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Soil Water Balance in the SudanoSahelian Zone (Proceedings of the Niamey Workshop, February 1991). IAHS Publ. no. 199,1991. Le bilan hydrique: dilettantisme ou nécessité pour comprendre les relations milieu physique-culture en zone tropicale sèche? J.-L. CHOPART IDESSA, BP 635, Bouaké, Côte d'Ivoire, et BMT-CIRAD, BP 5035, 34032 Montpellier Cedex, France M. VAUCIJN IMG de Grenoble, UMR101, CNRS, BP 53 X, 38041 Grenoble, France R. NICOU IRAT/CIRAD, BP 596, Ouagadougou, Burkina Faso Résumé Les résultats de deux dispositifs expérimentaux situés dans deux régions soumises à la sécheresse en Côte d'Ivoire et au Sénégal montrent que la seule prise en considération des précipitations y est insuffisante pour expliquer les variations de production, liées au climat. En revanche, la caractérisation des conditions, d'alimentation hydrique au cours du cycle végétatif, grâce à un suivi in situ des composantes du bilan hydrique, par humidimétrie neutronique, permet de mieux évaluer les relations complexes entre le milieu physique (sol-climat) et la production de la culture. En l'absence d'un suivi hydrique, il est possible de faire appel à des modèles. Pour être opérationnels à l'échelle de la parcelle, ceux-ci doivent simuler le comportement du système sol-climat-plante par l'intermédiaire d'un nombre aussi réduit que possible de paramètres mais prenant en compte les plus pertinents, notamment ceux liés à la plante (ETM, croissance racinaire). Ces modèles de bilan hydrique sont alors un outil précieux d'analyse de la variabilité de la production des cultures considérées. INTRODUCTION En zone tropicale sèche, les expérimentations agronomiques de longue durée ou les séries d'essais posent souvent des problèmes d'interprétation des résultats de production, du fait de la grande variabilité interannuelle et spatiale de ceux-ci. Cette variabilité est généralement liée à l'hétérogénéité spatio-temporelle des précipitations dans ces régions. Elle rend délicate, en les masquant, la mise en évidence de lois de variation dans le temps ou dans l'espace de la production et d'effets de facteurs étudiés (variétés, techniques, etc.). En s'appuyant sur deux séries de résultats d'essais agronomiques, l'une provenant du Sénégal entre 1962 et 1981 et l'autre de la zone de savanes de 345

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  • Soil Water Balance in the SudanoSahelian Zone (Proceedings of the Niamey Workshop, February 1991). IAHS Publ. no. 199,1991.

    Le bilan hydrique: dilettantisme ou nécessité pour comprendre les relations milieu physique-culture en zone tropicale sèche?

    J.-L. CHOPART IDESSA, BP 635, Bouaké, Côte d'Ivoire, et BMT-CIRAD, BP 5035, 34032 Montpellier Cedex, France

    M. VAUCIJN IMG de Grenoble, UMR101, CNRS, BP 53 X, 38041 Grenoble, France

    R. NICOU IRAT/CIRAD, BP 596, Ouagadougou, Burkina Faso

    Résumé Les résultats de deux dispositifs expérimentaux situés dans deux régions soumises à la sécheresse en Côte d'Ivoire et au Sénégal montrent que la seule prise en considération des précipitations y est insuffisante pour expliquer les variations de production, liées au climat. En revanche, la caractérisation des conditions, d'alimentation hydrique au cours du cycle végétatif, grâce à un suivi in situ des composantes du bilan hydrique, par humidimétrie neutronique, permet de mieux évaluer les relations complexes entre le milieu physique (sol-climat) et la production de la culture. En l'absence d'un suivi hydrique, il est possible de faire appel à des modèles. Pour être opérationnels à l'échelle de la parcelle, ceux-ci doivent simuler le comportement du système sol-climat-plante par l'intermédiaire d'un nombre aussi réduit que possible de paramètres mais prenant en compte les plus pertinents, notamment ceux liés à la plante (ETM, croissance racinaire). Ces modèles de bilan hydrique sont alors un outil précieux d'analyse de la variabilité de la production des cultures considérées.

    INTRODUCTION

    En zone tropicale sèche, les expérimentations agronomiques de longue durée ou les séries d'essais posent souvent des problèmes d'interprétation des résultats de production, du fait de la grande variabilité interannuelle et spatiale de ceux-ci. Cette variabilité est généralement liée à l'hétérogénéité spatio-temporelle des précipitations dans ces régions. Elle rend délicate, en les masquant, la mise en évidence de lois de variation dans le temps ou dans l'espace de la production et d'effets de facteurs étudiés (variétés, techniques, etc.). En s'appuyant sur deux séries de résultats d'essais agronomiques, l'une provenant du Sénégal entre 1962 et 1981 et l'autre de la zone de savanes de

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  • J.-L. Chopartetal. 346

    Côte d'Ivoire en 1989, on examinera dans quelle mesure la caractérisation du bilan hydrique dans ces expérimentations peut être un outil utile pour l'interprétation des résultats de production.

    MKTHODES D'ETUDE

    Expérimentations à Bambey (Sénégal) entre 1962 et 1981

    On étudie l'évolution à long terme de la production et de l'effet de deux techniques: semis direct, labour en sec à la charrue, sur une culture quasi-continue d'arachide. La description des expérimentations est détaillée par ailleurs (Chopart & Nicou, 1989). Les conditions climatiques sont reportées dans le Tableau 1.

    Tableau 1 Expérimentation de Bambey. Hauteur totale de pluie (mm) entre le semis et la récolte de l'arachide

    Année 1962 1964 1966 1967 1968 1969 1970 1971 1972 Pluie 634 536 500 766 335 683 482 553 313 Année 1973 1974 1975 1976 1977 1978 1979 1980 1981 Pluie 339 505 527 349 409 696 339 378 540

    Expérimentations de travail du sol à Bouaké en 1989

    L'étude a été menée, non plus sur un même dispositif répété pendant une longue série d'années, mais en 1989 sur quatre essais localisés dans un même site (station expérimentale de Bouaké). Les conditions expérimentales de ces quatre essais en culture de maïs diffèrent seulement par le fait que l'un d'entre eux a bénéficié d'irrigations pendant les périodes de sécheresse, et par les objets étudiés. Ceux-ci ont en commun deux traitements, semis direct et labour à la charrue à soc, qui seront seuls examinés ici. Sur ces deux traitements, l'état initial du sol, le précédent cultural, la fertilisation, la variété, le rayonnement solaire, la pression des parasites et des mauvaises herbes sont identiques d'un essai à l'autre. Les conditions climatiques sont reportées dans le Tableau 2.

    Tableau 2 Expérimentation de Bouaké. Conditions climatiques pendant la culture de maïs en 1989

    Essai 1 Essai 2 Essai 3 Essai 4

    Date de semis (jour-mois) 16.03 2103 04.04 04.04 Pluies pendant le cycle 297 333 464 440 Irrigations en période sèche 0 0 0 107 ETP (Penman) pendant le cycle 500 485 477 454

  • 347 Le bilan hydrique et les relations milieu physique-culture

    Evaluation des conditions d'alimentation hydrique

    Sur ces deux expérimentations, les composantes du bilan hydrique: évapotranspiration réelle, excès d'eau (drainage + ruissellement) ont été estimées par modélisation, les précipitations et la demande evaporative étant mesurées. Pour l'expérimentation de Bambey, entre 1962 et 1981, le modèle de Franquin & Forest (1977) a été utilisé au pas de temps décadaire. Pour celle de Bouaké en 1989, l'alimentation hydrique de la culture relative à chacun des quatre sites a été estimée au pas de temps journalier par le modèle PROBE (Chopart & Siband, 1988), dérivé du précédent par la prise en compte d'une réserve en eau utile maximale dans la zone racinaire, variable dans le temps. Ce modèle a été précédemment validé in situ sur riz pluvial à Bouaké (Chopart & Vauclin, 1990). Sur deux des quatre sites, on a également pu évaluer les termes du bilan hydrique par humidimétrie neutronique et tensiométrie (Chopart, 1990a). Le drainage en dessous de la zone racinaire a été évalué en utilisant la loi de Darcy. Ces mesures ont été utilisées pour valider le modèle sur maïs.

    RESULTATS

    Les deux expérimentations citées et dont les résultats vont être pris en compte ont pour objectif la comparaison de techniques culturales, travail du sol en particulier, dont la discussion des résultats en termes agronomiques et pratiques sort du cadre de ce mémoire. Ces résultats ont d'ailleurs déjà été en partie publiés (Chopart & Nicou, 1989; Chopart, 1990b). Après une brève présentation du rendement, on se contentera ici d'examiner dans quelle mesure la prise en compte des composantes du bilan hydrique peut contribuer à une meilleure compréhension de la variabilité de ces résultats.

    Production

    Bambey 1962-1981 Comme le montre la Fig. 1, la production de gousses d'arachide est très variable d'une année à l'autre, passant de 150 à 1670 kg ha"1 en semis direct, et de 220 à 2690 kg ha"x sur sol labouré. Au vu de ces résultats, il est très difficile de mettre en évidence un effet moyen du labour, et une évolution structurée dans le temps de la production et de l'influence du travail du sol.

    Bouaké 1989 Le Tableau 3 montre que la variabilité de la production est très grande, malgré des conditions expérimentales très proches, à l'exception des précipitations (Tableau 2). Par ailleurs, on remarque que l'influence de la technique étudiée passe d'un effet spectaculairement positif (essai 1) à un effet spectaculairement négatif (essai 3).

    La recherche de l'origine de ces variabilités de la production et de l'effet de la technique est évidemment un préalable à toute interprétation de ces essais.

  • J.-L. Choparteîal Gousses kg ha- '

    348

    O Labour

    © Témoin

    Fig. 1 Expérimentation de Bambey. Production d'arachide (kg ha'1) avec et sans labour entre 1962 et 1981.

    Tableau 3 Expérimentation de Bouaké en 1989. Production du mais (kg ha'1)

    Essai 1 Essai 2 Essai 3 Essai 4

    Poids tiges + feuilles: semis direct labour

    Poids grains: semis direct labour

    1160 2030

    400 1090

    1780 2480

    1140 1650

    2650 3830

    780 200

    4100 5000

    3400 3850

    Pluies et production

    Bambey 1962-1981 La relation, sous forme de régression linéaire entre le total des précipitations pendant la période de culture (semis à la récolte) et la production est très lâche comme le montrent les coefficients de détermination des régressions (1) et (2). La pluviosité comprise entre 766 mm

  • 349 Le bilan hydrique et les relations milieu physique-culture

    (1967) et 313 mm (1972) a pourtant été très souvent considérée comme insuffisante pour assurer une croissance et une production satisfaisante.

    Rsd = 0.92 P + 453 r2 = 0.078 n = 18 (1)

    RI = 0.91 P + 482 r2 = 0.15 n = 18 (2)

    Rsd et RI = rendement de l'arachide (gousses) en kg ha"1, sur semis direct et sur labour; P = total des pluies entre le semis et la récolte (en mm).

    Bouaké 1989 On ne dispose pas d'une série de données aussi complète que dans l'expérimentation précédente, mais il apparaît néanmoins clairement que la hauteur des pluies au cours du cycle (Tableau 2) n'est pas un élément explicatif satisfaisant du rendement puisque pour le traitement labouré, l'essai 3 présente la production la plus faible, alors que la pluie y a été la plus importante des trois sites non irrigués.

    Bilan hydrique et production

    On a retenu ici deux composantes du bilan hydrique pour expliquer la variabilité interannuelle de la production:

    le taux de satisfaction des besoins en eau d'une culture (ETR/ETM), c'est-à-dire le rapport entre l'évapotranspiration réelle (ETR) et l'évapotranspiration maximale de celle-ci dans les mêmes conditions écologiques (ETM); un terme d'excès d'eau (D) nommé par commodité drainage, mais qui peut également intégrer, dans le modèle utilisé, pour l'évaluer, une part de ruissellement, voire d'engorgement temporaire.

    Bambey 1962-1981 On a tenté d'établir des modèles de liaison entre la production enregistrée et différents facteurs. La prise en compte de l'ETR/ETM moyen et du drainage total, au cours du cycle, permet ainsi d'obtenir une régression multiple entre ces facteurs et la production. La liaison obtenue pour la série d'années étudiée (18 résultats) est nettement meilleure que la simple relation pluie x production, comme l'indique le Tableau 4.

    On observe un effet défavorable du drainage. Ceci pourrait être dû à des phénomènes temporaires de réduction de l'aération du sol et de la modification des caractéristiques du milieu. Les années à forte pluviosité, et donc à fort drainage, sont aussi souvent celles où l'ensoleillement est le plus faible. Il faut donc considérer le terme de drainage (D) comme un indicateur synthétique de différentes conditions d'environnement pédoclimatique de la plante.

    Une analyse détaillée des résultats de cette expérimentation (Chopart & Nicou, 1989) a montré l'intérêt de tenir compte également d'un autre indicateur synthétique. Celui-ci est le nombre d'années de culture continue (T), soit après la mise en place de l'essai (de 1962 à 1968), soit après des

  • J.-L. Chopartetal. 350

    Tableau 4 Expérimentation de Bambey. Analyse de la variabilité interannuelle de la production d'arachide (R en Ag ha'1). Régressions prenant en compte la pluviosité totale au cours du cycle (P en mm), le taux moyen de satisfaction des besoins en eau au cours du cycle (ETR/ETM), l'excès d'eau total (D en mm), et le nombre d'années de culture continue après la mise en place de l'essai ou d'apport de chaux (T en années). Les coefficients de régression sont a, b, c, e, avec e représentant la constante

    Modèle Traitement

    1:R = aP + e

    2: R = aETR/ETM + bD + e

    3: R = aETR/ETM + bD + cT + e Semis direct

    Semis direct

    Labour

    Semis direct Labour

    Semis direct Labour

    18 12 18 12

    12 12

    12 12

    0.28 0.18 0.39 0.30

    0.68 0.76

    0.85 0.92

    92 55 91 1.21

    2849 4303

    1597 2452

    -2.71 -3.2

    -1.8 -1.8

    -94 -140

    453 858 482 905

    -282 -762

    285 968

    n: nombre de résultats annuels pris en compte dans la relation; r: coefficient de corrélation.

    Effet du labour en %

    A

    50-

    40

    30

    20-

    10

    ETR/ETM = .8

    ETR/ETM = .6

    Années de culture après défriche ou apport de chaux

    1 >— 10

    Hg. 2 Expérimentation de Bambey. Simulation de l'effet du labour en fonction du nombre d'années de culture après défriche ou apport de chaux et du taux de satisfaction des besoins en eau.

  • 351 Le bilan hydrique et les relations milieu physique-culture

    apports de chaux, effectués en 1969 et 1970 (de 1971 à 1980). Les apports de chaux étaient destinés à corriger un pH abaissé, et ont été renouvelés en 1981 (Chopart & Nicou, 1989). Ce facteur T a été intégré dans le modèle empirique d'explication de la variabilité interannuèlle du rendement (Tableau 4). Le calcul de la régression ne porte alors que sur 12 années. On a en effet éliminé les trois années d'apport de chaux et également trois autres années dont les conditions de culture ont été jugées non représentatives (Chopart & Nicou, 1989). La prise en compte de ce troisième facteur explicatif a permis de modéliser l'évolution du rendement de l'arachide à l'intérieur de la période considérée avec un degré d'explication de la variabilité observée de 73% en semis direct et de 85% en situation labourée (Tableau 4). Avec ce facteur T, le modèle no. 3 est donc plus explicatif que le modèle no. 2 qui ne prend en compte que les aspects hydriques.

    La modélisation de la variabilité de la production retenue a permis de mettre en évidence le rôle du bilan hydrique dans cette variabilité, et aussi une certaine quantification de ce rôle. Elle a également permis, après avoir éliminé le "bruit de fond" lié à la variabilité aléatoire du climat, de mettre en évidence une évolution plus structurée de la production et de l'effet du travail du sol en fonction du nombre d'années de culture. On observe ainsi (Tableau 4) qu'en conditions d'alimentation hydrique identique d'une année à l'autre, la production tend à diminuer d'environ 100 kg ha"1 an"1 sur semis direct et de 140 kg ha"1 an"1 sur sol labouré. L'effet du travail du sol tend de ce fait à diminuer également (Fig. 2). Cette analyse n'aurait pas été facile au vu des seuls résultats de production (Fig. 1).

    Bouaké 1989 Le nombre de résultats disponibles (quatre) empêche toute modélisation de la production, comme dans 1l'expérimentation précédente. En revanche, sur deux des quatre essais étudiés, on a pu évaluer séparément les composantes du bilan hydrique grâce à des mesures tensio-neutroniques et par le modèle PROBE. Les deux méthodes donnent des résultats suffisamment comparables pour valider le modèle dans les conditions expérimentales (Chopart, 1990a). On met bien en évidence, en

    Tableau 5 Expérimentation de Bouaké en 1989. ETR et taux de satisfaction des besoins en eau du ma'È. Evaluation par simulation du bilan hydrique (modèle PROBE)

    Essai 1 Essai 2 Essai 3 Essai 4

    ETR cycle (mm): labour 244 245 288 330 semis direct 267

    ETR/ETM cycle: labour 0.58 0.61 0.71 0.83 semis direct 0.77

    ETR/ETM phase critique (36-60 JAS): labour 0.68 0.68 0.44 0.70 semis direct 0.61

  • J.-L. Chopartetal. 352

    particulier, les deux périodes de stress hydrique, situées en début de cycle et à l'épiaison observées sur le terrain.

    L'évaluation, par modélisation, du bilan hydrique des quatre sites, fait ressortir une certaine relation entre le rapport ETR/ETM, moyen au cours du cycle, et la production de tiges + feuilles (Tableaux 3 et 5). En revanche, ce facteur n'est pas explicatif des variations de production de grains et encore moins de l'effet du travail du sol.

    Il a donc paru nécessaire de procéder à une analyse plus détaillée des variations des conditions d'alimentation hydrique au cours du cycle, et de la position des périodes de sécheresse par rapport au stade de végétation du maïs où celui-ci est le plus sensible au stress hydrique. Cette analyse (Fig. 3, et Chopart, 1990 b,c) permet d'expliquer la faible production de l'essai 3, sur labour, comparativement à celle des essais 1 et 2. En effet, la période de sécheresse de la fin du mois de mai a coïncidé avec la période d'épiaison-floraison, alors que sur les autres essais, cette phase critique a pu se situer à une période plus pluvieuse. Sur l'essai 3, on a observé un effet

    Pluies (mm)

    fiO

    40

    20 -|

    0

    l

    Irrigations (Silc n 4) (mm)

    20- , .

    . 1 1 1 1 1 1

    — 1 [ _ ' 1 ' - il I I » , . 1

    ,

    | 1 -L-1/04 15/04 1/05 15/05 30/05 15/06

    ETR/ETM

    1/04

    SI S2 S3-4:.Semis

    Date: Jour/Mois

    Fig. 3 Pluies et taux de satisfaction des besoins en eau sur les quatres essais de Bouaké.

  • 0.8

    353 Le bilan hydrique et les relations milieu physique-culture

    ETR/ETM

    = ? ^ .

    • « Labour

    - O Semis direct

    JAS

    10 20 30 40 50 60 70 80

    Fig. 4 Bouaké 1989 essai 3: évolution du taux de satisfaction des besoins en eau (ETR/ETM) du mais (var CD).

    marqué de l'état physique du profil cultural, lié au travail du sol, sur la croissance et l'alimentation hydrique des plantes. En début de cycle, les plantes cultivées sur sol labouré ont nettement moins souffert de la première période de sécheresse que les plantes venant sur semis direct. Les développements végétatifs sur les deux traitements étaient, en conséquence, très différenciés au moment de l'épiaison lorsqu'est survenue la seconde période de sécheresse. Celle-ci a alors entraîné un flétrissement nettement plus important sur les parcelles labourées que sur les parcelles en semis direct (Chopart, 1990b). Ces conditions d'alimentation hydrique, différentes sur les deux traitements, ont pu être simulées grâce au modèle PROBE (Fig. 4). On a retenu pour cela, sur le traitement labouré, une vitesse de colonisation racinaire du sol plus grande en début de cycle, et des besoins en eau du mais également plus importants en relation avec les développements végétatifs et racinaires observés (Chopart, 1990b,c). Dans ces conditions, l'évolution au cours du cycle du taux de satisfaction des besoins en eau donnée par le modèle (Fig. 4) est en effet différente d'un traitement à l'autre, malgré des conditions climatiques rigoureusement identiques, conformément à la réalité du terrain.

    Les grandes différences de rendement et d'effet des techniques culturales observées sur les quatre essais cités, placés dans les mêmes conditions expérimentales exceptées les dates de semis légèrement décalées, ne s'expliquent donc ici que grâce à une analyse détaillée du bilan hydrique.

  • J.-L. Chopartetal. 354

    DISCUSSION - CONCLUSION

    Les deux expérimentations présentées donnent une illustration de la grande variabilité spatio-temporelle de la production agricole dans les zones soudano-sahéliennes et soudano-guinéennes, où sévit de façon endémique le phénomène de la sécheresse. Dans ces régions, où il est courant de dire que la sécheresse est due à une pluviosité insuffisante, l'augmentation des quantités d'eau reçues par la plante est certes un des moyens les plus efficaces pour améliorer l'alimentation hydrique des cultures. La simple mesure des précipitations apparaît toutefois insuffisante, au vu des résultats présentés, pour caractériser le niveau d'alimentation hydrique de la culture dans un but d'analyse de la production. Il est nécessaire d'évaluer suivant un pas de temps aussi court que possible les quantités d'eau réellement consommées, le taux de satisfaction des besoins en eau des plantes et les excès d'eau. Une même pluviosité annuelle peut en effet permettre ou non une alimentation hydrique suffisante d'une même culture, suivant la répartition des pluies dans le cycle, la capacité du sol à infiltrer et à stocker l'eau, et celle de la plante à capter cette eau grâce à son système racinaire.

    La mesure in situ du bilan hydrique est bien sûr la méthode de référence mais n'est pas toujours possible à mettre en oeuvre. On peut alors faire appel à des modèles.

    Tout en étant physiquement fondés, ces modèles doivent donc être aussi simples d'usage que possible. Leur utilisation nécessite une validation préalable grâce à des mesures in situ des composantes du bilan hydrique.

    Pour la zone considérée, il apparaît que le modèle de bilan hydrique utilisé, dont les entrées sont la pluie, l'ETP, la réserve maximale en eau utile du sol, l'évolution des besoins en eau et de la profondeur du système racinaire au cours du cycle végétatif, s'est avéré être opérationnel.

    Dans ces conditions, la connaissance de l'évolution du bilan hydrique apporte une amélioration considérable dans l'analyse et la compréhension de la variabilité spatiale ou temporelle de la production à l'échelle de la parcelle de culture. Cette remarque s'applique aussi bien dans le cadre d'essais agronomiques classiques que d'études en milieu réel. Même si l'on ne dispose que d'un résultat agronomique isolé, il est également intéressant de caractériser les conditions d'alimentation hydrique, au même titre que d'autres conditions expérimentales (milieu naturel, choix techniques) pour relativiser ce résultat.

    L'établissement du bilan hydrique permet donc d'accéder à des variables plus explicatives des liaisons complexes entre le milieu naturel et le rendement que les seules variables purement climatiques.

    La seule prise en compte des aspects hydriques n'est cependant pas suffisante. En effet, les conditions d'alimentation hydrique ne sont pas les seuls éléments explicatifs de la production et de sa variabilité dans le temps et dans l'espace, même en zone soudano-sahélienne où la pluviosité est faible et irrégulière. Les résultats présentés montrent par exemple que la fertilité du sol et les techniques culturales interviennent également dans l'explication des variations de rendements enregistrés dans ces expérimentations, en interaction avec l'alimentation hydrique.

  • 355 Le bilan hydrique et les relations milieu physique-culture

    Une modélisation de la croissance et de la production des cultures en zone soudano-sahélienne doit donc prendre en compte le bilan hydrique sans se limiter à ce seul facteur.

    Remerciements La partie de ce travail relative aux recherches réalisées en Côte d'Ivoire a été partiellement financée par un projet de la Commission des Communautés Européennes (DG XII): "Amélioration de l'alimentation hydrique des cultures par les techniques culturales" à travers le réseau de recherche sur la résistance à la sécheresse R3S de la CORAF. La contribution financière de la CCE DG XII a été hautement appréciée.

    REFERENCES

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    Chopart, J. L. (1990b) Rôle du travail du sol sur les termes du bilan hydrique, l'enracinement et le rendement des cultures pluviales. (Cas du Sénégal et de la Côte d'Ivoire). Communication à l'Atelier Journées de la DRN (septembre 1989). A paraître IRAT/CIRAD, BP 5035, 34032 Montpellier Cedex, France.

    Chopart, J. L. (1990c) Variable effects of soil cultivation on maize production in the Ivory Coast as a function of conditions affecting water supply. In: Climatic Risk in Crop Production: Models and Management in the Semi-arid Tropics and Sub-tropics, 104-105. CSIRO, Australia.

    Chopart, J. L. & Nicou, R. (1989) Vingt ans de culture avec ou sans labour au Sénégal. Agron. Trop. 44 (4), 269-281.

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    Chopart, J. L. & Vauclin, M. (1990) Water balance estimation model: field test and sensitivity analysis Soil Sci. Soc. Am. J. 54.

    Franquin, P. & Forest, F. (1977) Des programmes pour l'évaluation fréquentielle des termes du bilan hydrique. Agron. Trop. 32, 7-11.