Le Pakistan, acteur ambigu du Moyen- Orient€¦ · Une tension entre système politique hybride et...
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Boris Garcia 04 novembre 2016
Le Pakistan, acteur ambigu du Moyen-
Orient
Master 2 « Expertise des conflits armés »
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Monsieur Louis Gautier
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Introduction ........................................................................................................ 2
Une tension entre système politique hybride et appartenance à la nation pakistanaise qui met à mal la consolidation d’une unité nationale ................ 5
A. Les fondements et la structure étatique du Pakistan révèlent des fragilités internes, sources d’ambiguïtés profondes ......................................................... 5
B. Une emprise des militaires sur le pouvoir politique qui mène l’armée à dicter son propre agenda politique .................................................................... 8
La volonté du Pakistan à demeurer un acteur indispensable induit une ambivalence entre défense des intérêts vitaux et promotion idéologique .... 10
A. Une lutte contre le terrorisme au gré des connivences, soutiens et alliances ......................................................................................................................... 10
B. Les tentatives d’être un acteur fort du Moyen-Orient se trouvent aujourd’hui confrontées à une redéfinition des cartes dans la région ............. 13
Conclusion ........................................................................................................ 15 Bibliographie .................................................................................................... 18 Annexes ………………………………………………………………………. 19
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Introduction
Le dernier attentat perpétré dans un collège de police dans la province de Quetta au Pakistan
succède à une longue série d’attentats meurtriers. Revendiqué à la fois par l’état islamique et
les Talibans, cet attentat révèle les limites et les conséquences d’un double jeu permanent de
la part du Pakistan. Pays au carrefour du Moyen-Orient, du sous-continent indien, de l’Asie
centrale et de l’Asie du Sud-est, sa géographie consacre, au rythme de l’histoire, son potentiel
stratégique ainsi qu’une ambiguïté naturelle. La partition de l’Inde (cf. annexe 1) conduit le
14 août 1947 à la fondation du Pakistan caractérisé plus tard - par la constitution de 1973 -
comme république islamique, fédérale, démocratique et parlementaire. L’identité musulmane
remonte à l’an 712 lorsque des musulmans s’installent en Inde, dans la région du Sind. Par la
suite l’invasion mongole au XVIe siècle mène à la domination musulmane de l’Inde. Bien
avant sa création, ce sont deux visions qui s’opposent, celle des intellectuels du Mohammedan
Anglo Oriental College1 crée en 1877 à l’origine de la ligue musulmane créée en 1906 et celle
des fondamentalistes du séminaire de Deoband. D’une part l’idée d’État-nation de l’autre
celle d’État islamique tendant vers un islamisme transnational. Ce sera finalement sous
l’impulsion du leader Muhammad Ali Jinnah premier gouverneur général, promettant un
certain multiculturalisme et une intégration des minorités religieuses que naîtra le Pakistan
comme État indépendant. De cette indépendance, l’Inde, deviendra le frère ennemi. Trois
guerres (1947, 1965, 1971) viendront nourrir cette adversité menant à l’acquisition mutuelle
de la bombe nucléaire. Derrière cette rivalité autour du Cachemire ou encore derrière la perte
du Bangladesh (cf. annexe 2) et la défense de la ligne Durant avec l’Afghanistan se cache la
crainte d’une remise en question de l’intégrité territoriale du Pakistan, « une nation, une
langue, un État». Cela encouragera une stratégie d’influence à Kaboul pour en tirer des
profondeurs stratégiques. Ainsi, l’Inde, en tant que plus grande menace polarise toute
l’orientation stratégique du Pakistan. Malgré une supériorité militaire manifeste, le Pakistan
réussit à tenir en respect son ennemi de toujours. Néanmoins, mosaïque de réalités et
d’ethnies2, cet État fondé sur l’identité musulmane peine à se construire une unité. Au cœur
d’un axe de crises, de conflits et d’identités multiples, le Pakistan, en proie à de nombreux
putschs militaires, ne parvient pas à trouver sa place. La volonté d’être un acteur majeur du 1 Devenu une l'Université musulmane d'Aligarh. 2 Les quatre principales étant les Penjabis, Sindhis, Baloutchis, Pachtounes.
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Moyen-Orient, défenseur de l’Islam et des autres pays musulmans se trouve confrontée à une
donne géopolitique dont il est prisonnier et qui vient dicter ses intérêts et ses solidarités. Les
tensions sectaires, sociales et politiques auquel il fait face n’ont fait qu’exacerber ses
fragilités. Malgré cela, le Pakistan, caractérisé par une dualité qui lui est propre parvient à se
maintenir. «Le syndrome pakistanais» 3 se vérifie à travers une instabilité permanente
contrebalancée par un certain équilibre. Cette capacité à demeurer un acteur stratégique et un
partenaire dont la stabilité importe a eu pour cheval de bataille des ambiguïtés multiples.
Cependant, il est d’usage de considérer, au travers de cette notion d’ambiguïté celle
d’intentionnalité. La dualité, l’ambivalence du Pakistan découle d’une part d’une certaine
nécessité face à sa géographie, ses enjeux et ses défis, d’autre part d’une volonté voire d’une
stratégie définie, mais aussi de dynamiques intrinsèques à la société pakistanaise. La
vulnérabilité du pays induit un comportement qui amène le Pakistan à se positionner comme
acteur indispensable. C’est à travers un réalisme presque absolu que le pouvoir d’Islamabad
conduira dans un même temps, alliances stratégiques, guerres régulières et guerres
asymétriques. De plus, il est important de rappeler que sa réalité géographique ambiguë ainsi
que sa langue et sa culture, en d’autres mots, sa non-arabité en fait un acteur quelque peu à
part au Moyen-Orient. Par ailleurs, dans notre propos, et malgré des différences culturelles en
occident, le Moyen-Orient sera considéré dans son concept britannique4, avec une connotation
stratégique sans se réduire aux seules questions militaires.
Ces éléments nous permettront de nous demander en quoi la somme d’ambigüités qui
caractérise le Pakistan fragilise la mise en place d’un État stable et d’une unité nationale
cohérente ? Pour cela, nous verrons que la tension entre un système politique hybride et
l’appartenance à la nation pakistanaise fragilise l’unité nationale et que la volonté du Pakistan
à demeurer un acteur indispensable conduira à une ambivalence entre défense des intérêts
vitaux et connivences idéologiques avec l’islamisme radical.
3 Expression employée par Christophe Jaffrelot dans son livre Le syndrome pakistanais. 4 Notion de Moyen-Orient introduite par les Anglo-Saxons au début du XXe siècle pour traduire l'espace allant de la mer Rouge à l'empire Britannique des Indes. Après la chute de l'Empire ottoman, y fut adjoint l'ensemble des pays arabes.
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I-‐ Une tension entre système politique hybride et appartenance à la nation pakistanaise qui met à mal la consolidation d’une unité nationale
La complexité du Pakistan révèle des fragilités internes au pays. En effet malgré la volonté de
fonder un État uni et fort, les réalités s’avèrent différentes. Les tensions issues d’identités et
revendications multiples sont attisées par un fondement et une structure étatique dans lesquels
le pouvoir politique est monopolisé par l’armée.
A. Les fondements et la structure étatique du Pakistan révèlent des fragilités internes, sources d’ambiguïtés profondes
L’islam représente au Pakistan un facteur auquel on s’identifie. Néanmoins, cela ne suffit pas
à consacrer l’unité pakistanaise. Dans le passé, ce n’est que dans les années 1940 que la Ligue
musulmane parvient à rassembler les régions du Pendjab, du Bengale, du Sind, du
Baloutchistan et la province du Nord-Ouest. Ralliement qui ne se fera pas sans des promesses
d’autonomies par ailleurs refusées à l’indépendance du pays. Cette imbrication d’ethnies liée
à la négation de leurs particularismes par le pouvoir pakistanais vient mettre à mal l’unité tant
désirée. Il est difficile pour la population de se trouver une identité dans un système politique
qui oscille entre fédéralisme et centralisme. De plus, après l’indépendance, la domination de
la Grande-Bretagne à Karachi sur l’économie et le politique n’apaise pas les discordes du
sous-continent. L’organisation politique actuelle dont a hérité le Pakistan est extrêmement
complexe et ambiguë. Composée d’une capitale fédérale, Islamabad, de quatre provinces, le
Penjab, le Khyber Pakhtunkhwa, le Sind et le Baloutchistan et de zones définies par un statut
juridique particulier, les zones tribales et le Cachemire, le Pakistan est en proie à une gestion
délicate du pouvoir. Les zones tribales sont séparées en «zone tribale sous administration
fédérale» où s’applique le code pénal colonial puis en «zones tribales sous administration des
gouverneurs de provinces» (cf. annexe 3). Ces différentes zones créent par leur aspect
juridique, des citoyens de seconde zone. Des tensions se cristallisent autour d’un pouvoir
exécutif et législatif à deux niveaux, l’un au niveau du centre et le second au niveau des
provinces. La méfiance dont fait preuve le pouvoir fédéral envers ces provinces ne donne pas
de gages de détente. L’idée d’un État central fort est marquée par l’autorité des gouverneurs
des provinces, un gouvernement fédéral et une bureaucratie militaire qui tente de consolider
l’unité nationale. Cette notion d’État fort, d’État-nation, tant promue par les leaders
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pakistanais se retrouve en porte à faux avec les réalités observables. L’incapacité à réussir une
intégration des diversités tant ethniques que linguistiques se traduit par leur caractérisation
comme menaces à l’intégrité territoriale. D’autant plus que les non-musulmans se voient
attribuer des droits différents. Cette gestion politique ambiguë, aléatoire et dépendante au
contexte empêche la stimulation du sentiment d’appartenance à la nation. De plus
l’intégration et l’unité du pays sont confrontées à une représentation politique très inégalitaire.
Le Pendjab, avec 55,6% de la population se trouve en position de quasi-monopole tant dans sa
présence dans les institutions que dans la part de la redistribution des richesses qu’il perçoit de
l’état central. Ainsi, d’une part, les enjeux auxquels est confronté le Pakistan à la suite de son
indépendance focalisent sa politique sur les menaces quant à son intégrité territoriale tandis
que d’autre part la mise en place de rapports de dominations politiques et sociales entre les
ethnies sont à l’origine de méfiances et tensions. Encore aujourd’hui, après de nombreuses
fractures internes, c’est sous la forme de clans que va s’organiser la vie politique. Des
structures féodales régissent le fonctionnement du pouvoir. Ainsi la notion de citoyenneté,
valeur centrale dans la notion d’État-nation est mise à mal. La violence politique ne permet
pas de concrétiser l’unité malgré une réelle rhétorique nationaliste. La difficile intégration de
la diversité des ethnies, leur mauvaise représentation dans les institutions ou encore la
méfiance réciproque n’est pas la seule source d’ambiguïté d’un système politique qui hésite
entre centralisme et fédéralisme. En effet, le phénomène religieux, pour certains source de
cohésion, est nuancé par les différentes visions qu’ils entraînent. À travers les tenants du
séminaire de Deoband, comme nous l’avions dit précédemment, c’est l’idée d’un islamisme
transnational qui transparaît. Cette identité particulière qui remet en cause la notion même
d’État-nation doit s’observer au prisme du système politique pakistanais. Les tensions et les
méfiances ont favorisé les tendances à la remise en question de l’État-nation et de sa
légitimité. Les différentes années d’exercice du pouvoir ont exacerbé les idéologies
originellement ancrées dans les fondements du Pakistan. Aujourd’hui, les jeunes se socialisent
à travers de nouveaux canaux. En cela, l’État-nation est minimisé en même temps que
l’appartenance nationale. L’identité musulmane est mise en avant au détriment de l’identité
pakistanaise. L’Islam comme facteur d’unité montre aujourd’hui toute son ambiguïté dès lors
qu’on y inclut un système politique hybride. Les cadres ne sont plus les mêmes dans un pays
ou la moyenne d’âge est de 23 ans. Le débat sur ce que doit être l’Islam au Pakistan n’est pas
encore terminé. Influencée par une vision de l’Islam plus rigoriste, une partie de la population
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civile se radicalise. La montée des violences envers les minorités religieuses en est
l’illustration. A nouveau cette islamisation de la société pakistanaise et de son imaginaire doit
être abordée à travers l’inefficacité des gouvernements successifs à répondre aux attentes de la
population. Par ailleurs, le pouvoir politique manque d’objectifs clairs et définis sur le long
terme. L’absence de réaction quant à cette radicalisation attise les violences identitaires et le
sentiment de rejet. L’opportunisme reste de mise dans ce système politique hybride.
L’ambiguïté quant aux buts poursuivis est loin d’être un facteur de réduction des tensions. On
observe au Pakistan des vagues d’autoritarisme auxquelles se mêlent des périodes
démocratiques, notamment avec le 18e amendement de la constitution. Cette alternance se fait
au rythme des évolutions géopolitiques sans vision à long terme. Néanmoins, il convient de
nuancer ce constat. Bien que les fragilités soient nombreuses et les dérives grandissantes, le
«syndrome pakistanais» s’observe toujours. L’équilibre du pays repose sur un agencement
complexe des différents pouvoirs. La Cour suprême s’oppose à la corruption des détendeurs
du pouvoir politique. Bien différent des autres fonctionnements étatiques des pays du Moyen-
Orient, le Pakistan s’acquitte de contre pouvoirs non négligeables. Le verdict de la cour
suprême rendant l’ordonnance de réconciliation nationale5 non constitutionnelle témoigne de
cet équilibre.
Ainsi dans un système politique hybride qui oscille entre fédéralisme et centralisme, la
mauvaise intégration politique de la diversité ethnique rend difficile l’apparition d’un
sentiment d’appartenance à la nation. La méfiance du pouvoir fédéral et sa violence politique
nient la notion de citoyenneté. S’ensuit une minimisation de l’État-nation à travers des visions
de l’Islam bien différentes. Les alternances entre autoritarisme et démocratie attisent les
tensions et le flou autour de l’avenir du pays. Néanmoins, pour saisir de manière plus précise
l’ambiguïté du pouvoir politique il est primordial de considérer la monopolisation de ce
dernier par le pouvoir militaire.
5 Ordonnance promulguée par l'ancien président pakistanais Pervez Musharraf le 5 octobre 2007. Elle avait pour objectif d’accorder une amnistie pour des hommes politiques et des fonctionnaires concernant leurs actes commis durant ce qui correspond à la période entre deux régimes militaires.
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B. Une emprise des militaires sur le pouvoir politique qui mène l’armée à dicter son propre agenda politique
Les armés indiennes et pakistanaises, héritières de la pensée des armées britanniques ont
intégrées la séparation des affaires militaires des affaires politiques. Cependant, les différentes
solidarités au Pakistan et la menace que représente l’Inde ont conduit le pouvoir militaire
pakistanais à s’immiscer dans la vie politique. La notion de sécurité nationale mise en avant,
le pouvoir militaire développe son emprise sur le politique. Simple justification, prétexte ou
paranoïa vis-à-vis de l’Inde, les militaires s’estiment comme les seuls capables de répondre
aux enjeux sécuritaires. Si les trois coups d’État de 1958, 1977 et 1999 témoignent de la
mainmise militaire sur le pouvoir, son influence va bien au-delà. Les phases de
démocratisation portées par des pouvoirs civils n’ont pas réduit le poids des militaires. Ces
derniers se sont très bien adaptés à l’environnement et aux contextes. L’ambiguïté du pouvoir
militaire réside dans son double jeu, mais aussi dans le flou qui règne autour de ses objectifs.
L’image d’un pouvoir civil manipulé par le marionnettiste militaire apparaît. Cependant,
l’idée d’une oligarchie qui défend ses propres intérêts est à nuancer par des variables
sociologiques, des normes institutionnelles aux croyances. Par exemple, certains
comportements, tel que le mépris de la constitution démocratique sont ancrés dans les esprits
des gouvernants militaires. L’apprentissage de ce qu’est la constitution pakistanaise à
l’Université de défense nationale constitue uniquement deux heures d’enseignements. De cela
découle une croyance en la supériorité de l’armée pour assurer la protection de la nation.
Ainsi, la menace de l’Inde et le consentement implicite quant à l’islamisation du pays menée
en partie par Zia-Ul-Haq sont utilisés pour se donner une légitimité. De plus, cette influence
de l’armée se caractérise par une ambivalence entre les élites civiles et militaires. Tandis que
Zulfikar Ali Bhutto commence en politique sous Ayub Khan, Nawaz Sharif se lance grâce à
Zia-Ul-Haq. Ces liens ambigus montrent l’existence d’un establishment civilo-militaire,
membre d’une même classe sociale. S’entremêlent alors sécurité nationale, intérêts
économiques et croyances propres à chacun.
L’armée à donc toujours réduit les marges de manœuvre du pouvoir civil pakistanais. Le chef
d’État major de l’armée de Terre (CEMAT) jouit d’une place prédominante au Pakistan.
Maître de l’agenda politique, il dicte son périmètre de compétences: sécurité intérieure et
politique extérieure. Bien que les coups d’État militaires ne soient plus à l’ordre du jour du
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fait des possibles pressions de la communauté internationale, le chef d’État major de l’armée
de Terre actuel manie très bien sa communication. Raheel Sharif, nommé fin 2013 a su user
des canaux adéquats, notamment les réseaux sociaux pour rendre l’armée populaire et
développer son influence. Cette stratégie volatile consistant à jouer sur plusieurs tableaux
pour défendre des objectifs ambigus n’est pas sans conséquence. La façade démocratique
utilisée pour recevoir des fonds financiers importants ou encore les déstabilisations politiques
par le soutien aux partis d’opposition sont des exemples des stratégies de l’armée. D’autre
part, «État dans l’état», l’Inter-Services-Intelligence, le puissant service de renseignement
pakistanais est l’organe central de la machine militaire du Pakistan. C’est sous Ayub Khan
que l’ISI sera chargé d’organiser la surveillance des partis et Hommes politiques en les
obligeant à soutenir l’agenda politique. Le service a déjà défait la carrière de personnalités
politiques jugées capables de nuire aux intérêts nationaux. L’ISI démontre par ce type
d’action son autonomie et sa capacité d’action, hors du contrôle du gouvernement pakistanais
et même parfois de l’armée. Les tentatives de réguler l’organisation ont été vaines. En juillet
2008, le gouvernement pakistanais a annoncé que l’ISI allait être mis sous la tutelle du
Ministère de l’Intérieur, mais en quelques heures, le gouvernement est revenu sur sa décision.
Selon la constitution pakistanaise, l’ISI est rattachée au premier ministre bien que la grande
majorité de ses officiers vienne de l’armée. C’est donc là que reposent leur fidélité et leurs
intérêts. La subtilité de l’armée à prendre le contrôle des différents outils du pouvoir civil est
d’or et déjà démontrée. Toujours est-il que l’autonomisation du service de renseignement et sa
puissance rendent compte d’une imbrication des rapports de domination, l’armée sur les
gouvernements civils, l’ISI sur l’armée. Avec à chaque fois des objectifs et stratégies
diverses. Un flou persiste sur les allégeances de chacun. Ce monopole du pouvoir militaire sur
le pouvoir politique et sa mainmise sur le Pakistan induit une crise des institutions comparable
dans une certaine mesure à celle vécue dans les régimes autoritaires du Moyen-Orient. Ici,
c’est l’alternance entre autoritarisme et démocratie qui revêt un caractère ambigu alors même
que l’armée n’a eu de cesse d’accroître son emprise sur le pays et les dirigeants politiques
civils. Mais dans quel but? Protéger le pays ou protéger ses intérêts? L’ambiguïté permanente
rend difficile la réponse à cette question. Malgré un discours nationaliste et une ambition pour
le Pakistan, le non-respect des institutions démocratiques empêche le rayonnement du pays. Il
convient de nuancer notre propos ainsi que la toute-puissance du pouvoir de l’armée ou du
moins de son impunité. Le procès de l’ex-président Pervez Musharraf pour «haute trahison»
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atteste d’une capacité du système judiciaire à faire comparaître des responsables politiques.
Tout en déstabilisant le monopole de l’armée sur les affaires politiques ? Rien n’en est moins
sûr.
Au nom de la sécurité nationale et de la défense de l’intégrité territoriale pakistanaise, l’armée
a continuellement tenté, avec succès, d’influencer ou fragiliser le pouvoir politique civil. Au
gré des coups d’État et des politiques de déstabilisation, elle est parvenue à imposer son
agenda politique. Néanmoins, l’objectif de consolider l’unité nationale est questionné par son
action et sa stratégie aux effets contraires. Cette ambiguïté dans le fonctionnement de l’armée
doit aussi être comprise comme une volonté du Pakistan à demeurer un acteur indispensable.
Cela n’est pas sans induire une nouvelle ambivalence entre défense des intérêts vitaux et
promotion idéologique.
II-‐ La volonté du Pakistan à demeurer un acteur indispensable induit une ambivalence entre défense des intérêts vitaux et promotion idéologique
Pays indispensable ne serait-ce que par sa position géostratégique clé, le Pakistan n’entend
pas céder sa place ou se faire dicter quelques ordres que ce soit. C’est par une dualité
hasardeuse que le pays va entreprendre de conserver sa puissance et son influence. Cette
ambivalence s’exercera tant dans la lutte contre le terrorisme que dans sa volonté à être un
acteur majeur au Moyen-Orient.
A. Une lutte contre le terrorisme au gré des connivences, soutiens et alliances
Pour comprendre le double jeu du Pakistan dans la lutte contre le terrorisme il faut dans un
premier temps revenir aux alliances de circonstances érigées dans le passé et les observer au
prisme des menaces structurelles, l’Inde, la remise en cause de la ligne Durant par
l’Afghanistan et sa vulnérabilité économique. Dans les années qui suivent l’indépendance du
pays, le rapprochement avec les États-Unis se réalise du fait d’une convergence d’intérêts.
D'une part, les États-Unis cherchent à contenir le communisme de l’URSS d’autre part le
Pakistan cherche un soutien pour sa survie. La relation avec les États-Unis est intéressante,
car elle permet de mettre en lumière l’ambiguïté du Pakistan dans ses relations extérieures.
Pays quelque peu à part, au centre d’un axe de crises, les alliances ne semblent guidées que
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par des convergences d’intérêts conjoncturelles. Le Pakistan parvient à jouer de ces
alignements d’intérêts pour en extraire des profondeurs stratégiques. Cette attitude verra le
Pakistan entrer en 1954 dans le système d’alliances6 anticommunistes, après qu’en 1947
Muhammad Ali Jinnah, alors chef d’État ait déclaré: «Le Pakistan est une démocratie et le
communisme ne fleurit pas sur le terreau de l’Islam. Nos intérêts sont bien plus semblables à
ceux des deux grandes démocraties que sont la Grande-Bretagne et les États-Unis qu’à ceux
de l’URSS»7. Cette relation va permettre au Pakistan de s’assurer du soutien des États-Unis
face à l’Inde et l’Afghanistan, mais aussi de s’offrir une «impunité nucléaire»8. Après une
période de désintérêt entre 1960 et 1970, le Pakistan va redevenir un allié stratégique au
regard du pouvoir communiste de Kaboul et de l’invasion soviétique. La lutte antisoviétique
et le financement américain du Pakistan ira de pair avec une politique d’islamisation, un
soutien aux groupes insurgés pachtounes et par la suite une instrumentalisation des Talibans
par l’Inter-Services Intelligence. Le Pakistan profite de ce soutien américain pour relancer sa
politique afghane en instrumentalisant la politique extérieure américaine. Dès lors,
l’ambiguïté des raisons de l’alliance avec le Pakistan contribuera à créer un extrémisme
religieux. Les islamistes afghans deviennent utiles et prennent part à la stratégie pakistanaise.
Les grandes puissances ne peuvent pas se désintéresser du Pakistan et le pays le sait. Des
madrasas – écoles religieuses – vont voir le jour dans les zones tribales et vers la frontière du
Nord-Ouest. Le Mollah Omar, futur chef des Talibans étudiera dans une de ces écoles. La
naissance des Talibans n’empêchera pas le Pakistan, dans sa logique de puissance de leur
assurer un soutien continu. L’ISI a pu profiter d’une aide américaine passant de 40 millions en
1983 à 630 millions en 1987. Seulement, les combattants formés et soutenus par le Pakistan
ne s’arrêteront pas après le départ des Soviétiques.
Après le 11 septembre, l’ambiguïté du Pakistan ne cessera pas malgré les pressions
américaines. Bien que la collaboration avec les États-Unis reprenne, les complaisances et le
soutien aux groupes islamistes comme les Talibans et Al-Qaeda restent de mise. La lutte
contre le terrorisme diminue et Islamabad fait preuve de duplicité face à l’administration
Bush. Le président Pervez Musharraf jonglera entre preuves de bonne volonté aux Américains 6 Accord d’assistance mutuelle entre les États-Unis et le Pakistan, intégration de l’Organisation du Traité de l’Asie du Sud-Est puis le pacte de Bagdad en 1955. 7 Ennis Kux, The United States and Pakistan, 1947-2000: Disenchanted Allies, Woodrow Wilson Center Press, Washington; The Johns Hopkins University Press, Baltimore, Londres, 2001, p. 20. 8 Christophe Jaffrelot, La relation Pakistan – Etats-Unis : un patron et son client au bord de la rupture ? , Les Etudes du CERI - n° 187, septembre 2012.
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et tentative de conserver le soutien du peuple avec une complaisance vis-à-vis de
l’extrémisme. Accusé d’avoir caché Oussama Ben-Laden, le pouvoir pakistanais laissera
néanmoins le champ libre aux drones américains. Le Pays, repère d’islamistes fuyant
l’Afghanistan reçoit post-11 septembre une aide militaire et financière considérable.
L’ambiguïté de la lutte contre le terrorisme est caractérisée par le fait que les Talibans et les
autres groupes islamistes radicaux représentent des outils de défense face à l’hégémonie
indienne ainsi que pour développer son influence en Afghanistan. Les mouvements radicaux
répondent alors à deux objectifs; contrôler le jihad du Cachemire et d’Afghanistan en
marginalisant leurs éléments nationalistes au profit des «internationalistes islamiques» basés
au Pakistan et intervenir dans la vie politique pakistanaise. Le pays profitera à nouveau de sa
position géostratégique-clé afin de récolter de nouvelles aides militaires et financières. En
retour, les Pakistanais accéderont, plus ou moins, aux sept demandes des États-Unis
transmises au directeur de l’ISI et à l’ambassadeur de l’époque. Cette stratégie ambiguë du
Pakistan va se confronter à une maturation islamiste dangereuse pour le pays ne servant plus
ses intérêts nationaux. D'une part, le jihad des années 1980 a servi à la fois de modèle, de
couverture et de catalyseurs à tous les mouvements radicaux et d’autre part il a conduit à
l’autonomisation des groupes par rapport au pouvoir d’Islamabad. L’armée et l’ISI se
retrouvent dans une impasse avec d’un côté des pressions américaines pour intervenir dans les
zones tribales et de l’autre le risque de voir les talibans pakistanais se retourner contre le
pouvoir d’Islamabad et exacerber les tensions et affrontements sectaires. Cependant, malgré
des actions militaires contre les insurgés talibans, aucune réelle répression n’a vu le jour quant
aux mouvements radicaux actifs au sein de la société. Par ailleurs, l’ambiguïté entre défense
des intérêts vitaux et promotion idéologique se pose jusque dans les rangs de l’armée malgré
une lutte contre le terrorisme accentuée ces dernières années. En dépit des purges, certains
officiers de l’ISI restent plus sensibles à la cause défendue par les talibans qu’à celle de
l’oncle Sam. L’empathie à l’égard de l’activisme islamiste ne semble pas entièrement détruite.
Ces liens sont issus d’une construction sociétale et politique. Ils touchent l’armée qui comme
nous l’avons vu précédemment monopolise le pouvoir politique de bien des manières.
Frederic Grare, expert de l’Asie du Sud, au sein du think tank Carnegie explique que de
nombreux agents de l’ISI – constitué à 100% de militaires – ont des attaches ethniques et
culturelles avec les insurgés talibans. Ainsi, la diffusion du fondamentalisme islamique
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provient de plus en plus de l’armée pakistanaise. Selon Elie Krakowski9, les officiers
militaires sortent des madrasas plutôt que des collèges nationaux. Par ailleurs, 30% des
officiers de l’armée de terre prétendent être « des militants islamiques et réceptifs aux appels
des partis religieux en faveur d’une révolution islamique au Pakistan»10. L’actuelle menace
que font peser les extrémistes sur le pouvoir d’Islamabad et les récents attentats mène ce
dernier à engager une réelle lutte contre le terrorisme. Déstabilisant avec succès l’Afghanistan
voisin, le Pakistan s’est créé une nouvelle menace à sa stabilité, mais, cette fois, intérieure.
L’ambiguïté du Pakistan et plus précisément de l’armée et des services de renseignements
dans la lutte contre le terrorisme s’observe donc à la lumière d’une dualité entre défense des
intérêts vitaux l’obligeant à se rendre indispensable et promotion, complaisance avec les
idéologies les plus radicales. Malgré tout, la donne géopolitique en mouvement constant a
contribué à faire prendre conscience aux autorités pakistanaises que leur stratégie se retournait
contre eux alors même que l’accession au pouvoir du mouvement taliban ne mettrait pas fin à
la remise en cause de la ligne Durant. Ces difficultés internes expliquent que le Pakistan ait
toujours souhaité être un acteur majeur du Moyen-Orient. Ce lien naturel et stratégique avec
des pays du Moyen-Orient devra s’étudier à travers une actuelle redéfinition des cartes dans
cette région.
B. Les tentatives d’être un acteur fort du Moyen-‐Orient se trouvent aujourd’hui confrontées à une redéfinition des cartes dans la région
«Nous n’avons pas crée le Pakistan pour répandre un peu plus de couleur sur la carte du
monde, mais pur servir l’islam et les musulmans, et pour resserrer les liens de a communauté
musulmane mondiale». Cette phrase prononcée en 1951 par le premier chef du gouvernement
du pays, Liaquat Ali Khan atteste d’un lien fort avec en son cœur la religion. Deuxième plus
grande communauté musulmane après l’Indonésie, c’est vers le Moyen-Orient que des
fidélités vont se nouer. Nous étudierons ici principalement l’Arabie saoudite et l’Iran, tous
deux au centre des problématiques pakistanaises. L’islam en tant que dénominateur commun
au Pakistan et aux autres pays du Moyen-Orient consacre des liens et des rapprochements
9 Chercheur à l’Institute for Afghan Studies 10 Elie Krakowski, « IASPS Research Papers in Strategy », avril 2000, n°9. (http://institute-for-afghanstudies.roashan.com/AFGHAN%20CONFLICT/Analysis/afghan_vortex_iasps_2000.html).
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naturels. Sa position géographique particulière et ambiguë lui a permis de développer une
bombe nucléaire tout en recevant le soutien de l’Iran, de l’Arabie Saoudite et de l’Égypte.
Cette acquisition a servi au pays de ticket d’entrée pour s’inclure dans le Moyen-Orient. La
notion de «bombe islamique» revient souvent pour parler de l’arme nucléaire pakistanaise.
L’état pakistanais et bien évidemment l’armée tirent de cette nouvelle puissance un rôle de
défenseur des pays musulmans. Le danger pour les pays musulmans du Moyen-Orient que
représente Israël accentue la légitimité de ce statut. C’est dans un désir de défendre les plus
faibles face au club nucléaire occidental que le responsable du programme nucléaire
pakistanais, le Docteur Qadeer Khan a mis en place un réseau de prolifération nucléaire. Ce
dernier a livré des technologies vers des pays tels que l’Iran et la Libye. Devenue la doctrine
de la «bombe islamique» avec Hamid Gul, ancien chef des services secrets, cette bombe
nucléaire est malgré tout restée polarisée autour d’un projet national et contre la menace
indienne.
Lors de sa gouvernance, Zulfikar Ali Bhutto va encourager l’émigration des Pakistanais vers
le Moyen-Orient afin d’y de créer une mobilité sociale et insérer le Pakistan de manière plus
prégnante dans l’espace moyen-oriental. Cependant, la pluralité de l’islam dans la région et
les rapports d’influence qui en découle imposent au Pakistan de choisir, partagée entre l’Iran,
le monde arabe et la Turquie. Après la révolution iranienne, l’essor de l’identité chiite vient
s’opposer au l’influence sunnite dans la région. D’une part L’ayatollah Khomeiny souhaitant
exporter sa révolution vers le Pakistan et d’autre part l’Arabie Saoudite préoccupée par
l’endiguement de la poussée iranienne, le Pakistan avec la deuxième communauté chiite du
monde se trouve au milieu d’une guerre froide. Une guerre par procuration va alors se
développer sur le territoire pakistanais. Le poids du soutien du Pakistan à l’Iran lors de sa
guerre contre l’Irak et de la reconnaissance de la révolution iranienne est atténué par
l’islamisation de la société pakistanaise qui exacerbe les tensions et rivalités entre sunnites et
chiites. Les assassinats de chiites par des groupes extrémistes sunnites sont fréquents dans le
pays. Toujours est-il que c’est l’Arabie Saoudite qui se pose comme partenaire fort. Partie
prenante du premier cercle des pays proches, au sens de l’importance qui accorde le Pakistan,
le royaume saoudien s’oppose au second cercle comprenant des pays tels que la Jordanie, la
Syrie et le Yémen. Bien que l’Arabie Saoudite ne soit pas le seul pays de ce premier cercle, le
lien idéologique contribue à un lien politique particulier. Une quasi-dépendance est entretenue
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entre les deux pays, l’un garant financier de la République islamique, l’autre garant de la
sécurité du royaume. Par le biais de formations des armées de la péninsule et une présence
militaire sur le territoire saoudien, le Pakistan reçoit en échange un support financier lui
permettant de surmonter ses vulnérabilités économiques. Le lien avec les autres pays du
Moyen-Orient découle aussi de connexions personnelles liant des chefs militaires politiques
pakistanais au monde arabe et en particulier l’Arabie Saoudite et les Émirats Arabes Unis. Le
Pakistan souhaite s’inclure dans les dynamiques des pays du golfe avec notamment des
investissements réalisés sur le marché de l’immobilier à Dubaï. Il est difficile de parler de
liens de dépendance entre les pays du golfe, l’Arabie Saoudite en premier lieu et le Pakistan.
Bien qu’un lien idéologique fort lie ces pays du fait d’une identité musulmane commune,
leurs relations sont aussi animées par des intérêts propres à chacun. En effet, le Pakistan ne
peut se permettre de faire passer en second plan la menace de l’Inde qui polarise en grande
partie sa politique. La nouvelle donne géopolitique issue de l’essor de l’Iran entraîne le
Pakistan à repenser sa position au Moyen-Orient. Face à un extrémisme qui met en péril la
stabilité intérieure du pays ou encore face à la présence de nombreux chiite sur son territoire
le Pakistan ne peut consentir à un regain de tension avec Téhéran. De plus, le projet de
gazoduc irano-pakistanais et les besoins économiques du pays atténuent une possible prise de
position radicale de la part d’Islamabad. Le refus du Pakistan d’intervenir au Yémen au côté
de l’Arabie saoudite est le signe d’une évolution dans la stratégie pakistanaise. Le pouvoir
ajuste son statut et son attitude au Moyen-Orient pour protéger sa sécurité intérieure. La
montée en puissance de l’état islamique ou plutôt sa capacité à fédérer rend compte d’un
double jeu pakistanais et saoudien qui se voit dépasser par plus radical que lui. La situation
d’incertitude et d’indétermination qui caractérise la géopolitique actuelle du Moyen-Orient
devra être considérée par Islamabad. Conserver une certaine neutralité serait un choix
pertinent pour le pays s’il souhaite conserver l’équilibre ambigu qui lui est propre.
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Conclusion
Loin des théâtres autour desquels se concentre l’actualité, la Pakistan reste un acteur
incontournable du Moyen-Orient. Sa géographie au carrefour de plusieurs mondes se mêle à
une histoire particulière et une identité en constante redéfinition. Autour d’un système hésitant
entre fédéralisme et centralisme les tensions persistent sans que l’islam, facteur d’identité n’en
devienne un d’unité. L’usage du pouvoir politique monopolisé par l’armée et un establishment
civilo-militaire ou militaro-sécuritaire aux objectifs peu clairs privilégiant le court terme a
restreint l’unité nationale. Le non-respect des institutions démocratiques malgré l’existence de
garde-fous, a accompagné la mise à mal de la notion de citoyenneté. Entre un système
politique hybride aux solidarités communautaires et une paranoïa militaire face à l’Inde, le
sentiment d’appartenance à la nation est questionné. L’ambiguïté entre rhétorique nationaliste
niant les particularismes ethniques et stratégie politique empêchent le développement d’un
État fort et stable. De plus, l’obsession stratégique à maintenir le Pakistan comme partenaire
indispensable pour lutter contre l’Inde et le rival afghan a mené le pays vers une dualité
dangereuse. Les passerelles idéologiques avec l’islamisme radical et les alliances contre le
terrorisme ont plongé le pays dans une ambiguïté profonde aux contradictions permanentes.
Le revers de cette stratégie pakistanaise a eu pour conséquence la dégradation de la situation
sécuritaire du pays et une radicalisation de la société. Malgré un ancrage pakistanais vers
l’Inde et l’Afghanistan, le Pakistan a toujours cherché à être un acteur majeur du Moyen-
Orient. Autour de liens forts avec les pays musulmans du Moyen-Orient et en particulier
l’Arabie saoudite, le Pakistan a tenté de se créer un rôle de défenseur et de protecteur des pays
de cette région. D’une part pour des raisons d’identité commune – musulmane – d’autre part
pour pallier à sa vulnérabilité économique. Néanmoins, la redistribution des cartes à l’œuvre
au Moyen-Orient l’oblige à reconsidérer sa position et revoir ses ambitions. Ainsi, les
fragilités internes intrinsèques à la composition ethnique du pays et au fonctionnement de son
système politique sont accentuées par des objectifs de court terme parfois flous et un
comportement ambigu. C’est cette attitude qui a contribué à la détérioration de la situation
sécuritaire et une aggravation des menaces intérieures. Le revirement de stratégie que l’on
semble observer témoigne sans doute d’un changement profond à l’heure où la population
aspire à la paix et la stabilité. Les ambitions du passé n’ont pas été ancrées dans la réalité. Il
faudra pour le futur du Pakistan, qu’Islamabad trouve une stratégie ambitieuse, claire et
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réaliste qui pense le long terme et renforce les institutions démocratiques. Sans cela il sera
difficile d’achever la construction d’un État fort, stable, mais surtout uni.
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ANNEXES : Source : Pakistan : un Etat sous tension », Questions internationales, n°66, mars-avril 2014. Source : Pakistan : un Etat sous tension », Questions internationales, n°66, mars-avril 2014.
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Source : Pakistan : un Etat sous tension », Questions internationales, n°66, mars-avril 2014.