ENTRE OS RIOS - ULisboa · 2020. 3. 25. · d’un jeune homme, qui vivant dans un pays qu’il...

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UNIVERSIDADE DE LISBOA FACULDADE DE BELAS-ARTES ENTRE OS RIOS Pour un analphabétisme poétique ANEXOS Mona Convert Trabalho de Projeto Mestrado em Arte Multimedia Especialização em Audiovisuais Trabalho de Projeto orientado pelo Prof. Doutor Antonio de Sousa Dias e pelo Prof. Julien Gourbeix 2019

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  • UNIVERSIDADE DE LISBOA FACULDADE DE BELAS-ARTES

    ENTRE OS RIOS

    Pour un analphabétisme poétique

    ANEXOS

    Mona Convert

    Trabalho de Projeto

    Mestrado em Arte Multimedia

    Especialização em Audiovisuais

    Trabalho de Projeto orientado pelo Prof. Doutor Antonio de Sousa Dias e pelo Prof.

    Julien Gourbeix

    2019

  • TABLE DES MATIERES

    INTRODUCTION : page 5

    SCENARIO : page 8 à page 17

    SEQUENCIER : page 20

    QUELQUES NOTES PREPARATOIRES : page 21

    RECHERCHES POUR LA VOIX-OFF : page 24 et 25

    VOIX-OFF : page 28

    FICHE TECHNIQUE: page 29

    ABC POUR UNE ABOLITION : page 32

    ABC : VUES D’INSTALLATION : pages 33, 34, 35

    CHANTEUSES D’UZESTE MUSICAL : page 36 à page 41

    LIENS VERS LES FILMS : page 42

    REMERCIEMENTS : page 43

    INTRODUCTION

    En annexe de la thèse « Entre os rios : pour un analphabétisme poétique », il m’a semblé cohérent d’ouvrir au maximum pour l’éventuel lecteur les différentes pistes et recherches écrites (notes préparatoires, scénario, séquencier, etc.) qui ont construit le film et la recherche écrite au fil des mois et en forment une certaine cartographie mentale. Le travail pratique lié à cette thèse consiste en un film documentaire poétique de 46 minutes, intitulé entre os rios / entre les rivières / bin el ouidane, dont j’ai déjà abordé certains aspects dans le corps du texte. On trouvera donc dans ces annexes l’ensemble presque intégral des recherches textuelles qui ont accompagnée la construction du film, ainsi que de nombreuses images extraites du-dit film, qui permettront, je l’espère, un accès plus simple à ces textes.

    La recherche autour de ce travail a également donné lieu, en amont, à un autre film qui constitue « l’architecture maritime » de entre os rios : ABC pour une abolition. Plus expérimental, plus abstrait certainement que entre os rios, ABC en constitue cependant une voie parallèle, une branche de recherche qui a permis la construction du film. Étant dans sa forme plus liée à des installations multimédias, certaines vues d’installations de ABC pour une abolition sont ainsi également visibles en annexes.

    Enfin, lors d’une résidence en août 2019 dans un village français, Uzeste, où se déroule chaque été un festival de free-jazz, j’ai entrepris un projet de collecte de chants populaires, notamment de femmes qui ne sont pas programmées officiellement au festival en tant que musiciennes, mais le peuplent et le construisent. Ce projet est évidemment une forme de filiation directe de entre os rios et de la recherche engagée autour du chant et de ses représentations en « portraits chantés ». On trouvera ainsi également des vues de la « manifestation de chants populaires » dans l’espace public qui fut la forme montrée durant le festival de ce projet.

    Il est évident que le projet central lié à ce travail est le film entre os rios, dont le lien est disponible à la fin des annexes, mais j’espère que cette constellation de propositions parallèles ou de bifurcations qui ont été les miennes durant cette recherche donneront accès au lecteur à une vision plus globale, peut-être plus ouverte, de ce que ce projet questionne et des formes hybrides, ouvertes, qu’il a pu prendre.

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  • Salah chante Bella Ciao dans la cuisine d’Ali, Casablanca, mars 2018 Fontaine asséchée de Bin el Ouidane, mars 2018

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  • SCENARIO

    DEVENIRPOÈTE-fiction

    Dans un décor fictif (intérieur, quelques objets symboliques rattachés au film – carte, objets, animaux, livres) une jeune femme debout déclare face à la caméra :

    « Ahmed Bouanani dans l’introduction à la poésie populaire marocaine, explique qu’il existe dans le pays plusieurs lieux sacrés (grottes, tombeaux saints) où l’aspirant poète se rend pour recevoir la consécration.

    C’est aussi lui qui a écrit le poème l’Analphabète : histoire, qui commence par :

    Si tu veuxJe me dis chaque jourSi tu veux revoir les chiens noirs de ton enfanceFais toi une raisonJette tes cheveux dans la rivière de mensonges. »

    LES ALOUETTES

    Sur le ferry Algesiras-Tanger, c’est la nuit. Le trajet est long, le vent souffle, et les lumières qui nous font distinguer la côte espagnole qui s’éloigne disparaissent petit à petit, jusqu’à être dans le noir complet. L’opératrice de caméra filme les lumières qui s’éloignent ; elle se retourne, le temps d’un coup d’œil, un millième de seconde, vers celle qui la filme, alors qu’on entend sourdement les alouettes marocaines.

    BIN EL OUIDANE

    « Les oiseaux de Bin el Ouidane ce sont des alouettes.Quand à la présence de dialecte, c’est parce que l’alouette appartient à la famille des passereaux, des oiseaux qui apprennent – et dont le langage n’est pas fixé génétiquement à la naissance. L’alouette des champs apprend toute petite auprès de son tuteur ; c’est son père. Elle reproduira l’accent paternel par mimétisme, par soucis de bien faire. »

    SCENARIO

    Bin el Ouidane est un grand lac dans la région de Tadla Azilal. Son nom signifie « entre les rivières ». Il y a sur une des rives une source d’eau naturelle, devant un olivier, dont le robinet est fermé par un bout de poche poubelle. Sur le lac, des hommes voguent sur des bateaux peints à la manière des motos tunning.

    SONHOS DE MENINO

    L’opératrice de caméra filme un arbre à Bin el Ouidane. Son ombre dessine un trait vertical au centre de l’image, qui la découpe en deux parties. Elle se met à chantonner, sans paroles, « Sonhos de Menino », de Tony Carreira.

    Salah (un jeune homme marocain) danse, accompagné par la voix qui chantonne toujours, dans un appartement. Il attrape un oreiller et le fait valser avec lui. Il se rassoit et demande à l’opératrice de caméra :

    « Can you sing Bella Ciao for me ? »

    Elle se met alors à chanter, et il chante avec elle, ainsi que d’autres personnes apparemment présentes dans la salle.

    DERRIÈRE LE SOLEIL

    Sur la route de Beni Mellal, le soleil forme entre les bâtiments un cercle éblouissant. La voix de la jeune femme qui racontait l’histoire des poètes dans la séquence 1, reprend en voix-off. Elle raconte que dans le poème l’Analphabète, d’Ahmed Bouanani, il y a un passage qui dit que derrière le soleil, des officiers creusent des tombes. Elle raconte qu’à Fatima, un village portugais, des centaines de personnes l’ont vu tourner sur lui-même comme un cercle d’argent. Elle parle de la lumière, de ceux qui disent qu’ils vivent de l’autre côté du soleil, soit à l’ombre, et de quelque chose qui tourne, comme un volant d’automobile.

    LES AUTO-TAMPONNEUSES

    A Tanger, il y a un parc d’attraction qui est le parc du roi du Maroc. La jeune femme continue de parler en voix-off, elle raconte la difficulté à faire une image des hommes (ce qui lui fait penser à la difficulté de Chris Marker à faire une image des femmes : si c’est l’immobilité qui

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  • Gyrophare des pompiers de la Sainte-Baume sur les montagnes, novembre 2018 Auto-tamponneur du parc du roi du Maroc, Tanger, mars 2018

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  • SCENARIO

    lui permettra de figer un quart de seconde le regard d’une femme sur le marché dans Sans soleil, c’est pour elle la mobilité des petites voitures électriques, qui lui offre un regard). Elle parle, peut-être, de jeu et de permission : permis de conduire, permis de faire des images, permis de jouer.

    LES CHEVAUX, LA SOURCE DU CHEVAL

    Elle parle d’un projet de voyage à cheval. Dans le futur, dans le passé, les voitures ne seront plus utilisées que pour des spectacles et des poèmes. Les chevaux eux resteront comme ils l’ont toujours été, avec les humains. Près de Beni Mellal, elle visite une source qui s’appelle Ain Asserdoun ; elle raconte l’histoire de cette source, qu’elle a trouvée sur internet :

    L’histoire commence quand un homme et sa femme étaient en train de laver de la laine sur la rive du fleuve. Ils en avaient perdu dans l’eau une importante partie : l’homme, parti visiter Beni Mellal, entend alors parler d’une histoire incroyable. La laine qu’il avait perdue avec sa femme, était sortie de la source. Poussé par la curiosité, l’homme entame alors une série d’explorations, dans le but de résoudre cette énigme. Il réussi alors à trouver la grotte par laquelle l’eau s’infiltre par des conduits souterrains, pour émerger à Ain Asserdoun. Pour en tirer profit, il bouche alors la majeure partie de la grotte, pour ne laisser filtrer qu’une infime quantité d’eau. C’est la panique à Beni Mellal, où l’accès à l’eau diminue à vue d’œil. L’homme détenant le secret de la source se rend alors négocier avec les puissants de la ville le retour de l’eau. Ils finissent par lui céder une grande partie de la fortune de la ville, en échange du retour de l’eau. Il part alors, à dos de mulet, emportant avec lui la fortune de Beni Mellal. C’est ainsi que la source gardera le nom de « Aïn Asserdoun », la source du mulet en berbère.

    LESANCTUAIRE-fiction(CabodaRoca?)

    Une jeune femme debout déclare face à la caméra :

    Ahmed Bouanani explique qu’une fois que le poète s’est rendu dans l’un des lieux sacrés, il doit y faire un sacrifice, et y dormir trois nuits. Il y a un autre passage du poème, un autre passage pour le comprendre :

    SCENARIO

    «Mes cheveuxou mes mainsretrouvent l’usagede la paroleDe ce que j’ai le plus aimé je veuxpréserver la mémoire intacteles lieux les noms les gestes - nos voixun chantestné - était-ce un chant ?De ce que j’ai le plus aimé je veuxpréserver la mémoire intacte maissoudain voilàles lieux se confondent avec d’autres lieux lesnoms glissent un à un dans la mortune colline bleue a parlé - où donc était-ce ?»

    LA MER : COVA DO VAPOR

    Il y a une tempête de sable, à Cova do Vapor, sur la côte d’Almada. Cova do Vapor, ce qui signifie la fosse, ou la tombe de la vapeur, est le lieu où le Tage plonge dans l’océan Atlantique. On y voit le phare du Bugio, que Fernando Pessoa avait élu comme Etat indépendant. Il est précisé dans le manifeste que cet état pourrait disparaître par fatigue. Bugio nous rappelle à l’histoire d’un phare, en Nouvelle Zélande, où vivait une espèce rare d’oiseaux sans ailes. Le gardien du phare, qui aimait les chats, a un jour décidé d’en adopter un. Le chat a décimé les oiseaux, et l’espèce sombra ainsi dans l’oubli.

    HISTOIRE DE CELUI QUI VOULAIT QUITTER SON PAYS

    On voit à l’image la lumière bleue-verte du phare de Bugio qui s’éclaire la nuit. En voix off, la jeune femme raconte l’histoire de celui qui voulait quitter son pays. C’est l’histoire d’un jeune homme, qui vivant dans un pays qu’il n’aimait pas, voulait le quitter. Chef de chantier, il devait pour obtenir le visa lui permettant de quitter son pays, apprendre à jouer du tamtam. Il s’entraîna des mois durant, et devint chanteur, en plus de savoir jouer avec grâce. Sa demande d’immigration fut refusée.

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  • Pêcheur de Cova do Vapor, juin 2018 Concert des Cheikhats, Casablanca, mars 2018

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  • SCENARIO

    LE JARDIN DES LARMES ET AUTRES JARDINS

    LE TAGE

    LA PLUIE, LA DANSE

    LES CHIENS

    LA CHASSE

    LE REPAS

    POSTFACE : LE REPOS Note : les séquences ci-dessus n’ont jamais été écrites.

    Certaines ont été tournées, d’autres non.

    SCENARIO

    Le phare de Bugio, «la bougie», ne s’allume que lorsqu’il y a des bateaux.

    FATIMA, SOUS LE SOLEIL EXACTEMENT

    Les miracles de Fatima sont des miracles contemporains : la file d’attente est longue au supermarché des bougies. Ceux qui jettent leur bougie dans les flammes de Fatima, ceux qui traversent les places à genoux, les grand-mères, les enfants, qui font la file aux miracles. Ils ont vu leur pays brûler tout l’été dernier, ils jettent leurs miracles comme quelque chose dont on voudrait se débarrasser. Leur geste n’est pas celui d’une fausse affectation, une femme dit les noms des gens qu’elle aime, un nom, une bougie qu’elle lance, et il y a dans cette image quelque chose du cimetière des chats japonais et de la chatte Tora. En relisant Helder, et ses poèmes-fleuves, monte le feu, la folie portugaise profonde.

    Que l’on parle ou ne parle pas portugais, c’est étrange toujours de lire de la poésie dans une autre langue. Quelque chose ne se dit plus du mot, quelque chose manque, qui manquait déjà.

    LA SARDINE

    LES HOMMES DEVENUS CHANSONS POPULAIRES

    LA LANDE, LA LANGUE

    FEU ET FLORAISON

    LE FAISAN AMOUREUX

    HISTOIRE DE CELLE QUI VOULAIT CHANGER SON VIN EN EAU

    LELAITDELABREBIS,L’EAUDELASOURCE-fiction

    LES CAMIONS, LES MEANDRES

    LES JOUEURS DE DES

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  • Femme de Fatima pendant le rituel des bougies, mai 2018 Hocine chante Ya Rayah, Marseille, novembre 2018

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  • SEQUENCIER

    FerryAlgesirasTanger-> / Mathilde chasse les alouettes de bin el ouidane / Texte devenir

    poète / Bin el Ouidane fixe, auto-portrait / Les hommes en bateau de Bin el Ouidane /

    Salah chante Bella Ciao / Les mains et les pieds de Salah / PharedelaCouronnerouge,

    proche-loin / Les pêcheurs de Cova jour de tempête + plandenuit / Le pêcheur de Cova

    / Les chiens et les chats de Cova /PhareBugio,panoramiqueLisboa-> / Texte la saison

    des sardines / João, Roméo, Juliette / Paula la sardine / UsinedeLavéra-> / Les mains de

    Mathilde, bague et cigarette / Fatima / Alfama source du Lion / Chafariz del Rey / Alouette,

    gentille alouette, sifflée (son) / Manifestation Marseille, bengales / Les manifestantes de

    Marseille / Marégraphe : séquencefixe, bâtiments, lune / Tempête de sable à Cova

    do Vapor, marche / A dança da solidão, Real Sociedade / Eau fontaine pierre, Granada /

    Lumière camion pompier Marseille / Cul de charrette au Maroc / Les auto-tamponneuses

    du Roi du Maroc / Texte les oiseaux de Bin el Ouidane / Oiseaux en cage / Caboda

    Rocapanoramiqueciel->phare / Hocine chante Aïcha etc… /Lesîles->marégraphe

    / Thomas chante l’hymne roumain / Les enfants nagent près de la Grande Mosquée à

    Casa / L’Huveaunne source tête / Aïn Asserdoun / Derrière le soleil / Les jeux de la radio

    marocaine (qu’est-ce qu’un méandre ?) / Chanson de la rue d’Aubagne, couverte de larmes

    / Fontaine des grenades / Les cheikhates, chant / Sol rocheux de la plage près de Casa, les

    chiens noirs / CabodaRoca,phareetnature-> / Les enfants de Vaux en Velin chantent «

    Résiste » / Source naturelle de la grotte / Les chiens noirs de la plage près de Casa / Texte

    ABC / FerryTanger-Tarifa->

    QUELQUES NOTES PREPARATOIRES

    Sur le son

    Les oiseaux chantent, les hommes chantentDes sons de pas, des cris d’animauxAutour du phénix pensé par Bachelard, penser la chanson comme re-chant, comme re-naissance, comme apparition disparition toujours pré-existante.Autrement dit, chansons fredonnées, extraits radios, sifflements, précèdent les apparitions visuelles et synchronisées.Penser la dé-synchronisation image-son pour les chants.Quel son fait le feu ?Pas d’instruments ; sons physiques, corporels.

    Sur les auto-tamponneuses

    Annoncent le monde futurS’entrechoquentMontage physique

    Sur derrière le soleil

    Aveuglement, derrière le soleil, les banlieuesLe regard de la caméra, le regard caméra25 images secondesRegarder de nouveau les questions de feu, les voleurs de feu, ProméthéeLe cercle solaire et le cercle oculaire derrière le soleil l’oeil de la caméra brûle le paysage

    Sur les langues et l’accent

    La supériorité de l’anglais dans la société contemporaine nous positionne tous dans une situation de créolisation. Toute langue qui n’est pas l’anglais se créolise, l’anglais lui-même se créolise. Voir Césaire

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  • Manifestante, marche de la Colère, Marseille, novembre 2018 Soleil couchant sur Beni Mellal, 2018

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  • RECHERCHES POUR LA VOIX-OFF

    Elle m’écrivait d’un pays lointain, au milieu de la Méditerranée. Elle me disait : si un homme ou une femme reçoit un jour ces images et ne sait pas les déchiffrer, il en comprendra le signal, l’intention sans intention, qui m’a poussé au voyage.

    Elle me disait : les pêcheurs des bords de mers forment une communauté sans frontières : ils parlent un langage de lignes, de vents, d’attente.J’apprends ici que les sardines mangent plus avant l’hiver; la saison des sardines est donc au début de l’automne. Savoir qui tient tout entier sur une ligne recopiée, une phrase, un fil de pêche.

    Ainsi la ligne tendue par le pêcheur me rappelle soudainement à une autre forme de frontières; bureaucratiques, autoritaires, tracées à la règle sur des feuilles de papier qui n’ont jamais rien compris au sens du courant.

    Que savent-elles de la saison des sardines, ou du froid de l’hiver? Elle me parlait de Bin el Ouidane, un lac de la région berbère. Elle me disait : j’ai rencontré une femme racontant l’histoire des oiseaux d’ici; ce sont des alouettes, cotovias en portugais.Quant à la présence de dialecte, c’est parce que l’alouette appartient à la famille des passereaux, des oiseaux qui apprennent. L’alouette des champs apprend toute petite auprès de son tuteur; c’est son père.Elle reproduira l’accent paternel par mimétisme, par souci de bien faire. Elle me disait « La société antéislamique marocaine définit une marche à suivre très précise pour celui ou celle qui voudrait devenir poète. Il devra se rendre dans un des lieux sacrés du pays, y faire un sacrifice et y dormir trois nuits. Si le sacrifice est suffisant, la mère des esprits le réveillera. Elle lui fera alors boire l’eau de la source, ou le lait de la brebis. (…) ».

    Elle me disait : « J’ai cherché les lieux sacrés. Près du lac, entre les rivières, j’ai rencontré Salah, le garçon qui voulait quitter son pays. Quelques semaines plus tard, il passait un examen de tamtam à l’ambassade ; il avait demandé un visa d’artiste, et appris le tamtam en une semaine pour l’examen. Il n’eut pas de passeport, et se mit à prendre des cours de théâtre, pour devenir un autre artiste, dans un autre pays. »

    Elle m’écrivait dans toutes les langues, quelques fois par signes ; trait, cercles, point, lueurs, dessins qui semblaient venir d’un autre temps, d’un autre lieu.

    RECHERCHES POUR LA VOIX-OFF

    Elle me parlait des femmes qui hurlaient, des hommes qui chantaient, des chiens qui aboyaient et des oiseaux qui pleuraient.

    Elle m’envoyait un jour des cris enfermés dans une enveloppe.

    Elle m’écrivait :

    « Dans ce monde en papier journal, il n’y a pas de vent fouNi de maisons qui dansent

    Il y aderrière le soleildes officierscreusant des tombes

    Et dans le silence le fracas des pelles remplace le chant. »

    J’ai voulu revoir les chiens noirs de mon enfance. J’en ai rencontré sur une plage de banlieue, des chiens noirs comme on n’en voit plus ; de ceux qui montrent les dents et soutiennent le regard du soleil.

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  • Manifestante, marche de la Colère, Marseille, novembre 2018 Pêcheur de Cova do Vapor et lune, juin 2018

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  • FICHE TECHNIQUE

    Titre : entre os rios / entre les rivières / bin el ouidane

    Datederéalisation:Juillet2019

    Durée : 00h46mn00

    Format: 4/3 Couleur

    Captation : DV/PAL, HD

    Réalisation,écriture,images,son,montage,production : Mona Convert

    Mixageson : Jean Holtzmann

    Etalonnage : Dimitri Darul

    Textes : «Devenir-poète», inspiré d’Ahmed Bouanani, Introduction à la poésie populaire marocaine, revue Souffles n°3, 1966 «Graines de couscous» co-écrit avec Carlos Filipe Cavaleiro, Mathilde Garcia- Sanz, Ella Wagner

    Avec : Salah, les pêcheurs de Cova do Vapor, Paula, João et son ami, les pélerins de Fatima, les manifestant(e)s de Marseille, Hocine et ses cousins, Thomas, Ghassan, Amine, Mohamed, Hamid, Ali, Bendin, Taha, Walid, Nourredine, Mokhtar, les enfants de Vaux-en-Velin

    Chants : Bella Ciao, interprété par Salah, composition anonyme, 1944 Romeo and Juliette, interprété par João, composition de João A dança da solidão, interprété par l’ami de João, composé par Paulinho da Viola, 1971 Japoniya Hiya Rizo, interprété par Hocine, composé par Ched Djalil, 2016 Ya Rayah, interprété par Hocine, composé par Rachid Taha, 1993 Desteapta-te romane!, interprété par Thomas, composé par Andreï Nurresano, 1841 Haka derii wesdoun, interprété par le Kabaret Cheikhats, composé par Cheikha Reno Hak a mama, interprété par le Kabaret Cheikhats, composé par Zarah el Fassia, 1920 Résiste, interprété par les enfants de Vaux-en-Velin, composé par France Gall, 1985

    VOIX-OFF

    Il existe dans notre pays plusieurs lieux sacrés où les jeunes poètes et les jeunes poétesses se rendent pour accomplir un rituel immémorial.

    C’est à la Couronne, après les usines de Lavéra, ou sur les rives d’Algesiras, à l’Huveaunne sur les hauteurs de la Sainte Baume, au parc du roi du Maroc où les enfants et les amoureux s’entrechoquent embarqués dans des véhicules électriques.

    À la Real Sociedade ou au bar du Peuple, ou encore dans tous les bars et salles de concerts qui ont vu passer les Cheikhates.

    À Cova do Vapor, Cabo da Roca, auprès des pêcheurs de Bin el Ouidane, à la source du lion ou à la source de l’âne : Ain Sebaa, Ain Asserdoun.

    C’est encore à Fatima, à Tanger, à Lisbonne, à Casablanca, dans la maison d’Ali et de Salah, chez Carine à Noailles, dans les manifestations populaires de Marseille, ou aux alentours du marégraphe européen.

    Ils et elles, depuis toujours se rendent dans ces lieux-là, y font un sacrifice, y jettent leurs cheveux ou y murmurent un secret, et s’endorment pour trois nuits.

    Alors, pour ceux d’entre eux qui ont su préserver la mémoire intacte de ce qu’ils ont le plus aimé (les noms, les gestes, les lieux – un chant) apparaîtra la mère de l’esprit.

    Elle leur fera boire l’eau de la source, le lait de la brebis et alors, alors ils se verront entourés des génies, de ces hommes-là devenus chansons populaires. Les génies leur offriront du couscous.

    Autant de grains ils mangeront, autant de poèmes ils écriront.

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  • Les enfants de Vaux-en-Velin chantent Résiste au karaoké, décembre 2018 Chien errant, plage près de Casablanca, mars 2018

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  • ABC POUR UNE ABOLITION

    Introduction

    Avant de commencer le montage d’entre os rios, lors de l’organisation des plans tournés en différentes catégories (portraits, paysages, mouvements…), m’apparaît que j’ai entre les mains une matière filmique assez conséquente de plans de phares, ou d’équivalents de phares, notamment filmés d’abord en plan fixe, généralement avec un horizon au centre du cadrage, puis en panoramique horizontal allant de gauche à droite. Je décide alors de monter ces plans ensemble, créant ainsi une forme de panoramique constant, traversant les différents lieux de tournages, passant de la nuit la plus totale au plein jour. Les codes lumineux des phares m’amènent à réfléchir à la question du code morse, et à sa possibilité de créer un langage mystérieux, abstrait pour la majorité des gens, mais qui porte cependant profondément cette idée d’adresse, que quelqu’un, quelque part, s’adresse à nous. Dès lors, je décide, pour la bande son, de composer un poème en code morse, en différents langages (portugais, français, et darija). De ce travail naît donc ABC pour une abolition, qui fondera la « structure maritime » de entre os rios.

    Synopsis

    ABC pour une abolition est un lever de soleil, une erreur dans la machine, une conversation en code morse entre des phares de chaque côté de la Méditerranée.Que se disent-ils ? De la poésie.Les mots secrets des phares, les mots-signaux, les mots-lumières. Les mots qu’ils préférent, dans leurs langues, dans toutes les langues.A-systématiques, les phares se parlent, en son et en lumière, l’analphabet.

    Image,montage,son,production:Mona Convert

    Format: 4/3 couleur

    Durée:00h19min11

    ProjectionauFestivalSOMA,Lisboa,2019 Installation100sois,avecCarlosFilipeCavaleiro,GAB-A,Lisboa,2019 Projectionciné-concert,FestivalUzesteMusical,Uzeste,2019

    Installation 100 sois, Mona Convert et Carlos Cavaleiro, GAB-A, Faculdade de Belas Artes de Lisboa, mai 2019

    ABC : VUES D’INSTALLATION

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  • Installation 100 sois, Mona Convert et Carlos Cavaleiro, GAB-A, Faculdade de Belas Artes de Lisboa, mai 2019

    Installation 100 sois, Mona Convert et Carlos Cavaleiro, GAB-A, Faculdade de Belas Artes de Lisboa, mai 2019

    ABC : VUES D’INSTALLATION ABC : VUES D’INSTALLATION

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  • CHANTEUSES D’UZESTE MUSICAL

    En août 2019, je suis accueillie en résidence à Uzeste, village des Landes Girondines, par la compagnie Lubat, en compagnie de Carlos Filipe Cavaleiro, Tao Rousseau et Pierre Richard.

    Nous nous proposons, durant les trois semaines précédant le festival Uzeste Musical, de réaliser des propositions plastiques et audiovisuelles liées au territoire d’Uzeste et alentour et à ses habitants, pour ensuite les présenter durant la période du festival. Ainsi, lors de ce temps de résidence, je commence à récolter des portraits filmés de gens que je croise dans le village qui chantent des chansons de leur choix. Ce projet naît évidemment des recherches engagées précédemment avec entre os rios, mais tend également à donner plus de visibilité aux femmes dans l’espace public, notamment à l’intérieur de ce festival qui, malgré ses efforts, offre une programmation majoritairement masculine.

    Quelle est la place des femmes dans l’espace public ? Comment donner à entendre leurs voix, diverses, leurs doutes, leurs improvisations, leurs oublis ? Quel est leur rapport au chant, elles qui ne sont pas considérées comme professionnelles, et, de manière plus générale, quel est notre rapport au chant, quelle est cette mémoire qui nous traverse et nous ramène aux comptines de notre enfance ?

    Telles sont les questions qui fondent ce projet, évidemment embryonnaire étant donné le court temps de production qui y a été pour l’instant accordé. La forme proposée durant le festival sera une projection mobile, sorte de manifestation ou procession de chants majoritairement féminins dans l’espace du village.

    À la sortie des grands concerts sous le chapiteau, nous attendons le public, munis d’un écran de 4 mètres sur 3 mètres, porté par deux personnes. Derrière cet écran, grâce à la maquisarde (tri-porteur équipé de quatre batteries de voitures permettant l’autonomie électrique d’un vidéo-projecteur, d’un ordinateur et d’un système son, nous permettant la projection mobile en espace public) je projette, avec l’aide de mes compagnons de résidence, les portraits des chanteurs et chanteuses d’Uzeste. Le public, durant approximativement 20 minutes, marchera derrière l’écran en réalisant un court parcours dans les rues principales du village.

    Manifestation de chants populaires dans l’espace public, projection mobile, Uzeste Musical août 2019

    CHANTEUSES D’UZESTE MUSICAL

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  • Manifestation de chants populaires dans l’espace public, projection et sonorisation mobile, écran 4mx3m, août 2019, Uzeste Musical

    Manifestation de chants populaires dans l’espace public, projection et sonorisation mobile, écran 4mx3m, août 2019, Uzeste Musical

    CHANTEUSES D’UZESTE MUSICAL CHANTEUSES D’UZESTE MUSICAL

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  • Laurence improvise, Uzeste Musical août 2019 Caroline chante Papirosson, Uzeste Musical août 2019

    CHANTEUSES D’UZESTE MUSICAL CHANTEUSES D’UZESTE MUSICAL

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  • LIENS VERS ENTRE OS RIOS / BIN EL OUIDANE / ENTRE LES RIVIERES

    Versionsanssous-titres:

    LIEN : https://vimeo.com/350332620MOT DE PASSE : entrelesrivieres

    Versionsous-titréeenportugais:

    LIEN : https://vimeo.com/365501483MOT DE PASSE : entreosrios

    LIEN VERS ABC POUR UNE ABOLITION

    https://vimeo.com/325701039

    REMERCIEMENTS

    Ce film est dédié à Mathilde Garcia-Sanz, qui l’a vu naître et en a partagé les dérives, les poèmes, les douceurs et les violences. Que les chiens noirs t’accompagnent.

    Je remercie profondément Salah, pour nous avoir guidées, accueillies et appris les légendes de son pays, ainsi que Mokhtar, Amine, Mohamed, Hamid, Ali, Bendin, Taha, Walid, Nourredine et Ghassan pour leur énergie de cheikhats, leur liberté sans frontières, leur accueil et leur générosité. Avec les fautes d’orthographes de mon mauvais darija, choukran b3zz3f.

    Je remercie également Hocine, Thomas, João et son ami ainsi que les enfants de Vaux-en-Velin, pour ce qu’ils offrent de courage dans leur tristesse, dans leur joie, dans leurs mémoires et dans leurs oublis.

    Enfin, pour leur aide et leur soutien sans failles, je remercie Julien Gourbeix pour son amour du montage et son amour de vivre, comme d’apprendre à vivre et à fabriquer, Antonio de Sousa Dias pour sa confiance et sa patience, Susana de Sousa Dias pour la justesse de son regard et ce qui en elle nous pousse vers le réel, Jean Holtzmann pour son accueil, son amplitude et sa patience d’écoute, et pour les univers sonores qu’il m’a appris à entendre, Dimitri Darul qui marche dans la couleur, ainsi que Carine Bobin, Fabien Béziat, Catarina Mourao, Sara Millot, Carlos Filipe Cavaleiro, Pascal Convert, Martine Convert, Tao Rousseau, et Pierre Richard, qui sont autant de graines de couscous.

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