La cigarette (ou) la vie

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MENS : een indringende en educatieve visie op het leefmilieu Dossiers en rubrieken didactisch gewikt en gewogen door eminente specialisten M ilieu- E ducation, N ature & S ociété MENS : une vision incisive et éducative sur l’environnement Approche didactique et scientifique 32 Oct-Nov-Déc 2005 Revue scientifique populaire trimestrielle La cigarette (ou) la vie

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MENS :een indringendeen educatievevisie op hetleefmilieu

Dossiers en rubriekendidactisch gewikten gewogen dooreminente specialisten

M i l i e u -E d u c a t i o n ,N a t u r e &S o c i é t é

MENS :une vision incisiveet éducative sur l’environnement

Approche didactiqueet scientifique

32 Oct-Nov-Déc 2005 Revue scientifique populaire trimestrielle

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Dans le cadre de mon engagement en faveur de la lutte anti-tabac, j’ai décidé de soute-nir la parution de ce numéro entièrement consacré au tabagisme. Sensibiliser les jeunesaux risques liés à a consommation régulière de tabac relève du défi. On sait en effet quepour les jeunes le tabac est a priori associé au plaisir, à la reconnaissance, à la performan-ce... et non aux risques pour la santé. Il existe cependant des thèmes porteurs susceptiblesde toucher les jeunes et de susciter leur réflexion : la dépendance, la manière dont ilssont manipulés, les effets immédiats de la cigarette.

Quiconque aimerait en effet pouvoir maîtriser sa consommation de tabac, or ceci s’avèrepour la plupart impossible en raison du caractère addictif puissant de la cigarette. Les jeu-nes devraient être aux faits des ingrédients contenus dans les produits de tabac afin defavoriser la dépendance ou de masquer le goût, à priori désagréable, du tabac.

Ils devraient également avoir conscience que le tabac diminue les performances physi-ques, donne une odeur de cendrier et délave le teint et les couleurs. Il ne faut pas pourautant passer sous silence les effets à long terme sur la santé. Un fumeur sur deux meurtprématurément des conséquences de son tabagisme. C’est pourquoi il vaut mieux, leplus tôt possible, mettre un terme à la dépendance. La démarche n’est pas simple maiselle en vaut la peine, ne fusse que par les effets bénéfiques immédiats de l’arrêt tabagi-que.

J’espère de tout coeur que ce numéro aidera les jeunes à prendre conscience du caractèredestructeur, certes ambigu, de la cigarette.

Etre insatisfait de sa consommation tabagique est une étape nécessaire au processusd’arrêt.

Je vous souhaite une agréable lecture...

Rudy Demotte

S o m m a i r e

A v a n t - p r o p o s

Milieu, Education,Nature & Société

‘Mens sana in terra sana’

© Tous droits réservés MENS 2005

www.2mens.com

Avec nos remerciements pour les photos et les illustrations :EUMusée du Tabac, WervikK. BruggemanH. Van CraenI. Van Herck

Abonnement annuel par versementau nom de :Corry De [email protected]“revue MENS”Belgique : 18 EUR sur 777-59271345-56Tarif éducatif : 10 EUR

Relations externes :Inge Van Herck0475 97 35 [email protected]

Topic and fund raising :Dr. Sonja De [email protected]

La cigarette (ou) la vie . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3Du médicament à la dope . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4Nicotine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6Dissection approfondie d'une cigarette … . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9Fumer est nocif! Mais à quel point? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10La boîte de Pandore . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12Je ne fume jamais de T, tu fumes parfois des T, nous fumons des T lorsqu'il y en a!. . . . 13Arrêter... un avantage immédiat. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13La publicité? Je n'y prête pas attention. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . 14J'arrête . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15Une sèche... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15

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Des vêtements imprégnés de mauvaises odeurs.Votre petit(e) ami(e) dit de vous qu'il est aussiagréable de vous embrasser que de lécher uncendrier.Le sport? Les performances ne sont plusaussi bonnes qu'autrefois. Votre argent depoche vous file entre les doigts. À en croi-re le paquet même, vous ne passerez pasle cap de vos vingt-cinq printemps en rais-on d'un cancer du poumon. Et vous n'êtes pas seulement un dangerpour vous-même, mais aussi pourquiconque se trouve à proximité devous - ceux que l'on appelle les fumeurspassifs, qui inhalent malgré eux votre fuméede cigarette. Dans le meilleur des cas, vous ne faites qu'empester vos amis non fumeurs. Vous vous demandez pourquoi quelqu'un ose encore s'aventurer dans un rayon de cent mètresautour d'une cigarette. Une partie de la réponse se trouvedéjà dans le précédent numéro de MENS: 'Illusions à vendre',qui traite du phénomène de l'assuétude.

Il est peut être intéressant de se replonger dansces textes. Le présent numéro de MENS a pourthème central le tabac. D'où provient-il? Pour-

quoi tant de personnes aspirent-elles àallumer ces petites feuilles de papier

remplies de cette matière brune? Que res-sent-on au juste lorsqu'on fume et en quoi

cette pratique est-elle malsaine?

Une personne résolument non-fumeuse peutelle aussi en ressentir les inconvénients. Si vous

vous trouvez avec des fumeurs dans le mêmecafé, au bureau ou au restaurant, vous voilà

automatiquement un fumeur passif. Mais quel-le est l'ampleur de ce risque? Et en outre:

comment l'homme en est-il venu à rouler dutabac dans une feuille de papier et à l'allumer?

Et pourquoi le fait de fumer entraîne-t-il unetelle dépendance - une fois que vous êtes

habitué à la cigarette, il est particulièrement difficile de s'arrêter.

Bref, les questions ne manquent pas. Tout un programme.

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Ce numéro de MENS a été composé par Geert Potters

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Du médicament à la dope

On ne sait pas qui eut pour la premièrefois l'idée d'utiliser le tabac comme sti-mulant. Cette personne appartenaitpeut-être à l'une des tribus indiennesd'Amérique centrale ou du Sud, vivantdans la région d'origine du plant detabac, Nicotiana tabacum. Il se peut queces tribus aient découvert par accidentl'action narcotique du plant de tabac,comme souvent dans l'histoire. Cesindiens, qui utilisaient des feuilles detabac séchées pour faire du feu, con-statèrent à un moment donné que lafumée d'un tel feu avait un effet plusqu'agréable sur leur organisme. À terme,les indiens développèrent également desmanières d'inhaler directement la fuméepar le nez. Le plant de tabac avait ainsid'emblée trouvé sa fonction dans lemonde en tant que stimulant par excel-lence. Des illustrations datant de 300 ansaprès Jésus-Christ représentent déjà desMayas en train de fumer (voir couverture).

Le tabagisme ne date donc pas d'hier.

L'un des premiers Européens à être entréen contact avec le merveilleux plant detabac fut Christophe Colomb. Quoi-que… A la recherche des trésors del'Inde (où il pensait à tort être arrivé), iln'avait d'yeux que pour les épices ou lesmétaux nobles, et pas pour ces étrangesmatières végétales comme le coton ouces drôles de feuilles séchées. Pour lesIndiens, le coton et le tabac étaient tou-

tefois ce qu'ils avaient de plus précieux.Ils les offrirent à leur hôte européen.Christophe Colomb a d'ailleurs réalisé uncroquis dans son carnet de route: "…denombreux hommes, qui avaient un cer-tain type de feuille dans leurs mains,inhalaient de la fumée. Pour ce faire, ilsroulaient la feuille et l'allumaient par uncôté...".

Un des moines qui accompagnait Chris-tophe Colomb lors d'un de ses voyagesfit état dans son propre journal d'uneautre façon d'inhaler la fumée de tabac:via une petite pipe dotée de deux tuy-aux, un dans chaque narine. Le fumeurinhalait la fumée à travers ces tuyaux, cequi le mettait dans un état d'extase. Lesautres le contemplaient avec respect.Alors que le commun des mortels devaitse contenter de chiquer le tabac, seulsles chefs de tribu et les hommes-médeci-ne pouvaient véritablement fumer letabac au moyen d'une telle pipe. L'écri-vain espagnol Oviedo nous apprend quecette pipe était appelée 'tabaco'. Ce nom

fut également donné à la plante qui étaitfumée. C'est ainsi qu'est né le mot tabac.

L'Europe n'était pas vraiment enflamméepar ces drôles de pratiques du NouveauMonde. Les us et coutumes des Indiensétaient païens et méprisables, et les hal-lucinations que la plante provoquaitrendaient les gens plus que suspects àune époque où les sorcières étaientencore brûlées sur le bûcher.

Par ailleurs, de nombreuses élucubra-tions circulèrent au sujet de la "plante"tabac: en cas de mal de tête, il suffisaitde maintenir une feuille de tabac sur sonfront, et le mal de tête disparaissait com-me par enchantement! Vous pouvezessayer cela à la maison: mais gageonsque votre mal de tête sera encore là.Mais ce genre de balivernes, et la croy-ance que le tabac avait également desapplications médicinales, attira l'atten-tion des puissants.

Partout en Europe, le tabac fut plantépour lutter contre toutes les maladiespossibles et imaginables.

En Amérique du Nord, des colons anglaisont cultivé le tabac en Virginie. Les pre-miers colons qui revinrent de Virginieattirèrent l'attention parce qu'ils fumai-ent la pipe. Les observateurs ont surtoutété impressionnés par les fumeurs quiexhalaient la fumée par le nez. Cettecoutume gagna bien vite en popularité àLondres, et la consommation de tabac fit

ainsi son entrée en Europe par le biaisdes colonies anglaises en Amérique duNord. C'est ainsi que des maisons detabac firent leur apparition, tout commeil existait des maisons de vin et de bière,où l'on parlait de "boire" du tabac (dansnos contrées, on appelait cela 'sucer letabac'). Cette pratique était l'apanageexclusif des plus riches, car le tabac étaitencore très onéreux. Peu importait dureste que la consommation de tabac futtotalement interdite. Pour contrer les

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abus de tabac, le Roi James I (roi d’ Ang-leterre de 1603 à 1625) publia unmanuscrit en latin intitulé 'Misocapnuc'(Le détesteur de fumée). Dans ce docu-ment, il niait que le tabac puisse avoir unquelconque effet curatif. Il y affirmait enoutre que le fait de fumer était un em-prunt barbare et un danger pour lanation anglaise. Ses sujets ne voulurenttoutefois pas l'écouter et continuèrent àfumer du tabac.

James I céda son trône à son fils CharlesI, qui menait un train fastueux et dispen-dieux. Pour pouvoir payer ces fastes, ilimposa lourdement le tabac, et les Ang-lais pouvaient fumer autant qu'ils lesouhaitaient. Tout le monde s'accordeaujourd'hui à dire que Charles I fut eneffet l'inventeur des accises sur le tabac.

De nombreuses peintures du Siècle d'Orattestent que le tabac se propagea peu àpeu ailleurs, y compris aux Pays-Bas, oùl'on savait apprécier une bonne pipe detabac. L'on peut voir ci-dessus que l'onfumait avec délectation tant dans lesauberges qu'à la maison. Peu à peu,dans différents pays, la consommationde tabac bénéficia du soutien des plushautes sphères. Le Tsar de Russie Pierre leGrand avait une pipe accrochée à labouche tout au long de la journée. AuxEtats-Unis d'Amérique aussi, alors à peinesorti des limbes, le tabac su séduire sansproblème un grand public qui aspiraitardemment à pouvoir profiter de sesbienfaits. La valeur du tabac se note prin-cipalement dans le fait que les feuillesséchées de la plante étaient acceptéescomme monnaie d'échange et mêmepour le paiement des impôts!

La Belgique aussi a son tabac

Cela peut peut-être sembler étrangeaujourd'hui: la Belgique avait jadis uneculture du tabac florissante, avec diffé-rentes régions productrices de tabac.Chaque région avait - ou plutôt a enco-re - sa propre variété: à Wervik, l'oncultive le Philipijn, Flobecq a son PetitGrammont. Appelterre et la Semois ontdonné leur nom à des variétés qui ysont cultivées. Certaines variétés detabac brun fournissent un tabac lourddestiné aux cigares.

Il ne reste toutefois plus grand chose decette grande production. Si, en 1950, laBelgique cultivait encore 8.000 ha detabac, il n'en restait plus que 380 en2001, principalement dans la région deWervik, la majeure partie des champsde tabac que compte la Belgique setrouvant en Flandre (352 ha).

Le tabac n'a rien d'une culture aisée. Parha, les récoltes s'élèvent de 3.400 à3.700 kg de feuilles séchées. Un ha detabac requiert 2.000 à 2.500 heures detravail par an. Pour bon nombre d'ex-ploitations de tabac, trouver de la maind'œuvre en suffisance lorsque le besoins'en fait sentir est devenu un problèmeinsurmontable.(Source: VILT)

Des chiques et du snusIl fluidifie le sang et chatouille le nez Il est si doux et si sucréEt il nous rend d'humeur appliquéeC'est cela, oui, permettez que l'on prise et prisezC'est la coutume dans ce paysIl rafraîchit le cerveau et la raisonPermettez que l'on prise, au grand dam de ceuxqui vous envientMontrez que vous êtes un hommeMontrez que vous êtes un priseur

On ne fume pas seulement le tabac. Au fil des siècles, l'homme a découvert diffé-rentes manières de profiter du tabac. En le chiquant par exemple, pratiqueconsistant en la mastication de feuilles de tabac grossièrement découpées. Mieuxvaut cracher le jus qui s'en libère, car qui l'ingère a de fortes chances de ressentirdes nausées. D'autres prisent du tabac finement broyé (mélangé avec l'une oul'autre épice odorante, et doivent par la suite expulser de leur nez les résidus detabac. En Suède, ce tabac à priser, toutefois humidifié dans ce cas, est utilisé com-me snus. Il est vendu séparément ou en portions dans de petits sachets. Le but estd'en poser sous la lèvre supérieure et de l'enlever lorsque vous avez suffisammentingéré de nicotine. Aux USA, le snus est recommandé comme tabac pour les spor-tifs. Il s'appelle là "snuff". Comme vous pouvez en déduire du reste de ce numéro,le snus vous procure une sensation de nicotine apaisante, sans laisser de goudrondans les poumons… Certaines personnes prennent même leur dose de nicotine…par voie anale. Que voulez-vous… Les goûts et les couleurs…

Fumer n'a rien d'un art

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Ce n'est que depuis le début du vingtiè-me siècle que le tabac est devenu trèspopulaire sous la forme de 'cigarette'. Lacigarette est en effet beaucoup plus prati-que à emporter et à rouler soi-même quele cigare, qui faisait fureur jusque là.Depuis lors, la production industrielle decigarettes est en plein essor, principale-ment en Amérique du Nord et enGrande-Bretagne. L'empire de la consom-

mation de tabac n'allait toutefois pasdurer. À la fin des années '50, début desannées '60, les dangers de la consomma-tion de tabac ont commencé à arriver auxoreilles du monde médical et les premiersrapports alarmistes ont été publiés. Toute-fois, la réaction de l'industrie du tabac,avec le développement de la cigarette à

filtre, fut à la hauteur. Depuis 1975, lescigarettiers sont obligés d'apposer la men-tion suivante sur chaque paquet: 'Fumernuit gravement à la santé'. C'est en 1977que la première campagne antitabac a vule jour. Progressivement, la publicité pourle tabac est freinée dans toute l'Europevoire interdite par le législateur… A justetitre ou non? Jugez vous-même, à lalumière des paragraphes suivants.

Nicotine

Le tabac est presque toujours associé à lanicotine. Tant la dénomination latine duplant de tabac que le mot nicotinemême sont dérivés du nom de JeanNicot, l'ambassadeur français au Portu-gal, qui fut le premier à envoyer unsachet de graines de tabac à Paris. Cetteassociation est fondée. La nicotine est leprincipal alcaloïde contenu dans le plantde tabac. C'est à elle que l'on doit l'o-deur caractéristique du tabac.

La nicotine est la substance la plus célè-bre contenu dans les cigarettes. C'est ellequi entraîne la dépendance. La premièrecigarette entraîne généralement desmaux de tête, des nausées et des enviesde vomir (en raison de la présence denicotine). Ces symptômes disparaissenttoutefois après quelques bouffées - l'or-ganisme s'habitue à la substance, et, pireencore, plus l'organisme s'y habitue, plus

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La fumée de tabac se compose d'unsubtil mélange de gaz, de substancesliquides et solides. Elle comprendplus de 4.700 composants. 43 d'ent-re eux sont des carcinogènes connus.

Un alcaloïde est une molécule azotéeayant un effet pharmacologique surl'homme et l'animal. Les alcaloïdessont fabriqués par différentes plantes,animaux et champignons. Nombred'entre eux sont tout bonnementtoxiques, comme la ciguë (le poisonqui fut probablement fatal à Socra-te), ou la strychnine (mort-aux-rats),mais d'autres sont utilisés commemédicaments, comme la morphinepar exemple, la quinine, contre lamalaria, ou la codéine, antitussif etanalgésique. Certaines sortes d'alca-loïdes sont principalement connuescomme stimulants. Pensez à la caféi-ne, à la cocaïne ou à l'acidelysergique (servant à fabriquer leLSD).

La culture du tabac en Belgique est encore affaire de dur labeur.

nicotine

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il a besoin de nicotine. La nicotine a toutd'abord un effet stimulant, puis un effetcalmant. 'Fumer est bon pour la concen-tration' ou 'Fumer est bon pour les nerfs'semblent deux affirmations contradictoi-res, mais pourtant, toutes deux sontcorrectes. Lorsque vous inhalez la fuméepar petites bouffées, la nicotine inhaléeexerce un effet stimulant; mais une lon-gue bouffée entraîne plutôt unesensation d'étourdissement.

En premier lieu, les fumeurs éprouventune dépendance psychique liée à leuraccoutumance. Chaque fumeur fumedans des situations précises, par exempleen soirée, lors de la pause de la mi-journée, lorsqu'il prend un verre, après lerepas, devant la télévision, en voitureetc. Toutefois, la plupart des fumeursréguliers éprouvent également unedépendance physique. Ils vont fumer deplus en plus pour atteindre le mêmeeffet et ne peuvent que difficilementattendre 2 à 3 heures avant d'allumerune cigarette. Ils ne fument pas par plai-sir, mais parce que leur organisme abesoin de nicotine pour fonctionner.

La nicotine pénètre dans l'organisme viala peau, les muqueuses (ex. l'intérieur dunez ou des joues) et via les poumons.C'est principalement par les poumonsque la nicotine pénètre facilement dansl'organisme, après une bouffée de cigareou l'inhalation de volutes de cigarette. Àl'instar de l'oxygène, la nicotine présentedans l'air pénètre dans les poumons parles vésicules pulmonaires (voir figure p.7)et les vaisseaux sanguins. De là, la circu-lation achemine rapidement la nicotinevers le cerveau.

Une fois la fumée autour devotre tête dissipée…

…celle-ci contient encore suffisammentde substances pour mettre votre cerveausens dessus dessous. Le principal effet dela nicotine se fait en effet sentir auniveau du cerveau. Ici, nous entronsencore plus en détail. Comme vous lesavez, le cerveau se compose de cellulesnerveuses, les neurones. Les neurones nese touchent pas; ils sont séparés les unsdes autres par les synapses. Les neuronescommuniquent entre eux par de petitesmolécules, appelées neurotransmetteurs.Lorsqu'un neurone souhaite envoyer unstimulus à un neurone suivant, le pre-mier libère une certaine quantité deneurotransmetteurs dans les synapses.Ces substances se fixent ensuite sur lerécepteur du neurone suivant, qui à sontour est stimulé.

L'un des neurotransmetteurs est l'acétyl-choline. Cette substance est impliquéedans la transmission des stimuli requispour différents processus: la transmissiondes signaux du cerveau aux muscles, lecontrôle de différents processus vitauxde base comme le pouls ou la respira-tion, ou le traitement des informationsdans le cerveau (y compris l'apprentissa-ge et la mémorisation). Ces processussont appelés processus cholinergiques.La nicotine se fixe sur les mêmes récep-teurs que l'acétylcholine, et stimule lesmêmes processus. Toutefois, alors quel'acétylcholine n'est présente qu'enquantité limitée et fabriquée à des en-droits spécifiques et à des moments bienprécis, le cerveau doit traiter une doseélevée de nicotine en peu de temps, endifférents endroits du cerveau, et ce, par-tout à la fois.

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Structure des poumons (en haut) et d'unevésicule pulmonaire (au centre). Au bas,figure une représentation schématique dufonctionnement d'une telle vésicule pulmo-naire: l'oxygène se diffuse à travers la paroide la vésicule pulmonaire et du capillairedans le sang. Là, l'oxygène se fixe sur l'hé-moglobine, la protéine la plus importantedes globules rouges. Le CO2 est dissous dans le sang et se diffuse depuis le capillairevers la vésicule pulmonaire.

larynxtrachée

bronches

vésicule pulmonaire

capillaire

globule rouge

CO2

O2

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Je me sens bien, j'ai de lanicotine dans le sang

Cela a différentes conséquences impor-tantes. Pour commencer, vos neuronesaugmentent la production d'acétylcho-line de manière importante. Cela entraîneune activation des processus cholinergi-ques susdécrits dans le cerveau et, plusconcrètement, envoie un signal de réveilgénéral à l'organisme. Le fumeur se sentplus alerte, a un temps de réaction plusrapide et se sent paré à passer à l'action.

Par ailleurs, la nicotine stimule égale-ment la production d'un autre neuro-transmetteur dans le cerveau, la dopa-mine. La dopamine met en branle lecentre de récompense du cerveau. Nor-malement, c'est grâce à ce centre derécompense que vous vous sentez bienlorsque vous effectuez les tâches vitales.Par exemple - manger lorsque vous avezfaim, ou une partie de jambes en l'air.Vous pouvez aisément vous imaginer cequi se passe lorsque la nicotine commen-ce à agir sur ce centre - vous allez bien,vous vous sentez calme et serein lorsquevous fumez. Vous allez même considérercela comme l'un de vos besoins primai-

res. Alors qu'il ne s'agit que d'une ciga-rette…

La nicotine entraîne une impression debonheur d'une autre manière encore:votre cerveau va produire des endorphi-nes sous l'influence de la nicotine. Lesendorphines vous plongent dans un étatd'euphorie, estompent les douleurs tem-poraires et améliorent les prestations.Pourquoi l'organisme produirait-il de tel-les substances? La douleur n'est-elle pasle signal que quelque chose cloche avecl'organisme? Une explication de ce phé-nomène est évolutionnaire: ceux qui,aux premiers temps de la préhistoire,parvenaient à fournir un effort physiqueintense - pensez à la chasse et à la fuite -étaient également ceux qui parvenaientà survivre. Sans endorphines, l'hommene parvenait pas à maintenir son effortsuffisamment longtemps pour livrer uncombat, chasser, fuir devant des préda-teurs ou courir derrière des proies.

Enfin, sous l'influence de la nicotine, vosneurones libèrent également du glu-tamate, un troisième neurotransmetteurimportant. Le glutamate renforce les liai-sons entre les différents neurones etstimule l'apprentissage et la mémorisation.

En d'autres termes, vous vous sentez nonseulement en meilleure forme (sous l'ac-tion de l'acétylcholine) et plus heureux(par la dopamine et les endorphines).Mais qui plus est, vous n'allez pas oublierque vous avez ressenti un tel état et toutceci, grâce à une cigarette. Vous vousdites probablement: mais alors, autantde plaisir et de bonheur dans une si peti-te chose… pourquoi s'en priver?

Et en dehors du cerveaualors?

La nicotine n'agit pas uniquement sur lecerveau. La substance est en effet unpoison qui accélère la fréquence cardia-que, augmente la pression artérielle,obstrue les artères, accélère la respirationet diminue l'appétit. L'augmentation dela pression artérielle s'explique par le faitque la nicotine épaissit le sang. Les pla-quettes, ces petites structures qui jouentun rôle important dans la coagulation dusang, commencent à adhérer les unesaux autres et constituent ainsi l'ébauched'un caillot sanguin. En outre, la nicotinestimule la fabrication de fibrinogène, uneprotéine qui intervient dans la coagula-tion du sang. Cette protéine épaissitdonc le sang et le rend plus visqueux.

Les cellules nerveuses ou neurones entrent encontact les uns avec les autres par le biais delongues excroissances, les axones. Ce contacts'établit comme indiqué sur l'illustration. La cellule 1 libère une certaine quantité deneurotransmetteurs dans les synapses. Ces neurotransmetteurs se fixent sur un récepteur à la surface de la deuxième cellule.

axone

neurone

récepteur synaptique

vésicule avec neuro-transmetteurs

neurotransmetteur

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O2

Fe

Monoxyde decarbone

carboneoxygène

globule rougeoxygène provenant des poumons

oxygène lié à des molécules d'hémoglobine

oxygène libéré par des cellules tissulaires

molécules d'hémoglobine

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Les globules rouges aussi vont se collerles uns aux autres. Résultat: le sang s'é-paissit, circule plus lentement, etdistribue moins d'oxygène dans l'orga-nisme. Si vous ingérez des doses encoreplus élevées, vous pouvez être frappé deparalysie voire mourir par empoisonne-ment à la nicotine. En effet, la quantitéde nicotine contenue dans un paquet decigarettes suffit à empoisonner un petitanimal domestique (comme un chien) ouun enfant en bas âge, avec issue fatale.

La nicotine perturbe également le fonc-tionnement normal du métabolismeénergétique. Sous l'influence de la nicoti-ne, l'organisme cesse de sécréter del'insuline. L'insuline est l'hormone quiincite les cellules à ingérer le glucose pré-sent dans la circulation sanguine. C'est laraison pour laquelle les fumeurs ontgénéralement plus de sucre dans le sangque les non-fumeurs. Il en résulte que lecerveau va alors produire moins de sig-naux hormonaux qui réagissent à untaux de glucose trop faible dans le sanget envoyer le signal "faim".

Par ailleurs, la vitesse de base du méta-bolisme s'accélère. En d'autres termes,vous épuisez plus rapidement vos réser-ves alimentaires. L'une des causesimportantes est l'augmentation duniveau d'adrénaline sous l'effet de la nico-tine, ce qui explique le fonctionnementde la nicotine en tant que stimulant.L'adrénaline est en effet l'hormone fight-or-flight: lorsqu'un mammifère rencontre

un prédateur dans la nature, il a le choixentre prendre la fuite ou affronter l'enne-mi. Dans les deux cas, une bonne dosed'énergie est nécessaire. L'adrénaline sti-mule les cellules à brûler plus rapidementles réserves d'énergie, de façon à en avoiren suffisance, pour affronter l'ennemi ouprendre la fuite.Une ingestion moins élevée de nourritureainsi qu'une consommation plus rapidedes aliments ingérés entraînent une aug-mentation de la consommation d'énergiepar l'organisme. Par la bande, les fumeursdébutants perdent donc plusieurs kilos.Cela signifie-t-il qu'il est sain de commen-cer à fumer pour perdre du poids?Pas exactement. Les avantages pour lasanté que l'on peut obtenir par la pertede poids résultant d'un entraînement etd'une alimentation saine sont absentslorsque vous maigrissez parce que vouscommencez à fumer. Au contraire, lateneur en 'mauvais cholestérol' (particu-les LDL) augmente sous l'influence de lanicotine…

Nico qui entre, Nico qui sort

La nicotine ne reste pas vraiment long-temps dans l'organisme. En une heure, lamoitié de la dose absorbée a déjà dispa-rue. En chiffres - par cigarette, vousinhalez 1 mg de nicotine - après six heu-res, il n'en reste que 0,031 mg. Leprincipal organe qui décompose la nicoti-ne n'est autre que le foie. Les enzymesqui s'y accumulent sont responsables dela transformation de près de 80 pour-cent de la nicotine en cotinine. Lespoumons aussi transforment une partiede la nicotine en cotinine et oxyde denicotine. Ces substances se dissolventdans le sang et sont transportées vers lesreins. Là, elles quittent l'organisme avecl'urine. Il faut 24 heures à votre organis-me pour réduire de moitié une quantitéde cotinine. Un test visant à détecter laprésence de cette substance permet doncde déterminer si un sujet a fumé ou nonau cours des deux derniers jours…

Tout le monde ne décompose pas lanicotine aussi rapidement. Suite à uneanomalie génétique, certaines personnesmettent nettement plus longtemps àmétaboliser la nicotine. Les personnesprésentant un tel gène anormal "profi-tent" donc plus longtemps d'une dose denicotine. Alors que certaines personnesallument régulièrement une cigarettetout au long de la journée pour maintenirune quantité minimale de nicotine dansl'organisme, d'autres, présentant ce gène,peuvent se contenter de moins.

L'hémoglobine contient une structure chimiqueparticulière, un groupe hème (gauche).Au centre de ce groupe hème, se trouve un ionde Fe. L'oxygène entame une liaison de coordi-nation avec cet ion de Fe. Quatre protéines

d'hémoglobine distinctes, ayant chacune leurpropre groupe hème, forment une structurecommune (au centre). Jusqu'à 4 moléculesd'oxygène… ou de CO peuvent donc être trans-portées par complexe d'hémoglobine..., qui se

lient plus rapidement et mieux au Fe (sur le planchimique, l'on parle d'une haute affinité). L'ensemble du système sert naturellement àacheminer l'oxygène jusqu'aux cellules (à droi-te) Plus de CO signifie donc moins d'oxygène.

hème

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Dissection approfondie d'unecigaretteRetenez votre souffle…

L'une des substances les plusdangereuses contenues dansla fumée de cigarette est lemonoxyde de carbone(CO). Ce gaz est probable-ment encore mieux connusous la dénomination de tueur invisible.Il se dégage des chaudières à gaz présentant des dysfonctionnements.Chaque année, le CO coûte la vie à denombreuses personnes. La cause résideau niveau de l'hémoglobine. Il s'agit d'une protéine métallique présente engrande quantité dans nos globules rou-ges, et qui est responsable du transportde l'oxygène des poumons vers les aut-res cellules de l'organisme. Comme vouspouvez le voir sur l'illustration ci-contre(p.9), l'oxygène est lié pendant le trans-port à l'atome de fer central. Le CO aussise lie à cet atome de fer, et ce, deuxcents fois plus facilement que l'oxygène.Il ne reste donc plus beaucoup de placepour l'oxygène, et les différentes partiesdu corps ne reçoivent donc plus assezd'oxygène pour continuer à fonctionner.C'est le cas du cœur et du cerveau. C'estce qui rend le CO si toxique. La fuméede cigarette contient entre 2 et 6 pour-cent de CO. Pendant qu'une personnefume une cigarette, une molécule de COau moins est liée à cinq pour-cent del'hémoglobine dans le sang en moyenne.

Précisons encore que le CO, tout com-me la nicotine d'ailleurs, épaissit le sang.Ce gaz stimule en effet la production defibrinogène (voir p. 9). Le sang plusépais est plus visqueux, circule moinsfacilement et entrave donc le transportde l'oxygène. Somme toute, une person-ne qui fume un paquet de cigarettes parjour présente une carence en oxygènependant 15 à 20 heures par jour.

Autre gaz présent dans la fumée detabac que l'on retrouve dans la circula-tion sanguine: le HCN (cyanure

d'hydrogène). Le HCN aussi bloque laliaison de l'oxygène sur l'hémoglobine,et sur ce plan, il est encore plus efficaceque le CO - il se lie 700 fois mieux quel'oxygène. Par ailleurs, le cyanure d'hy-drogène entrave le bon déroulement dela respiration cellulaire. Il intervient eneffet dans la dernière phase de la com-bustion du glucose, à savoir l'oxydationterminale dans les mitochondries.

Asphalter vos poumons?

Vous connaissez certainement le goud-ron comme étant cette substance noireet collante avec laquelle les ouvriers devoirie asphaltent les routes. Difficile à s'i-maginer que cette substance pénètre àl'intérieur de vos poumons lorsque vousfumez une cigarette? Rien n'est moinsvrai! Sur le plan chimique, le goudron estun mélange complexe de différents com-posés organiques, formés lors duréchauffement du bois ou de la houilledans des conditions anaérobies (c.à.d. enl'absence totale d'oxygène). Le goudroncontient entre autres des hydrocarburesaliphatiques (pensez aux alcanes, alkèneset alkynes), des phénols, hydrocarburesaromatiques polycycliques (pensez aubenzène et au naphtalène), des résines etdes acides organiques. Et c'est précisé-ment un tel mélange qui se libère lors dela combustion du tabac dans la cigaretteou le cigare, sous la forme de petites par-ticules microscopiques, des particules degoudron.

Vous connaissez certainement la colora-tion brune typique sur les doigts et lesdents des fumeurs? Celle-ci est due auxparticules de goudron. Le goudron se

dépose également sur les cils vibratilesdes poumons. Ceux-ci sont littéralement'enfumés', comme s'ils étaient suspendusau-dessus de la cheminée ou du barbe-cue. Ils ne peuvent dès lors plusfonctionner de manière optimale. Il enrésulte que les particules de poussièredans l'air peuvent pénétrer plus facile-ment jusqu'aux plus petits conduitsrespiratoires et occasionner des obstruc-tions ou des inflammations.

Des lights bonnes pour lasanté? Un truc de marketing!

Le succès des cigarettes à faible teneuren goudron et en nicotine, commer-cialisées sous la dénomination de'cigarettes light', est foudroyant. C'estregrettable, car elles incitent principa-lement les jeunes et les femmes àcommencer à fumer et incitent lesfumeurs à rester fidèles à leur cigaret-te, sous l'allégation que les lights leuroffrent une protection et sont plus sai-nes que les cigarettes ordinaires. Il atoutefois été démontré que lesfumeurs passant aux lights fumentdavantage et inhalent plus profondé-ment la fumée pour obtenir la mêmequantité de nicotine. De ce fait, laquantité de goudron et de carcinogè-nes demeure inchangée.

10 par jour

En 1998, 3.275 personnes sont mortesdes suites d'un cancer des poumonsoccasionné par la consommation detabac en Flandre, soit 10 personnespar jour. Malheureusement, cela ne selimite pas au cancer des poumons uni-quement. Près de 30 % de tous les casde cancer (leucémie, cancer de la bou-che, des lèvres et de la gorge, del'estomac, de la vésicule, du foie, desreins, du pancréas, de l'utérus) peu-vent être attribués directement ouindirectement à la consommation detabac.

Fumer prolonge la vie... parfois!

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Un certain nombre de ces composantsorganiques vont également amoindrirl'efficacité des médicaments. Notreorganisme dispose de plusieurs enzymes(les cytochromes P450) qui décompo-sent les substances étrangères àl'organisme. Il s'agit d'un mécanisme dedéfense naturel contre les poisons. Tousles composants contenus dans le goud-ron ne sont ni plus ni moins pour notreorganisme qu'un flux de poisons quis'accumule dans nos organes. Résultat:notre organisme va produire davantagede cytochrome P450. Lorsque vousingérez un médicament, vous ingérezégalement une substance étrangère àl'organisme. Le cytochrome P450 ne sesoucie guère de savoir si telle substanceest un résidu de feuilles de tabac brûléesou d'une autre substance en mesure devenir à bout d'une maladie, et décom-pose les deux substances sansdistinction. C'est la raison pour laquelleles fumeurs devront prendre plus long-temps leurs médicaments ou en prendredavantage dans certaines thérapies pourguérir totalement. Les composés goud-ronnés comme le benzopyrène, lanitrosamine, le polonium 210, le nickel,le cadmium, l'arsenic sont égalementcarcinogènes, mais nous y reviendronsplus en détail dans les prochains para-graphes.

Fumer est nocif! Mais à quel point?

Qui fume a les dents et les doigts jaunispar la nicotine, sent et a même le goûtdu tabac. Dès lors, fumer ne vous rendpas vraiment attrayant et les cigarettesne vous font guère progresser sur le plansocial, même si un spot publicitaire osesuggérer le contraire. Mais ce n'est pastout. Comme vous avez pu le déduire àla lecture des paragraphes précédents,une bouffée de cigarette exerce une in-fluence immédiate sur l'organisme. Cedernier est dès lors moins bien armécontre les infections comme les refroidis-sements et la grippe.

En raison de la nicotine et du monoxydede carbone, l'organisme est moins bienoxygéné, ce qui empêche donc le fonc-

tionnement normal. Et comme les mus-cles reçoivent moins d'oxygène, votrecondition physique se détériore. Voussouffrez d'essoufflement et êtes plus vitefatigué qu'un non-fumeur, lorsque vousmontez les escaliers par exemple. Envous abstenant ou en arrêtant de fumer,votre condition physique s'améliore de 5à 10 % par rapport aux fumeurs. C'estdans les sports dans lesquels l'endurancejoue un rôle important (course sur lon-gue distance, cyclisme, natation) surtoutque l'on constate que les personnes quifument présentent un pouls plus élevé etont une tension artérielle plus haute. Enoutre, leur temps de récupération à l'ef-fort est plus long. Les efforts déployéslors d'un entraînement sont moins effi-caces chez les fumeurs par rapport auxnon-fumeurs. L'entraînement ne permetdonc pas au fumeur de récupérer la per-te de condition physique induite par laconsommation de tabac. Tout ceci, àcause d'une cigarette qui vous infligeune carence en oxygène.

“Mais bon,” rétorquera le lecteur-fumeur critique, “je ne gagne pas lemarathon de New York, et alors… Celane pèse pas lourd par rapport au plaisirque me procurent mes cigarettes”. Mal-heureusement, les conséquencessusmentionnées ne se limitent pas àcela. Alors que le plaisir procuré par lanicotine n'est plus du tout perceptibleaprès une demi-heure, ou plus précisé-ment, alors que, après une demi-heure,vous fouillez déjà vos poches à la recher-che du briquet, les conséquencesnégatives du tabagisme demeurent danscertains cas pendant des années encore.

Souffle, mon souffle

Les poumons. Encore une de ces proues-ses de technicité que nous devons àl'évolution. Chaque minute, un adulteinspire environ douze à quinze fois, pourun total de 10.000 litres d'air par jour.Au cours d'une vie moyenne, les pou-mons se remplissent 500 millions de foisenviron, chose qui semble échapper àbeaucoup de personnes.

Lorsque vous prenez votre souffle, l'airarrive tout d'abord dans une grossetrachée-artère, qui se divise en deux etachemine ainsi l'air dans chacun desdeux poumons. Ces deux bronches sesubdivisent à leur tour en petites ramifi-cations appelées bronchioles. Àl'extrémité de ces ramifications, se trou-vent les vésicules pulmonaires oualvéoles. Le nombre de vésicules pulmo-naires est évalué à 900 millions. Si l'ondéployait les poumons d'une personne

ordinaire, en d'autres termes si l'on cal-culait la superficie de l'ensemble desalvéoles pulmonaires, on arriverait à untotal de 90 m2. Pour info, cela représen-te un quatorzième de la superficie d'unepiscine olympique, ou le tiers d'un courtde tennis.

Autour de ces alvéoles s'étend un réseaude fins vaisseaux sanguins (des capillai-res). L'oxygène que vous respirez sediffuse à travers la paroi des alvéoles etdes capillaires pour ainsi arriver dans lesang, où il se lie chimiquement au ferprésent dans l'hémoglobine, la protéinerouge contenue dans les globules rou-ges. Le dioxyde de carbone provenantde différentes parties de l'organisme estréexpédié de la même manière à partirdu sang vers les poumons avant d'êtreexpiré.

En fonction de l'effort, de la conditionphysique et psychique et de la composi-tion de l'air, nous respirons plus oumoins qu'en temps normal. Habituelle-ment, l'on respire un demi-litre d'air à lafois. Vous respirez 12 à 15 fois par minu-te, donc 6 à 7 litres d'air. 21 % de l'air secompose d'oxygène. Par minute, vousrespirez donc 1,5 litres d'oxygène envi-ron. L'air expulsé contient encore prèsde 17 % d'oxygène, car tout l'oxygènen'est pas assimilé par les poumons. L'as-similation totale d'oxygène par lespoumons vers l'organisme n'est doncque de 240 millilitres par minute, tandisque l'air expiré contient 200 ml dedioxyde de carbone par minute.

La cigarette et le sport de compétitionne font pas bon ménage. Étant donnéque les muscles sont moins oxygénés,votre condition physique se détériore.Vous êtes essoufflé et plus vite fatiguéqu'un non-fumeur. En vous abstenantou en arrêtant de fumer, votre condi-tion physique s'améliore de 5 à 10 %par rapport aux fumeurs.

La nicotine obture également les artères, ce quiralentit la circulation sanguine.

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La respiration a lieu tout au long de lajournée, de sorte qu'une quantité raison-nable de poussières et de saletés arrivedans les poumons. Celles-ci doivent éga-lement en sortir! C'est le rôle des cilsvibratiles - de minuscules poils tapissantla paroi intérieure des bronches et desbronchioles. Ces cils fonctionnent com-me de petits balais et expulsent ainsi versl'extérieur tous les corps étrangers arri-vant dans les poumons, en même tempsqu'un peu de muqueuses pulmonaires.

Aussi longtemps que les poumons ont àtraiter de l'air ordinaire, même avec desniveaux courants d'impuretés, il n'y a pasle moindre problème. Les poumons etleurs minuscules ramifications restentpropres. Toutefois, si vous respirez de lafumée de tabac, les cils vibratiles despoumons ne peuvent plus faire face. Ilssont gênés par les particules de goudron,sont irrités par les substances et les gazirritants pénétrant à l'intérieur des pou-mons et vont produire des quantitéssupplémentaires de muqueuses. Les peti-tes glandes produisant le mucus dans lespoumons vont enfler, et obturent de cefait une partie des vésicules pulmonaires.La respiration devient ainsi lentementmais sûrement plus difficile.

Plus cette situation perdure, en clair plusvos poumons sont exposés à la fumée detabac, plus le risque que vous contractiezune maladie chronique (de longuedurée) est élevé. Les affections pulmonai-res chroniques les plus connues sontappelées par les médecins 'bronchitechronique' ou 'emphysème'. Dans lesdeux cas, il s'agit de 'dommages auxpoumons occasionnés par une obtura-tion des ramifications et des vésicules

pulmonaires'. Et en effet, ces affectionsfrappent principalement les fumeurs,même si les non-fumeurs ne sont pasépargnés.

Les premiers signes avant-coureurs? Latoux, des refroidissements persistants, lespoumons qui produisent régulièrementles expectorations requises, la toux classi-que du fumeur. Les symptômess'aggravent en quelques années seule-ment. Les expectorations s'épaississent etprésentent une couleur jaune-verte. Vousdevenez fiévreux et surtout, les poumonsne se défendent plus aussi bien contreles bactéries et s'enflamment. Dès lors,vous avez intérêt à vous préparer au pireau moins une à deux fois par an. Cetteaffection est récurrente et va de mal enpis: les poumons se rétrécissent de plusen plus tandis que les ramifications pul-monaires se déforment, ce qui entraînedes problèmes supplémentaires lors de larespiration.

À terme, un certain nombre de vésiculespulmonaires peuvent ne plus fonctionnercomme il se doit. Les ramifications sontdevenues tellement étroites qu'elles sesont affaissées, et ne laissent plus passerl'air vers les vésicules pulmonaires. De cefait, l'air utilisé demeure confiné dans lesvésicules fermées et l'air frais ne peutplus entrer. Conséquence: vous devezinspirer plus d'air pour apporter la mêmequantité d'oxygène au sang via les vési-cules pulmonaires qui fonctionnentencore. À terme, cela entraîne une dila-tation excessive des poumons: le volumedes poumons augmente ainsi progressi-vement, jusqu'à remplir l'intégralité de lacage thoracique. Il en résulte unedyspnée. Qui plus est, les poumons per-

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Dites-le avec des chiffres…

Le tabagisme passif augmente le risquedu cancer du poumon de 20 à 30 % etdes maladies cardiaques de 25 à 35 %.Le tabagisme passif aggrave les affec-tions aiguës et chroniques des voiesrespiratoires (comme la bronchite etl'emphysème). Certaines études suggè-rent un risque accru de maladiepulmonaire, d'asthme, d'infections del'oreille interne et de mort du nourrisson.

La cigarette, mon gagne-pain?

Autrefois, la Belgique connaissait uneindustrie tabatière florissante, avec desnoms ronflants comme l'illustre Belga.Le tableau en page 14 vous donne uneidée de ce qu'est devenue la marque.Plus aucune cigarette Belga n'est prod-uite en Belgique, mais bien auxPays-Bas. En 1985, 5798 Belges travail-laient encore dans l'industrie du tabac.En 2000, il n'en restait plus que 2802.Et non, ce n'est pas la conséquence desmesures antitabac, mais bien de ladélocalisation des entreprises vers despays à bas coût salarial. De même, larécolte du tabac en Belgique, totalisantencore 262 cultivateurs, ne semble plusêtre liée à la vente de tabac. 70 % desrecettes de ces personnes proviennenten effet de subsides européens.

Contrer la consommation de tabac neva donc pas avoir de conséquencesvraiment négatives sur le chômagedans notre pays. Au contraire, une étu-de britannique indique qu'unediminution de la consommation detabac de 40 % pourrait créer 115.000emplois en Grande-Bretagne. Lesanciens fumeurs auraient en effet plusd'argent à consacrer aux loisirs. Et cesecteur est nettement plus intensif enmain d'œuvre que le secteur du tabac!

(source: OIVO, cité par la Ligue flamande con-tre le Cancer).

Sur le prix d'un paquet de 25 cigaret-tes, 57,15 % vont aux accises sur letabac, et 17,33 % à la TVA. Les trois-quarts de la somme vont aux pouvoirspublics.

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dent leur élasticité: ils ne peuvent plus sedilater et se contracter. De ce fait, lesvésicules pulmonaires ne peuvent plus sevider totalement et ne peuvent plus assi-miler autant d'air frais.

Les vaisseaux sanguins autour des pou-mons commencent eux aussi à seboucher, de sorte que le coeur doit con-stamment fournir un effort plusimportant pour pomper le sang à traversdes vaisseaux rétrécis. Cela peut entraî-ner des problèmes cardiaques etdéboucher au final sur un infarctus.

La boîte de Pandore

Fumer entraîne également d'autres petitsdésagréments, mais surtout des affec-tions mortelles. L'inhalation de mono-xyde de carbone affecte l'oxygénationde l'organisme et les parois des vaisseauxsanguins sont endommagées. Elles sebouchent plus facilement, ce qui entraî-ne des rétrécissements. Lorsque de telsrétrécissements se produisent dans l'unedes veines coronaires, le coeur n'est - iro-niquement - plus en mesure de pompersuffisamment de sang pour oxygénerl'ensemble des cellules du muscle cardia-que. Sans une quantité suffisante

d'oxygène, le muscle cardiaque com-mence à dépérir, au risque d'entraînerune attaque cardiaque. Une sensationd'oppression dans la poitrine est typiquede cette situation, suite à une carencetemporaire en oxygène dans le cœur (ceque les médecins désignent par le termed’angina pectoris). La consommation detabac peut aggraver le phénomène. L'ar-rêt du tabac entraîne une amélioration.

Et comme si ce n'était pas tout: fumerentraîne un déclenchement anticipé dela ménopause et réduit la fertilité, chezl'homme comme chez la femme. Citonségalement un risque accru d'ulcères gas-triques, de diabète, de perte de l'acuitéauditive, de cataracte (un trouble ducristallin limitant fortement votre champde vision), de psoriasis (une division cel-

lulaire anormale et accélérée de la peau,entraînant une desquamation), de rides,de décalcification osseuse et de déchaus-sement des dents.

Cancer du poumon

Le cliché est aussi gros qu'une maison: lecorps humain est composé de cellules.De milliards de cellules. Dès notre con-ception, notre organisme n'a eu de cessede se diviser, à partir du zygote, pourdevenir l'être multicellulaire que noussommes, vous et moi. Aujourd'hui enco-re, même si vous ne grandissez plus, bonnombre de vos cellules ont encore lacapacité de se diviser. En effet, la divisionn'est pas uniquement nécessaire pourgrandir, mais aussi pour remplacer lescellules anciennes et endommagées.Sans division cellulaire, le sang n'est pasrenouvelé et une blessure ne peut secicatriser. Dans des conditions normales,le corps règle et contrôle la division cel-lulaire. Les informations nécessaires à ceteffet, disons le programme qui maintientla division sous contrôle, sont inscritesdans nos gênes.

Toutefois, ce programme génétiquepeut, dans certains cas, être endommagéde manière irréparable. De ce fait, lacroissance, la division et le développe-ment des cellules peuvent être déréglés.Il s'ensuit une division cellulaire débridée,débouchant sur une tuméfaction, égale-ment appelée tumeur. Une telle tumeurpeut être bénigne. Les tumeurs bénignesse caractérisent entre autres par le faitqu'elles ne se propagent pas à l'intérieurde l'organisme. Citons par exemple uneverrue.

D'autres tumeurs sont malignes. Nousparlons alors de cancer. Dans certainscas, la tumeur même commence à pro-liférer au travers d'autres tissus et lescellules de la tumeur se propagent dansle reste de l'organisme. C'est ce que lesmédecins désignent par le terme de 'pro-lifération'. L'organisme ne contrôle plusla division cellulaire.

Les cellules des muqueuses tapissantl'intérieur des poumons peuvent encorese diviser. Elles le font alors uniquementdans le but de remplacer les cellulesanciennes ou endommagées. Le gou-dron contenu dans le tabac peuttoutefois inciter ces cellules à se diviserde manière soudaine, très rapide et désordonnée. La tumeur qui naît de lasorte est particulièrement agressive: les cellules pénètrent dans les tissus environnants et exigent beaucoup d'énergie et de nutriments pour assurerleur expansion effrénée. En peu detemps, l'organisme cède face à la pro-lifération. La tumeur même s'étend à

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Arrêter… un avantage immédiat.

Aujourd'hui, arrêter de fumer présente des avantages immédiats, même si lesprincipaux se notent à long terme. Un jour après l'arrêt de la cigarette, la quantitéde monoxyde de carbone dans l'organisme est déjà revenue au niveau d'un non-fumeur. Après deux jours, la nicotine a disparu. Après trois à neuf jours, lesexpectorations, la toux et les sifflements des poumons ont disparu. Mais il fautplusieurs dizaines d'années pour ramener le risque de cancer du poumon à celuid'une personne qui n'a jamais fumé.

Temps après l'arrêt Effets positifs sur la santéde la cigarette

20 minutes La pression artérielle et le pouls reviennent à leurs niveauet vitesse normaux.

8 heures La nicotine et les teneurs en monoxyde de carbone dansle sang diminuent de moitié, la teneur en oxygène rede-vient normale.

24 heures Le monoxyde de carbone a totalement disparu de l'orga-nisme. Les poumons éliminent les mucosités et autresrésidus issus de la consommation de tabac.

48 heures Il n'y a plus de nicotine dans l'organisme. Le goût et l'odorat sont sensiblement améliorés.

72 heures La respiration s'en trouve facilitée. Les bronches com-mencent à se détendre et le niveau d'énergie augmente.

2-12 semaines La circulation sanguine s'améliore.3-9 mois La toux, la respiration qui siffle et les problèmes respira-

toires s'améliorent car la fonction pulmonaire s'améliorede 10 %.

1 an Le risque d'attaque cardiaque diminue de moitié par rap-port à un fumeur.

10 ans Le risque de cancer du poumon diminue de moitié parrapport à un fumeur.

15 ans Le risque d'attaque cardiaque est identique à celui d'unepersonne qui n'a jamais fumé.

Source: Institut flamand pour la promotion de la Santé.

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d'autres organes, et au final, le patientdécède, soit par épuisement, soit parceque le fonctionnement de certains orga-nes vitaux est particulièrement perturbépar les nouvelles tumeurs.

Je ne fume jamais de T, tufumes parfois des T, nousfumons des T lorsqu'il y en a!

“Bien sûr que je fume! C'est un mondelibre et je peux quand même choisir mamort!” En effet, cher fumeur. Mais quevous puissiez vous-même choisir si vousvoulez fumer ou non, cela reste à voir,car en raison des effets addictifs de lanicotine, c'est peut-être votre biochimiequi choisit pour vous. Mais bon, qui soit.Le pire, c'est que vous ne fumez jamaisseul. Votre voisin, collègue, colocataire,la personne qui, accidentellement, serend au café du coin, … tous fument euxaussi votre cigarette. Tous inhalent lafumée que vous diffusez autour de vous.On appelle cela le tabagisme passif. Àcourt terme, le tabagisme passif est sur-tout fâcheux. La fumée (l'odeurcorrespondante également) imprègnevos vêtements et vos cheveux. Elle en-traîne des maux de tête, des nausées oudes vertiges et irrite les yeux, le nez et lagorge. À long terme toutefois, le tabagis-me passif est bien plus qu'un simple

désagrément innocent et la fumée detabac que vous inhalez involontairementconstitue un risque sérieux pour la santé.

Des mesures pour inciter lesgens à arrêter de fumer

Fumer comporte un certain nombre derisques pour la santé. Les pouvoirspublics l'ont bien compris et ont déve-loppé plusieurs instruments pourdéconseiller aux gens de fumer. Avec desbrochures et des dépliants, bien enten-du, mais ce n'est pas tout…

De l'argent qui part en fumée

Pour commencer, plus le prix du paquetde cigarettes est élevé, plus les gens vontréfléchir deux fois avant de dépenserleurs précieux deniers en tabac. L'imposi-tion d'accises sur les cigarettes etproduits apparentés constitue dès lorsune arme importante dans la lutte contrele tabac. En effet, tout porte à croire queMonsieur Tout-le-Monde ne voit aucuninconvénient à ce que des taxes soientprélevées sur les produits du tabac.

Existe-t-il un 'prix idéal', auquel plus pers-onne n'aurait encore envie de fumer?Selon une simulation de l'Institut flamandpour la promotion de la Santé, c'est bel

et bien le cas. Il existe en effet un certainnombre de scénarios selon lesquels leschiffres de vente sont comparés au prixdu paquet. En théorie, un prix de 0,27euros par cigarette rendrait presque toutela Belgique non fumeuse, soit 6,82 eurosle paquet. Étant donné que la réalité estpresque toujours plus complexe que lemodèle, ce chiffre doit être légèrementaffiné. En effet, le tabac entraîne unedépendance et les fumeurs ne sont doncpas toujours découragés par les augmen-tations de prix. En moyenne, laconsommation de cigarettes diminue de5 % lorsque le prix augmente de 10 %.Pour étayer ses affirmations, l'Institut fla-mand pour la Promotion de la Santé acalculé que durant la période 1985-1995,le prix réel des cigarettes en Belgique aaugmenté de 46 %, tandis que la con-sommation de cigarettes par personne adiminué de 24,5 %. Selon cette simula-tion, un prix de 7,50 euros le paquetpermettrait de venir à bout de la con-sommation de tabac dans notre pays.

D'autres supposent toutefois qu'il pour-rait s'agir d'un espoir vain. En effet, àpartir d'un certain prix, il ne suffit plusd'augmenter le prix de 10 % pour rebu-ter 4 % de fumeurs. Il faut alors majorerle prix de 20 % voire de 50 % pour inci-ter autant de fumeurs à renoncer à leurcigarette. L'argent n'est donc pas le fac-teur le plus déterminant empêchant leconsommateur d'acheter des cigaretteset autres dérivés du tabac. Certes, deplus en plus de personnes n'ont plus lesmoyens de fumer. Le centre du plaisirdans leur cerveau est toutefois plus fortque leur porte-monnaie. En outre, il sepourrait bien que seules les personnesqui n'en mènent pas large sur le planfinancier vont commencer à remettreleurs habitudes en question, et non ledirecteur qui gagne cinq fois plus parmois. Une telle pratique ne serait dès lorspas très sociale.

Quelles marques de cigarettes fumez-vous?(entre parenthèses, le nombre de personnes ayant pris part à l'étude)

Marques de cigarettes Tous fumeurs de cigarettes Fumeurs de cigarettes(450) entre 15 et 24 ans (75)

Marlboro 27,8 49,3L&M 16,0 30,7Belga 14,7 1,3Bastos 8,4 5,3Barclay 6,4 2,7Camel 2,2 1,3Autre marque 24,4 9,3Total 100% 100%

La part de marché de Belga, Marlboro et L&M entre 1979 et1995Année % Belga % Marlboro % L&M1979 28 3 -1984 23 11 -1990 18 17 21993 16 18 81995 14 20 10

Source : Institut flamand pour la promotion de la Santé

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La consommation de tabac fournit cha-que année à l'état de plantureusesrentrées d'argent. Plus de 2 milliards en2003. D'un autre côté, les fumeurs coû-tent également beaucoup d'argent à lasociété. La mutualité intervient égale-ment dans le traitement des maladiesoccasionnées par la consommation detabac, mais les fumeurs sont plus sou-vent malades que les non-fumeurs, etdonc plus souvent absents au travail.Selon la Banque Mondiale, le coût de laconsommation de tabac atteint même 6à 15 % de dépenses totales en matièrede soins de santé. En Belgique, celarevenait en 2002 à : 14,417 milliardsd'euros en frais de maladie x 15 %, soit2,162 milliards d'euros. Ce chiffre corre-spond donc approximativement auxrentrées d'argent par le biais des accises.(source: OIVO, cité par la Ligue flamandecontre Cancer).

Attention, la situation n'est pas aussisimple. Les gens qui ne fument pasvivent en moyenne plus longtemps et àun âge avancé, ils nécessitent davantagede soins et souffrent des maladies liées àla vieillesse. Certaines estimations indi-quent qu'un arrêt général de laconsommation de tabac pourrait rappor-ter de l'argent pendant plusieurs années(car les dépenses en matière de soins desanté diminueraient) puis les coûts aug-menteraient à nouveau, en raison del'augmentation du nombre de personnesâgées! Devons-nous donc inciter les gensà fumer davantage? Ou cela serait-iltotalement inhumain?

La publicité?Je n'y fais pas attention!

À d'autres! La publicité pour le tabacsemble avoir une incidence très claire surce que fument les jeunes et ce qu'ils nefument pas! Un rapport de 1987 réalisépour le compte du Ministère de la SantéPublique est arrivé à la conclusion que lapublicité pour le tabac atteint et influen-ce principalement les jeunes. La publicitépour le tabac a même trois fois plusd'effet sur les jeunes que sur les adultes.Certains chiffres sont implacables: grâceà son budget publicitaire (aux USA, leplus gros budget de tous les producteursde tabac), 59 % des mineurs achètentles clopes de la marque du cow-boy.Seuls 22 % des adultes se laissent séduirepar cette marque. À titre de comparai-son, en Belgique, 49 % des 15-24 ansfumaient des Marlboro en 1997 pour 28% de tous les fumeurs de cigarettes,pour respectivement 1 % et 15 % deBelga. Dans le tableau en page 14, voustrouverez d'autres chiffres qui viennentétayer cette affirmation. Voyez par exem-ple le succès de L&M chez les jeunes -une marque qui doit principalement sa

clientèle à une politique de présencemarquée dans les spots publicitairespour la musique et les jeans, ainsi quelors des festivals de jeunes.

Consciente de la problématique, l'Unioneuropéenne a interdit toute publicitépour le tabac. En Belgique, les fabricantsde tabac ne peuvent donc plus faire depublicité.

J'ARRÊTE!

D'aucuns se souviendront encore de lacampagne spectaculaire de la Ligue fla-mande contre le Cancer 'Relève la tête etarrête'. Quelques célébrités du Nord dupays se sont livrées à de véritables prou-esses physiques par tranche de dix millecompatriotes qui ont renoncé à la ciga-rette. Malheureusement, les fumeursinvétérés ont toujours dans leurs armoi-res une telle affiche qui se rappelle à leurbon souvenir. C'est la raison pour laquel-le la Ligue flamande communique surson site web plusieurs méthodes alterna-tives pour arrêter de fumer. Ou encondamne. Car on ignore si toutes lesméthodes fonctionnent, s'il ne s'agit pasde pertes de temps ou d'argent…La thérapie comportementale est uneméthode qui a clairement fait ses preuves.Avec un thérapeute comportemental, lefumeur met ses habitudes sur carte, pourarriver à un plan d'arrêt de la cigarette.Ce plan, élaboré sous la supervision duthérapeute, permet bien souvent derenoncer à la cigarette.

L'arrêt de la consommation de tabacentraîne peut-être un certain nombre dephénomènes de désaccoutumance. Laprésence de nicotine fait défaut au cer-veau, lequel se sentait si bien grâce à elle.Les substituts nicotiniques peuvent atté-nuer quelque peu ce manque, jusqu'à ceque l'envie d'allumer une cigarette ait disparue. Les substituts nicotiniques typi-

ques bien connus sont les gommes àmâcher, les comprimés à sucer, les patchsà la nicotine ou les inhalateurs. Attention:les substituts nicotiniques fonctionnentuniquement pour autant qu'ils sont cor-rectement appliqués. Il est conseillé deconsulter votre pharmacien ou, de préfé-rence, votre médecin. Celui-ci connaîtprobablement d'autres médicaments per-mettant de venir à bout de l'accou-tumance à la nicotine.

Et pour quelle méthode n'a-t-on encorefourni aucune preuve? Il s'agit des métho-des alternatives: acupuncture, hypnose outraitements au laser. Cela signifie-t-il queces méthodes ne fonctionnent pas? Pasforcément, même si le débat sort du cad-re du présent numéro. Quoi qu'il en soit,vous trouverez de plus amples informa-tions sur le sujet sur le site web de laLigue flamande contre le Cancer.

Une sèche...

Fumer est un phénomène. C'est une dro-gue dure, mais elle est acceptée par toutle monde ou presque dans notre société.Les fumeurs commencent jeunes pour 'fai-re comme tout le monde', mais plus tard,au travail, ils peuvent satisfaire leur enviede nicotine dans un petit local ou sur unemplacement de parking. C'est malsain,c'est sûr et prouvé, mais c'est tellementbon affirment les inconditionnels. Nouspestons contre la pollution atmosphériquemais trouvons qu'un café enfumé est pit-toresque. L'homme sous son côté le plusétrange? Ashes to ashes, dust to dust...

A LIRE EGALEMENT…

Réseau Bruxellois des Centres de Docu-mentation en Promotion de la santéwww.rbdsante.beEductions santé www.educationsante.beRéseau Francophone International pourla Promotion de la Santé www.refips.orgLe site web de l'Institut flamand pour laPromotion de la Santé (www.vig.be)nous a fourni une mine d'informationsutiles pour la rédaction de ce dossier. Àvisiter absolument pour qui souhaiteapprofondir ses connaissances! De même, le site web de la Ligue fla-mande contre le Cancer a fourni denombreuses informations à la rédaction.www.tegenkanker.be

Campagne européenne: "HELP: pour unevie sans tabac", (www.help-eu.com)

Arrêter de fumer?

Réussi? 48%Échoué? 34%Jamais essayé? 18%

Page 16: La cigarette (ou) la vie

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