moins de 250 salariés dont 1 211 200 n’emploient aucun salarié.

Elles exercent leurs activités dans les domaines les plus divers et ce nombre a tendance à augmenter d’une part parce que la création d’entreprises a été fortement encouragée par les politiques gouvernementales successives menées depuis 1993, notamment dans le domaine de la simplification du droit commercial, et d’autre part parce que les délocalisations massives d’entreprises de main d’oeuvre ont conduit beaucoup d’anciens salariés à créer leur propre activité. En 2007, 295 516 entreprises nouvelles sont nées, et on constate que l’entreprise individuelle peut prendre des formes juridiques très différentes. En effet, une entreprise peut être possédée et exploitée par une même personne, mais peut choisir aussi bien le nouveau statut d’auto-entrepreneur que celui de personne morale comme une EURL, voire une société anonyme simplifiée. Elle peut encore être une société fictive comme une SARL dont en réalité, toutes les parts sont entre les mains d’un seul entrepreneur.

En 2007, la moitié des créateurs d’entreprises ont choisi l’activité individuelle, 35 % la SARL, 11 % l’EURL et 2 % la SAS. La raison de ces choix n’apparaissent pas très clairement et ils ne sont pas toujours rationnels.

L’article 2284 du Code civil instituant un gage général des créanciers sur le patrimoine du débiteur, la forme sociétale a pour objet de distinguer du patrimoine de l’entrepreneur, le patrimoine affecté à son activité, qui ne doivent pas être mêlés ou confondus sous peine de sanctions dont la première est de n’être plus à l’abri des poursuites des créanciers …Le législateur a expressément prévu cette séparation en instituant par une loi du 11 juillet 1985 la société unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) pour restreindre les risques encourus par les entrepreneurs individuels qui, faute d’avoir recours à la personnalité morale, sont tenus des dettes de leur entreprise sur la totalité de leur patrimoine, alors que l’unique associé de l’EURL ne doit supporter les dettes sociales qu’à concurrence du montant de ses apports.

Rappelons qu’à l’époque, le législateur a fait fi de la doctrine qui soutenait qu’il ne pourrait y avoir de société, c’est-à-dire de personne morale, s’il n’y avait pas au moins deux associés. Le législateur a estimé qu’il fallait mettre le droit en conformité avec la réalité en évitant le recours aux sociétés fictives composées de prête-noms. Déjà lors de la discussion de cette loi, la question du patrimoine d’affectation consistant à séparer le patrimoine de l’entrepreneur pour en affecter une partie à l’activité de son entreprise sans création de personnalité morale a été longuement débattue. Le législateur de 1985 a écarté cette solution en la trouvant « extrêmement compliquée ».

L’EURL, objet de la loi, semblerait une bien meilleure réponse. En effet, c’est une société à responsabilité limitée. Elle est soumise à toutes les règles applicables à cette forme de société. Elle permet une transmission des parts aux héritiers, et donc de respecter le principe d’égalité sans évaluation compliquée d’un fonds de commerce. Elle impose une gestion comptable et financière. Cependant, beaucoup d’entrepreneurs individuels estiment que les obligations qui en découlent –tel le dépôt annuel des comptes au Tribunal de Commerce ou la tenue d’un registre des décisions- constituent une sorte d’obstacle culturel et psychologique freinant l’initiative. D’ailleurs, la société ne peut ni consentir un prêt à l’associé unique, ni garantir ses activités personnelles. Ils estiment surtout que la limitation de responsabilité de l’associé unique au montant de ses apports est illusoire en raison des garanties que demandent les créanciers, au premier plan desquels, les banques. (…)

L’EURL n’a pas eu le succès escompté. 5 % seulement des 2 352 000 PME existantes empruntent la forme de l’EURL, tandis que les entreprises individuelles représentent 58,2 % du total.

2- La question se pose donc de savoir si une opération d’affectation de patrimoine à l’activité sans création d’une personne morale supportant ce patrimoine est de nature à apporter une réponse aux demandes des professionnels.

Les Chambres de Métiers insistent pour que l’affectation du patrimoine à une activité ne puisse se faire uniquement par la création d’une personne morale. Elles estiment que l’entreprise « sous la forme individuelle est le mode d’accès à l’entreprenariat le plus aisé » et qu’au nom de la liberté d’entreprendre il convient de ne créer aucune forme de discrimination, notamment fiscale, entre les différentes formes d’activités.

Les Chambres de Métiers souhaitent deux mesures essentielles :

- une séparation du patrimoine personnel et du patrimoine professionnel,

- une fiscalité et des charges sociales basées uniquement sur le revenu du professionnel tiré des bénéfices de l’entreprise.

Elles estiment que la possibilité donnée à une personne physique, et donc à l’entrepreneur individuel, de constituer une fiducie ne trouve pas d’application concrète dans l’activité normale d’une entreprise artisanale et ne saurait remplacer le patrimoine d’affectation tel qu’il est demandé.

3- Avant d’examiner la faisabilité de l’affectation d’un patrimoine à une activité sans création d’une personne morale, on peut toutefois souligner que l’utilisation rationnelle du droit des sociétés, et notamment l’application de la loi du 11 juillet 1985 instituant l’EURL, permet de résoudre l’essentiel du problème posé. La mission des Chambres des Métiers est d’assurer par un minimum de pédagogie la formation des candidats à l’installation artisanale. Cette formation devrait comporter un minimum de notions de droit et de comptabilité. Elle pourrait être complétée –ce qui existe parfois- par une aide au choix de la forme juridique à utiliser, et par une mise en ligne des formalités à accomplir, qui pour une EURL sont réduites à la plus simple expression, si l’on veut bien ne pas y ajouter une complexité inutile.

Au Tribunal de Commerce de Paris, le Greffe permet la création d’une EURL sous quarante huit heures dès lors que les statuts sont déposés. Il se trouve qu’aucune pédagogie favorisant l’EURL n’a été faite depuis la publication de la loi de 1985.

Or, une EURL peut se faire sans capital minimum, elle peut avoir son siège au domicile de l’associé unique, sans désormais l’exigence d’un bail commercial ; elle peut être domiciliée dans les bureaux d’une autre entreprise ou même dans les bureaux d’une société de domiciliation. Enfin, l’article L.210-2 du Code de Commerce impose que soient seulement indiqués dans les statuts, outre la forme, la durée, le siège, l’objet et le montant du capital, la raison sociale choisie et l’évaluation de l’apport en nature, s’il existe.

Mais cette simplification des formalités du droit des sociétés reste largement ignorée ; les derniers débats parlementaires lors de la loi sur la modernisation de l’économie l’ont une fois de plus montré. En effet, les mêmes demandes ont été faites et les mêmes amendements déposés que lors de la discussion de la loi Jacob-Dutreil sur les PME ou de la loi Breton sur la confiance et la modernisation de l’économie. Or, ces textes contiennent justement les dispositions simplificatrices du droit faites pour faciliter la création d’entreprises. Il est parfois étonnant de constater qu’il y a peu de liens entre l’effet et la cause et que l’objet du texte est oublié par le législateur lui-même.

4- Pour que l’affectation d’un patrimoine à une activité soit bien la solution à un problème incontestablement existant, encore faut-il que les formalités soient plus simples et plus efficaces que celles nécessaires à la création d’une personne morale réalisant cette séparation du patrimoine.

Il est certain qu’un entrepreneur individuel, commerçant ou artisan, simplement inscrit au Registre du Commerce ou au Répertoire des Métiers, engage la totalité de son patrimoine dans son activité et parfois sans en avoir une très claire conscience. Peu d’entrepreneurs individuels usent de la faculté de rendre insaisissable l’immeuble dans lequel ils résident et dont ils ont la propriété. Une défaillance professionnelle peut donc signifier la ruine de l’entrepreneur et de sa famille.

Or, cette défaillance ne provient pas simplement de risques exagérés, d’erreurs ou de faute de gestion qui doivent être assumés, mais aussi d’évènements sur lesquels l’entrepreneur a peu de prise.

C’est le cas des entreprises de sous-traitance qui dépendent de leurs donneurs d’ordre dont la solvabilité est mise en cause ou qui rompent leurs contrats. C’est le cas des entreprises qui doivent faire face à l’insolvabilité d’un client, à un événement accidentel ou plus simplement à l’interruption de l’accès au crédit soit parce que l’entreprise a une croissance trop rapide et que ses besoins de financement liés aux investissements nécessaires ne sont plus trouvés, soit parce que les comptes de l’entreprise n’offrent pas aux banques les ratios nécessaires à l’obtention d’un crédit, qui risquent d’ailleurs, vu les circonstances actuelles, de devenir une denrée rare !

Certes, là encore, le droit commercial a fait des progrès récents et la loi « de sauvegarde des entreprises » a créé des outils pour mieux mettre à l’abri l’activité économique, mais les commerçants et les artisans ne sont pas toujours informés des procédures qui seraient susceptibles de les mettre sous protection de justice et qui ont plutôt tendance à les alarmer ! Cette fragilité des petites entreprises très faiblement capitalisées constatée par le nombre de défaillances rend également fragile l’ensemble du patrimoine de l’entrepreneur, et donc sa sécurité matérielle et morale et celle de sa famille.

On comprend, dès lors, que la limitation de sa responsabilité soit pour lui un sujet essentiel. Créer de nouveaux instruments de cette limitation peut sembler tentant, pour autant qu’ils n’apparaissent pas plus complexe que ceux existants déjà.

L’affectation du patrimoine à une activité peut donc être envisagée pourvu que cette affectation soit simple, et sa simplicité est parfois difficile à faire vivre.

5- L’affectation d’un patrimoine à une activité peut apparaître comme un facteur de sécurité et de limitation du risque entrepreneurial. (…)

6- Peut-on, en droit, permettre d’affecter des biens à une activité professionnelle et opter pour une fiscalité reposant sur une comptabilisation de ces activités ?

La société n’est pas la seule technique d’organisation de l’entreprise, mais la personne morale, elle est évidemment le meilleur outil pour affecter des biens, des capitaux, des droits et des obligations à une activité déterminée par son objet.

Peut-on affecter des biens, des capitaux, des droits à une activité sans créer une personne morale mais en les isolant dans son propre patrimoine ?

En droit, la question a été largement débattue. Certes, le principe de l’unicité du patrimoine semblait assez bien ancré en droit français qui a longtemps répugné à l’idée qu’une universalité de droits ou d’obligations ne soit pas attachés à une personne. La théorie de l’unicité du patrimoine a été développée au XIXème siècle à partir d’une interprétation de l’ancien article 2092 du Code civil qui dispose « quiconque s’est obligé personnellement est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir ». Messieurs Aubry et Rau ont défini alors le patrimoine comme « l’ensemble des biens d’une personne envisagé comme formant une universalité de droits ». Selon eux « l’idée du patrimoine se déduit directement de celle de la personnalité ». Le patrimoine serait ainsi, comme la personnalité, une et indivisible. Cette thèse a longtemps été admise par la jurisprudence et enseignée dans nos facultés. Laissés en tête du Livre quatrième du Code civil « Des sûretés » créé par la réforme du 23 mars 2006, les articles 2284 et 2285 du Code civil ont repris sans changement les anciens articles 2092 et 2093 créant le gage général.

Ce droit de gage constitue simplement la norme à laquelle toute sûreté déroge, et la réforme de mars 2006, modernisant les sûretés du droit français, en a augmenté l’autonomie et la diversité.

En effet, le lien entre la personne et l’universalité des droits correspond de moins en moins à la réalité économique et sociale. Il y a bien longtemps que le droit anglo-saxon, comme d’ailleurs de nombreux droits continentaux, ont reconnu une existence propre à un ensemble de biens (…)..

Mais très tôt, la thèse d’Aubry et Rau a été combattue. Il suffit de constater qu’un patrimoine peut exister sans l’existence d’une personne … et notamment au décès de cette dernière. Certes, selon le vieil adage « le mort saisit le vif », mais l’acceptation d’une succession sous bénéfice d’inventaire fait qu’un patrimoine existe avec ses droits et ses obligations avant d’être intégré au patrimoine des héritiers, ou à défaut avant d’être liquidé. Accepté sous bénéfice d’inventaire par l’héritier, le patrimoine du défunt reste le gage des créanciers puisque l’héritier n’est tenu de ses dettes que dans les limites de l’actif successoral. Dans ses « Leçons de droit civil », le Professeur Michel de Juglart reprenant l’oeuvre d’Henri, Léon et Jean Mazeaud écrit déjà en 1965 (5ème édition, 1er volume, p. 325) : « il serait souvent souhaitable qu’un commerçant puisse n’affecter à son entreprise qu’une masse de biens déterminée de façon à préserver pour la sécurité de sa famille une fraction de son capital contre les risques d’une faillite », et il ajoutait « du moment que des biens sont affectés à un but particulier, ils forment nécessairement un tout qui doit pouvoir vivre une vie juridique commune ». (…)

Cela signifie que l’on peut parfaitement affecter une masse de biens, un ensemble de droits et d’obligations à un but déterminé, et ce but déterminé peut parfaitement être une activité économique.

Dès lors, la théorie d’Aubry et Rau qui est elle-même datée ne constitue pas un principe supérieur de droit auquel le législateur ne pourrait pas déroger. Il est cependant évident que la création d’un droit permettant d’affecter une partie d’un patrimoine à une activité nécessite la modification de l’article 2284 du Code civil puisque l’obligation de l’entreprise est bien celle personnelle de l’entrepreneur. Il conviendrait d’écrire « Sauf affectation spéciale d’une partie du patrimoine à une activité, quiconque est obligé … ».

Une autre solution pourrait consister à doter l’activité d’une personnalité à laquelle on rattacherait les éléments du patrimoine transférés par l’entrepreneur (…). Cette nouvelle entité ressemblerait alors étrangement à une personne morale. La différence avec une EURL serait très faible si ce n’est que les règles d’une société commerciale ne seraient pas automatiquement applicables.

Certains auteurs, comme Maître Frédéric Roussel, défendent la création de l’entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL) ( Semaine Juridique, n° 37, 12 juin 2008) (…)

7 – Vers la création d’un patrimoine affecté à l’entreprise

L’entrepreneur va dédier à son activité un ensemble de moyens, matériels et financiers, qui constitueront le patrimoine professionnel de l’entreprise défini par son objet.

Dès l’abord se pose la question de savoir si le patrimoine rattaché à l’activité, et qui sera comptablement décrit dans le bilan et les comptes de résultat, devient indépendant de celui de son fondateur sans plus de lien avec la personne, ou s’il s’agit pour la même personne de posséder deux patrimoines, l’un personnel et l’autre professionnel.

(I) L’entreprise individuelle à responsabilité limitée

La question n’est pas simplement théorique puisque va se poser la question de la propriété. Si le patrimoine dépend de l’activité, et non plus de l’entrepreneur ou du fondateur, on invente un nouvel être juridique que certains qualifient « Entreprise individuelle à responsabilité limitée ».

Cet être nouveau va être susceptible d’être propriétaire d’un immeuble, d’un fonds de commerce, de matériel, et il va être débiteur d’obligations vis-à-vis des tiers. On ne voit pas ce qui le distingue alors d’une personne morale, sauf que la loi pourrait préciser que cette entreprise n’a pas la personnalité morale ; elle est une universalité titulaire de droits et d’obligations, susceptible d’être propriétaire.

Il conviendra donc de faire en sorte que les tiers et les cocontractants, qu’ils connaissent son objet et ses capacités financières, soient parfaitement informés de la personne avec laquelle ils contractent.

En conséquence de quoi, il conviendra de l’immatriculer au registre du commerce ou au répertoire des métiers, en précisant son objet, son siège, sa raison sociale, le montant et la nature des apports, sa création devra faire l’objet d’une annonce légale. Elle devra tenir une comptabilité régulière conforme au plan comptable, que ce soit le plan comptable général ou le plan comptable particulier à une activité s’il existe. (…)

On se rend compte très vite que les tenants de l’EIRL ne font que réinventer l’EURL à laquelle ils aboutissent si l’on dote l’EIRL de la personnalité morale et que l’on copie si l’on conserve simplement l’universalité des biens attachés à une activité.

En pratique, les formalités seront les mêmes, ou tout au moins comparables, et la sanction du non-respect de la forme sera l’inexistence de l’affectation du patrimoine, et donc le retour au droit commun.

(II) L’entrepreneur à patrimoine affecté

C’est donc vers la séparation du patrimoine de l’entrepreneur qu’il convient de revenir. La loi doit affirmer clairement qu’une personne peut avoir plusieurs patrimoines affectés à des buts différents. C’est ce que fait le droit allemand. Michel de Juglart affirmait « C’est vers cette notion de patrimoine d’affectation, de patrimoine existant comme universalité dès qu’il est destiné à un but que devrait résolument se diriger notre droit » (Leçons de Droit civil – déjà cité). Et il ajoute « Dans le système français, la personne domine le droit : on ne conçoit pas un droit dont une personne ne serait pas titulaire. D’aucuns hésiteront donc à adopter la conception qui est celle du droit allemand, d’un patrimoine sans maître, et par suite de droits n’ayant pas une personne pour titulaire » … « il est en tout cas une réforme qui s’impose, celle du cloisonnement ou de la division du patrimoine : les droits dont une personne est titulaire doivent pouvoir constituer des masses de biens distincts … ».

Le statut de l’entrepreneur à patrimoine affecté serait justement cette réforme. L’entrepreneur serait propriétaire de deux patrimoines : le patrimoine général et celui spécialement affecté à l’exercice de son activité professionnelle.

(1) L’affectation du patrimoine passe évidemment par une déclaration au Registre du Commerce ou au Répertoire des Métiers, voire au Registre de la propriété foncière, et à une publication légale, de façon à le rendre opposable aux tiers.

(2) L’entrepreneur sera propriétaire des biens affectés à l’objet de l’entreprise qu’ils soient meubles ou immeubles.

(3) L’entrepreneur établira une comptabilité retraçant les activités de l’entreprise, bilan et compte de résultats annuels conformes au plan comptable.

(4) Les créanciers auront pour gage les actifs de l’entreprise tels qu’ils apparaissent à l’origine dans la déclaration puis tels qu’ils sont ensuite retracés dans les bilans.

(5) L’entrepreneur sera soumis sur le plan fiscal à un régime réel d’imposition normal ou simplifié (BIC, BNC, BA) à moins que le législateur décide de lui appliquer le régime dont bénéficie aujourd’hui l’EURL.

(6) La responsabilité financière de l’entrepreneur sera limitée à l’actif du patrimoine affecté ; en cas de défaillance, seul le patrimoine affecté constituera le gage des créanciers, sauf évidemment faute de l’entrepreneur conformément au droit commun.

La difficulté sera de prévoir une déclaration simple d’affectation de patrimoine. Il sera nécessaire pourtant de publier le nom de l’entrepreneur, son adresse, l’objet de son activité, la nature et la consistance des biens affectés, puis ensuite chaque année, rendre public les comptes de façon à ce que les tiers puissent connaître l’évolution du patrimoine affecté puisqu’il s’agit de leur gage. (…)

CONCLUSIONS

1. La séparation du patrimoine de l’entrepreneur individuel pour mettre à l’abri son patrimoine familial et lui assurer une certaine sécurité est une idée ancienne.

2. Le législateur en créant l’EURL (entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée) en 1985 avait cru apporter la solution. Cette formule en créant une personne morale à laquelle l’entrepreneur apporte le patrimoine nécessaire à son activité, réalise juridiquement une séparation efficace. Elle crée cependant deux patrimoines distincts liés à deux personnes différentes, une personne morale et une personne physique.

3. L’EURL n’a pas connu le succès espéré et malgré une récente progression, n’apporte pas, sans doute pour des raisons culturelles, la réponse attendue.

4. Différentes propositions de séparation du patrimoine ont été faites. Il apparaît qu’il n’existe pas de principe supérieur de droit s’opposant à la séparation d’un patrimoine, et à l’affectation d’une partie d’un patrimoine à une activité. Le législateur peut donc créer une telle séparation, ayant pour conséquence qu’une même personne aura plusieurs patrimoines.

5. Lier une partie du patrimoine à l’activité pour inventer une EIRL reviendrait à créer une personne distincte de l’entrepreneur et reviendrait pratiquement à l’EURL si décriée.

6. La solution semble être la création d’un Entrepreneur à patrimoine affecté instaurant un double patrimoine pour une même personne. Si ce statut était créé, il conviendrait d’examiner plus en détail son effet sur les régimes matrimoniaux, l’accès au crédit ainsi qu’une fiscalité adaptée.

DOCUMENT 2 : Com. 4 octobre 1994

LA COUR : - Attendu qu'il résulte des énonciations du premier des arrêts attaqués (CA Riom, 18 mars 1992) que, par acte du 11 janv. 1974, les époux Celle, « boulangers à Araules », Reconnaissaient avoir reçu de Mme Georges Navant, minotier, la somme de 20 000 F à titre de prêt et s'engageaient à la lui rembourser avec intérêts le 11 janv. 1975 ; que, le 24 juill. 1990, MM. Paul et André Navant, en qualité d'héritiers de Mme Navant (les consorts Navant), ont assigné les époux Celle devant le tribunal de grande instance pour obtenir le remboursement de ce prêt ; que, par jugement du 20 déc. 1991, le tribunal a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par les époux Celle au profit de la juridiction commerciale, au motif notamment que Mme Celle n'avait pas la qualité de commerçante ;

(…)

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche : - Vu l'art. 631 c. com. ; - Attendu que, pour statuer comme il a fait, l'arrêt ne se prononce pas sur la qualité d'institutrice de Mme Celle, invoquée par les consorts Navant ; - Attendu qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher si Mme Celle n'exerçait pas de manière habituelle une autre activité que celle de commerçante, exclusive de celle-ci, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Par ces motifs [...], casse [...] renvoie devant la Cour d'appel de Bourges.

THEME 6

LE FONDS DE COMMERCE (1)

Nature et éléments constitutifs

1. La nature du fonds de commerce

Documents 1 et 2 : Com 12 novembre 1992 et 16 février 1993, RTD com 1993.285, obsv. J. DERRUPPE

1. Zoom sur deux éléments constitutifs du fonds de commerce

1. le nom commercial

Document 3 : Cass. Com 27 février 1990, JCP 1990 II 21545 note POLLAUD-DULLIAN (non reproduite)

Document 4 : Cass. Com 6 mai 2003, D. 2003.2228, note G. LOISEAU (non reproduite)

1. La clientèle

Document 5 : clientèle et commerçant satellite

Cass. Civ 3ème, 19 mars 2003, D. 2003.973, note Y. ROUQUET

Documents 6 et 7 : clientèle et réseaux de distribution

Com 27 février 1973, 2 espèces, D. 1974, jur. 283, note J. DERRUPPE (non reproduite) 

Cass. Civ 3ème 27 mars 2002, D. 2002.2400, note H. KENFACK

Exercices :

1. résoudre les cas pratiques suivants :

A. M. DUCROS exploite une activité de vente d’épices pour laquelle il est très connu, en France comme à l’étranger. Il décide de se lancer dans de nouvelles activités : il souhaite commercialiser des DVD de recettes de cuisine régionales à base d’épices. Pour ce faire il veut fonder avec des amis une société dont la dénomination serait DUCROS EPICEAL. Un des amis sollicité par M. DUCROS est un biologiste qui travaille plus particulièrement sur le développement de recettes de soins cosmétiques à base de plantes.

Il vient vous consulter et vous pose les questions suivantes :

- la société peut-elle s’appeler DUCROS EPICEAL ?

- la société pourrait-elle par la suite déposer la marque DUCROS COSMEPICE pour commercialiser des recettes de produits cosmétiques à base d’épices ?

B.Mlle INES exploite un local bien situé à Lille dans lequel elle vend des accessoires de toilette anciens. Elle souhaite diversifier son activité. Elle décide de solliciter les musées privés de Lille et de la Région pour installer des petites boutiques dans lesquelles elle vendrait ses bouteilles et même des accessoires de maquillage anciens. Un Musée privé, La Piscine de Roubaix, est particulièrement intéressé. Le responsable a pris contact avec Mlle INES et lui a remis un document assez détaillé : la boutique serait installée dans un local loué à Mlle INES pour une duré de 9 ans – le local est situé dans une galerie d’accès au Musée – Mlle INES pourrait choisir le jour de fermeture de la boutique et les horaires – elle serait responsable du paiement de ses charges – elle serait néanmoins tenue au moment des grandes expositions d’ouvrir aux horaires du Musée Mlle INES vient vous consulter pour savoir si elle pourrait bénéficier du statut des baux commerciaux. Vous répondrez de manière argumentée et détaillée.

1. En vous appuyant sur les arrêts reproduits dans les documents 4 et 5, exposer de manière détaillée les solutions retenues et expliquer de manière argumentée si les différences constatées du point de vue du rattachement de la clientèle ente la situation du locataire gérant de station service (espèces de 1973) et du franchisé (arrêt de 2002) vous paraissent justifiées. Pour résoudre cette question, chaque étudiant devra avoir cherché les définitions de la location gérance (synonyme : gérance libre) et de la franchise (synonyme : contrat de franchisage) dans un dictionnaire de vocabulaire juridique et apporter le texte de l’art. L 145-1 al 1er Ccom.

Conseil de lectures complémentaires :

1. J. DERRUPPE, « Le franchisé a-t-il encore une clientèle et un fonds de commerce ? », AJPI (Actualité Juridique de Droit Immobilier – revue disponible sur le site Dalloz) 1997, p. 1002

1. J. DERRUPPE, « L’avenir du fonds de commerce et de la propriété commerciale », Mélanges Terré, Dalloz-Litec 1999, p. 577

1. B. BOCCARA, « Fonds de commerce, le renouvellement des concepts (en marge des droits des franchisés », D. 2000.15.

1. G. PARLEANI, « Après Bordas et Petrossian, Ducasse : précisions sur les d