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    Hans-HermannHoppe

    Le Libralismecontrela dmocratie sociale

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    Hans-HermannHoppe

    Le Libralismecontrela dmocratie sociale

    Textes choisis&traduits par F. Guillaumat

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    Hans-Hermann HOPPE est Professeur au Dpartementd'Economie de l'Universit du Nevada Las Vegas, SeniorFellow du Ludwig von Mises Institute et Rdacteur en chef

    adjoint de laReview of Austrian Economics.Hans-Hermann HOPPE est n le 2 septembre 1949 Peine, en

    Allemagne de l'Ouest. Il a frquent l'Universitt des SaarlandesSarrebruck, la Gthe Universitt de Francfort/M. et l'University ofMichigan Ann Arbor pour des tudes de philosophie, sociologie,histoire et conomie. Il a reu en 1974 son doctorat en Philosophieet son Diplme post-doctoral (Sociologie et Economie) de la GtheUniversitt de Francfort.

    Il a enseign dans plusieurs universits en Allemagne, de mme qu'Bologne, auBologna Center for Advanced International Studies delaJohns Hopkins University.

    Il a publi :Handeln und Erkennen[Action et perception] (Berne,1976),

    Kritik der kausalwissenschaftlichen Sozialforschung[Critique de la recherche dterministe dans lessciences sociales] (Opladen, 1983),

    Eigentum, Anarchie und Staat[La Proprit, l'anarchieet l'Etat] (Opladen, 1987),

    A Theory of Socialism and Capitalism (Dordrecht, 1990)

    et The Economics and Ethics of Private Property(Dordrecht, 1993).

    Ludwig von Mises Institute, Auburn, Alabama 36849-5301.Tl. 19-1-334-2500; Fax : 19-1-334-2583.

    e-mail : [email protected]

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    Premire partie :

    La dmocratie

    sociale,voil l'ennemi !

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    1Libert d'immigrer

    ou intgrationforce ?*

    Comme l'indique l'immigrationnisme forcen des banditscommunistes, la vritable libert en matire d'immigration est le

    contraire exact de l'intgration force qu'imposent lesgouvernements dmocrates-sociaux l'chelle du monde. A dfautd'une socit totalement libre, l'Etat ne peut mener une politiqued'immigration raisonnable que s'il agit comme le ferait un roi[F. G.].

    Largument classique en faveur de l'immigration sans frein seprsente comme suit : toutes choses gales par ailleurs, les entreprisesvont l o le travail cote moins cher, ralisant ainsi uneapproximation du principe " travail gal, salaire gal"**, de mme

    * Titre original : "Free Immigration or Forced Integration?" paru dansChronicles, Vol. 19, N 7, juillet 1995, publication mensuelle (ISSN 0887-5731) du Rockford Institute, 934 North Main Street, Rockford, IL 61103-7061.

    * * Etant entendu que l'expression "travail gal" ne se rfre pas decaractristiques physiques du travail, ni mme un niveau de formation, mais une productivit en valeur effectivement comparable. Et que cette productivit

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    que la meilleure affectation du capital possible. Un influxd'immigrants dans une rgion salaires levs abaissera les salairesnominaux. Cependant, il ne rduira pas les salaires rels si lapopulation se trouve en-de de sa taille optimum (et il est certainque les Etats-Unis, dans leur ensemble, ont bien moins de population

    que sa taille optimale). Si c'est le cas, en fait la productionaugmentera tellement que les revenus rels augmenteront. De sorteque les restrictions l'immigration feront plus de mal auxtravailleurs protgs en tant que consommateurs qu'elles ne leurferont gagner en tant que producteurs*. En outre, des restrictions l'immigration accrotront la "fuite" de l'pargne l'tranger(l'exportation des capitaux qui seraient rests autrement),provoquant une galisation des taux de salaire (quoique plus

    dpend de faon cruciale des autres facteurs de production qui y sont associs[F. G.].

    * Tout en soulignant que cet accroissement du revenu rel fait baisser lechmage (les services s'changent contre les services et tout accroissement del'offre relle de services est ipso facto un accroissement de la demande detravail), rappelons que la question du chmage ne se pose de faon aiguqu'en France et dans les autres pays europens o les hommes de l'Etat mettentun zle particulier :

    interdire de travailler: dispositions autoritaires du code du travail, dontle salaire minimum, les conditions de diplmes, d'ge, etc. et autresinterdictions de produire et d'changer.

    Punir ceux qui ont travaill : tous les pillages auxquels ils se livrent surle revenu des travailleurs, au titre de la scurit sociale ou de l'Etat.

    Rcompenser ceux qui ne travaillent pas: tout l'argent vol auxtravailleurs qu'ils distribuent indpendamment de tout travail, commencerpar l'indemnisation du chmage et le RMI.

    Multiplier les sources majeures d'incertitude en usurpant et gonflant

    dmesurment le pouvoir social, et en l'exerant de manire irresponsable :c'est notamment le cas de la "politique montaire", consquence dumonopole de l'mission des billets, institution rvolutionnaire qui revient

    planifier la production de monnaie sur le mode sovitique: sourceinpuisable de crises financires et conjoncturelles.

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    lentement), mais conduisant un gaspillage du capital, dtriorantainsi les niveaux de vie dans le monde.

    Tel que prsent plus haut, l'argument en faveur de l'immigrationsans frein est irrfutable et exact. Il serait aussi stupide de le

    contester que de nier que la libert des changes conduit desniveaux de vie plus levs que le protectionnisme. Ce serait aussiune erreur de contester l'argumentaire immigrationniste en faisantremarquer que, du fait de l'existence d'un Etat-providence,l'immigration concerne dsormais dans une large mesure desparasites des systmes sociaux* qui, alors mme que la populationdes Etats-Unis est en-de du niveau optimum, n'accroissent pas leniveau de vie gnral mais le diminuent. En effet, il ne s'agit pas ld'un argument contre l'immigration mais contre l'Etat-providence.Bien sr, celui-ci doit tre dtruit, radiqu. Mais les problmes del'immigration et de l'Etat-providence sont des problmesanalytiquement distincts, et on doit les traiter en consquence.

    Le problme de l'argumentaire qui prcde est qu'il souffre dedeux dfauts connexes qui invalident sa conclusiond'immigrationnisme inconditionnel, ou qui limitent son applicabilit une situation hautement irraliste depuis longtemps vanouie

    dans l'histoire humaine.On ne mentionnera qu'en passant le premier dfaut : pour les

    libraux consquents de l'Ecole autrichienne d'conomie politique, ilest vident que ce qui constitue le "bien-tre" est un jugement del'esprit, et les ressources matrielles ne forment qu'une part de sesconsidrations. Mme si les revenus rels augmentent du fait del'immigration, il ne s'ensuit pas que l'immigration doive en tre

    * Et pas seulement l'initiative des intresss : lapolitique de "regroupementfamilial" a eu prcisment pour effet de subventionner l'immigration defemmes arrires et d'enfants, parasites par vocation (multipliant en outredmesurment les problmes de dlinquance que la deuxime gnration atoujours poss dans tout pays d'immigration) [F. G.].

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    automatiquement tenue pour "bonne", car on pourrait prfrer unemoindre aisance matrielle et une plus faible population une plusgrande opulence dans une population plus dense.

    C'est sur la seconde impasse que nous allons nous concentrer ici :

    c'est sur un territoireparticulier que les gens immigrent. Or, l'analyseprsente au dpart ne traite absolument pas la question de savoirqui, s'il existe, possde (matrise) le territoire en question. En fait,pour rendre l'analyse applicable, on suppose implicitement que le territoire en question n'appartient personne, et que lesimmigrants arrivent sur un espace vierge (la "frontire ouverte" del'histoire amricaine). Il est vident que cette hypothse-l, on nepeut plus la faire. Or, si ce postulat est abandonn, le problme del'immigration acquiert un sens fondamentalement diffrent, et exiged'tre repens de fond en comble.

    Pour illustrer ce que j'entends, imaginons une socit anarcho-capitaliste : quoique je sois persuad qu'une telle socit est le seulordre politique que l'on puisse dfendre comme juste, je n'essaieraipas d'expliquer ici pourquoi c'est le cas*. Je vais plutt l'utiliser icicomme un point de dpart conceptuel, pour contribuer fairecomprendre l'erreur fondamentale de la plupart des aptres

    contemporains de l'immigration illimite.Supposons donc que toute la terre soit proprit prive : cela inclut

    toutes les rues, routes, aroports, ports, etc. Pour certains terrains,le titre de proprit n'est soumis aucune servitude : c'est--dire quele propritaire est libre de faire tout ce qui lui plat aussi longtempsqu'il ne porte pas atteinte la proprit des autres. Pour d'autres,l'usage peut tre plus ou moins troitement restreint. Comme c'estaujourd'hui le cas dans certains lotissements, le propritaire peut tre

    soumis des limites contractuelles ce qu'il peut faire de sa

    * Cf. Murray ROTHBARD: L'Ethique de la libert, Paris, Les Belles Lettres, 1991[F. G.].

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    proprit (des rgles d'urbanisme librement acceptes) telles que :usage rsidentiel ("occupation bourgeoise") et non usage commercial,hauteur des immeubles limite trois tages, pas de vente ni delocation aux juifs, Allemands, catholiques, homosexuels, Hatiens,aux familles avec ou sans enfants, ou aux fumeurs, entre autres

    exemples.

    Il est clair que dans cette socit strictement librale, il n'existeabsolument aucun "droit l'immigration". Ce qui existe, la place,c'est le Droit de multiples propritaires indpendants d'inviter ou dene pasinviter les autres chez eux, conformment leurs titres deproprit illimits ou limits. L'accs certains terrains pourra trefacile, et d'autres quasiment impossible ; dans tous les cas, treaccept sur la proprit de celui qui vous invite n'implique aucun"droit" de se promener dans les environs, moins que les autrespropritaires n'acceptent de telles dambulations. Il y aura surchaque terrain exactement autant d'immigration et de non-immigration, d'exclusion et de non-exclusion, d'intgration ou desgrgation, de non-discrimination ou de discrimination fonde surdes critres raciaux, ethniques, linguistiques, religieux, culturels ou(n'importe quels) autres, que l'auront dcid les propritaires privset associations de propritaires privs.

    Remarquez que rien de tout cela, mme pas la forme la plusextrme du sgrgationnisme, n'a le moindre rapport avec le refusdu libre change et l'adoption du protectionnisme. Du fait qu'on nedsire pas frquenter des Ngres, des Turcs, etc. ou vivre dans leurvoisinage, il ne s'ensuit pas que l'on ne souhaite pas changer distance avec eux. Bien au contraire, c'est prcisment le caractreabsolument volontaire de l'association et de la sparation l'absence de toute forme d'intgration force qui rend possible

    les relations pacifiques le libre change entre des gens

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    culturellement, ethniquement, ou confessionnellement diffrents*.

    Dans une socit totalement librale (anarcho-capitaliste), il n'y a

    pas de gouvernement central, et par consquent pas de distinctionprcise entre les nationaux (citoyens du pays) et les trangers. Cettedistinction n'apparat qu'avec l'institution d'un Etat, c'est--dire d'ungroupe de personnes qui dtiennent un monopole de l'agression (del'impt). Le territoire sur lequel s'tend le pouvoir fiscal devient"national" (intrieur) et quiconque rside au-del de ce territoiredevient un tranger. Les frontires d'Etat (avec les passeports), ladiffrence des bornes de la proprit prive, ne sont pas desinstitutions naturelles (elles sont imposes par la force). En fait,leur existence (et celle d'un gouvernement national) fausse deuxtitres l'inclination naturelle des gens s'associer les uns avec lesautres. Tout d'abord, les rsidents ne peuvent pas exclure de leur

    proprit les hommes de l'Etat (les envoys du fisc), mais sontvictimes de ce qu'on pourrait appeler l'"immigration force" desagents de l'Etat. Deuximement, pour pouvoir faire intrusion sur laproprit prive de ses sujets afin de les taxer, un gouvernement doitinvariablement prendre le contrle des routes existantes, et ilemploiera ses recettes fiscales produire encore davantage deroutes, dans le but de faciliter son accs toute proprit prive,

    * Cela implique que certains terrains demeurent ouverts la libre circulation desmarchandises ; outre que les propritaires des routes ont intrt cettecirculation (car, dans une socit libre, ils en font payer l'usage), aucunrsident n'ira s'installer sur un terrain dont l'accs pourrait lgalement lui trebarr par un autre propritaire [F. G.].

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    comme matire fiscale potentielle. Ainsi, cette surproduction deroutes n'implique pas seulement une facilitation innocente ducommerce interrgional un abaissement des cots de transaction,comme les conomistes nafs voudraient nous le faire croire ; c'estaussi une intgration nationale force (une dsgrgation artificielle

    de localits spares).

    En outre, avec l'installation d'un gouvernement et de frontiresd'Etat, l'immigration prend un sens entirement diffrent.L'immigration devient une immigration d'trangers, travers desfrontires d'Etat, et la question de savoir si une personne doit treadmise n'incombe plus des propritaires privs ou uneassociation de propritaires privs, mais aux hommes de l'Etat entant que souverains ultimes de tous les rsidents nationaux et commepropritaires de fait de toutes leurs possessions. Cependant, si leshommes de l'Etat excluent une personne alors mme qu'un rsidentnational est dispos l'accueillir sur sa proprit, le rsultat est uneexclusion force (phnomne qui n'existe pas dans une anarchie deproprit prive). En outre, si les hommes de l'Etat laissent entrerune personne alors qu'il ne se trouve pas ne serait-ce qu'un seulrsident national qui souhaite admettre cette personne sur saproprit, le rsultat est une intgration force (qui n'existe pas non

    plus dans une socit vraiment libre).Maintenant, ajoutons quelques postulats historiquement

    "ralistes" : supposons que l'Etat est proprit prive. Le souverainpossde littralement l'ensemble du pays dans les limites de sesfrontires. Il est pleinement propritaire d'une partie du territoire(son titre de proprit y est illimit), et possde partiellement le reste(en tant que propritaire ultime ou prtendant au revenu rsiduel detoutes les possessions immobilires, quoique contraint par une

    espce de contrat de location prexistant). Il peut vendre et lguersa proprit, et il peut calculer et "raliser" la valeur de son capital(son pays).

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    Les monarchies traditionnelles et les rois sont les exempleshistoriques les plus proches de cette forme de gouvernement. Quesera la politique d'immigration et d'migration caractristique d'unroi ? Dans la mesure o il possde l'ensemble de la valeur en capitaldu pays, il aura tendance, en ne lui supposant pas d'autre intrt que

    le sien, choisir les politiques de migration qui prservent ouaccroissent la valeur de son royaume, au lieu de la diminuer. En cequi concerne l'migration, un roi voudra empcher l'migration desujets productifs, et particulirement de ses sujets les meilleurs et lesplus productifs, parce que les perdre diminuerait la valeur duroyaume. Par exemple, de 1782 1824, une loi interdisait auxouvriers qualifis de quitter la Grande-Bretagne. En revanche, un roisouhaitera expulser ses sujets improductifs et destructeurs (les

    criminels, clochards, mendiants, romanichels, vagabonds, etc.), carles extirper du royaume accrotra sa valeur. C'est pour cela que laGrande-Bretagne a expuls des dizaines de milliers de dlinquantsde droit commun en Amrique du Nord et en Australie.

    En ce qui concerne par ailleurs l'immigration, un roi souhaiteratenir la tourbe l'cart, de mme que les gens aux capacitsproductives infrieures. Cette dernire catgorie ne sera admise quetemporairement, si elle l'est seulement, comme travailleurs

    saisonniers sans droit de cit (comme quand nombre de Polonaisfurent admis comme travailleurs saisonniers en Allemagne aprs1880), et on leur interdira toute possession immobilire permanente.Un roi ne permettrait l'immigration permanente qu' des individussuprieurs ou du moins au-dessus de la moyenne (c'est--dire ceuxqui accrotraient la valeur de son royaume en y rsidant), commelorsqu'aprs 1685 (la rvocation de l'Edit de Nantes), des dizainesde milliers de Huguenots furent autoriss s'installer en Prusse etlorsque PIERRE LE GRAND, FRDRIC LE GRAND et MARIE-THRSED'AUTRICHE facilitrent l'immigration et l'tablissement de grandsnombres d'Allemands en Russie, en Prusse et dans les provincesorientales de l'Autriche-Hongrie. Bref, mme si les politiques de

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    migration d'un roi n'viteraient pas entirement les cas d'exclusion etd'intgration force, elles feraient grosso modo ce que feraient despropritaires privs, s'ils pouvaient dcider qui admettre et quiexclure. Le roi serait particulirement regardant, se souciant l'extrme d'amliorer la qualit du capital humain rsident, afin

    d'accrotre la valeur du sol ou d'viter de la diminuer.

    On peut prdire que les politiques de migration prendront un tourdiffrent une fois l'Etat devenu proprit publique. Le dirigeantn'est plus propritaire de la valeur en capital du pays, il n'en disposeplus qu' titre temporaire. Il ne peut pas vendre ni lguer sa placede dirigeant, n'tant qu'un grant provisoire. En outre, la "libertd'entrer" existe dans cette profession de grant tatique*. N'importequi, en principe, peut devenir dirigeant d'un pays.

    Les dmocraties telles qu'elles sont apparues sur une large chelleaprs la Premire guerre mondiale prsentent des exempleshistoriques de gouvernement public. Encore une fois, si on ne leurprte pas d'autre intrt que personnel (le souci d'accrotre aumaximum leur revenu pcuniaire et psychique : l'argent et lepouvoir), les matres dmocratiques cherchent accrotre aumaximum le revenu courant aux dpens de la valeur en capital, dont

    ils ne peuvent pas s'emparer titre priv. De sorte que, seconformant l'galitarisme inhrent au suffrage universel**, ils onttendance mener des politiques nettement galitaires non-discriminatoires en matire d'migration et d'immigration.

    En ce qui concerne la politique d'migration, cela implique que ledirigeant dmocratique se soucie peu de savoir si ce sont des gensproductifs ou improductifs, des cerveaux ou des clochards, qui

    * Ce qu'on pourrait appeler un satrape, en vertu non du statut juridique exactde ces nobles prdateurs, mais de leur conduite vis--vis des richessestemporairement mises leur disposition [F. G.].

    * *Cf. Anthony de JASAY: L'Etat, Paris, Les Belles Lettres, 1995 [F. G.].

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    quittent le pays. Les uns et les autres ont le mme droit de vote. Enfait, le dirigeant dmocratique pourrait bien s'inquiter davantagede la perte d'un parasite que de celle d'un gnie productif. Car si laperte du second dgrade certainement la valeur du pays, alors quela disparition du premier pourrait l'accrotre, un dirigeant

    dmocratique n'est pas propritaire du pays. A court terme, unpaum qui vote pour des mesures galitaristes pourrait mme avoirplus de valeur pour le dirigeant dmocratique que n'en a le gnieproductif : celui-ci, victime de choix de l'galitarisme, a plus dechances de voter contre le dirigeant en question*. Pour la mmeraison, un dirigeant dmocratique, tout l'oppos d'un roi, en ferapeu pour expulser les gens dont la prsence dans le pays constitueune nuisance (les indsirables, dont la prsence fait baisser les

    valeurs immobilires). En fait, ces indsirables-l parasites,tordus, dlinquants ont des chances de figurer parmi ses plusfidles lecteurs.

    En ce qui concerne les politiques d'immigration, les raisons d'agirou de ne pas agir sont tout aussi fausses, et les rsultats sontgalement pervers. Pour un dmocrate officiel, peu importe que cesoient des gueux ou des gnies, des gens plus ou moins civilissque la moyenne, ou plus ou moins productifs, qui entrent dans le

    pays. Il ne se soucie pas beaucoup non plus de la distinction entretravailleurs temporaires (titulaires d'un permis de travail) et lesimmigrs dfinitifs, propritaires permanents (les citoyensnaturaliss). En fait, les ncessiteux et les improductifs pourraientbien tre prfrables comme rsidents et comme citoyens parcequ'ils posent davantage de ce qu'on appelle les "problmes sociaux",

    * Que la redistribution politique se fasse au nom de l'"galit" conduiracertainement une discrimination- perscution ventuellement ostensible

    contre les plus productifs (cf. l'impt sur le revenu). En revanche les"pauvres", tout comme "l'galit", y sont surtout un prtexte rhtorique,n'ayant que rarement un pouvoir politique, alors que la redistribution politiqueest par dfinition mene par les puissants, au dtriment des faibles (cf. :

    L'Etat, ch. 3 et 4) [F. G.].

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    et que ces dirigeants-l prosprent de l'existence de tels problmes.En outre, les tars, les gens infrieurs, auront plus de chancesd'appuyer ses politiques galitaristes, alors que les gnies et les genssuprieurs s'y refuseront. Le rsultat de ces politiques dediscrimination est une intgration force : on impose des masses

    d'immigrants infrieurs des propritaires nationaux qui, s'ilsavaient dcid eux-mmes, auraient fortement discrimin et seseraient choisis des voisins trs diffrents. Ainsi, les lois surl'immigration aux Etats-Unis de 1965, le meilleur exemple dedmocratie en action, a limin tous les critres de "qualit"pralablement existants et la prfrence explicite pour les immigrantseuropens, la remplaant par une politique de non-discriminationpresque complte (de "multiculturalisme").

    En fait, mme si on l'a rarement fait observer, la politiqued'immigration d'une dmocratie est le reflet de sa propre politiqueinterne relativement aux mouvements de population : vis--vis deschoix volontaires d'association ou de dsassociation, de sgrgationou d'intgration, de rapprochement ou d'loignement physique desdiffrents propritaires. Comme le ferait un roi, un dirigeantdmocratique favorisera la surintgration spatiale en produisant l'excs le "service collectif" des voies publiques. Cependant, pour un

    dirigeant dmocratique, la diffrence d'un roi, il ne suffira pas quetout le monde puisse "aller et venir" jusqu' la porte de tout unchacun sur les routes des hommes de l'Etat. Soucieux d'accrotreson revenu et son pouvoir actuels aux dpens du capital install etsous l'influence du prjug galitariste, le dmocrate patent irabien plus loin. Le gouvernement fera des lois "contre ladiscrimination" on ne pourra plus choisir de ne pas ctoyer les

    juifs, Ngres, bougres, etc. pour forcer l'entre de la propritde chacun et en ouvrir l'accs n'importe qui. Il n'est donc guresurprenant que la lgislation des "droits civiques" aux Etats-Unis,qui interdisait les distinctions prives sur le critre de la couleur, dela race, de l'origine nationale, etc. et imposait de ce fait la

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    dsgrgation, a concid avec l'adoption d'une politiqued'immigration non-discriminatoire, ce qui signifiait unedsgrgation internationale impose (l'intgration force).

    La situation actuelle des Etats-Unis et de l'Europe occidentale enmatire d'immigration n'a donc absolument rien voir avec unquelconque "libralisme". Il s'agit d'intgration force, purement etsimplement, et l'intgration force est le rsultat prvisible de la

    dmocratie o rgne le principe "un homme-une voix". Abolirl'intgration force exige de combattre la dmocratie, pour finalementabolir le caractre "public" des dcisions. Plus spcifiquement, lepouvoir d'inviter ou d'exclure doit tre retir aux hommes de l'Etatcentral pour tre remis aux rgions, provinces, dpartements, villes,villages, quartiers rsidentiels et finalement aux propritaires privset leurs associations volontaires. On atteint ces objectifs par ladcentralisation et la scession (l'une et l'autre par essence contraires la dmocratie sociale et la rgle majoritaire). On serait par

    consquent bien engag dans la voie d'une restauration de la libertd'association et d'exclusion qui procde de l'ide librale et del'institution de la proprit prive, et une bonne partie des conflitsqui naissent actuellement de l'intgration force disparatraient siseulement les villes et villages pouvaient, et voulaient faire ce qu'ilsfaisaient tout naturellement bien avant dans le XIXme sicle enEurope et aux Etats-Unis : afficher des pancartes nonant lesconditions d'entre dans la ville (pas de mendiants, ou de clochards,

    ou de vagabonds, mais aussi pas de musulmans, pas de juifs, ou decatholiques, ou de protestants, ou d'Amricains) ; chasser commecontrevenant quiconque ne rpond pas aux conditions affiches ; etrsoudre la question de la "naturalisation" la manire suisse, o ce

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    sont les assembles locales, et non le gouvernement central, quidcident qui peut, ou ne peut pas devenir citoyen.

    Que doit-on esprer et prner comme politique d'immigrationcorrecte, aussi longtemps que l'Etat central dmocratique existe

    toujours et qu'il s'arroge avec succs le pouvoir d'imposer unepolitique uniforme d'immigration ? La meilleure que l'on puisseesprer va "contre la nature" de la dmocratie, et n'a donc pasbeaucoup de chances d'arriver : c'est que les dirigeantsdmocratiques se conduisent "comme si" ils taient personnellementpropritaires du pays, comme s'ils avaient dcider qui admettre etqui exclure dans leur propre proprit prive (dans leur propremaison mme). Cela signifie pratiquer une politique dediscrimination extrme : de stricte discrimination en faveur de ceuxqui prsentent les plus grandes qualits humaines d'expertise, decaractre et de compatibilit culturelle.

    Plus spcifiquement, cela veut dire que l'on distingue strictemententre les "citoyens" (les immigrs "naturaliss") et les "trangersrsidents", en excluant ces derniers de tout "avantage social". Celasignifie exiger, pour l'acquisition du statut de rsident tranger aussibien que celui de citoyen, le parrainage personnel d'un citoyen

    rsident, se portant garant pour toute atteinte la proprit causepar l'immigrant. Cela implique d'exiger un contrat d'embauche envigueur avec un citoyen rsident ; en outre, pour les deux catgories,mais particulirement celle de la citoyennet, cela implique quel'immigrant doit prsenter non seulement une connaissance de [notre]langue mais encore des capacits intellectuelles gnralessuprieures (au-dessus de la moyenne) et des qualits de caractrecompatibles avec notre systme de valeurs avec pour rsultatprvisible une tendance systmatique favoriser l'immigration des

    Europens.

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    2 Contre le

    centralismeCoopration conomique oui,intgration politique non.

    S'ils expriment des aspirations populaires authentiques, il faut

    encourager la scession et ceux qui s'opposent au regroupementdes Etats, car intgrer les peuples dans des ensembles politiques

    plus vastes est contraire leurs intrts [F. G.].

    Leffondrement du communisme dans toute l'Europe de l'Est aprovoqu un mouvement scessionniste sans prcdent. L'UnionSovitique a cess d'exister. A la place, il y a plus d'une douzained'Etats plus ou moins indpendants sur son territoire, et parmi sesplus de cent groupes ethniques, religieux ou linguistiques, plus d'unsouhaiterait accder l'indpendance. La Yougoslavie s'est casse

    Le texte allemand, publi sous le titre : "Wirtschaftliche Kooperation statt

    politische Zentralisation" ["Coopration conomique plutt que centralisationpolitique"] dans la Schweitzer Monatshefte de mai 1993, pp. 365-371, a inspirles intertitres et permis de modifier quelques passages traduits de la versionanglaise, "Against Centralization", parue dans The Salisbury Review de juin1993, aux pp. 26-28.

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    en diverses composantes nationales. La Slovnie, la Croatie, laBosnie sont maintenant des Etats. Les Tchques et les Slovaques sesont spars pour former des pays indpendants. En outre, il existeen Pologne des Allemands, en Slovaquie des Hongrois, en Serbiedes Hongrois, Croates, Macdoniens et Albanais, en Roumanie des

    Allemands et des Hongrois, et en Bulgarie des Turcs et desMacdoniens, qui dsirent l'indpendance. Les vnements del'Europe de l'Est ont aussi donn une force nouvelle aux mouvementsscessionnistes en Europe occidentale : Ecossais et Irlandais auRoyaume-Uni, Basques et Catalans en Espagne, Flamands enBelgique, Tyroliens du Sud et Ligue du Nord en Italie.

    D'un point de vue global, en revanche, l'humanit s'est plusrapproche que jamais de la situation d'un GOUVERNEMENTMONDIAL. Mme avant la dissolution de l'Union Sovitique, lesEtats-Unis avaient acquis un statut hgmonique sur l'Europeoccidentale (plus particulirement sur l'Allemagne de l'Ouest) et surles pays de la bordure du Pacifique (plus particulirement le Japon) comme l'indiquent la prsence de troupes et de bases militairesUS, les pactes de l'OTAN et de l'OTASE, le rle du dollar UScomme monnaie ultime de rserve internationale, et de la Banque derserve fdrale comme "prteur" ou "fournisseur de liquidits" de

    dernier ressort pour le systme bancaire occidental tout entier, demme que des institutions telles que le Fonds MontaireInternational (FMI) et la Banque mondiale. En outre, sousl'hgmonie des Etats-Unis, l'intgration politique de l'Europe aconstamment progress. Avec l'institution d'une Banque centraleeuropenne et d'une monnaie unique, l'unification europenne seraacheve vers le tournant du sicle. Aprs la disparition de l'Empiresovitique et de sa menace militaire, les Etats-Unis sont apparuscomme la seule et inconteste superpuissance militaire dumonde.

    L'examen de l'Histoire conduit encore une autre observation. Audbut de ce millnaire, l'Europe tait faite de milliers d'entits

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    territoriales indpendantes. Aujourd'hui, il n'en demeure plus qu'uneou deux douzaines. Il y a certes eu aussi des tendances ladcentralisation. Il y a eu la dsintgration progressive de l'Empireottoman entre le XVImesicle et la premire guerre mondiale, avecl'institution de la Turquie moderne. L'Empire des Habsbourg a t

    progressivement dmantel aprs sa plus grande expansion l'poque de Charles Quint, jusqu' ce qu'il disparaisse en 1918 et quel'Autriche moderne soit fonde. Cependant, la tendanceprpondrante allait dans le sens oppos. Par exemple, pendant laseconde moiti du XVIImesicle, l'Allemagne tait faite de quelque234 comts, 51 villes libres et 1 500 manoirs de chevaliersindpendants. Vers le dbut du XIXme sicle, le nombre taittomb moins de 50, et en 1871 l'unification tait acheve. Le

    scnario a t le mme en Italie. Mme les petits Etats ont unehistoire d'expansion et de centralisation. La Suisse a commenc en1291 comme une confdration de trois cantons-Etats indpendants.Ds 1848, elle formait un seul Etat fdral avec quelque deuxdouzaines de cantons subordonns.

    La petite taille garante d'une imposition modre

    Comment faut-il interprter ces phnomnes ? A en croire la versionofficielle, la centralisation serait "bonne", "progressiste", alors quela dsintgration et la scession, quoique parfois inluctables,reprsenteraient un anachronisme. On tient pour assur qu'une taillecroissante des entits politiques, pour terminer avec ungouvernement unique dans le monde, garantiraient un largissementdes marchs et par consquent une prosprit accrue. Et on en donnepour preuve que la prosprit conomique s'est spectaculairement

    accrue avec la centralisation.Or, cette conception "orthodoxe" de l'Histoire, bien loin

    d'exprimer la vrit, montre surtout comment celle-ci est crite par

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    ses vainqueurs. Une corrlation ou une concidence dans le temps,ne sont pas la preuve d'une relation de cause effet*. En ralit, larelation entre prosprit conomique et centralisation est trsdiffrente en fait c'est quasiment le contraire de ce que prtendl'orthodoxie.

    L'intgration politique (la centralisation) et l'intgrationconomique (le dveloppement des marchs) sont deux phnomnestotalement diffrents. L'intgration politique passe par l'expansionterritoriale du pouvoir de taxer et de rglementer (d'exproprier) d'unEtat.

    L'intgration conomique est un approfondissement de laspcialisation interpersonnelle et interrgionale des comptences** et

    de leur participation aux changes.

    En principe, dans la mesure o ils taxent et rglementent(= exproprient) les propritaires de capital priv et de revenus gagns l'change, tous les Etats dtruisent la production. Ils rduisent laparticipation aux changes, ainsi que la cration des richesses. Unefois suppose l'existence d'un Etat, cependant, il n'existe aucun liendirect entre la taille de cet Etat et l'intgration conomique. LaSuisse et l'Albanie sont toutes deux de petits pays, mais la Suisse

    affiche un degr lev d'intgration conomique, alors que l'Albanienon. Aussi bien l'Union Sovitique que les Etats-Unis taient

    * Cf. du mme auteur, Kritik der kausalwissenschaftlichen Sozialforschung.Untersuchungen zur Grundlegung von Soziologie und konomie (Opladen :Westdeutscher Verlag, 1983). Cf. aussi Ludwig von MISES: Human Action: ATreatise on Economics (Chicago : Regnery, 1966) [L'Action humaine (Paris,PUF, 1985)] [F. G.].

    * *HAYEK souligne que la spcialisation dite "internationale" est en fait inter-

    personnelle, et que les "facteurs de production" sont essentiellement descomptences que l'intensification des changes permet d'approfondir. Ilfaudrait donc toujours parler d'"approfondissement des comptences" chaquefois qu'il est question du rle de la "division du travail" dans l'enrichissementde la socit [F. G.].

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    vastes ; cependant, alors qu'aux Etats-Unis une forte participationaux changes permettait un grand enrichissement des comptences,en Union sovitique, pratiquement sans proprit prive du capital, iln'y avait pratiquement aucune intgration conomique. Lacentralisation, par consquent, peut aussi bien aller de pair avec la

    rgression qu'avec le progrs.

    Il n'en existe pas moins un important lien indirect entre la tailledu pays et l'intgration conomique. Il est impossible qu'ungouvernement central dominant de vastes territoires et encoremoins un gouvernement mondial apparaisse comme cela, ab ovo.Bien au contraire, toutes les institutions qui ont le pouvoir d'imposertaxes et rglementations aux propritaires lgitimes ont dcommencer petites. Et la petite taille pousse la modration. Unpetit Etat a beaucoup de concurrents proches, et s'il impose etrglemente ses propres sujets de manire plus voyante que lesditsconcurrents, il ptira certainement de l'migration, et d'une baissecorrespondante de ses recettes fiscales. Imaginez par exemple qu'unsimple mnage, ou un village, soit territoire indpendant. Un prepourrait-il faire son fils, ou un Maire son village, ce que legouvernement de l'Union Sovitique a fait ses sujets (c'est--direleur dnier tout droit de proprit sur le capital), ou ce que les Etats

    dans toute l'Europe occidentale et les Etats-Unis font leurs citoyens(c'est--dire leur confisquer jusqu' la moiti de ce qu'ils ontproduit) ? Evidemment non. Ou bien il y aurait une rvolteimmdiate et le gouvernement serait renvers, ou alors tout lemonde s'en irait dans le village d' ct.

    Contrairement la version officielle, par consquent, c'est le faitque l'Europe possdait au dpart une organisation politique trsdcentralise, avec d'innombrables entits politiques indpendantes,

    qui explique l'origine du capitalisme : le dveloppement de laparticipation aux changes et de la production de richesses dans lemonde occidental. Ce n'est pas par hasard si le capitalisme a d'abordfleuri dans des conditions d'extrme dcentralisation politique : dans

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    les Cits-Etats de l'Italie du Nord, en Allemagne du Sud, et dans lesPays-Bas scessionnistes.

    La concurrence pour l'implantation des activitsLa concurrence entre petits Etats pour des sujets imposables les meten conflit les uns avec les autres. A la suite de ces conflits inter-Etats, voluant historiquement au cours des sicles, un petit nombred'Etats russissent tendre leurs territoires, alors que davantaged'autres sont limins ou fusionnent. Quels sont les Etats quil'emportent dans ce processus de concurrence liminatrice et quelssont ceux qui perdent, cela dpend de nombreux facteurs. Mais dans

    le long terme, le facteur dcisif qui dtermine le rsultat est laquantit relative de ressources conomiques la disposition deshommes de l'Etat. En taxant et rglementant, bien entendu, les Etatsne contribuent en rien la cration des richesses. Bien au contraire,ils tirent sur la richesse existante de manire parasitaire. Cependant,ils peuvent toujours affecter dfavorablement la quantit de richessesexistantes. Toutes choses gales par ailleurs, moins lourde est lacharge des impts et rglementations imposes par un gouvernement son conomie, et plus sa population tend crotre (pour des

    raisons internes aussi bien que par l'immigration) et plus grand estle montant de richesses produites sur place sur lesquelles il peut tireren cas de conflit avec ses concurrents. C'est pour cette raison que lacentralisation est souvent facteur de progrs. Les Etats qui taxent etrglementent peu leurs conomies les Etats libraux onttendance battre les Etats non libraux, et tendre leur conomie leurs dpens. C'est cela qui explique l'apparition de la "Rvolutionindustrielle" dans les pays centraliss d'Angleterre et de France. Cela

    explique pourquoi, au cours du XIXmesicle, l'Europe occidentaleen est venue dominer le reste du monde (et non le contraire), etpourquoi ce colonialisme a gnralement t facteur de progrs. En

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    outre, il explique la monte des Etats-Unis au rang desuperpuissance au cours du XXmesicle.

    Cependant, plus le processus se dveloppe de gouvernements pluslibraux en soumettant d'autres qui le sont moins, et plus les

    territoires sont vastes, moins il y a de concurrents et plus ils sontloigns, et plus il en cote de passer d'un pays l'autre. De sorteque s'affaiblissent les contraintes qui poussaient un gouvernement tre libral. A mesure que l'on approche de la limite d'un seulgouvernement mondial, toutes les possibilits de voter avec sespieds contre un Etat donn disparaissent. O que l'on aille, c'est lemme systme d'impts et de rglementations qui s'applique*. Unefois l'Etat dbarrass du problme de l'migration, une contraintemajeure sur l'extension de son pouvoir est leve. C'est ce qui expliquel'volution du XXme sicle. Avec la premire guerre mondiale, etplus encore aprs la seconde, les Etats-Unis sont parvenus l'hgmonie sur l'Europe occidentale, en hritant ses vastes empirescoloniaux. C'est ainsi qu'a t franchi un pas dcisif en direction dugouvernement mondial. Une Pax Americana a t institue. Et enfait, au cours de la priode entire, l'Amrique du Nord, l'Europeoccidentale et la plus grande partie du reste du monde ont pti d'unecroissance spectaculaire et constante du pouvoir tatique, d'impts

    et d'expropriations rglementaires.

    Contrat contre domination

    A quoi sert donc la scession ?

    * Comme la substitution d'une "monnaie unique" aux diverses monnaiesnationales, la prtendue "harmonisation" fiscale et rglementaire de l'Europevise dtruire les contraintes que la concurrence entre Etats imposeaujourd'hui au pouvoir de piller des hommes de l'Etat [F. G.].

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    Au dpart, la scession n'est rien d'autre qu'un transfert dupouvoir sur la richesse nationalise d'un plus grand Etat vers un Etatrgional plus petit. Si cela doit ou non conduire plus ou moinsd'intgration conomique et de prosprit, cela dpendra despolitiques suivies par le nouveau gouvernement rgional. Cependant,

    le seul fait de la scession a un impact favorable immdiat sur laproduction, car l'une des raisons les plus importantes pour lascession est typiquement la conviction, de la part desscessionnistes, qu'eux-mmes et leur territoire sont exploits par lesautres. Les Slovnes* pensaient, avec juste raison, qu'ils taientsystmatiquement pills par les Serbes et par le gouvernementyougoslave domin par eux ; et les Baltes supportaient mal de devoirpayer un tribut aux Russes et l'Etat sovitique domin par ceux-ci.

    Par la vertu de la scession, les relations de domination interne sontremplaces par des relations internationales de type contractuel,c'est--dire mutuellement avantageuses. La sparation volontaireremplace la cohabitation force. L'intgration force, illustre pardes mesures telles que la cohabitation raciale obligatoire dans lescoles, le contrle des loyers, les lois "contre la discrimination"**et,

    * et les Croates. Les Slovnes taient en fait relativement mnags parcequ'ils taient moins nombreux que les Croates mais que la clique exploiteuse

    de Belgrade ne pouvait pas se permettre de les laisser s'unir avec eux : leurcoalition aurait t la plus peuple et de beaucoup la plus dveloppe [F. G.].

    * *Prive, bien sr : sous prtexte d'interdire la "discrimination" par des personnesprives, les hommes de l'Etat peuvent en principe dtruire toute libert de choixde leurs sujets. Car le terme de "discrimination" ne dsigne rien d'autre qu'unchoix que l'on dsapprouve ; toute action discrimine, parce que tout choix"prfre et carte" (von MISES). Ces interdictions lgislatives de "discriminer"imposes aux personnes prives leur sont une application illgitime, des finsd'oppression, du prtendu "droit public". Ayn RANDcrivait :

    "L'astuce consiste accuser les citoyens privs de violations particulires dudroit qui sont interdites aux hommes de l'Etat justement parce que lesditscitoyens privs n'ont pas le pouvoir de les commettre. Cela permet de dlierles hommes de l'Etat de toute entrave leurs interventions. Ce tour de passe-passe devient de plus en plus vident dans le domaine de la libert

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    comme je vais l'expliquer, la "libre immigration", crentinvitablement tensions, haine et conflits. A l'inverse, la sparationvolontaire conduit l'harmonie sociale et la paix. Sous le rgimede l'intgration force, toute faute peut tre attribue quelquegroupe ou culture et tout succs soi-mme. Dans un rgime de

    sparation et d'indpendance, on doit se rsoudre ouvrir les yeuxnon seulement sur le fait de la diversit des cultures, mais aussi surcelui de niveaux visiblement ingaux de dveloppement culturel. Siun peuple scessionniste dsire amliorer ou maintenir sa positionrelative vis--vis d'un concurrent, rien ne pourra y faire qu'unapprentissage soigneusement discriminant. Il faut imiter, assimiler, etsi possible amliorer le savoir-faire, le tour de main, la pratique etles rgles des cultures plus avances, et se garder de ceux des

    cultures moins avances. Au lieu de promouvoir un nivellement des

    d'expression."

    ("Man's Rights", The Objectivist Newsletter avril 1963. Rdit dans TheVirtue of Selfishness, New American Library, New York, 1964 [La Vertud'gosme, Paris, Les Belles Lettres, 1992).

    Le pseudo-principe "public" de "non-discrimination" ou "d'galit de traitement"

    rsulte lui-mme de la dnaturation d'une authentique rgle du raisonnementjuridique : celle de la cohrence logique des principes du droit. Or, un droitsoumis la logique, c'est un droit qui proscrit toute appropriation violente :c'est la condamnation radicale du prtendu "droit" public, dont l'alpha etl'omga est de voler les uns pour favoriser les autres.

    L'hypocrisie est donc double : lorsque les hommes de l'Etat prtendentsoumettre des personnes prives une rgle de "droit public", comme s'ils'agissait dj de fonctionnaires (signe que la socit est dj semi-totalitaire) ;mais aussi lorsque les hommes de l'Etat prtendent eux-mmes "ne pasdiscriminer", alors qu'ils sont l uniquement pour a. Cette double imposture

    trouve son homologue dans la politique conomique et sociale, o les hommesde l'Etat utilisent sans cesse comme prtextes pour violer le droit des personnesdes dsordres sociaux durables (crises, chmage, pauvret) que leurintervention a elle-mme causs (cf. sur ce point : Michel de PONCINS,Chmage, fils du socialisme, Paris, OEIL, 1992) [F. G.].

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    cultures par le bas comme le fait l'intgration force, la scessionstimule un processus coopratif de slection et de progrs culturel.

    En outre, mme si tout le reste dpend des politiques intrieuresdu nouvel Etat rgional et s'il n'existe aucune relation directe entre la

    taille de l'entit politique et l'intgration aux changes du monde, ilexiste cependant un lien indirect important : de mme quel'intgration politique finit par promouvoir la dsintgrationconomique, la scession a tendance favoriser l'intgrationconomique et le dveloppement. Tout d'abord, la scessionimplique toujours la rupture d'une population plus petite d'avec unepopulation plus grande, et constitue par consquent un vote contre leprincipe de la dmocratie et de la proprit majoritaire, et pour laproprit prive, dcentralise. Plus important encore, la scessionaccrot toujours les possibilits de migrations interrgionales, et ungouvernement scessionniste est toujours confront au spectre duvote avec ses pieds. Pour viter de perdre ses sujets les plusproductifs, il est soumis une pression constante pour adopter despolitiques internes relativement plus librales, autorisant davantagede proprit prive et imposant un moindre fardeau fiscal etrglementaire que ses voisins. Finalement, s'il y avait autant deterritoires indpendants que de familles, villages ou villes, les

    possibilits de sortie du territoire pour raisons conomiques seraientmaximales, et le pouvoir du gouvernement sur l'conomie intrieurele plus petit possible.

    En particulier, plus le pays est petit, et plus fortes seront lespressions pour adopter la libert des changes la place duprotectionnisme. Toute ingrence des hommes de l'Etat dans leschanges avec les non-rsidents limite par la force le domaine deschanges mutuellement avantageux entre territoires et conduit par

    consquent un appauvrissement relatif, aussi bien national qu'l'tranger. Mais plus le territoire et ses marchs intrieurs sont petits,et plus spectaculaire sera cet effet. Un pays de la taille de la Russie,par exemple, pourrait atteindre des niveaux de vie relativement levs

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    mme si elle renonait tout commerce extrieur, pourvu qu'elle sedote d'un march interne parfaitement libre pour les capitaux et lesproduits de consommation. En revanche, si la Tchtchniescessionniste venait pratiquer le mme protectionnisme, ce seraitun dsastre*. Imaginons un domaine familial comme la plus petite

    entit scessionniste concevable. En se livrant au libre change leplus total, mme le plus petit territoire peut tre totalement intgraux changes du monde et profiter de tous les avantages de laspcialisation des comptences. Ses propritaires pourraient devenirles gens les plus riches du monde. L'existence d'un seul riche, oque ce soit, en est d'ailleurs la preuve vivante. En revanche, si lamme famille dcidait de renoncer tout change entre territoires, ilen rsulterait une abjecte pauvret, voire la mort. En consquence,

    plus un territoire et ses marchs intrieurs sont petits, et plus il y ade chances pour qu'il adopte la libert des changes.

    Le scessionnisme, force de progrs

    Le scessionnisme, et le dveloppement des mouvements sparatisteset rgionalistes en Europe de l'Est et occidentale ne reprsententabsolument pas un anachronisme, mais doivent tre considrs

    comme les forces potentiellement les plus progressistes du point devue historique, particulirement quand on pense qu'avec la chute del'Union sovitique, nous sommes plus proches que jamais d'un"nouvel ordre mondial". La scession accrot la diversit ethnique,linguistique, religieuse et culturelle, alors qu'au cours de sicles de

    * L'auteur parlait originellement des rgions scessionnistes majorit serbe enCroatie. Cette majorit est partie, sa scession ayant t vaincue ; il fallait donctrouver un exemple qui ne soit pas prim.

    Il suffit par ailleurs d'empcher les changes pour provoquer la mmecatastrophe. Ceux qui croient aux "bienfaits" du protectionnisme devraientaller voir ce que donne le blocus de l'Irak pour constater ses vritables effets[F. G.].

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    centralisation, des centaines de cultures diffrentes ont t touffes.Elle mettra fin l'intgration force amene par la centralisation, etau lieu de susciter les antagonismes sociaux et le nivellement descultures, elle favorisera la concurrence pacifique, cooprative, decultures diffrentes, sur des territoires spars. En particulier, elle

    limine le problme de l'immigration, qui empoisonne de plus enplus les pays de l'Europe de l'Ouest de mme que les Etats-Unis.Aujourd'hui, chaque fois que le gouvernement central permetl'immigration, il autorise des trangers se rendre littralementsur les routes possdes par l'Etat jusqu'au pas de la porte den'importe lequel de ses rsidents, sans se soucier en rien de savoir sices rsidents-l dsirent un tel voisinage avec des trangers. La"libert d'immigrer" est donc, dans une large mesure, une intgration

    force. La scession rsout ce problme en permettant desterritoires plus petits d'avoir chacun ses propres critres d'admission,et de dterminer indpendamment avec qui ils dsirent s'associer surleur propre territoire et avec qui ils prfrent cooprer distance.Enfin, la scession favorise l'intgration et le dveloppementconomiques. Le processus de centralisation a conduit laformation d'un cartel d'Etats domin par les Etats-Unis, qui prtendgrer l'immigration, le commerce international et la monnaiefiduciaire ; des Etats de plus en plus inquisiteurs, de plus en plus

    lourds supporter, une tendance l'ingrence humanitaire et militaireau niveau mondial, la stagnation voire au dclin des niveaux de vie.La scession, si elle s'tend suffisamment, pourrait changer tout cela.Une Europe consistant en des centaines de pays, cantons et rgionsdistincts, des milliers de villes libres indpendantes comme les"bizarreries" contemporaines de Monaco, de San Marin et d'Andorre,avec un dveloppement extraordinaire des possibilits de voter avecses pieds contre une mauvaise politique conomique, ce serait une

    Europe de petits gouvernements libraux conomiquement intgrspar la libert des changes et une monnaie-marchandise internationaletelle que l'or. Ce serait l'Europe d'une croissance conomique sansprcdent et d'une prosprit inoue.

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    3 A Bas la

    Imaginez un gouvernement mondial, dmocratiquement lu

    l'chelle mondiale en suivant le principe un homme-une-voix.Que serait le rsultat probable d'une telle lection ? Le plus

    vraisemblable est que nous aurions un gouvernement de coalitionsino-indien. Et qu'est-ce que ce gouvernement serait le plus enclin faire pour complaire ses lecteurs et se faire rlire ? Ildcouvrirait probablement que l'Occident a beaucoup trop derichesses et que le reste du monde, particulirement l'Inde et laChine, bien trop peu, et par consquent mettrait en uvre une

    redistribution systmatique du revenu du riche Occident vers lepauvre Orient. Ou alors, imaginez qu'aux Etats-Unis on tende ledroit de vote aux enfants de sept ans. Le gouvernement ne seraitpeut-tre pas compos d'enfants, mais ses politiques, selon touteprobabilit, reflteraient le "souci lgitime" des enfants de disposerd'un accs "suffisant" voire "gal" des hamburgers, des limonadeset des vidocassettes "gratuits".

    I

    Je prsente ces "expriences mentales" pour illustrer les

    consquences du processus de dmocratisation qui a commenc aux

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    suffrage universel des adultes a fait chaque pays ce que ladmocratie mondiale ferait pour l'ensemble du globe : mettre enbranle une tendance apparemment permanente la redistribution durevenu et des biens.

    Un-homme-une-voix, plus la "libert d'entrer" dans l'appareild'Etat, c'est--dire la dmocratie, implique que toute personne et saproprit personnelle est mise la porte de toutes les autres, etouverte leur pillage. En ouvrant en apparence les couloirs dupouvoir politique tout le monde, la dmocratie fait du pouvoirpolitique une "res nullius", o personne ne souhaite plus qu'il soitrestreint parce qu'il espre que lui-mme, ou ceux qui lui sontfavorables, auront un jour une chance de l'exercer. Par contraste,dans les monarchies "absolues" d'Occident, quiconque ne faisait paspartie de la classe dirigeante avait peu de chances, voire aucune, d'yaccder, de sorte qu'ils s'opposaient avec vhmence touteextension du pouvoir du Monarque.

    Dans les dmocraties, en revanche, on peut s'attendre ce que lesmajorits (ceux qui "n'ont pas") tentent sans relche de se remplir lespoches aux dpens des minorits (ceux qui "ont"). Cela ne signifiepas qu'il n'y aura qu'une seule classe de gens "ncessiteux" et une

    seule catgorie de "nantis", et que la redistribution se ferauniquement des riches vers les pauvres. Bien au contraire, alors quela redistribution des riches vers les pauvres jouera toujours et partoutun rle prpondrant, ce serait une erreur sociologique que desupposer que ce sera l la seule forme ni mme la formeprdominante de la redistribution. Aprs tout, les riches"permanents" et les pauvres "permanents" le sont gnralementpour une bonne raison.

    Les riches sont en rgle gnrale intelligents et industrieux, alorsque les pauvres sont typiquement stupides, paresseux ou les deux la fois. Il n'y a pas beaucoup de chances que les imbciles, mmes'ils forment la majorit, soient systmatiquement plus malins que la

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    minorit des individus brillants et nergiques, et parviennent s'enrichir leurs dpens. Bien plutt, la plus grande partie de laredistribution se fera l'intrieur du groupe des "non-pauvres", et ilarrivera souvent que ce soient les plus riches qui arrivent se fairesubventionner par les plus pauvres. Pensez seulement la pratique

    quasi-universelle des tudes universitaires quasiment "gratuites",grce auxquelles la classe ouvrire, dont les enfants frquententrarement l'enseignement suprieur, est amene subventionner laformation des enfants de la bourgeoisie*.

    * On pourrait multiplier les exemples de ce genre :

    Les subventions aux "arts" et la "culture" profitent essentiellement une clientle aise (muses, thtres, opras, bibliothques).

    La retraite par rpartition subventionne les bourgeois et lesfonctionnaires, qui vivent plus longtemps et commencent plus tard travailler, aux dpens des ouvriers, qui travaillent plus tt et meurent vite.

    Le versement transports, qui ampute les salaires pour subventionner lestransports en commun, se retrouve dans la poche des propritairesimmobiliers voisins des lignes, ayant pour effet essentiel d'accrotre lavaleur de leurs possessions.

    L'impt sur le revenu empche les petits entrepreneurs industrieux des'enrichir, et de concurrencer les gros capitalistes dj installs.

    Le logement social est peupl par des gens en moyenne plus riches quela population dans son ensemble.

    L'universit pseudo-gratuite permet la bourgeoisie petite et moyennede forcer les ouvriers payer les tudes de ses enfants.

    Le salaire minimum interdit de travailler aux plus pauvres, pour que lesautres salaris, plus riches, touchent davantage en tant protgs de leurconcurrence.

    Le protectionnisme agricole appauvrit les acheteurs de produitsalimentaires (les plus pauvres tant ceux qui, proportionnellement, ydpensent le plus) au profit exclusif des propritaires fonciers agricoles, etd'autant plus qu'ils sont plus riches. Etc., etc., etc.

    Pour d'autres exemples, cf. David FRIEDMAN: "Robin des Bois est un vendu"dans Vers une socit sans Etat, Paris, Les Belles Lettres, 1992.

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    En outre, on peut s'attendre ce qu'il y ait un grand nombre degroupes et de coalitions pour essayer de s'enrichir aux dpens desautres. Les critres seront divers et changants pour dfinir ce quifait qu'une personne est un "possdant" (mritant d'tre pill) etqu'une autre est un "dshrit" (mritant une part du butin).

    Simultanment, les gens appartiendront une multitude de groupesde profiteurs et de victimes, perdant au titre de l'une de leurscaractristiques et gagnant grce une autre, certains se retrouvanttre des gagnants nets et d'autres des perdants nets de laredistribution politique*.

    La reconnaissance de la dmocratie comme machine populaire deredistribution des revenus et des biens, associe l'un des principesles plus fondamentaux de l'conomie savoir qu'on finit toujourspar se retrouver avec davantage de ce qui est subventionn fournit la cl pour comprendre l'poque actuelle.

    Toute redistribution, quel que soit le critre sur lequel elle sefonde, implique de prendre aux possesseurs et producteurs originels(ceux qui "ont" quelque chose) pour donner aux non-possesseurs etnon-producteurs (ceux qui "n'ont pas" la chose en question). Lesraisons que l'on pourrait avoir de devenir le propritaire initial de la

    chose considre sont alors moindres, alors que sont accrues cellesde devenir un non-possdant et un non-producteur.

    La rgle absolue, axiomatique, est que la redistribution politique estadministre par les puissants aux dpens des faibles. La rgle gnrale estqu'elle se fait auprofit de ces mmes puissants. La vraisemblance veut que siles riches ne sont pas puissants, ni les puissants riches, a ne duregnralement pas trs longtemps [F. G.].

    * Il faut ajouter que le pillage affecte ncessairement l'ensemble des parties auxcontrats qui ordonnent la coopration sociale, de sorte que rien ne garantit queles plus grands bnficiaires, et les plus grandes victimes, de la redistributionpolitique, soient ceux dsigns par les hommes de l'Etat [F. G.].

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    Tout naturellement, du fait que l'on subventionne les gens parcequ'ils sont pauvres, il y aura davantage de pauvret. Quand onsubventionne les gens parce qu'ils sont au chmage, on se retrouveavec davantage de chmeurs. Soutenir les mres clibataires avecl'argent des impts conduira un accroissement de leur nombre, de

    celui des naissances "illgitimes" et des divorces.

    Dans certains cas, ces politiques peuvent se contredire dans leurseffets. En interdisant le travail des enfants, on prend de l'argent auxfamilles avec enfants pour le donner ceux qui n'en ont pas (larestriction rglementaire de l'offre de travail fera monter lessalaires). En consquence, le taux de natalit baissera. En revanche,en subventionnant l'enseignement donn aux enfants, on prend durevenu ceux qui n'en ont pas ou peu, pour le donner ceux qui enont beaucoup. Cependant, cause du systme de prtendue "scuritsociale", la valeur des enfants va de nouveau baisser, et de mme letaux de natalit ; car en subventionnant les retraits avec desimpts pris ceux qui gagnent leur vie, l'institution de la famille le lien intergnrationnel entre les parents, les grands-parents, etles enfants est systmatiquement affaiblie. Les vieux n'ont plusbesoin de dpendre de l'assistance de leurs enfants s'ils n'ont faitaucune provision pour leurs vieux jours, et les jeunes (qui ont trs

    gnralement accumul moins de richesses) doivent soutenir lesvieux (qui ont en gnral plus de richesse matrielle) et nonle contraire, comme il est normal dans les familles. Le dsir desparents d'avoir des enfants, et celui des enfants d'avoir leursparents, vont dcliner, les familles disloques et malades semultiplier, et l'action prvoyante, l'pargne et la formation decapital, va chuter tandis que la consommation s'accrotra.

    En subventionnant les tire-au-flanc, les nvross, les ngligents,

    les alcooliques, les drogus, les sidateux, et les "handicaps"physiques et mentaux par la rglementation de l'assurance et parl'assurance-maladie obligatoire, on aura davantage de maladie, deparesse, de nvroses, d'imprvoyance, d'alcoolisme, de dpendance

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    la drogue, d'infects au sida, de mme que de tares physiques etmentales.

    En forant les non-dlinquants, y compris les victimes de lacriminalit, payer l'emprisonnement des coupables (au lieu de les

    forcer indemniser leurs victimes et payer tout ce que cote leurapprhension et leur incarcration), on aura davantage de crimes etde dlits.

    En forant les chefs d'entreprise, par des lois "contre le racisme"et la "discrimination", embaucher davantage de femmes,d'homosexuels, de noirs ou autres "minorits" qu'ils ne lesouhaiteraient, on obtiendra plus de "minorits" employes, moinsd'employeurs et moins d'emplois pour les blancs htrosexuels.

    En forant les propritaires privs, par la rglementation del'environnement, protger, c.--d. subventionner les "espcesmenaces" qui rsident sur leurs terres, on aura davantaged'animaux, mieux portants, et moins d'tres humains, qui seporteront moins bien.

    Plus important, en obligeant les propritaires privs et ceux quigagnent leur vie honntement, c'est--dire les producteurs,

    subventionner les politiciens, les partis politiques et lesfonctionnaires (les politiciens et les employs de l'Etat nepeuvent

    pas payer d'impts ; c'est pour les subventionner, eux, que lesautres les paient), il y aura moins de cration de richesses, moinsde producteurs et moins de productivit, et davantage de gaspillage,de "parasites" et de parasitisme.

    Les chefs d'entreprise et leurs employs ne peuvent pas gagner unsou s'ils ne produisent pas des biens et des services qui sont vendus

    sur le march. En achetant volontairement un bien ou un service, lesacheteurs dmontrent qu'ils prfrent ce bien ou ce service lasomme d'argent qu'ils doivent remettre pour l'acqurir. A l'inverse,les politiciens, les partis et les fonctionnaires ne produisent rien qui

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    soit librement vendu sur des marchs. Personne n'achte les "biens"et les "services" des hommes de l'Etat. Ils sont fournis, et on subitdes charges* pour qu'ils les soient, mais personne ne les achte etpersonne ne les vend. Cela implique qu'il est impossible dedterminer leur valeur et donc d'tablir si oui ou non cette valeur

    justifie les charges encourues. Comme personne ne les achte, il n'ya personne qui dmontre effectivement qu'il considre que les

    * L'auteur parle de "costs", qui se traduit normalement par "cot". Mais lui-mme serait le premier rappeler que le "cot" est une valeur ressentie parl'auteur d'une action au moment o il agit : la valeurpour lui de son deuximemeilleur choix, auquel il choisit de renoncer. Or, justement, le dcideur"public" est celui qui ne subit pas les consquences de ses actions. Pardfinition, il est institutionnellement irresponsable. Que ferait-il si, comme un

    monarque absolu, il tait soi-disant propritaire du royaume et subissait enprincipe les consquences de son choix ? La seule manire de le savoir est dertablir sa responsabilit, c'est--dire d'abolir le caractre "public" des dcisionsd'intrt commun.

    Mme irresponsabilit chez les gens normaux, financiers forcs de cettedcision. On trouvera certainement des contribuables (ou des acheteurs lsspar quelque monopole), dment intimids par la propagande du pouvoir, pourdire qu'ils l'"approuvent". Mais cette opinion-l ne peut pas tre informe lahauteur des enjeux. En effet, quel est leur seul vritable choix ? "Accepter" lasituation ou en prouver un sentiment de rvolte impuissante : ils sont dans la

    situation du cocu qui, ne pouvant rien y faire, a pour meilleure solution derefuser de savoir qu'il l'est. Combien d'entre eux feraient la dpense,"achteraient" le service s'ils en avaient effectivement le choix ? S'ilspouvaient refuser leur argent, ou refuser que les autres paient leur place ? Laseule manire de le savoir est que ce choix, justement, leur soit laiss. Que ladcision cesse d'tre "publique", pour redevenir prive.

    Conclusion : le "cot" matriel de la dcision de "produire" titre "public" n'estpas le vrai cot effectivement subi par le dcideur, et n'est pas un cot pourcelui qui paie. En fait, il n'a rien voir avec ce qu'on doit dpenser commeressources pour "produire" : il faut donc bien employer un autre mot pour

    dsigner les dommages que cette "production" nous cause. En outre, le mot de"pertes" (comme celui de "profit") est strictement associ l'inattendu, l'imprvu, l'incertitude ; or, la dcision publique peut tre prvue, et on peutmme surestimersa nocivit, ce qui peut conduire par la suite constater un

    profit si elle est moins nuisible qu'on ne le pensait. J'ai donc choisi de parler de

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    produits et les services des hommes de l'Etat justifient les chargescorrespondantes ni mme si oui ou non qui que ce soit leur attribueune valeur quelconque*.

    Du point de vue de la thorie conomique, par consquent, il est

    compltement illgitime de supposer, comme on le fait toujours encomptabilit nationale, que les produits et services des hommes del'Etat vaudraient "autant qu'il en a cot de les produire", pourensuite additionner benotement cette "valeur" celle des biens etservices normaux, produits (achets et vendus) titre priv pourarriver un "Produit National Brut". On pourrait aussi biensupposer que les produits et les services des hommes de l'Etat nevalent rien du tout, ou mme que ce ne sont absolument pas des"biens" mais des "nuisances"** et que, par consquent, la charge despoliticiens et de toute la fonction publique doit tre soustraite de lavaleur totale des biens et des services produits titre priv. En fait,raisonner ainsi serait de loin plus justifi.

    Pour ce qui est de ses implications pratiques, subventionner lespoliticiens et les fonctionnaires revient une subvention pour"produire" presque sans gard aucun pour la satisfaction de sesprtendus "consommateurs", et avec un souci quasi-exclusif du bien-

    tre des prtendus "producteurs", c'est--dire des politiciens et desfonctionnaires. Leur salaire demeure le mme, que leur produitsatisfasse ou non le consommateur. En consquence, le rsultatd'une expansion du secteur public sera toujours plus de paresse, dengligence, d'incomptence, de mauvais service, de mauvaistraitements, de gaspillage, voire de destruction et en mme temps

    "charges" [F. G.].

    * a prouve au moins que leshommes de l'Etat lui attribuent de la valeur. C'estpourquoi Murray ROTHBARD inscrivait la dpense tatique au titre de laconsommation personnelle (d'argent vol aux autres) des hommes de l'Etat[F. G.].

    * *Pas trop difficile d'imaginer des exemples... [F. G.].

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    davantage d'arrogance, de dmagogie, et de mensonges ; parexemple : "le service public est au service du public."

    Aprs moins d'un sicle de dmocratie et de redistributionpolitique, les rsultats prvisibles sont l. Le "fonds de rserve" de

    richesse et de capital, hrit des sicles prcdents d'activitproductive dans un march relativement libre, est presque puis.Depuis plusieurs dcennies, depuis la fin des annes 1960 ou ledbut des annes 1970, les niveaux de vie rels stagnent ou mmebaissent en Occident. La dette publique et le cot des systmesexistants de scurit sociale ont amen la perspective d'uneffondrement conomique imminent. En mme temps, presque toutesles formes de conduite indsirable chmage, dpendance,ngligence, imprvoyance, incivilit, psychopathie, hdonisme etdlinquance se sont dveloppes des niveaux dangereux. Si lestendances actuelles se poursuivent, on ne risque rien dire quel'Etat-providence occidental, c'est--dire la dmocratie sociale,s'effondrera tout comme le socialisme oriental, la sovitique, s'esteffondr la fin des annes 1980.

    Malheureusement, la catastrophe conomique ne conduit pasautomatiquement l'amlioration. Au lieu de s'amliorer, il se peut

    tout fait que les choses aillent plus mal. Ce qu'il faut avoir unefois la crise arrive, ce sont des ides et des hommes capablesde les comprendre et de les mettre en uvre lorsque l'occasion s'enprsente. En dernire analyse, le cours de l'histoire est dterminpar des ides, qu'elles soient justes ou fausses, et par les hommesdont elles inspirent les actes.

    La dbcle actuelle est elle aussi le produit des ides. Elle est lersultat d'une acceptation massive, par l'opinion publique, de l'ide

    de dmocratie. Aussi longtemps que cette adhsion est dominante, lacatastrophe est invitable ; et il n'y aura pas d'espoir d'amliorationmme aprs qu'elle sera arrive. En revanche, si on reconnat quel'ide dmocratique est fausse et perverse et les ides, en

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    principe, on peut en changer instantanment, la catastrophe peuttre vite.

    La tche essentielle qui attend ceux qui veulent renverser lavapeur et empcher la destruction complte de la civilisation est de

    d-lgitimer l'ide de la dmocratie, c'est--dire de dmontrer que ladmocratie est la cause fondamentale de la situation actuelle de d-civilisation rampante. Dans ce but, il faut d'abord faire remarquerqu'il est difficile de trouver beaucoup de partisans de la dmocratiedans l'histoire de la thorie politique. Presque tous les grandspenseurs n'avaient que mpris pour la dmocratie. Mme les Presfondateurs de la Constitution amricaine, que l'on considreaujourd'hui tort comme des dfenseurs de la dmocratie, ytaient strictement opposs. Sans aucune exception, ils taientd'accord avec ARISTOTE pour reconnatre que la dmocratie n'est riend'autre que le rgne de la canaille. Ils entretenaient plutt, commeJEFFERSON, l'ide d'une "aristocratie naturelle" dont ils pensaient fairepartie, et prnaient en consquence une rpublique aristocratique.

    Mme parmi le petit nombre de dfenseurs thoriques de ladmocratie dans l'histoire de la pense politique, comme ROUSSEAU,il est presque impossible de trouver qui que ce soit pour prner la

    dmocratie ailleurs que dans de toutes petites communauts. En fait,dans les villages et dans les villes o tout le monde connatpersonnellement tous les autres, pratiquement personne ne peutmanquer d'admettre que la position des "possdants" a forcmentquelque chose voir avec des capacits suprieures, de mme que lasituation des "dshrits" est lie une infriorit, des dficiencespersonnelles. Dans ces conditions-l, il est beaucoup plus difficilede faire passer l'ide de piller les autres et leur proprit des finspersonnelles. A l'inverse marqu, dans de vastes territoires

    comprenant des millions voire des centaines de millions depersonnes, o les candidats au pillage ne connaissent pas leursvictimes et vice-versa, le dsir humain de s'enrichir aux dpens desautres n'est plus soumis aucune gne.

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    Plus important encore, il faut souligner que la dmocratie estimmorale en plus d'tre anti-conomique. Pour ce qui est du statutmoral de la rgle majoritaire, il faut faire remarquer qu'elle permetque Dupond et Durand s'acoquinent pour voler Duschmolle ; demme, que Duschmolle et Dupond s'entendent pour voler Durand,

    et encore que Durand et Duschmolle complotent contre Dupond. Cen'est pas de la "justice", mais une infamie, et bien loin de traiteravec respect les dmocrates et la dmocratie, il faudrait les jugeravec mpris et les fustiger pour leur escroquerie intellectuelle etmorale.

    En ce qui concerne les traits conomiques particuliers de ladmocratie, il faut rappeler sans relche que ce n'est pas ladmocratie mais la proprit prive, la production et l'changevolontaire qui sont les vritables sources de la civilisation et de laprosprit humaines. En particulier, et contrairement un mytherpandu, il faut souligner que l'absence de dmocratie n'a tabsolument pour rien dans la faillite du socialisme sovitique. Cen'tait pas la manire de choisir les politiciens qui constituait leproblme du socialisme rel. C'tait la politique elle-mme, et lapolitisation des dcisions en tant que telle.

    Au lieu que chaque producteur priv dcide indpendammentquoi faire de ressources particulires, comme dans un rgime deproprit prive et de contractualisme, avec des facteurs deproduction compltement ou partiellement socialiss chacune de cesdcisions ncessite l'autorisation de quelqu'un d'autre. Peu importeau producteur comment sont choisis ceux qui donnent cettepermission. Ce qui compte, pour lui, c'est qu'il ait demander lapermission. Aussi longtemps que c'est le cas, l'incitation desproducteurs produire est rduite et l'appauvrissement doit en

    rsulter. La proprit prive est aussi incompatible avec ladmocratie qu'elle l'est avec toute autre forme de dominationpolitique. A la place de la dmocratie, ce qu'exigent la justice aussibien que l'efficacit conomique, c'est une socit de proprit

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    prive stricte et non entrave une "anarchie de production" dans laquelle personne ne vole personne, et o toutes les relationsentre producteurs sont volontaires, et par consquent mutuellementavantageuses.

    Enfin, pour ce qui est des considrations stratgiques, pourapprocher le but d'un ordre social non-exploiteur, c'est--dire uneanarchie de proprit prive, l'ide majoritaire doit tre retournecontre la domination dmocratique elle-mme.

    Sous toutes les formes de domination tatique, y compris ladmocratie, la classe dirigeante des politiciens et des fonctionnairesne reprsente qu'une faible fraction de la population. Alors qu'il estpossible qu'une centaine de parasites vivent une vie confortable sur

    le produit d'un millier d'htes, un millier de parasites ne peut pasvivre sur le dos d'une centaine d'htes. A partir de la reconnaissancede ce fait, il apparatrait possible de persuader une majorit deslecteurs que c'est ajouter une honte au prjudice subi que depermettre ceux qui vivent des impts des autres de dterminerquel sera leur montant ; on pourrait alors, par un vote majoritaire,retirer le droit de vote tous les fonctionnaires et tous ceux quivivent de l'argent de l'Etat, qu'ils soient parasites des systmes

    sociaux ou fournisseurs des administrations.En liaison avec cette stratgie, il est ncessaire de reconnatre

    l'importance primordiale de la scession et des mouvementsscessionnistes. Si les dcisions majoritaires sont "justes", alors laplus vaste de toutes les majorits possibles, une majorit mondiale etun gouvernement dmocratique mondial, doivent reprsenter la"justice" suprme, avec les consquences prdites au dbut. Al'inverse, la scession implique la rupture de petites populations

    d'avec des populations plus grandes. Elle constitue par consquentun vote contre le principe de la dmocratie et du majoritarisme. Plusloin le processus de scession se poursuivra au niveau des petitesrgions, des villes, des quartiers, des bourgs, des villages, et

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    4 L'analyse de classe

    marxiste et celle desautrichiens*

    Le reproche principal que l'on peut faire aujourd'hui au marxismec'est d'avoir, par ses erreurs, ses crimes et son effondrement final,

    presque compltement discrdit une vision conflictuelle de l'histoiresociale et une dnonciation des classes exploiteuses qui sont

    pourtant plus pertinentes et plus urgentes que jamais.

    Cette analyse de classe, cette dnonciation des exploiteursappartiennent la tradition de la libert naturelle. MARX n'a faitque la neutraliser et la pervertir au profit des vrais oppresseurs, enl'asservissant une dfinition absurde de l'exploitation, ainsi qu'une mprise tragique sur l'identit des exploiteurs et la nature deleur pillage [F. G.].

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    Voici ce que j'entends faire dans cet article : tout d'abord,

    prsenter les thses qui constituent le noyau dur de la thorie marxistede l'histoire. J'affirme que toutes sont justes pour l'essentiel. Ensuite,

    je montrerai comment, dans le marxisme, ces conclusions correctessont dduites d'un point de dpart erron. Enfin, je montreraicomment l'cole autrichienne, dans la tradition de von MISES etROTHBARD, peut donner une explication correcte, quoique

    catgoriquement diffrente, de leur validit.Commenons par le noyau dur du systme marxiste1:

    "L'histoire de l'humanit est l'histoire de la lutte des classes2"C'est l'histoire des luttes entre une classe dirigeante relativementrestreinte et une classe plus large d'exploits. La premire formed'exploitation est conomique : la classe dirigeante exproprie unepartie de la production des exploits ou, comment disent les

    *Journal of Libertarian Studies, Vol IX n2, automne 1990. Repris commechapitre 4 de The Economics and Ethics of Private Property (Boston : KluwerAcademic Publishers, 1993).

    1 Cf. sur ce qui suit : Karl MARX& Frederick ENGELS, The Communist Manifesto(1848) [Manifeste du Parti communiste] ; Karl MARX, Das Kapital, 3 t. (1867,1885, 1894) [Le Capital] ; pour des marxistes contemporains, Ernest Mandel,

    Marxist Economic Theory (Londres, Merlin, 1962) ; Late Capitalism(Londres :New Left Books, 1975) ; P. BARAN/P. SWEEZY, Monopoly Capital(New York :Monthly Review Press, 1966). Pour un point de vue non marxiste, LeszekKOLAKOWSKI, Main Currents of Marxism(Oxford : Clarendon Press, 1976-78) ;G. WETTER, Sovietideologie heute, t. 1 (Francfort/M. : Fischer, 1962) ;W. LEONHARD, Sovietideologie heute, t. 2, (Francfort/M. : Fischer, 1962).

    2 Manifeste du Parti communiste (1 partie).

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    marxistes, "elle s'approprie un surplus social" et en dispose sesfins propres de consommation.

    La classe dirigeante est unie par son intrt commun maintenir sa position exploiteuse et accrotre au maximum son

    surplus d'exploitation. Elle n'abandonne jamais dlibrment sonpouvoir ni son revenu d'exploitation. Bien au contraire, on nepeut lui faire perdre pouvoir et revenu, que par la lutte, dont lersultat dpend de la conscience de classe des exploits, c'est--dire de la mesure dans laquelle ces exploits sont conscients deleur propre sort et sont consciemment unis avec les autresmembres de leur classe dans une opposition commune leurexploitation.

    La domination de classe se manifeste principalement par desdispositions spcifiques sur l'affectation des droits de propritou, dans la terminologie marxiste, par des "relations deproduction" particulires. Pour protger ces dispositions ourelations de production, la classe dirigeante forme et dirige l'Etatcomme l'appareil de contrainte et de coercition. L'Etat impose etcontribue reproduire une structure de classe donne parl'administration d'un systme de "justice de classe", et favorise lacration et l'entretien d'une superstructure idologique destine

    fournir une lgitimit au systme de domination de classe.

    A l'intrieur, le processus de concurrence au sein de la classedirigeante engendre la tendance une concentration et unecentralisation croissantes. Un systme polycentrique d'exploitationest progressivement remplac par un systme oligarchique oumonopolistique. De moins en moins de centres d'exploitationdemeurent en fonction, et ceux qui restent sont de plus en plusintgrs dans un ordre hirarchique. A l'extrieur, c'est--dire

    vis--vis du systme international, ce processus interne decentralisation conduira (avec d'autant plus d'intensit qu'il seraplus avanc) des guerres imprialistes entre Etats et l'expansion territoriale de la domination exploiteuse.

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    Finalement, la centralisation et l'expansion de la dominationexploiteuse se rapprochant progressivement de sa limite ultime dedomination mondiale, la domination de classe sera de moins enmoins compatible avec le dveloppement et l'amliorationultrieures des "forces productives". La stagnation conomique et

    les crises deviennent de plus en plus caractristiques et crent les"conditions objectives" pour l'mergence d'une conscience declasse rvolutionnaire chez les exploits. La situation devientmre pour l'tablissement d'une socit sans classes, le"dprissement de l'Etat", le remplacement du "gouvernement deshommes par l'administration des choses1", et il en rsulte uneincroyable prosprit.

    Toutes ces thses peuvent faire l'objet d'une justificationparfaitement satisfaisante, comme je vais le montrer. Maismalheureusement, c'est le marxisme, lequel souscrit chacuned'entre elles, qui a plus fait que n'importe quel systme idologiquepour les discrditer, en les dduisant d'une thorie de l'exploitationdont l'absurdit est patente.

    En quoi consiste cette thorie marxiste de l'exploitation ? PourMARX, des systmes sociaux prcapitalistes tels que l'esclavagisme

    et la fodalit sont caractriss par l'exploitation. Jusqu'ici, pasd'objection ; l'vidence, l'esclave n'est pas un travailleur libre, eton ne peut pas dire qu'il gagne tre rduit en esclavage. Bien aucontraire, sa satisfaction en est rduite pour accrotre la richesse deson matre. L'intrt de l'esclave et celui de son matre sont donc,pour dire le moins, antagonistes. Il en est de mme des intrts duseigneur fodal qui exige du paysan un loyer pour la terre que lui-mme (le paysan) avait t le premier mettre en valeur pour son

    1 Manifeste du Parti communiste (section 2, 2 derniers paragraphes) F. ENGELS,Von der Autoritt, in: K. MARX/F. ENGELS, Ausgewhlte Schriften, 2 t. (Berlin-Est : Dietz, 1953), vol. 1, p. 606 ; du mme, Die Entwicklung von der Utopie

    zur Wissenschaft, ibid. t. 2, p. 139.

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    propre compte. [Lorsqu'il a vol sa terre et sa libert] le gain duseigneur a t la perte du paysan. Et il n'est pas non plus douteuxque l'esclavage aussi bien que la fodalit entravent ledveloppement des forces productives. Ni l'esclave ni le serf neseront aussi productifs qu'ils le seraient en l'absence d'esclavage ou

    de servage.

    Non ; la seule ide nouvelle de MARX est que pour l'essentiel rienne change pour ce qui est de l'exploitation dans un systmecapitaliste, c'est--dire lorsque l'esclave devient un travailleur libre,ou si le paysan dcide de cultiver une terre qu'un autre a t lepremier mettre en valeur, et paie un loyer [fermage, etc.] enchange du droit de le faire. Il est vrai que MARX, dans le fameuxchapitre 24 du premier tome de son Kapital, donne un compte-rendude l'apparition du capitalisme qui entend dmontrer qu'une grandepart, sinon la plupart de la proprit capitaliste initiale rsulte dupillage, de l'accaparement des terres et de la conqute. De mme,dans le chapitre 25 sur la "thorie moderne du colonialisme", ilsouligne lourdement le rle de la force et de la violence dansl'exportation du capitalisme [vers ce que nous appellerions] le Tiers-monde. On veut bien que tout cela soit grosso modo exact, et dans lamesure o a l'est, on ne cherchera pas querelle quiconque

    appellerait "exploiteur" ce capitalisme-l*

    . Cependant, on doit resterconscient du fait qu'ici, MARX se livre une manipulation. En se

    * Exceptionnellement, HOPPE manque ici une occasion de dnoncer uneincohrence chez ceux qu'il critique : dcrire comme "capitalistes" desentreprises finances par le vol est absolument incompatible avec la dfinition par les marxistes eux-mmes ! du capitalisme comme "systme de laproprit prive". Car, n'en dplaise aux interventionnistes de tout poil, desingnieurs sociaux aux pseudo-conservateurs protectionnistes en passant par

    les "thoriciens du droit de proprit" de l'cole de Chicago (cf. infra : "HAYEKdmocrate-social"), un principe de proprit prive qui serait valide saufquand les puissants choisissent de le violer, c'est comme "s'arrter de fumer"plusieurs fois par jour : du nonsense britannique, mais aussi, de ce fait, unecontradiction avre.

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    lanant dans toutes ces recherches historiques pour exciterl'indignation du lecteur sur les brutalits commises en constituant laplupart des fortunes capitalistes, il esquive en ralit la questionqui fait l'objet du dbat. Il dtourne notre attention du fait que sathse est en fait essentiellement diffrente, savoir que, mme si

    nous avions un capitalisme "propre", c'est--dire un capitalisme danslequel l'appropriation originelle du capital ne rsulte de rien d'autreque de la premire mise en valeur, du travail et de l'pargne, lecapitaliste qui embaucherait des travailleurs avec ce capital-l n'enserait pas moins un exploiteur. En fait, MARXconsidrait mme sadmonstration de cette thse comme sa contribution la plusimportante l'analyse conomique.

    Quelle est donc sa fameuse dmonstration du caractre exploiteurd'un capitalisme propre ?

    Elle consiste observer que les prix des facteurs de production, etnotamment les salaires pays aux travailleurs par les capitalistes,sont plus faibles que les prix des produits vendus. Le travailleur, parexemple, touche un salaire reprsentant des biens de consommationqui peuvent tre produits en trois jours, mais travaille en fait cinq

    jours pour ce salaire-l, et produit donc en biens de consommation

    davantage qu'il ne reoit comme rmunration. La production de ces

    Nous avons donc l au contraire une absurdit standard de l'anticapitalisme et qui fait justement partie de la confusion marxiste dnonce par HOPPE,(que ses tenants se reconnaissent consciemment comme marxistes ou qu'ilss'ignorent comme tels), entre le capitalisme, qui respecte et fait respecter laproprit, et la viol